Bioéthique (Suite)
M. le président. - Nous poursuivons l'examen des articles du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Discussion des articles (Suite)
Article 9 (Suite)
M. le président. - Amendement n°36 rectifié bis, présenté par M. P. Blanc, Mmes Hermange et B. Dupont et MM. Gilles et Darniche.
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le diagnostic prénatal n'a pas pour objet de garantir la naissance d'un enfant indemne de toute affection.
M. Paul Blanc. - En 2002, dans le débat sur le droit des malades, nous avions déposé, avec M. About, un amendement faisant suite à l'arrêt Perruche, pour éviter toute poursuite du médecin en cas de naissance d'un enfant handicapé. J'y reviens ici, par précaution.
M. Alain Milon, rapporteur. - Cet objectif est évident et cette mention figure déjà dans l'article. Retrait.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Paul Blanc. - Je suis rassuré.
L'amendement n°36 rectifié bis est retiré.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par Mme B. Dupont, MM. Beaumont, Bécot, Cazalet, Darniche et B. Fournier, Mmes G. Gautier et Hermange, MM. Hyest, Lardeux, Lorrain et du Luart, Mme Lamure, M. Pointereau, Mme Rozier et MM. de Rohan, Revet, Vial, J. Blanc et Bailly.
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
lorsque les conditions médicales le nécessitent
Mme Bernadette Dupont. - Cette condition avait été inscrite par M. Leonetti, qui est un homme sage, plutôt que frileux comme le prétend Mme Lepage. Le médecin doit garder sa liberté de prescription et nous ne devons pas nuire à la relation de confiance entre le médecin et son patient. La grossesse est un état normal de la femme, une période privilégiée qui doit rester sereine : l'abus d'examens ne doit pas nous faire courir le risque d'un eugénisme déjà latent. (Exclamations à gauche) Le dépistage de la trisomie 21 conduit à la suppression d'une partie de la population. On a vu ce qu'était l'eugénisme, quand certains régimes supprimaient les handicapés. (Vives exclamations à gauche)
M. Guy Fischer. - Inacceptable !
M. le président. - Amendement identique n°126 rectifié bis, présenté par M. Retailleau.
M. Bruno Retailleau. - Quand Mme Dupont s'exprime sur ce sujet, elle mérite toute notre estime et notre respect, de par son expérience même. La proposition des députés est équilibrée, en écartant le dépistage systématique -qui comporte le risque de la recherche d'un enfant « zéro défaut ». Le DPN n'est pas fiable à 100 % -700 embryons exempts de toute malformation sont détruits chaque année- et il peut être dangereux en provoquant des fausses couches. Je préfère m'en tenir à la conception classique du dépistage, pour minimiser les risques, laissant le libre choix, dans la relation de confiance entre le médecin et son patient. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. le président. - Amendement identique n°135 rectifié, présenté par Mme Payet, M. Détraigne et Mme Férat.
Mme Anne-Marie Payet. - Le diagnostic prénatal a un large champ d'application, en dépit des risques de fausses couches. Et 96 % des diagnostics de trisomie 21 débouchent sur une IMG. La France détient le record mondial de dépistage anténatal, des voix s'élèvent pour dénoncer une nouvelle forme d'eugénisme. Les professeurs Sicard, ancien président du CCNE, et Mattei s'en sont émus. Il y a un risque de judiciarisation de la naissance : les praticiens, pour éviter les procès, proposent systématiquement le dépistage. Les grossesses deviennent anxiogènes, des femmes en témoignent ainsi que de leur souffrance après leur IMG. La médecine prénatale a pu être qualifiée de thanatophore en ce qu'elle n'a à proposer que la mort du foetus. La France s'est engagée sur une mauvaise voie en détenant le record mondial du dépistage et de l'IMG. Développons plutôt une politique d'accompagnement des parents et d'accueil des handicapés !
M. Alain Milon, rapporteur. - Des chiffres cités sont faux et, même si j'ai beaucoup d'admiration et d'amitié pour Mme Dupont, ses propos ne servent pas sa cause. Les accidents liés à l'amniocentèse ont diminué fortement depuis quatre ans.
Que le DPN soit proposé seulement quand les conditions médicales le nécessitent poserait plus de problèmes, que ça n'en résoudrait, en portant atteinte au droit du patient à être informé et au principe d'autonomie de la décision de la femme puisque le médecin déciderait tout en étant sous la pression de poursuites éventuelles au cas où il ne prescrirait pas le diagnostic. Cela créerait aussi une rupture d'égalité entre les femmes. La plupart des professionnels et des sociétés savantes sont opposés à cette mesure : le DPN est une étape essentielle du suivi de la grossesse, qu'il faut respecter tout en respectant la liberté de la femme.
La commission est défavorable à ces amendements.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Avis favorable. Les tests proposés ne sont pas imposés : c'est conforme aux bonnes pratiques recommandées par la Haute autorité de santé. Le patient a droit à l'information : le professionnel propose, la femme décide. Le dépistage diminue le nombre d'amniocentèses. Il n'y a pas 96 % des femmes qui interrompent la grossesse après un DPN, mais 87 % après un test faisant apparaître une trisomie 21 : 13 % des femmes concernées acceptent donc de faire naître un enfant handicapé. La grossesse deviendrait anxiogène ? C'est plutôt que les femmes ont désormais leurs enfants plus tard et connaissant les risques qu'elles courent, elles préfèrent passer des examens pour apaiser leurs craintes.
M. Guy Fischer. - Madame Dupont, vous nous accusez de soutenir une politique eugéniste : vos propos sont inacceptables, tout comme ceux de Mme Payet et de M. Retailleau. Je remercie M. le rapporteur et Mme la ministre d'avoir su dire quelle est la réalité du DPN ; le test n'est pas imposé. Le choix est entre les mains des femmes.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je souscris pleinement aux propos de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Madame Dupont, quels systèmes totalitaires visez-vous ? Rattachez-vous à ces systèmes -que vous ne nommez pas- tous ceux qui ne sont pas de votre avis ? Votre position vaut-elle pour tout votre groupe ? Que valent vos accusations sans preuve ?
Nous avons reçu bien des courriers d'associations, au Sénat comme à notre domicile : c'est une pression inacceptable. Nous ne voterons pas ces amendements et nous demandons un scrutin public !
M. Jean-Louis Lorrain. - Je n'entrerai pas dans la polémique. Cependant, refuser le caractère systématique du DPN n'était pas une mauvaise chose. Nous avons le droit de vouloir changer le regard sur le handicap. Je crois ces amendements conformes à notre déontologie tout comme au code de la santé publique, qui reconnaît la liberté du médecin à choisir la voie la plus appropriée. Je suis contre les prescriptions automatiques. Parce que je défends les droits de l'homme, je veux me prémunir contre les dérives technoscientifiques.
M. Claude Léonard. - J'ai quitté mon cabinet médical pour le Sénat il y a un dizaine de jours : c'est en me sentant très concerné que je vais voter contre ces amendements. Ils introduisent de l'arbitraire puisque tous les médecins n'auront pas la même approche et se retrouveront en situation difficile, en ces temps de judiciarisation, comme on l'a vu avec l'arrêt Perruche. Les médecins ont une obligation d'informer, pour que le patient choisisse sans la contrainte du médecin ; c'est la base de l'exercice de la médecine.
Mme Raymonde Le Texier. - Je ne vous comprends pas, madame Dupont. Pour vous, l'enfant est sacré dès sa conception : je respecte cette position ; cependant, vous faites l'impasse sur la souffrance des parents qui apprennent que leur enfant sera handicapé, et vous faites comme si tous les parents étaient également généreux et disponibles. Et vous oubliez la souffrance des enfants, qui n'ont pas tous des parents capables de les accepter : combien d'enfants trisomiques ai-je vu, confiés à la Dass !
Mme Bernadette Dupont. - La souffrance est pour tout le monde, l'enfant handicapé lui-même souffre, mais c'est un être humain, avec sa dignité. Ces amendements visent à ce qu'il n'y ait pas un abus d'examens, car la proposition systématique pousse les femmes à le faire. Je ne suis pas sûre qu'une IMG vaille mieux qu'élever un enfant handicapé. Quand dans un diagnostic on vise à repérer une population pour l'éliminer, on entre dans une forme d'eugénisme : on ne peut supprimer 300 enfants par an comme si de rien n'était. La trisomie 21 est dépistée, alors qu'il y a bien d'autres maladies génétiques... Monsieur Godefroy, vous savez comme moi qu'en Allemagne, avant la guerre, on a rassemblé les handicapés pour les éliminer. (Exclamations à gauche)
M. Jean-Pierre Godefroy. - Vous nous assimilez à cela ?
Mme Bernadette Dupont. - Aujourd'hui, la science a les moyens de pratiquer autrement mais c'est encore supprimer des vies. Ces personnes handicapées ont droit au respect des êtres humains qu'elles sont ! Toute vie mérite d'être vécue si elle est assumée et bien accompagnée.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Devant notre commission, le professeur Nisand a parlé d'euthanasie active en constatant que notre médecine était devenue « eugénique », en passant du dépistage au diagnostic, sans débat démocratique. Le Professeur Sicard a souligné qu'aucun pays n'est allé aussi loin que nous dans le dépistage de la trisomie 21 et que la pression sur les femmes est si forte que celles qui laissent vivre un handicapé sont diabolisées.
Il a ajouté, même, que le cerveau d'Einstein ne passerait pas la barre du test échographique : son lobe pariétal serait trop suspect.
Mme Anne-Marie Payet. - Je n'ai pas dit que 96 % des DPN ouvraient sur une IMG, je parlais des cas où la trisomie 21 est identifiée. Madame Le Texier, le handicap n'est pas forcément synonyme de souffrance. Je me rappelle particulièrement cette jeune fille aveugle qui exprimait sa joie de vivre et qui à la fin de l'émission de télévision où elle apparaissait chanta « Comme un enfant aux yeux de lumière »...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Pour connaître de près des trisomiques, je sais que l'on peut établir avec eux des relations très affectueuses mais le problème se pose pour eux quand leurs parents vieillissent. Vous dites qu'à l'occasion des IMG on tue des enfants, mais il s'agit d'embryons, qui ne seront des personnes qu'à leur naissance et dans le cadre de leur famille ! Enfin, nul ne peut imposer ses conceptions religieuses ou philosophiques dans un pays laïc. (Applaudissements à gauche)
M. Alain Milon, rapporteur. - Le professeur Nisand a regretté l'absence de débat démocratique à propos du DPN, mais il s'est dit favorable à cet examen.
À la demande du groupe socialiste, les amendements identiques n°s1 rectifié quater, 126 rectifié bis et 135 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 36 |
Contre | 291 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°103, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 6, première phrase
Après les mots :
le cas échéant
insérer les mots :
ou à sa demande
M. Guy Fischer. - La rédaction actuelle laisse au seul prescripteur du DPI la responsabilité d'orienter la femme enceinte vers ces centres. A notre sens, celle-ci doit pouvoir exercer son choix.
M. Alain Milon, rapporteur. - La précision ne semble pas utile. Sagesse.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Favorable.
L'amendement n°103 est adopté.
M. le président. - Amendement n°19, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 6, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
M. Jean-Pierre Godefroy. - L'intention est louable mais la remise par le médecin d'une liste d'associations pourrait être perçue comme une pression exercée sur une femme fragilisée par une situation difficile. « Liste » est déjà un progrès : à l'origine, c'était « une association ». Or ces associations ont plutôt tendance à tenir un discours positif, en évacuant la souffrance.
M. le président. - Amendement identique n°104, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Mme Marie-Agnès Labarre. - Apprendre que le foetus est atteint d'une maladie génétique est bouleversant. Dans ces conditions, la remise d'une liste d'associations spécialisées et agréées peut être vécue comme une forme de pression. Les conditions dans lesquelles a été adopté cet alinéa montrent clairement dans quel sens on voulait aller... Il ne s'agit pas d'une information neutre mais partisane.
M. Alain Milon, rapporteur. - Communiquer une liste d'associations est utile pour la femme enceinte. Ces associations doivent être agréées, ce qui écarte tout risque.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Même avis défavorable : il s'agit là du droit des patients à l'information. L'agrément est une garantie contre les sectes.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Dans le premier texte, c'était « une » association. Il est question maintenant d'une liste ; la question donc se pose de savoir si c'est au médecin de la donner. Je suppose que vous avez comme moi reçu des courriers.
Si leurs auteurs se retrouvent dans les associations de cette liste, je crains le pire pour la liberté de choix de la femme enceinte. Le risque est réel que ces associations ne délivrent que des informations tronquées et partiales.
M. Alain Milon, rapporteur. - Dans cet article, il a toujours été question d'une liste d'associations. C'est dans un autre -les tests génétiques- qu'il n'y en avait initialement qu'une.
Les amendements identiques nos19 et 104 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°102, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toute femme enceinte ayant eu des antécédents médicaux ou familiaux en la matière peut demander à bénéficier d'une consultation médicale préalable à la réalisation de ces examens.
Mme Isabelle Pasquet. - Les femmes qui ont connu la maladie qu'elles suspectent chez leur enfant ont particulièrement besoin d'une telle consultation médicale préalable dès lors qu'elles en font la demande.
M. Alain Milon, rapporteur. - Défavorable à cet amendement trop flou pour être opérant. Quels sont ces antécédents ? Le DPN est une suite de consultations médicalisées.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - L'alinéa 6 vous donne satisfaction pour les cas de risque avéré.
L'amendement n°102 n'est pas adopté.
L'article 9, modifié, est adopté.
L'article 10 demeure supprimé.
Article 11
M. Bernard Cazeau. - Les arguments contre le DPI se fondent sur une opposition larvée à l'IVG. Quant à ceux qui évoquent un eugénisme, ils sont victimes d'un fantasme.
L'article11 est adopté.
Article 11 bis
M. le président. - Amendement n°128 rectifié bis, présenté par M. Retailleau, Mme Hermange et MM. Vial, Darniche, B. Fournier et Revet.
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 2131-4-1 du code de la santé publique est abrogé.
M. Bruno Retailleau. - La loi du 6 août 2004 a autorisé à titre expérimental la pratique dite du double DPI ou encore DPI-HLA, aussi nommée technique du « bébé médicament », qui opère une double sélection des embryons : le diagnostic consiste d'abord à éliminer les embryons porteurs de l'anomalie génétique et, ensuite, à ne retenir que celui qui présente la meilleure compatibilité immunologique en vue de la greffe.
Cette pratique éthiquement choquante est rendue inutile par les usages du sang de cordon.
M. le président. - Amendement identique n°149, présenté par Mme Payet.
Mme Anne-Marie Payet. - Le DPI a été autorisé pour lutter contre les maladies génétiques rares, mais il nécessite 28 embryons pour une naissance. La loi de 2004 a autorisé une nouvelle transgression avec le double DPI. Quel est son intérêt ? Une banque du sang de cordon permet de ne plus recourir à ce double DPI. La pratique du « bébé médicament », qui transforme l'enfant en ressource biologique n'a sans doute été adoptée que de façon trop hâtive.
M. le président. - Amendement n°38 rectifié bis, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Lecerf, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia, Bailly et Mayet et Mmes Bruguière et B. Dupont.
Alinéa 2
Après les mots :
l'article L. 2131-4
insérer les mots :
à titre expérimental pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° du relative à la bioéthique
Mme Marie-Thérèse Hermange. - En 2004, le DPI-HLA n'avait été mis dans la loi que de façon expérimentale, dans l'attente de réponses éthiques. Ayons la sagesse, au moins, de continuer de recourir à une phase expérimentale. Le rapporteur veut poursuivre à tout prix avant de répéter « stoppons, stoppons ! ». Je réponds : ayons une vraie politique pour le sang de cordon.
On met avec le DPI-HLA un enfant sur le marché pour en soigner un autre.
M. Guy Fischer. - C'est caricatural !
M. le président. - Amendement n°20, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, et sous réserve d'avoir épuisé toutes les possibilités offertes par les dispositions des articles L. 1241-1 et suivants,
Mme Raymonde Le Texier. - Cet article transforme l'enfant de la deuxième chance en enfant de la dernière chance. Mettons un terme à la dérive sémantique que le sujet en cause suscite. On parle de respect de l'enfant, et on le stigmatise !
Une famille qui veut avoir un enfant de plus, bien portant, est-ce choquant ? Si cet enfant peut aider à la guérison d'un aîné, est-ce choquant ? Pourquoi ce discours stigmatisant, ces mots « bébé médicament » ? Cessons avec ce vocabulaire. Ces enfants sont l'expression d'un projet parental et non un produit scientifique.
M. Alain Milon, rapporteur. - Le DPI-HLA est une procédure exceptionnelle encadrée très strictement par la loi. Il a été introduit par la loi de 2004 à titre expérimental, sans date ultime.
Il y a eu douze demandes acceptées par l'ABM, ayant abouti à sept grossesses. Dans un des cas, l'enfant était incompatible et ses parents en ont souhaité la naissance. L'aîné est mort peu après sa naissance.
La commission a entendu Mme Hermange et Payet en précisant que le DPI-HLA serait un dernier recours. Cette rédaction est contraire à la suppression de cette technique. Défavorable donc aux amendements n°s128 rectifié bis et 149.
Il est probable que l'avancée des sciences permette de sortir de ce débat ; l'amendement n°38 rectifié bis est donc inutile. Défavorable aussi à l'amendement n°20, qui refuse l'ajout que la commission a accepté.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - L'avis est également défavorable, car le double DPI répond à un besoin et donne un espoir aux familles éprouvées. Dix familles ont été prises en charge pour cette technique, sur vingt demandes, un enfant est né dans ce cadre. Mais le DPI-HLA reste la solution unique pour certaines maladies. La technique est connue et a été expérimentée. Défavorable par conséquent aux amendements identiques n°s128 rectifié bis et 149, ainsi qu'à l'amendement n°38 rectifié bis qui risque d'être censuré par le Conseil constitutionnel, et à l'amendement n°20 qui va trop loin.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Un mois avant l'expérience du professeur Frydman, le professeur Eliane Gluckman a utilisé du sang de cordon pour la même pathologie. Le DPI-HLA n'est donc pas indispensable.
M. François Zocchetto. - Si cette technique a été très peu utilisée, c'est que chacun ressent le malaise que suscite cette transgression. Comment faire supporter à un enfant la responsabilité de ne pas guérir son frère ou sa soeur ? Si l'on ne maîtrise pas moralement une technique, mieux vaut l'empêcher, surtout qu'existe une autre possibilité technique. Le législateur de 2004 s'est un peu aventuré : il serait raisonnable de mettre un terme à cette pratique.
Les amendements identiques n°s128 rectifié bis et 149 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°38 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement n°20 n'est pas adopté.
M. Bernard Cazeau. - J'approuve pleinement cet article. Le politique doit offrir aux citoyens la possibilité de bénéficier pleinement des avancées de la science. Le DPI-HLA apporte de nombreux espoirs. La naissance de Clamart a fait couler beaucoup d'encre : on a craint un risque d'instrumentalisation. Si des cellules souches utilisables étaient disponibles en banque, ce serait évidemment la solution. On n'en est pas là.
Accueillir un enfant non atteint par une maladie génétique est déjà un bonheur : s'il peut aider à guérir son aîné, comment s'en plaindre ! Que prônez-vous ? Que les parents s'interdisent d'avoir un autre enfant, en faisant l'apologie de la souffrance rédemptrice ? Qui sommes-nous pour juger les parents ? Chaque enfant est un cadeau. M. Bertrand a félicité personnellement le professeur Frydman. Mettez-vous d'accord !
Mme Marie-Thérèse Hermange. - J'espère que le Gouvernement a félicité aussi Mme Gluckman ! Cela fait dix ans qu'elle insiste pour qu'on ait en France une politique de cellules souches. Il y a là des problèmes financiers, nous dit la directrice de l'Agence de biomédecine. Mais pas pour les embryons ou les dons de gamètes...
M. Bruno Retailleau. - Le Conseil d'État lui-même a insisté sur les risques que faisait courir le DPI-HLA.
J'aimerais que la gauche cesse de nous donner des leçons. Nos opinions, posées, méritent d'être entendues.
M. Dominique de Legge. - Je voterai contre cet article.
Puisse M. Cazeau ne pas nous prêter des intentions que nous n'avons pas. Nos opinions valent bien les siennes. (Applaudissements sur quelques bancs UMP)
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'article 11 bis, mis aux voix par assis et levé, est adopté.
L'article 12 est adopté.
Article 12 bis
M. le président. - Amendement n°127 rectifié, présenté par M. Retailleau, Mme Hermange et MM. Vial, Bailly, Darniche, B. Fournier, Mayet et Revet.
Compléter cet article par les mots :
et notamment sur les pistes de financement et de promotion de la recherche médicale pour le traitement de la trisomie 21
M. Bruno Retailleau. - J'attends avec impatience l'avis de la commission et du Gouvernement !
Cet amendement a pour objectif de rétablir la demande d'un rapport sur les pistes de financement, notamment public, de la recherche sur la trisomie 21. Plus de 50 000 personnes en sont atteintes et leur durée de vie a doublé grâce aux progrès de la médecine. Or, la recherche publique sur les maladies rares ne s'intéresse pas à cette maladie.
Des chercheurs espagnols ont mis au point une molécule dont l'efficacité n'est pas nulle. Pourtant, en France, on consacre 100 millions au dépistage et rien aux soins.
M. Alain Milon, rapporteur. - L'article 12 bis prévoit d'ores et déjà un tel rapport, consacré à toutes les trisomies, pas seulement la 21.
Il est vrai que le plan Maladies rares ne traite pas de la trisomie 21, pour cette raison simple que cette maladie n'est pas rare, touchant plus de 30 000 personnes. Défavorable.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Sagesse.
Une dizaine de projets de recherches se consacrent à la trisomie 21. Les avis sont donnés en fonction des projets soumis.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°127 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.
Mme Marie-Thérèse Hermange. - C'est aller contre la recherche !
M. Alain Milon, rapporteur. - Je ne suis pas contre la recherche sur la trisomie 21 : l'amendement n°127 rectifié est plus restrictif que notre rédaction, qui visait toutes les trisomies.
M. Bruno Retailleau. - Au lieu de mettre le paquet sur la recherche, on tergiverse. Il n'y a pas d'équilibre.
L'article 12 bis est adopté.
Article 12 ter
M. le président. - Amendement n°168, présenté par le Gouvernement.
Supprimer cet article.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Cet article concerne les enfants nés sans vie.
Dès 2008, la réglementation a autorisé la présence de ces enfants mort-nés dans des documents civils, l'acte de l'enfant sans vie, et permis de leur organiser des funérailles et de leur donner un prénom. Cependant, nous ne pouvons aller plus loin. La personnalité juridique exige la viabilité, elle s'apprécie au cas par cas. Or, cet article introduit dans la loi deux critères anatomiques de la viabilité : la durée de 22 semaines de grossesse et un poids foetal d'au moins 500 grammes. Un seul de ces critères suffirait pour accorder à l'enfant la personnalité juridique, automatiquement : ce n'est pas raisonnable, et serait en contradiction notamment avec les interruptions médicales de grossesse pratiquées parfois à un stade avancé. En outre ces critères introduisent un effet de seuil et donnent au médecin une responsabilité accrue. Ces raisons, partagées, je crois, par votre commission des lois, justifient la suppression de l'article.
M. Alain Milon, rapporteur. - Près de 6 000 enfants mort-nés sont concernés. La Commission estime qu'il s'agit là d'un vrai problème qui justifie l'intervention de la loi. Le Médiateur s'en est inquiété. Avis défavorable.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - La réglementation de 2008 prévoit que c'est le certificat d'accouchement qui garantit l'existence de l'enfant mort-né. Il est difficile d'introduire dans le code civil des seuils d'accès à la personnalité juridique indépendamment des circonstances. A titre personnel, je voterai l'amendement du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Le Gouvernement s'est déjà opposé à la reconnaissance des enfants nés sans vie. Je ne comprends pas vos arguments. Pourquoi refuser cet article ? J'aurais compris que vous proposiez une autre rédaction... Des effets de seuil ? Ces seuils sont reconnus internationalement par l'OMS et garants de l'égalité entre les familles alors qu'aujourd'hui, tout dépend du médecin qui établit l'acte. L'IVG serait remise en cause ? Elle est distincte du critère de viabilité, puisqu'elle est encadrée par des délais stricts. Vous préférez le critère de l'accouchement, mais il vous a fallu une circulaire de treize pages pour définir les conditions de délivrance du certificat d'accouchement. La France est devenue le seul État de l'Union européenne à ne pas définir dans la loi la viabilité, alors qu'elle a des conséquences essentielles sur la définition de l'état civil, en particulier sur la responsabilité. Le décret de 2008 n'a pas réglé le problème : la viabilité reste une définition juridique. Vous faites référence, enfin, à une circulaire d'un directeur de la sécurité sociale pour la délivrance des droits sociaux, qui mentionne la durée de la grossesse. La Cour de cassation estimant que la question relevait de la loi, a appelé le législateur à faire oeuvre d'harmonisation. Le Médiateur de la République va dans le même sens.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je m'étonne également de cet amendement. Lors du débat sur la loi de simplification du droit, M. Hyest nous a renvoyés à la loi bioéthique pour répondre à la question posée : nous y voici, mais le Gouvernement refuse encore ! Le Médiateur a souligné qu'une loi serait nécessaire.
La viabilité doit être définie légalement, en raison même des conséquences pour l'état civil, au regard des droits civils et sociaux et de la responsabilité pénale qui leur sont associés. L'absence de définition légale est source de contentieux et d'inégalités de traitement. Enfin, la commission reprend dans cet article la définition même qui fait consensus à l'OMS.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Les critères sont appréciés par le médecin, au cas par cas : il n'est pas à l'être par la loi. Un enfant anencéphale, par exemple, serait considéré viable au regard des critères que vous proposez, alors qu'il ne le serait pas. Cette définition légale remettrait en cause l'IMG au-delà de la 22e semaine, ainsi que les droits sociaux, alors que la lettre du directeur de la sécurité sociale a réglé cette question.
L'amendement n°168 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°44 rectifié ter, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Lecerf, Darniche, Portelli, B. Fournier, Vial, Cointat, Retailleau, Pozzo di Borgo, Couderc, del Picchia, Bailly, Mayet et Pinton, Mme Bruguière, M. P. Dominati et Mme B. Dupont.
Rédiger ainsi cet article :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l'article 79-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« À la suite de son établissement et à la seule demande des parents, l'acte ainsi établi permet l'attribution d'un ou plusieurs prénoms, la reconnaissance de la filiation à l'égard de la mère et du père cités dans l'acte, ainsi que l'inscription, à titre de mention administrative, dans le livret de famille. Il autorise enfin les parents à réclamer, dans un délai de dix jours, le corps de l'enfant décédé pour organiser ses obsèques. » ;
2° Le premier alinéa de l'article 310-3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle peut également se prouver par l'acte d'enfant né sans vie. »
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Tous les ans, on compte 5 000 à 6 000 enfants mort-nés ou nés sans vie. Toutes les parties concernées par ces drames s'accordent sur un nécessaire accompagnement des parents, des familles concernées. Nous proposons de décrire, et le plus précisément possible, les conséquences de l'acte d'enfant né sans vie pour mieux prendre en compte la douleur des familles, tout en rappelant que toutes ces prescriptions sont laissées à la libre appréciation des familles, dont la volonté doit être absolument respectée.
M. le président. - Amendement identique n°147, présenté par Mme Payet.
Mme Anne-Marie Payet. - Nous voulons prendre en compte la douleur des parents d'enfants nés sans vie et les aider à faire leur deuil.
M. le président. - Amendement n°62 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
Alinéa 2
Après les mots :
production d'un certificat médical
insérer les mots :
ou de deux certificats médicaux
M. Gilbert Barbier. - Le constat de viabilité est parfois décalé dans le temps. Nous prévoyons un ou deux certificats médicaux car le médecin ayant constaté la naissance n'est pas forcément le même que celui qui a constaté le décès, compte tenu du délai de 48 heures pour la déclaration qui peut se prolonger avec les jours fériés.
L'amendement n°63 rectifié est retiré.
M. Alain Milon, rapporteur. - La commission souhaitait entendre le Gouvernement sur la réécriture de l'article 12 ter, mais ce dernier a entre-temps proposé de le supprimer. La rédaction nouvelle proposée par ces amendements, cependant, nous paraît moins précise que celle de la commission : nous suivrons la commission des lois sur les amendements identiques nos44 rectifié bis et 147. Sagesse sur l'amendement n°62 rectifié.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - La commission des lois ne s'est pas réunie pour examiner ces amendements qui traitent d'un sujet douloureux. Ils assimilent l'acte d'enfant né sans vie à un acte de naissance. Il semble difficile de modifier les règles de la filiation. Je m'en remets à l'avis du Gouvernement.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Avis défavorable aux deux amendements identiques, car l'acte d'enfant sans vie, dans cette rédaction, reviendrait à reconnaître à l'enfant mort-né une personnalité juridique dépendante de la seule volonté des parents. L'acte de l'enfant sans vie mentionne déjà le nom des parents et le prénom de l'enfant dans le livret : cela va dans le sens de votre préoccupation.
Avis défavorable à l'amendement n°62 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je me range à l'avis de M. le rapporteur.
L'amendement n°44 rectifié ter est retiré.
L'amendement n°147 n'est pas adopté.
L'amendement n°62 rectifié n'est pas adopté.
L'article 12 ter est adopté.
Prochaine séance demain, jeudi 7 avril 2011, à 9 h 30.
La séance est levée à 23 h 55.
René-André Fabre,
Directeur
Direction des comptes rendus analytiques
ORDRE DU JOUR
du jeudi 7 avril 2011
Séance publique
À 9 HEURES 30
1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (n°304, 2010-2011).
Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°388, 2010-2011).
Texte de la commission (n°389, 2010-2011).
Avis de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°381, 2010-2011).
À 15 HEURES, LE SOIR
ET, ÉVENTUELLEMENT, LA NUIT
2. Questions d'actualité.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.