Laïcité
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à étendre l'obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité.
Discussion générale
Mme Françoise Laborde, auteure de la proposition de loi. - Ce texte a été cosigné par tous les membres du groupe du RDSE. Je rends hommage à Briand, Gambetta, Combes, qui ont permis l'adoption de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l'État. Notre groupe est attaché à la laïcité et à la neutralité à l'égard de toutes les religions. « La République garantit la liberté de conscience » : il fallait du courage, encore, aux promoteurs de la Constitution de 1958 pour y inscrire que la France est une République indivisible, laïque et sociale.
C'est à ce principe que cette proposition de loi se réfère. La République l'a affirmé pour ce qui concerne l'école. Il doit s'appliquer également aux plus jeunes, dans les structures d'accueil de la petite enfance.
Or aucun texte n'impose la neutralité dans les structures, dès lors qu'elles sont privées. Pourtant, la Convention des droits de l'homme affirme le droit des parents à choisir l'éducation de leurs enfants, selon leurs convictions. Le Haut conseil à l'intégration considère, pour sa part, sur le fondement de la convention internationale des droits de l'enfant, que le petit enfant a droit à la neutralité. On sait combien compte cette période dans le développement de l'enfant. Ce qui s'applique à l'école obligatoire devrait être étendu à cet âge de la vie. Pourquoi les jeunes enfants devraient-ils subir des influences que leurs parents n'approuvent pas ? D'où cette proposition de loi, destinée à assurer la neutralité dans les structures. Je m'adresse aux parents et grands-parents que vous êtes.
Alors que la laïcité, inscrite dans la Constitution, subit des attaques répétées, j'entends réaffirmer qu'elle n'est pas négociable : elle est le ciment de notre vivre-ensemble. Loin des feux de l'actualité, j'ai travaillé en toute sérénité et saisi l'occasion de notre niche parlementaire.
On sait que le nombre de places en crèche est largement insuffisant. Le recours aux assistantes maternelles est fréquent. Et même dans les structures collectives, des problèmes se posent, à preuve l'affaire Baby Loup. Le jugement de la cour d'appel de Versailles va dans le bon sens. Il faut, pour aller dans le même sens, intégrer dans la loi sa jurisprudence.
Je comprends que ma proposition de loi initiale ait pu soulever quelques polémiques. C'est pourquoi je remercie notre rapporteur, Alain Richard, qui a su agir en fin juriste : le texte a été transformé, y compris dans son esprit, mais je reconnais qu'il y a gagné. La lecture du compte-rendu de notre commission est indispensable à la clarté des enjeux.
Trois structures sont concernées. Pour les structures d'accueil privées, les dispositions s'inspirent de ce qui existe pour les établissements d'enseignement privés sous contrat. Pour les assistantes maternelles, une information obligatoire des parents est prévue. Il s'est agi, en somme, d'étendre la loi Debré aux structures de la petite enfance. Ce sera un outil pour les parents, un dispositif pragmatique.
Je veux laisser vivre le débat. Ce texte s'exerce à l'art du compromis. Le voter, à deux jours de l'anniversaire de la loi de 1905, serait un signe fort. Merci à mes collègues du RDSE, qui m'ont soutenue. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et à gauche)
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois. - La France est diverse. Elle respecte toutes les croyances et toutes les convictions, qui se doivent mutuellement le respect. La République, au cours de ses conquêtes, parfois controversées, a établi un régime de droit laïque, qui impose le respect de la liberté de conscience. En 1974, la France a ratifié la convention des droits de l'homme, qui garantit la liberté religieuse. Voilà le cadre dans lequel nous devons légiférer. Ce texte répond à l'aspiration légitime des familles à connaître l'inspiration religieuse qui préside à l'éducation de leurs enfants en même temps qu'au droit à ses convictions religieuses.
Les critères que nous appliquons reposent sur des considérations de principe. Dès lors qu'il y a argent public, cela crée des obligations, pour tous, de neutralité. La laïcité impose que toute conviction religieuse, en matière d'éducation, soit clairement exposée.
Lorsqu'un lieu d'accueil ne reçoit pas d'argent public, le rapport reste purement privé. En revanche, s'il y a argent public, la règle qui s'applique aux établissements publics sous contrat, qui n'a jamais été remise ne cause, doit s'appliquer : si l'établissement ne se prévaut pas d'un caractère religieux, la laïcité s'impose. S'il s'en prévaut, il doit informer de l'existence de ce caractère propre.
En tout cela doivent prévaloir respect et tolérance. Ce fut le cas de notre débat.
Faut-il légiférer, se demanderont certains. Certes, qui est disposé à consacrer une bonne partie de sa vie à mener un contentieux pour défendre ses droits n'en aura pas besoin. Mais le Conseil constitutionnel n'a-t-il pas dégagé, dès longtemps, le principe de sécurité et d'accessibilité de la loi ?
Ce débat peut provoquer des réactions de passion. Chacun ici doit considérer que les convictions ne sont pas exprimées sous influence mais bien en conscience, par chacun.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. - Le Gouvernement a eu maintes occasions de rappeler le principe de laïcité. « La République respecte toutes les croyances mais n'en reconnaît aucune », afin que chacun puisse exercer sa liberté de conscience, l'une des plus belles de notre République. Des conseils de la laïcité existent dans chaque préfecture. Les règles applicables dans les hôpitaux, les prisons, les établissements scolaires ont été rappelés par circulaire. Un code de la laïcité a été publié l'an dernier par la Documentation française.
La laïcité est tout sauf une notion mécanique, intransigeante, rigide. A l'avant-veille de l'anniversaire de la loi de 1905, on en cite souvent l'article 2 selon lequel « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte », oubliant souvent son article premier : « la République assure la liberté de conscience ». Gardons en mémoire ce propos d'Aristide Briand, qui fut le rapporteur de cette loi : « Toutes les fois que l'intérêt de l'ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou dans le doute sur leur exacte application, c'est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée législative ».
Le principe de laïcité ne s'applique qu'aux personnes publiques, auxquelles il impose, comme à ses agents, une stricte neutralité religieuse. C'est que ceux-ci incarnent l'État, qui est impartial. Ce principe d'impartialité est l'un des corollaires de l'égalité devant la loi. C'est sur ce fondement et celui du Préambule de la Constitution de 1946 qu'est fondée la loi du 15 mars 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles par les élèves des écoles publiques.
Cette proposition de loi concerne les salariés privés de structures privées qui ne sont pas chargées d'une mission de service public. C'est bousculer les grands équilibres établis depuis plus de 100 ans autour du principe de laïcité : dans le cas des organismes privés, la liberté de conscience et la liberté d'exprimer ses convictions sont constitutionnellement protégées, On ne peut les restreindre que si leur manifestation trouble l'ordre public. Souvenez-vous de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». La même exigence figure dans la Convention européenne des droits de l'homme.
En votant la loi de 2004, nous avons considéré que la République devait se vivre à visage découvert, loin du repli sur soi communautaire. Les prières de rue n'ont pas leur place en France : ce n'est pas conforme à notre conception de la laïcité mais c'est sur une raison d'ordre public que nous sommes intervenus. La question du bien-être psychologique des enfants dans les structures privées est de même importance. Le prosélytisme est déjà sanctionné mais le simple fait de manifester une croyance religieuse ne met pas en danger la santé psychique de l'enfant.
Vous voulez que les établissements qui ne bénéficient d'aucun financement public puissent restreindre la liberté religieuse de leurs salariés dans leur règlement intérieur. Le code du travail offre déjà à l'employeur cette possibilité, que le juge a balisée dans l'affaire de la crèche Baby Loup.
Le critère du financement public est certes séduisant mais ne saurait constituer une règle d'or. Si l'objectif est de préserver l'enfant des influences, pourquoi retenir ce critère ? De surcroît, il reste imprécis. Faut-il prendre en compte les aides indirectes ? Tous les salariés, y compris ceux qui ne sont pas en contact direct avec les enfants, seraient visés.
Nous ne pouvons souscrire au dispositif relatif aux assistantes maternelles. La liberté doit rester la règle, la contrainte l'exception. Et l'on peut craindre une inflation des contentieux. Comment traiter, enfin, les signes manifestant une appartenance politique ?
On ne peut fixer une règle générale qui ne soit parfaitement solide. Vous brandissez l'affaire Baby Loup, mais la concertation avec les professionnels est restée insuffisante. Mieux vaut s'en tenir à une appréciation au cas par cas, par le juge. Un texte volontaire, efficace, rassembleur ? Au contraire, il va trop loin et sera source de contentieux. Il risque de jeter la confusion, et nuire par là au pacte républicain. Le Gouvernement ne pourra pas vous suivre.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Un islamisme politique vindicatif se développe en France, à contre-courant de la tradition française d'un islam modéré, serein et intégré.
Le voile remet en cause notre système de valeur. Opposée à tout signe ostentatoire, je suis opposée à tout asservissement de la femme. Cette proposition de loi n'est pas une marque d'hostilité envers l'islam, mais envers une certaine conception de la religion. Pour la République, il n'y a que des citoyens, libres de croire, ou non, en un Dieu. L'espace public est commun à tous. La France ne reconnaît que la loi des hommes et cela ne remet pas en cause la liberté de religion.
La reconnaissance de la liberté de croyance ne peut aboutir à détruire la République. Si nous ne fixons pas des limites, les revendications se multiplieront et nous ne pourrons plus faire face. Cette proposition de loi doit donc retenir toute notre attention. Dans l'affaire de la crèche Baby Loup, la justice a tranché.
Un règlement intérieur peut interdire le port de signes religieux et donc le voile islamique. Ce texte vise à étendre cette interdiction à toutes les structures d'accueil de la petite enfance.
Le Conseil d'État avait traité, en 2000, des agents publics : leurs croyances religieuses ne devaient pas se manifester. L'administration, sous le contrôle du juge, pourrait juger au cas par cas.
Avec ou sans cette loi, le débat ne sera pourtant pas clos. Car il porte sur la place de l'islam en France. Il est temps que les 6 millions de musulmans modérés se fassent entendre. Un débat de fond devrait avoir lieu sur la place publique. Il est temps de lutter contre une minorité qui met en danger notre démocratie. (Applaudissements au centre)
Mme Isabelle Pasquet. - Sept minutes pour aborder la laïcité ? Beau défi ! Car c'est à ce pilier de notre République, le principe de laïcité, que se réfère cette proposition de loi.
Laïcité et démocratie sont identiques écrivait Jaurès en 1904 car la démocratie n'est autre chose que l'égalité des droits. La laïcité est un mouvement émancipateur qui garantit à chacun le droit d'exprimer ses opinions. C'est ce que l'on appelle le vivre-ensemble. Mais la loi de 1905 est en danger. Nicolas Sarkozy dans son discours de Latran n'a-t-il pas affirmé la supériorité du prêtre sur l'instituteur ? La loi de 1905 n'est pas non plus une fin en soi, la société ayant profondément évolué.
Cette proposition de loi fait suite à l'affaire Baby Loup. Pour la première fois, les crèches privées étaient confrontées au problème rencontré par les établissements scolaires quelques années auparavant.
Nous souscrivons à la première partie de l'article premier de cette proposition de loi, qui indirectement plaide pour un service public de la petite enfance, seul à garantir le principe de neutralité.
En revanche, nous sommes plus réservés en ce qui concerne les structures qui ne perçoivent pas de fonds publics. Certes, l'accueil des jeunes enfants doit garantir le respect des croyances de chacun mais on ne peut stigmatiser les femmes qui portent un voile.
Nous nous abstiendrons donc sur les deux premiers articles et nous voterons contre l'article 3 : les assistantes maternelles n'ont pas à préciser le niveau de leur engagement religieux. Cet article est en contradiction avec les principes mêmes de notre République en établissant une discrimination à l'emploi. Nous nous abstiendrons donc sur cette proposition de loi.
M. Robert Tropeano. - L'article premier de la Constitution rappelle le caractère laïc de notre République, hélas trop souvent bafoué. La laïcité est un combat de chaque instant qu'il nous faut mener. Mme Laborde a voulu défendre ce principe, face à des dérives communautaristes. En 2004, nous avons voulu défendre les enfants des influences religieuses. Pourquoi en irait-il autrement pour les petits de moins de 6 ans ? La justice s'est prononcée, suite à l'affaire Baby Loup.
En première instance et en appel, les juges ont donné raison à la crèche. Le principe de la laïcité doit pourtant être réaffirmé par le législateur. La jurisprudence ne saurait se substituer à la loi.
Je déplore qu'il n'existe pas de service public de la petite enfance. Les structures en place s'adressent à des publics particulièrement fragiles. C'est pourquoi il nous a semblé indispensable d'étendre le principe de neutralité aux structures de la petite enfance. Ce texte n'a pas été aussi loin que nous le souhaitions mais nous le voterons. Je regrette que les crèches confessionnelles puissent bénéficier d'aides de la collectivité.
Cette proposition de loi permettra à notre assemblée de réaffirmer son attachement à la laïcité. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et au centre)
Mlle Sophie Joissains. - En mai, nous avons adopté une résolution instaurant le 9 décembre une journée nationale de la laïcité. Le religieux se ferait-il plus présent dans notre société ? Peut-être.
L'église et l'État sont séparés en France. Le religieux ne doit pas contrevenir aux principes de la République. Il fait partie de l'intime. Cette scission est souhaitée mais le religieux touche à la transcendance. En 1905, les principes de la laïcité ont été adoptés, réduisant les pouvoirs de l'église. Depuis, les signes religieux ont été interdits dans les écoles et cette proposition de loi propose une nouvelle étape.
Gauche et droite peuvent parfois se réunir sur des sujets comme la laïcité. Je rappelle que la laïcité est au coeur du programme de l'UMP pour 2012. (Marques d'étonnement sur les bancs du RDSE)
Après l'âge de 6 ans, la loi de 2004 fixe des règles. Avant cet âge, rien n'est prévu. Il était temps d'agir. Nous approuvons le travail de notre rapporteur, qui a distingué trois hypothèses, les crèches qui bénéficient d'une aide publique -où doit prévaloir le principe de neutralité religieuse-, les crèches qui ne bénéficient pas d'aide publique -qui doivent faire figurer dans leur règlement intérieur des restrictions à l'égard des signes religieux.
La crèche ne saurait promouvoir des valeurs auxquelles les parents ne souscrivent pas. Enfin, les crèches à caractère religieux ne seront subordonnées à aucune restriction, mais devront accueillir tous les enfants.
On ne peut que saluer ce texte. La commission des lois a transposé ces distinctions aux centres de vacances : c'était logique. Pour ce qui concerne les assistantes maternelles à domicile, le rapporteur souhaite instaurer aussi le principe de neutralité. Mais ne risque-t-on pas l'inconstitutionnalité? Ne s'agit-il pas d'une discrimination ? Libre à chacun de conclure, ou non, un contrat de travail. Le mieux est parfois l'ennemi du bien. Nous souhaitons donc la suppression de l'article 3, monsieur le rapporteur. Rien ne vous empêche de déposer un nouveau texte sur cette question précise. Si vous retirez cet article, nous voterons tous ce texte. Sinon, le groupe UMP votera les deux premiers articles et contre l'article 3 et s'abstiendra sur l'ensemble. (Applaudissements à droite)
M. René Vandierendonck. - Après les remous de l'affaire Baby Loup, Mme Laborde a voulu la neutralité de toutes les structures prises en charge de la petite enfance. C'était simple... mais anticonstitutionnel.
Notre rapporteur a réalisé un travail remarquable et il a permis de clarifier les règles. Si la crèche est privée et financée par des fonds publics, elle est tenue à la neutralité religieuse. Si elle a déclaré son caractère propre, elle peut toucher des fonds publics, mais elle doit accueillir, sans discrimination, les jeunes enfants qui n'auraient pas les mêmes confessions. Jusque-là, tout va bien !
Pour les assistantes maternelles, le principe retenu par défaut est celui de la neutralité. S'il devait y être dérogé, le contrat de travail devra comporter des stipulations particulières. La solution juridique est fine, mais j'appelle l'attention sur ceci. Il est des assistantes maternelles qui exercent voilées, sans pour autant faire preuve d'aucun prosélytisme auprès des enfants qui leur sont confiés. Il ne faudra pas qu'un simple signe d'appartenance religieuse soit un motif de suspicion qui les empêche d'exercer le seul métier qu'elles fassent. C'est, en toute modestie, ce que voulait vous dire le maire de Roubaix que je suis. (Applaudissements à gauche)
Mme Esther Benbassa. - Jaurès, parlant de la loi de 1905, disant que cette loi permettait de garantir la liberté de conscience, la jugeait « libérale, juste et sage ».
Cette proposition de loi fait référence à l'affaire Baby Loup. La Halde avait conclu à la discrimination mais le juge s'était prononcé en faveur du licenciement. Ce texte transpose le principe de service public à des structures privées. L'article 3 étend l'obligation de neutralité aux assistantes maternelles à domicile. Le code du travail interdit pourtant les discriminations directes ou indirectes.
Les sénateurs écologistes considèrent que cette proposition de loi n'a pas lieu d'être et s'interrogent sur sa constitutionnalité. L'employeur ne doit pouvoir contrôler la liberté religieuse de ses salariés.
Aristide Briand appelait à opter pour des solutions libérales, tant que l'intérêt de l'ordre public ne pouvait être invoqué. Laïcité ne signifie pas laïcisme, une nouvelle religion.
La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 dit que toute personne a droit à la liberté de religion. Je suis tentée d'ajouter : y compris les assistantes maternelles.
Nous voterons donc contre cette proposition de loi qui n'est ni libérale, ni juste, ni sage.
Mme Michelle Meunier. - La convention internationale des droits de l'enfant donne aux mineurs le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion et à leurs parents le droit et le devoir de les guider sur ce chemin. Le code civil impose aux parents de protéger leurs enfants jusqu'à leur majorité dans leur santé, leur sécurité et leur moralité. Les parents doivent donc être respectés dans leurs choix. La législation actuelle mérite donc d'être clarifiée. Chaque famille doit être assurée de la neutralité des personnels des crèches, des gardiennes et des assistantes maternelles ou familiales dans l'exercice de leurs fonctions. Ce principe garantit la liberté de conscience des personnels. Je soutiens donc ce texte.
Il serait nécessaire de prévoir une sensibilisation à la laïcité dans le cadre de la formation des assistantes maternelles, et au-delà dans tout le champ médico-social car il y a d'autres personnes fragiles : les handicapés et les personnes âgées dépendantes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Alain Richard, rapporteur. - Merci aux intervenants : le débat a été intéressant. Nous ne visons aucune religion dans ce texte. Sur la question des assistantes maternelles, que les choses soient bien claires : les parents musulmans sont aussi concernés que les autres ; ils doivent pouvoir être sans inquiétude quant à la neutralité des conditions d'accueil de leur enfant.
Ces dispositions ne sont pas de contrainte mais de transparence.
Ne croyez donc pas que l'employeur, par le biais du contrat de travail, exercera une contrainte : il devra être informé des intentions de l'assistante, c'est tout. Une fois informés, les parents se décideront librement. Nous cherchons à garantir les libertés : il serait souhaitable que ce texte soit adopté. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Richert, ministre. - Le Gouvernement s'est déjà prononcé : il ne pourra donner suite, notamment parce que ce texte ouvre la voie à une intrusion dans la vie privée. Je comprends l'intention mais nous ne saurions vous suivre.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Le travail qui a été fait est très important. Nous remercions Mme Laborde d'avoir ouvert le débat. Nous n'avons pas beaucoup de divergences sur les deux premiers articles.
L'article 3 est simple, relisez-le : il pose le principe de la neutralité. Si l'accueil comporte un caractère religieux, il faut que cela soit dit. On concilie ainsi les principes de liberté religieuse et de laïcité.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
M. Jacques Mézard. - Nous sommes attachés à la laïcité depuis des décennies. Il est bon d'entendre une donneuse de leçon nous dire que nous versons dans le laïcisme, une nouvelle religion et que notre proposition n'est ni libérale, ni juste ni sage. Notre groupe a toujours été attaché à la liberté de conscience, la religion restant dans la sphère privée.
Une atteinte à la liberté religieuse ? C'est faux. J'ai pris acte de la position des écologistes, dont nous tirerons les conséquences mais cette proposition de loi ne porte pas une atteinte à la liberté de conscience, à la liberté religieuse ni à l'islam. Je veux rendre hommage à notre rapporteur. Son travail honore le Sénat.
Le président Clemenceau disait, en 1906, que la liberté de conscience impliquait un état d'esprit nouveau, loin du « dogme qui, par son essence, veut posséder l'homme tout entier ». Nous sommes fidèles à ses propos.
M. Joël Guerriau. - Lors de l'examen de la loi Falloux, Victor Hugo a été un précurseur : l'éducation religieuse ne devait pas se faire dans le cadre public, disait-il. Je vous félicite, madame Laborde. En tant que maire d'une commune de 26 000 habitants, j'ai vu des pétitionnaires me dire qu'une des assistantes maternelles était témoin de Jéhovah. Nous avions peu de moyens pour réagir. Il faut donc voter l'article 3 avec les deux autres.
M. François Fortassin. - Je veux féliciter Mme Laborde et M. Richard. Ce débat a été de haute tenue mais j'ai découvert avec amertume que nous n'avons pas tous été nourris au lait de la République mais aussi que le communautarisme n'était pas religieux.
J'ai été nourri à la mamelle de l'école républicaine et de la laïcité : je voterai le texte avec mon groupe.
M. Philippe Bas. - Je doute que ce texte soit utile. L'affaire Baby Loup a été résolue par la jurisprudence ; fixer celle-ci dans la loi est hasardeux. Mais quid du port de la kippa, de la croix ? Quid des agents qui seront en contact avec les enfants ? Ne vaut-il pas mieux faire confiance au juge pour régler les quelques problèmes qui peuvent se poser ici ou là ?
Je m'inquiète de l'article 3, qui impose à l'assistante maternelle de déclarer ses convictions religieuses. Où s'arrêtera l'exigence de neutralité ? Aux photographies, à un crucifix, à un tapis de prière ? Je crains que n'enfle conflits et contentieux !
M. Alain Richard, rapporteur. - Contresens complet !
M. Philippe Bas. - Et pourquoi se focaliser sur le fait religieux ? La neutralité, on pourrait aussi bien exiger qu'elle soit politique ! Ce texte est lourd de danger.
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Quel amalgame !
L'article premier est adopté.
M. le président. - Je suis contraint de suspendre la séance.
La séance, suspendue à 18 h 30, reprend à 18 h 35.