Projet de loi de finances rectificative pour 2011
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011.
Rappel au Règlement
M. Jack Ralite. - Je souhaite faire un rappel au Règlement. Il y a huit jours, la majorité de l'Assemblée nationale a renoncé à la maîtrise de la politique financière de la France, afin de satisfaire les agences de notation, qui ne font que répéter « économies ! économies ! », et invoquent, non sans cynisme, la « vertu ».
Moins d'une semaine après, vous vous contredisez au prix d'1,8 milliard ! L'ISF est supprimé pour les plus « modestes », dont le patrimoine n'excède pas 1,3 million, et modifié dans ses pourcentages : les plus riches voient leur pourcentage passer de 2,5 à 1,5 %. Ce gain est de 8 564 euros par semaine pour les titulaires d'un capital de 40 millions, alors que le Gouvernement veut instaurer une corvée de cinq heures de travail gratuit pour les allocataires du RSA. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Guy Fischer. - Scandaleux !
M. Jack Ralite. - Vous portez la détresse des pauvres à son comble et l'allégresse des riches à son épanouissement !
L'heure est à une nouvelle sollicitude sociale, tandis que vous ne soignez que ceux qui menacent vulgairement de « se tirer » si l'on ne réduit pas l'ISF.
Vous illustrez dans vos votes les propos de Pierre Legendre et cannibalisez la société humaine. D'un côté les citoyens à part entière, de l'autre, les citoyens à part...
Vous êtes encagés dans une fuite en avant suicidaire. Périclès voulait parfois engourdir l'auditeur ; nous voulons l'énerver. Votre politique crée la colère dans le peuple. Le chemin étroit de l'émancipation passe entre l'acquiescement aux mondes séparés et l'illusion du consensus, dit Jacques Rancière. Vous voulez l'un ou l'autre, nous ne voulons ni l'un ni l'autre.
Tant que l'argent dominera le monde, nous en manquerons, disait une gréviste. À cette heure, nous vous demandons de ne pas faire discuter le contraire de ce que vous avez fait voter la semaine dernière, cela mérite un carton rouge ! (Les sénateurs CRC unanimes brandissent des cartons rouges)
M. Bruno Sido. - Ridicule !
M. Éric Doligé. - La couleur s'impose, pour nos derniers « rouges » !
Discussion générale
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. - J'ai trop de respect pour l'homme de culture qu'est M. Ralite pour ne pas juger cette mise en scène dérisoire. (Vives exclamations sur les bancs CRC)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'ISF n'est pas une question dérisoire !
M. François Baroin, ministre. - Dès lors que l'on supprimait le bouclier fiscal, il fallait réformer toute la fiscalité du patrimoine. L'affaire est délicate -d'où les réticences des gouvernements successifs- et nous avons travaillé en liaison étroite avec les parlementaires. Je rends un hommage tout particulier au président Arthuis, à son regard, à sa compétence, à son professionnalisme, et au rapporteur général.
Ce collectif laisse inchangé le solde budgétaire, à 81 milliards. Il fait de l'ISF un impôt plus juste. Son seuil d'entrée s'est trouvé décalé par rapport au prix de l'immobilier. (M. Charles Revet le confirme) Du temps où M. Ralite était au gouvernement, l'effort demandé aux plus fortunés était bien moindre ! (Mme Marie-France Beaufils s'exclame) Les déclarations d'ISF, trop pesantes, sont jugées inquisitoriales. L'impôt est devenu confiscatoire.
Cette réforme débute par la suppression de toute forme de plafonnement sur l'ISF. L'exigence de justice nous impose de prendre en compte la situation des plus modestes d'entre ceux qui bénéficient du bouclier. Le Gouvernement propose donc une simplification, en supprimant la première tranche, dès cette année.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les pauvres !
M. François Baroin, ministre. - Cela fait sortir de l'ISF 300 000 personnes qui n'y étaient entrées qu'à cause de l'inflation immobilière et à terme 500 000 personnes. Le barème, incongruité française, est devenu un véritable encouragement à l'expatriation.
Au-delà de 3 millions d'euros de patrimoine, la procédure restera la même qu'aujourd'hui. Nous prévoyons un lissage des effets de seuil. Pour préserver les PME, nous exonérons les biens professionnels des entrepreneurs : il est bon de stimuler le capitalisme familial.
Vous voyez que cette réforme trace une juste ligne entre équité et efficacité économique. Ce sont les mêmes assujettis à l'ISF qui financeront la réforme. (Exclamations sur les bancs CRC)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - La méthode Coué ne suffit plus !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - C'est la vérité !
M. François Baroin, ministre. - Nous avons opté pour un financement qui pèse sur le flux des patrimoines plutôt que sur le stock. Les acquis de la loi Tepa sur les transmissions ne seront pas touchés. (Mme Nicole Bricq s'exclame)
Nous augmentons le barème applicable aux 2 000 plus grosses successions. Nous supprimons, au-delà de 150 000 euros, l'abattement lié à l'âge du donateur. Un amendement adopté par l'Assemblée nationale permet de bénéficier tous les dix ans d'une exonération sur les dons jusqu'à 30 000 euros, afin d'encourager la solidarité intergénérationnelle.
Nous portons de six à dix ans le délai de rappel des donations.
Les non-résidents participeront au financement des services publics nationaux. Nombre de sénateurs de la majorité se sont émus ; le Gouvernement est prêt à les entendre.
M. Éric Doligé. - Il est bon que le Gouvernement entende sa majorité.
M. François Baroin, ministre. - Nous instaurons une exit tax sur les plus-values latentes, assises sur le bien de ceux qui choisiraient un domicile fiscal à l'étranger. C'est une mesure dissuasive.
Le trust est un instrument anglo-saxon, de statut juridique français incertain, qui sert à des fins d'évasion fiscale.
En régime de croisière, la réforme doit dégager une recette de 200 millions par an. Nous ne voulons pas que cette réforme soit financée par d'autres que les assujettis à l'ISF : aucune taxation de l'assurance vie.
Le Gouvernement tend son action vers les jeunes chômeurs, les demandeurs d'emploi de longue durée. En matière de pouvoir d'achat, le Gouvernement a relevé le barème kilométrique. Une contribution de 120 000 euros est instaurée sur les entreprises pétrolières en raison de la hausse du prix du pétrole. La contribution au service public de l'électricité est revalorisée.
Diverses dispositions serviront à financer la réforme de la garde à vue. D'autres tireront le bilan de mesures prises.
Une contribution sur des revenus exceptionnels, que certains veulent voir instaurer, n'a pas sa place dans un texte sur la fiscalité du patrimoine. Il n'est pas question pour nous de relever un taux d'impôt sur le travail. On pourra en reparler d'ici la loi de finances initiale pour 2012. (Applaudissements sur les bancs UMP ; les sénateurs CRC agitent de nouveau leurs cartons rouges, alors que M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé monte à la tribune)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Vous êtes fatigants !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. - Gare aux cartons rouges que les électeurs infligent depuis longtemps au PCF !
M. Bruno Sido. - Mélenchon ! Mélenchon ! (Sourires à droite)
M. Guy Fischer. - On s'en souviendra !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Soyez modestes !
M. Xavier Bertrand, ministre. - La formation en alternance est un des axes principaux de l'action du Gouvernement.
Plus de huit jeunes sur dix qui ont suivi une formation en alternance trouvent un emploi dans l'année. (Exclamations sur les bancs CRC)
Les entreprises de 250 salariés et plus sont soumises à la taxe d'apprentissage. C'est injuste que la taxation soit la même quel que soit le nombre de jeunes en alternance. D'où notre système de bonus-malus, plus juste, plus ambitieux, plus incitatif.
L'article 22 prévoit une indemnisation des victimes du Médiator. Votre mission d'information -dont je salue le travail- accomplit un travail remarquable, sur la base duquel nous réfléchissons à une évolution possible de la politique du médicament.
Les laboratoires Servier ont refusé d'indemniser les victimes. Nous créons un fonds à cette fin. Cela n'empêchera pas les victimes d'agir pénalement. Le responsable premier et direct reste le laboratoire Servier. Celui-ci s'est dit prêt à participer à la création d'un fonds d'indemnisation. Si les actes ne suivent pas les promesses, Servier devra payer une indemnité de 30 %. Il n'en coûtera rien aux contribuables.
Ce texte n'est pas une loi d'exception ni une loi faite pour juger. C'est une loi de la République, inspirée de la loi Kouchner de 2002, dont le dispositif général est adapté à la question précise du Médiator.
Ni les médecins ni les autres laboratoires ne seront mis en cause dans ce qui relève de la responsabilité du service seul. Sur un tel sujet, nous pouvons nous retrouver tous, en oubliant les réflexes partisans. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Nous avons un projet de loi de finances rectificative qui nous conduira à aborder, outre un aménagement raisonnable de l'ISF, la crise de l'euro. La commission des finances a analysé avec grande attention les propositions qui nous sont faites. La situation de la Grèce nous place à proximité immédiate d'un grand péril. La Grèce est sans doute plus près que jamais du défaut. La survenance de celui-ci aurait de lourdes conséquences par contagion. À côté de la Grèce, il faut aussi garder l'oeil sur l'Irlande, laquelle n'est pas moins responsable de ce qui se passe. Ce sont les erreurs de gouvernance du système bancaire qui se sont traduites par une bulle invraisemblable du secteur immobilier. Or, l'Irlande semble toujours se refuser à une politique coopérative de convergence des fiscalités. Pouvez-vous nous éclairer sur le statut du créancier privilégié ?
Le mécanisme européen de stabilité est censé se mettre en place en 2013. On nous annonce alors la sérénité après trois années de gros temps. Espérons-le ! Le Conseil européen, dès cette semaine, devrait porter à 440 milliards la capacité de prêt du Fonds européen de stabilité financière, (FESF) dont la garantie serait relevée.
Quand le mécanisme européen de stabilité se mettra en place, nous devrons contribuer pour 18 milliards à son capital. Le 11 mai, les conclusions du Conseil des 24 et 25 mars étaient connues depuis assez longtemps pour que le Gouvernement prévoie dès le texte initial ce relèvement de la garantie !
Le projet de loi initial comportait 23 articles ; l'Assemblée nationale en a ajouté 39, dont nous supprimons un bon nombre : il n'y a pas lieu de revenir sur des mesures décidées en loi de finances initiale. Nous restons attentifs aux effets de la suppression de la taxe professionnelle. Il faudra mettre fin à certaines absurdités qui subsistent, au détriment des petites entreprises.
L'Assemblée nationale a détérioré le solde avec la garantie donnée par l'État à Thalès, à la suite du règlement du vieux contentieux des « frégates de Taïwan », dont le coût est de 460 millions. Ce surcoût devra impérativement être compensé.
Nous examinerons dans quelques jours un collectif social, qui devrait donner naissance à la prime pour les salariés, pour un coût de 20 millions en 2011.
Mme Nicole Bricq. - Un gros déficit dès 2012 !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'allais le dire : plus de 300 millions ! Ce n'est pas une bonne nouvelle pour les finances publiques.
Nous essaierons d'imaginer ce qui se passerait si la réforme constitutionnelle de la « règle d'or » était d'ores et déjà en vigueur et que le Conseil constitutionnel devait exercer son contrôle.
Sur la réforme de la fiscalité du patrimoine, la commission des finances accepte le texte issu de l'Assemblée nationale. Faire sortir de cet impôt critiqué plus de 300 000 personnes, et qui exigeait de tant de gens qu'ils fassent un bilan de leur patrimoine... Cela a été une antienne depuis plusieurs années.
M. René-Pierre Signé. - Vous avez été long à entendre !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cette réforme se situe dans le seul champ de la transmission du patrimoine, pas de la fiscalité des revenus, ni des transmissions, n'est-ce pas, monsieur le ministre ?
Les gagnants immédiats de cette réforme, ce sont les anciens contribuables de la première tranche, ceux qui pourront remettre leur déclaration en septembre plutôt qu'en juin. Les perdants seront les bénéficiaires du bouclier fiscal qui n'en bénéficieront plus. Et les évènements de la vie et les choix individuels feront que certains seront plus ou moins gagnants.
Cette réforme a trois mérites. D'abord, elle est conforme à une certaine cohérence économique. La simplification de l'échelle des taux est une bonne chose. Ensuite, elle s'autofinance ; enfin, elle sauvegarde une mesure de justice, au nom de laquelle les conjoints survivants bénéficient d'une exonération de droits de succession.
L'Assemblée nationale a accéléré l'auto-liquidation du bouclier fiscal, modifié certaines mesures sur les successions, augmenté les droits de partage. Il y a encore des choses à affiner : la commission des finances sera vigilante, pour préserver la cohérence et l'équilibre de la réforme. (Applaudissements à droite)
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
Mme Marie-Thérèse Hermange, co-rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - L'article 22 du PLFR confie à l'Oniam la mission de faciliter l'indemnisation des victimes du benfluorex, la molécule commercialisée sous le nom de Médiator. En 1974, les laboratoires Servier ont obtenu une autorisation de mise sur le marché dans certaines indications ; l'indication pour les hypertriglycéridémies a été supprimée en 2007, mais en 2009 seulement pour le diabète. Les premiers cas de pharmacovigilance-valvulopathie et HTAP conduisent à retirer le médicament en Espagne, puis en Italie, mais l'interdiction complète en France ne date que du 10 juillet 2010. Pourquoi le Médiator n'a-t-il pas été retiré plus tôt du marché ?
Outre le volet pénal, qui concerne la justice, il faut se pencher sur notre système de pharmacovigilance : le Sénat a créé une mission d'information.
Ce n'est pas l'objet de ce texte, qui traite de l'indemnisation des victimes. Les laboratoires Servier se sont dits prêts à participer à un fonds d'indemnisation partielle, ce qui a été jugé inacceptable par le Gouvernement. L'Oniam sera chargé de ce mécanisme d'indemnisation.
Il sera ouvert à toute personne ayant pris du Médiator et présentant des symptômes physiques. Les personnes ayant déjà introduit un recours pourront saisir l'Oniam.
Un groupe d'experts, comportant un représentant de Servier et un représentant du conseil de l'Ordre, présidé par un magistrat, instruira les dossiers.
Le responsable aura trois mois pour chiffrer l'indemnité proposée. Trois possibilités s'ouvriront alors : soit l'offre est acceptée par la victime, qui renonce ainsi à toute autre indemnisation du fait des mêmes préjudices ; soit la victime la refuse et engage une procédure judiciaire : le juge pourra condamner le responsable à payer la réparation intégrale et ajouter une pénalité maximale de 30 %, pénalité qui sera versée à l'Oniam ; soit, troisième hypothèse, le responsable refuse de faire une offre dans les délais prévus. C'est alors l'Oniam qui fera une offre à la victime. Si elle l'accepte, l'Oniam pourra se retourner contre tous ceux qu'il estime responsable.
Le laboratoire Servier conteste le fait que le collège d'experts émette un avis sur la responsabilité des personnes mises en cause par la victime. Cependant, il est difficile d'imaginer quel pourrait être le fondement de l'obligation d'indemnisation si aucun responsable n'était désigné.
L'article 10 du PLFR abonde le budget de l'Oniam de 5 millions et ouvre des postes pour lui permettre de traiter les dossiers.
L'indemnisation doit être à la charge du responsable du dommage. Servier sera vraisemblablement mis en cause dans les dossiers ; il pourra se retourner contre l'État et les médecins. Au juge alors de déterminer les responsabilités finales.
La commission des affaires sociales a, dans son ensemble, jugé ce dispositif équilibré, mais il faut réfléchir à la mise en place d'un fonds pérenne d'indemnisation des préjudices causés par les médicaments. Sous réserve d'un amendement demandant un rapport sur ce point, la commission a émis un avis favorable à l'adoption de ce texte. (Applaudissements à droite)
Mme Muguette Dini, présidente et co-rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Ce projet de loi traite d'un thème qui nous est cher : l'apprentissage et l'alternance. Avec un taux de chômage des jeunes de 21,4 %, il est urgent d'actionner tous les leviers pour assurer leur insertion professionnelle. Ce texte traduit les annonces du président de la République à Bobigny.
Le texte propose la création d'un compte d'affectation spéciale, seul moyen d'affecter directement une recette à une dépense. Les recettes du FNDMA résultant de la taxe d'apprentissage, il est logique qu'elles soient attribuées aux CFA.
L'instauration d'un bonus-malus prévoit une hausse de 3 à 4 % du quota de salariés en alternance et une modulation de son barème. Les modalités et montants du bonus sont renvoyés au décret : attention à ne pas pénaliser les COM conclus avec les régions. Les dépenses de l'État en la matière sont dispersées, ce qui nuit à la lisibilité de l'action en la matière.
Attention également à préserver l'équilibre entre incitation et sanction financière.
L'article 18 bis, introduit par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement, concerne des dépenses des patients couverts par l'AME dans le cadre de la tarification à l'activité. Un hôpital facture aujourd'hui un tarif différent selon que le patient est couvert ou non par une assurance maladie -d'où l'explosion du coût de l'AME pour l'État. Cette situation a conduit M. Vasselle à déposer un amendement dans ce sens. La différence entre les deux tarifs est estimée à 130 millions d'euros par an. Unifier la tarification est une mesure de transparence nécessaire ; cette évolution doit toutefois être accompagnée d'une hausse de la dotation des Migac et d'une période transitoire. La commission a adopté un amendement conservatoire, afin que le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale traite le problème.
Enfin, l'article 20 crée une contribution de 35 euros pour l'aide juridique perçue pour toute instance introduite devant une juridiction. Conditionner l'accès à la justice au paiement de ces 35 euros, sauf si le plaignant bénéficie lui-même de l'aide juridictionnelle, est clairement inadapté à de nombreuses situations. Nous en reparlerons lors de l'examen des amendements. (Applaudissements à droite et au centre)
M. François Marc. - Ce premier projet de loi de finances rectificative de 2011 n'est plus motivé par la crise, mais par la fiscalité du patrimoine. La crise ne serait-elle plus qu'un mauvais souvenir ? Non, s'il faut en croire les économistes et les discours vertueux du rapporteur général lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle. Derrière le rideau de fumée de la suppression du bouclier fiscal, le Gouvernement persiste dans sa désastreuse politique de réduction des recettes fiscales. Il finit son mandat comme il l'a commencé : en accordant un beau cadeau aux plus nantis. Ce quinquennat aura été un bon cru pour les plus fortunés : la roue de la fortune aura bien tourné, toujours dans le même sens et pour les mêmes ! (Applaudissements à gauche)
M. Guy Fischer. - Bien vu !
M. François Marc. - La disparition du bouclier fiscal ne tend qu'à faire disparaître un symbole encombrant ; ce subterfuge électoral ne masque pas l'échec de la politique des recettes qui a plongé le budget de l'État dans une situation calamiteuse. Les dispositifs adoptés par la droite depuis 2002 devaient libérer le travail, relancer l'emploi salarié, stimuler l'initiative et faire revenir les expatriés fiscaux...
En 2007, la loi Tepa devait mettre fin à une fiscalité présentée comme « confiscatoire » ; le paquet fiscal, « cocktail gagnant », devait créer un « choc de confiance ». Ce pari a-t-il été gagné ? Au contraire, c'est un échec cuisant. Jamais nos performances économiques n'ont été aussi médiocres. Je vous recommande la lecture d'un ouvrage récent, À l'ombre des niches fiscales. C'est édifiant. On est loin des promesses du candidat qui promettait d' «aller chercher la croissance avec les dents ». Le chômage explose, le pouvoir d'achat stagne : 56 % des Français pensent qu'il va encore baisser. Manifestement, le « choc de confiance » ne s''est pas produit dans le sens voulu ! Pendant ce temps, les rémunérations des grands patrons du CAC 40 se sont accrues de 26 %. Le Gouvernement nous avait promis une « économie du ruissellement » : les chiffres de l'Insee sont sans appel ; les inégalités se creusent en France par le haut et la société évolue « en sablier ». Le fossé s'est creusé entre les plus pauvres et les plus privilégiés.
Avec ce projet de loi, vous continuez donc à privilégier 0,01 % des ménages et vous faites délibérément le choix de la rente et non pas celui des salariés.
L'argument de l'exil fiscal ne tient pas. L'ISF ne tue pas l'esprit d'entreprise ! La fiscalité du patrimoine personnel n'a rien à voir avec le choix de l'implantation des entreprises ! Le bouclier n'a pas freiné les départs, qui sont dus à des raisons professionnelles et non fiscales ; selon le Crédit suisse, la France est le troisième pays de résidence des millionnaires, après les États-Unis et le Japon.
Par son inconséquence, le Gouvernement a fragilisé nos finances publiques la dette aura doublé en dix ans. Le déficit de l'État représente la moitié des dépenses du budget général, et continue de se creuser. Cette réforme remplace tout simplement un cadeau par un autre. Les grandes fortunes voient leur ISF diminuer de 50 % : c'est le jackpot ! Bruxelles nous demande pourtant de réduire le déficit...
La suppression du bouclier fiscal n'est qu'un leurre. La dégradation de notre endettement commande une action en urgence. C'est maintenant qu'il faut agir. Ne suivez pas le Gouvernement dans sa fuite en avant ! Il y a 50 milliards d'euros de niches fiscales sur l'impôt sur les sociétés.
Les cadeaux fiscaux aux ménages cumulés s'élèvent de 15 à 20 milliards. La facture de la politique fiscale de la droite est donc de 60 milliards, sur les 90 du déficit affiché.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce portrait à charge est légèrement excessif...
M. François Marc. - La Cour des comptes l'a démontré.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous y reviendrons.
M. François Marc. - L'obsession patrimoniale de la majorité est intacte.
Ces mesures sont non seulement dispendieuses mais gravement inégalitaires. Elles portent atteinte au principe de progressivité de l'impôt. Il faut en revenir à la justice fiscale.
Je vous invite à voter contre ce PLFR. (Applaudissements à gauche)
M. Aymeri de Montesquiou. - Selon Jeffrey Owens, directeur du Centre de politique et d'administration fiscale de l'OCDE, les Français aiment tellement les impôts qu'il faut six pages pour les analyser, contre trois pour les autres pays.
L'Allemagne reste un paradigme à la mode, mais le système hollandais est aussi séduisant. Ces modèles sont-ils pour autant transposables en France ? Notre fiscalité est depuis longtemps en butte aux critiques.
Ce PLFR supprime enfin le bouclier fiscal, ressenti en temps de crise comme une injustice ; les effets se feront sentir en 2012. Il ne supprime pas l'ISF, mais tente de remédier à ses principaux défauts. Pourquoi ne pas l'avoir tout bonnement supprimé, comme le préconise la commission des finances avec son triptyque ?
Le PLFR taxe les flux, non les stocks : cette orientation est juste. Notre système d'imposition est trop complexe : comme disait Einstein, l'impôt sur le revenu est la chose la plus difficile au monde à comprendre ! Simplifions donc cet impôt, pour que même Einstein puisse le comprendre... (Sourires)
Que pensez-vous de la retenue à la source ? Envisagez-vous une réforme de la TVA ? Quelle est votre position sur la TVA anti-délocalisation ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. - L'évasion fiscale est une spécialité française. Pourquoi ne pas conclure une convention avec la Suisse, pour que soient taxées les sommes placées dans ce pays, comme font l'Allemagne et la Grande-Bretagne, ou taxer non pas en fonction de la résidence mais du passeport, comme le font les États-Unis ?
Le rôle de l'épargne doit être de financer l'économie. C'est un potentiel majeur d'accroissement de la richesse. La compétitivité fiscale doit s'envisager globalement. L'innovation et la créativité doivent être valorisées.
La fiscalité est une passion française très ancienne, a dit le Premier ministre. Sans doute de l'autodérision : une semaine seulement après le vote du projet de loi constitutionnelle sur l'équilibre des finances publiques, nous voici saisis d'un PLFR réformant la fiscalité du patrimoine. Je m'étonne de la modestie de cette réformette, loin du Grand soir annoncé. Il aurait fallu une réforme d'ensemble de la fiscalité française. Christian Saint-Etienne pense que nous sommes à la veille d'une crise historique des finances publiques. Loin des positions idéologiques, il faut le courage de réformer. Les électeurs sanctionnent le manque de courage ! Prouvez-nous, monsieur le ministre, que cette réforme n'est qu'un premier pas, qu'elle préserve la justice, sans hypothéquer l'avenir.
Mme Nicole Bricq. - Il ne peut pas !
M. Aymeri de Montesquiou. - Je voterai ce projet de loi si vous répondez à mes interrogations. (Applaudissements sur certains bancs au centre et à droite)
Mme Marie-France Beaufils. - (Applaudissements sur les bancs CRC) Moi aussi, j'appelle à une réforme en profondeur de l'impôt, mais peut-être pas celle de M. de Montesquiou !
M. Aymeri de Montesquiou. - Nous pourrions en discuter...
M. François Baroin, ministre. - Cela prend tournure ! (Sourires)
Mme Marie-France Beaufils. - L'intention de ce projet de loi est claire : réformer l'ISF avant de le supprimer. Il y a une semaine, nous débattions de l'adhésion de la France au pacte pour l'euro, qui suppose de réduire drastiquement les déficits publics. La vérité du 14 juin ne serait-elle plus celle du 21 juin ? Un collectif vise d'ordinaire à tenir compte de la situation des comptes publics ou de l'activité économique. La France serait sortie de la crise, grâce à la clairvoyance et à l'activisme de Nicolas Sarkozy ? Ceux qui restent au bord de la route n'en sont pas convaincus... Le déficit du commerce extérieur se creuse, les importations augmentent. C'est le travail des salariés, des ingénieurs aux apprentis, qui explique cette petite hausse de la croissance. Vous en préemptez les fruits au bénéfice de la réforme de la fiscalité du patrimoine : rien pour les plus modestes, qui voient l'inflation augmenter, rien pour les fonctionnaires... Non, vous voulez réduire l'ISF, orienter les patrimoines privés vers la Bourse. Depuis 2007, la droite déclare défendre le travail et l'effort, mais le produit du travail va vers la banque, le capital, la finance !
À Saint-Pierre-des-Corps, on me parle plus de la vie chère que du caractère confiscatoire de l'ISF, d'autant que son coût est bien moindre pour les assujettis que l'impôt sur le revenu pour les plus modestes. N'oublions pas le beau mot de « solidarité ». L'ISF est cité comme impôt à augmenter, non à réduire ! Une circulaire ministérielle reporte la campagne de recouvrement de l'ISF à après l'adoption du collectif. Les 600 000 contribuables concernés en bénéficieront donc dès cette année, et auront jusqu'à septembre pour payer leur impôt !
Voilà maintenant qu'arrive à grands pas l'insincérité budgétaire : la plupart des ouvertures de crédits prévues dans ce collectif correspondent à des sommes qui n'avaient pas été prévues en loi de finances initiale.
Ce qui est sûr, une fois encore, c'est que ces ouvertures de crédit ne vont pas revenir sur les caractères les plus scandaleux de la politique gouvernementale, et que fermetures de classes et disparition des services publics vont continuer -en bref, la dégradation du tissu social.
Dire que nous ne soutiendrons pas ce texte d'injustice sociale et fiscale relève de l'évidence. (Applaudissements à gauche)
M. Charles Guené. - Voici ce que j'espère être la première pierre d'une réforme globale de notre fiscalité, dans la perspective d'un rapprochement avec les règles allemandes. L'Union européenne est un champ clos de concurrence sociale et fiscale. Une harmonisation s'impose.
Ce projet de loi est quasiment d'initiative parlementaire ; la réforme de l'ISF est un sujet récurrent. Je rappellerai le triptyque de notre commission des finances ou l'amendement Piron de l'Assemblée nationale. Dix sénateurs de la majorité ont été conviés avec dix députés à une réflexion de laquelle le Gouvernement a largement tenu compte.
Ce projet de loi trouve l'équilibre entre amélioration de la justice fiscale et préservation de notre compétitivité.
Après optimisation fiscale, les détenteurs de patrimoines supérieurs à 16 millions d'euros sont en réalité imposés aujourd'hui à 2,2 % ; après la réforme, ils le seront à 0,5%. Et ceux qui paieront moins d'ISF paieront plus en droits de succession et de donation. La taxation sera ainsi orientée vers les flux plus que sur le stock.
La théorie de Thomas Piketty selon laquelle les plus pauvres paieraient proportionnellement plus que les riches est fausse ; il exclut de ses courbes chômeurs et retraités. Non, les chômeurs ne paient proportionnellement pas plus que Mme Bettencourt. (On s'esclaffe sur les bancs CRC) Sa théorie est encore moins pertinente si on tient compte des revenus de redistribution.
L'UMP salue le plafonnement de la taxe foncière sur la résidence principale à 50 % des revenus. Il est aussi bienvenu de sortir de l'ISF les 300 000 contribuables dont le capital, inférieur à 1,3 million, est constitué principalement par la résidence principale.
Ce texte ne dégrade pas les finances publiques et sera financé par les seuls assujettis à l'ISF. Nous aurons un débat sur la taxation des résidences secondaires des non-résidents, qui nous a paru non pertinente. La formule proposée par le rapporteur général nous convient.
L'allégement des droits de succession et de donation prévu par la loi Tepa est maintenu. C'est un acquis essentiel.
Le groupe UMP se félicite qu'on ait renoncé à intégrer les oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF. Pour un rendement fiscal incertain, c'eût été un non-sens économique, à une époque où le marché de l'art se développe dans un contexte de forte concurrence. Il faudra sans doute revenir sur la fiscalité de l'art, mais ce n'était pas le moment.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ce n'est jamais le moment !
M. Charles Guené. - Toute réforme globale devra tenir compte de l'environnement international, sans omettre l'équité. La réduction du déficit devra se fonder principalement sur les impôts pédagogiques, CSG et TVA, et la préférence être donnée à la production -ce qui implique un transfert du financement de la protection sociale vers la consommation. L'impôt progressif ne doit pas devenir confiscatoire ; quotient familial et prime pour l'emploi devront être conservés.
Nous aurons aussi à nous interroger sur la fiscalité réelle, opacifiée par la multiplication des niches. Nous devrons en finir avec l'ISF -véritable impôt sur le comportement, unique en son genre- au profit d'une fiscalité sur les flux. Ce sera un autre rendez-vous...
Ce projet de loi est un texte calibré, vertueux, équitable, que l'UMP votera. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. François Zocchetto. - Les contributions au grand débat sur la fiscalité, toujours nombreuses, en viennent à se télescoper -symbole de l'anxiété qui traverse la société. La dette atteint des abysses. La Grèce s'y enfonce. Du fait d'un système fiscal inapproprié, elle a perdu la confiance des agences de notation et de ses créanciers : elle risque aujourd'hui de perdre celle de son peuple. L'angoisse ainsi créée est entretenue par notre addiction à la dépense publique.
Le Gouvernement s'est attelé à une réforme qui n'est pas facile ; l'ISF cristallise en effet des réactions souvent excessives et irrationnelles. Pour réformer cet impôt rendu injuste par l'existence du bouclier, le Gouvernement nous dit que le patrimoine ne doit pas être un reliquat de richesse mais devenir un levier de croissance, le moyen du retour à des finances publiques plus saines. Nous en sommes d'accord, comme nous le sommes avec le principe de taxer la transmission plutôt que la détention.
La deuxième idée que le Gouvernement met en avant est la neutralité budgétaire. J'ai quelques doutes à ce sujet. L'article d'équilibre voté par l'Assemblée nationale se solde par une aggravation du déficit de 596 millions. Quid du financement du soutien aux agriculteurs ? Du 1,5 milliard pour la Grèce ? Du demi-milliard lié à la malheureuse affaire des frégates de Taïwan ?
Nous sommes dubitatifs aussi quand nous nous souvenons du vote de la semaine dernière sur le projet de loi constitutionnel. Nous cherchons la cohérence.
Mme Nicole Bricq. - Vous ne la trouverez pas !
M. François Zocchetto. - Le groupe UC se fait une certaine idée de l'Europe ; il n'y aura pas d'issue aux crises d'aujourd'hui ou de demain sans une plus grande gouvernance économique. Nous sommes aussi attachés à l'orthodoxie budgétaire et à la justice fiscale. Nous défendrons donc des amendements allant dans le sens du triptyque défendu par le président Arthuis et la commission des finances : suppression du bouclier fiscal, de l'impôt stupide et injuste qu'est l'ISF, création d'une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu. Mme Létard défendra des propositions visant à ce que la taxation supplémentaire des doits de mutation à titre gratuit aille au financement de la dépendance.
Telles sont nos questions auxquelles, nous n'en doutons pas, vous répondrez. (Applaudissements au centre)
Mme Nicole Bricq. - La grande réforme fiscale, qui devait financer la dépendance, je le rappelle, a fait pschitt. Supprimer le bouclier au nom de la justice, ce qui est assez cocasse, c'est reconnaître l'erreur de 2007. Nous vous demanderons un effort supplémentaire, la suppression de l'exonération des heures supplémentaires, si nocive pour l'emploi.
Du « triptyque » ne reste plus qu'un amendement d'appel que le président Arthuis défendra -avant de se rendre. Si le bouclier coûtera encore 500 millions en 2012 et 300 en 2013, l'allègement de l'ISF prendra effet en 2011... Et le rapporteur général estime qu'il faudra encore 300 à 400 millions pour financer la réforme sur les années 2011-2012. Si, admet-il, celle-ci laissait un déficit permanent, celui-ci devrait être couvert par une ressource pérenne. J'en conclus qu'il doute de l'équilibre financier de la réforme et il a raison.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je suis un Saint-Thomas budgétaire ! (Sourires)
Mme Nicole Bricq. - Les sommes issues de la lutte contre la fraude fiscale et de la cellule de régularisation n'ont pas à figurer dans les recettes pérennes. Le président Arthuis regrette d'ailleurs qu'elles n'aillent pas à la réduction des déficits. Nous serons très attentifs au respect par le Gouvernement de l'article 136 de la loi de finances pour 2011...
Alors que l'État a besoin de recettes, vous prenez un risque lourd en substituant à une recette dynamique, l'ISF, qui croît de plus de 11 % par an depuis dix ans, une recette qui l'est deux fois moins. L'ISF est un impôt juste et moderne car déclaratoire. Si son assiette doit être modifiée, c'est dans le sens de l'élargissement. Vous cherchez des gages pour absorber la disparition de la taxe sur les résidences secondaires ; gare au torticolis, à force de contorsions !
S'il veut respecter la loi de programmation le Gouvernement devra trouver 1,2 milliard supplémentaire. Quel sera l'impact de la prime de partage de la valeur ajoutée ? C'est bien une nouvelle niche sociale, qui fera perdre 785 millions en 2012, somme qui n'est pas prise en compte dans ce collectif. Tout cela relativise vos vertueux discours de la semaine dernière. Non seulement vous ne respectez pas les engagements que vous voulez faire prendre au nom de la vertu, mais vous aggravez le déficit. Comment seriez-vous crédible ?
M. Bertrand s'est ému de la persistance des rémunérations « extravagantes » de certains dirigeants que le Premier ministre juge « choquantes » ; il menace de les encadrer et de les taxer. Ces déclarations de matamore ne se traduisent par aucun acte. Nous ne cessons de vous interpeler sur le sujet depuis 2008 ; nous aurons un amendement cette année encore.
Nous ne pouvons ignorer le contexte de crise dans laquelle se débat l'Union européenne, paquet « gouvernance économique », crise grecque. L'orientation dépressive détourne les États membres de la stratégie affichée dans la perspective de 2020. Dans la proposition de résolution européenne que nous avons déposée, nous invitons le gouvernement français à peser dans les négociations afin de protéger les dépenses d'avenir et de réviser le rythme de réduction des déficits.
La croissance mondiale ralentit. Les marchés financiers redoutent à la fois le défaut de paiement des États et la récession. Un risque de « Lehmann brothers rampant » n'est pas à exclure. Le trio Allemagne-France-BCE tire à hue et à dia. La crainte d'une sanction électorale en septembre prochain puis en 2012 vous conduit à d'incessants zigzags. Le moratoire sur les fermetures de classes annoncé ce matin par le président de la République s'appliquera... en 2012. Ce n'est pas une ficelle, c'est une corde de marin ! (Exclamations à droite)
Il est temps de changer de perspective ; cela va se passer très bientôt, en 2012. (Applaudissements à gauche)
Mme Fabienne Keller. - (Applaudissements sur les bancs UMP) Lors de la crise financière de 2008, quand l'économie était fragilisée, l'État a investi massivement et augmenté le nombre d'emplois aidés. Le coût de ces initiatives est important, mais très faible à côté de ce qu'auraient coûté l'inaction et l'immobilisme.
Il faut dorénavant réduire le déficit, tout en se souciant des personnes les plus fragiles. C'est dans cet esprit que je soutiens la création d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu. Les 10 % les plus riches disposent de 24 % des revenus, quand les 10 % les plus pauvres en ont à peine plus de 3 %... Je soutiendrai donc la proposition du président Arthuis, créant une tranche de 47 % au-delà de 100 000 euros.
Ce collectif met en oeuvre les annonces du président de la République sur l'emploi des jeunes, la formation et la sécurisation des parcours professionnels. Le président de la République a également dit ce matin en Lozère son attachement à l'école publique. Or le fonds affecté au RSA-activité serait excédentaire d'au moins 300 millions. Je propose d'y puiser 200 millions pour maintenir les contrats aidés dans l'éducation nationale -dans mon département, leur nombre doit passer de 200 à 40. Le même objectif que le fonds Hirsch serait ainsi poursuivi.
À l'heure où des efforts importants sont demandés à nos concitoyens pour surmonter la crise, je vous propose de coupler efficacité économique et justice sociale et fiscale. À cette condition, nous pourrons recueillir non la méfiance, mais le soutien des Français. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Bernard Vera. - La France va prêter 3,9 milliards à la Grèce -pour aider la Société générale et le Crédit agricole à recouvrer leurs créances. Voilà pourquoi l'État s'endette : pour aider des banques à ne pas subir les conséquences de prêts hasardeux. Voilà la réalité du prétendu plan d'aide à la Grèce. Si celle-ci ne peut pas payer dans trois ans, ce sont les contribuables européens qui seront sollicités...
La véritable solidarité avec la Grèce, c'est celle qui entend les aspirations du peuple grec, alors que les plus riches sont exonérés du moindre effort. La Grèce est victime de critères de convergence intenables, de la concurrence organisée entre les territoires, de la soumission à la dictature des marchés financiers, de l'autisme de la BCE. Il n'est pas normal que l'État s'appauvrisse et s'endette pour venir au secours des banques, sans aucune contrepartie. Et l'austérité imposée aux Grecs prépare une récession grave !
Et voilà que ce collectif ajoute encore 1,4 milliard pour un nouveau plan de sauvetage de la Grèce. Les créanciers de la Grèce ne sont pas rassasiés. L'Irlande, incapable de faire face à sa dette souveraine, nous a « confié » sa contribution d'aide à la Grèce -laquelle n'est pas un pays en voie de développement. Les agences de notation ont dégradé la note de la dette grecque ; les banques refusent désormais de prêter à moins de 15 %. Imposer un tel taux à la Grèce, et la contraindre à démanteler le patrimoine public, ne peuvent recevoir notre assentiment. Ainsi, finit-on par opposer aux Européens une certaine idée de l'Europe !
Il est urgent de créer une agence de notation européenne. Il est temps que la BCE recoure à la création monétaire. Aider vraiment la Grèce, c'est rejeter l'austérité partout en Europe. (Applaudissements à gauche)
M. Robert del Picchia. - La Grèce est un sujet important, sur lequel se penchent nos plus hauts responsables ; je ne l'évoquerai pas. Je ne parlerai pas non plus du bouclier. Seulement de l'article 17, qui proposait de taxer les résidences secondaires des non-résidents, auquel tous les sénateurs des Français de l'étranger sont hostiles. Les Français de l'étranger ne sont pas tous des exilés fiscaux, loin de là ! Leur sociologie est la même que celle de tous les Français. Ils veulent pouvoir venir en France pour retrouver leur famille ou en cas de catastrophe dans leur pays d'accueil, comme en Côte-d'Ivoire. Les expatriés contribuent par leur travail au rayonnement de la France !
Taxer les exilés fiscaux, oui. Taxer tous les non-résidents parce qu'ils sont des non-résidents, c'est non. Une solution qui frappe les expatriés est injuste.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Qui eût frappé !
M. Robert del Picchia. - Le travail du ministre du budget, c'est de trouver de l'argent. Nous lui en apportons, et même davantage. Merci donc au rapporteur général, ainsi qu'au ministre qui a accepté notre proposition, et au président de la République, qui a donné son aval à notre solution amiable.
M. Jean-Jacques Jégou. - Ce collectif vise avant tout à supprimer le bouclier fiscal et à aménager la fiscalité du patrimoine en conséquence. La disparition de ce mécanisme injuste, mesure phare du quinquennat que le président de la République présentait naguère comme indispensable, était devenu inéluctable à quelques mois des élections présidentielles. Le bouclier fiscal revenait à exonérer de tout effort des contribuables susceptibles d'en consentir un. Il aura fallu trois ans pour que le Gouvernement reconnaisse l'injustice et l'inefficacité de ce qui était devenu pour lui un boulet. Les 30 millions de Mme Bettencourt ont hâté les choses.
Militant depuis l'origine contre le bouclier fiscal, je suis heureux de sa suppression. Et je relève que depuis des années la commission des finances propose une solution simple, suppression du bouclier fiscal et de l'ISF et création d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu.
L'aménagement de l'ISF proposé par le Gouvernement ne peut qu'être une solution d'attente avant sa suppression. Les effets antiéconomiques de cet impôt sont connus, de même que son poids sur des citoyens qui ne possèdent guère que leur résidence principale. Les nouveaux taux sont plus conformes aux réalités économiques. La suppression de la première tranche en fera sortir les 300 000 foyers devenus contribuables du fait de la flambée de l'immobilier.
Je regrette qu'avec la fiscalité de la transmission on préempte des recettes qui devaient aller à la lutte contre la dépendance.
La réforme proposée est-elle financée ?
Mme Nicole Bricq. - Non !
M. Jean-Jacques Jégou. - Le rapporteur général lui-même en doute. Allègement de l'ISF, moins 1,857 milliard ; suppression du bouclier fiscal, plus 293 millions. Pour équilibrer, la taxation sur la transmission du patrimoine est aggravée : 290 millions d'euros grâce à la suppression des réductions de droits de donation, 450 grâce au passage de six à dix ans du délai de rappel des donations, 185 millions grâce à la hausse de cinq points des taux applicables aux deux dernières tranches du barème des droits de succession.
Les autres recettes sont aléatoires : les 176 millions grâce à la taxation des résidences des non-résidents viennent de disparaître, sur décision présidentielle...
Mme Nicole Bricq. - Pas encore !
M. Jean-Jacques Jégou. - Les autres recettes paraissent surévaluées, et ne sont pas pérennes. Le produit de l'exit tax est incertain ; la taxation des successions changera les comportements...
Alors que la dette publique sera plus importante que prévue en 2011 et 2012, beaucoup est à faire pour améliorer notre fiscalité. Il nous reste à attendre beaucoup d'un grand débat en 2012. (Applaudissements sur certains bancs au centre)
M. François Rebsamen. - Que de symboles dans ce texte, à moins d'un an de la présidentielle ! Vous dites vouloir inscrire l'équilibre budgétaire dans la Constitution, mais vous faites le contraire, au gré des instructions du président de la République, « Grand timonier » de la fiscalité...
Mme Nicole Bricq. - Grand ?
M. François Rebsamen. - Au concours Lépine pour trouver les 400 millions qui manquent, le rapporteur général reçoit le prix d'excellence : que d'inventivité ! Mais le rapport financier de ces mesures est bien loin des sommes annoncées... Rappelons que le déficit public a été relevé à 7,1 % en 2010 pour une prévision de 5,7 % en 2011 : on verra...
La contribution sur les entreprises pétrolières a été annoncée en grande pompe -pardonnez le mauvais jeu de mots ! (Sourires) Toutes ces mesures permettront aux plus aisés d'engraisser ! (Sourires)
Cette contribution sera dérisoire : on est loin d'une recette juste et pérenne...
Le bouclier fiscal était une erreur : vous le reconnaissez enfin. Le Conseil des prélèvements obligatoires l'a rappelé : plus on est riche en France, moins on est imposé ! Le taux moyen est de 18 %, mais de 15 % pour cette pauvre Mme Bettencourt. En revanche, pour les cadres moyens, il est de 30 % ! Certes, le contexte a changé depuis 2007 : l'élection est devant nous, et non plus derrière. Votre logique est comptable -en nombre de voix !
Les chèques seront toujours servis en 2012 et 2013, mais un peu moins gros. N'ayez crainte : la réforme est bien faite en faveur des plus aisés, et contre les classes moyennes !
La prétendue lutte contre l'évasion fiscale ne change rien à ce fourre-tout avec lequel le Gouvernement tente de se racheter une virginité fiscale. Ce texte est étroitement électoraliste...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il ne faut pas s'adresser aux électeurs ? Que faisons-nous à longueur d'année ?
M. François Rebsamen. - « Le plus grand mal que fait un Gouvernement n'est pas de ruiner son peuple, il y en a un autre, mille fois plus dangereux, c'est le mauvais exemple qu'il donne », dit Montesquieu. Le Gouvernement actuel a réussi l'exploit de faire les deux ! (Applaudissements à gauche)
M. François Fortassin. - On est loin du printemps fiscal annoncé. Le Gouvernement devait pourtant se débarrasser du boulet, de la gueuse du bouclier fiscal. (Sourires) Ce devait être la nouveauté du siècle ; le pommier était fleuri, mais les fruits n'ont pas été au rendez-vous.
Le Gouvernement a fait le pari risqué de la réforme de la fiscalité du patrimoine. Au lieu de mener une réforme globale, on découpe une tranche de mortadelle... Après son passage, ce texte est devenu une auberge espagnole, un fourre-tout qui ne satisfait personne. (M. le ministre le conteste)
Je ne doute pas de votre bonne volonté, mais quel manque d'audace : on ne parle jamais de recettes ! Or, pour réduire un déficit, il faut certes diminuer les dépenses mais aussi songer à augmenter les recettes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Augmenter les impôts, voilà...
M. François Fortassin. - M. le rapporteur général souffre d'une phobie fiscale...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'ai, hélas, participé à la création de nombreuses taxes...
M. François Fortassin. - Vous préférez les niches aux taxes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cela dépend sans doute pour qui...
M. François Fortassin. - Le toilettage de l'ISF sera sympathique pour ceux qui se verront exonérés. Moins pour les autres. On tente, par des demi-mesures, de colmater ces brèches ouvertes par les cadeaux fiscaux consentis depuis 2007. En 2007, il n'y avait pas, que je sache, des gens ruinés parce qu'ils devaient payer l'ISF !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ils étaient heureux ! (Sourires)
M. François Fortassin. - Le constat de la Cour des comptes est clair. Dans les deux pays les plus en crise de l'Union européenne, en Grèce comme en Irlande, le manque de recettes est patent. En Grèce, l'évasion fiscale atteint 80 % de l'impôt sur le revenu ; en Irlande, les entreprises ne payaient quasiment pas d'impôts !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Irlande était en excédent !
M. François Fortassin. - On ne peut réduire le déficit sans réduire nos dépenses par rapport à nos recettes... (M. Aymeri de Montesquiou approuve)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Très bien !
M. François Fortassin. - Dès lors, il faut augmenter les recettes ! Ce que ne fait pas cette loi de finances rectificative.
L'absence de réforme globale est une faiblesse. Il faut notamment revoir les bases cadastrales auxquelles on n'a pas touché depuis quarante ans. On n'échappera pas non plus à la péréquation entre collectivités.
J'ai cherché en vain la colonne vertébrale de cette réforme. Comme la majorité des membres du groupe RDSE, je ne la voterai pas. (Applaudissements à gauche)
M. François Baroin, ministre. - Merci au rapporteur général pour ses propos. Il n'y a pas eu une réforme fiscale de cette envergure depuis vingt-cinq ans : contraintes calendaires, budgétaires, d'équilibre, de périmètre. Ceux qui bénéficieront de la réforme sont ceux qui la financeront. J'ai écouté avec intérêt M. de Montesquiou ; nous aurons ce débat en 2012.
J'ai entendu les propositions du rapporteur général et du président Arthuis. La taxe sur les non-résidents avait sa pertinence. L'important est de trouver les moyens d'assurer l'équilibre budgétaire de la réforme.
Un compromis a été trouvé sur la Grèce. La situation est difficile. Il s'agit d'éviter un défaut de paiement. L'aide à l'Irlande s'élève à 85 milliards, ce programme d'aide est pour l'instant satisfaisant. Je vous renvoie à la déclaration commune Sarkozy-Merkel.
Nous avons relevé le plafond de garantie à l'Assemblée nationale. Il fallait intervenir dès le présent collectif, par amendements. Nous sommes au rendez-vous de nos engagements. J'y reviendrai lors des amendements.
Concernant les frégates de Taïwan, il fallait financer cette dépense obligatoire, qui découle d'une décision de justice. C'est une affaire vieille de vingt ans, relevant d'une autre majorité... Nous ferons en sorte qu'elle ne soit pas financée par la dette.
Madame Hermange, je laisserai M. Bertrand vous donner la position du Gouvernement. Merci à Mme Dini d'avoir salué la création du compte d'affectation spéciale.
Madame Beaufils, nous sommes en désaccord. Les chiffres de la croissance sont au rendez-vous en 2011. Nous avons déjà atteint 1,6 %. Le FMI a réévalué à 2,1 sa prévision de croissance pour la zone euro et pour la France. À Brégançon nous avions l'été dernier, ramené notre prévision de 2,5 % à 2 % ; l'OCDE nous promet ces jours-ci 2,2 %. Nous sommes en avance sur le plan de réduction du déficit. L'économie a créé beaucoup d'emplois ; je pense aux jeunes et aux chômeurs de longue durée.
Madame Keller, le RSA monte en charge et doit être financé : on ne peut ponctionner le Fonds de solidarité active.
Monsieur Marc, cette réforme serait un « cadeau » ? Le Gouvernement ne supprime pas l'ISF : il le modifie en profondeur, et supprime le bouclier. Il faudra se lever de bon matin pour persuader que les « riches » reçoivent un « cadeau ». Ce vocabulaire sent votre idéologie de « lutte des classes ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quel mépris !
M. François Baroin, ministre. - L'addition de vos mensonges ne fera jamais une vérité !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
M. François Marc. - Et que dit la Cour des comptes ?
M. François Baroin, ministre. - Idem pour les successions. Il n'y a aucun cadeau à personne.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il faudrait peut-être confisquer les patrimoines ?
M. François Baroin, ministre. - Ceux qui ont optimisé au maximum le bouclier paieront en effet plus ; les autres moins. L'ISF est profondément remanié. Cette réforme est entièrement financée par les assujettis à l'ISF, qui restera donc solidaire. (On le conteste à gauche)
La réforme n'est pas financée ? Je vous démontrerai le contraire.
La suppression de la taxation des non-résidents devra être compensée à l'euro l'euro.
Monsieur Rebsamen s'est trompé dans les chiffres ; il a confondu 2010 et 2011. Nous ne sommes pas en retard sur la réduction du déficit public mais en avance. On est passé de 8,5 à 7,1 %. L'objectif est de 6 % pour la fin de l'exercice 2011. Or nous garantissons d'ores et déjà 5,7 %. Tout surplus de recettes sera consacré au désendettement et à la réduction du déficit.
Monsieur Fortassin, il ya une explosion du déficit, liée à la crise. Mais la solution n'est pas d'alourdir les impôts.
Le Gouvernement ne vous aura proposé aucun alourdissement d'impôt en cinq ans. Il n'a pas relevé la TVA, ni l'impôt sur le revenu.
M. Guy Fischer. - Et la contribution vieillesse !
M. François Baroin, ministre. - La France est sur le podium en matière de prélèvements obligatoires et de dépenses : ce sont ces dernières que nous avons choisi de réduire. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
M. François Baroin, ministre. - Je vous demande une brève suspension de séance.
La séance, suspendue à 18 h 15, reprend à 18 h 20.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°222, présentée par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificatives pour 2011 (n° 612, 2010-2011).
M. Thierry Foucaud. - Ce collectif prévoit l'abandon de centaines de millions d'euros de recettes fiscales et compte sur des ressources exceptionnelles pour apporter notre écot à la Grèce. La crise serait finie, tout irait bien et l'on pourrait donc alléger l'ISF, avant de le supprimer...
On cherche à favoriser le financement des entreprises par les particuliers, malgré le coût pour les finances publiques du dispositif. La déduction d'ISF -jusqu'à 50 000 euros- est un avantage à l'entrée. Le crédit d'impôt sur les dividendes est d'ailleurs plus intéressant. Toute cession de titres dégage les plus-values moins imposées que d'autres revenus. L'optimisation fiscale est évidente. Les dividendes sont pourtant une préemption sur la rémunération du travail et les fonds propres de l'entreprise !
À entendre le ministre, le Gouvernement s'apprêterait à ruiner les niches ! Rien n'est fait pour les fonds propres des entreprises. Il faudrait un financement par le crédit, aux taux les plus faibles possibles. La privatisation n'a fait que favoriser les produits dérivés spéculatifs...
Mais on préfère réduire l'ISF plutôt que répondre aux besoins immédiats. Que n'auraient dit les charlatans européistes si l'on avait voulu augmenter les dépenses de la justice, par exemple, si mise à mal par votre politique répressive...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - On s'éloigne du sujet...
M. Thierry Foucaud. - Que n'aurions-nous pu faire avec ce 1,8 milliard !
On ne peut pas dire que la justice soit devenue plus rapide, même si l'on a battu le record d'occupation des prisons, avec 65 000 détenus ; il n'y a pas assez de places, pas assez de gardiens, pas assez d'éducateurs.
Nous pourrions faire la même démonstration pour l'éducation : les 1 800 millions perdus en réduisant l'ISF représentent 50 000 postes d'enseignants dans les premier et second degrés, ceux-là mêmes que l'on supprime aujourd'hui à tour de bras. Ces 1 800 millions permettraient d'appliquer dès la rentrée 2011 le moratoire sur la fermeture des écoles en milieu rural que le président de la République a cru devoir annoncer aujourd'hui à La Canourgue, chez notre collègue Jacques Blanc, mais pour la rentrée 2012 !
Pour cela aussi, il faudrait changer notre fusil d'épaule, d'autant que la facture éducative se paiera en fracture sociale !
Nous ne légiférons pas pour complaire aux agences de notations mais pour organiser au mieux notre pays, en fonction de ses besoins réels.
Au jeu du qui perd gagne, ce ne sont pas toujours les mêmes qui sont concernés. Le propriétaire d'un petit pavillon de banlieue valant, au mieux, 100 000 euros, voit sa taxe foncière augmenter année après année !
Le bouclier bénéficiait aussi à des Français dont la taxe foncière excédait le revenu. Ceux-là ne vous intéressent pas ! Le 1er juillet, les 3 millions de smicards toucheront 27 euros de plus, tandis que les 300 000 redevables de l'ISF gagneront à votre réforme l'équivalent d'un Smic mensuel ; et pour les détenteurs de plus de 40 millions d'euros de patrimoine, c'est le jackpot : ils vont gagner un Smic par jour !
Nous ne pouvons que vous inviter à adopter cette question préalable. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Notre avis est fermement négatif : nous sommes impatients d'engager l'examen des articles. Il serait dommage que soit gaspillé le travail fourni par la commission, qui se traduit par un rapport de 600 pages !
Je voterai sans état d'âme contre cette question préalable.
M. François Baroin, ministre. - Même avis.
La motion n°222 est mise aux voix par un scrutin public de droit.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 139 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion des articles
Article additionnel
Mme la présidente. - Amendement n°174, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À l'article 278 du code général des impôts, le taux : « 19,6 % » est remplacé par le taux : « 18,6 % »
II. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées par le relèvement, à due concurrence, des taux prévus à l'article 219 du code général des impôts.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Les Français se préoccupent avant tout de leur pouvoir d'achat et de l'emploi. Mais pour le Gouvernement, l'urgence est de réduire la fiscalité du patrimoine, puisque nous serions sortis de la crise... !
Nous proposons pour notre part de revenir au taux historique de TVA, auquel on n'est jamais revenu depuis 1995. Réduire d'un point le taux de TVA, c'est rendre des milliards de pouvoir d'achat aux ménages !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis sans surprise sur un amendement sans surprise : défavorable.
M. François Baroin, ministre. - Même avis.
M. François Marc. - Le ministre nous dit que ce projet de loi serait de « justice fiscale ». Je ne puis entendre cela sans réagir ! Nous ne sommes pas les seuls à dire ce que nous disons. Nombre d'observateurs, y compris à l'OCDE et à Bruxelles, dénoncent comme nous vos « cadeaux » fiscaux.
Nous opposer que « la somme des mensonges ne fait pas une vérité » est pour le moins cavalier. Je vous réponds sur le même ton : vous avez proféré deux mensonges.
D'abord, en affirmant que l'effondrement des recettes provient essentiellement de la crise. La Cour des comptes elle-même considère que, sur 90 milliards de déficit, 60 proviennent de vos cadeaux fiscaux.
Ensuite, vous avez prétendu que la France est le seul pays à appliquer une fiscalité sur le patrimoine. Lisez le rapport de M. Marini, monsieur le ministre ! Vous y apprendrez que c'est aussi le cas de la Norvège, de la Suisse et de la Hollande.
Enfin, le rapporteur général a affirmé que l'ISF était largement critiqué. Personne ne m'a dit qu'il fallait réformer l'ISF ! En revanche, beaucoup de nos concitoyens attendent une vraie réforme fiscale. En période de crise, l'effort doit être justement réparti : nous en sommes loin ! (Applaudissements à gauche)
Mme la présidente. - Amendement n°59, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Mireille Schurch. - Vous relevez le seuil d'assujettissement de 800 000 euros à 1,3 million, en invoquant la revalorisation des résidences principales. Cela n'a pas l'apparence du bon sens car la résidence principale ne représente que le tiers du patrimoine assujetti.
Vous faites un cadeau de 2 milliards aux 256 000 foyers les plus riches, alors que vous refusez de relever le Smic. Votre politique de classe demande toujours plus aux mêmes. Votre réforme fiscale fait voler en éclats toute idée de fiscalité sociale. Une semaine après avoir posé votre « règle d'or », vous la violez.
Nous voulons supprimer un dispositif surréaliste à l'injustice criante. (Applaudissements à gauche)
Mme la présidente. - Amendement identique n°209 rectifié, présenté par MM. Collin, Fortassin, Plancade et Tropeano.
M. Yvon Collin. - Cet article premier est un pilier de ce collectif. Les inégalités du patrimoine sont plus fortes encore que les inégalités du revenu. La part de richesses héritées est en croissance forte et rejoint le niveau d'avant 1914. De telles inégalités menacent la cohésion nationale.
L'état de nos finances publiques aurait dû vous inciter à ne pas sacrifier une recette fiscale. Il faut revenir à une logique de consentement à l'impôt.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Comme l'a dit M. Collin, cet article est un pilier du texte. Ne l'ébranlons pas !
M. François Baroin, ministre. - Même avis défavorable.
Mme Nicole Bricq. - Depuis plusieurs années, majorité et Gouvernement veulent en finir avec l'ISF. Vous ne pouvez pas le faire pour des raisons électorales évidentes... Je voudrais défendre cet impôt que vous allez sensiblement alléger.
Vous y attaquer est un acte de pure idéologie.
La fiscalité du foncier est de 4 milliards en France, de 17 dans des pays européens équivalents. Le patrimoine médian est de 108 000 euros en France : c'est un gros mensonge de prétendre que votre réforme est faite pour les petits propriétaires !
Les plus hauts revenus, les plus gros patrimoines, captent une part croissante de la richesse nationale. Les Allemands ont supprimé leur ISF car il n'était pas déclaratif, mais leur fiscalité foncière est bien plus lourde que la nôtre.
L'ISF rapporte 4 milliards ; vous l'allégez et allez payer cet allègement avec du déficit budgétaire. Une réforme pas financée, une réforme injuste : CQFD ! (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Vera. - Cette réforme ne vise qu'un objectif : alléger la pression fiscale sur les contribuables les plus fortunés. Le quinquennat finit comme il a commencé ! L'ISF a longtemps été accusé de tous les maux, et d'abord de coûter plus cher qu'il ne rapporte.
Son assiette trop réduite ébrèche son rendement qui, à 4 milliards, est à la fois assez peu et non négligeable.
Vous feignez d'oublier que les dettes contractées pour acquérir le capital peuvent être déduites de l'assiette de l'ISF.
La vraie question devrait être, plutôt que de savoir comment alléger l'ISF, de chercher comment en faire un impôt plus juste. (Applaudissements à gauche)
À la demande du groupe UMP, les amendements identiques nos59 et 209 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 151 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.