Voies navigables de France (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux Voies navigables de France.
Discussion générale
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. - Le transport fluvial français va franchir une étape décisive : nous avions le choix entre perdre de la compétitivité par rapport à l'Europe du Nord et réaliser une réforme. Le Gouvernement a préféré l'action à l'immobilisme, pour porter la part du transport fluvial à 22 % du fret, conformément au Grenelle de l'environnement.
Il était temps de renforcer les moyens et les compétences de Voies navigables de France (VNF), qui ne maîtrise pas sa gestion.
Le futur établissement bénéficiera d'une unité de gestion, gage de rigueur et d'efficacité. Les anciens agents de l'État conserveront leurs avantages, mais l'embauche de salariés privés restera possible.
Un point d'équilibre a été atteint dans la rédaction et le risque d'inconstitutionnalité est exclu dans la représentation des salariés dans les organes de gouvernance, suivant le protocole d'accord conclu avec les syndicats.
De nombreux amendements ont, au Sénat, enrichi le texte du Gouvernement, affirmant mieux la contribution de VNF au développement du transport fluvial, conformément au Grenelle de l'environnement.
Le Sénat craignait un changement de métier de VNF, une position partagée par le Gouvernement, qui a donc veillé à apporter au texte les garanties nécessaires.
Ainsi, VNF pourra réaliser des opérations d'aménagement en lien avec les collectivités territoriales.
L'Assemblée nationale a souhaité créer une interprofession dans le domaine du transport fluvial. Il s'agit d'un enjeu stratégique dans un marché européen très concurrentiel. La coopération transfrontalière existante, je pense en particulier aux ports rhénans, sera préservée.
Vous allez vous prononcer aujourd'hui sur un texte qui favorise le report modal en France. Je salue la qualité du travail parlementaire, à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Souhaitons que ce texte contribue à relancer l'utilisation économique de la voie d'eau. (Applaudissements à droite et sur le banc de la commission)
M. Francis Grignon, rapporteur de la commission de l'économie. - Le 20 décembre, votre commission a adopté sans modification la rédaction de l'Assemblée nationale, qui nous avait largement suivis.
Étant donné le calendrier des travaux parlementaires, le mieux est d'adopter ce texte conforme plutôt que de prolonger la navette.
Ce projet de loi est conforme à l'accord passé avec les représentants des 400 salariés de droit privé et des 4 000 agents de droit public concernés. Nous avons conforté, en première lecture, les avancées obtenues par les syndicats. Notre responsabilité est de ne pas retarder le processus. CGT en tête, les syndicats préfèrent ce texte, même perfectible, à l'absence de texte.
VNF deviendra un établissement public exerçant certaines missions régaliennes ; la gestion du domaine public fluvial est confiée à VNF, non transférée en pleine propriété ; les organismes de représentation du personnel seront modifiés dans un sens accepté par les syndicats ; nous avons rappelé le rôle des voies secondaires ; aucun agent ne subira de mobilité géographique imposée. Ainsi, le texte préserve les cinq points de l'accord social.
Les députés ont conféré la personnalité juridique à un comité technique unique. Les salariés de droit privé pourront continuer à gérer leurs activités sociales et culturelles.
Les députés ont autorisé les ports fluviaux à conduire des opérations de coopération transfrontalière : je m'en réjouis car, dans ma région, la coopération entre les ports rhénans est quotidienne. (M. Thierry Mariani, ministre, approuve)
Enfin, les députés ont autorisé la reconnaissance par le ministère d'une organisation interprofessionnelle de la filière fluviale : nous y sommes favorables.
J'en viens aux amendements déposés en séance aujourd'hui, relatifs aux actions de VNF pour valoriser le domaine public fluvial.
Les députés ont supprimé la référence à la construction d'une « quantité minimale de logements » ; ils ont imposé à VNF de constituer des réserves foncières en vue de futurs aménagements utiles au trafic fluvial.
En première lecture, j'avais critiqué le flou d'une obligation de construire un nombre minimum de logements ; les députés ont conservé la notion d'organisme public d'aménagement et l'obligation de respecter les schémas d'aménagement. Désormais, les collectivités territoriales seront consultées pour toute opération immobilière.
J'en viens à la création de filiales par VNF. La rédaction initiale transposait une compétence actuelle de VNF en tant qu'Épic. Contre mon avis, la faculté de créer des filiales avait été réduite en séance, imposant une majorité de capitaux publics. Les députés ont restreint cette obligation aux filiales et sociétés chargées d'opérations d'aménagement. Si une opération comme Port Rambaud à Lyon a pu faire appel à la Caisse des dépôts, d'autres exigeront en effet le recours au privé.
Le raisonnement des députés est acceptable, ouvrant à VNF la possibilité d'agir au sein de sociétés à capitaux majoritairement privés pour les opérations secondaires.
Pour ces raisons, je vous invite à voter le texte dans la rédaction de l'Assemblée nationale. (Applaudissements à droite et sur le banc de la commission des lois)
M. Jean-François Husson. - Ce texte important est opportun. Il devrait réunir un consensus, vingt ans après la création de l'Épic VNF, doté en décembre d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance.
Nous approuvons l'intermodalité, ainsi que le développement du transport de marchandises sur des voies à grand gabarit. Cette réforme est destinée fort justement à améliorer la gouvernance de VNF grâce à des prérogatives renforcées.
Je salue la signature d'un accord social équilibré et prometteur.
VNF s'apprête à devenir un acteur complet et responsable de la voie d'eau. Je regrette toutefois que, par une certaine frilosité, le domaine public fluvial ne lui soit pas transféré en pleine propriété.
Comme sénateur de Meurthe-et-Moselle, je me félicite de l'élaboration de la première plate-forme multimodale sur la Moselle.
Cette réforme ne trouvera son sens que dans le cadre des orientations stratégiques examinées par le Conseil économique, social et environnemental (Cese). La concertation prévue par le Grenelle sera bientôt engagée pour le tronçon Bray-sur-Seine - Nogent-sur-Seine. Les travaux du canal Seine-Nord vont commencer cette année.
Je me félicite que la liaison Saône-Moselle et Saône-Rhin soit érigée en priorité. Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, comment la réforme de VNF favorisera la réalisation notamment de ce projet, sur lequel le débat public doit être lancé dans un an ?
M. Philippe Esnol. - Nous avons été saisis en première lecture à l'automne 2011 de ce texte auquel j'attache un grand intérêt comme maire de Conflans-Sainte-Honorine, capitale de la batellerie française.
Ce n'est pas un hasard si mon illustre prédécesseur, Michel Rocard, a été, en 1991, à l'origine de VNF.
J'approuve le maintien de cette appellation en raison de la bonne image de VNF.
Avons-nous amélioré de projet de loi à la portée limitée ? VNF évoluera dans le respect de ses missions, avec une nouvelle gouvernance, en tant qu'établissement public administratif. En première lecture le ministre n'a pu justifier ce choix, en préférence à un Épic.
En première lecture, les interrogations sur la gestion du personnel ont été levées. Mais sur certains points les députés n'ont pas fait preuve de la même exigence que nous.
Il nous reste donc à introduire certains garde-fous, notamment pour éviter une dispersion excessive de VNF via la création de filiales pour la participation à des sociétés de capitaux majoritairement privés. Nous voulons aussi conforter le respect des Scot et PLU pour les opérations d'aménagements.
Enfin, ce texte n'aborde pas l'essentiel : le développement du transport fluvial, un secteur où la France est très en retard, notamment sur le plan des infrastructures.
Ce texte vient tard. Nous souscrivons au principe de relancer la voie d'eau, mais cette promesse ne doit pas rester lettre morte !
Nos infrastructures n'ont pas été modernisées depuis le plan Freycinet de 1920... L'enjeu est vital !
Conflans-Sainte-Honorine va lancer une grande opération d'intérêt national avec Ports de Paris, pour créer une grande liaison moderne entre Le Havre et l'Île-de-France. L'enjeu de la modernisation du réseau est immense, du grand gabarit aux voies secondaires.
Nous avons beaucoup entendu parler de plans de relance de la voie d'eau, sans rien voir venir.
Dans un esprit constructif, et par respect de la démocratie sociale, nous voulons voter ce texte rapidement, tout en regrettant le manque d'ambition pour le transport par voie d'eau. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Mireille Schurch. - Au terme de ce processus législatif, les moyens de développer le transport fluvial restent négligés, dans un projet de loi dont l'objet exclusif est de regrouper les 400 agents privés de VNF et les 4 400 agents de droit public qui travaillent dans les services de la navigation.
Le premier projet n'était qu'un texte d'externalisation des missions de l'État, avant privatisation. Nous saluons le protocole d'accord signé avec les organisations syndicales, tout en regrettant le maintien de l'appellation VNF qui a pu faire craindre aux agents de l'État d'être aspirés par l'ancienne VNF.
Heureusement, la tentative de transférer le domaine public fluvial a échoué.
Le comité technique unique comportera trois formations : une pour les salariés de droit public, une pour ceux de droit privé, une formation plénière pour les sujets d'intérêt commun.
Le choix d'un EPA est cohérent avec les missions de la nouvelle agence. Mais nous déplorons que les députés aient restreint la part de capital public pour les filiales de VNF et les sociétés auxquelles l'agence pourra participer.
Pour l'essentiel, nous regrettons l'absence de toute référence aux moyens de relancer la voie d'eau. Malgré le préambule du protocole d'accord, nous craignons que les investissements envisagés ne soient pas réalisés : nous restons loin d'un plan national en faveur du rééquilibrage modal.
Sur le fond, nous refusons que le jeu de la valorisation financière soit analogue à celui institué pour RFF. Nous déplorons que le Gouvernement ait décidé de ne plus recruter d'ouvriers d'Etat : le Cese a demandé l'arrêt de la RGPP et une évaluation globale des moyens des politiques publiques. En creux, le premier objectif de la réforme consiste à réduire les coûts par une rationalisation du nombre de postes en totale opposition avec l'objectif affiché de relancer la voie d'eau : le contrat de performance fait référence à la RGPP, conformément à une logique d'austérité, qui enfonce notre pays dans la crise. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Michel Baylet. - « On entend le souffle du vent dans les branches des platanes et le clapotis de l'eau tandis que le bleu du ciel illumine les champs de blé : c'est un instant magique dont on peut profiter su le Canal du midi ». Ainsi le Spiegel vante-t-il les charmes du canal, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco.
Hélas ! Cette idylle pourrait prendre fin. Les 40 000 platanes devront être abattus d'ici une vingtaine d'années car ils sont attaqués par le chancre coloré. VNF est loin de pouvoir faire face à ce désastre. Mme Kosciusko-Morizet a proposé de recourir au mécénat. Mais l'État doit montrer l'exemple !
On nous propose de planter une nouvelle espèce, résistante à la maladie ou des tilleuls et des frênes qui ne sont pas vraiment des espèces de la région... Je regrette le non-engagement de l'État pour sauver ce site historique et exceptionnel. Vous avez dit, monsieur le ministre, que 37 millions d'euros avaient été investis dans les canaux du sud-ouest. Cela ne suffit pas !
Le Canal du midi ne mérite son nom qu'entre Toulouse et Sète : c'est le canal latéral à la Garonne entre Toulouse et Bordeaux mais mieux vaudrait l'appeler par son nom, le Canal des deux mers.
Venons-en au texte d'aujourd'hui.
La commission de l'économie a approuvé les modifications introduites par les députés. Nul ne conteste l'objectif consistant à regrouper le personnel public et privé, puisqu'une meilleure gouvernance de VNF contribuera à l'exercice des nouvelles missions. En 2010, VNF a élaboré un plan stratégique à l'horizon 2018.
La réforme de la gouvernance favorisera la bonne gestion de l'établissement, mais de quels moyens disposera-t-il ? Le Gouvernement annonce 840 millions d'investissements sur un total de 2,5 milliards d'euros à l'horizon 2018, financés par la taxe hydraulique, qu'il a plafonnée... Il reste à vérifier la sincérité de ses engagements, alors qu'il a déjà fermé de nombreux canaux dans le cadre de la RGPP.
Nous avons besoin d'une grande loi en faveur de la voie d'eau, associant les collectivités territoriales.
Les membres du groupe du RDSE ne sont pas opposés à la réforme de VNF mais ils attendent un engagement de l'État à la hauteur des enjeux, notamment pour le Canal des deux mers.
Par esprit constructif, ils voteront ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Rapporteur spécial des crédits concernés, je me réjouis de cette traduction concrète des engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du Grenelle, pour renforcer la part du transport fluvial.
La relance de la voie d'eau s'impose pour le fret, comme solution respectueuse de l'environnement. Le transport fluvial consomme trois à quatre fois moins de pétrole, émet trois à quatre fois moins de CO2 que la route. Depuis le Grenelle de l'environnement, la voie fluviale est au coeur de l'alternative au tout routier. Le Grenelle a marqué un tournant pour nos voies navigables, car la France est en retard pour la desserte fluviale des ports maritimes. Il faut structurer leur hinterland, en améliorant les liaisons et en développant les ports intérieurs, véritables pôles industriels et logistiques distribuant les flux sur le territoire.
La réforme du service public de la voie d'eau complète la réforme portuaire de 2008. A quoi s'ajoute l'indispensable modernisation de la batellerie ; la flotte fluviale française n'est pas aussi solide que celles des pays voisins.
Les moyens affectés à la voie d'eau par l'État et dans les contrats État-région ont été renforcés. La liaison Seine-Nord-Europe lèvera dès 2017 un des principaux goulets d'étranglement du réseau européen ; la Seine sera alors reliée aux 20 000 kilomètres européens à grand gabarit. Ce maillage renforcé favorisera l'essor du transport fluvial et renforcera l'attractivité de nos ports maritimes et fluviaux.
Le défi économique et écologique est de rattraper nos voisins du Nord. Un opérateur mieux armé s'y attellera désormais. C'est pourquoi le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Roland Ries. - Le Gouvernement a déposé en août dernier un texte très en deçà des attentes, essentiellement pour regrouper en un seul établissement les salariés de droit privé et ceux de droit public. Statut des personnels et missions font le coeur de ce texte. Les deux chambres poursuivent le même objectif : promouvoir et relancer la voie d'eau.
Parmi les nouvelles dispositions introduites à l'Assemblée nationale, je m'attarderai sur les opérations de coopération transfrontalières inscrites à l'article 4, alinéa 2. Elles sont d'un grand intérêt le long du Rhin. La question sensible est celle du transfert du domaine public en pleine propriété à VNF. Les partenaires sociaux y sont opposés, craignant le bradage de pans entiers du domaine sans que le Parlement ni les élus aient leur mot à dire. Pourtant, le transfert aurait permis à VNF de trouver de nouvelles sources de revenus. Nous pourrions nous inspirer le moment venu du régime applicable au domaine dont la SNCF est affectataire ; l'occasion en sera peut-être la grande loi fluviale que nous appelons de nos voeux. Le texte d'aujourd'hui n'épuise pas tous les sujets relatifs à la voie fluviale.
J'en viens à un sujet qui me tient à coeur. Le port de Strasbourg est un poumon économique pour notre région ; des discussions sont en cours avec le préfet pour lui permettre de jouer pleinement son rôle. Même s'il reste de nombreux points à discuter, je me félicite que le ministère appuie la démarche.
M. Thierry Mariani, ministre. - J'ai été clair à l'Assemblée nationale !
M. Roland Ries. - Merci ! Je sais que le Gouvernement a demandé au préfet d'élaborer en concertation un plan directeur de bassin des ports fluviaux. Une première réunion a déjà eu lieu lundi dernier...
Ce texte consensuel ne pose pas de problème de principe ; la discussion déterminera le sens de notre vote final. (Applaudissements à gauche)
M. Louis Nègre. - La première lecture a été consensuelle dans chaque assemblée, ce qui est rare ! Je salue le sens des responsabilités du président de la commission et le remarquable travail accompli par le rapporteur.
La gouvernance et les missions de VNF n'étaient plus adaptées au monde actuel. Un accord est intervenu avec les syndicats du ministère de l'écologie pour le transfert des personnels concernés à VNF. Alors que la réforme ne semblait pas facile à conduire, le Gouvernement a su mener à bien cette opération de modernisation de l'État. On aurait pu souhaiter plus d'ambition en faveur de la voie d'eau, mais il est déjà très utile de mettre VNF en ordre de marche.
Sur un sujet cependant, l'État n'est guère à son avantage : je parle de la propriété du domaine public fluvial. Le Gouvernement est certes soucieux de respecter la parole donnée aux syndicats. C'est tout à son honneur. A l'Assemblée nationale, un amendement de transfert a été adopté à l'unanimité en commission, puis repoussé en séance publique à la demande du Gouvernement. Il faudra y revenir.
Concomitamment, un plan d'investissements de 840 millions d'euros entre 2010 et 2013 s'ajoute à la construction du canal Seine-Nord Europe, qui coûtera 4 milliards d'euros. Ce programme aura un impact très positif sur les conditions de travail et de sécurité des agents. J'approuve aussi la création d'une interprofession, qui permettra de construire un projet partagé pour la voie d'eau française. Je voterai ce texte conforme. (Applaudissements à droite et au banc de la commission)
M. Joël Labbé. - Cette nouvelle année sera l'occasion d'un grand débat démocratique, d'un vrai débat de société. Elle sera aussi une année de transition utile, indispensable. Notre responsabilité est grande. La population nous juge-t-elle capable de l'exercer ? Ma commune a adressé ses voeux en citant Mark Twain : « ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait ». Puis-je ajouter que les écologistes ont, depuis aujourd'hui, un groupe sénatorial, minoritaire mais membre de la majorité ?
Ce texte est un préalable utile au développement de la voie d'eau française ; il clarifie les missions et l'organisation de VNF ; mais cette réforme reste insuffisante.
La voie d'eau est vertueuse, fiable, sûre, peu polluante ; or elle ne transporte que 4 % du fret aujourd'hui. Il y a là un enjeu considérable : à l'horizon 2022, le fret non routier et non aérien doit atteindre 25 % du total.
Les équipements et ouvrages de la voie d'eau sont aujourd'hui en piètre état. Les investissements -840 millions d'ici 2013 et 2,5 milliards dans le cadre du schéma national des infrastructures à l'horizon 2018- contribueront à les améliorer. Mais il faut aller au-delà de cette réforme a minima ; la modernisation de la voie d'eau demande des investissements considérables. Pourquoi l'a-t-on laissé péricliter pendant des décennies ? La réforme reste organisationnelle et fondée sur l'idée que le domaine public fluvial doit participer aux dépenses engendrées par son exploitation. A quand une loi fluviale qui garantisse des moyens financiers, des investissements cohérents non plus basés sur la rentabilité, mais sur des objectifs de connexion, de liaison et de coopération entre les ports ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et Verts)
M. Robert Navarro. - Ce texte va dans le bon sens : un convoi fluvial, c'est 350 containers ; un train, 80 ; un camion, 2... Le développement du transport fluvial sera bon pour l'économie, l'emploi et l'aménagement du territoire. Pour que la France soit à nouveau attractive, elle doit mieux penser les liens entre le maritime, le ferroviaire et le fluvial. Investissons dans des transports peu consommateurs d'énergie ! La massification de la desserte fluviale est un enjeu économique, énergétique et environnemental majeur.
Si le texte va dans la bonne direction, il reste bien en deçà de ce dont nous avons besoin pour moderniser le réseau. Faire des économies budgétaires ne dispense pas de réfléchir... Le Gouvernement s'est à ce jour montré incapable de rechercher des ressources tout en investissant intelligemment à long terme. Le doublement des crédits à VNF est un écran de fumée, une supercherie au regard du budget initial et du retard à rattraper. Des investissements à hauteur de 840 millions ont été annoncés ; le Languedoc-Roussillon en a certes déjà récupéré 50 pour le canal du Rhône à Sète.
M. Thierry Mariani, ministre. - Exactement...
M. Robert Navarro. - Mais tant d'économies de bouts de chandelle ont été faites sur l'entretien...
Le Canal du midi est un joyau du patrimoine mondial. Quand l'État laisse 70 % du financement à la charge des collectivités, il n'est guère sérieux... Nous avons déjà agi de concert, monsieur le ministre, pour le doublement de l'A9 ou le contournement de Montpellier. Continuons ! Songez à l'intérêt du pays, sauvez ce joyau de l'humanité ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
La discussion générale est close.
M. Thierry Mariani, ministre. - Le Gouvernement est comme vous tous attaché au développement de la voie d'eau. Ce texte est indispensable au développement du trafic fluvial comme au report modal et à l'aménagement du territoire. Nous souhaitons tous un second souffle pour le transport fluvial !
Le projet de loi prend place dans un dispositif plus global de relance : le Gouvernement consacrera des moyens importants à cette politique, après des années de sous-investissement. La taxe hydraulique affectée à VNF a été augmentée. L'Afitf triple ses investissements. Sur l'Aisne et la Meuse, 29 barrages à aiguille seront remplacés. Pour le canal Seine-Nord, la procédure d'appel à partenariat est lancée. Le contrat devrait être signé d'ici fin 2012. Je salue la mobilisation de tous les acteurs, dont les collectivités territoriales.
Le Rhône est un axe essentiel et son débouché vers le nord de l'Europe, via les bassins de la Saône de la Moselle, stratégique. Les études seront lancées en 2012 ; d'autres le seront sur la connexion Somme-Rhin. VNF et le préfet de la région Lorraine y travaillent. L'Union européenne est sollicitée pour participer au financement.
Le réseau existant, qu'il soit magistral ou secondaire, fait aussi l'objet de restauration.
Les platanes centenaires du Canal du midi sont décimés par la maladie. Pour avoir été maire de Valréas, je sais ce que les platanes représentent... Ce n'est pas si anecdotique que ce que les Parisiens imaginent... D'ici une vingtaine d'années, il faudra abattre 42 000 arbres, 90 % du linéaire.
M. Jean-Michel Baylet. - Une folie !
M. Thierry Mariani, ministre. - Comment faire autrement ? Reconstituer l'alignement coûtera 200 millions d'euros et ne pourra se faire que sur plusieurs années. L'État y contribuera à hauteur de 70 millions, via VNF. M. Navarro a salué le travail que nous avons accompli ensemble...
M. Robert Navarro. - Reste le Canal du midi !
M. Thierry Mariani, ministre. - Il nous aidera certainement, avec M. Baylet, à mobiliser les collectivités locales... (Sourires) Je me ferai votre interprète auprès du Président de la République. Que l'on soit de gauche ou de droite, on sait que le platane est éternel...
M. Jean Besson. - Il est républicain !
M. Thierry Mariani, ministre. - La République aussi est éternelle... M. Chatillon mène une mission sur le sujet, vous le savez.
S'agissant du domaine public fluvial, la solution retenue par l'Assemblée nationale est raisonnable ; une convention de gestion est en cours d'élaboration avec France-Domaine.
Certaines inquiétudes se sont manifestées sur la valorisation du domaine public fluvial ; elle se fera en concertation avec les collectivités territoriales et respectera les documents d'urbanisme. Elle sera confiée à des sociétés à capital majoritairement public. Mais, pour exploiter l'hydroélectricité par exemple, VNF aura besoin de créer des filiales avec des industriels, qui exigeront d'être majoritaires... L'intérêt général prévaudra.
Le Gouvernement, madame Schurch, a veillé au respect de la parole donnée. Des contractuels de droit public sont en cours de recrutement pour prêter main forte au personnel de maintenance.
La batellerie... Le plan d'aide à la modernisation 2008-2012 se poursuit. L'exonération de TIPP pour le transport de marchandises et de passagers ramène le coût de l'avitaillement au niveau européen moyen. L'Assemblée nationale a en outre prévu la création d'une interprofession fluviale.
La spécificité des ports rhénans est indéniable : une solution a été trouvée à l'Assemblée nationale afin que ces ports, réunis, occupent une place éminente en Europe.
Le service public de la voie d'eau est aujourd'hui modernisé. Cependant, le transport fluvial en France n'a pas encore tenu toutes ses promesses et il faut donc aller de l'avant : tel est l'objet de ce texte. Un vote conforme est souhaitable compte tenu du calendrier politique ; bien sûr, le texte pourrait encore être amélioré mais il suscite déjà un large consensus. La perfection est parfois l'ennemi du bien. Avançons concrètement sans tarder ! (Applaudissements à droite)
Discussion des articles
Article premier
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Courteau et les membres des groupes socialiste et apparentés et EELVr.
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
sans préjudice des droits des exploitants des centrales électriques existantes sur le domaine public fluvial au titre de leur autorisation d'utiliser l'énergie du cours d'eau délivrée par l'État
M. Roland Courteau. - Aujourd'hui, 80 centrales hydroélectriques sont installées sur les barrages de VNF. Les exploitants craignent que VNF, de partenaire devienne pour eux un concurrent. Les conventions qu'ils ont passées avec l'établissement, dont la durée est inférieure à celle de l'autorisation préfectorale, seront-elles reconduites à l'échéance ? L'amendement n°1 tend à réduire le risque de contentieux et à sécuriser les installations existantes.
M. le président. - Amendement identique n°4 rectifié bis, présenté par MM. Revet et de Legge, Mme Sittler et MM. Hérisson, Bécot, César, Pierre, G. Bailly et Merceron.
M. Charles Revet. - Nous nous réjouissons que le texte autorise VNF à exploiter l'énergie hydraulique mais les industriels installés depuis longtemps sont inquiets. Il faut les rassurer, monsieur le ministre.
Je profite de l'occasion pour évoquer le port du Havre. Hier soir, dans le débat public sur la ligne à grande vitesse, j'ai bien perçu la préoccupation des armateurs quant à l'acheminement de leurs marchandises par le fluvial ; l'un d'eux aura investi 400 millions d'ici la fin 2012...
M. Francis Grignon, rapporteur. - Il n'y a guère de risques. Je comprends cependant les inquiétudes des industriels car les équipements en cause ne s'amortissent pas sur vingt ans. Sagesse, mais j'attends la réponse du ministre...
M. Thierry Mariani, ministre. - J'ai compris le message : il s'agit d'éviter les contentieux et de rassurer les exploitants.
Le régime simplifié prévu par le livre 5 du code de l'énergie dispense d'autorisation l'exploitant lorsque la production électrique n'est pas l'objet principal de l'ouvrage. Le projet de loi autorise VNF à faire usage de ces dispositions et à valoriser la force hydroélectrique sur ses propres ouvrages. Les autorisations délivrées conservent par ailleurs tout leur effet. Les amendements sont donc satisfaits. Le texte préserve les droits des tiers.
Le Gouvernement serait éternellement reconnaissant aux auteurs des amendements s'ils les retiraient.
M. Roland Courteau. - Sans intenter de procès d'intention à VNF, nous voulions sécuriser la situation des investisseurs. C'est chose faite.
L'amendement n°1 est retiré.
M. Charles Revet. - Merci, monsieur le ministre, pour vos assurances.
L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Esnol et les membres des groupes socialiste et apparentés et EELVr.
Alinéa 16, quatrième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Quand elles ont pour finalité la création de quartiers intégrés dans la ville, elles doivent prévoir une quantité minimale de logements, définie en concertation avec la commune et la collectivité compétente en matière de programme local de l'habitat.
M. Philippe Esnol. - Les opérations d'aménagement de VNF devront être compatibles avec les projets urbains des collectivités dans lesquelles elles s'insèrent.
En première lecture, les socialistes avaient souhaité imposer une part minimale de logements dans toute opération, mais la disposition adoptée était ambigüe. Voulant l'améliorer, les députés sont allés trop loin en se contentant d'une simple consultation des collectivités territoriales. Ce nouvel amendement limite l'obligation aux opérations de création de quartiers intégrés dans la ville.
M. Francis Grignon, rapporteur. - La « quantité minimale de logements » était une notion floue et peu opératoire.
La formule adoptée par les députés permet de consulter tous les acteurs locaux concernés.
Ce matin, la commission a émis un avis de sagesse ; j'espère que le débat n'ira pas plus loin.
M. Thierry Mariani, ministre. - Le Gouvernement est très favorable à ce que chaque projet soit défini en partenariat avec les collectivités territoriales. Or c'est bien la collectivité territoriale qui in fine accorde les droits à construire.
Dans certains secteurs, la construction d'habitations n'est pas envisageable : pensez au Canal du midi.
Je suis donc défavorable à l'amendement, en préférant la rédaction actuelle. Du reste, il n'y a jamais eu de contentieux en ce domaine entre les collectivités et VNF -pas plus à Conflans-Sainte-Honorine qu'ailleurs, je crois ?
M. Philippe Esnol. - Au regard des garanties apportées, et de la pratique de VNF, je retire l'amendement.
L'amendement n°2 est retiré
M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Esnol et les membres des groupes socialiste et apparentés et EELVr.
I. - Alinéa 17
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 8° Créer des filiales à capitaux majoritairement publics ou prendre des participations dans des sociétés à capitaux majoritairement publics.
II. - Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il peut confier la réalisation des opérations d'aménagement et de construction à des organismes visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation et aux articles L. 326-1 et L. 327-1 du code de l'urbanisme. »
M. Philippe Esnol. - VNF sera transformé en établissement public, pour préserver l'intérêt général. Mais il faut veiller à ce que cet esprit soit conservé dans les missions que VNF déléguera. C'est pourquoi il faut circonscrire aux seules sociétés publiques ou à capitaux majoritairement publics les prises de participation ou création de filiales.
Les députés, plus libéraux, ont souhaité assouplir la disposition votée au Sénat, mais la rédaction proposée a pour effet d'en limiter considérablement la portée. Le rapporteur explique que l'ouverture aux sociétés privées est destinée à permettre la production d'énergie renouvelable ou la valorisation urbaine. Dans ces deux secteurs, il existe des sociétés publiques ou à capitaux majoritairement publics dans lesquelles VNF pourrait prendre des participations. Autoriser VNF à prendre des parts de sociétés privées aurait des effets pervers.
Le but est d'alléger la charge pour les collectivités, non d'enrichir des sociétés privées !
M. Francis Grignon, rapporteur. - L'innovation technologique est rapide : faire appel à une société privée peut devenir indispensable. Je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'inquiéter. VNF a donné le bon exemple en se tournant vers la CDC à Lyon. Même avis que sur l'amendement précédent.
M. Thierry Mariani, ministre. - La rédaction qui vous revient est-elle plus libérale ? Elle est équilibrée, opérant un distinguo entre deux catégories très différentes d'opérations. L'apport majoritaire de capitaux privés peut être indispensable dans certains cas, je pense en particulier à l'hydro-électrique. Comme vous avez toutes garanties pour les opérations d'aménagement, vous pouvez retirer votre amendement.
L'amendement n°3 est retiré.
M. Gilbert Roger. - Les canaux gérés par VNF échappent à la compétence des mairies. Ainsi, à Bondy, même les constructions dépendant de l'autorisation municipale ne peuvent avoir vue sur le canal de l'Ourcq ! Il en va de même pour les maisons en bordure du canal Saint-Denis. J'avais déposé un amendement que l'article 48 du Règlement m'empêche de défendre mais je vous invite, monsieur le ministre, à y réfléchir : dans les agglomérations il est impossible de valoriser les terrains situés à proximité des canaux et des fleuves.
M. Jean-Jacques Pignard. - Le groupe UCR votera ce texte consensuel. Élu du Rhône, je sais avec quelle efficacité on travaille avec VNF à la réalisation de la ville du XXIe siècle, avec Lyon Confluence. Et moi qui ai quelque attache avec Valréas, j'imagine comme le cours Berteuil serait triste sans ses platanes...
Mme Mireille Schurch. - Nous regrettons que ce texte s'inscrive dans la politique d'austérité du Gouvernement en servant les objectifs de la RGPP, via la création originale d'un EPA regroupant des agents publics ou privés. Il faudra instituer une culture du service public au sein de VNF.
Nous serons attentifs au fonctionnement du comité technique unique et aux moyens consacrés au réseau et au transport fluvial. Le projet de loi respecte le protocole d'accord. Attachés au dialogue social, nous voterons ce texte sur lequel nous n'avons pas déposé d'amendement en deuxième lecture pour mettre le protocole d'accord à l'abri d'un possible détricotage de la CMP.
M. Philippe Esnol. - Notre groupe a travaillé de façon constructive. Nous sommes attachés à la bonne gouvernance de VNF et au dialogue social. Dans un esprit de responsabilité, nous voterons ce texte conforme pour une application rapide.
Un mot sur l'interprofession, dont la création est une bonne chose pour tous les opérateurs. Je m'en félicite.
Sans être décisif, ce texte va dans le bon sens. J'en remercie nos collègues et M. le ministre.
M. Joël Labbé. - Ce texte est le premier que notre groupe votera en toute autonomie, mais nous attendons encore une grande loi fluviale dans le cadre du développement durable.
L'article premier est adopté.
L'article 2 est adopté, de même que les articles 4, 4 bis, 8 bis et 8 ter.
L'article 9 demeure supprimé.
Interventions sur l'ensemble
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. - Je remercie tous les intervenants pour leur contribution constructive.
Dans l'encombrement législatif de cette fin de législature, il importe de voter ce texte conforme. « Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ».
Je souhaite une cohérence des efforts en faveur du transport fluvial : c'est dans l'ensemble du territoire national qu'il faut le développer.
Enfin, je me félicite que l'année nouvelle commence par le vote unanime d'un texte ! (Applaudissements à gauche)
M. Thierry Mariani, ministre. - Monsieur Roger, je suis disposé à étudier votre suggestion à propos du canal de l'Ourcq.
Ce texte important fera progresser le transport fluvial, en nous aidant à rattraper notre retard par rapport au nord de l'Europe.
Grâce au vote conforme, cette réforme ne tombera pas dans les oubliettes, quelle que soit la majorité dans quelques mois. (Applaudissements)
Le projet de loi est définitivement adopté.