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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.
Table des matières
Fonds départementaux de compensation du handicap
Frais de transport des handicapés
Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante
Protection judiciaire de la jeunesse
Prolifération des pylônes relais
Désenclavement de Dignes-les-Bains
Accord avec les Émirats arabes unis
Discussion de l'article unique
Intervention des forces armées en Libye (Débat et vote)
SÉANCE
du mardi 12 juillet 2011
8e séance de la session extraordinaire 2010-2011
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Jean-Pierre Godefroy.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les conditions de mise en oeuvre des procédures de rescrit fiscal, de promotion du dispositif et de publication des avis de rescrit pour l'année 2010.
Il a été transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales.
Raffinerie Lyondellbasell
M. Serge Andreoni. - L'annonce de la vente de la raffinerie Lyondellbasell de Berre l'Étang a été reçue avec beaucoup d'émotion et d'inquiétude tant par les salariés que par toute la région. Cette décision est le fruit d'une stratégie financière et non plus industrielle. Des pans entiers de notre industrie risquent ainsi de disparaître, et avec eux plus de 7 000 emplois directs et induits.
Les salariés doivent au moins être informés des recherches pour trouver un raffineur qui offre toutes les garanties requises.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. - Le groupe Lyondellbasell justifie la vente de cette raffinerie par une perte financière, liée à la baisse de la demande. Effectivement, les perspectives d'évolution de consommation des produits pétroliers sont en recul à moyen terme.
La mobilisation du Gouvernement repose sur la conviction que la filière du raffinage est essentielle pour la sécurité et la compétitivité de notre pays. J'ai confié à l'Agence française pour les investissements internationaux le soin de rechercher un repreneur. Mon cabinet est très attentif à cette question.
M. Serge Andreoni. - Soit il n'y a pas de repreneur et une fermeture devrait être envisagée ; que compte faire le Gouvernement ? Soit il y en a un, mais il risque de trouver la raffinerie insuffisamment rentable sans un investissement majeur... ce qui suppose d'importantes aides de l'État.
M. le président. - Veuillez conclure : le temps de réponse est limité.
M. Serge Andreoni. - Je vous demande de tout mettre en oeuvre pour résoudre ce problème complexe, qui présente à la fois des aspects industriels et humains.
DETR
M. Didier Guillaume. - La loi de finances pour 2011 a fusionné la DGE des communes et la dotation de développement rural (DDR) pour créer la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Le montant de celle-ci aurait dû être égal à la somme des deux autres. On en est loin dans la Drôme, qui perd 10 % dans l'affaire !
Les collectivités locales sont pourtant de vrais moteurs de croissance. Pourquoi la DETR de la Drôme est-elle inférieure au montant cumulé de la DGE et de la DDR ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. - Le ministre de l'intérieur, empêché, m'a chargé de vous répondre.
La DETR doit simplifier les critères d'éligibilité tout en élargissant le champ de celle-ci. Les changements de critères ont fait que les dotations ont varié d'un département l'autre. Ont été privilégiés les départements dans lesquels l'intercommunalité a le plus progressé. Mais un amendement adopté en loi de finances rectificative élargit les critères afin que les départements qui y auront perdu puissent recevoir une compensation fin 2011.
Bref, si le sujet est ardu, je crois comprendre que votre affaire va s'arranger ! (Sourires)
M. Didier Guillaume. - Je suis favorable à la mise en place de la DETR mais pourquoi tenir compte de la richesse des EPCI au détriment des communes elles-mêmes ? Une réduction de l'aide aux communes rurales, c'est moins d'argent pour l'investissement.
M. le président. - Je vous prie, monsieur le ministre, d'adresser nos voeux de bon rétablissement au ministre de l'intérieur qui subit, à cette heure, un pontage coronarien.
Intercommunalité
M. Claude Biwer. - La règle démographique retenue pour la création de communautés d'agglomération est excessivement rigide : le chef-lieu de la Meuse n'a que 17 000 habitants quand un chef-lieu d'arrondissement, Verdun, en a 20 000. Il est absurde que les critères de création d'une communauté d'agglomération ne soient pas les mêmes !
Nous avons trois mois pour répondre au préfet. Le temps est court, d'ici le 6 août, pour mener une vraie réflexion. On risque fort d'avoir ainsi des réponses négatives alors qu'un peu de temps aurait permis de susciter un accord.
On n'a pas évoqué l'inter-départementalisation ; le sujet pourtant aurait pu l'être, tout comme les modalités de coopération avec nos voisins transfrontaliers.
Jouons ensemble l'efficacité.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. - À question fleuve, réponse brève. La population retenue pour le seuil peut être celle utilisée pour la DGF. Le seuil peut être ramené de 50 000 à 30 000 habitants s'il s'agit d'un chef-lieu de département.
M. Richert a demandé aux préfets d'utiliser sept mois pour mener la concertation. Si les délais plus longs apparaissent utiles, une prolongation de la concertation pourra être demandée...
Des intercommunalités peuvent être créées entre des communes situées dans des départements différents si elles appartiennent au même bassin de vie.
Vous voyez que la loi est pragmatique !
M. Claude Biwer. - Bien sûr, bien sûr... Mais l'application de la loi varie d'un département l'autre. Ce qui importe surtout, c'est le délai de réponse des communes. Il y aura donc beaucoup de refus de principe, alors qu'un délai supplémentaire aurait permis de mener une véritable concertation.
Enfin, les communes plus peuplées que le chef-lieu mériteraient un peu plus de considération !
Fonds départementaux de compensation du handicap
M. Michel Boutant. - Les fonds départementaux de compensation du handicap (FDCH), créés par la loi du 11 février 2005, peuvent compléter la prestation de compensation du handicap (PCH) qui ne suffit pas à prendre en charge la totalité des dépenses liées au handicap.
Or l'État se désengage. Aucun crédit depuis 2008 ! Dans ces conditions, le département de la Charente refuse de participer tant que l'État ne le fait pas. Il y a deux ans, Mme Létard annonçait un « grand projet de loi sur le cinquième risque » que nous ne voyons toujours pas venir. L'État entend-il enfin prendre ses responsabilités ?
Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille. - Le FDCH est un dispositif partenarial, fondé sur contribution volontaire de l'État, du département, des organismes sociaux et des associations. En 2006 et 2007, l'État a apporté 14 millions ! Il était le seul à contribuer à tous les fonds. On ne saurait donc dire qu'il se désengage ! Les fonds n'ont consommé que la moitié de ces crédits. D'où la pause annoncée par Mme Létard.
En 2010, le bilan fait apparaître des situations très hétérogènes. Un abondement de 11 millions sera versé en 2011 pour trois ans, qui seront répartis en fonction des résultats de l'enquête en cours sur le FDCH.
En Charente, la dotation départementale baisse ; en 2010, un seul organisme a contribué, pour 29 795 euros. C'est dire que vous avez des réserves.
M. Michel Boutant. - Le fonds diminue en 2010 précisément parce que l'État n'a pas abondé sa part ! On en est quand même à la quatrième année consécutive sans abondement de l'État.
Frais de transport des handicapés
Mme Nicole Bonnefoy. - Les frais de transport entre le domicile et l'établissement des adultes handicapés pour l'accueil de jour sont financés par l'assurance maladie, mais ce dispositif ne concerne pas les personnes en pension complète. J'ai saisi le Gouvernement à ce sujet en prenant l'exemple d'une famille charentaise. Il m'a répondu que « les CPAM doivent poursuivre la prise en charge des frais de transport dans l'attente d'un nouveau dispositif ». Ce n'est pas le cas en Charente, et certaines familles sont obligées de saisir le tribunal des affaires sociales de Poitiers.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille. - Vous avez déjà interrogé Mme Morano sur ce sujet.
Le Gouvernement est conscient de la complexité et de la sensibilité de ce dossier, qu'il a pris à bras-le-corps.
Le groupe de travail mis en place par la CNSA a considéré que l'intégration dans les frais de transport devait se faire progressivement. Cela coûte 36 millions, et c'est un vrai progrès pour l'accueil de jour. L'extension éventuelle aux internats doit être précédée d'une évaluation précise. Le 11 mars, a été constitué un groupe de travail sur le transport des adultes handicapés accueillis en pension complète. D'ici là, nous ne restons pas les bras croisés, à preuve la proposition de loi Fourcade.
Mme Nicole Bonnefoy. - Oui, c'était un progrès pour les personnes en accueil de jour. Mais pour les personnes en pension complète, il n'y a rien. Des enfants qui rentraient chez eux deux fois par semaine ne le peuvent plus parce que le CPAM refuse désormais de prendre en charge leur transport. Imaginez leur détresse et celle de leurs familles !
Bonification pour enfants
Mme Maryvonne Blondin. - Je vous félicite, madame la ministre, et constate que l'APCE est une pépinière de ministres !
La bonification pour enfants, dont devraient pouvoir bénéficier des fonctionnaires pères de trois enfants, n'est pas appliquée. Des recours ont eu lieu, fondés sur l'article 141 du traité instaurant la Communauté européenne, qui pose en principe l'égalité de traitement entre hommes et femmes.
Certains ont fini par se faire reconnaître ce droit, qui n'a pas été généralisé. Comment le Gouvernement compte-t-il informer tous les fonctionnaires concernés ?
Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille. - De fait, nous avons bien travaillé ensemble à l'APCE !
Les fonctionnaires pères d'enfants nés avant 2004 bénéficient d'une bonification de retraite s'ils ont interrompu leur activité pour naissance ou adoption d'un enfant. Le Conseil d'État a admis le mécanisme rénové pour les enfants nés avant 2004. Pour les enfants nés ensuite, les mécanismes sont réservés aux mères, ce qui n'est pas injuste puisque les carrières féminines sont en moyenne moins longues que celles des hommes : 129 contre 136 trimestres. Toutefois, plus de 1 000 fonctionnaires hommes en ont bénéficié depuis 2004.
Mme Maryvonne Blondin. - Les hommes concernés par ma question sont partis en retraite avant la loi de 2003. Certains ont fait reconnaître leurs droits, beaucoup ont abandonné : comment informer ces derniers ?
Pénurie de dentistes
Mme Catherine Morin-Desailly. - J'ai déjà eu l'occasion de rappeler le 1er juillet, lors de l'examen de la proposition de loi Fourcade, que la lutte contre les déserts médicaux doit être une priorité nationale absolue.
Avec 650 chirurgiens-dentistes en exercice, la Haute-Normandie est la plus mal lotie de France, avec 36 praticiens pour 100 000 habitants, contre 59 au niveau national. Et 30 % de ces praticiens auront plus de 60 ans en 2015 ; un départ sur deux ne sera pas remplacé.
Le Gouvernement compte-t-il relever le numerus clausus ? Où en est le projet d'un département d'odontologie à la faculté de médecine de Rouen ?
Mme Nora Brera, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. - Chaque Français doit pouvoir avoir accès à des soins de qualité, quel que soit son domicile. Pour les chirurgiens dentistes, la situation est préoccupante. C'est pourquoi le Gouvernement approuve l'initiative du professeur Frege qui veut créer un centre de chirurgie dentiste en Haute-Normandie. Plusieurs dizaines d'étudiants supplémentaires seront ainsi formés en odontologie.
Cette pénurie de dentistes n'est pas due au numerus clausus mais à l'absence en Haute-Normandie d'une formation universitaire en la matière.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Merci pour votre réponse. Nous souhaitons rééquilibrer les dotations entre Paris et les régions. Le CHU de Rouen est un bon élève de la classe car il a réduit ses déficits, mais il a besoin de l'État pour offrir à ses patients les soins auxquels ils ont droit.
Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante
M. Philippe Madrelle. - Je m'inquiète de la modification de la gouvernance du Fiva. Face à la catastrophe de l'amiante qui a provoqué 3 000 décès par an, le Fiva avait été créé par le gouvernement Jospin et fonctionnait correctement. Son conseil d'administration était formé de dix-huit membres : neuf pour l'État et neuf représentants des victimes. Votre réforme de gouvernance concerne la présidence du Fiva ; pourquoi modifier un système qui a bien fonctionné pendant neuf ans ?
Enfin, de trop nombreux salariés exposés à l'amiante ne bénéficient pas de l'allocation spécifique créée à cet effet.
Pourquoi n'avoir donné aucune suite aux conclusions de l'étude de 2009 sur les victimes de l'amiante, confirmées en 2010 par la Haute autorité de santé ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. - Le sort réservé aux victimes de l'amiante est une préoccupation constante du Gouvernement : la loi de financement de la sécurité sociale a porté à dix ans le délai de prescription pour faire connaître leurs droits aux victimes.
Le conseil d'administration définit la politique du Fiva ; il est le lieu où s'élaborent les orientations qui déterminent les indemnisations. Son président joue un rôle important mais il n'est pas indispensable qu'il soit un magistrat de l'ordre judiciaire. Il peut également être un magistrat de l'ordre administratif ou financier. Le projet de décret ne modifie en rien la composition du Conseil d'administration et les partenaires sociaux, consultés, n'ont pas émis d'avis défavorable.
M. Philippe Madrelle. - Certaines associations ne partagent pas votre sentiment. Pourquoi casser ce qui marche bien ? Le problème de l'amiante est loin d'être terminé. Les opérations de désamiantage sont menées de façon insatisfaisante : faut-il attendre qu'un nouveau scandale éclate ? Ne faudrait-il pas une harmonisation européenne en ce domaine ?
Douaniers
M. Thierry Foucaud. - L'administration des douanes voit ses effectifs fondre : 19 500 agents en 2005, 17 435 aujourd'hui, soit une baisse de 10 % des effectifs. En 2012, 360 emplois seraient supprimés ; c'est la conséquence de la RGPP et du contrat pluriannuel des performances, double peine qui induit ne remplacer qu'un départ sur trois.
Pourtant, les douaniers jouent un rôle essentiel dans de nombreux domaines. En outre, ils permettent à l'État de percevoir des droits importants : 62 milliards en 2010 ! C'est loin d'être négligeable. Pourquoi ne pas créer des emplois pour en revenir aux effectifs de 2005 ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. - Les douaniers participent à l'effort de réduction des effectifs publics. Ce mouvement, initié dans le cadre de la RGPP, conduit au non-remplacement de six fonctionnaires sur dix qui partent à la retraite dans un contexte d'augmentation des flux de marchandises et d'accroissement des missions.
Les méthodes de travail des douanes ont évolué. Le mouvement de réforme était nécessaire dans tous les domaines ; l'administration des douanes tend notamment tous ses efforts vers le zéro papier.
L'évolution des méthodes de contrôle permet de mieux cibler les fraudes tout en réduisant les délais de traitement des affaires. Les services supports ont été mutualisés. Les nouvelles formes de délinquance sont prises en compte, comme la cybercriminalité. En 2010, les prises de stupéfiants ont augmenté, ainsi que celles du trafic de tabac. Enfin, les redressements en matière fiscale augmentent. Aucun lien mécanique ne peut être fait entre baisse des effectifs et résultats.
M. Thierry Foucaud. - Vous parlez d'adaptation des méthodes. Soit. Mais 80 % de la drogue d'origine méditerranéenne passe par le col du Perthus et vous fermez le poste de douane ! Il faut en revenir aux effectifs de 2005 pour que les douaniers puissent travailler de façon efficace.
Enseignement du breton
M. Ronan Kerdraon. - Le breton est de moins en moins enseigné, surtout à Saint-Brieuc. Depuis la fermeture de certaines classes, le breton n'est enseigné dans le primaire que dans deux écoles à Saint-Brieuc. Pour le secondaire, seul le lycée Ernest Renan proposait une filière en breton, qui sera fermée. Le rectorat nous dit que la demande est en baisse, mais c'est faux. Un lycée privé qui propose cette filière a vu ses effectifs tripler depuis 2004.
Entre 1999 et 2009, le nombre d'élèves a doublé, passant à 200 jeunes. L'offre d'enseignement doit correspondre à la demande. Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - L'éducation nationale consent un effort important en faveur des langues régionales. De gros moyens y sont affectés. Pour le breton, 74 professeurs certifiés ont été recrutés depuis 1990. En dix ans, 1 339 postes de professeurs des écoles ont été proposés pour toutes les langues régionales. Près de 23 000 élèves suivent l'enseignement du breton dans l'académie de Rennes. À Saint-Brieuc, les effectifs sont très faibles : il était convenu de ne maintenir la filière du lycée Ernest Renan que s'il y avait au moins dix inscriptions. Il n'y en a eu que trois ! Le rectorat essaie de créer un second cycle bilingue, mais en vain, jusqu'à présent.
M. Ronan Kerdraon. - Merci pour votre réponse. Pour augmenter les effectifs, il faut donner aux élèves une offre attractive et non pas mettre les cours de breton à une heure tardive comme 18 heures. La Constitution reconnaît désormais, dans son article 75-1, que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la Nation. Il faut le faire vivre.
Protection judiciaire de la jeunesse
M. Jacques Mézard. - Dans l'excellent rapport du rapporteur spécial pour la loi de finances pour 2011 pour la justice, j'ai noté 140 suppressions d'emplois dans la protection judiciaire de la jeunesse.
En Auvergne, il y a onze implantations, dont une dans le Cantal, mais seules quelques-unes seront maintenues. Celle d'Aurillac devrait restée ouverte par dérogation. C'est inquiétant. Le centre d'action éducative d'Aurillac est menacé. La RGPP est passée par là...
Dans le Cantal, il n'y a que trois éducateurs pour 60 à 80 jeunes. Un suivi éducatif en milieu ouvert est indispensable. L'assurer depuis Clermont-Ferrand ne saurait convenir puisqu'il faut cinq heures par la route pour effectuer l'aller-retour Aurillac-Clermont, et encore plus par le train. Que compte faire le Gouvernement ? Le CAE d'Aurillac sera-t-il pérennisé ?
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - La direction de la PJJ souhaite renforcer l'encadrement des mineurs en difficulté. Des réorganisations sont indispensables, mais les objectifs demeurent inchangés. La qualité de la prise en charge des mineurs est bien évidemment maintenue.
À la direction territoriale d'Auvergne, sise à Clermont-Ferrand, trois postes ont été créés dont un de conseiller et un d'infirmière, pour piloter l'action de la PJJ dans les départements. L'intervention dans le Cantal n'a pas diminué. Le centre d'action éducative d'Aurillac poursuit son activité depuis les locaux mis à sa disposition par le conseil général.
M. Jacques Mézard. - Vos propos ne me rassurent pas : me dire que l'action de la PJJ se poursuivra dans les locaux mis à disposition par le conseil général m'inquiète. Il y aura une infirmière à Clermont ? Que nous importe, à 180 kilomètres de là, par routes de montagne ?
Prolifération des pylônes relais
Mme Patricia Schillinger. - Le paysage de la commune de Lautenbach est défiguré par un pylône érigé par la société Itas Tim pour diffuser de la télévision numérique. Pourtant, le maire de cette commune s'était opposé à l'érection de ce pylône, qui se trouve à cinq mètres d'un autre pylône, appartenant à TDF. Pourquoi deux pylônes dans une zone non constructive, classée zone naturelle protégée pour ses fonctions écologiques et paysagères dans le POS ?
Que compte faire le Gouvernement pour mettre un terme à la défiguration des paysages français ?
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - L'implantation des antennes relève du code de l'urbanisme. Ces antennes sont soumises à déclaration préalable ou à permis de construire. Le maire dispose de la faculté d'engager des poursuites pénales à l'encontre des sociétés fautives. Si les travaux ne sont pas terminés, le maire peut en demander l'arrêt et le procureur de la République engager des poursuites et exiger une remise en état. Les peines encourues sont lourdes. Dans ce cas précis, le maire peut agir pour protéger le paysage.
Mme Patricia Schillinger. - Une action en justice est possible, mais le paysage est défiguré. C'est désobligeant pour les élus, qui sont mis devant le fait accompli. En outre, les maires des petites communes ne sont pas en position de force.
Bois énergie
M. Gérard Bailly. - Le chauffage par bois est très intéressant. En Franche-Comté, de nombreux projets ont vu le jour : 158 chaufferies consomment 20 000 tonnes de bois par an, principalement sous forme de plaquettes. D'autres chaufferies sont prévues dans les mois ou les années à venir dans cette région. Mais sans politique contractuelle territoriale, je crains que la filière soit désorganisée, et les transports de bois risquent de se multiplier.
Il faudrait proposer des solutions contractuelles pour organiser des circuits courts d'approvisionnement en bois de proximité, pour éviter de mettre trop de camions sur les routes. L'État ne pourrait-il inciter les collectivités à lancer une telle politique ?
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. - L'énergie renouvelable participe à la lutte contre les gaz à effet de serre. La loi Grenelle 1 prévoit d'atteindre 25 % d'énergies renouvelables d'ici 2020. C'est pourquoi un fonds spécial de soutien a été mis en place par le Gouvernement.
La loi de finances pour 2009 a prorogé les crédits d'impôt pour la mise en oeuvre du chauffage domestique à partir d'énergies renouvelables. Des cellules biomasses ont été mises en place aux côtés des préfets. Des plans pluriannuels de développement des massifs forestiers permettent de mieux organiser la récolte du bois. La continuité de l'accès à la ressource est donc assurée.
M. Gérard Bailly. - Les filières doivent être organisées, pour éviter d'aller chercher le bois trop loin. Dans les massifs, les dessertes sont nécessaires : il faut les financer.
Contribution Éco-Emballages
Mme Esther Sittler. - La contribution Éco-Emballages a un impact non négligeable sur les acheteurs. Cette contribution devrait passer de 19 millions en 2011 à 52 millions en 2015, soit une hausse de 170 % pour le verre.
Il est injustifié d'obliger les fournisseurs à intégrer cette contribution dans la « base ristournable ». Une réforme s'impose donc : les acheteurs ne devraient pas pouvoir s'opposer à une répercussion de la variation de la contribution.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. - Le code de l'environnement impose aux acteurs de la filière de contribuer au coût de traitement des emballages. Le nouveau barème doit être équitable et couvrir 80 % du coût de la collecte. La hausse du barème a été significative, notamment pour le verre.
L'objectif est de décharger les collectivités du coût du traitement des déchets et internaliser le coût de traitement dans les produits neufs. Il n'est pas possible de répercuter tous ces coûts sur les acheteurs.
Mme Esther Sittler. - Merci pour ces précisions.
Désenclavement de Dignes-les-Bains
M. Claude Domeizel. - Le désenclavement de Digne-les-Bains est indispensable tant pour les habitants que pour les touristes. Dans les années 1980, le principe d'une autoroute a été retenu par le gouvernement Jospin. Depuis, l'État se désengage.
Aujourd'hui, on nous annonce une route à deux fois deux voies, mais les études se poursuivraient jusqu'en 2014 ! Les aménagements n'auront donc pas lieu avant 2020. On se moque de nous ! Ne dites pas que les collectivités ne s'intéressent pas au projet : elles ont pris des engagements financiers.
L'État va-t-il mener à bien ce projet ou joue-t-il la montre pour reporter aux calendes grecques cet équipement indispensable ?
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. - L'État a conscience des enjeux de la desserte de Digne-les-Bains. Cette desserte doit être adaptée aux besoins des populations mais aussi tenir compte du Grenelle.
Aujourd'hui, le projet d'aménagement qualitatif de la route est privilégié. Une mise à deux fois deux voies est envisageable. L'État souhaite avancer rapidement et nous avons demandé au préfet de se mobiliser. Les études vont être lancées, sans attendre l'aboutissement du Snit.
Je ne suis pas sûr que la majorité du conseil régional soit prête à mettre de l'argent dans un barreau autoroutier à Digne. Le compromis qui a été trouvé est satisfaisant. Élu moi aussi de la région, je suis conscient de la nécessité vitale qu'il y a à désenclaver Digne et les Alpes.
M. Claude Domeizel. - Le sujet n'est pas l'A51, dont je suis d'ailleurs partisan. Je vous ai interrogé sur le désenclavement de Digne où on continue à jouer la montre jusqu'aux calendes grecques.
Je crains que le Gouvernement n'associe désenclavement à désengagement.
Canal du Midi
M. Robert Navarro. - Le Canal du Midi est classé au Patrimoine mondial de l'Unesco. Réalisé par Pierre-Paul Riquet entre 1667 et 1694, c'est une des plus belles réalisations de l'ère moderne. Or l'État ne lui porte pas autant d'intérêt que l'Unesco.
La loi du 30 juillet 2003 sur les risques technologiques et naturels et la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ont modifié les conditions de gestion du canal. L'établissement Voies navigables de France s'est contenté, en accord avec l'État, de gérer les questions de sécurité au détriment de l'entretien du canal et de ses berges. Il a contractualisé avec les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées. La région Languedoc-Roussillon a montré une volonté sans faille et injecté 2 millions d'euros en infrastructures, aménagements et études. Quand l'État assumera-t-il ses responsabilités ? Les collectivités sont prêtes à accompagner l'État, pas à payer ses dettes !
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. - L'État a financé de nombreuses études pour un programme de renforcement de protection des berges. Les menaces sur les platanes victimes du chancre doré ont été prises au sérieux et des abattages sanitaires et des replantations ont eu lieu.
D'importants moyens ont été consacrés à la partie languedocienne depuis 2066, pour 12 millions, alors que 37 millions allaient à l'ensemble des voies navigables du sud-ouest. Un programme de 840 millions concernera l'ensemble du réseau d'ici 2013.
Vu l'intérêt touristique de cette voie, deux régions concernées ont signé une charte et le Languedoc-Roussillon pourrait les rejoindre. Non, l'État ne se désintéresse pas du Canal du Midi, même s'il est de l'autre côté du Rhône !
M. Robert Navarro. - Il ne faut pas mettre dans la charte la dette de l'État. La lutte pour les platanes coûterait 5 millions : la région n'en a pas les moyens.
Centre météo-France d'Auch
M. Aymeri de Montesquiou, en remplacement de M. Raymond Vall. - Le centre Météo-France d'Auch joue un rôle important pour l'économie de notre département. Les agriculteurs et les organisateurs de festivals -comme celui de Jazz in Marciac, qui draine 230 000 visiteurs- sont très attachés à ce centre, qui leur donne des informations précises très utiles.
Il est question de fermer le centre d'Auch, utile aussi pour le trafic aérien ; ce serait insupportable pour notre pôle d'excellence rurale.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. - La Cour des comptes et les deux commissions des finances ont souhaité une optimisation des moyens des centres météorologiques dans l'esprit de la RGPP. Pour conserver son excellence, l'organisation de Météo-France prendra en compte tous les progrès techniques désormais disponibles. Malgré la réduction du nombre de ses sites, Météo-France conservera le réseau le plus dense d'Europe.
La liste des fermetures sera annoncée trois ans à l'avance. Pour le Gers, la procédure d'information locale sera lancée à l'été 2012. C'est désormais le centre régional de Toulouse qui sera chargé de la prévision pour votre département puis le centre de Bordeaux. Les utilisateurs de Météo-France recevront les moyens utiles à la décision.
Les services aéronautiques de la plate-forme d'Auch, conformément à la directive sur le ciel européen, seront assurés depuis Bordeaux, comme ceux d'Agen et d'Aurillac.
M. Aymeri de Montesquiou. - Une fermeture éventuelle du centre d'Auch est en totale contradiction avec l'égalité des chances que prétend défendre ce gouvernement. Tout concentrer à Toulouse c'est développer le désert autour. Vous allez désespérer un département qui fait tout pour se mettre au niveau de l'époque avec son pôle d'excellence rurale. La précision météorologique requiert des données prises sur place.
RER A
M. Alain Gournac. - La branche de Saint-Germain-en-Laye du RER A est gravement perturbée, en particulier aux heures de pointe. Les grèves s'ajoutent aux problèmes matériels et au manque de personnel, les voyageurs sont exaspérés. Le personnel est-il bien formé ? Le préjudice créé par les retards répétés touche les voyageurs tant dans leur vie privée que professionnelle, sans parler de leur santé avec un stress accru. Quelles mesures concrètes allez-vous prendre ?
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. - Le RER A transporte un million d'usagers par jour, et le quart des voyageurs par chemin de fer en Île-de-France.
Son entretien est de la responsabilité du Stif, qui doit présenter un schéma en 2012. La question d'une meilleure organisation des relais sera examinée. Pour des raisons techniques évidentes, il n'est pas possible que tous les trains soient, en soirée, terminus à Saint-Germain-en-Laye. Soixante rames à deux niveaux seront progressivement mises en service à partir de l'automne 2011. Les rails seront changés tous les deux ans dans le tronçon central. La RATP formera mieux les agents à la réponse aux difficultés.
Un diagnostic de la ligne A a été effectué cet hiver et ses conclusions seront bientôt connues. Dans le cadre du Grand Paris, le président de la République a souhaité la création d'une rocade en métro automatique, qui devrait soulager la ligne A. La ligne E sera prolongée vers la Défense et Mantes d'ici 2020.
Ces choses prennent du temps. À l'automne prochain, j'espère que nous inaugurerons ensemble une nouvelle rame.
M. Alain Gournac. - D'abord je veux remercier le ministre.
Mais ne pourrait-on régler une bonne fois cette affaire RATP-SNCF, sur la même ligne ? Et pourquoi ne pas mieux informer les élus locaux ? Nous ne recevons pas tous des informations identiques... Et nous avons quelques idées.
La séance est suspendue à midi.
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présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
La séance reprend à 14 h 30.
Conventions fiscales
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de huit projets de loi autorisant l'approbation d'accords sous forme d'échange de lettres relatifs à l'échange de renseignements en matière fiscale entre le Gouvernement de la République française et les gouvernements d'Anguilla, du Royaume des Pays-Bas au titre des Antilles néerlandaises, du Belize, de Sa majesté le Sultan et Yang Di-Pertuan de Brunei Darussalam, de la République du Costa Rica, du Commonwealth de la Dominique, des Îles Cook et de la République du Libéria ; du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et fraude fiscale ; enfin, du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ile de Man, en vue d'éviter la double imposition des entreprises exploitant, en trafic international, des navires ou des aéronefs..
Il a été décidé que ces dix projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Discussion générale commune
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. - Depuis 2008, la France est à l'avant-garde de la lutte de la communauté internationale contre les États et territoires non coopératifs en matière fiscale. A la demande du G20 et sur initiative conjointe de la France et de l'Allemagne, le secrétariat général de l'OCDE a établi et fait publier le 2 avril 2009 les fameuses listes grise et noire des paradis fiscaux. Pour sortir de la liste, les pays concernés devaient conclure douze accords portant sur l'échange de renseignements fiscaux. Cette méthode a été efficace puisque près de 500 accords bilatéraux ont été signés ; seuls huit des 40 pays des listes initiales restent récalcitrants.
A la suite du G20 de Londres, la France a engagé des négociations avec la plupart des États figurant sur les ces listes ; depuis mars 2009, elle a signé deux conventions, dix avenants et 27 accords d'échange de renseignements. Elle est un des pays les plus actifs en faveur de la transparence fiscale. De nouveaux accords seront signés prochainement.
La France s'est dotée de sa propre liste noire d'États non coopératifs, lesquels sont soumis à des sanctions lourdes afin de décourager les investissements dans ces pays.
C'est dans ce contexte que s'inscrivent les huit accords d'échanges de renseignements fiscaux que nous examinons aujourd'hui. Ces accords mettent en place un cadre juridique général autorisant des échanges sans restriction et pouvant conduire à la levée du secret bancaire ; ils sont conformes aux standards de l'OCDE.
La signature et l'approbation de ces accords ne sont qu'une étape dans la mise en place de dispositifs de lutte contre les pratiques fiscales dommageables. Leur entrée en vigueur permettra d'évaluer les progrès réalisés par les États concernés. Le Forum mondial, présidé par M. d'Aubert, a mis en place un mécanisme d'évaluation qui se déroule en deux phases : examen du cadre légal, évaluation de l'effectivité des échanges de renseignements. Tous les États dont il est question aujourd'hui seront soumis à cette deuxième phase entre 2012 et le début de 2014.
Au plan national, le mécanisme de sanction adopté en collectif pour 2009 prévoit également un suivi. La liste française est mise à jour le 1er janvier de chaque année ; le Gouvernement peut y ajouter les territoires avec lesquels il jugerait que la coopération fiscale est insuffisante.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en remplacement de M. Adrien Gouteyron, rapporteur de la commission des finances. - Grâce au groupe CRC-SPG, dont les membres n'ont pu participer aux travaux de la commission, nous avons le privilège d'un débat sur des conventions fiscales.
Si la volonté politique donne naissance au droit, c'est son contrôle qui le fait vivre : tel est l'enjeu de ce débat. Nous avons donc à nous prononcer aujourd'hui sur huit accords d'échanges d'informations et deux conventions fiscales. Le Gouvernement souhaite mettre fin au dumping fiscal et aux pratiques dommageables utilisées par certains États comme un avantage compétitif. Ce débat nous permet de faire le point sur la politique de lutte contre les paradis fiscaux et le réseau conventionnel français.
M. Gouteyron étant dans l'impossibilité de se trouver parmi nous, il me revient de présenter ses rapports. A ma demande et avec l'appui de l'opposition en la personne de Mme Bricq, il a accompli un travail important en la matière ; 35 projets de loi de ratification de convention ou d'accord ont été examinés ces dernières années.
La France entend mettre fin à l'opacité fiscale. La démarche engagée dès octobre 2008, puis en novembre de la même année lors du G20 de Washington, a reçu un écho favorable au sein de l'OCDE : création du Forum mondial sur la transparence et élaboration d'un accord-cadre d'échange de renseignements. Le 2 août 2009, l'OCDE a publié trois listes : blanche, grise et noire. Il convenait d'instaurer un mécanisme de contrôle de la sincérité et de l'effectivité des engagements pris par les États pour sortir des deux premières.
Près de 650 accords ont été signés, 34 pays ont été examinés par le Forum mondial. Le 18 juillet, une nouvelle revue aura lieu, qui concernera quatorze pays supplémentaires. Le Forum mondial se réunira à mi-octobre à Paris. Les huit États dont il s'agit aujourd'hui sont désormais inscrits sur la liste blanche puisqu'ils ont conclu chacun douze accords. Nous entrons désormais dans le temps de l'épreuve des faits. Nous devons être particulièrement vigilants, ayant présumé la bonne foi de nos partenaires ; il faut voir ce qu'il en est concrètement. La pratique conventionnelle française est rigoureuse ; les accords contiennent des clauses anti-abus et des conditions plus strictes de mise en oeuvre que le modèle OCDE. La liste française est mise à jour régulièrement. Après un an, si rien ne bouge, les sanctions seront automatiques.
Ces mesures visent les résidents de France qui réalisent des transactions avec ces pays -durcissement du régime d'imposition des plus-values, refus du bénéfice du régime mère-fille aux sociétés françaises. Elles frappent aussi les résidents de ces paradis qui bénéficient de flux venant de France -application de taux majorés de retenue à la source sur les revenus immobiliers, plus-values, intérêts, dividendes et redevances. Le Gouvernement pourrait-il répondre aux voeux de M. Gouteyron et publier la liste des accords ainsi que les mesures prises par les États concernés ?
L'année 2012 sera une année test. Il faudra veiller à ce que les engagements pris ne soient pas un écran de fumée. Le chemin à parcourir est encore long, certains pays étant dépourvus d'administration fiscale.
J'exhorte la Suisse et le Luxembourg à donner l'exemple en participant pleinement à ce nouvel élan de coopération fiscale. La transparence fiscale doit être prioritaire et permettre de lutter contre les effets des crises systémiques et des mouvements spéculatifs qui gangrènent l'économie. Le Premier ministre luxembourgeois, qui préside l'Eurogroupe et sait nous rappeler nos obligations, doit veiller à ce que certaines facilités fiscales ne contribuent pas à nous faire les poches.
À l'automne, un rapport sera publié par le Gouvernement sur l'efficacité du dispositif conventionnel français. Je vous propose d'adopter ces projets de loi sans réserve.
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
Mme Nicole Bricq. - Ce débat met en lumière le travail de la commission des finances. Nous sommes les seuls parlementaires à examiner de près ces accords. Alors que la France exerce la présidence du G20 dans un contexte troublé et à quatre mois du sommet de Cannes, nous tenons notre place en participant à ces débats.
À juste titre, le président de la République souhaite convaincre ses partenaires du G20 de publier une nouvelle liste noire. Nous soutenons cette démarche. Mais qu'en est-il en Europe et au sein même de l'Union européenne ?
La Suisse figurait sur la première liste des paradis fiscaux du printemps 2009 et elle a tout fait pour en sortir. Mais les mesures qu'elle a prises ne sont pas suffisantes. Il faut distinguer entre fraude et évasion. L'évasion, ce sont les déclarations « oubliées », ce que nous appelons les fraudeurs passifs que la Suisse ne dénonce toujours pas.
L'échange d'informations fiscales reste problématique au sein de l'Union et même au sein de la zone euro. Allemagne et Suisse semblent sur le point de conclure un accord bilatéral qui est en contradiction avec la politique du forum. Un taux de retenue à la source de 20 % à 26% s'appliquerait selon la durée du placement, en échange de quoi l'Allemagne ne chercherait pas à obtenir d'informations sur les fraudeurs. Plusieurs dizaines de milliards de recettes sont attendus. Il faudra regarder précisément ce qu'il en est pour en tirer les conséquences en ce qui nous concerne. Dans le cadre de la directive « Épargne », les revenus de l'épargne des non résidents placée dans l'Union sont censés, soit être déclarés, soit faire l'objet d'une retenue à la source de 35 %... La plupart des pays ont décidé de pratiquer la retenue à la source plutôt que d'accéder aux échanges d'informations.
Trois pays de la zone euro sont concernés, le Luxembourg, l'Autriche et la Belgique ; ils ont obtenu un sursis en s'acquittant d'une perception pour l'État de résidence. La Belgique a transmis l'identité de 250 000 contribuables aux pays concernés. Parmi ceux-ci, il y a 100 000 ressortissants français... Le Parlement serait intéressé de connaître les dispositions qui ont été prises envers eux.
M. Carrez a estimé que la cellule de Bercy avait pu régulariser 7,7 milliards, ce qui représente une reprise fiscale d'un milliard ; en cette période de disette budgétaire, c'est loin d'être négligeable. Où en est-on aujourd'hui ?
J'en viens aux trusts et aux multinationales : quatre territoires figurent en 2010 parmi les états non coopératifs. Les sanctions ont dû être lourdes. Quel montant a-t-il été récupéré ? On sait que la lutte contre la fraude paie ; nous avons besoin de cet argent. Parmi les pays concernés, on trouve la Suisse et le Luxembourg... La révision de la directive « Épargne » doit être engagée ; régulariser les actifs de particuliers est une chose, exiger la transparence des multinationales, par exemple sur les prix de transfert, en est une autre.
À force de vider notre liste, nous allons devoir redoubler de vigilance sur les accords que nous signons. Le Gouvernement doit publier en annexe de la loi de finances le nombre de demandes de coopération adressées et celui des demandes qui ont abouti. Nous comptons sur celui qui sera aux affaires en mai 2012, quel qu'il soit. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Isabelle Pasquet. - Chaque année, en fin de session, nous examinons des conventions fiscales -comme s'il nous fallait battre un record de textes examinés.
A la suite du G20 de Londres, l'OCDE a dressé deux listes noire et grise, afin d'amener les pays montrés du doigt à rentrer dans le rang. Les efforts demandés n'étaient pas bien importants puisqu'il suffisait de passer une douzaine de conventions fiscales -y compris entre États et territoires non coopératifs.
Le Gouvernement nous demande aujourd'hui de ratifier huit accords d'échange de renseignements : avec Anguilla, à peine 15 000 habitants, mais 6 500 entreprises immatriculées ; avec la Dominique, 75 000 habitants, dépendante d'activités bancaires et financières off shore ; avec les Îles Cook, spécialisées dans les services financiers ; avec le Belize, qui a voté une loi « moderne et pratique » pour les investisseurs, exemptés de taxation ; avec les Antilles néerlandaises, dont l'économie, outre le tourisme, repose sur les activités bancaires pour compte de tiers -à noter que nous avons fait de la partie française de Saint Martin un paradis fiscal ; et encore avec le sultanat de Brunei, le Libéria, spécialisé dans le pavillon de complaisance et manquant de toute administration fiscale, et le Costa Rica.
La vérité est que sortir un pays de la liste noire donne avant tout un vernis de légalité aux opérations qui y sont menées par nous ou nos hommes d'affaires. Pensez au trust Wildenstein enregistré dans un archipel caribéen pour y loger des tableaux de maître... Songez à Areva Resources Southern Africa, la holding regroupant les activités minières du groupe en Afrique, immatriculée aux Îles Vierges britanniques -pays sorti de la liste noire pour avoir signé des conventions avec douze autres pays, dont plusieurs autres paradis fiscaux...
Les spéculateurs et les groupes tirent bénéfice de la mondialisation, continuent à bénéficier des privilèges accordés par ces pays, alors qu'on veut nous faire croire à la transparence. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Nous voterons donc contre ces projets de loi.
M. Henri de Raincourt, ministre. - Les conventions doivent être votées au plus vite par le Parlement, madame Pasquet. N'y voyez aucune malice du Gouvernement dans les difficultés de l'ordre du jour ! Je conviens que ces conventions pourraient effectivement être examinées plus tôt dans la session...
Je veux rendre hommage au travail accompli par M. Gouteyron. Je remercie les orateurs qui ont rappelé qu'à l'occasion du G20 à Londres, et à l'initiative du président de la République, une véritable politique de lutte contre les paradis fiscaux a été mise en oeuvre.
L'administration fiscale va publier prochainement une instruction donnant la liste consolidée des juridictions non coopératives et de celles qui ont signé un accord avec la France. L'administration fiscale engagera divers contrôles à l'égard des contribuables ayant omis de déclarer leurs revenus à l'étranger -en Belgique aussi, madame Bricq. La déclaration de comptes bancaires à l'étranger a augmenté de 75 % entre 2009 et 2010. Nous présenterons un rapport en septembre au Parlement sur tous les traités que nous avons signés et sur les demandes de renseignements adressées à ces pays.
Vote des projets de loi
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement d'Anguilla, relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume des Pays-Bas, au titre des Antilles néerlandaises, relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Belize relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Sa majesté le Sultan et Yand-Di-Pertuan de Brunei Darussalam relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Costa Rica relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Commonwealth de la Dominique relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des îles Cook relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale est adopté.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Libéria relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales.
Le projet de loi est adopté.
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ile de Man en vue d'éviter la double imposition des entreprises exploitant, en trafic international, des navires ou des aéronefs.
Le projet de loi est adopté
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l'exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d'intérêt patrimonial.
Le projet de loi est définitivement adopté
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Serbie, d'autre part
Le projet de loi est adopté
M. le président. - Je mets aux voix le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière administrative.
Le projet de loi est adopté
Accord avec les Émirats arabes unis
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense ainsi qu'un échange de lettres.
Discussion générale
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. - Le Livre blanc sur la défense, publié en 2008, situe les Émirats arabes unis dans « l'arc de crise » de l'Atlantique à l'Océan indien.
Nous entretenons avec ces pays une coopération politique, économique et militaire satisfaisante. Notre coopération militaire est une des plus développées dans le Golfe persique.
La base française d'Abou Dhabi est la seule que nous ayons hors d'Afrique. Elle traduit notre engagement en matière de sécurité et de stabilité dans la région.
L'accord de coopération signé le 26 mai 2009 s'inscrit dans cette perspective. Il a une grande importance, tant pour la stabilité de la région que pour l'entretien de nos forces. L'accord prévoit une consultation bilatérale en cas de menace grave sur les Émirats arabes unis. L'échange de lettres interprétatives de décembre 2010 apporte des garanties supplémentaires pour les Français en mission, en particulier pour les questions pénales. Ces précisions avaient été demandées par le Conseil d'État le 18 mars 2010 ; désormais, le Conseil approuve cet accord.
Les Émirats ont à jouer un rôle de puissance globale dans cette région instable. Notre influence sera renforcée par cet accord, avec ce pays avec qui nous avons de fructueux échanges : notre balance commerciale est excédentaire, ce dont nous avons bien besoin ! (Applaudissements)
Mme Nathalie Goulet, rapporteur de la commission des affaires étrangères. - Je salue notre collègue Bourdin, président du groupe d'amitié France - Émirats arabes unis.
Cet accord, préparé sous la présidence Chirac n'a été mené à bien que grâce à l'insistance du président Sarkozy, qui doit en être remercié.
Il se distingue par l'importance de l'engagement de la France auprès de cette fédération, dans une zone vitale pour nos approvisionnements. A travers cet accord, nous rejoignons le constat dressé depuis longtemps par nos alliés Anglo-Saxons dans le Golfe persique.
Les Émirats arabes unis sont un patrimoine incontournable pour notre économie. Notre part de marché a triplé depuis 1998 : EDF, GDF-Suez, Aréva, Thalès, Véolia y sont très présents.
Il y a vingt ans, nous étions le premier fournisseur d'armement de ce pays. Nos relations dépassent le domaine militaire, avec un Louvre et une Sorbonne à Abou Dhabi. Cet accord de défense donne un fondement juridique durable à notre implantation dans les Émirats. Notre présence militaire a surtout une composante navale, mais aussi une composante terrestre, avec un terrain d'entraînement en zone désertique et une composante aérienne.
Cette base nous donne une présence dans tout le nord de l'Océan indien. Les équipements des Émirats sont de très haute qualité technique, servis par des militaires très qualifiés.
Cet accord, de facture classique, contient une clause de sécurité avec une réponse graduée à tout type de menace. C'est assez exceptionnel, à un moment où la France supprime de telles dispositions avec les Africains. L'accord engage un État, non un régime, sur la nature juridique duquel nous ne nous prononçons pas. Les accords signés par les Anglo-Saxons ne sont pas publiés mais on peut supposer qu'ils contiennent aussi des clauses d'engagement. Les Américains disposent là de facilités de transit mais pas de base militaire comme à Bahreïn et au Qatar.
Il est prévu que les militaires français soient soumis au droit français en cas d'infractions commises dans le cadre du service. Aucune sanction contraire au droit français ne pourrait être prononcée : il faudrait une peine de substitution.
Cet accord présente un intérêt stratégique majeur. La commission des affaires étrangères vous propose de l'adopter. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Didier Boulaud. - L'accord de 1995 était devenu inadapté. Celui-ci ne saurait être pris à la légère : il engage la parole de la France et pourrait engager nos troupes dans un conflit. Ce pays est ami, nous faisons des affaires avec lui, mais est-ce une raison pour nous engager ainsi militairement ? Les Émirats achètent 5 % des Airbus mais aucun Rafale.
Mme Nathalie Goulet rapporteur. - Eh non...
M. Didier Boulaud. - Les Émirats se sont plaints du manque de souplesse des négociations françaises, si bien que le Rafale reste un produit d'exportation vers... la France !
Nous avions noué notre alliance avec les Emirats lors de la guerre du Golfe, en 1991. Il était question, à l'époque, de démocratisation...
Les Émirats accompagnent d'autant plus volontiers la démarche française que nous nous alignons sur les États-Unis. Avec le Qatar, il est le pays arabe le plus présent pour bombarder la Libye.
Entre la situation particulière de l'Irak, l'incertitude iranienne et le lointain Afghanistan, les Émirats arabes unis sont un lieu stratégique : ils tiennent le détroit d'Ormuz ! On en est encore souvent au « grand jeu » cher à Kipling.
Les quatre cinquièmes des habitants des Émirats arabes unis sont des étrangers ; la police fait la chasse aux couples non mariés, mais pas aux employeurs indélicats... Faut-il, au nom de la sécurité d'une base française, se taire sur cette situation ? On invoque une menace iranienne. Mais quelles sont exactement les relations entre les deux pays ?
Quel est le sens de l'article 4 ? Est-il superfétatoire ou inquiétant ? Si un conflit intervenait, nous serions liés par d'autres accords, comme cela s'était passé en 1991...
Cette nouvelle base ne nous amène-t-elle pas à disperser nos forces ? Nous levons l'ancre ici et là, et ouvrons celle-ci. Comment abandonner Djibouti quand les Chinois y montrent le nez ? Avons-nous les moyens de nos engagements éparpillés ? RGPP aidant, les moyens s'amenuisent, les objectifs capacitaires ne sont pas atteints. Les déploiements à l'étranger doivent être revus en fonction des moyens.
Le coup est parti, l'installation de la base a commencé en 2009 ; le Parlement est donc interrogé après la bataille.
Nous nous abstiendrons sur ce texte pour ne pas hypothéquer le futur. Il sera temps, en 2012, de revenir sur le Livre blanc, les promesses inconsidérées et la politique de « déprogrammation militaire ». (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Michelle Demessine. - Nos deux pays ont signé en août 2009 un accord se substituant à l'accord secret de 1995. L'étendue des coopérations contenues dans cet accord en prouve l'importance.
L'inauguration d'une base militaire importante hors d'Afrique était déjà une innovation. C'est aussi une dispersion de nos capacités et un alignement de nos forces sur celles des États-Unis. Je déplore que des décisions aussi lourdes de conséquences n'aient pas fait l'objet d'un débat parlementaire préalable.
Une des singularités de cet accord de défense figure dans les articles 3 et 4 : au cas où les Émirats seraient soumis à une attaque, nous serions mécaniquement amenés à un engagement militaire. Cette clause est contradictoire avec celles qui sont signées en Afrique quand on connaît la sensibilité de cette zone, entre monarchies pétrolières et menaces iraniennes.
Le Commandant suprême des gardiens de la révolution s'est dit prêt à fermer le détroit d'Ormuz.
L'accord crée une ambiguïté sur l'usage de l'arme nucléaire. La doctrine de dissuasion ne définit pas les intérêts vitaux : offrons-nous notre parapluie nucléaire aux Émirats arabes unis ?
Ce pays est régi par la charia ; je crains quelques difficultés d'application en cas de litige grave. On ne peut être rassuré par les pratiques de cette dictature peu regardante sur les droits de l'homme. Les Allemands se sont inquiétés d'une livraison de chars aux Saoudiens. Méditons leur exemple !
Il est contradictoire de prétendre soutenir le printemps arabe et d'entretenir de telles relations avec un tel pays.
Le groupe CRC-CRC-SPG votera contre cet accord.
M. André Trillard. - (Applaudissements sur les bancs UMP) Je me réjouis que le Parlement ait, une fois de plus, à se prononcer sur un accord de défense. Celui-ci va bien au-delà d'un simple partenariat militaire. Le rapport de Mme Goulet témoigne de son excellente connaissance de la région.
Depuis 1995, la France n'a cessé de renforcer ses liens avec les Émirats arabes unis. Notre pays doit être présent dans une zone stratégique pour le monde entier. Un membre permanent du Conseil de sécurité ne peut plus briller par son absence dans le Golfe persique. Depuis les guerres Iran-Irak, la paix mondiale se joue dans cette zone.
Il s'agit d'être cohérents avec notre politique d'intervention à l'extérieur de nos frontières, en particulier dans la lutte contre la piraterie, sachant que 40 % du pétrole mondial passe par le détroit d'Ormuz.
Trop spécifiques ces accords ? Il est vrai qu'ils engagent beaucoup la France. Mais ce pays participe aux opérations de l'Otan en Libye. De tels accords participent aussi de notre dissuasion face à la menace des 70 millions d'Iraniens. La concurrence avec les États-Unis et avec la Chine est rude. L'implantation de l'université Paris Sorbonne à Abu Dhabi et la prochaine ouverture du « Louvre Abu Dhabi », sont des occasions uniques pour notre pays de mettre en place une véritable politique de smart power dans une région traditionnellement d'influence anglo-saxonne. Ces accords de défense sont peut-être contraignants, mais ils sont véritablement cohérents. L'UMP votera cet accord. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Michel Boutant. - Cet accord aurait presque pu passer inaperçu. Il serait pourtant gravissime de le négliger. Son article 4 nous engage beaucoup, dans une région menacée. « Mesure la profondeur de l'eau avant de t'y plonger » dit le proverbe arabe. L'a-t-on fait ? S'est-on souvenu de la guerre de 1991 ? Ces risques de conflit avec l'Iran, s'ils ne doivent pas être exagérés, n'en sont pas moins réels. Les deux pays ont un contentieux depuis que les armées du Chah ont envahi, en 1971, les trois îles Tomb dans le détroit d'Ormuz. Un conflit partant de ces îles serait improbable ? L'invasion du Koweït par l'Irak paraissait aussi improbable...
Un autre point me semble d'importance. En mai 2011, le fondateur de Blackwater a créé une société militaire privée, forte de 800 hommes, destinée à protéger les Émirats arabes unis... Il pourrait y avoir un accrochage dont l'Iran prendrait prétexte, et nous serions tenus d'intervenir.
Ne peut-on craindre une dispersion des forces françaises, qui nuirait à leur efficacité ? Ne déshabillons pas Pierre à Djibouti, pour habiller Paul à Abou Dhabi ! Notre implantation en Côte-d'Ivoire a récemment démontré son efficacité... La France ne doit pas sacrifier ses intérêts en Afrique pour remplir un peu plus sa « vitrine » émirati. Les Émirats prendront en charge les infrastructures ? Certes, mais je doute que le coût soit nul pour la France.
Il faudrait aussi évoquer avec notre partenaire la question des droits de l'homme : violences faites aux femmes, peine de mort, charia... À vous de nous prouver que nos craintes sont infondées. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Henri de Raincourt, ministre. - Il ne s'agit pas de se disperser ou de s'implanter au gré des modes, mais de reconfigurer tout notre dispositif de défense. Nous avons des discussions avec certains États africains sur la nouvelle manière de prendre en compte nos accords de défense. Il n'est pas contradictoire de nous implanter dans les Émirats : les situations peuvent évoluer. Nos soldats ne sont pas allés en Côte-d'Ivoire pour y rester éternellement : la démocratie y a gagné et nous pouvons envisager un redéploiement. L'important, c'est la mobilité de nos forces. La France a trois bases : le Gabon, Djibouti, Abou Dhabi. Elles se complètent. Les Émirats ont assumé l'essentiel des investissements de notre base, la France pour 25 millions, avec un coût de fonctionnement annuel évalué à 75 millions, financés par redéploiement.
Les droits de l'homme ? On peut en débattre indéfiniment. La France défend toujours et partout la liberté et les droits de l'homme ! Cela ne doit pas l'empêcher de s'implanter là où elle le juge nécessaire. N'oublions pas que les Émirats sont avec nous pour défendre le peuple libyen contre les exactions de M. Kadhafi.
La France a condamné la répression qui a eu lieu à Bahreïn, où il y a un « usage disproportionné de la force », comme en Syrie. Le dialogue y est amorcé depuis le début du mois. Notre accord ne porte que sur des menaces extérieures, pas en cas de conflit interne.
Le parapluie nucléaire, madame Demessine ?
En ce qui concerne le parapluie nucléaire, la doctrine de la France est connue depuis longtemps : nous ne sommes liés par aucun traité, madame Demessine ; ainsi, notre force nucléaire n'est pas mise à la disposition de l'Otan.
Sur l'Iran, nous avons du mal à faire respecter les résolutions des Nations unies. Mais nous sommes loin de l'accord dont nous parlons ! La France continuera à faire pression sur l'Iran pour qu'il respecte les décisions de l'ONU et contribue ainsi à la paix, la sécurité et la stabilité, comme nous lui demandons.
Discussion de l'article unique
M. le président. - Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Émirats arabes unis.
Le projet de loi est définitivement adopté.
Hommage au président de Rohan
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. - Je me permets de vous demander, à titre exceptionnel, de saluer pour la dernière fois la présidence éclairée, rayonnante et intelligente du président de Rohan. (Applaudissements) Les sénateurs ne peuvent que se réjouir d'avoir eu un président de commission de cette envergure et de cette qualité, au service du Sénat et, au-delà, de la France.
M. le président. - Je m'associe à cet hommage à M. de Rohan, dont tout le monde connaît le travail. (Applaudissements)
Accord en CMP
M. le président. - La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
La séance est suspendue à 16 h 35.
*
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présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 18 heures.
Rappel au Règlement
M. Jack Ralite. - Le général Jovan Divjak a été arrêté en Autriche sur demande d'extradition de la Serbie. Il était considéré comme criminel de guerre par ce pays pour sa présence à Sarajevo lors de l'agression de la capitale bosniaque par la Serbie. Les documents disponibles montrent la forfaiture qu'il y a à assimiler ce soldat de la paix au boucher Mladic. Ses pensées et ses actes étaient au service de la liberté. D'ailleurs, la France l'avait décoré de la Légion d'honneur
La cause est entendue : plusieurs pays ont déjà relâché ce général. Cette demande d'extradition a été invalidée. Pourtant, depuis trois mois, rien n'a bougé. C'est comme si on avait passé les menottes au coeur de cet homme de paix ! M. Juppé avait d'ailleurs reconnu la valeur de ce général qui est une véritable aubaine humaine. Les autorités autrichiennes doivent relâcher cet homme. Sa libération bourdonne d'essentiel ! Intervenons avec énergie auprès de ce pays. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre d'État ! (Applaudissements à gauche)
Intervention des forces armées en Libye (Débat et vote)
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur la demande du Gouvernement d'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en Libye, en application du troisième alinéa de l'article 35 de la Constitution.
M. François Fillon, Premier ministre. - (Applaudissements à droite) En vertu de notre Constitution, vous avez la responsabilité de décider la poursuite de notre intervention en Libye. Pourquoi cette intervention ? En mars, des manifestations sauvagement réprimées en Libye, des tirs au canon, des milliers de morts en quelques semaines. La communauté internationale, à la suite de l'intervention talentueuse du ministre des affaires étrangères, (applaudissements à droite) a voté une résolution condamnant la Libye. Le Conseil de sécurité a décidé de protéger lui-même la population libyenne.
Certains estiment que nous étions intervenus pour contrebalancer notre surprise devant le printemps arabe. C'est faux. Nous ne mobilisons pas nos forces à la légère, (M. Didier Boulaud en doute) et 25 pays se sont engagés dans cette voie. Notre décision a été mûrie, pesée, à la suite d'avertissements répétés ignorés par M. Kadhafi. Le Conseil de sécurité à exigé la fin des violences. Le colonel a ignoré son message ainsi que les appels multiples qu'il a reçus. Ce jusqu'au-boutisme a contraint la communauté internationale à intervenir en dernier recours. S'il n'y avait pas eu ce sursaut de liberté dans le monde arabe, peut-être ne serions-nous pas intervenus. La victoire de la répression aurait signifié que la victoire de la démocratie n'était qu'un feu de paille. La France croit que la cause des droits de l'homme est en mesure de s'imposer dans le monde. Les dictateurs, les bourreaux, les tyrans doivent rendre des comptes. L'opération Harmattan compte 4 500 hommes et femmes. Nous sommes le premier pays contributeur aux forces de l'Otan et je veux rendre hommage à nos soldats. (Applaudissements unanimes)
Depuis le 19 mars, la situation militaire évolue favorablement, Benghazi n'a pas connu de bain de sang, la région orientale a été libérée. Partout la liberté l'emporte et l'étau se resserre sur Kadhafi. Deux mille cinq cents objectifs ont été touchés et de nombreux centres de commandement. Les soutiens du régime diminuent, les désaffections se multiplient et Kadhafi dit lui-même qu'il est le dos au mur. Mais le point de rupture n'est pas atteint. Nous n'avons jamais pensé que cette intervention se conclurait en quelques jours.
Depuis Benghazi les forces du CNT ont pu reconquérir la Cyrénaïque jusqu'à Bréga. L'étau sur Misrata est desserré. Dans le djebel Nefoussa, les forces de Kadhafi perdent du terrain.
L'Otan a cependant commis deux erreurs les 18 et 19 juin : les drames qu'a connu Tripoli doivent être comparés aux milliers de sorties de l'aviation.
La France s'en tient au mandat défini par les Nations unies, qui n'ouvre pas la voie à l'élimination du colonel Kadhafi.
M. Jean-Pierre Chevènement. - En effet !
M. François Fillon, Premier ministre. - Dans le djebel Nefoussa, nous avons livré des armes légères aux rebelles. Cela nous a été reproché. La population courait de graves dangers. Fallait-il laisser les massacres se poursuivre ? Certes non !
Nous avons devant nous un homme accusé de crimes contre l'humanité. L'usage de la force n'est pas une fin en soi. Une solution politique est plus que jamais nécessaire et elle commence à prendre forme. Il faut un cessez-le-feu véritable, la fin des exactions contre les civils et le retrait du colonel Kadhafi du pouvoir.
La France a reconnu le Conseil national de transition (CNT). Elle a été critiquée, mais trois mois plus tard, 25 pays l'ont fait avec nous. Le CNT, seule autorité légitime sur place, veut mettre en place un État de droit.
L'avenir de ce pays est incertain, mais faut-il voir toujours les risques ? Nous parlons de 42 ans de dictature. Il appartient aux Libyens d'écrire leur histoire.
Le groupe de contact ne cesse de s'élargir à des pays arabes et africains. Les dirigeants de l'OUA se sont réunis et ont conclu que Kadhafi ne saurait prendre part à la négociation de la transition politique : les objectifs des uns et des autres se rapprochent.
La communauté internationale assume les dépenses humanitaires indispensables de la Libye libre. La France a dégelé 290 millions de dollars d'avoirs libyens.
Pourquoi agir en Libye et pas ailleurs ? Nous ne voulons pas de deux poids deux mesures. Nous soutenons toutes les aspirations des peuples à la liberté. Hélas, ce qu'il est possible de faire pour un peuple ne peut pas être fait ailleurs au même moment. Mais ce n'est pas parce qu'on ne peut intervenir partout qu'il ne faut pas intervenir du tout. J'ai entendu aussi la rengaine de prétendues visées impérialistes. Face aux bombardements de populations civiles, il y a ceux qui agissent et ceux qui regardent les massacres sans réagir. La France se range dans la première catégorie et c'est tout à son honneur. (Applaudissements à droite)
Quel contraste entre le Maroc et la Syrie ! Au Maroc, des réformes ont lieu sous l'impulsion du roi Mohamed VI. En Syrie, les massacres perdurent. La France tient à mobiliser le Conseil de sécurité. Celui-ci ne peut continuer à rester muet. Nous ne céderons pas non plus à l'intimidation. Nous tenons les autorités syriennes pour responsables de la sécurité de nos diplomates.
Par le partenariat de Deauville, la communauté internationale a tracé le cap de son action pour mener le développement économique et démocratique de la région. La France oeuvre aussi pour sortir de l'impasse le processus de paix au proche Orient. Palestiniens et Israéliens doivent pouvoir vivre côte à côte en toute sécurité dans deux États internationalement reconnus.
L'usage de la force armée est toujours lourd de conséquences, mais que vaudraient toutes ces critiques si Benghazi était tombée ? Ceux qui nous reprochent notre activisme nous auraient reproché notre inaction. Je préfère prendre le risque de l'action qu'assumer la certitude de la défaite morale.
Il existe sur tous les bancs la même volonté de faire plier le régime libyen. J'ai donc l'honneur de vous demander de prolonger l'intervention des forces françaises en Libye. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - (Applaudissements à droite) L'exposé remarquable de M. le Premier ministre m'incite à la concision.
Si nous voulons justifier notre intervention en Libye, regardons de qui se passe en Syrie : on y voit se produire ce qui se serait produit à Benghazi sans notre intervention. Je veux saluer le travail remarquable des diplomates français et britanniques qui nous ont permis d'obtenir un vote positif au Conseil de sécurité, alors que nous n'y parvenons pas pour la Syrie. Mme Aubry nous a dit ce matin que nous avions tardé à agir. Je lui dis sans polémique (on ironise à gauche) que nous ne pouvions agir seuls, sans autorisation des Nations unies.
L'efficacité de nos frappes a permis d'atteindre les objectifs visés et de neutraliser l'artillerie de Kadhafi. Nous avons évité le massacre de Benghazi et stoppé l'offensive sur Misrata.
Notre pays effectue 20 % des sorties aériennes. Après 4 000 sorties, nos pilotes prennent toujours bien des risques pour éviter des dégâts collatéraux. Nos armées collaborent efficacement avec les forces britanniques. Au plan politique, la France a été à l'initiative de la reconnaissance du CNT avant d'être rejointe par de nombreux pays. La Turquie et la Chine, qui s'étaient montrées prudentes jusqu'à présent, ont noué des contacts avec le Conseil, renforçant ainsi sa légitimité.
Quelques zones d'ombre pourtant : nos forces armées ne sont pas capables de mettre fin à la résistance de Kadhafi dont les forces qui lui sont loyales conservent une grande capacité de nuisance. La Ligue arabe et l'Union africaine, que le colonel Kadhafi a présidée, sont divisées et n'apportent pas un soutien sans ambiguïté au mouvement démocratique.
Nous nous félicitons de la participation de certains pays arabes mais nous prenons note de la réserve de beaucoup d'autres. Nous regrettons aussi le rôle limité de l'Union européenne. L'absence de l'Allemagne et la faible participation de certains de ses membres montrent que l'Europe n'est pas unie. Elle est absente...
En l'absence de quartier général permanent nous avons été obligés de recourir à l'Otan, d'autant que les États-Unis se sont retirés très vite.
Quel sera l'avenir ? Nous n'avons pas reçu mandat d'éliminer Kadhafi, mais il est impossible qu'il se maintienne à la tête de l'État. Nous devons pourtant rechercher une solution politique pour parvenir à un cessez-le-feu et préserver l'unité du pays. Les Africains doivent être les acteurs de leur histoire sans quoi la Lybie risque d'être la proie du terrorisme et donc de déstabiliser ses voisins.
L'action de notre pays est irréprochable. Elle doit être menée à son terme, c'est-à-dire jusqu'à un cessez-le-feu ouvrant des perspectives de dialogue et d'apaisement. C'est pourquoi nous voterons pour la prolongation de l'intervention de nos forces armées en Libye. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
Mme Michelle Demessine. - Je veux rendre hommage au courage de nos forces armées en opération à l'extérieur. Le triste bilan afghan s'est encore alourdi hier. Vous nous demandez de prolonger l'intervention française. Faut-il comprendre qu'elle n'a pas réussi aussi brillamment qu'elle était censée le faire ?
Je récuse ce droit d'ingérence, qui ne doit pas être confondu avec la lutte pour la démocratie. Les puissances militaires s'accordent le droit de bombarder des populations selon des critères définis le plus souvent par l'Otan, en ne visant que les adversaires de l'Otan, jamais ses amis. Les objectifs n'ont-ils pas été atteints ou bien ont-ils changé ? Le consensus international autour de la résolution 1973 se fissure.
Les Allemands sont hostiles à la poursuite de l'intervention, comme le Congrès des États-Unis. Les pays européens sont divisés et l'opinion publique française est de plus en plus hostile à cette intervention. La situation actuelle m'incite à m'interroger sur la poursuite de ces frappes militaires. Nos concitoyens s'aperçoivent qu'il ne s'agit pas seulement d'une intervention humanitaire mais d'une guerre pour défendre des intérêts économiques et stratégiques. Le rejet s'explique aussi par une durée plus longue que celle annoncée par le Gouvernement. Le coût de l'opération est élevé. Notre groupe s'y était opposé dès le départ, considérant que la protection des populations civiles masquait d'autres objectifs.
Les opposants se sont rapprochés de Tripoli mais le blocage demeure.
La résolution de l'ONU ne visait pas le renversement du colonel Kadhafi mais son départ a été de plus en plus fixé comme objectif. La déclaration du ministre de la défense de dimanche marque peut-être une modification de notre politique. Le départ de Kadhafi n'est plus un préalable, semble-t-il, à l'arrêt des bombardements.
Nos forces ont peu à peu soutenu des opposants armés qui marchent contre Tripoli. La coalition s'est mise en difficulté en interprétant le mandat qui lui avait été donné. La Russie estime que la résolution a été détournée. L'intensification des bombardements et l'utilisation des hélicoptères ont démontré qu'il n'était pas possible de faire partir Kadhafi par le simple usage de la force. Notre pays a pris l'initiative de parachuter des armes aux rebelles. Ces largages n'ont fait qu'accentuer les divergences au sien de la coalition.
Cette action militaire est censée faire oublier votre retard face au printemps arabe. (Exclamations à droite)
M. Robert del Picchia. - Qu'est-ce qu'il faut entendre !
M. Jean-Claude Gaudin. - Et quand Marchais allait chez Ceausescu !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quel rapport ?
M. Didier Boulaud. - On peut remonter jusqu'à Pépin le Bref, pendant que vous y êtes.
Mme Michelle Demessine. - C'est pour vous le moyen d'affirmer la politique de puissance de la France et de vous débarrasser en même temps d'un ancien allié devenu encombrant. Pourquoi aider les rebelles dans cette guerre civile ? Le président de la République, sur les conseils d'un philosophe éclairé, s'est précipité dans cette aventure. Il a sous-estimé les capacités de résilience des forces fidèles au régime libyen. Avez-vous mesuré les conséquences de votre soutien au CNT dans un conflit aux dimensions provinciales et de revanche ?
Ce soulèvement armé a cherché à bénéficier de la sympathie suscitée par le printemps arabe. Le CNT n'est qu'une coalition disparate, où les véritables démocrates sont en minorité aux côtés de ceux qui rêvent de restaurer la monarchie, et des islamistes radicaux. Ce dangereux cocktail annonce un avenir incertain. Votre intervention risque de déstabiliser le Maghreb et le Sahel au moment où des mouvements islamistes apparaissent au grand jour au Maroc et en Tunisie alors que vous vous apprêtez à remettre le pouvoir à des éléments proches de l'islamisme radical en Libye.
Avec mon groupe, je ne me sens pas isolée en prenant une position hostile au consensus que vous appelez de vos voeux.
Les opinions publiques réprouvent cette intervention. Ce n'est pas en prolongeant les frappes qu'on sortira de l'impasse actuelle. Il faut changer de méthode et privilégier les négociations. Une sortie de crise passe par un cessez-le-feu.
La dernière réunion du groupe de contact à Abu Dhabi n'est que partiellement satisfaisante. Il faut que la Ligue arabe, l'Union africaine, la Russie et la Chine acceptent la feuille de route.
Enfin, il faut donner au représentant de l'Onu la mission de favoriser un dialogue national pour parvenir à des élections libres.
La poursuite des frappes aériennes serait contreproductive. Vous comprendrez donc que mon groupe votera contre votre demande. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Yves Pozzo di Borgo. - Les sénateurs centristes saluent et félicitent nos soldats. (« Très bien ! » à droite) qui remplissent avec honneur et efficacité les missions qui leur sont confiées.
Benghazi n'est pas tombée et le CNT est reconnu comme représentant officiel.
Hélas, l'intervention aérienne et la mobilisation de l'opinion internationale n'a pas été suffisante pour que Kadhafi quitte le pouvoir. Depuis quatre mois, la situation semble bloquée. Les rebelles n'ont toujours pas remporté de victoire décisive.
La fin du conflit reste incertaine. Kadhafi ne peut reprendre la main sur tout son territoire, mais il peut encore se maintenir.
Mais ne baissons pas les bras : le groupe de l'Union centriste accorde toute sa confiance au Gouvernement pour maintenir nos troupes sur les côtes et dans le ciel de Lybie. (Applaudissements à droite)
Quelques observations : la résolution 1973 du Conseil de sécurité a mis en avant une notion nouvelle : l'intervention pour protéger les civils, plus légitime que le droit d'ingérence, madame Demessine. Le mandat ne permet pas d'intervenir au sol.
En 2003, il aura fallu une intervention terrestre pour chasser Saddam Hussein. Comment inviter le colonel Kadhafi à quitter le pouvoir au plus vite ?
Le bilan de la protection aérienne des populations est lui aussi paradoxal. Les frappes poussent les habitants à fuir dans le désert tunisien : plus de 70 000 seraient réfugiés en Tunisie, que 430 000 auraient déjà traversée. Autre paradoxe : le conflit libyen témoigne d'un basculement des puissances mondiales dans la Méditerranée. Les États-Unis seuls ont les moyens de mener complètement une telle campagne aérienne mais la doctrine du leadership depuis l'arrière montre que le peuple américain est las d'engager ses militaires à l'extérieur. Il s'agit là d'un tournant avec la politique suivie depuis la crise de Suez en 1956.
Les enjeux de la Méditerranée sont trop importants pour nous laisser gagner par le découragement. La Libye, c'est un défi pour l'Europe. Cette crise démontre le manque d'Europe. Une Europe de la défense est nécessaire.
La France doit prendre l'initiative. L'absence européenne doit être un aiguillon pour notre détermination. Le conflit libyen a montré que les pays membres n'avaient pas de position interventionniste commune.
La défense de l'Europe et la paix en Méditerranée sont prioritaires. L'Europe manque d'unité et de solidarité, tant pour s'attaquer à la crise des dettes souveraines que dans le champ des relations internationales. L'absence de l'Union dans la coalition doit nous inciter à progresser davantage dans l'intégration et dans la coopération en matière de politique étrangère et de défense.
Nos marges de manoeuvre sont contraintes. La crise des finances publiques pèse. L'intervention en Libye aurait déjà coûté 160 millions. Ce n'est pas cher payé pour instaurer la paix dans ce pays.
Nous devons aller vers un ministère de la défense européen et nous rapprocher encore de nos amis anglais. Encore faudrait-il qu'ils acceptent une défense européenne ! Tant que l'Europe ne parlera pas d'une même voix, elle ne sera pas une puissance majeure. Vous l'avez dit, monsieur le ministre de la défense, la Libye est une épreuve de vérité pour la détermination des Européens à construire un espace de paix dans leur environnement immédiat.
Les printemps arabes et l'affaire libyenne nous incitent à renforcer l'Union pour la Méditerranée. La chute des régimes autoritaires est une occasion unique. En Syrie, le principe d'un engagement pour protéger les populations pourrait s'appliquer ; mais le défaut des Américains et la faiblesse de l'Europe empêchent une nouvelle résolution à l'ONU.
M. Didier Boulaud. - Qui invitera-t-on au 14 juillet, cette année ?
M. Yves Pozzo di Borgo. - Pour l'heure, il s'agit de soutenir les insurgés libyens ; c'est ce que nous ferons avec ce vote ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Pierre Bel. - Nous sommes réunis pour un débat qui préoccupe grandement nos compatriotes et qui touche au coeur de nos prérogatives parlementaires. Vous me permettrez une pensée pour nos soldats qui se battent en Libye et ailleurs, ainsi qu'à leurs familles et à leurs proches. J'aurai aussi un message de solidarité avec nos diplomates en poste en Syrie. Les actes inqualifiables que se sont déroulés à Damas imposent à la communauté internationale de réagir.
En mars dernier, M. Carrère avait dit notre soutien à la résolution 1973 et demandé que le Parlement soit informé des objectifs stratégiques de l'intervention et régulièrement associé en temps réel aux décisions prises. Notre position de principe n'a pas changé, mais de nombreuses questions restent posées auxquelles il appartient au Gouvernement de répondre. Lorsqu'est en cause la place de la France dans le monde et que la vie de nos soldats est en jeu, une seule considération doit guider notre réflexion : l'intérêt général, l'intérêt de la France.
Aux origines de l'engagement de nos forces, il y eut les massacres terrifiants perpétrés par le colonel Kadhafi contre la population civile. Lorsqu'il fut aux portes de Benghazi, nous avons demandé que celle-ci fût protégée. Quand est venue l'heure de l'action, nous n'avons pas changé d'avis et approuvé la résolution 1973. Notre pays, membre permanent du Conseil de sécurité, doit assumer son rôle et ses responsabilités.
Responsables, nous n'avons pas pour autant donné de blanc-seing au Gouvernement -qui ne nous le demandait pas. Nous nous interrogeons encore sur un diagnostic précis de l'état des opérations militaires, notamment au sol. On voit les limites de l'équipement de nos forces -ravitailleurs, drones, munitions. Que pensez-vous de l'état de notre outil militaire et de ses capacités ?
Comment analyser le positionnement de la Ligue arabe, dont l'implication est essentielle ? Qu'elle adhère et il sera difficile de disqualifier l'intervention internationale. Qu'elle flotte, et on accusera celle-ci d'ingérence dans les affaires de l'orient. Même question à propos de l'OUA, qui semble chaque jour plus critique des opérations en cours.
L'Union européenne n'a pas réussi à parler d'une seule voix. L'absence d'Europe diplomatique et d'Europe de la défense apparaît cruellement. Et l'on voit les limites de la réintégration dans le commandement intégré de l'Otan. (On approuve sur les bancs socialistes) Avons-nous de vraies marges de manoeuvre tactiques et stratégiques en son sein ?
Quel sont les objectifs stratégiques ? Renverser le régime ? Installer au pouvoir le CNT ? Une tutelle internationale ? Le mandat des troupes doit être affiché clairement et porté à la connaissance du Parlement.
Dans un monde arabe en mutation, l'action militaire est nécessaire mais pas suffisante pour apporter la paix et la démocratie. Le départ de M. Kadhafi et de son régime, le respect des droits de l'homme et de l'intégrité libyenne sont essentiels. La Tunisie et l'Égypte doivent être aidées dans leur action de soutien aux réfugiés.
Les destins des peuples méditerranéens sont liés et il nous appartient de renforcer leurs liens.
Nous restons fidèles à nos trois exigences de responsabilité, de contrôle démocratique sur les opérations en cours, de vigilance critique. La prolongation de l'intervention en Libye nous paraît à ce stade nécessaire et nous la voterons en attendant des réponses sans délai aux questions que nous avons posées. Cela ne fige pas notre position pour l'avenir : nous nous déterminerons lucidement au vu de la situation sur le terrain.
Je souhaite, monsieur le Premier ministre, que vous reveniez devant nous après l'été, pour un débat et un nouveau point de la situation. Nous le devons aux Français. (Applaudissements sur les bancs socialistes et de nombreux bancs du centre et de la droite)
M. Jean-Michel Baylet. - C'est sur le principe de la responsabilité de protéger que nous avons approuvé la résolution 1973 et voté l'engagement des militaires français dans ce cadre. Nous pensons en premier lieu à nos soldats, engagés en Libye et sur les autres théâtres.
Les premières opérations ont protégé les populations civiles d'un bain de sang ; on a pu ensuite redouter un enlisement, mais l'avancée des insurgés sur Tripoli apporte aujourd'hui un espoir. Nous devons accompagner cette progression. Il ne nous revient pas de renverser Kadhafi mais seulement de faire en sorte que le peuple libyen choisisse son destin. Nous devons aussi ménager certains acteurs ; la Ligue arabe et l'OUA peinent à faire accepter le spectacle d'avions occidentaux bombardant un pays arabe. Et les dégâts collatéraux ne pourront que se multiplier si le conflit dure.
La France a largué armes et munitions dans le djebel Nefoussa, hors cadre de l'Otan ; n'est-ce pas prendre le risque d'armer des organisations terroristes ?
Avons-nous enfin les moyens d'intervenir longtemps ? A croire le chef d'état-major de la marine, la réponse est non. Et le budget des Opex n'est pas extensible à l'infini.
Malgré ces quelques réserves, les radicaux de gauche voteront la prolongation du mandat. (Applaudissements sur les bancs UMP, du centre et du RDSE et certains bancs socialistes)
M. Jean-Claude Gaudin. - (Applaudissements sur les bancs UMP) Ce débat consacre le rôle du Parlement et renforce la démocratie. La gravité du sujet incite à la solennité.
Avec émotion, je réaffirme notre indéfectible soutien à tous nos soldats, où qu'ils servent. Leur courage, leur bravoure, leur professionnalisme, honorent la France.
Je me félicite de l'organisation de ce débat qui consacre le plein exercice de la démocratie, à l'heure où les Libyens se battent contre un tyran qui méprise les droits de l'Homme. Mesurons notre chance et réjouissons-nous qu'une vieille nation démocratique comme la notre puisse encore progresser : à preuve ce vote rendu possible par la réforme constitutionnelle de 2008.
Je rends hommage au remarquable travail accompli par la commission de la défense, et tout particulièrement à son président, dont la vision honore le Sénat et la France. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Ne nous trompons pas de débat : il ne s'agit pas de nous substituer au chef d'état-major ! Nous faisons confiance à M. Longuet pour organiser au mieux notre action et faire entendre la voix de la France. Cela n'a été rendu possible que par la réintégration dans l'Otan.
M. Didier Boulaud. - En quoi ?
M. Jean-Claude Gaudin. - L'heure n'est pas à la polémique ! Autoriser la prolongation de l'intervention de nos troupes en Libye, c'est crédibiliser la diplomatie française, dont l'action a été saluée par la communauté internationale. Le ministre d'État a accompli une tâche qui n'était pas aisée. Face au jusqu'au-boutisme d'un « guide » autoproclamé dont la déraison n'a d'égale que la férocité, il n'y avait plus d'autre chemin que l'intervention.
Quelle image donnerions-nous si, au bout de quatre mois, nous faisions volte-face ? Souvenons-nous du sommet de Paris le 19 mars dernier et des engagements pris alors ! Les opérations aériennes sont un succès. Le général canadien en charge de l'opération reconnaît que les Français font un travail superbe. Qu'est-ce que 100 jours, même dans un monde d'impatience ?
Un vote favorable du Sénat sera un message d'espoir pour le peuple libyen. Stopper notre intervention serait abandonner la Libye, tourner le dos à un CNT reconnu par nos alliés et en passe de se doter d'un gouvernement et d'un organe législatif dissocié. Nous devons continuer de l'aider. Les responsables de 61 tribus ont su parler d'une seule voix. Ne les décevons pas !
Nous sommes entrés dans une ère diplomatique nouvelle. Désormais, la France n'acceptera plus la stabilité illusoire des régimes autoritaires et dictatoriaux. (Applaudissements sur les bancs UMP) Il revient à ces peuples de trouver eux-mêmes les remparts aux extrémismes. La France soutient le printemps arabe autant qu'elle lutte contre le terrorisme et les fanatismes.
Dans nos villes, dans nos villages, nous avons accueilli les cercueils de nos soldats tombés en Afghanistan et ailleurs. Nous avons lu dans les yeux des familles l'incompréhension, parfois la réprobation. La France a lourdement payé sa présence au sol en Afghanistan ; au moment où s'annonce un retrait progressif de nos troupes de ce pays, il n'est pas utile d'envoyer des troupes au sol en Libye.
Nous devons tous ensemble mieux expliquer à nos concitoyens les enjeux. Tripoli et Benghazi sont les portes de l'Afrique. La Méditerranée est au coeur de l'Europe. Il faut en être conscient. Nous vous faisons confiance, monsieur le Premier ministre. Partout où flotte le drapeau tricolore, c'est pour apporter la concorde, la fraternité et la générosité. (Applaudissements prolongés sur les bancs UMP)
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Début mars, nous avons été nombreux à attendre avec impatience la résolution 1973 de l'ONU. Je parle en tant que voisine de Kadhafi : depuis 40 ans, il n'a cessé de déstabiliser ses voisins. En janvier, il nous promettait même de ramener ben Ali dans ses fourgons...
L'émotion, nous l'avons ressentie lorsque les premières frappes ont libéré Benghazi. Mais l'émotion est parfois mauvaise conseillère en matière politique et militaire. Quatre mois plus tard, il semble que la France se soit leurrée.
Soutien international ? Dès le 19 mars, Mme Ashton assurait que l'Europe resterait neutre ; dans ces conditions, la coalition s'est réduite à la France et à la Grande-Bretagne. Le retour dans le commandement intégré de l'Otan n'a en rien renforcé l'Europe de la défense.
La réalité de l'insurrection ? Tripolitaine et Cyrénaïque ne sont unifiées que par la main de fer de Kadhafi. Il n'y a pas plus du tiers de la population à s'être insurgée. Par peur ? Par expectative ? Par soutien au régime ? Ne protéger la population que par des frappes aériennes relevait de la sage prudence, mais aussi de l'illusion que les insurgés sauraient s'organiser. Les seuls qui savent se battre sont les djihadistes islamistes de Cyrénaïques formés par les talibans et les montagnards du djebel Nefoussa. (M. le ministre d'État le conteste) La guerre éclair s'est transformée en guerre d'usure, d'autant que les arsenaux kadhafistes sont riches d'armes venues de chez nous et d'ailleurs.
Une victoire de Kadhafi condamnerait les populations civiles à la répression ou à l'exode, tuerait tout espoir de réussite des révolutions tunisienne et égyptienne et aurait des effets déstabilisateurs jusqu'au Mali et au Niger. La Libye, située entre la Tunisie et l'Égypte, ne doit pas retrouver la capacité de les déstabiliser encore. « La géographie sert à faire la guerre », disait Yves Lacoste. Au Tchad, au Niger, au Mali, au Burkina-Faso, la Libye intervient. Nous, au nord de la Méditerranée, sommes liés avec les pays du sud par l'histoire, la langue, la culture. La jeunesse du sud de la Méditerranée sera notre avenir dans 20 ans, quand les effets de la démographie se seront fait sentir, et plus encore en Allemagne et en Italie.
La participation de la France doit se poursuivre. Cela demande un effort énorme à nos soldats. Toutefois, cela n'a de sens que si les parties peuvent se parler. Il n'y a pas que le CNT d'un côté, Kadhafi de l'autre. La réalité est bien plus complexe. Nous risquons d'attiser la guerre civile en encourageant le CNT au jusqu'au-boutisme. La France doit peser pour que la Cyrénaïque ne fasse pas sécession. La prolongation de l'intervention armée n'a de sens que si les négociations en cours aboutissent.
Je répète, après le président Bel, que notre vote positif n'est pas un blanc-seing au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Le ministre des affaires étrangères déclarait le 22 mars que les opérations aériennes seraient limitées dans le temps.
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. - Je persiste !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Il ne s'agit pas d'ingérence humanitaire -celle-ci est bannie expressément par les Nations unies dans une succession de textes que la France a votés. Le talentueux ministre français qui se proclamait le champion du droit d'ingérence s'est par deux fois exprimé avec la Chine pour le principe de non-ingérence...
M. Alain Juppé, ministre d'État. - De qui s'agit-il ? (Sourires)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Ce qui s'est passé est la mise en oeuvre d'un principe consacré par le droit international, la responsabilité de protéger, y compris par un recours à la force si la diplomatie a échoué. Il faut pour cela l'accord du Conseil de sécurité -ce dont l'Otan s'était passé au Kosovo en 1999. Le but n'est pas le changement de régime. On peut faire reculer des gouvernements sans provoquer leur élimination -à preuve celui de Milosevic.
Et puis vous avez changé les buts de guerre. Le courage et le professionnalisme de nos soldats doivent être salués mais les parlementaires, qui n'ont de comptes à rendre qu'au peuple, ne sont pas tenus pour autant d'approuver tout ce que fait le Gouvernement.
Le 22 mars, le Premier ministre disait : « toute la résolution 1973, rien que la résolution 1973 ». Le 15 avril, le président de la République a déclaré, avec MM. Obama et Cameron, que le but de guerre était l'élimination de M. Kadhafi. Vous-même, monsieur le ministre d'État, disiez le 22 mars : « dans la minute où le régime de Kadhafi respecte la résolution 1973, les opérations militaires cesseront ».
Les opérations se poursuivent, avec des pertes civiles, malgré les exigences de l'ONU auprès de « toutes les parties aux conflits armés ». En exigeant le départ de Kadhafi, en le faisant inculper par la CPI, en parachutant des armes aux rebelles on a changé la nature de l'intervention.
L'évolution vers la démocratie ne peut se faire de la même manière dans tous les pays ; elle est concevable dans de vieilles nations comme la Tunisie ou l'Égypte, mais au Yémen, à Bahreïn, en Syrie, au Liban, en Libye, la guerre civile menace.
La France est membre permanent du Conseil de sécurité. La souveraineté nationale a été une conquête de la Révolution, elle est la base de l'ordre international. La Libye est un État fragile, à la composante tribale importante. Toute guerre est déstabilisante et source de dissémination d'armements -on a trouvé des SAM 7 au Niger... Et puis il y a eu plus de 470 000 réfugiés. Que fait la France ? Myope, elle veut revoir les accords de Schengen !
La France doit rester le soldat du droit. Favorisons maintenant les négociations, plutôt que de nourrir la guerre civile par des parachutages d'armes. L'arme aérienne ne peut pas tout. Vous avez surestimé le CNT et sous-estimé la résistance du régime de Kadhafi. Celui-ci n'est pas sympathique mais celui de Bachar el-Assad l'est-il davantage ? On n'interviendra pourtant pas en Syrie ...
J'avais relevé le 22 mars que cette affaire avait un léger parfum d'aventurisme après l'intervention d'un pseudo-philosophe...
M. Didier Boulaud. - Nostradamus ?
M. Jean-Pierre Chevènement. - ... qui semble-t-il a pesé dans les choix du président de la République ; et qu'il s'agissait sans doute d'une opération de rattrapage... Il est temps de trouver une solution politique. L'Otan ne peut se substituer au peuple libyen. Le départ du président Kadhafi serait bienvenu, à moins qu'il s'ouvre vers une guerre civile, des temps de vengeance ou un éclatement. N'oublions pas l'exemple du Kosovo ! On y a conclu par des négociations. On dit que des médiations sont en cours, qu'il y aurait même des contacts directs entre le CNT et Tripoli. Qu'en est-il ? Doit-on ignorer ces efforts ? Que proposent les cinq membres du Conseil de sécurité qui n'ont pas voté la résolution 1973 ? Demandons-leur.
Il est temps d'arriver à la conclusion de cette opération. Mais je ne veux pas émettre un vote négatif. J'exprimerai mes sérieuses réserves en m'abstenant. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG et certains bancs du RDSE)
M. Jean-Marie Bockel. - L'enthousiasme de la population n'a pas permis de triompher du jusqu'auboutisme de Kadhafi : la communauté internationale a dû se mobiliser. Je salue la détermination du président de la République et le volontarisme du Premier ministre britannique, qui ont permis de dépasser les tergiversations des uns et des autres. Notre capacité à prendre nos responsabilités a fait évoluer d'autres pays, initialement très réservés : Russie, Allemagne, Chine... Quoi qu'il en soit, sans notre action, il y aurait eu un bain de sang.
Trois éléments m'amènent à vous demander de voter la prolongation de notre intervention.
D'abord, si le conflit dure, c'est que l'objectif de la résolution 1973 n'est pas atteint : nous n'avons pas agi hier pour abandonner aujourd'hui !
Ensuite, après des semaines d'incertitude, les rebelles recommencent à avancer : la stratégie de l'Otan a fini par payer.
Enfin, sur le front diplomatique, la légitimité de la rébellion libyenne n'a cessé de croître, tandis que Kadhafi est de plus en plus isolé sur la scène internationale.
Je voterai donc la prolongation de l'intervention de nos forces. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. - (Applaudissements à droite) Monsieur Ralite, comme nous le faisons depuis longtemps, nous allons insister auprès des autorités autrichiennes et oeuvrer pour que le général Jovan Divjak recouvre la liberté.
Je salue l'engagement de nos soldats et le courage de nos diplomates en Afghanistan, en Lybie, mais aussi en Syrie. (Applaudissements à droite) M. de Rohan a parfaitement expliqué la logique de notre intervention en Libye. J'ai été heureux de travailler avec lui. (Applaudissements à droite) Quitte à enfreindre le protocole, bravo et merci, cher Josselin ! (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre et à gauche)
Plusieurs observations m'ont été faites par des orateurs. Non, nous ne sommes pas en situation de blocage ; non, nous ne nous enlisons pas en Lybie. Des progrès significatifs ont été réalisés.
D'abord, sur le plan militaire. Notre stratégie a été définie par le président de la République, et nous parlons d'une même voix.
Ensuite, sur le plan politique. Les choses ont progressé aussi : le CNT ne faisait pas consensus il y a quatre mois. Nous avons été les premiers à le reconnaître comme un interlocuteur incontournable, non pas sous l'effet d'une inspiration philosophique, monsieur Chevènement, mais à la suite d'une analyse politique ; aujourd'hui, il est reconnu par une trentaine de pays, et non des moindres.
Le CNT s'est organisé au fil du temps, il s'est implanté sur le territoire libyen et il ne représente pas seulement Benghazi. Il a affiché son attachement à un certain nombre de principes démocratiques.
Des progrès restent à faire, car le CNT a besoin d'argent. Cet argent -de l'argent libyen- existe d'autant que des fonds ont été gelés, mais il est très difficile de dégeler ces sommes ; j'espère pouvoir annoncer vendredi le déblocage de 290 millions de dollars.
Au cours de ces quatre mois, la situation a beaucoup évolué sur Kadhafi. Rapidement, il est apparu que ses actions, sa politique, ses excès, le condamnaient. Il ne peut rester au pouvoir et notre objectif est qu'il parte. Il y a un mois, à Deauville, le G8 n'a pas dit autre chose et la Russie était sur cette base. Les Vingt-sept en sont d'accord aussi.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Mais pas le Conseil de sécurité !
M. Alain Juppé, ministre d'État. - Rien ne nous oblige à suivre le Conseil de sécurité ! (Applaudissements à droite) Son intervention n'est indispensable que pour autoriser l'usage de la force. La Ligue arabe, la Turquie et l'Union africaine ont significativement évolué.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Que faites-vous de la légalité internationale ?
M. Alain Juppé, ministre d'État. - J'ai été surpris des exhortations à nous occuper de la partie diplomatique : nous ne faisons que ça ! Il fallait une intervention militaire, pour éviter le bain de sang à Benghazi : c'est l'honneur de la France de l'avoir évité. (Applaudissements à droite) Mais l'intervention militaire n'est qu'un moyen. J'ai été à Moscou il y a quelques jours. Le début de notre entretien a été « franc » : nous sommes en désaccord sur l'intervention militaire. En revanche, nous nous accordons tout à fait sur l'abandon du pouvoir de Kadhafi, sur un vrai cessez-le-feu, avec le retrait de forces loyales dans les casernes et un contrôle des Nations unies, sur la constitution d'un gouvernement provisoire. Différentes solutions sont à l'étude ; ensuite, ce gouvernement engagera un dialogue national « inclusif » ou, pour éviter cet anglicisme, largement ouvert.
Tous les responsables doivent être associés au processus politique, pour autant qu'ils n'aient pas de sang sur les mains.
J'ai rencontré il y a quelques jours, à Addis-Abeba ou à Nouakchott, des responsables africains et nous avons constaté notre accord. La question est maintenant de savoir quand Kadhafi partira. Mais l'option militaire doit se poursuivre. Une nouvelle réunion du groupe de contact doit se tenir prochainement : pourquoi pas à Addis-Abeba ?
L'Union européenne joue un rôle capital dans le domaine humanitaire : 60 millions ont déjà été débloqués ; l'aide bilatérale de la France est également très importante. L'Union européenne a prévu une aide militaire à condition que les Nations unies le demandent, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.
Que se passera-t-il ensuite quand Kadhafi aura quitté le pouvoir ? Certains sont inquiets ; pas nous. Le CNT y travaille déjà.
Mme Demessine récuse le droit d'ingérence, mais elle est bien seule, puisque les Nations unies l'ont voté à l'unanimité en 2005.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Le « devoir de protection » !
M. Alain Juppé, ministre d'État. - Oui, pardonnez mon lapsus.
Ne dites pas, madame Demessine, que nous aurions bombardé la population civile. De tels bombardements, ce sont les troupes kadhafistes qui les ont commis.
Il y a un eu un dérapage, avec neuf victimes. Une enquête est en cours. Mais sans faire de comptabilité macabre, il faut mettre en relation ces quelques morts et les centaines de victimes causées par les bombardements de Khadafi. Nous protégeons les populations civiles, nous ne les bombardons pas !
M. Pozzo di Borgo a déploré l'absence d'une Europe de la défense. C'est vrai. Pourtant, l'Europe n'a pas été inexistante. En Syrie, elle a défini une position commune et a décidé de sanctions contre certains responsables.
Je crois avoir déjà répondu à M. Bel. Nous organiserons un débat à la rentrée quand vous le souhaiterez.
Merci, monsieur Gaudin, pour votre soutien : effectivement, notre intervention est juste.
J'ai admiré la démonstration de Mme Cerisier-ben Guiga qui nous a affirmé que la France s'était trompée mais que nous devrions continuer à faire ce que nous faisons ! Je suis ravi de votre soutien...(Sourires)
M. Chevènement a reconnu que la population était protégée. Il a estimé que le départ de Kadhafi serait le bienvenu. Nous aussi.
Merci enfin à M. Bockel de son analyse et de son soutien.
J'ai cru comprendre que la majorité sénatoriale, élargie à la majorité de l'opposition, soutiendrait notre politique. C'est une bonne décision pour ceux qui défendent, sur le terrain, notre politique étrangère et pour l'image de la France dans le monde. (Applaudissements à droite)
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. - Si la résolution 1973 avait pour objet de protéger les populations civiles, l'avenir passe par le départ de M. Kadhafi.
Vous m'avez demandé si nous n'avons pas sous-estimé les forces de M. Kadhafi. Non : son armée était considérablement équipée. Son aviation et sa marine sont totalement neutralisées, ainsi que les deux tiers de ses capacités terrestres. En revanche, Kadhafi a concentré ses troupes autour de Tripoli. Le miracle, c'est que la Cyrénaïque ait pu faire front, le miracle, c'est que la population civile, à Misrata ait réussi à desserrer l'étau des troupes de Kadhafi, le miracle, c'est que les populations montagnardes contrôlent la seule raffinerie à l'ouest de Tripoli.
L'Union européenne s'est retrouvée au sein de l'Otan ; la réintégration voulue par le président de la République a porté ses fruits.
J'indique à M. Pozzo di Borgo qu'avec le soutien de la Grande-Bretagne, nous sommes à la tête de la coalition. Assez rapidement, les États-Unis ont pris leurs distances mais le système a continué à fonctionner ; la coopération des chefs d'état-major de l'Otan est une réalité. La réintégration des instances de commandement par la France est un formidable ballon d'oxygène : les Britanniques ne sont plus seuls désormais. C'est une coalition qui est au pouvoir en Allemagne ; les libéraux -et donc le ministre des affaires étrangères sont pacifistes. C'est pourquoi le libéral que je suis salue l'action du général de Gaulle qui nous a dotés d'institutions qui permettent à la France de parler d'une seule voix en matière de politique étrangère et de politique de défense ! (Sourires et applaudissements sur les bancs UMP)
M. Bel a évoqué des questions légitimes. Nous n'avons pas de troupes au sol, sinon pour assurer la sécurité de nos représentants à Benghazi. Nous avons besoin de nouveaux ravitailleurs : c'est prévu dans la loi de programmation militaire. Nous avons besoin de drones Male, c'est évident. Nous n'avions pas suffisamment de stocks de munitions mais nous les avons complétés.
Nous avons procédé à des parachutages à titre exceptionnel, à la demande du CNT , pour venir en aide au Djebel Nefoussa qui s'était libéré par lui-même. Je remercie M. Gaudin pour son intervention : il n'est pas question d'envoyer de troupes au sol.
La connaissance de Mme Cerisier-ben Guiga sur la Libye débouche sur notre solution : le départ de Kadhafi ! Certes, la situation est compliquée, mais nous sommes tous d'accord pour demander son retrait du pouvoir.
Je remercie Jean-Marie Bockel pour son soutien. Nous pouvons être fiers du professionnalisme de nos soldats et du matériel que nous déployons. Le Charles de Gaulle fonctionne parfaitement et l'aéronavale remplit ses fonctions. L'armée de l'air traditionnelle pourrait prendre le relais à l'automne. Enfin, les hélicoptères montrent leur efficacité. Tout cela démontre que la loi de programmation est parfaitement adaptée ! (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
L'autorisation de prolongation de l'intervention des forces armées en Libye est mise aux voix par scrutin public de droit.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l'adoption | 311 |
Contre | 24 |
Le Sénat a autorisé.
M. le président. - L'Assemblée nationale ayant elle-même émis un vote favorable, je constate, en application du troisième alinéa de l'article 35 de la Constitution, que le Parlement a autorisé la prolongation de l'intervention des forces armées en Libye.
Prochaine séance demain, mercredi 13 juillet 2011, à 9 h 30.
La séance est levée à 20 h 40.
René-André Fabre,
Directeur
Direction des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du mercredi 13 juillet 2011
Séance publique
À 9 HEURES 30
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Rapport de M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat (n° 752, 2010-2011).
Deuxième lecture de la proposition de loi tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.
Rapport de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense (n° 757, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 758, 2010-2011).
À 14 HEURES 30
Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011.
Rapport de M. Alain Vasselle, rapporteur pour le Sénat (n° 741, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 742, 2010-2011).
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi sur le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels.
Rapport de Mme Muguette Dini, rapporteur pour le Sénat (n° 735, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 736, 2010-2011).
Navettes diverses.
CÉLÉBRATION DU TRENTIÈME ANNIVERSAIRE DU VOTEPAR LE SÉNAT DE LA LOI ABOLISSANT LA PEINE DE MORT
Vendredi 30 septembre 2011 à 11 heures, dans la Salle des Séances
Le Sénat, sauf élément nouveau, se réunira en séance plénière le samedi 1er octobre, à 15 heures.