Disponible au format PDF Acrobat
Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Mise au point au sujet d'un vote
SÉANCE
du jeudi 17 novembre 2011
22e séance de la session ordinaire 2011-2012
présidence de M. Jean-Patrick Courtois,vice-président
Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. François Fortassin.
La séance est ouverte à 14 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Mise au point au sujet d'un vote
M. Philippe Adnot. - J'entendais voter au petit matin la proposition de loi abrogeant le conseiller territorial, et non m'abstenir.
M. Philippe Dallier. - Nous avions compris !
M. le président. - Acte vous est donné de cette mise au point.
Rappels au Règlement
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Depuis l'élection de M. Bel, nous subissons l'incapacité de la majorité sénatoriale à respecter le calendrier qu'elle a elle-même fixé. Il y a quinze jours la Conférence des présidents, réunie à notre demande, a prolongé dans la panique le débat sur la proposition de loi de M. Sueur sur l'intercommunalité. Il est vrai que la majorité était minoritaire en séance.
Mme Nathalie Goulet. - Excellente proposition de loi !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Hier soir, la Conférence des présidents a reporté au 9 décembre la discussion de la proposition de loi de Mme David relative au repos dominical ; là encore, la majorité était minoritaire en séance. La même Conférence a décidé que l'examen de la proposition de loi sur le droit de vote des étrangers serait poursuivi en dehors de l'espace réservé. Elle a aussi décidé d'inscrire à notre ordre du jour une réforme de notre Règlement, sans que le dialogue avec l'opposition eût été engagé. Faisant fi de ses décisions sur les horaires, un éminent membre du groupe socialiste, vice-président du Sénat, a demandé à 23 h 30 de prolonger le débat sur le conseiller territorial, repoussant ainsi l'examen du budget, socle financier de la République. J'ajoute que la majorité, minoritaire encore toute la nuit dernière, a systématiquement eu recours aux scrutins publics.
Nous dénonçons ces passages en force répétées au seul bénéfice de manoeuvres partisanes, les machinations de la nouvelle gouvernance, ce véritable hold-up sur notre ordre du jour et le temps de travail sénatorial. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Je me félicite que Mme Des Esgaulx ait retrouvé la sérénité qui a pu parfois lui manquer lors de notre intéressante nuit de débat... Le Sénat fonctionne conformément au Règlement, à la loi et à la Constitution.
M. Philippe Dallier. - Nous nous interrogeons...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Et l'article 29 ter ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - La Conférence des présidents a légitimement décidé que le débat sur l'intercommunalité irait jusqu'à son terme ; notre proposition de loi a été adoptée et suscitera à n'en pas douter l'intérêt des députés, puisque notre collègue M. Jacques Pélissard a dit la trouver intéressante et convergente avec la sienne.
La nouvelle opposition sénatoriale est en phase d'apprentissage. Elle a pratiqué hier l'obstruction, pour certains de ses membres avec talent ; on a bien senti que pour d'autres c'était une première... J'ai apprécié tout cela en connaisseur...
Mme Des Esgaulx a parlé de « panique » ; voyez-vous ici une assemblée paniquée ? Elle a parlé de « manipulation », de « passage en force ». Mais que s'est-il passé ? Notre collègue a fait de nombreuses interventions, de nombreux rappels au Règlement ; les membres de son groupe ont renchéri ; la vérification du quorum a été demandée, qui nous a fait perdre une heure -tout cela pour que le vote sur le texte n'ait pas lieu. Nous avons donc demandé, conformément au Règlement, de modifier l'ordre du jour. Le Sénat est maître de son ordre du jour ! La demande a été mise au vote par le président de séance, qui a scrupuleusement appliqué le Règlement. Le scrutin public fait partie du Règlement.
Le texte voté à 5 heures et quart est très important, puisque le conseiller territorial cristallise le cumul des mandats, porte atteinte à la parité, crée la confusion, porte tort aux régions.
Bref, le fonctionnement normal de la démocratie dans une assemblée qui a changé de majorité...
M. François Trucy. - Je demande une rectification du compte rendu analytique d'hier : lors du scrutin public sur la question préalable opposée à la proposition de loi relative au repos dominical, c'est moi et non M. Pointereau qui ai dit : « J'espère que M. Guérini a bien voté ! »
M. le président. - Un erratum sera publié.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le propre du débat parlementaire est de déboucher sur un vote. J'observe que nous avons fait preuve d'une certaine discrétion...
M. Philippe Dallier. - Qui a dû vous coûter !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - ... alors que chaque sénateur UMP s'est expliqué à plusieurs reprises, parfois de façon agressive. Ce n'est pas de bon augure. Il vous faut aussi renoncer à vouloir empêcher un président de commission de s'exprimer, au prétexte qu'il n'est plus de votre groupe...
Nous nous efforçons de bien organiser le débat mais vous ne pouvez prétendre empêcher la majorité d'aller jusqu'au vote.
M. François Fortassin. - J'ai suppléé M. Mézard hier à la Conférence des présidents, qui était sereine et consensuelle. Certaines interventions m'étonnent donc.
Sénateur depuis onze ans, j'ai déjà vu la majorité d'autrefois être minoritaire en séance sans que cela ne suscite des réactions de rosière effarouchée. (Sourires)
J'ajoute que vous ne devriez pas vous accrocher à l'ubuesque conseiller territorial, qui a contribué à votre échec en septembre.
M. Philippe Dallier. - Cessons de nous mettre mutuellement en cause. Nous avons seulement dit hier que la durée prévue pour le débat n'était pas suffisante.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Passons au budget.
M. Philippe Dallier. - C'est ce que j'allais proposer.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi du 20 juillet 2010 tendant à l'élimination des armes à sous-munitions. Ce rapport a été transmis à la commission des affaires étrangères.
Renvoi pour avis
M. le président. - J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2012, dont la commission des finances est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires étrangères, à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, à la commission de l'économie et à la commission des lois.
Loi de finances pour 2012
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2012.
Discussion générale
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. - Un budget reflète d'abord une réalité : la croissance mondiale qui ralentit -d'où la révision de la prévision de croissance- mais aussi 35 années de laxisme budgétaire. Au tournant des années 2000, l'Allemagne dégageait un excédent budgétaire égal à 1,1 % du PIB alors qu'en France la baisse des impôts et l'augmentation des dépenses creusait le déficit structurel. Depuis des décennies, nous dépensons trop, ce qui impose de faire des économies. Tel est le socle de notre stratégie, qui prévoit un déficit de 5,7 % en 2011, qui sera tenu ; de 4,5 % en 2012 et de 3 % en 2013. La crise est une crise de confiance ; les meilleures réponses sont la constance et la détermination.
Avec l'effort supplémentaire de 7 milliards annoncé par le Premier ministre, nous sécurisons l'objectif de 4,5 % en 2012 et du retour à l'équilibre en 2016 ; l'effort cumulé atteint 115 milliards d'euros, dont les deux tiers sur les dépenses. Notre stratégie accorde une priorité absolue à la baisse des dépenses publiques, en commençant par celles de l'État. Son budget baisse dès 2011 de 200 millions, 1,5 milliard l'an prochain. C'est sans précédent depuis 1945. Ces décisions ne pèseront ni sur la croissance, ni sur l'emploi ; elles sont équitables car elles demandent plus à ceux qui peuvent plus.
Des réformes, encore des réformes, toujours des réformes : tel est notre credo. Cinq ans de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux ont permis de supprimer 150 000 postes de fonctionnaires. L'an prochain, la masse salariale baissera de 120 millions d'euros ; c'est historique. Les dépenses de fonctionnement baisseront de 10 % entre 2011 et 2013. Nous avons déjà supprimé 300 000 m² de locaux, 10 000 véhicules de fonction. Avec 3 500 emplois supprimés en 2011 et 2012, les opérateurs de l'État participeront à l'effort collectif.
Les réformes ont aussi permis de maîtriser les dépenses sociales : celle des retraites fait économiser 5,5 milliards dès 2012 ; la maîtrise de l'Ondam a rapporté 11 milliards depuis 2008
A effort d'intérêt général, engagement national ! Chaque acteur public prendra donc sa juste part de l'effort. Outre le gel des dotations, les députés ont acté une baisse des concours de l'État aux collectivités territoriales de 200 millions ; c'est raisonnable, bien que votre commission des finances juge insoutenable une baisse d'un millième du budget consolidé des acteurs locaux... L'heure est à la responsabilité partagée, dont aucune collectivité publique ne peut s'exonérer. Sur 240 milliards de dépenses totales, les collectivités ne peuvent-elles supporter un effort de 200 millions ?
Nos priorités sont peu nombreuses, mais ce sont de vraies priorités ; cela change tout. La première concerne l'innovation. Depuis 2007, l'université a changé de visage ; le CIR a été triplé ; des investissements d'avenir à hauteur de 35 milliards. Notre deuxième priorité, c'est la compétitivité. La suppression de la taxe professionnelle est le meilleur investissement de l'État depuis longtemps ; vous notez vous-même, madame la rapporteure générale, que les gagnantes de cette réforme sont les PME et l'industrie.
La protection des plus fragiles est notre troisième priorité ; nous aurons réévalué de 25 % le minimum vieillesse et l'AAH, créé le RSA : pour un couple avec deux enfants qui gagne un Smic, c'est 256 euros de plus par mois ! Les dépenses sociales financées par l'État ont augmenté de 37 % en cinq ans, alors que les gouvernements voisins ont fait des politiques de solidarité les premières victimes de la crise. Pas en France.
La quatrième priorité concerne les missions régaliennes -la justice, l'intérieur et la Défense- car le premier devoir de l'État est la sécurité. La Cour des comptes a constaté que la part des policiers présents sur le terrain avait augmenté de 10 % entre 2005 et 2009.
Face à la crise, la vérité est que la hausse des impôts n'a pas d'avenir autre que complémentaire. Certes, j'entends les appels au grand soir fiscal fusionnant l'impôt sur le revenu et la CSG. Mais il faudrait au préalable s'interroger sur le maintien du quotient familial et les effets sur la progressivité de l'impôt. Votre grand impôt sur les personnes pèserait sur les familles et les classes moyennes.
Notre politique fiscale répond à une exigence d'équité. Elle taxe plus fortement les contribuables les plus aisés, en commençant par les revenus du patrimoine -qui subiront une taxation plus élevée de 15 % qu'en Allemagne.
M. François Marc. - Cela reste à prouver !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - En revanche, les classes moyennes sont moins taxées en France.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Faux !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Grâce au plafonnement des niches, nous avons donné un coup d'arrêt inédit à l'optimisation fiscale sur l'impôt sur le revenu. En 2000 comme en 2007, avec un million d'euros de revenus, on pouvait ne payer aucun impôt ; on paiera désormais au moins 320 000 euros. C'est ce Gouvernement qui a restauré la progressivité de l'impôt.
Le rabot transversal sur les niches, de 10 % en 2011, sera de 15 % en 2012. Mais ce gouvernement préserve les avantages fiscaux et sociaux qui soutiennent la croissance et la cohésion sociale, comme ceux relatifs aux services à la personne ou à l'investissement outre-mer. Les exonérations de charges sur les bas salaires ont atténué le coût des 35 heures ; il ne faut pas les supprimer.
Nous examinons chaque dispositif pour proposer maintien, réduction ou suppression. C'est pourquoi nous avons décidé de supprimer le dispositif Scellier, qui a pu avoir des effets pervers.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Voilà longtemps que nous le disons !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Nous vous proposerons aussi de rationnaliser le crédit d'impôt développement durable et le prêt à taux zéro « plus ». A cela s'ajoutent une fiscalité comportementale : des taxes de santé publique tendant à prévenir les comportements à risque, ou la taxe sur les loyers exorbitants des petites surfaces, notamment en Île-de-France. Ces taxes comportementales sont une innovation de ce budget.
Vous le savez, la réforme des retraites sera accélérée, tout comme celle de l'assurance maladie. Il faudra donc demander aux Français des efforts supplémentaires -ils seront les plus équitables possibles. Le temps que nos finances publiques retrouvent l'équilibre, les grandes entreprises subiront une hausse de 5 % de l'impôt sur les sociétés et les foyers les plus aisés seront touchés par le gel des barèmes de l'impôt sur le revenu, de l'ISF et des droits de succession.
M. François Marc. - Tout cela est provisoire !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Mais nous continuerons à protéger les Français les plus fragiles. D'où l'exclusion de la TVA à 7 % de l'alimentation et des services destinés aux handicapés par exemple. Nos dépenses sociales ne peuvent augmenter plus vite que la création de richesses, mais les revenus de remplacement suivront, eux, la hausse des prix ; il en ira de même pour les minima sociaux.
L'année 2012 sera décisive pour atteindre l'équilibre en 2016. Grâce à l'Assemblée nationale, le déficit sera réduit de un milliard pour s'établir à 79,7 milliards. Le Gouvernement proposera des amendements prenant en compte l'incidence de la baisse des prévisions de croissance sur les recettes -moins 3,9 milliards, dont 2,7 au titre de l'impôt sur les sociétés. Ils traduiront aussi un ajustement à la hausse de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle ; et les effets du plan annoncé par le Premier ministre. Au total, le solde sera amélioré de un milliard d'euros par rapport à la rédaction initiale et s'établira à 78,8 milliards d'euros.
Chacun est appelé à prendre sa juste part. L'heure est au sérieux et à la responsabilité. Il faut donc poursuivre les réformes trop longtemps différées, pour progresser sur le chemin du désendettement. La France sera au rendez-vous de ses engagements ! (Applaudissements à droite)
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. - (Applaudissements à droite) L'actualité économique est particulièrement chargée ces dernières semaines. Sans revenir sur l'excellente présentation faite par Mme Pécresse, je veux replacer ce budget dans le fil de la stratégie suivie depuis plusieurs années. Nous sommes conscients de la difficulté du travail parlementaire dans un tel contexte.
La zone euro traverse de très fortes turbulences mais j'insiste sur les avancées obtenues lors de l'accord du 26 octobre : les pays dont la situation est problématique ont engagé des efforts sans précédent, qu'il s'agisse de l'Espagne, de l'Italie, du Portugal ou de l'Irlande. La France aussi doit s'adapter, pour respecter son engagement de réduire son déficit. Le ralentissement de la croissance est mondial. L'accord du 26 octobre avec la Grèce a été accepté par le gouvernement d'union nationale, ce dont nous nous félicitons. Un nouveau plan d'aide de 100 milliards a été décidé, de même qu'une participation du secteur privé du même montant.
Nous avons également décidé de renforcer les moyens du FESF ; l'effet de levier du nouveau mécanisme sera de trois ou quatre, l'objectif étant d'atteindre 1 000 milliards. La France souhaite que ce fonds ait le caractère d'une banque, mais vous connaissez les réserves de l'Allemagne. La feuille de route a été fixée la semaine dernière au président du Fonds, qui doit trouver les investisseurs nécessaires.
Avec nos partenaires de la zone euro, nous voulons garantir la solidité des banques européennes, avec des fonds propres atteignant 9 % des engagements -nous leur demandons un effort de 106 milliards, dont 8,8 milliards pour les banques françaises ; un calendrier a été fixé. Nous veillerons à éviter toute raréfaction du crédit.
Le sommet du G20 à Cannes a été à la hauteur des enjeux, sur la base d'un jugement réaliste adapté à la situation de chaque État, qu'il s'agisse des pays excédentaires, comme la Chine et le Canada, ou des pays déficitaires. Le but est d'éviter le basculement vers la récession. Les États se sont accordés sur une réforme du système monétaire international -je salue à ce propos l'attitude des autorités chinoises. Les moyens du FMI seront renforcés, en cas de besoin, pour qu'il joue son rôle de rempart contre les risques systémiques.
La situation des marchés financiers est complexe, les marchés secondaires étant très sensibles aux variations de taux. Je souligne que la France se finance à un taux inchangé, c'est-à-dire dans des conditions favorables. Nous suivons toujours attentivement l'évolution du marché avec nos amis allemands et prendront nos responsabilités.
Jeudi dernier, une agence de notation a diffusé par erreur un communiqué sur la dette française. J'ai immédiatement saisi les autorité européenne et nationales des marchés car toute erreur en ce domaine peut être lourde de conséquences. Nous ne laisserons passer aucun message négatif qui ne correspondrait pas à la réalité. Les investisseurs nous conservent leur confiance, ils pourront continuer à le faire vu notre détermination à réduire le déficit, en vue de l'équilibre à l'horizon 2016.
Nous préserverons ainsi notre modèle social, dont le financement ne peut reposer sur la dette.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Très bien !
M. François Baroin, ministre. - L'économie mondiale est en phase de ralentissement, mais la croissance française a encore atteint 0,4 % au troisième trimestre de 2011, après le ralentissement temporaire du deuxième trimestre. La consommation a rebondi, l'investissement a progressé de 0,4 %. Cela montre que la stratégie du Gouvernement -réduire le déficit sans porter atteinte au pouvoir d'achat des Français, principal moteur de la croissance- porte ses fruits.
Nous avons réduit notre prévision de croissance, à l'instar de ce qu'ont fait les Allemands. Ce ralentissement s'explique par la conjoncture mondiale, qui va réduire nos exportations. Heureusement, le maintien du pouvoir d'achat des ménages devrait soutenir la consommation. Tels sont les éléments du cadrage économique que je voulais vous présenter.
Voilà qui justifie ce projet de loi de finances et les dispositions rectificatives qui vous seront présentées. Il faut tenir un discours de vérité, et réformer sans porter atteinte à notre modèle social ni à notre croissance. (Applaudissements sur les bancs UCR et UMP ; M. Philippe Marini, président de la commission des finances, applaudit aussi))
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - D'ici la fin de l'année, nous aurons examiné quatre lois financières. Notre déficit devrait passer de 5,7 % de PIB fin 2011 à 4,5 % fin 2012. Mais la marche de 2013 -un retour à 3 %- est la plus périlleuse car depuis 1960 la France n'a jamais réduit son déficit de 1,5 point de PIB en un an !
Le Gouvernement improvise. L'évolution de la situation européenne sera décisive. La France se finance aujourd'hui aux conditions faites à l'Italie il y a six mois : la situation est très critique ! Le 26 octobre le Gouvernement n'a pas réussi à convaincre nos partenaires sur le rôle du FESF et de la BCE ; les mesures prises par l'Union européenne n'ont pas convaincu les investisseurs.
Comme il est difficile de comprendre comment s'est enclenchée cette fuite en avant, nous avons décidé de multiplié les contacts bilatéraux. Sous la présidence de M. Arthuis nous sommes allés à Berlin, Bruxelles et La Haye : il faudra continuer à coordonner nos politiques. (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, le confirme) En effet, les effets déflationnistes des économies budgétaires ne seront pas soutenables si les pays excédentaires ne relancent pas leur activité. L'Allemagne et la Chine ont pris des engagements en ce sens à Cannes. Que le gouvernement nous en dise plus à ce sujet.
Sur la gouvernance de la zone euro, le « paquet » adopté devrait être appliqué à droit constant ; mais on envisage désormais une modification des traités ! Ce qui était impossible devient possible : où est la cohérence ?
Le discours du Gouvernement est en décalage avec ses actes. Ses plans successifs attesteraient sa réactivité mais ils ne rassurent en fait personne. Surtout, le Gouvernement devrait anticiper. Au lieu de cela, il parie toujours sur un improbable retournement de la conjoncture ! Pourquoi avoir attendu le 24 août pour annoncer des mesures qui auraient dû figurer dans le collectif de juin ? Dès le 26 avril, la commission des finances avait montré qu'il faudrait 10 milliards d'euros de plus pour 2012. Les hypothèses macro-économiques retenues étaient trop optimistes, avait constaté la Commission européenne, mais le Gouvernement ne cherchait sans doute qu'à gagner du temps.
Selon l'accord du 26 septembre, les budgets devraient être construits sur des hypothèses émanant d'économistes indépendants. Or, avec des hypothèses légèrement moins favorables que celles du Gouvernement, il faudrait 15 ou 17 milliards de plus ! Le Gouvernement instrumentalise-t-il la crise ? Je ne veux pas le croire !
Selon le Gouvernement, la gauche voudrait augmenter massivement les prélèvements, la droite réduire massivement les dépenses. Mais il faut une stratégie équilibrée. De 2007 à 2012, le Gouvernement a augmenté les prélèvements nets de 17,5 milliards. En 2011 et 2012, leur hausse atteindra 2 points de PIB, soit 40 milliards, alors que la baisse des dépenses est limitée à 1,5 point.
Ainsi, la réduction du déficit repose plus sur la hausse des recettes. Mme la ministre disait tout à l'heure que les recettes fiscales ne sauraient être qu'un outil complémentaire. Elle critiquait sans doute la politique du Gouvernement...
Il est inexact d'imputer à la crise l'augmentation du déficit public. C'est en réalité la crise qui vous a obligés à cesser de démanteler les recettes publiques.
Vous répétez aussi que la hausse générale des impôts n'a pas d'avenir. Tous les contribuables qui subissent le gel du barème de l'impôt sur le revenu apprécieront !
Certains vont même devenir contribuables alors qu'ils ne l'étaient pas ; ils perdront ainsi le bénéfice des allégements d'impôts locaux.
Le plan Fillon II reposerait, en début de parcours, sur les recettes, puis sur les dépenses ? Vous vous contentez en fait, pour 2013, de déclarations d'intentions : les 6 milliards annoncés ne reposent sur rien ! La Commission européenne elle-même vous exhorte à documenter vos annonces. Ne vous défaussez pas de vos responsabilités !
Vous vous êtes engagés à revoir vos hypothèses de croissance mais vous manipulez le taux d'évolution des dépenses publiques : 0,5 % au lieu d'1,4 % ! Pourquoi ne pas annoncer 0 % ? Vous auriez eu l'air plus vertueux mais pas plus crédible...
C'est pourquoi le Gouvernement concentre ses attaques sur le candidat socialiste, l'accusant de nuire aux intérêts du pays.
Or, d'autres choix fiscaux sont possibles. Vous avez dit que les écarts de taxation entre grandes et petites entreprises, entre capital et travail, étaient inacceptables. Soutenez donc nos amendements !
Nous ne proposons pas un contre-projet budgétaire mais nous voulons éclairer les enjeux de 2012, comme le Sénat l'avait fait pour l'année 2002. C'est la vocation pédagogique de ce débat
Lorsque nous désapprouverons la politique du Gouvernement dans un domaine, nous voterons contre les crédits.
La charge de la dette augmente rapidement, au point de menacer notre modèle social. Une hausse de 1 % des taux augmenterait les intérêts de 14 milliards en dix ans.
Le Gouvernement communique beaucoup sur l'investissement, en particulier sur la recherche. Mme la ministre me prête même des propos que je n'ai pas tenus. Mais on pourrait attendre quelques résultats des 5 milliards en faveur des entreprises !
M. Berson montre que l'effort réel de recherche n'est pas de 9 mais de 5 milliards.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Ce n'est pas rien !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Dans l'éducation nationale, les dépenses relatives aux heures supplémentaires représentent 40 000 emplois à temps plein, plus de la moitié correspondent à des emplois pérennes, destinés à pallier la désorganisation induite par la suppression de 66 000 postes depuis 2007.
Mme la ministre attribue à la RGPP une baisse historique de la masse salariale de l'État. Mais elle repose en grande partie sur le gel du point d'indice. Les services déconcentrés de proximité paient le prix de la RGPP, plus que les services centraux. Il est inacceptable de demander des efforts aux collectivités, sans aucun dialogue.
Je pense que notre débat ne sera ni monotone ni ronronnant. Nous expliquerons aux Français pourquoi il faut refuser des ajustements budgétaires sans vision claire de l'avenir, et inégalement partagés ! (Applaudissements à gauche ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Un budget inédit, dans un contexte inédit, sera examiné par un Sénat inédit... Le budget est inédit car il a déjà été corrigé pour tirer les conséquences de la crise. L'Italie devra refinancer 200 millions d'euros de dettes au cours du deuxième trimestre 2012. Cette crise nous concerne tous ! Il faudra s'évader de contraintes trop rigides et contradictoires. Le FESF ne suffit pas. La BCE, comme le FMI, seront nécessairement les lieux d'élaboration de nouvelles stratégies.
Que chacun mesure la gravité du débat budgétaire ! L'heure n'est pas au dénigrement systématique. Tous, nous devrions espérer pour la France le succès du Gouvernement. En mai et juin 2012, il faudra faire en sorte que la France conserve sa souveraineté et sa cohésion sociale, tout en renouant avec la croissance.
Un Sénat inédit, ai-je dit. Après tout, si le débat public en est enrichi, si nous débattons avec pondération et en argumentant, nous contribuerons à la crédibilité de la France. Ce n'est pas une affaire de groupes politiques, c'est l'affaire de la France !
Le discours du rapporteur général appelle quelques critiques. Vous dites que le Gouvernement a augmenté les prélèvements. Mais vos amendements représenteront 12 milliards de plus au total.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Ce ne sont pas les mêmes qui paieraient !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous aviez commencé avec l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale
M. Jean- Claude Lenoir - Dix-sept taxes en plus !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Ce qui m'importe, c'est que la majorité ait supprimé les exonérations en faveur des heures supplémentaires.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - C'est grave !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Est-ce opportun, alors que la consommation est le petit moteur de la croissance ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Bien sûr que non !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Sur les donations et successions, vous voulez abaisser la franchise à 50 000 euros. Combien de mètres carrés ce montant représente-t-il ? Est-ce cohérent, pour un parti qui se veut le défenseur des classes moyennes ?
Vous mettez en cause la fiscalité des groupes d'entreprises. Small is beautiful, dit-on. Mais si l'on veut de l'emploi et des centres de décisions pour conquérir les marchés mondiaux, il faut compter sur les grandes entreprises ! Vous concentrez la fiscalité sur chaque société d'un même groupe : ce n'est ni moderne, ni réaliste ! Cela se combinera-t-il avec la surtaxe exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés ?
Vous proposez aussi de revenir sur la loi de finances rectificative de juin pour modifier la fiscalité du patrimoine. Vous rejetez toutes les économies des plans Fillon I et II, et préférez augmenter les prélèvements de 12 milliards !
J'étais très largement d'accord avec la première partie de votre propos, mais pas avec la suite... Sur les crédits du personnel de l'éducation nationale, nos différences sont emblématiques : comment sera compensée la promesse de votre candidat ?
Le Gouvernement fait la preuve de son courage. Il a repris des propositions de la commission des finances du Sénat. Enfin, on a accepté de toucher aux taux de TVA. J'appelle à soutenir le passage à 7 % du taux réduit de TVA, sauf produits de première nécessité, sans se laisser impressionner par les lobbies.
Mme Nathalie Goulet. - Inch'Allah !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - La suppression des exonérations sur les heures supplémentaires nuirait bien plus au pouvoir d'achat.
Je crois aux économies générales plutôt que ciblées. Cela étant dit, les efforts du Gouvernement vont dans la bonne direction. Son honneur et celui de sa majorité, c'est de tout faire, quelles qu'en soient les conséquences, pour que la situation en mai 2012 soit aussi saine que possible et que les choix du peuple français puissent s'appliquer. Espérons que nos débats seront constructifs. A coup sûr nous entrerons l'an prochain dans un monde nouveau. (Applaudissements sur les bancs UMP et UCR)
M. Aymeri de Montesquiou. - La crise et les cures d'austérité adoptées par nos voisins ont fait comprendre que les largesses de l'État étaient payées par les citoyens. Nul n'oserait aujourd'hui proposer la semaine de 35 heures et la retraite à 60 ans ! Les ardeurs politiciennes devraient se modérer. Il faut du courage et de la justice.
Les dépenses publiques représentent 55 % du PIB, les prélèvements obligatoires 47 % : cette différence illustre 30 années de médiocres compromis. Les moyens financiers doivent être laissés dans le secteur marchand, plutôt que réinjectés dans un État boursouflé.
En 2012, les recettes de l'État ne couvriront que 79 % de ses dépenses. Il faut gérer l'État comme une entreprise, pas comme le monde d'Alice aux pays des merveilles !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Excellente formule !
M. Aymeri de Montesquiou. - Il faut réduire la dépense ; car en augmentant encore les impôts, on les rendrait confiscatoires. Sachons nous attacher au déficit structurel, comme le Canada l'a fait.
Les escarmouches entre l'Assemblée nationale et notre commission ne sont pas à la hauteur des enjeux. Pourquoi ne pas privilégier le critère de nationalité plutôt que de résidence pour l'impôt sur le revenu ? De même, les multinationales dont le siège social est situé en France devraient payer l'impôt sur les sociétés. Pouvez-vous l'obtenir ?
Quant aux niches fiscales, chacune trouvera des défenseurs. Un coup de rabot généralisé de 15 % rapporterait 10 milliards et serait plus facilement accepté.
La crise nous incite au courage car la perte de la note AAA serait désastreuse. La compétitivité de nos entreprises est en chute libre. Le rapport du Forum de Davos nous a rétrogradés du quinzième au dix-huitième rang mondial.
A l'opposé des PME allemandes et italiennes, les nôtres ont du mal à s'internationaliser ; elles sont bien plus taxées que nos grandes entreprises. Leurs charges sociales sont largement supérieures à la moyenne de l'OCDE. Je milite pour que le financement des branches famille et maladie de la sécurité sociale repose sur la TVA. Pour rendre nos entreprises compétitives, il faudra du temps.
Les heurts idéologiques ont empêché la mission commune Assemblée nationale-Sénat de s'accorder : c'est consternant !
L'hypothèse de croissance a enfin été révisée. Il faut dès à présent prévoir des recettes supplémentaires. Soyez innovants, courageux, justes : les Français vous suivront. Le prochain président de la République, quel qu'il soit, ne pourra mener une politique très différente de l'actuel. Ne nous perdons pas dans des querelles idéologiques, car les différences ne sont que de façade avec des prélèvements déjà excessifs.
Les prélèvements ne peuvent pas être globalement augmentés, ils sont déjà trop lourds par rapport à nos concurrents. Il faut les orienter vers les hauts revenus et les grandes entreprises. En Grande-Bretagne, où règne la City, temple du capitalisme, nos amis conservateurs ont taxé les plus gros contributeurs, sans craindre de faire fuir quiconque. Les transactions financières sont de l'économie virtuelle et en rapportent rien à la richesse nationale. Un banquier quittera-t-il une place financière en raison d'une taxe à 0,001 % ? Ne nous laissons pas abuser par les lobbies financiers, d'autant qu'une telle taxe nous rapporterait 12 milliards.
Mais le vrai gisement réside dans les dépenses, surtout si nous évitons de susciter un sentiment d'injustice, qui rendrait inopérante toute politique fiscale.
« Un pour tous, tous pour un » devise des mousquetaires, (sourires) doit devenir celle des Français ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Nathalie Goulet. - Bon sang ne saurait mentir !
M. Éric Bocquet. - La position de la France semble en voie de dégradation : le AAA ne paraît plus en avoir pour longtemps. Au demeurant, nos obligations à dix ans se placent à 3,22 % contre 1,77 % pour l'Allemagne.
Nous débattons aujourd'hui d'une hypothèse d'école, pas de la réalité. Et de quoi débattre, s'il n'y a pas d'alternative ? Comme Mme Thatcher, vous mériteriez le surnom de Tina : « There is no alternative ! » (Rires)
Notre décision peut-elle au moins éclairer nos concitoyens ? Depuis quelque temps, le Gouvernement dit que la crise a empêché les réformes de déployer leurs effets. A juste titre, la Cour des comptes a constaté que l'exonération des heures supplémentaires coûtait au pays plus qu'elle ne lui rapportait. Seules les entreprises en ont bénéficié.
La réforme de la transmission de patrimoine ? Passons sur l'exonération du conjoint survivant, qui aide les familles modestes à affronter le moment du deuil ; le reste a surtout profité aux contribuables les plus aisés. Avec la dernière réforme de l'ISF, celui-ci ne pèse plus sur les personnes possédant jusqu'à 1,3 million d'euros et les autres bénéficient d'un très bel allégement de la facture.
La réforme de la fiscalité locale ? Le patronat français a enfin trouvé un gouvernement disposé à supprimer la taxe professionnelle -une revendication du CNPF depuis 1977. Le nombre de chômeurs a-t-il diminué ? L'activité économique est-elle repartie ?
Pour les ménages, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères augmente tandis que la révision des valeurs locatives est en panne. Le statut d'auto-entrepreneur est-il probant ? Le chiffre d'affaires moyen se limite à quelque 700 euros par an ; il assure quelques recettes de poche et réduit le travail au noir, mais c'est surtout un moyen de déguiser des plans sociaux ou de l'emploi précaire.
Pour le livret A, le rétablir n'est pas brillant, sinon que des banques privées ont reçu des dizaines de milliards d'épargne populaire, sans profit pour l'habitat social par exemple. Ainsi, l'argent a été mis sous la coupe des marchés financiers, sans résoudre aucun des maux dont souffre notre société.
Changer de politique en changeant de budget reste notre but. Nous ne voterons pas ce projet de budget ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Yvon Collin. - Nous examinons le projet de budget dans un environnement dégradé depuis que la crise des subprimes a explosé en 2008.
Sans être en première ligne sur le front des turbulences budgétaires, la France est juste derrière. Le déficit de 25 millions en 2011 nous place dans une situation très fragile, mais l'objectif affiché pour 2013 reste fixé à 3 %. Opposition et majorité partagent la volonté de rendre notre dette publique acceptable pour les marchés, car le AAA est crucial.
La réduction du déficit budgétaire ne peut reposer sur la croissance : même si la hausse de 1,7 % est confirmée en 2011, une stagnation est prévisible l'an prochain. Il sera donc inévitable d'accroître les recettes fiscales, mais en respectant cette fois la justice sociale.
Mme Bricq a souligné le gâchis fiscal et l'improvisation du Gouvernement. Le programme de stabilisation 2009-2012 devait inverser la tendance à la hausse des dépenses, ce qui ne sera pas le cas. La crise n'explique pas tout.
Nous avons souvent mis en garde contre la loi Tepa. Aujourd'hui, il est trop tard, même si vous avez commencé à reprendre vos cadeaux fiscaux : la loi Tepa nous coûtera encore 9,3 milliards en 2012. Et vous persistez à maintenir un cap vous ayant conduits à l'échec.
Que pouvez-vous encore offrir à nos concitoyens après cinq ans de pouvoir ? L'austérité. Pourtant, la commission des finances du Sénat a montré qu'une autre politique était possible, empreinte de rigueur et de justice. Le groupe RDSE soutiendra ses avis. Nous voulons soumettre tous les revenus de l'épargne au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Pourquoi ne pas avoir pérennisé les contributions exceptionnelles de 3,5 % sur les hauts revenus ? Nous le ferons.
Juteux pour certains, les dispositifs d'incitation à l'investissement immobilier n'ont pas fluidifié le marché.
La restauration des finances publiques est indispensable mais il ne faut pas sacrifier la croissance. Les politiques européennes doivent donc converger, sans se concurrencer. Dès 2007, j'avais publié un rapport intitulé La coordination des politiques en Europe : le malaise avant la crise. Ce titre était prémonitoire. L'Europe doit prendre en compte les défis structurels à long terme et mieux diriger l'épargne vers l'investissement. La crise actuelle mérite mieux que les gesticulations cannoises. Que nos concitoyens voient l'Europe comme un espace d'espérance !
Le quinquennat se clôt sur l'échec d'une politique qui a déséquilibré nos finances, aggravé les inégalités, pesé sur la croissance, mis à mal le pouvoir d'achat des Français et mis en péril la crédibilité de la France. Il faudra en changer. (Applaudissements à gauche)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Le budget pour 2012 s'inscrit dans une crise planétaire, véritablement systémique. Le Gouvernement est à la barre du navire France et le président de la République sur le pont. Il fait preuve de réactivité. La prétendue caducité invoquée montre que certains en sont restés aux vieux réflexes. Preuve de la réactivité de la majorité présidentielle, certaines mesures du plan Fillon ont déjà été intégrées à ce budget, à l'Assemblée nationale.
A l'opposé d'un capitaine de pédalo, (exclamations à gauche) le président de la République a fait preuve d'une témérité remarquée au G20.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Dites-le aux marchés !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - La responsabilité commande de ne pas renoncer aux mesures nécessaires, même impopulaires. La vérité est que nous sommes tous responsables d'avoir laissé filer la dette. Notre déficit est structurel à 60 % et résulte des politiques suivies par les gouvernements successifs, de droite et de gauche. Mais d'un mal naîtra un bien : on ira vers plus de gouvernance européenne, ce qui ne diluera pas pour autant la France dans une entité supranationale. La France ne sera jamais aussi forte qu'au sein d'une Europe forte.
Seules des finances saines sauveront notre indépendance envers les marchés. Il est toujours pénible d'entendre certaines vérités, l'essentiel est de ne pas léguer à nos enfants des dettes abyssales.
Ce projet de budget réduira de 15 % le déficit de l'État et de 40 % celui de la sécurité sociale. Tous les pays européens réduiront leurs dépenses publiques, notamment en ne remplaçant pas tous les départs à la retraite. Cette politique nous a conservé le AAA, partagé avec seulement une douzaine de pays dans le monde.
Cet effort doit être partagé par les collectivités territoriales, qui contribueront à concurrence de 20 % à l'économie, ce qui correspond au poids qu'elles représentent dans le budget de l'État hors charges de la dette et pensions. La répartition de ces 200 millions a réduit leur incidence, en stabilisant les transferts dont la hausse des prix était prévue, mais en sanctuarisant la DGF. La clause de revoyure pour le RSA aura un effet pérenne en faveur des départements.
Le Gouvernement n'oublie pas les collectivités fragiles : la péréquation va se poursuivre, et même se développer avec le fonds de péréquation communal et intercommunal, qui verra le jour en 2012. La moitié des intercommunalités et communes isolées recevront une dotation. En 2012, le fonds sera abondé de 250 millions d'euros, une somme qui dépassera 2 milliards d'euros par la suite. Je regrette que Mme Bricq n'ait pas souligné ce progrès.
En 2012, 7 milliards d'euros seront économisés, outre les 11 milliards votés dans le collectif de septembre. Le Gouvernement agit avec prudence.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Avec retard !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Ce que vous préconisez déstabiliserait notre économie, alors que les 6 milliards de crédits mis en réserve par le Gouvernement permettront de soutenir la croissance. Les 5 milliards de recettes supplémentaires que vous proposez se limitent à de nouvelles taxations. Où sont les économies ? Vous voulez créer 600 000 emplois aidés, recruter des enseignants, opérer un rattrapage du Smic, mettre fin à la RGPP...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale la commission des finances. - Le meeting est lancé !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Il n'y a que des dépenses. Et quelles sont les conséquences financières de l'accord conclu avec les Verts ? Refusant la règle d'or, vous ne proposez que des hausses d'impôts. Malgré les promesses de M. Hollande, les impôts augmenteront encore plus vivement, sans rien régler.
Votre première victime sera la famille, que vous considérez comme une vache à lait fiscale. Si vous arrivez au Gouvernement, ce sera la faillite de la France et des Français ! Vous prétendez « réenchanter le rêve français », mais vous préparez des lendemains qui déchantent ! (Applaudissements à droite)
M. François Marc. - Le Sénat entame l'examen d'un budget obligeant la France à emprunter 80 milliards d'euros de plus en 2012, portant l'endettement à 87,7 % du PIB. Du jamais vu !
La crise s'est installée en Occident depuis que la société américaine Enron a fait faillite. De nombreux économistes ont alors pointé les dérives du capitalisme financier. M. Patrick Artus intitulait d'ailleurs l'un de ses livres Le capitalisme est en train de s'autodétruire.
Les outils ne manquaient pas pour que le Gouvernement puisse agir. A chaque occasion, j'ai proposé de renforcer la régulation, de réduire la rémunération des dirigeants et contrer la spéculation. Peine perdue.
Résultat de la faiblesse de votre action, la crise s'est aggravée en 2008, alors que l'État s'endettait de plus en plus. Les gouvernements ont laissé libre cours à la voracité des marchés ; ils se sont satisfaits d'une régulation par les financiers. Mme Lagarde a déclaré au printemps que nos banques étaient solides. On sait ce qu'il en est...
Malgré le poids de la crise, les deux tiers de la dette sont structurels. Sur 1 800 milliards de dettes, 500 remontent à l'élection de M. Sarkozy.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Il y a eu une crise.
M. François Marc. - Les cadeaux fiscaux atteignent 18,41 milliards par an depuis cinq ans. Notre pays aurait dû sortir depuis longtemps de l'économie d'endettement. Il flirte aujourd'hui avec la récession, avec un déficit record et une consommation des ménages en baisse.
Depuis quatre ans, le Gouvernement a pris l'habitude de se déjuger ; une fois de plus nous sommes dans l'improvisation la plus totale.
Les ministres successifs de l'économie nous ont garanti depuis 2002 que les baisses d'impôts seraient profitables à la croissance. M. Fillon se disait à la tête d'un État en faillite mais M. Guaino considère que les déficits créent de la croissance, qui permettra de les résorber !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - M. Guaino est un grand keynésien...
M. François Marc. - Les 500 milliards de dettes supplémentaires sont un vrai fiasco.
Vous manifestez une grande désinvolture à l'endroit des collectivités territoriales, à qui vous transférez des compétences sans les moyens de les exercer. Reformant la taxe professionnelle, la loi de 2009 réduit à néant l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Elles financent pourtant les trois quarts des investissements publics. Pourront-elles encore le faire ? J'en doute, vu l'économie de 200 millions imposée par le Gouvernement. S'agit-il de les faire participer à l'effort collectif ? Mais les départements subissent déjà une augmentation de leurs dépenses obligatoires à concurrence d'un milliard d'euros -décidée par l'État ! Nous proposerons de conforter la péréquation, dont 350 millions de dotation de solidarité aux territoires les plus démunis.
Un sensible rééquilibrage de la fiscalité s'est opéré en faveur des entreprises et au détriment des ménages : pensez à la taxe professionnelle, au crédit d'impôt recherche, à la TVA sur la restauration et aux niches fiscales sur l'impôt sur les sociétés. Une dépêche reproduite par Le Figaro...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Quelle lecture !
M. François Marc. - ...montre que le moral des patrons de PME est au plus bas depuis dix ans.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Ce qui vous réjouit !
M. François Marc. - Les PME enrichissent l'économie réelle. Le Gouvernement a fini par reconnaître l'inégalité fiscale entre grandes entreprises et PME, mais l'avancée qu'il propose est trop modeste : il faut engager une politique de croissance adressée aux PME. Notre pays peut se retrousser les manches, à condition de soutenir les PME par des mesures volontaristes.
Les experts de Bercy ont identifié plusieurs dizaines de milliards qui pourraient être repris sur des niches fiscales susceptibles d'être supprimées. Au lieu de les mobiliser, le Gouvernement crée une trentaine de taxes nouvelles, prélève 1,1 milliard sur les mutuelles, augmente de 800 millions la CSG, alourdit les taxes sur les tabacs et l'alcool. Cette cascade de taxes sournoises rend le budget peu lisible.
L'effort est très déséquilibré : comme l'an dernier, classes moyennes, jeunes actifs et femmes seront les victimes de votre budget. A 86 % le plan Fillon pèse sur les ménages, tandis que la redistribution au profit des ménages démunis est moins efficace qu'autrefois. Une politique fiscale ne doit pas se réduire à l'annonce de cures d'amaigrissement, elle doit comporter des mesures comprises et admises par tous.
La majorité sénatoriale veut plus d'ambition pour la France et plus de justice pour les Français ! (Applaudissements à gauche)
M. Serge Dassault. - Certains confondent la question de la dette et celle de l'équilibre budgétaire. La dette ne pourra diminuer que lorsque nous serons revenus à un équilibre budgétaire, qui n'augmentera plus notre dette, et même un excédent, pour pouvoir rembourser une partie du capital. Depuis 1981, tous les gouvernements de gauche comme de droite, ont multiplié aides, réductions de charges, allégements d'impôts, le tout financé par des emprunts. Ce n'est plus possible car nous n'en avons plus les moyens. Ce n'est pas à l'Etat de payer les charges et les impôts des entreprises !
Le problème c'est qu'avec les 35 heures, on ne travaille plus assez, et cela coûte 24 milliards en allégements de charges.
Nous ne travaillons plus assez, avec nos 35 heures. Les allégements de charges nous coûtent 24 milliards par an pour ne plus travailler ! Il faut revenir aux 39 heures payés 39 en supprimant les allégements. Notre croissance est en jeu, car elle dépend de nos exportations -handicapées aussi par le cours de l'euro.
Les aides diverses accordées par l'État depuis 1997 sont devenues difficiles à supporter. Les contrats aidés, dont l'efficacité n'est pas mesurable, coûtent très cher, de même que la prime pour l'emploi. Le taux réduit de TVA dans la restauration n'est pas justifié. Revenir à la situation de 1997, ce ne serait pas de la rigueur !
Une TVA sociale permettrait de réduire partiellement les charges sur les salaires. Il n'appartient pas à l'État de payer les impôts des contribuables. Les charges des industries de main-d'oeuvre devraient être réparties sur les entreprises de services. La réserve de participation devrait être augmentée au niveau de la distribution de dividendes ; voilà qui augmenterait le pouvoir d'achat des salariés sans obérer les finances des entreprises : c'est ce que j'applique en tant que chef d'entreprise.
Baissons les dépenses et ne touchons pas aux centrales nucléaires, qui ne posent aucun problème. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Vincent Delahaye. - Le Parlement n'a pas voté un budget à l'équilibre depuis 1975. « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés » écrivait le fabuliste. Trop longtemps, nous avons attendu une croissance providentielle, sans comprendre que le modèle des Trente glorieuses était caduc. Nos créanciers perdent confiance en notre signature ; il n'est pas sûr que les Français souscriraient volontiers aujourd'hui à un emprunt d'État.
La loi de programmation 2011-2014 a fixé une trajectoire, mais les marchés nous ont pris de cours ; excessifs ou pas, ils sont là. Le projet de loi de finances pour 2012 sera décisif. Trois voies sont ouvertes : augmenter les recettes, diminuer les dépenses, trouver l'équilibre entre les deux. Le Gouvernement privilégie l'augmentation des recettes : sur les 18 milliards annoncés, deux seulement portent sur les dépenses. Pourquoi ne pas convenir que, pour un euro de recettes supplémentaires, il y aurait un euro de dépenses en moins ?
Un mot des hypothèses macroéconomiques. La croissance en 2012 sera sans doute plus proche de zéro que de 1 %. Le Danemark et les Pays-Bas construisent leurs budgets sur des hypothèses volontairement restrictives. Pourquoi ne pas retenir l'hypothèse moyenne des économistes, soit 0,9 %, et retrancher 0,5 % de prudence ?
Côté recettes, le Gouvernement annonce 5 milliards d'euros au titre des cessions de participations de l'État ; quels actifs l'État veut-il céder ? La recette est hypothétique, ce qui met en doute la sincérité du budget.
L'UCR appelle de ses voeux une fiscalité favorable à la compétitivité et à l'emploi. Pourquoi pénaliser la production, alors que l'impôt pèsera in fine sur les consommateurs ? Notre système se caractérise par des subtilités byzantines le rendant illisible. Les 65 milliards de niches fiscales rendent notre système fiscal de plus en plus dégressif -donc de plus en plus injuste. Entre le taux facial et le taux réel de l'impôt sur les sociétés, l'écart s'accroît sans cesse.
L'imposition de la production représente 15 % de la richesse annuelle, trois points au-dessus de la moyenne européenne et quatre points au-dessus du taux allemand, ce qui nous rend peu compétitifs. En matière de taxe, l'imagination est au pouvoir, y compris au Sénat, où dix-sept taxes ont été créées en une soirée...
Il faut sortir de l'ornière du déficit structurel. M. de Montesquiou a parlé de la TVA compétitivité. Nous voulons aussi réduire les niches et créer une sinon deux nouvelles tranches de l'impôt sur le revenu. A l'initiative de M. Arthuis, nous proposerons de remplacer de cette façon la contribution exceptionnelle de l'article 3. (Mme Nathalie Goulet approuve)
Il faut aussi réduire la dépense publique, qui représente 56 % de la richesse nationale.
Certaines semblent incompressibles : on ne peut toucher à la charge de la dette ni à la contribution au budget de l'Union européenne, aux rémunérations et aux pensions de retraite, aux dotations aux collectivités. C'est dire qu'on ne pourrait toucher à 240 des 360 milliards du budget. Restent les missions de la deuxième partie, où les propositions d'économies ne sont pas légion. Il y a les grandes missions -jamais l'éducation nationale n'a disposé d'autant de crédits, mais ils paraissent toujours manquer- et les petites missions, dont on dit que les hausses sont indolores. Les crédits de l'audiovisuel et de l'aide à la presse augmenteront de 2,7 % ! Est-ce vraiment la priorité en temps de crise ? En agissant ainsi, nous n'y arriverons jamais.
L'effort effraie toujours, mais il est possible. Le courage est nécessaire car la période électorale n'est pas propice à la rigueur, même indispensable.
On dit que les sénateurs sont sages. Beaucoup sont courageux.
Mme Nathalie Goulet. - Et courageuses !
M. Vincent Delahaye. - Après ce débat décevant sur la première partie, j'ai hâte que les courageux se réveillent en deuxième partie ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Marc Massion. - Ce budget est déjà caduc parce que le Gouvernement s'est obstiné longtemps à maintenir son hypothèse de croissance de 1,75 %. Et il récidive avec une hypothèse à 1 %, alors que la Commission européenne annonce au mieux 0,6 %. N'y a-t-il donc aucune concertation entre Bruxelles et Paris ?
Vous refusez le mot « rigueur », mis à part M. Le Maire. Il sait de quoi il parle puisqu'il prépare le projet de l'UMP... Autre tabou : la récession. Y a-t-il un risque de récession en 2012 ? Vous devez dire la vérité aux Français !
Sur le creusement de la dette, vous mettez les gouvernements de gauche et de droite dans le même sac. Mais, comme disait Coluche, certains sont plus égaux que d'autres ! C'est le gouvernement Fillon qui a fait exploser la dette. Cela aussi, il faut le dire aux Français.
On a souvent l'impression de mesures improvisées dont les conséquences ne sont pas mesurées. En accélérant la réforme des retraites, vous allez obliger les salariés de Renault-Sandouville qui ont quitté l'entreprise dans le cadre d'un dispositif spécifique à revenir travailler quelques mois, pour certains sur d'autres sites...
Votre politique s'attaque au plus grand nombre, aux plus modestes. La taxe sur les mutuelles conduira à une augmentation des cotisations, alors que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à ne plus pouvoir se soigner. Les CCAS sont de plus en plus sollicités. La cohérence du Gouvernement est là : au début du quinquennat, il s'agissait de favoriser les plus hauts revenus ; il faut à présent les épargner. La contribution exceptionnelle ne fait pas illusion.
Nos amendements montrent que nous sommes aussi soucieux que vous d'équilibrer les finances publiques ! Mais nous sommes attentifs à la justice fiscale. Pourquoi refuser une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu ? En Allemagne, la tranche supérieure atteint 45 %, voire 47,5 % avec la cotisation de solidarité. J'avais cru comprendre qu'il fallait s'aligner... Quant aux collectivités territoriales, elles sont une nouvelle fois malmenées.
La dette... Le spread entre la France et l'Allemagne ne cesse de croître. Quelle France nous laisserez-vous en mai ? M. Sarkozy promettait de réduire en cinq ans le chômage à 5 %. Nous en sommes loin, alors que les suppressions d'emplois s'accumulent.
Tel est votre bilan ; tel sera notre héritage, auquel nous nous préparons à faire face avec l'ensemble de la gauche ! (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances, applaudit aussi)
M. Thierry Foucaud. - Face à la crise, on peut se soumettre à la loi des marchés financiers. Depuis 40 ans, la Banque de France n'est plus habilitée à faire d'avances au Trésor public. Résultat, nos comptes publics n'ont cessé de se dégrader. Le remède préconisé aujourd'hui est pire que le mal : voyez la Grèce, l'Espagne, le Portugal, où chômage et récession s'aggravent. Un tiers des communes portugaises sont au bord du dépôt de bilan...
Le Gouvernement nous administre l'amère potion de l'austérité. La crise a bon dos, pour un gouvernement qui a multiplié les cadeaux fiscaux, allégé l'ISF et renforcé le bouclier fiscal, supprimé la taxe professionnelle et autorisé la niche Copé. Vous allez prendre 2 milliards de plus aux salariés ou retraités : aux uns les cadeaux dispendieux, aux autres les efforts ! Mal nommée, la loi Tepa nous coûtera encore plus de 9 milliards d'euros en 2012. Chaque année, M. le président de la commission des finances soutient que cette loi est facteur de croissance...
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Je suis constant dans mes analyses, vous aussi !
M. Thierry Foucaud. - Ne cédons pas à la pression des marchés financiers. La régulation promise des marchés n'a pas eu lieu : dans la sphère financière, « taxe » et « impôt » sont des mots inconnus.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Vous êtes excessif !
M. Thierry Foucaud. - Il faut commencer par réformer la fiscalité. Le relèvement du taux de prélèvement libératoire ne doit pas faire oublier la question fondamentale : pourquoi ces formes d'imposition allégées existent-elles ?
Nous entendons privilégier des sources de financement qui ne doivent rien à la bourse. L'épargne populaire a été confiée aux banques, par le biais de la banalisation du Livret A : 60 à 80 milliards dont elles ont usé et abusé. Nos banques gèrent un flux de 1 500 milliards d'euros : ces sommes devraient être utilisées au mieux, mais nos PME peinent à obtenir des crédits. J'ai lu dans La Tribune du 6 octobre, que 60 % des appels d'offres ne trouvaient pas de financement auprès des banques françaises...
Il faudra taxer les transactions financières, mais aussi aller plus loin. On entend dire que les dépenses publiques ont crû à l'excès mais c'est une fable. En 1985, les dépenses de l'État représentaient 20 % du PIB ; la proportion n'a pas changé ! Ce sont les diminutions successives des recettes pendant des années qui ont conduit à la situation d'aujourd'hui.
La dictature des marchés, les peuples n'en veulent pas et ne manqueront pas de le faire savoir. La France n'a pas besoin d'un Monti ni d'un Papademos, mais d'une nouvelle politique, d'une nouvelle espérance. Nous ne voterons pas ce projet de loi de finances ! (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Dominati. - Je m'associe au rappel au Règlement de Mme Des Esgaulx. Nous avons débattu cette nuit jusqu'à 6 heures du matin sans rien proposer de concret aux entreprises ou aux collectivités.
Il y a dix ans, les réserves de change étaient détenues aux deux tiers par les pays développés. A partir de 2005, le rapport s'est équilibré ; aujourd'hui, il s'est inversé et l'Europe vacille. Le président de la République a assumé ses responsabilités comme président du G20 tout en s'efforçant de faire comprendre aux Français la nécessité de poursuivre les réformes.
Ce débat diffère des précédents car il est placé sous le signe de la convergence avec l'Allemagne. Pour la première fois dans cette enceinte, nul n'a dénoncé une politique « ultralibérale ». Impératif pour tous, le désendettement oblige à mener une politique plus libérale, où la dépense publique compte moins. Elle représente 56 % du PIB en France, dix points de plus qu'en Allemagne.
Nous devons être plus réactifs. L'Allemagne a baissé de 30 milliards ses prélèvements obligatoires tandis que nous augmentions nos dépenses publiques ! Pourquoi y a-t-il 6 000 écoles primaires de moins en Allemagne ?
Pourquoi n'y a-t-il pas d'audiovisuel public sous les mêmes formes ?
M. Richard Yung. - Ils ont la grosse Bertha !
M. Philippe Dominati. - L'Allemagne est plus compétitive parce que les charges sociales y sont plus faibles : l'euro fort n'est pour rien dans nos difficultés -voyez les exportations allemandes et leur tissu de PME performantes.
Pendant des décennies, nous avons laissé filer les déficits. Le Gouvernement a le courage de réagir. Mme Bricq propose un équilibre entre augmentation des recettes et baisse des dépenses ; le projet du Gouvernement doit être plus ambitieux sur ce dernier point : c'est la seule voie pour sortir de la crise.
La décentralisation suppose des ressources propres pour les collectivités. Mais elles ont besoin d'une réforme structurelle.
Quant aux charges sociales, le financement par l'État des 35 heures doit prendre fin, et il faut débattre du temps de travail, de la liberté de travail. J'attends aussi des économies de fonctionnement et une réduction du périmètre de l'État.
C'est la première fois depuis 1945 qu'un Gouvernement prend des mesures aussi courageuses à l'aube d'une échéance présidentielle. Je l'en félicite. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Claude Haut. - Le diagnostic est partagé, mais nous différons sur les moyens de sortir de la crise et les responsabilités de chacun. Vous donnez l'impression, madame la ministre, que vous venez d'arriver au pouvoir... Mais la droite est au pouvoir depuis dix ans. Rien ne sert de remonter au siècle dernier pour établir les responsabilités ! Une grande part des déficits est imputable aux mesures prises entre 2002 et 2007, notamment à la loi Tepa et autres cadeaux fiscaux pour les plus riches -500 milliards de dette supplémentaire depuis 2007.
Les élus locaux en ont assez d'entendre leur gestion mise en cause. Le renouvellement sénatorial l'a montré.
M. Bruno Sido. - Cela ne prouve rien !
M. Claude Haut. - Je suis tout à fait certain maintenant que vous n'avez pas entendu le message ! On dit souvent au Gouvernement que les collectivités sont responsables du déficit public.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Je n'ai pas dit cela !
M. Claude Haut. - M. de Courson reconnaît pourtant que les collectivités ne sont pas en cause.
M. Bruno Sido. - Il n'en sait rien, il n'est ni maire ni président d'un conseil général !
M. Claude Haut. - Je lui transmettrai...
En n'indexant pas les dotations aux collectivités au moins sur l'inflation, vous cassez l'un des rares outils d'investissement et de croissance qui fonctionnent encore. La part de l'investissement public local est en baisse : il est tombé de 75 % à 63 %. Un rapport de Bercy, publié très opportunément, conclut à une forte augmentation des effectifs de la fonction publique territoriale, mais je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes sur les budgets de communication des ministres ! La même Cour a d'ailleurs souligné, en 2010, la rigoureuse gestion des collectivités et la modération de leurs frais de personnel.
La Conférence nationale des exécutifs, lieu de concertation entre l'État et les collectivités, ne se réunit plus. Il faudrait la réunir car la situation financière des départements est grave. Ce sont eux qui subissent la moitié de l'effort de 200 millions demandé aux collectivités !
M. François Marc. - C'est incompréhensible !
M. Claude Haut. - Les départements ont pourtant à faire face à des dépenses sociales qu'ils ne maîtrisent pas, en augmentation annuelle moyenne de 8 % depuis 2004. Pourtant ils continuent à innover et à investir. Et ils sont confrontés à un nouveau phénomène : les banques ne prêtent plus aux collectivités ; cela nuira à la croissance. Les départements peuvent-ils, sans financement pérenne, continuer à verser les allocations individuelles sans solution de financement pérenne, ou rendre cette charge à l'État ? Le temps d'un nouveau contrat entre État et collectivités est venu, de même qu'une nouvelle phase de la décentralisation et une péréquation renforcée. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Georges Patient. - La crise oblige à mettre en place des plans d'austérité. Mais sont-ils équitables ? Peut-on traiter comme des économies avancées les territoires d'outre-mer, plus proches de pays en voie de développement, et au bord de l'explosion ?
Après la Guyane en 2008 et la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion en 2009, c'est Mayotte qui s'embrase et le feu ne s'éteint pas. Il y a des tensions en Nouvelle-Calédonie et la Polynésie est au bord de la faillite.
Les raisons sont connues : la vie chère et la pauvreté, car un quart des ménages sont sous le seuil de pauvreté outre-mer. Le taux de chômage avoisine 30 % à la Réunion et 60 % dans certaines parties du département. Le PIB par habitant est compris entre 16 000 et 17 000 euros, contre 30 000 en métropole.
Quelque 250 000 personnes vivent dans des logements insalubres. Nous sommes donc loin du rapprochement des conditions de vie avec celles de la métropole. Après les événements de 2009, le Gouvernement s'était engagé à lancer une politique de croissance endogène. L'idée était bonne, mais les moyens n'ont pas suivi. Le Gouvernement estime que 90 % des objectifs sont réalisés ou en cours de l'être. Tout est dans la nuance !
Où est la cohérence de la politique outre-mer, favoriser la résorption du chômage ? Les dépenses fiscales ont diminué de 5 millions d'euros, alors que la réduction des niches n'a pas les mêmes effets partout. Ne pénalisez pas trop les territoires ultramarins, où la dépense fiscale joue un rôle privilégié !
L'abattement de l'impôt sur les sociétés outre-mer devrait favoriser l'autofinancement dans un environnement où les crédits bancaires sont difficiles à obtenir. Il faut au moins conserver l'abattement au profit des entreprises situées dans les zones franches et qui réinvestissent leurs bénéfices.
Arrêtez de considérer que les outre-mer coûtent très cher à l'État, sous prétexte qu'ils absorbent 46 % des dépenses et économisent 20 % du déficit : leur population représente 4,2 % des Français avec une zone maritime de premier ordre. Met-on ces richesses dans la balance ? Il est temps de rompre avec la vision cartièriste : les outre-mer ne quémandent pas ; ils veulent améliorer les conditions de vie. Encore faut-il que les acteurs locaux ne soient pas entravés par des normes européennes ou par la rareté du crédit.
Les recettes fiscales peuvent jouer un grand rôle mais leur gestion incombe à l'État. Un rapport de la Cour des comptes a montré en juillet que les bases cadastrales sont peu fiables et que les abattements accordés par l'État ne sont pas compensés.
En 2006, le Conseil d'État a condamné l'État en raison du retard pris dans le cadastre à Kourou.
J'espère que nos propositions recueilleront votre assentiment. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Claude Frécon. - Je commencerai par le premier fonds de péréquation communale ou intercommunale qui utilisera le potentiel financier des communes, comparé à la moyenne de la strate démographique. Nous redoutons une nouvelle usine à gaz.
Ensuite, les potentiels fiscal ou financier sont amplement modifiés.
Aucune simulation n'a été réalisée. Des garanties préserveront les dotations de solidarité, qui doivent se situer entre 90 % et 120 % de la dotation antérieure. Sans contester toute évolution du système, comment établir les budgets pour l'an prochain ?
J'en viens aux strates démographiques.
Le potentiel fiscal sera conforme à la moyenne nationale, mais le potentiel financier sera comparé à la moyenne des quinze strates retenues pour les dotations d'État, et le potentiel fiscal et financier pour la péréquation horizontale par rapport aux sept strates retenues pour la répartition des crédits du fonds !
On pourrait utiliser un système de progression logarithmique, comme l'a prévu notre commission des finances, ce qui serait sans doute apprécié par notre ancien collègue Yves Fréville.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Certainement !
M. Jean-Claude Frécon. - Le déficit de l'État atteint un niveau record. L'objectif de 3 % concerne... 2013, alors que nul ne sait qui établira le budget.
J'observe que les collectivités locales participent pour 4 % à la dette publique, la sécurité sociale pour 10 %, l'État pour 86 % ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est lui qui finance les dotations !
M. Richard Yung. - Visiblement, le budget n'intéresse guère la droite...
Je replacerai le budget dans le cadre européen.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - On l'a fait au début de la discussion.
M. Richard Yung. - J'y reviens.
Ce budget est censé s'inscrire dans le programme de stabilité 2011-2014 validé en juin par la Commission européenne, lequel reposait sur des hypothèses de croissance qui n'ont plus cours.
Le sommet européen d'octobre a proposé qu'à l'avenir, les budgets soient fondés sur des estimations de croissance indépendantes. C'est une bonne idée.
L'idée a été émise de revoir en cours d'année des budgets dont le déficit est excessif, mais nous craignons que la -libérale- Commission européenne n'en profite pour mettre en cause des acquis sociaux et des systèmes nationaux de solidarité : il y a eu le précédent du CDI.
Le commissaire européen aux affaires économiques a déjà estimé insuffisantes les mesures annoncées par le Gouvernement.
Par ailleurs, le Conseil européen a évoqué à nouveau la « règle d'or », une idée inopportune que nous pensions abandonnée. M. Van Rumpuy lui-même a dit qu'une telle règle était « parfaitement inutile ».
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Elle ne nuirait pas.
M. Richard Yung. - Il est temps d'instaurer un fédéralisme budgétaire pour valoriser la croissance. Il ne s'agit pas seulement de surveillance comptable des budgets. M. Verhofstadt plaide en ce sens.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est un fédéraliste : on peut l'être ou ne pas l'être...
M. Richard Yung. - Je le suis depuis 40 ans. On prêche parfois dans le désert, mais cela viendra.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Il y a des utopies fondatrices.
M. Richard Yung. - Le budget européen doit financer certaines dépenses d'avenir. Il faudra donc débattre des ressources propres pour l'Union européenne.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - De nouveaux impôts.
M. Richard Yung. - En matière d'impôt sur les sociétés, l'harmonisation ne requiert pas d'efforts majeurs. Il faut aussi une taxe sur les transactions financières, même si la City nous fait de gros yeux. D'ailleurs, elle ne fait pas partie de la zone euro.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - C'est là que les transactions ont lieu !
M. Richard Yung. - Nous pourrons ainsi réduire l'endettement sans casser la croissance, comme on l'a fait en Grèce : le malade est guéri, il est mort !
Nous avons besoin d'une politique budgétaire européenne plus ambitieuse. En Europe, il n'y a pas que l'Allemagne. Avec la CDU et Mme Merkel, nous avançons trop peu et trop tard. Je crois à des rapprochements positifs avec le SPD de Sigmar Gabriel, en vue de 2013 et 2014. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Vincent Placé. - Nous vivons la crise structurelle d'un modèle de développement obsolète, mais le Gouvernement ne semble pas en avoir conscience. Les écologistes ont toujours mis en garde contre la course en avant vers la financiarisation de l'économie. Mais la taxe sur les transactions financières a longtemps semblé une fantaisie d'extrême-gauche.
Votre incapacité à analyser la situation est étonnante : deux mois après le premier plan d'aide à la Grèce, il fallait encore restructurer la dette. Le même aveuglement caractérise vos projets budgétaires élaborés à la hâte.
En 2009, M. Sarkozy déclarait que les paradis fiscaux avaient vécu et dénonçait les bonus des traders. Il vient de promettre de veiller à ce que les pratiques du passé s'arrêtent. Bel aveu d'impuissance.
J'en viens à vos projets fiscaux : alors que nous affrontons la pire crise depuis 1929, selon vous, fallait-il offrir 2 milliards aux redevables de l'ISF avant de proposer l'austérité ? Vous laissez les agences de notation dicter la politique de la France, mais vous n'avez même pas le courage de reconnaître vos erreurs. Vous préférez ajouter aux mesures injustes des trompe-l'oeil qui ne rapporteront pas grand-chose.
De cette politique erratique, seul émerge le discours effrayant sur les voleurs de minima sociaux, les profiteurs du RSA ou les malades irresponsables. Comme les dirigeants grecs qui ont renouvelé l'intégralité de leur état-major et qui laissent l'extrême-droite entrer au Gouvernement, vous êtes tentés par le choix du repli autoritaire.
Cette crise est aussi une crise écologique. Les marchés de matières premières sont de plus en plus touchés. Il est urgent d'agir, de réduire les inégalités et de retrouver le sens commun. J'en appelle à la révolution écologiste, créatrice d'emplois non délocalisables. Combattons la dérégulation financière et l'évasion fiscale. C'est affaire de volonté politique !
Une large contribution climat-énergie pourrait orienter les comportements des individus et des entreprises. Les particuliers ont besoin d'un impôt sur le revenu lisible, prélevé à la source et progressif, assis sur les revenus du capital et du travail. La refonte des niches fiscales dégagerait de larges marges de manoeuvre pour le bien public.
La crise aura peut-être pour vertu de décrédibiliser définitivement notre vision périmée de l'économie ! (Applaudissements à gauche)
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Nous traversons une période décisive en affrontant des circonstances inédites, comme l'a relevé M. Marini. Nos choix engagent notre avenir. Le Gouvernement fait preuve d'une lucidité sans précédent : tous ses prédécesseurs préféraient remettre les ajustements à plus tard lorsque la situation était détériorée. On ne change pas un budget en cours de discussion, avait proclamé Lionel Jospin après le 11 septembre 2001 !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Mais on change une équipe qui perd.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Nous faisons le choix de la prudence. Il n'y aura pas de troisième plan de redressement. (On en doute à gauche) Face à la crise, nous proposons un budget sincère, qui comporte une réserve de précaution.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - Un bon amortisseur.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - La prévision est un art difficile, peu compatible avec les certitudes. La croissance française est faible, mais elle existe. Il ne faut pas lui porter atteinte. A entendre certains d'entre vous, on pourrait croire qu'ils veulent que la France aille plus mal...
M. Jean-Vincent Placé. - La décroissance, j'en parle, vous la faites.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Réduire le déficit sans casser la croissante : tel est la voie que nous suivons.
En 2008 et 2009, le Gouvernement a laissé fonctionner les stabilisateurs automatiques pour faire face à la crise.
Les dépenses publiques augmentent de 0,8 % par an, contre 2 % par an au cours des vingt dernières années.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - 4 % en 2009 !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Dans le rapport de Mme Bricq, il est écrit que l'effort porte davantage sur les dépenses que sur les recettes.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - Sur l'ensemble du quinquennat, pas ces dernières années !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Sans le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, la masse salariale de l'État continuerait à augmenter de 800 milliards d'euros : le gel du point d'indice ne suffit pas à la maîtriser !
Les décisions prises en ce domaine auront des incidences à très long terme, parce que le recrutement de fonctionnaires s'apprécie retraite incluse. Les recettes sont très marquées par la crise : l'impôt sur les sociétés n'a pas retrouvé le niveau de 2007.
Monsieur Marc, quelles niches fiscales voulez-vous mettre en cause ? Celles de cohésion sociale sont les plus critiquées par l'inspection des finances, mais nous les conservons. De même, le développement endogène outre-mer est une priorité absolue du président de la République.
On ne peut dire que les prélèvements fiscaux ont augmenté et que nous avons multiplié les cadeaux aux plus riches. Notre fiscalité sur le patrimoine est supérieure de quinze points à celle de l'Allemagne ! Nous pourrions donner des leçons de justice fiscale, nous n'avons pas à en recevoir.
Les collectivités locales s'endettent, elles doivent donc participer à l'effort de désendettement. Le Gouvernement leur demande un millième de leur budget consolidé !
Monsieur Frécon, le nouveau dispositif de péréquation renforce la solidarité entre collectivités ; il a fait l'objet d'une concertation approfondie au comité des fiances locales.
Dans le souci de préserver le pouvoir d'achat des Français les plus fragiles, nous maintenons à 5,5 % le taux de TVA sur tous les produits de première nécessité. La fin de l'exonération des heures supplémentaires coûterait 450 euros par an aux 9 millions de Français qui en profitent et gagnent en moyenne 1 500 euros par mois.
M. Thierry Foucaud. - Mais non !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Monsieur Delahaye, revenir à l'équilibre est le seul moyen de stabiliser le poids de la dette.
Monsieur Yung, tous les pays d'Europe privilégient la baisse des dépenses pour diminuer leur déficit.
Avec M. de Montesquiou, je regrette que ce débat national ne se déroule pas sous les auspices de la devise des mousquetaires : « Un pour tous, tous pour un ! ».
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. - La commission sollicite une brève suspension de séance pour examiner la motion tendant à opposer la question préalable, dont l'adoption mettrait fin au débat.
La séance, suspendue à 19 h 20, reprend à 19 h 50.
Question préalable
M. le président. - Motion n°I-194, présentée par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de Finances pour 2012 (n° 106, 2011-2012).
Mme Marie-France Beaufils. - Les annonces se multiplient depuis que le débat budgétaire a commencé à l'Assemblée nationale. Le projet de loi de finances a été élaboré d'après des hypothèses de croissance peu crédibles. Suivant les exhortations du FMI et des autres instituts financiers, vous voulez faire payer la crise aux plus démunis. L'austérité ne résoudra rien. Elle a pour seul objet d'envoyer un signal aux marchés financiers. La Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Italie en sont les premières victimes. A terme, les peuples se révolteront contre la dictature des marchés. Viennent d'arriver à la tête de la Grèce un ancien banquier central, à la tête de l'Italie un ancien commissaire européen. M. Michel Pébereau invite lui-même à d'autres choix. Nous pourrions débattre d'un projet de loi de finances courageux et volontariste.
Les Français subissent des reculs sociaux significatifs. Les projets de loi de finances peuvent être amendés mais les grandes politiques publiques sont bloquées, Lolf oblige. Le Gouvernement refuse de reconnaître que le système capitaliste a montré ses limites. La contribution sur les hauts revenus ne rapportera que 200 millions à titre exceptionnel, alors que le collectif de septembre vient d'offrir de façon pérenne plus de 1,8 milliard sur l'ISF dû par les ménages les plus fortunés.
On demande 1,1 milliard aux grandes entreprises ? Certes, mais cela représente tout au plus 1 % des profits déclarés des entreprises du CAC 40.
Vous parlez d'efforts partagés. Mais les entreprises ont gagné 11 milliards d'euros avec la suppression de la taxe professionnelle, qui n'a fait progresser ni la croissance ni l'emploi. Les grandes entreprises en perçoivent tout le bénéfice. Les aides accordées aux banques l'ont été sans contrepartie.
Chaque loi de finances comporte son lot de taxes sur la consommation. Érigé en dogme, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n'a rapporté que 4 milliards d'euros en un quinquennat. Mais quels moyens reste-t-il pour nos services publics ? Et que pèsent ces 4 milliards ? Quand la Bourse de Paris perd deux points en une séance, comme avant-hier, elle perd quatre fois ce que le Gouvernement est fier d'avoir économisé sur la dépense publique !
On dit que l'impôt ne doit pas nuire à la compétitivité des entreprises ; vous traduisez : moins-disant fiscal. Avec un taux de 33,33 %, l'impôt sur les sociétés en France paraît l'un des plus élevés d'Europe ; le Conseil des prélèvements obligatoires a montré ce qu'il en était : sa part dans le PIB demeure faible et nous dépensons des sommes considérables à ne pas l'appliquer ! En outre, vous maintenez des dispositions favorables à la spéculation, comme la niche Copé. (Mme Valérie Pécresse, ministre, proteste) Cette course à la rentabilité financière est un véritable cancer pour notre industrie.
Les collectivités dépensent trop ? Il faudrait réduire le millefeuille ? Qu'ont fait de si terrible les élus locaux ? Responsables des trois quarts de l'investissement public, les collectivités préserveront un peu de croissance, en particulier dans le BTP. L'État ne cesse de ponctionner leurs ressources. Il annonce une réforme de la péréquation horizontale -alors que les ressources propres des collectivités sont en baisse.
Le collectif de fin d'année comporte une hausse de la TVA, le gel du barème de l'impôt sur le revenu, la réduction des dépenses publiques : il aurait fallu en débattre dès maintenant. Vous réduisez l'ISF et faites les poches des assurés sociaux, avec la taxe sur les mutuelles : c'est inacceptable !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. - La discussion générale a montré que la droite et la gauche ne proposaient pas les mêmes choix. Chacun veut continuer à débattre. Songeons aussi à l'intense travail fourni par les rapporteurs spéciaux. Maintenant que vous avez exprimé vos craintes, je vous suggère de retirer la motion.
M. Thierry Foucaud. - J'ai été surpris par l'attitude de la droite, qui essaie de diviser la gauche.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Vous n'avez besoin de nous pour cela !
M. Thierry Foucaud. - Tous, à gauche, nous retrouvons pour dénoncer l'injustice fiscale et sociale, la réduction arbitraire des dépenses publiques, l'absence de prise en compte des besoins sociaux, la soumission aux marchés financiers.
Pour ne pas laisser le champ libre aux manoeuvres politiciennes, nous retirons cette motion.
Mme Fabienne Keller. - Grâce à nous.
La motion n°I-194 est retirée.
Prochaine séance demain, vendredi 18 novembre 2011, à 14 h 30.
La séance est levée à 20 h 10.
Jean-Luc Dealberto,
Directeur des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du vendredi 18 novembre 2011
Séance publique
À 14 HEURES 30, LE SOIR ET LA NUIT
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2012, (n° 106, 2011-2012).
Rapport (n° 107, 2011-2012) de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.
Examen des articles de la première partie.
_____________________________
ERRATUM
Au compte rendu de la séance du mercredi 16 novembre 2011 : colonne 12, cinquième ligne, après le scrutin public sur la motion n°2, lire :
M. François Trucy. - J'espère que M. Guérini a bien voté !