Expulsions locatives
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux expulsions locatives et à la garantie d'un droit au logement effectif.
Discussion générale
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. - Le comité de suivi du Dalo intimait, il y a quelques mois, l'ordre à l'État de ne pas rester hors-la-loi. De fait, le Conseil d'État qualifie le droit au logement opposable de droit fictif. La Fondation Abbé Pierre, suivie par l'Insee, estime à 3 millions le nombre de mal logés.
Car c'est bien plutôt la marchandisation du logement que ce Gouvernement met en place. Le nombre de logements sociaux se réduit comme peau de chagrin, tandis que la taxe sur les offices HLM va amputer leur capacité d'investissement. Comment respecter le Dalo si le nombre de logements construits reste insuffisant, en même temps que baisse le pouvoir d'achat ! Condamner les ménages à consacrer une parte croissante de leurs revenus à leur logement ? L'État, dans le même temps, se désengage de l'APL, dont la rétroactivité a été supprimée.
La pratique barbare des expulsions locatives, conséquence de cette situation difficile, a repris de plus belle. Des familles sans défense sont jetées à la rue. Il est urgent que cessent ces pratiques d'un autre âge, absurdité économique de surcroît puisque l'hébergement temporaire est souvent plus coûteux : 100 millions d'euros sont ainsi dépensés en nuitées d'hôtel en Île-de-France.
La Déclaration des droits de l'homme de 1946 reconnaît à toute personne le droit de disposer d'un logement décent. La convention de New York reconnaît ce même droit au logement.
Cette reconnaissance engage les États. La Cour de cassation, le 16 décembre 2008, a consacré l'effectivité directe de cet instrument dans notre droit. Depuis un arrêt de 1995 du Conseil constitutionnel, le droit au logement est reconnu comme un objectif à valeur constitutionnelle. Notre législation a consacré un droit au logement opposable. Pourtant, les expulsions sans relogement perdurent, voire progressent : de 48 % depuis 2008 ! La Défenseure des enfants n'a cessé de dénoncer le caractère traumatisant pour les enfants des expulsions effectuées avec le concours de la force publique. Il est temps de lever la contradiction entre droit au logement et expulsions sans relogement.
Les expulsions de locataires, y compris prioritaires, demeurent la règle, contrairement aux prescriptions internationales. Le comité de suivi du Dalo a adopté une motion pour l'interdiction de telles expulsions, ayant constaté que des personnes prioritaires ont été expulsées avec l'aide de la force publique, sans offre de relogement. C'est un déni de la loi.
Ce droit opposable, c'est le Conseil d'État qui le dit, risque d'apparaître fictif. Le comité de suivi demande que tout expulsable soit informé de ses droits, que l'usage de la force publique soit suspendu avant toute décision de la commission de médiation ; que l'indemnisation du propriétaire soit prévue en cas de non-usage de la force publique, comme cela est naturel.
Pour l'heure, l'État reste hors-la-loi. Les recours n'ont donné lieu qu'à un nombre très limité de relogements. 14 000 ménages sont prioritaires, alors que l'on sait qu'il reste très difficile de se faire reconnaître comme tel : si bien que l'écart entre demandeurs et relogés est plus important encore.
Le comité de suivi dénonce la confusion des critères dans la désignation des ménages prioritaires. Il faut, par exemple, ne pas s'en tenir à ceux qui font l'objet d'une demande de recours à la force publique !
À ces décisions, nous entendons opposer un véritable droit au logement, hors toute discrimination, en particulier à l'égard des étrangers réguliers. Et même si les sans-papiers ne sont pas concernés, ceux qui sont en difficulté n'en disposent pas moins d'un droit à l'hébergement -sauf à faire prospérer les marchands de sommeil.
Le non-respect par l'État de ses engagements constitue un trouble à l'ordre public, justifiant l'intervention de l'autorité municipale, qui doit pouvoir prendre des arrêtés anti-expulsion. Il est du devoir de toute personne investie d'une mission publique de veiller à la stricte application du principe du droit au logement.
Notre proposition de loi reprend les préconisations du comité de suivi. Il ne s'agit pas cependant de spolier les propriétaires...
M. Alain Gournac. - Ah ! (Sourires)
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. - ...puisqu'un droit à réparation est prévu au bénéfice des propriétaires. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme Isabelle Pasquet, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Objectif de valeur constitutionnelle, le droit au logement est loin d'être effectif. La crise économique, coupable idéal, n'est pourtant pas seule responsable de la détérioration de la situation, qui voit un nombre croissant de ménages menacés d'expulsion, tandis que le mal-logement ou le non-logement est en passe de devenir un fléau. J'espère que le débat riche et ouvert que nous avons eu en commission débouchera en séance sur des mesures concrètes.
Plus de 130 000 personnes restent sans domicile, autant résident à l'hôtel ou sont hébergées chez des particuliers. De nombreux enfants sont concernés. À cet hébergement contraint, chez des tiers, ont recours 43 % de personnes qui travaillent.
L'Insee évalue à 3,2 millions le nombre de personnes qui ne peuvent accéder à un logement satisfaisant. S'y ajoutent les gens du voyage, les squatteurs, ceux qui dorment dans leur véhicule, bien difficiles à recenser.
La Fondation Abbé Pierre confirme ce constat et relève que le nombre de demandes de logements HLM non satisfaites ne fait que croître.
Le rapport public du Conseil d'État propose des pistes de réflexion, estimant nécessaire que l'État dispose de statistiques de qualité et d'une expertise précise en matière de construction. Le rapport du Cese sur l'évaluation de la loi Dalo recommande de réorienter la politique du logement vers une offre accessible.
L'effort budgétaire est insuffisant, les choix financiers contestables. En loi de finances, le rapporteur pour avis a relevé l'érosion des moyens et l'insuffisante participation des employeurs. Malgré le rabotage des niches fiscales, les dispositifs de défiscalisation ont conduit à lancer des programmes sans utilité.
M. Guy Fischer. - Voilà !
Mme Isabelle Pasquet, rapporteur. - Il reste beaucoup à faire pour donner son effectivité au droit au logement. Ce texte, au dispositif resserré, entend donner une portée plus générale au Dalo et lutter contre la précarisation du logement.
Instituer un droit au logement opposable ne suffit pas à tout résoudre. Il y faut une volonté. Le législateur ne peut se satisfaire du bilan de la loi qu'il a votée. L'actuelle distinction entre nationaux et étrangers contredit au reste les engagements internationaux de la France. Quid des candidats au regroupement familial ? Le texte de 2009 ne règle rien.
Pour rendre le droit au logement plus effectif, il faut inciter à la collaboration de toutes les autorités concernées, lutter contre l'augmentation des loyers en un temps où les ménages à revenu modeste voient leur pouvoir d'achat toujours plus entamé. Quand un ménage ne peut plus faire face, il doit se voir proposer une solution adaptée.
Il doit être sursis aux expulsions de ces ménages avec le concours de la force publique tant qu'une solution ne leur a pas été proposée, sans léser cependant les propriétaires.
Tels sont les objectifs de cette proposition de loi, que je vous invite à adopter.
La commission des affaires sociales a décidé de ne pas proposer de texte, afin de laisser la discussion se dérouler sur le texte même de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. - La question des expulsions locatives est délicate : elle touche à des situations humaines qui ne manquent pas d'émouvoir. Face à cela, on peut être dans l'incantation, ou dans l'action. (Exclamations sur les bancs CRC) À votre proposition, axée sur le refus d'emploi de la force publique, le Gouvernement préfère la prévention.
M. Guy Fischer. - On a vu ce que cela donne...
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Si le locataire dispose des ressources pour payer, il n'est pas légitime de suspendre le recours à la force publique. Sur 100 000 jugements d'expulsion, 10 000 ont lieu avec le concours de la force publique. Il est difficile de disposer, sur cette base, de statistiques fiables quant à la bonne foi des locataires. Les préfets indiquent que le recours à la force publique est lié au trouble à l'ordre public ou à la mauvaise foi : j'ai demandé une enquête statistique pour le confirmer.
Et que deviennent les 90 000 familles expulsées sans le concours de la force publique ? J'ai demandé une étude de cohorte sur cette situation, aussi importante que la première.
Si la situation du locataire est temporaire, il existe des aides. Si elle est durable, le maintien dans les lieux n'est pas souhaitable. Mieux vaut chercher un relogement dans le parc social.
Privilégier ainsi le relogement, c'est privilégier la prévention. En demandant notamment au préfet d'accélérer le relogement des ménages prioritaires en danger. Je rappelle que dans 88 départements sur 100, le relogement est à quasi 100 %. Le problème concerne pour l'essentiel l'Île-de-France et la région Paca. Le droit au logement n'est pas fictif. Certes, il faut accentuer l'effort où le bât blesse, mais ne travestissez pas la réalité.
L'enjeu est aussi dans la reconquête du contingent préfectoral. Je l'ai engagé, en Île-de-France. De 80 relogements par mois en 2008, nous sommes passés à 500 en 2010. Les choses progressent.
Le vrai levier, ce n'est donc pas la suspension de l'usage de la force publique, mais la prévention. D'où les conventions Capex, dont je regrette que certains conseils généraux refusent de s'y engager. (Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi, proteste) Il faut agir en amont, dès le troisième mois d'impayé, pour prévenir les situations difficiles.
Je refuse d'opposer droit au logement, de valeur constitutionnelle, et droit de propriété, constitutionnel. Il faut trouver un équilibre entre les deux. Agir au détriment des propriétaires, ce serait susciter leur retrait, au détriment du droit au logement.
Interdire l'expulsion des locataires ayant déposé un recours Dalo ? Imaginez l'effet d'aubaine ! Il suffirait de déposer un recours juste avant la trêve hivernale pour être tranquille pour dix-huit mois. (Exclamations sur les bancs CRC)
Beaucoup nous ont reproché le PTZ+. Mais les tranches 9 et 10 que vous voulez supprimer ne sont pas des déciles de population. Vous les confondez avec les tranches de revenus que nous avons créées pour la prime : la tranche 9 commence à un niveau de ressources inférieur au plafond de revenus du logement social !
Ce Gouvernement est celui qui a battu tous les records de production de logements sociaux : après 120 000 en 2009, 131 000 en 2010 -c'est le record absolu depuis trente ans. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Alain Gournac. - C'est la vérité !
M. Thierry Repentin. - Avoir un toit est la première sécurité de la personne, celle qui subsiste quand tout le reste fait défaut. En 2009, la justice a prononcé 106 000 expulsions. Autant d'échecs ; expulser n'est pourtant pas une fatalité. Tout impayé ne se termine pas en expulsion. Sur les 4,3 millions de ménages en logement social, 250 000 ont des difficultés de paiement, et 3 500 seulement sont expulsés, avec le concours de la force publique.
La solution ? Prévention et accompagnement. Dès trois mois d'impayés, un travail de prévention est entamé. Les trois quarts des situations d'impayés sont ainsi résolues. Les propriétaires privés ont rarement les moyens humains de faire ce travail de prévention. Ils ne sont que 200 000 à faire appel à la GRC... Les assurances incitent les propriétaires à s'engager au plus tôt dans des procédures, on va vers des expulsions, tandis que la dette s'accumule. On voit ce qu'a de pervers le système assurantiel...
Le protocole d'accompagnement permet une suspension du bail, qui est ensuite rétabli dans les trois quarts des cas. J'appelle de mes voeux l'extension de telles procédures au parc privé.
Pourquoi autant d'expulsions dans les années 2000 ? Plus de 40 % sur la décennie, c'est considérable ! La corrélation est évidente avec l'inflation des prix immobiliers ; les loyers ont augmenté de 90 % de 2000 à 2009 ! Comment s'étonner que les impayés s'accroissent ainsi et touchent une part croissante de la population ?
S'il est de la responsabilité individuelle de payer son loyer, il est de celle de la nation d'assurer l'accès au logement.
Il faut pour cela agir sur les prix et accroître l'offre abordable. L'aide à la pierre ne sera bientôt plus suffisante que pour les Lilliputiens ! Enfin, il faudrait relever significativement les plafonds de l'aide au logement.
Le législateur aussi doit prendre ses responsabilités. On ne peut agir sur les expulsions sans agir concomitamment sur le niveau de vie de nos concitoyens et la part qu'ils peuvent consacrer à leur loyer. C'est peut-être le débat de 2012... (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Michel Baylet. - Au législateur de rendre les utopies réalisables ! La Fondation Abbé Pierre estime que 3,6 millions de français n'ont pas de logement satisfaisant. Elle évalue à 600 000 le nombre de logements indignes et à 1 000 000 les victimes des marchands de sommeil.
Proclamé en 1982, consacré par la loi Besson de 1990 puis par la loi Dalo de 2007, le droit au logement n'est toujours pas vraiment appliqué, malgré l'espoir considérable alors soulevé. La mise en oeuvre de ce droit opposable est laborieuse ; trop peu de ménages concernés y font appel. Seulement 19 000 personnes ont pu être relogées dans ces conditions. L'État se met ainsi hors-la-loi.
Certes, la crise du logement s'est amplifiée. Les loyers n'ont cessé de grimper alors que les ressources diminuaient, même pour les classes moyennes.
Et l'accession à la propriété n'est plus imaginable. Que fera une femme seule avec enfant, employée en temps partiel subi ?
Il faut attendre les 500 000 logements nouveaux par an, alors qu'on n'en est qu'à 300 000. Et il y a plus de deux millions de logements vacants. (M. Benoist Apparu, secrétaire d'état, s'afflige)
Alors, quelle politique, avec quels moyens ? Nous soutenons l'initiative du groupe CRC-SPG. Ce sont 107 000 ménages qui sont menacés de se retrouver à la rue. La logique actuelle est trop largement répressive. Le ministre nous parle de prévention, en particulier en taxant les propriétaires qui louent de petites surfaces à un prix abusif.
Les radicaux de gauche ont à coeur une véritable politique du logement, à dimension humaine. Ils voteront cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
M. Alain Gournac. - Le droit au logement est un des plus importants qui soit. Il conditionne l'accès à d'autres droits fondamentaux : droit à la vie familiale, à la santé, à l'éducation, au travail... Le logement est même une condition de la citoyenneté. Notre majorité a effectué une considérable avancée avec le Dalo. Cette proposition de loi traite de l'effectivité de celui-ci.
L'action du Gouvernement en la matière est remarquable tant pour le financement du logement social que pour la prévention des expulsions. Les chiffres parlent d'eux-mêmes ; on est passé de 40 000 logements sociaux par an, sous M. Jospin, à 110 000.
Notre ministre, dont je salue la détermination, s'est engagé à renforcer la prévention des expulsions. L'action doit être précoce. Désormais, les commissions de prévention doivent pouvoir être saisies dans chaque département.
Le développement de l'intermédiation locative permet le maintien dans les lieux. Cela a concerné 2 364 logements en 2010 ; le Gouvernement espère atteindre les 5 000 fin 2011. Un traitement social des locataires de bonne foi doit limiter les conséquences des impayés. En 2010, 50 000 ménages ont reçu un avis favorable d'une commission Dalo. En Île-de-France, 500 ménages Dalo sont relogés chaque mois, contre 278 en 2009 et 81 en 2008.
Quand tous les mécanismes de prévention ont été exécutés, on ne doit pas renoncer à recourir à la force publique qui n'a concerné que 11 % des ménages considérés.
Je salue le travail de notre rapporteur mais je pense que cette proposition de loi est une fausse bonne idée. Si le propriétaire ne peut récupérer son bien en cas d'impayé, il ne louera plus, ou exigera davantage de garanties.
La proposition de loi ne ferait qu'aggraver les difficultés du secteur. C'est la raison pour laquelle notre groupe ne la votera pas. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Droit au logement et droit de propriété sont tous deux constitutionnels, mais vous faites bien plus pour les propriétaires que pour les mal logés. Et l'on est loin du mythe élyséen d'une France de propriétaires : notre pays compte 8 millions de pauvres, vivant avec moins de 849 euros pour une personne seule.
À Paris, le prix du logement ne cesse de monter : une augmentation largement supérieure à celle du pouvoir d'achat et à l'inflation ; c'est ce que l'Insee appelle un accroissement des inégalités par le haut, accroissement des inégalités renforcé bientôt par la suppression du l'ISF. Présidence du pouvoir d'achat ? Il n'en est rien, même si vous avez reconnu le droit au logement, avec la loi Dalo... que vous n'appliquez toujours pas ! Les dépenses liées au logement diminuent et sont débudgétisées. L'État va même jusqu'à puiser dans les ressources du 1 % logement. À Paris, l'État est passé de 650 millions depuis 2005 à 500 millions pour les années à venir. Cela s'appelle une baisse.
Vous avez parlé d'encadrer les loyers pour les petites surfaces mais n'avez rien fait. Vous poussez à la spéculation avec les dispositifs Robien, Scellier, Périssol. À Paris, les maires des 7e et 16e arrondissements usent de moyens scandaleux pour s'opposer à toute construction de logements sociaux !
Même si le ministre se gargarise de chiffres mirobolants, la crise du logement atteint son paroxysme. Votre gouvernement se refuse à la réquisition de logements vides, à laquelle 74 % des Français se déclarent favorables. À Paris, sur 119 000 personnes ayant fait une demande de logement social, 12 500 ménages « prioritaires » en attendent toujours l'attribution. Il faut donc une application immédiate de l'ordonnance de 1945. Il y a 130 000 logements vacants à Paris ! Les réquisitions devraient aussi toucher nos 4,5 millions de mètres carrés de bureaux qui sont vacants -en vertu des exigences des agences de notation pour le AAA.
Nos propositions ne s'arrêtent pas à cette proposition de loi, qui donne quand même un signe : on ne peut vivre sans un toit ! (Applaudissements sur les bancs CRC et certains bancs socialistes)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
Mme Mireille Schurch. - Nos concitoyens font du logement, avec les retraites et l'éducation, un problème encore plus important que la sécurité. La peur de se retrouver SDF tenaille nombre de personnes, alors que jamais le coût du logement n'a été aussi élevé, au détriment non seulement des familles pauvres et modestes, mais même de familles moyennes. L'État oriente 70 % de ses investissements vers le secteur privé. Les APL ont diminué de 84 millions et ne sont plus rétroactives. Les expulsions locales continuent massivement.
En juin 2008, la France a été condamnée par le Conseil de l'Europe pour le manque de logements abordables et pour discrimination au détriment des immigrés et des gens du voyage.
Le Conseil d'État s'interroge en 2009 sur la manière de loger tous les habitants et d'honorer le Dalo. C'est dans cette perspective que nous avons rédigé cet article premier. Le Dalo est universel ; il transcende le statut des individus. C'est pourquoi le clivage en fonction de la nationalité ou de l'origine est inacceptable. Il ne peut y avoir de catégories orphelines de la protection accordée par les textes !
Nous souhaitons ainsi assurer la légalité des arrêtés anti-expulsions pris par certains maires, pour rechercher des solutions pérennes de relogement dans des conditions décentes.
L'article premier n'est pas adopté.
Article 2
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger ainsi cet article :
Nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu des articles L. 613-1 et L. 613-2 du code de la construction et de l'habitation, à titre transitoire jusqu'au 16 mars 2012, aucune expulsion ne pourra être exécutée à l'encontre des personnes reconnues prioritaires par la commission de médiation conformément à l'article L. 441-2-3 du même code, et tant qu'aucune offre de logement ou d'hébergement respectant l'unité et les besoins de la famille ne leur aura été proposée par ladite commission.
M. Thierry Repentin. - Nous proposons à nos collègues communistes un dispositif plus souple et aussi plus solide juridiquement. En octobre 2009, le rapporteur Braye s'était dit « sensible » au problème et chacun connaît la « sensibilité » de M. Braye. (Sourires)
Comment généraliser l'intermédiation locative si le Gouvernement n'agit pas en ce sens et si les propriétaires privés sont réticents ?
Mme Isabelle Pasquet, rapporteur. - Cet amendement ne produirait ses effets que jusque fin octobre 2011, puisqu'il ne peut y avoir d'expulsions pendant la trêve hivernale. La commission a donné un avis défavorable ; à titre personnel, je ne voterai pas cet amendement qui reste très en deçà de la proposition de loi.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Avis défavorable, mais pour d'autres raisons... (Sourires)
À mon sens, cet amendement va trop loin : il enverrait un signal très négatif.
Faut-il souligner que vous proposez, en somme, de suspendre les expulsions pour ne les reprendre qu'à la veille des présidentielles ? Ce doit être un hasard : je n'y vois aucune malice. (Nouveaux sourires)
Mme Odette Terrade, auteur de la proposition de loi. - L'État a obligation de faire en sorte que personne ne soit privé de son droit au logement. Notre article 2 va dans ce sens.
Est-ce inconstitutionnel ? Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur le principe de séparation des pouvoirs, qui veut que l'on ne puisse suspendre une décision judiciaire à une action administrative.
J'ajoute que le moratoire que vous proposez, programmé jusqu'en 2012, aurait peu d'effet, d'autant que le temps de la navette retarderait la date de sa mise en oeuvre.
La solution reste la construction de nombreux logements sociaux. Faut-il rappeler que le taux de surendettement a progressé de 17 % en deux mois cet hiver ? Enfin, cet amendement ne concernerait qu'une trop faible partie des personnes concernées par des expulsions. Malgré les bonnes intentions de nos collègues socialistes, nous nous abstiendrons.
L'amendement n°1 n'est pas adopté.
L'article 2 n'est pas adopté.
Article 3
Mme Évelyne Didier. - La question des expulsions locatives pose un sérieux problème dès lors qu'a été adoptée la loi Dalo. Ce droit au logement opposable n'est qu'un moyen de lutte contre l'exclusion sociale ; il ne peut tout résoudre.
Certaines régions de notre pays connaissent depuis longtemps de fortes tensions sur le logement, aggravées par la hausse considérable des prix immobiliers. Des choix locaux, à Marseille par exemple, ont pu concourir à cette tension, traditionnelle en Île-de-France et sur la côte méditerranéenne.
L'inscription au fichier Dalo devrait suffire pour justifier un non-recours à des décisions de justice.
À la demande du groupe CRC-SPG, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l'adoption | 131 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'article 4 n'est pas adopté.En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
La séance est suspendue à 19 h 30.
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
La séance reprend à 21 h 35.