Politique énergétique de la France (Proposition de résolution)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen d'une proposition de résolution relative à la politique énergétique de la France, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution.
M. Jean-Claude Danglot, auteur de la proposition de résolution. - Il est grand temps d'avoir un débat public sur les questions énergétiques. L'accident majeur de Fukushima a révélé les inquiétudes fondées et légitimes de la société civile car l'énergie nucléaire a cristallisé les antagonismes.
Le président de la République, deux jours après le drame, a exclu toute sortie du nucléaire, tandis que d'autres militaient pour une sortie immédiate, oubliant les contraintes scientifiques et climatiques qui s'imposent à nous.
Quelle alternative au nucléaire, hors les énergies carbonées ? Ce ne sont pas les débats restreints organisés au Sénat qui ont permis d'ouvrir la discussion de fond. Toutefois, ils ont montré les méfaits de la politique de libéralisation, qui prônait, avec des conséquences délétères pour la société, la concurrence généralisée.
Plus de transparence, une meilleure association des citoyens, des salariés et des usagers s'imposaient. Au contraire de ses promesses, rappelons-nous les déclarations de Nicolas Sarkozy en 2004 ; la droite a décidé, seule, de privatiser GDF. Après le Grenelle de l'environnement, voilà que le débat rebondit sur la question de la prise de participation d'opérateurs privés dans le secteur nucléaire, rendue possible par la loi portant nouvelle organisation des marchés de l'électricité (Nome) ! Et cela tandis que le Gouvernement refuse de rendre public le rapport Roussely.
Nous devons rompre avec les logiques marchandes et financières qui aggravent, de surcroît, la pollution. On estime à 1,6 milliard le nombre d'hommes qui n'ont pas accès à l'électricité dans le monde. Cela emporte des conséquences dramatiques pour la santé et les politiques de transports, qui touchent les populations du sud.
La précarité énergétique est aussi une réalité au nord. L'Observatoire qui la mesure considère que 3,5 millions de citoyens en sont victimes. Et combien renoncent à se chauffer faute de moyens ? Le Gouvernement a supprimé la prime à la cuve, quand les factures augmentaient de 5 % par an. Et la contribution annoncée des compagnies pétrolières ne sera qu'une goutte d'eau, tandis que les grands groupes comme Total enregistrent des bénéfices record.
Les tarifs du gaz et de l'électricité ont augmenté de façon spectaculaire et les tarifs sociaux n'endiguent pas le problème. C'est la déréglementation au profit de la hausse des prix que vous organisez : plus de 61 % d'augmentation du prix du gaz depuis 2005 ! Et le Gouvernement se désengage, puisque le décret de 2009 permet à l'entreprise, entre la révision annuelle du tarif, de le modifier à sa seule initiative, après avis de la CRE.
La loi Nome organise, pour 2015, un dispositif similaire pour l'électricité. Quand cesserez-vous de faire payer aux consommateurs un déficit imaginé de toute pièce par l'entreprise, via un transfert de charges factice sur sa branche commerciale ?
Nous demandons qu'un comité associant élus, usagers et salariés ait à se prononcer sur les prix.
Selon la Commission européenne, le prix de l'électricité serait trop bas chez nous ! C'est bien plutôt le défaut d'investissement, imposé par la recherche de la rentabilité, qui a des conséquences dramatiques pour l'avenir. Et que dire de la loi Nome, qui dépouille l'usager d'un investissement que, comme citoyen, il a contribué à payer ?
Quant à la filière nucléaire, nous demandons l'arrêt de la sous-traitance qui externalise 80 % des risques professionnels. Et que l'on cesse de mettre en concurrence les opérateurs.
S'agissant de la sûreté des installations, une formation poussée des salariés s'impose. La sûreté a un aspect social : il faut revenir au modèle de l'entreprise intégrée.
Le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources fossiles devraient être une raison suffisante de renoncer aux logiques marchandes. L'effort en faveur des économies d'énergies et du développement des énergies renouvelables est certes indispensable, mais les efforts ne sont pas à la hauteur -voir le fiasco du photovoltaïque.
Les énergies renouvelables doivent être associées à d'autres sources d'énergies et une vraie politique de l'énergie suppose un dispositif cohérent.
Le système électrique ? Vous l'avez fragilisé en le mettant à la merci des traders.
Les moyens dédiés à la recherche, notamment fondamentale, doivent être renforcés. Ceux qui sont alloués au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ne sont pas à la hauteur.
Le rapport d'information de M. Billout dénonce le manque de réflexion sur la spécificité du système électrique et la notion de sécurité d'approvisionnement.
L'ensemble de la politique énergétique doit être revu : sécurité, accès pour tous, recherche, formation, autant d'enjeux incompatibles avec les logiques financières.
Il est temps de mettre en oeuvre, en coopération, des logiques supranationales cohérentes et solidaires, au profit de nos concitoyens. Nous voulons une politique énergétique publique au service de l'intérêt général et respectueuse de l'environnement, porteuse d'exigences sociales fortes pour les travailleurs du secteur. (Applaudissements à gauche)
Mme Mireille Schurch. - La sécurité nucléaire doit intégrer non seulement les risques naturels mais aussi la dimension organisationnelle, sociale et humaine.
Les collectifs de travail, la coopération, la transmission des savoir-faire sont des garanties de sûreté.
L'expérience, la compétence des opérateurs sont essentielles. La disparition de spécialistes compétents, rappelle l'OCDE, préoccupe les autorités de sûreté. Or, la formation à la maintenance a été négligée. Alors que les besoins sont de 1 200 par an, on ne forme que 300 diplômés.
D'où un risque de voir se perdre les savoir-faire, renforcé par le règne de la culture managériale.
Ceux qui ont vécu le démarrage des centrales comme celle du Blayais par exemple approchent de la retraite. Comment se transmettra leur savoir-faire ? Et la sous-traitance ne fait qu'aggraver le problème, passée, en cinq ans, pour la maintenance, de 20 % à 80 %. D'où, corrélativement, une multiplication des accidents dont est victime le personnel. Il est temps de mettre fin à cette course au moins-disant. Sans parler de la sous-traitance de la fabrication en Chine des générateurs de vapeur ou des cuves, qui menace notre industrie.
Le président de la République a dû se résoudre à demander un audit sur la sûreté à la Cour des comptes. Il devra intégrer la dimension sociale. Michel Lallier, responsable CGT, rappelle qu'alors que la sûreté nucléaire a toujours reposé sur les qualifications d'un collectif humain, la dérégulation la met à mal. Les salariés d'EDF ont dès longtemps tiré la sonnette d'alarme. Ce débat sur la sûreté nucléaire est intimement lié à celui qui touche au démantèlement des services publics. L'acceptation démocratique du nucléaire repose sur le contrat moral passé entre les Français et le Conseil national de la Résistance (CNR). Il est aujourd'hui mis en cause. C'est pourquoi nous appelons à un vaste débat public. A nos yeux, seul un grand service public de l'énergie est en mesure de répondre à toutes les exigences.(Applaudissements sur les bancs CRC)
M. René Beaumont. - Cette proposition de résolution est l'occasion d'évoquer des questions que se posent les Français : nous serons attentifs aux éclaircissements du ministre.
Notre industrie nucléaire est certes la plus surveillée du monde mais l'accident du Japon nous rappelle à l'exigence d'une autorité de sûreté nucléaire sans faille. Si la France est moins exposée au risque naturel à l'origine de Fukushima, le vieillissement des installations, dont certaines sont implantées sur des zones sismiques, même peu actives, doit nous alerter. De même que les risques de tempête et d'inondation, comme celle qui a frappé la centrale du Blayais, naguère, faute de travaux sur les digues.
Certaines centrales, comme Fessenheim, ont plus de trente ans. Et l'accident vient souvent où on ne l'attend pas -défaillance technique ou humaine.
Quelles décisions entendez-vous prendre, monsieur le ministre, quant à leur avenir ?
Quid de l'avenir de l'EPR ? L'hypothèse d'un moratoire sur les futurs projets est-elle envisageable, sans pourtant que soit pris du retard, dommageable, sur les projets en cours ? A Tricastin, dans la Drôme, un département qui vous est familier, est-il envisageable d'ajouter un EPR aux quatre réacteurs et à l'usine Eurodif ?
Grâce au nucléaire, les Français payent l'électricité 40 % moins cher. Sans lui, la facture supplémentaire serait de 200 milliards par an. Mais nous devons être toujours plus rigoureux sur le choix des sites, des hommes, des matériels, et plus exigeants sur la sûreté.
Je suis Bourguignon : permettez-moi de vous interroger sur le pôle nucléaire de la région et la question du démantèlement, encore mal maîtrisée.
Notre filière nucléaire, une des plus sûres du monde, doit conserver sa structure actuelle. J'ai pu constater à Teshuan, en Chine, comment les équipes d'Areva et d'Edf travaillaient en bonne complémentarité. Ne cédons pas aux tentations monopolistiques de certains.
Vous aurez compris que le groupe UMP votera contre cette résolution, qui va contre la politique énergétique du pays.
M. Marcel Deneux. - Ce texte n'est pas sans intérêt : nous devons nous interroger sur les choix de la France, notamment en matière nucléaire. Fukushima nous a engagés à entreprendre un audit. Je souhaite, monsieur le ministre, une vraie transparence sur ses résultats.
La filière nucléaire joue un rôle essentiel dans notre autonomie énergétique : gardons-nous du catastrophisme. Les risques sismiques et la répartition du capital de l'exploitant ne sont pas les mêmes qu'au Japon. Reste qu'il faut savoir articuler les deux logiques, publique et économique. La puissance publique est le garant de leur équilibre : elle doit jouer son rôle dans les conseils d'administration, ce que, semble-t-il, elle n'a pas toujours fait.
Nous ne pouvons oublier la dimension internationale et je me réjouis de l'inscription de cette problématique à l'ordre du jour du prochain G 8.
Pour autant, l'énergie nucléaire n'est pas renouvelable. Sans précipitation, engageons donc une réflexion sur la sortie du nucléaire, du moins sur sa diminution progressive, pour développer des filières solides dans le domaine des énergies renouvelables et nous conformer à notre devoir d'exemplarité en matière d'économies d'énergie, suite aux décisions prises sous présidence française de l'Union.
Or l'État a failli, tant à structurer la filière photovoltaïque que l'éolien. Il doit reprendre les rênes. Et la géothermie me paraît sous-estimée.
Je suis loin de partager toutes les conclusions des auteurs de la proposition de résolution. Il faut pouvoir faire appel aux capitaux privés, tout en sachant conserver une maîtrise publique. (Exclamations incrédules à gauche)
En matière de prix, nous sommes entrés pour longtemps dans un cycle à la hausse. Tout gaspillage doit être évité. Il n'est pas vrai que rentabilité et préservation de l'environnement s'excluent : la puissance publique fixe des normes environnementales et les entreprises suivent leur logique dans ce cadre.
Notre groupe votera contre cette proposition de résolution, tout en restant attentif aux choix qui seront faits pour l'avenir.
Notre consommation reste encore trop carbonée. Il faudra pousser la recherche.
Il y a dans tout cela de quoi faire : c'est bien pourquoi le ministère de l'industrie a compétence sur l'énergie. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Daniel Raoul. - Cette proposition de résolution, bienvenue, soulève le problème de la dérégulation, pensée à une époque de bas prix où l'approvisionnement n'était pas menacé. Elle arrive aujourd'hui à contre-cycle.
L'ouverture à la concurrence, qui visait la baisse des prix, est devenue une fin en soi, un toc, « trouble obsessionnel de la concurrence ». (Sourires)
Dès la loi de 2003, suivie par plusieurs autres, s'engageait une privatisation à marches forcées, qui remet en cause le statut de nos entreprises publiques -ce qui n'a jamais fait partie des exigences de Bruxelles. Mme Kroes vous a transmis le virus de la privatisation !
C'est ainsi que les Français subiront une double peine. Citoyens, ils sont victime d'une spoliation -celle de l'investissement qu'ils ont consenti dans EDF. Et la rente énergétique ne saurait être captée par le privé. Comme usagers, ils doivent subir une augmentation croissante des tarifs : 3,4 millions de ménages consacrent plus de 10 % de leurs revenus à payer leur facture de gaz et d'électricité. C'est même beaucoup plus si l'on compte ceux qui ne peuvent plus se chauffer.
Pourtant, les tarifs aménagés bénéficient aussi aux entreprises, qui profitent ainsi d'un avantage de compétitivité. Le Tartam a également donné un avantage aux gros consommateurs. Tout cela doit disparaître dans les prochaines années. Peut-on envisager un moratoire ?
Il est donc juste de souligner que la dérégulation est contraire aux exigences de sûreté et d'indépendance. Il faut, de surcroît, mettre fin à la sous-traitance. La maîtrise du nucléaire est devenue essentielle. Je vous demande, monsieur le ministre, de suspendre la loi Nome jusqu'à la remise de l'audit sur le nucléaire.
M. Jean-Pierre Chevènement. - Cette proposition de résolution, qui intervient deux mois après Fukushima, a le mérite de mettre l'accent sur les conséquences pratiques d'une telle catastrophe, plutôt que de céder à la démagogie obscurantiste et technophobe de sortie immédiate du nucléaire.
L'accident de Fukushima tient à l'insuffisance des mesures de sécurité mises en place par Tepco. Un mur de 7 mètres face à des vagues de 23 mètres ! Les moteurs diesel de secours ont été noyés alors que l'arrêt automatique de l'alimentation électrique, en raison du séisme, a fait cesser le refroidissement du coeur des réacteurs. C'est le fait de l'imprévoyance de l'entreprise : tout le reste en a découlé.
Il est extrêmement important de comprendre l'origine de l'accident pour en tirer les leçons adéquates. Ce n'est pas s'aventurer que de pointer la responsabilité de l'exploitant qui n'a pas pris les précautions nécessaires. L'analyse de l'accident mérite sûrement d'être complétée. Dès maintenant, cependant, on peut dire, et la résolution présentée par M. Danglot a raison de le souligner, qu'il est important de soustraire le secteur énergétique, et particulièrement le secteur nucléaire, aux logiques de rentabilité qui gouvernent la libéralisation de l'énergie.
La proposition de résolution met en avant, à juste titre, la nécessité d'un grand pôle public de l'énergie. Je la voterai, d'autant que Mme Schurch a fort bien dit l'importance d'une bonne formation du personnel.
Il est admirable, au sens classique du terme, que l'intervention de l'Europe, au nom de la concurrence, aboutisse à un relèvement des prix de l'énergie. Je rappelle toutefois à M. Danglot que le processus de Lisbonne a commencé à un moment où le parti communiste était associé au Gouvernement.
M. Ladislas Poniatowski. - Bon rappel !
M. Jean-Pierre Chevènement. - Je ne signale ce fait que pour montrer combien il est difficile de résister à la logique de libéralisation qui se déroule implacablement depuis plus de vingt ans et qui a été acceptée par l'ensemble des forces politiques à l'exception, je dois le rappeler, du parti communiste.
Mais ceux qui ont voté, comme moi, l'Acte unique en 1987 ne pouvaient alors avoir idée de cette avalanche de directives néolibérales qui ont emballé le processus de concurrence, qui n'est plus contrôlé par personne. Cessons de libéraliser ! Il faut réglementer, remettre de la viscosité dans des marchés devenus fous.
Si le progrès procède d'erreurs corrigées, tentons d'éviter les erreurs évitables !
Le Gouvernement n'a pas fait l'effort pédagogique nécessaire pour combattre la hantise du nucléaire, née à Hiroshima et méthodiquement exploitée par tous ceux que révulse la vision cartésienne de l'Homme « possesseur et maître de la Nature ». C'est un vieux débat : Ève a été punie pour avoir mangé le fruit de l'arbre de la connaissance et Prométhée pour avoir donné le feu aux hommes.
Ceux qui proposent tout bonnement de sortir du nucléaire ont-ils mesuré la portée de leur choix ?
M. Jean Desessard. - Oui ! (Sourires)
M. Jean-Pierre Chevènement. - Ils doivent savoir qu'il n'est pas aisé de le remplacer. L'exploitation du charbon tue au moins 750 000 Chinois par an. Il n'est point d'activité humaine sans risque mais les inconvénients doivent être comparés. La sortie du nucléaire en vingt ans impliquerait, selon les calculs de M. René Tregouët, la pose de 2 000 kilomètres de panneaux solaires, de 3 400 éoliennes terrestres géantes et de 8 400 éoliennes marines, pour un coût de production de l'énergie deux fois plus élevée, sinon dix fois plus dans le cas du photovoltaïque.
Ce choix ne serait pas seulement hors de prix, il serait aussi contraire à l'intérêt national.
La pollution de l'air par les énergies fossiles tue, les accidents de la route tuent, quelle activité humaine ne tue pas ?
Le choix du néolibéralisme effectué il y trente ans par la France a entraîné une désindustrialisation massive et un chômage structurel. Il me semble que les choix technologiques ne doivent pas être dissociés des choix économiques et sociaux ; la sortie du nucléaire serait un choix de régression, en aucun cas un choix de société : le vrai choix, ce serait de mettre un terme à la dictature des marchés financiers.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Pierre Chevènement. - En ce sens, la proposition de résolution de M. Danglot liant l'exploitation du nucléaire au choix de l'appropriation publique et visant plus généralement à reréglementer le secteur de l'énergie me paraît mériter pleinement d'être soutenue. La majorité du RDSE votera la résolution. (Applaudissements à gauche)
M. Jean Desessard. - Je n'applaudis pas !
M. Ladislas Poniatowski. - Cette proposition de résolution met l'accent sur le rôle du nucléaire auquel Sénat et Assemblée nationale consacrent une étude commune, dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Elle évoque aussi les autres sources d'énergie, en particulier renouvelables. Je suis attaché à la biomasse, venue du bois-énergie mais pas seulement. Cette production doit progresser à 7,4 millions de tonnes équivalent pétrole d'ici à 2020 contre 1 million pour l'éolien et 0,5 million pour le photovoltaïque.
La France risque de ne pas parvenir à respecter son engagement de réaliser en 2020 23 % de notre consommation d'énergie à partir des énergies renouvelables. Seul le photovoltaïque devrait atteindre ses objectifs, bien avant 2020, mais son coût est très élevé.
Il faut donc mettre l'accent sur les autres sources alternatives d'énergie.
La biomasse permet d'économiser l'énergie fossile, sans gaz à effet de serre, tout en favorisant l'aménagement du territoire et en créant des emplois. L'action du Fonds chaleur doit donc être soutenue. L'an dernier, 31 projets ont été sélectionnés, pour 16 euros de coût de CO2 évités, ce qui est satisfaisant. L'enjeu porte moins sur l'augmentation des capacités que sur l'amélioration des appareils de chauffage.
Les possibilités d'accroître l'hydroélectricité sont limitées. Les éoliennes ont sans doute les meilleures perspectives, en combinaison avec la biomasse.
Il faudrait se demander pourquoi 45 % des projets seulement ont été mis en oeuvre.
Nous attendons le décret d'application sur le difficile problème du raccordement. Quid aussi de la détermination des prix de rachat ?
Rapporteur de la loi Nome, je ne puis m'associer aux conclusions de cette résolution.
Mme Mireille Schurch. - C'est normal.
M. Ladislas Poniatowski. - Il faudra effectivement des investissements importants pour prolonger la vie des centrales nucléaires et en améliorer la sûreté. La loi Nome ne doit pas être mise en cause, mais vraiment appliquée. J'attends les décrets... (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Jean-Jacques Mirassou. - Je remercie le groupe CRC d'avoir suscité cet utile débat, après de longs mois d'augmentation des prix de l'énergie. Beaucoup de ménages n'ont pu se chauffer cet hiver, faute de moyens. Le Gouvernement s'est défaussé de ses responsabilités sur la Commission de régulation de l'énergie, en la laissant fixer les tarifs, comme si ce n'était qu'une question technique. C'est pourtant un bien de première nécessité !
Faut-il rappeler que le CNR avait fait de l'État le garant de l'accès de tous à l'électricité et au gaz ? Or, depuis la privatisation de GDF, le prix du gaz s'est accru de 55 %, pour le plus grand bénéfice des actionnaires. Quelle provocation ! Le Gouvernement a bien sorti de son chapeau l'Observatoire national de la précarité énergétique mais l'heure est à l'action, non à l'observation !
Parler de l'opacité des prix du gaz relève de l'euphémisme. Et dire que le PDG de Total n'hésite pas à annoncer, d'un air amusé, des bénéfices colossaux et le litre d'essence à 2 euros !
Quand, enfin, vous interrogerez-vous sur la loi Nome ? Il est clair qu'elle pousse à l'augmentation des tarifs. Et ce n'est pas le Tartam qui améliore vraiment les choses : réintroduisant en catastrophe une relative régulation des tarifs, il ressemble à un aveu.
Une intervention active de l'État est donc incontournable, ne serait-ce que pour imposer un moratoire sur les tarifs de l'énergie.
Nous voterons bien sûr la proposition de résolution CRC. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - M. Desessard a cinq minutes pour nous convaincre ! (Sourires)
M. Jean Desessard. - Je crains que cela ne suffise pas !
Une des raisons de sortir du nucléaire, c'est qu'il nous fait entrer dans l'irrémédiable : la contamination nucléaire des sols à Tchernobyl ou a Fukushima n'aura pas de remède. De surcroît, la défense du nucléaire repose sur des allégations mensongères.
L'indépendance énergétique ? Les gisements d'uranium sont rares, exploités sur d'autres continents sans souci de la santé des mineurs.
La sûreté ? A Cadarache, le suivi rigoureux de la matière active se trouve pris en défaut ; au Tricastin, les déchets se répandent dans la nature ; Fessenheim est construite sur une faille sismique.
La transparence ? EDF exporte en Sibérie des centaines de tonnes d'uranium sans que cela soit mentionné dans le Plan de gestion des matières et déchets radioactifs.
Le coût ? Il est largement sous-estimé.
On peut sortir progressivement du nucléaire, à condition d'y être décidé. Il est possible de faire mieux et, à terme, pour moins cher ! Cessons de construire des logements énergivores et soutenons le photovoltaïque !
Un mot sur la folie des gaz de schiste.
Destructeur du sous-sol, saboteur des territoires, suicidaire pour l'eau potable, disséminateur de polluants chimiques, ce projet est une hérésie. Signée par le ministre Borloo, l'autorisation de prospection a été combattue par tous, même par le député Borloo...
A signer des autorisations irresponsables pour l'exploitation de ce gaz, on prend le risque de gaspiller l'argent public : les exploitants déboutés de la mine d'or de Kaw, en Guyane, réclament 80 millions de dommages et intérêts.
Après Fukushima et après les innombrables pollutions résultant des fracturations hydrauliques aux États-Unis, il est encore plus urgent de fonder une politique énergétique durable et responsable fondée sur les énergies renouvelables et les économies de consommation. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)
M. Jean-Louis Carrère. - Pas mal...
M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. - La politique énergétique de la France vise la sécurité, la compétitivité des prix, la protection de l'environnement, la lutte contre le réchauffement climatique, l'accès de tous à l'énergie.
La loi Nome est la pierre angulaire de la nouvelle régulation ; elle tire partie de la compétitivité de notre parc nucléaire et maintient un tarif régulé pour tous les Français ; le prix du gaz n'augmentera pas dans les douze prochains mois.
Le Gouvernement agit concrètement contre la précarité énergétique. Nous avons créé un tarif social du gaz. Des mesures conjoncturelles ont été prises, comme la revalorisation du barème kilométrique ou l'aide à la modernisation des chaudières.
Nous renforçons notre effort de maîtrise énergétique afin de respecter l'objectif de 2020. Sachant que le secteur du bâtiment concentre 44 % des consommations énergétiques du pays, nous avons créé un éco-PTZ.
Nous avons défini une trajectoire précise pour atteindre l'objectif des 23 % d'énergies renouvelables à l'horizon 2020 ; c'est la raison pour laquelle nous avons créé le Fonds chaleur. De fait, monsieur Poniatowski, l'énergie ne se limite pas à l'électricité.
L'éolien est soutenu. Le tarif d'achat de l'électricité biomasse a plus que doublé. Le parc photovoltaïque a été multiplié par 73 de 2007 à 2010.
Troisième pilier de notre politique de l'énergie : le nucléaire, choix confirmé depuis un demi-siècle par tous les gouvernements. Ce choix ne peut être que renforcé par le fait qu'il s'agit d'une électricité décarbonée. Le Parlement a voté en 2006 deux lois très importantes sur le nucléaire, pour la transparence et pour la gestion des déchets. Notre autorité de sûreté nucléaire est reconnue dans le monde entier pour sa compétence.
Monsieur Danglot, il n'y a pas désengagement de l'État, bien au contraire. A la demande du président de la République, le conseil en politique nucléaire s'est réuni cinq fois depuis 2007, après dix ans de mise en sommeil. Des audits de sûreté vont être menés sur tout notre parc, dans la plus grande transparence.
Une action forte à l'échelle européenne ? Nous la menons déjà.
Mme Schurch a insisté sur la formation dans le domaine du nucléaire. Elle a raison. C'est pourquoi le président de la République a refusé tout moratoire. Le nombre de diplômés n'est pas de 300 mais de 600.
Je partage les propos de M. Beaumont. De fait, nous n'avons pas attendu Fukushima pour nous préoccuper de sûreté nucléaire. Il va de soi que nous tiendrons compte des retours d'expertise. Flamanville ne sera pas exonérée d'audit. L'enquête publique sur le deuxième EPR est en cours de préparation. Un nouveau réacteur ? La question n'est pas à l'ordre du jour. La réflexion va être lancée. D'autres constructions relèveraient du choix du futur Gouvernement. Notre expertise en matière de démantèlement n'est pas si limitée.
M. Deneux a fait une intervention très intéressante. De fait, il n'y pas de lien entre l'âge d'une centrale et le nombre d'incidents. La durée de trente ans concerne l'amortissement, non l'espérance de vie. Une centrale de plusieurs décennies est plus sûre puisqu'elle a bénéficié des améliorations de sûreté à la suite de divers incidents dont on a fait le retour d'expérience.
Créer des filières industrielles autour des énergies renouvelables ? Un comité stratégique sera installé en juin.
M. Raoul a parlé de « double peine ». L'expression m'a fait sursauter ; elle caricature notre politique.
M. Daniel Raoul. - Je pourrais vous citer, à l'époque.
M. Éric Besson, ministre. - Si vous critiquez la loi Nome, ayez l'honnêteté de reconnaitre que l'ouverture du marché de l'énergie est due à la droite comme à la gauche : commencez par vous auto-flageller !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Donnez l'exemple !
M. Éric Besson, ministre. - Le premier paquet Énergie a été mis en oeuvre sous M. Jospin.
Que serait une politique alternative ? J'ai lu avec un intérêt tout particulier le projet socialiste.
M. Daniel Raoul. - Vous êtes un expert !
M. Éric Besson, ministre. - Oui, car les ambiguïtés et les faux-semblants sur le nucléaire ont été une des causes de ma rupture avec le parti socialiste. Je constate que vous voulez sortir du tout nucléaire, mais j'attends toujours de voir comment ! Le temps vous a sans doute manqué...
M. Poniatowski a eu raison d'insister sur la biomasse. Le tarif de rachat a doublé depuis 2008, conformément à l'engagement du président de la République. Le décret sur la méthanisation est devant le Conseil d'État.
J'espère ne pas porter préjudice à M. Chevènement en disant mon accord avec nombre de ses propos. Je n'aurais pas osé employer certaines de ses formules, comme « démagogique, obscurantiste et technophobe ».
Malgré un séisme de magnitude 9 et un raz-de-marée, la centrale de Fukushima a résisté.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Bref, ça pouvait être pire...
M. Éric Besson, ministre. - Ce sont les systèmes de refroidissement qui ont failli ; il faudra les consolider et installer des systèmes de secours.
On a le droit d'évoquer une sortie du nucléaire, ce n'est pas un sujet tabou, mais il faut dire par quoi on le remplace et à quel prix.
Je regrette que M. Mirassou ait encore demandé un moratoire. Je vous conseille un moratoire sur vos moratoires !
M. Jean-Jacques Mirassou. - J'irai répéter vos propos dans les cités ouvrières !
M. Éric Besson, ministre. - Monsieur Desessard, je reconnais votre cohérence, mais ne caricaturez pas mes propos : le risque zéro n'existe pas. Simplement, le risque, en France, est maitrisé. Et n'oubliez pas que le solaire et l'éolien sont, par essence, intermittents ni que les ménages allemands paient leur électricité deux fois plus cher que les Français et qu'un Allemand émet 40 % du gaz à effet de serre de plus qu'un Français. Il faut, un jour, se demander pourquoi... (Applaudissements sur les bancs UMP)
A la demande des groupes UMP et CRC-SPG, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l'adoption | 151 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La séance est suspendue à 13 heures.
présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président
La séance reprend à 15 h 5.