Protection de l'identité (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'identité.
Discussion générale
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. - La proposition de loi Lecerf-Houel a fait l'objet lors de la première lecture de débats denses et constructifs. Il s'agit de simplifier les démarches administratives et lutter contre l'usurpation d'identité.
Ce qui concerne la nouvelle carte d'identité a été adopté conforme, je m'en réjouis. Les usurpations d'identité sont difficiles à quantifier, de l'emprunt d'identité sans conséquence jusqu'à l'escroquerie. Ce phénomène polymorphe touche quoi qu'il en soit plusieurs dizaines de milliers de personnes. C'est un fléau lancinant en constante progression, qui peut transformer une vie normale en cauchemar : personnes bloquées aux frontières, dépressions chroniques, interdictions bancaires, souscriptions de crédits à la consommation, radiations de droit à la sécurité sociale, etc. Les victimes sont harcelées de lettres recommandées, de convocations devant la justice, elles doivent démontrer leur innocence, expliquer, se justifier.
Il nous faut une carte d'identité susceptible d'empêcher ce phénomène : titre plus sûr et procédure d'obtention simplifiée. Ne restent en discussion que les modalités concernant les données biométriques. Le titre électronique sécurisé existe déjà pour les passeports.
L'article 5, objet du désaccord, traite du lien entre les éléments d'état civil et les données biométriques. Votre commission propose un fichier à lien faible, alors que nous reprenons l'équilibre entre sécurité et libertés individuelles défini en 2005 dans le rapport Lecerf à propos d'un fichier national d'identité. Nous préférons un lien fort, considérant que c'est plutôt l'accès à la base que les données elles-mêmes qu'il faut sécuriser. S'exprimant à propos du décret relatif au passeport biométrique, le Conseil d'État, a estimé récemment que, si le traitement est encadré, il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles. L'utilisation de la base centrale doit garantir la délivrance du titre à la bonne personne. Des réquisitions sont envisageables sous le contrôle du juge. Est aussi prévue une stricte traçabilité des personnes qui consultent le fichier.
En revanche, une base à lien faible ne permet pas d'identifier un usurpateur entré dans la base avant le vrai possesseur de l'identité. La fiabilité technique est contestée et le système n'a jamais été expérimenté à cette échelle, on n'en connaît ni le coût ni la durée d'élaboration. On en est au stade du seul concept. Comme une seule entreprise serait concernée par une base à lien faible, légiférer en ce sens irait contre le droit européen de la concurrence.
Ne vous arrêtez pas au milieu du chemin, donnez à la puissance publique la capacité de lutter contre ce fléau, revenez sur l'amendement de la commission des lois. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois. - Le Sénat souscrit au but poursuivi : titres électroniques associés à une base de données biométriques. Mais l'Assemblée nationale a adopté une position radicalement différente de la nôtre sur la question cruciale de l'architecture du fichier central biométrique. La commission des lois a estimé, le 17 octobre, qu'un retour à la rédaction initiale du Sénat s'imposait. L'initiative était tout de même de notre côté ! Nous avons fixé les termes du débat en reconnaissant la légitimité de l'objectif sans porter atteinte aux droits fondamentaux.
L'Assemblée nationale a supprimé les garanties techniques que nous avions apportées, en estimant qu'en cas d'usurpation on ne pourrait, par consultation du fichier, la détecter. Le fichier ne pourrait être utilisé en matière criminelle, disent les députés. Mais nous privilégions la dissuasion sur la répression : si l'usurpateur a 99,9 % de chances d'être repéré, comment persévérerait-il ? L'objectif du texte est donc atteint et il y a bien proportionnalité entre le but et la rédaction.
L'Assemblée nationale rompt cet équilibre et nous fait courir un risque d'inconstitutionnalité ; puis encore, elle nous place en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Son texte ne satisfait même pas la volonté affichée par les députés car il rend possible l'utilisation du fichier central même hors de toute réquisition judiciaire.
Le 25 octobre, la Cnil a adopté une note d'observation sur la proposition de loi, demandant que l'on s'assure que le traitement créé ne peut être employé que pour l'établissement des titres d'identité.
La finalité de police judiciaire doit être distincte. C'est pourquoi la Cnil retient l'idée d'un lien faible.
Le 26 octobre, le Conseil d'État, à propos du passeport biométrique, a rappelé l'ingérence dans la vie privée que constituent la collecte et le traitement des données personnelles : elle ne se justifie qu'encadrée strictement. La base créée est unique par sa taille : 60 millions de personnes fichées !
Seule la rédaction retenue par notre commission des lois respecte à la fois les principes fondamentaux attachés aux libertés publiques, les normes juridiques supérieures qui s'imposent au législateur et la proportionnalité entre l'objectif de la loi et les moyens mis en oeuvre pour son application.
Dans la lutte contre la fraude à l'identité, le zéro défaut est l'objectif de l'Assemblée nationale. Dans la protection des libertés publiques, le risque zéro est la priorité du Sénat. (Applaudissements)
Mme Virginie Klès. - Nous partageons un certain nombre de constats et d'objectifs. L'usurpation d'identité est un drame, quelle qu'en soit l'ampleur, quantitativement. Mais ne jouons pas au chat et à la souris avec la Cnil et le Conseil d'État : ne jouons pas sur les concepts de proportionnalité, de finalité...
Les contrôles à la source instaurés pour la délivrance des titres d'identité seront déjà très efficaces. Les données biométriques rendent possible une identification certaine, sachant que certaines sont traçantes, d'autres non. Les empreintes digitales sont traçantes -on les laisse partout où l'on passe- mais elles peuvent être reconstituées et utilisées contre vous.
Les nouveaux titres sont une amélioration et nous y souscrivons. Nous ne sommes pas non plus opposés au fichier central, mais... il y a beaucoup de « mais ». La commission des lois a une position consensuelle, partagée par la Cnil : la base ne saurait devenir un fichier de police généralisé. Le fichier à lien faible permet une détection des fraudes à 99,9 %. Il reste 0,1 % de fraude, ne faisons pas peur aux Français avec cette question.
Écoutes plus ou moins légales, la confiance de nos concitoyens envers les garanties juridiques a bien faibli ! Évitons les intrusions dans leur vie privée, c'est ce qu'ils attendent de nous. La rédaction du Sénat protège les libertés individuelles.
Je conserve un petit regret, l'intégration de la puce vie quotidienne dans le titre, sur laquelle nous n'avions pas tout réglé : des traces de la vie privée seront laissées sur le réseau internet. Quoi qu'il en soit, nous voterons la proposition de loi dans la rédaction de la commission des lois. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Éliane Assassi. - La proposition de loi vise à lutter contre l'usurpation d'identité, mais entre les objectifs et les ambitions réelles des auteurs de la proposition de loi et ceux du Gouvernement, il y a un écart. Nous estimons que ce texte aurait mérité le statut de projet de loi, avec avis du Conseil d'État.
Le Gouvernement nous demande de retenir un fichier à lien fort, qui puisse être utilisé à des fins de police judiciaire. Son acharnement est éclairant sur la nature même de ce fichier, dont l'objet ne sera pas seulement administratif, mais bel et bien judiciaire !
Progressivement, l'action sécuritaire du Gouvernement tourne au fichage généralisé. Le Système de traitement des infractions constatées compte 34 millions de lignes ! On voit tous nos concitoyens en coupables potentiels. Des membres de l'UMP se réjouissent de l'utilisation possible de la nouvelle base pour la lutte contre l'immigration. Ces inquiétantes déclarations sont révélatrices des utilisations possibles d'un tel fichier.
La Cnil a alerté le législateur sur le passeport biométrique qui risque de « porter une atteinte excessive aux libertés individuelles ». Elle a même évoqué un « détournement » du fichier à des fins purement judiciaires. C'est un appel à la prudence. Que n'avons-nous pu auditionner des représentants de la Cnil !
La règlementation européenne n'impose pas d'éléments biométriques dans les cartes d'identité. Celles-ci seront-elles payantes ? Et le boîtier pour le contrôle biométrique ? Sera-t-il gratuit comme en Allemagne ou payant comme en Belgique ? Ne nous laissons pas faire par des lobbies qui parlent de sécuriser les échanges commerciaux sur internet ! Il y a également un transfert de charges vers les collectivités locales, dont les missions des services d'état civil ne sont pas extensibles à l'infini.
Nous voterons une nouvelle fois contre ce texte.
Mme Anne-Marie Escoffier. - J'ai trop le souvenir d'une expérience qui avait généralisé de vrais-faux passeports pour ne pas être vigilante aujourd'hui. L'esprit initial du texte a été détourné par l'Assemblée nationale. MM. Lecerf et Houel voulaient renforcer la lutte contre l'usurpation d'identité grâce à un dispositif respectueux des droits fondamentaux, avec une extrême vigilance sur les modalités. Jamais le fichier ne doit être utilisé dans des procédures judiciaires. Nous n'avons voté pour, que parce que la rédaction retenait un fichier à lien faible.
Comment le pays des droits de l'homme peut-il accepter la constitution d'un tel fichier généralisé ?
C'est donc naturellement et fermement que je le dis : un retour au texte initial du Sénat s'impose, car lui seul nous préserve des démarches intrusives qui nous emprisonneraient, qui attenteraient aux libertés. La note d'information de la Cnil est claire. Les membres du RDSE conditionneront leur vote positif à un retour au texte du Sénat, tel que rédigé par la commission des lois. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Jean-René Lecerf. - Je suis satisfait d'avoir déposé avec M. Houel cette proposition de loi, après notre rapport de 2005. Lors des discussions budgétaires, lors de la discussion de la Loppsi II, j'ai interrogé le Gouvernement sur son action contre les usurpations d'identité et la raison du retard pour passer aux titres biométriques. Les trois quarts des Français y sont favorables, comme à un fichier central ; ils estiment aussi que la carte d'identité devrait être rendue obligatoire. On ne peut donc me présenter comme le petit télégraphiste du Gouvernement, ainsi que l'ont fait certains députés.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Très bien !
M. Jean-René Lecerf. - Pourquoi un procès de principe à cette proposition de loi ? Pourquoi réclamer un projet de loi ? L'initiative parlementaire en la matière est symbolique et une proposition de loi n'est pas le parent pauvre de la législation. Lors du débat à l'Assemblée nationale, j'ai constaté un accord sur les objectifs. Nos collègues demandaient un avis de la Cnil, du Conseil d'État.
La fraude documentaire est quantifiée. Sans doute pas 200 000 mais pas non plus 13 900 ; pas moins de 80 000 en tout cas. Du reste, il est si facile d'obtenir un titre d'identité : il suffit de faire une déclaration de perte et de trouver dans les poubelles quelques factures qui attesteront un domicile !
Le fichier central assurera l'unicité de l'identité. Il importe aussi de sécuriser la chaîne de délivrance. L'article 4 y pourvoit en prévoyant que des vérifications pourront être opérées sur les documents d'état civil fournis. Les contrôles automatisés réduiront considérablement la fraude identitaire à ce stade.
Si un usurpateur obtenait malgré tout un titre de fausse identité, il serait enfermé dedans de façon irréversible.
Ce caractère définitif est dissuasif !
Quant à la présence de la deuxième puce dite de vie quotidienne... Les commentaires n'ont pas donné dans la nuance, évoquant un abaissement par l'État de sa propre image... Mais les données biométriques seront inexploitables par les opérateurs commerciaux, qui pourront néanmoins s'assurer de l'identité des personnes. C'est bien l'État qui sanctuarisera l'identité dans la vie publique -c'est sa responsabilité régalienne.
Reste la question la plus délicate qui continue d'opposer Assemblée nationale et Sénat, celle du lien créé : faible ou fort ? Le choix de lien faible, défendu par notre rapporteur, permettra de détecter les usurpations d'identité mais empêchera de remonter jusqu'aux usurpateurs, d'identifier des personnes amnésiques ou des victimes de catastrophes ; toute utilisation du fichier en matière de recherche criminelle sera de même impossible. Des garanties juridiques étendues suffiront-elles à écarter tout risque pour les libertés publiques ?
Je me réjouis de ce débat devant le Parlement : c'est à nous de concilier renforcement de la sécurité et protection des libertés publiques. Tel est bien l'enjeu. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Yves Leconte. - Ce débat est bienvenu. Le Gouvernement aurait préféré sans doute mettre en place ces cartes d'identité par la voie réglementaire pour mettre la population sous contrôle.
Nous devons donc être vigilants, comme nous l'avons été lors de la première lecture. Protéger et simplifier, certes -c'est pourquoi un fichier central est prévu- mais le lien faible est impératif pour éviter tout viol des libertés individuelles. Les pouvoirs publics ont la responsabilité d'encadrer l'usage des fichiers : le devoir de sécurité doit être respectueux du droit de chacun à l'intimité.
Représentant les Français à l'étranger, je témoigne des difficultés rencontrées par eux pour se faire établir un certificat de nationalité française. Pouvez-vous confirmer que la nouvelle carte d'identité sécurisée ne conduira pas à l'abrogation des décrets de 2010, qui ont beaucoup simplifié leurs démarches ?
Respecter pour convaincre. L'espace Schengen témoigne des progrès réalisés par l'Europe. C'est dans ce cadre qu'il faut agir. Les dispositions régissant les cartes d'identité électroniques chez nos partenaires sont encore trop diverses -presqu'aucun d'entre eux ne prévoit de fichier central. La commission des lois propose un fichier à lien faible afin de respecter les libertés individuelles. Imposer un lien fort, comme le souhaite le Gouvernement, serait un viol des libertés sans aucune justification pour lutter contre la fraude à l'identité et serait inefficace, dès lors que nos partenaires européens ne nous suivraient pas. Une harmonisation européenne serait la bienvenue.
Vous voulez calquer la nouvelle carte d'identité sur les passeports biométriques ; rien ne l'impose. Le Conseil d'Etat a censuré, le 26 octobre dernier, la conservation dans un fichier centralisé de huit empreintes digitales alors que deux seulement figurent dans le composant électronique du passeport.
La Cnil a exprimé plusieurs réserves sur le texte de l'Assemblée nationale. Nous serons donc extrêmement vigilants et refuserons tout retour à celui-ci. Nous voterons la création d'un fichier pour lutter contre l'usurpation d'identité, non pour ficher les Français ! Il est heureux que le groupe UMP se soit saisi de ce sujet que le Gouvernement voulait traiter en catimini.
Un dernier point : revenons au droit commun pour la délivrance et le renouvellement des titres de séjour des étrangers en situation régulière ; les conditions qui sont faites à ceux-ci aujourd'hui font honte à notre pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes.
M. Michel Houel. - (Applaudissements à droite) Le vol d'identité est un danger dont les Français sont de plus en plus conscients ; 86 % d'entre eux en ont entendu parler -mais ne se sentent pas visés.... L'usurpation d'identité fait pourtant chaque année des milliers de victimes ; la criminalité identitaire a beaucoup évolué en cinq ans. Aujourd'hui, neuf Français sur dix pensent qu'il est compliqué de faire valoir ses droits lorsqu'on est victime d'une usurpation d'identité. Dans la vie courante -ouvrir un compte, souscrire un abonnement, louer un appartement- la transmission de donnés personnelles est un passage obligé. Les victimes de ces infractions sont traumatisées, des vies sont anéanties.
L'objectif initial de ce texte est de protéger l'identité de nos concitoyens. L'Assemblée nationale nous a suivis sur la quasi-totalité de ses dispositions. Reste un désaccord fondamental : le fichier. Pour nous, le recours à celui-ci doit seulement garantir qu'une personne ne puisse disposer de deux identités ; l'Assemblée nationale estime de son côté qu'il faut autoriser la recherche et l'identification des individus grâce aux empreintes digitales. A notre sens, l'équilibre entre préservation de l'ordre public et protection les libertés publiques serait alors rompu.
Nous devons en revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi, nous en tenir à la lutte contre l'usurpation d'identité, encadrer les vérifications d'identité à partir des données biométriques, comme le recommande la Cnil. Je vous encourage à suivre la commission. Le Sénat doit rester le garant de la protection des libertés et le défenseur des valeurs de la République. (Applaudissements au centre et à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article 4 est adopté.
Article 5
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - Prenons modèle sur l'Allemagne qui n'a pas voulu créer un tel fichier tout en instaurant une carte d'identité biométrique et inspirons-nous des recommandations de la Cnil. Le Gouvernement revient à la charge en réintroduisant un lien fort entre état civil, empreintes digitales et image numérisée. Avec ces dispositions contraires à la convention du Conseil de l'Europe sur la protection des données, notre pays risque une condamnation de la CEDH. Voyez l'arrêt qu'elle a rendu en 2008 !
M. François Pillet, rapporteur. - La légalité de la base ne pose pas de problème mais ce sont les modalités d'accès qu'il convient d'encadrer, ce que vous propose la commission des lois. Une base à lien faible rend impossible l'identification d'une personne par ses seules empreintes digitales. Nous avons renforcé les garanties matérielles en interdisant tout dispositif de reconnaissance faciale. Vos inquiétudes ne sont pas fondées. Retrait ou défavorable.
M. Claude Guéant, ministre. - La base centrale est indispensable : avis défavorable.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe écologie les Verts rattaché.
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les empreintes digitales sont conservées pendant une durée maximum de six mois à compter de leur recueil.
Mme Virginie Klès. - Je souhaite attirer l'attention sur la durée de conservation des empreintes digitales. Nous proposons six mois, mais la durée de vie du titre peut aussi convenir. Si l'amendement du Gouvernement devait être adopté et si l'Assemblée nationale en revenait à sa rédaction, nous serions inflexibles. Cela précisé, je retire l'amendement mais il faudra bien définir une durée de conservation, en particulier pour les empreintes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'amendement n°3 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Alinéas 3 à 5
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
L'identification du demandeur ne peut s'y effectuer qu'au moyen des données énumérées aux 1° à 5° de l'article 2.
M. Claude Guéant, ministre. - S'il y a un problème, c'est que des gens malhonnêtes se glissent dans le fichier ; les honnêtes gens doivent être protégés.
Contrairement à ce qui a été dit, il s'agit d'un fichier administratif et non judiciaire ; il est seulement prévu que le juge puisse prendre des réquisitions pour prendre connaissance de certaines données. La justice est constitutive de la démocratie ; est-il raisonnable de gêner le juge dans ses investigations ?
Le lien faible permet de déterminer l'existence d'une fraude. Mais pourquoi se priver de la possibilité d'identifier à coup sûr l'usurpateur ? Cet amendement respecte scrupuleusement la décision du Conseil d'État -dont j'ai lu les conclusions- et l'avis de la Cnil.
M. François Pillet, rapporteur. - Le système proposé par le Sénat est simple et techniquement aisé à mettre en oeuvre, il ne pose aucun problème de brevetabilité. Le point essentiel, c'est que le fraudeur sera rapidement détecté, si bien que 99,9 % des fraudes seront mises en échec. Lien faible ou fort, cela ne change de toute façon rien à la première demande.
En première lecture, nous avions dit le risque d'inconstitutionnalité et la certitude d'aller contre le droit européen ; depuis le dernier passage en commission des lois, la note de la Cnil et l'avis du Conseil d'État ont été rendus publics. Ne pas revenir au texte du Sénat, c'est rendre possible aux services antiterroristes l'identification des usurpations par les empreintes digitales... hors réquisition judiciaire. C'est inacceptable.
Nous ne vous faisons aucun procès d'intention, monsieur le ministre. Mais ne pouvons pas laisser derrière nous, démocrates soucieux des libertés publiques, un fichier qui pourrait se transformer en outil liberticide. (M. Jean-Pierre Michel applaudit) Je ne veux pas que ce fichier porte un jour mon nom, ou le vôtre, ou le nôtre, monsieur le ministre. (Applaudissements)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Après les fortes paroles de notre rapporteur, je veux remercier le groupe UMP d'avoir inscrit ce texte.
Nous comprenons que le ministre de l'intérieur cherche à doter la police et la justice de moyens pour qu'elles puissent accomplir leurs missions, mais le Sénat doit être le défenseur scrupuleux et infatigable des libertés publiques. Conformément à la philosophie de Montesquieu, il faut séparer les pouvoirs et les responsabilités. Vous êtes dans votre rôle, monsieur le ministre, nous sommes dans le nôtre en disant que ce fichier, créé par la loi, doit avoir pour seul objet la lutte contre l'usurpation d'identité.
Mme Virginie Klès. - L'avis de la Cnil est parfaitement clair : le fichier ne peut être utilisé à d'autres fins que la sécurisation des titres. Je m'associe aux propos de notre rapporteur sur nos responsabilités.
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°4 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l'adoption | 4 |
Contre | 341 |
Le Sénat n'a pas adopté.
(Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'article 5 est adopté, ainsi que l'article 5 bis.
Article 5 ter
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.
Première phrase
Supprimer les mots :
et les opérateurs économiques
Mme Éliane Assassi. - Les opérateurs économiques privés ne doivent pas être habilités à consulter le fichier.
M. François Pillet, rapporteur. - Je suis parfaitement d'accord avec vous. Mais votre inquiétude n'a aucune raison d'être. Un opérateur économique pourra seulement vérifier si le titre est valable. Aucune donnée à caractère personnel ne lui sera accessible. Retrait.
M. Claude Guéant, ministre. - Même avis.
Mme Éliane Assassi. - Je vous renvoie à l'avis de la Cnil. La puce « vie quotidienne » est facultative. Certes. Personne ne sera obligé de communiquer ses données personnelles aux opérateurs privés sur internet. Certes. Mais on sait ce qu'il en est des propositions facultatives qui peuvent devenir quasi automatiques -à preuve : la carte d'identité est facultative et beaucoup de Français la croient obligatoire. La puce optionnelle peut permettre la constitution d'un identifiant pour chaque citoyen ; or la Cnil refuse qu'un suivi des personnes sur internet soit possible.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
L'article 5 ter est adopté.
L'article 6 est adopté, ainsi que l'article 7 bis.
Vote sur l'ensemble
Mme Virginie Klès. - Nous sommes d'accord sur les objectifs de lutte contre l'usurpation d'identité et la sévérité des sanctions contre les fraudeurs. L'efficacité de ce texte est fondée sur la dissuasion. Nous le voterons et rendons hommage au travail de notre rapporteur. Un équilibre satisfaisant aura été trouvé entre la sécurité et la protection des libertés individuelles.
M. le ministre relève que le lien faible n'est utilisé nulle part : tant mieux, nous montrons la voie... Et il n'y a pas de risque de monopole.
Il faudra être attentif à la mise en place pratique des nouveaux titres ; les maires seront à l'évidence une nouvelle fois sollicités. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.