Réforme de l'hôpital (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Discussion générale
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. - Je souhaite saluer le ministre Fourcade pour la qualité de son travail.
Mme Isabelle Debré. - C'est juste !
M. Xavier Bertrand, ministre. - La loi HPST a réformé en profondeur notre système de santé. Pour autant, il fallait encore ajuster certaines dispositions et améliorer l'organisation de notre système. Les professionnels de santé souhaitent des mesures simples : la Société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa) est voulue par les médecins et les pharmaciens. Cette structure souple ne modifiera pas le principe individuel de la consultation. Les questions fiscales sont importantes : avec le ministre du budget, nous nous sommes engagés à apporter toutes les garanties nécessaires.
Autre étape décisive, la responsabilité civile professionnelle. Nous en parlons depuis des années ; nous l'avons fait. C'est une avancée, y compris pour l'indemnisation des victimes. (M. Guy Fischer se montre dubitatif)
Quant à la biologie médicale, interdire les prélèvements dans les cabinets d'infirmières était absurde. Nous reviendrons également sur l'article 22. Nous voulons un texte équilibré qui lève toute ambiguïté.
Merci pour votre soutien à ce texte essentiel ! (Applaudissements à droite)
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Ce texte n'est plus celui que nous avons examiné en première lecture : notre collègue Fourcade, comme toujours, avait su distinguer l'essentiel de l'accessoire. Ce n'est plus le cas ; je le regrette.
Notre assemblée avait su garder le cap. Certes, nous avions introduit quelques articles additionnels, mais en nous limitant à l'indispensable. L'Assemblée a ainsi examiné 30 articles : elle en a adopté ou supprimé 9 conformes, modifié 21 et ajouté 45, dont la plupart en séance publique.
En deuxième lecture, nous avons à examiner 66 articles. C'est beaucoup, dans des délais aussi contraints ! Nous avons quelques divergences, notamment sur les maisons de santé. Était-il nécessaire de réaffirmer le principe de la liberté d'installation des médecins ?
M. Guy Fischer. - C'est regrettable !
M. Alain Milon, rapporteur. - Certaines modifications, introduites par l'Assemblée nationale, ne nous satisfont guère. Nous y reviendrons dans la discussion des articles. L'introduction d'articles nouveaux et issus de propositions de loi de l'Assemblée nationale, notamment sur le dépistage de la surdité, n'ont pas leur place dans ce texte : le renforcement de l'initiative parlementaire permet dorénavant l'examen des propositions de loi.
Revenons sur trois thèmes particuliers. Tout d'abord, une série d'articles sur la biologie médicale, dont l'un compte plusieurs dizaines d'alinéas. Celle-ci est réintroduite dans ce texte alors que les députés avaient refusé la ratification de l'ordonnance du 13 janvier 2010 sur ce point. Un certain nombre de dispositions telles que les ristournes ou la nomination de praticiens hospitaliers non diplômés en biologie médicale soulève des inquiétudes chez les biologistes médicaux, surtout chez les jeunes. Ceux-ci redoutent de ne plus avoir d'avenir. La commission des affaires sociales a voulu apporter des améliorations.
Deuxième surprise, l'article 22 sur la modulation des prestations des mutuelles, issue d'une proposition de loi Bur. La Cour de cassation a interdit aux mutuelles d'offrir des tarifs préférentiels aux clients qui s'adressent à des établissements et des professionnels avec lesquels ils ont conventionné. Cela entraîne une distorsion de concurrence par rapport aux autres organismes complémentaires d'assurance maladie (Ocam), certes ! Mais ne faut-il pas, avant tout, garantir le libre choix des praticiens ? Adopter une telle mesure dans ces circonstances est inconcevable. D'où sa suppression par notre commission.
J'en viens à la responsabilité civile des professionnels de santé. L'article 24 crée une mutualisation assurantielle au plus tard au 1er janvier 2013 pour faire disparaître les « trous de garantie » chez les médecins libéraux.
Le dispositif proposé gagnerait à être précisé. Prenant acte de sa création, nous avons limité l'intervention de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam).
Enfin, ce texte reprend certaines dispositions de la proposition de loi Lefrand sur l'indemnisation des victimes. Même si le lien est ténu...
Mme Annie David. - En effet !
M. Guy Fischer. - C'est un cavalier !
M. Alain Milon, rapporteur. - ...nous avons voulu améliorer les choses.
Voilà, à grands traits, le contenu de ce texte que nous demandons au Sénat d'adopter ! (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs socialistes)
M. Jacky Le Menn. - Pourquoi légiférer toutes affaires cessantes sans attendre le bilan du comité de suivi en juillet ? C'est qu'il faut contenter les syndicats de médecins libéraux qui étaient vent debout contre la loi HPST...
Pendant ce temps-là, la désertification médicale progresse dans des régions comme le Centre ou la Champagne-Ardenne. Le professeur Vigneron, dans Ouest France, en faisait récemment la brillante démonstration.
Les déserts médicaux gagnent des départements entiers ! Selon un sondage, 65 % des Français approuvent l'encadrement de l'installation des médecins. L'article inséré dans la loi HPST n'était pas coercitif, mais dissuasif, et nous l'avions approuvé ; les incitations ne suffisent pas.
Les Sisa sont une bonne chose, même si les aides publiques auraient pu être réservées aux médecins en secteur 1. La sectorisation est à revoir au plus vite : il faut trouver un mode de rémunération juste et mettre fin au scandale des dépassements d'honoraires -point toujours fixés « avec tact et mesure ».
Les dispositions relatives aux maisons de santé nous satisfont, ainsi que l'article 17 ter qui élargit l'expérimentation relative aux sages-femmes, bien que nous regrettions que notre commission rétablisse l'autorité des gynécologues-obstétriciens.
Cette proposition de loi Fourcade est devenue un fourre-tout. Trop de mesures nouvelles n'ont rien à voir avec la loi HPST. L'article 22 permet aux mutuelles de différencier leurs prestations selon que leurs adhérents consulteraient ou non des praticiens conventionnés, contrairement au principe de liberté de choix. Notre amendement à l'article 22 bis vise à apaiser les craintes.
S'agissant de la biologie médicale, les jeunes biologistes se sont inquiétés des dispositions introduites par l'Assemblée nationale.
Cette proposition de loi ne répond pas à notre préoccupation essentielle, à savoir l'égal accès aux soins. Pour défendre l'intérêt général, il faut parfois écorner les intérêts corporatistes ! (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Marsin. - Deux ans après la loi HPST, M. Fourcade propose de l'aménager.
Le Gouvernement et les parlementaires ont ajouté à son texte des dispositions sans lien. M. le rapporteur a voulu faire le tri, ce dont nous le remercions.
L'accès aux soins a surtout retenu mon attention. Monsieur le ministre, je vous ai interrogé sur les difficultés des CHU de Pointe-à-Pitre et de Saint-Martin, l'assainissement des finances conduisant à faire des coupes franches dans l'offre de soins, alors que la couverture médicale est faible en Guadeloupe.
La mise en place d'un cursus complet de médecine est indispensable. Le rapport Larcher a tracé des pistes. Le plan Santé outre-mer doit être financé, appliqué et évalué. Nous vous attendons, monsieur le ministre...
M. Xavier Bertrand, ministre. - Je viendrai avant la fin de l'été.
M. Daniel Marsin. - Merci de cette précision. Ce texte propose de revenir sur la pénalité liée au contrat Santé-solidarité et sur la déclaration obligatoire d'absences. Certes, la coercition n'est pas toujours de bonne méthode, mais les autres mesures suffisent-elles ? Les réseaux de santé attirent les jeunes médecins, et le texte propose des avancées.
La question de la responsabilité civile des professionnels de santé est cruciale. L'article 24 modifié par le rapporteur nous satisfait.
Il était sage de supprimer la modulation des tarifs par les mutuelles, mais les réseaux de soins sont précieux, et il faut s'interroger sur la distorsion de concurrence.
Sur la biologie médicale, les principes qui doivent nous guider sont les suivants : qualité, efficacité, proximité. (M. Jean-Pierre Fourcade applaudit)
M. Guy Fischer. - La proposition de loi répond à une commande gouvernementale pour apaiser la fronde des professionnels médicaux.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Et la séparation des pouvoirs ?
M. Guy Fischer. - Monsieur le ministre, vous ne nous trompez pas ! (Sourires) Cette proposition de loi ne répond pas aux attentes de nos concitoyens. D'abord, l'accès aux soins. Sur les déserts médicaux, les politiques incitatives ont montré leurs limites. Sans doute le contrat Santé-solidarité et la déclaration d'absences étaient-ils peu opératoires ? Mais en les supprimant, vous voulez surtout satisfaire une clientèle électorale, alors même que les déserts médicaux s'étendent. D'ailleurs, la mesure a été annoncée à Nice, lors du Congrès des médecins généralistes... Tout un symbole !
Les dépassements d'honoraires pèsent pour les deux tiers sur les ménages. C'est colossal ! Depuis dix ans, ils ont augmenté, en moyenne, de 6,4 % par an chez les spécialistes ! L'émergence d'un secteur optionnel, que nous refusons, siphonnera le secteur. M. Van Roekeghem a souligné la dérive des dépassements depuis trente ans.
Les jeunes médecins s'orientent de plus en plus vers le secteur 2. Il y avait urgence à agir, mais vous laissez les plus modestes renoncer à des soins urgents. La responsable de l'Observatoire de la santé Rhône-Alpes l'a signalé dans Libération récemment.
Les maisons de santé bénéficient de fonds publics sans pratiquer le tiers payant ni les tarifs opposables : c'est scandaleux !
Sous le poids de l'Europe libérale, les laboratoires médicaux ferment un à un, comme les hôpitaux de proximité.
M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est faux !
M. Guy Fischer. - C'est vrai : 400 fermeront ou seront restructurés.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Restructurer, ce n'est pas fermer ! Même à la tribune du Sénat, c'est une contrevérité.
M. Guy Fischer. - Quand aux laboratoires, beaucoup deviendront de simples centres de prélèvements. Les industriels de l'analyse se réjouissent ! Vous auriez lu L'humanité lundi, vous auriez vu que certains grands groupes proposent aux biologistes de distinguer entre l'usufruit et la propriété : d'un côté, les dividendes ; de l'autre, la détention du capital... Vous prenez prétexte d'une décision européenne, mais qu'en est-il de l'accès aux soins ?
Cette proposition de loi aggrave la loi HPST et sa dérive vers une marchandisation de la santé.