Débat d'orientation sur la dépendance (Suite)
Débat interactif et spontané
Mme Muguette Dini. - Quel sera le sort des services à la personne et leur régime fiscal ? La suppression de l'abattement forfaitaire de 15 % pour les particuliers employeurs et de la franchise de cotisations patronales pour les services destinés aux publics non fragiles pourrait renchérir la prise en charge et diminuer la demande. Les personnes les plus en difficultés seront les premières victimes de la hausse des tarifs.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - L'État a consenti un effort financier massif pour les services à la personne : 6,5 milliards d'euros par an, soit une hausse de 40 % depuis 2006 ! Dans le cadre de la réduction des niches fiscales, nous avons suivi les préconisations de la Cour des comptes et recentré les dispositifs sur les publics prioritaires. La réduction d'impôt de 50 % sera maintenue. Le coût moyen pour un particulier employeur sera de 16 euros par mois, pour six heures de services hebdomadaires. J'ai promis un bilan et j'y suis prête.
M. Jacky Le Menn. - Il est bon que le rapport sénatorial n'ait pas retenu la suppression du GIR-IV. En revanche, sur le retour sur succession, on veut revenir en arrière, au régime de la PSD !
De peur de perdre un petit héritage, les familles choisiront le maintien à domicile même pour des dépendances lourdes, au détriment de la personne concernée. Ce serait un recul grave.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - L'Assemblée nationale voulait concentrer l'effort sur le GIR-I et le GIR-II où le reste à charge est le plus lourd et les soins les plus nécessaires. Mais j'ai insisté sur la prévention : la suppression du GIR-IV serait un mauvais calcul.
M. Alain Vasselle, rapporteur. - N'assimilez pas le gage au retour sur succession. Il s'agit d'un choix fait par la personne dépendante ; son montant est forfaitaire et donc non confiscatoire; il ne remet pas en cause le caractère universel de l'APA ; le seuil de patrimoine devrait être de 200 000 euros. En 2003, les personnes âgées en perte d'autonomie avaient un patrimoine médian de 130 000 euros -on devrait aujourd'hui avoisiner les 150 000. Les moins riches seront donc exclus.
Le plafond d'aide devrait varier en fonction de la zone, à l'instar de ce qui existe pour le logement, car le coût de la vie n'est pas le même partout.
M. Jacques Blanc. - Les problèmes de la dépendance et du handicap sont distincts. Mais donnons l'assurance aux personnes handicapées que, vieillissantes, elles pourront bénéficier des aides accordées au titre de la dépendance.
L'un de nos collègues parlait d'établissements à la campagne. Il faut développer la notion du « domicile de secours », qui doit rester le domicile d'origine.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il n'est pas question de confondre les problèmes, mais les associations de handicapés ont beaucoup à nous apprendre, car ce sont des laboratoires d'innovation sociale. Imaginons des solutions compatibles.
Des Ehpad dans les campagnes ? Le département d'origine est toujours celui qui verse l'aide. Il est possible d'évaluer les incidences d'un transfert.
Dans certains endroits, on commence à voir des établissements sous-occupés : attention à ne pas reproduire les mêmes erreurs que dans le secteur sanitaire en créant des surcapacités !
M. Guy Fischer. - Les établissements pratiquent des tarifs très élevés : entre 2 000 et 4 000 euros. Très souvent, les résidents sont incapables d'assumer seuls cette charge.
La professionnalisation du personnel améliore les conditions de travail et de vie, mais elle ne devrait pas avoir pour effet d'écarter les moins riches, qu'on rencontre en zone rurale mais aussi dans les quartiers populaires ! Comment réduire le coût d'une journée sans diminuer l'encadrement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le taux d'encadrement augmente, et le programme de médicalisation des Ehpad est en cours.
Le rapport Vasselle évoque des référentiels opposables de coûts d'hébergement. Il faut accompagner les familles et améliorer le référencement des Ehpad, car les deux paramètres pris en compte -la distance et le tarif- ne reflètent pas la qualité des prestations.
La formation du personnel est essentielle. Toutes les institutions gérées par les régions devront y réfléchir. Trois régions développent des pôles gérontologiques, c'est très intéressant.
Mme Isabelle Debré. - Ce débat honore notre assemblée. L'article 63 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a institué une tarification à la ressource, afin d'attribuer plus équitablement les moyens aux établissements. Mais le décret d'application n'a toujours pas été publié. Quand cela sera-t-il fait ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - J'avais oublié de répondre à M. le rapporteur. De longues discussions ont eu lieu. Le dernier texte maintenait le caractère optionnel du forfait intégral. Un groupe de travail a été constitué entre l'assurance maladie et la CNSA : il a montré les difficultés à suivre la consommation médicale des résidents. Je ne dispose donc pas des chiffres nécessaires pour publier ce décret. Mais je le ferai dans les meilleurs délais.
M. Yvon Collin. - Madame le ministre, vous avez lancé une concertation nationale. J'espère que la réforme ne sera pas imposée comme celle des retraites. La perte d'autonomie doit être prise en charge par la solidarité nationale : il y a quatre ans, M. Sarkozy parlait d'une cinquième branche. Mais il est aujourd'hui question de confier ce domaine au secteur assurantiel, au risque de créer un système à plusieurs vitesses.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'est bien la solidarité publique -nationale à 80 %, territoriale à 20 %- qui finance la prise en charge de la dépendance : 25 milliards cette année. Le reste à charge des familles représente 5 à 6 milliards. Il ne m'appartient pas, à ce stade, de trancher entre les solutions envisageables. L'idée d'une cinquième protection s'impose ; reste à savoir dans quelle structure l'abriter. Cela ne veut pas dire la confier aux assurances. Les syndicats préconisent de l'insérer dans la branche maladie, avec une certaine autonomie.
Mme Catherine Deroche. - Des contrats d'assurance privée existent, mais certaines compagnies fixent des critères de dépendance trop stricts : c'est ainsi que certaines personnes qui en auraient besoin, ne touchent aucune prime et continuent à verser leurs mensualités...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cinq millions de Français ont souscrit un contrat d'assurance-dépendance, mais 15 000 de ces contrats seulement donnent lieu à un versement de prestations.
Mme Nicole Bricq. - Merci de donner la vérité des chiffres !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Ce ne sera pas toujours ainsi. Mais les prescripteurs sont inquiets et dénoncent un manque de transparence. Il faudrait une procédure de labellisation. Tous les contrats devraient comporter un socle commun : type de prestation fournie, sélection médicale, délais de carence et de franchise, etc.
Le rapport de la mission évoque la possibilité de portabilité des contrats. Mais l'absence de définition commune de la dépendance et la difficulté d'évaluer les engagements des assureurs font obstacle. M. Vasselle lie la portabilité à une réduction des droits : cela me paraît délicat.
Mme Bernadette Dupont. - Moi qui m'intéresse au handicap, je confirme ce qu'a dit M. le rapporteur. Je suis heureuse que les personnes handicapées soient représentées lors des discussions au ministère.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Merci de votre vigilance et de votre humanité.
Mme Jacqueline Alquier. - En dépit de votre bel optimisme, il existe de grandes incertitudes sur l'état de santé des personnes vieillissantes. Le président de la République a annoncé un large débat sur la dépendance, tout en engageant aussitôt la création d'un cinquième risque couvert par les assureurs privés...
Comment croire à vos promesses vis-à-vis des départements et des particuliers, étant donné vos réponses frileuses et votre désengagement constant ?
La prévention est indispensable. Nous attendons des propositions précises.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Nous construisons un modèle pour 30 ans. Quels scénarios pour dans 30 ans ?
Il faut prolonger les courbes mais aussi anticiper d'éventuelles ruptures. Nul ne sait exactement combien de personnes seront dépendantes. Des évolutions thérapeutiques sont possibles : si l'on découvrait un vaccin contre la maladie d'Alzheimer, cela aurait le même effet que lorsque l'on a réussi à traiter la tuberculose et fait fermer tant de sanatoriums ! La qualité des services à domicile varie beaucoup. On ne peut nier des problèmes de gestion. Deux projets sont sur la table : celui de l'ADF et celui de l'Igas, qui propose un double tarif fonction du type de service accompli à domicile.
M. Bruno Retailleau. - Deux défis sont devant nous : le libre choix et le financement. Il faut sortir de la confrontation entre maintien à domicile et hébergement en structure collective, en développant des hébergements temporaires.
Je souligne le hiatus entre les données préfectorales et celles des établissements.
Le financement doit reposer avant tout sur la solidarité nationale. Une deuxième journée de solidarité serait une bonne chose.
Pour les départements, l'APA n'a jamais été intégralement compensée. Ils n'en pourront bientôt plus !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Les dépenses publiques en faveur des personnes âgées dépendantes ont considérablement augmenté : depuis dix ans, l'Ondam médico-social destiné aux personnes âgées a augmenté de 260 %.
Naguère les porteurs de projets répondaient à des demandes ponctuelles : cette logique, malgré ses mérites, a montré ses limites. On est passé à l'appel à projets : les acteurs devraient s'y habituer.
M. Martial Bourquin. - L'allongement de la vie est une chance, pour l'humanité comme pour l'emploi. Comment financer la nouvelle charge sociale, par la solidarité ou la marchandisation ? Envisageons toutes les sources de financement. Nous avons 4 millions de chômeurs. S'ils travaillaient, l'État comme la sécurité sociale percevraient des ressources supplémentaires.
Les inégalités explosent. Ne faisons pas comme si elles n'existaient pas.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Contrats aidés, insertion par le travail, RSA : nous multiplions les incitations à la réinsertion ! Mais le choix des professions d'aide à la personne, métiers difficiles, ne doit pas se faire par défaut. La procédure LMD dans les professions de santé et pour les infirmières procède du même souci. Songeons aux passerelles entre métiers sanitaires et sociaux. C'est vrai qu'il y a là un gisement d'emplois.
Mme Gisèle Printz. - Les femmes sont les premières concernées par l'aide aux personnes âgées dépendantes. Il convient de développer les métiers concernés, d'améliorer leur image, de multiplier les formations spécialisées. Nombre de femmes qui occupent un emploi auprès de personnes dépendantes sortent d'une période de précarité. Quelles mesures le Gouvernement mettra-t-il en oeuvre en ce domaine ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Mme Létard a lancé un plan métier en 2008 et des expérimentations sont menées dans trois régions. Amélioration du tutorat, qualification des personnes en cursus partiel, gestion prévisionnelle des emplois... Les résultats seront repris dans les orientations que je vais publier le 23 mars.
M. le président. - Le débat est terminé. (Protestations sur les bancs socialistes) Quatre questions pour le groupe socialiste, quatre pour l'UMP et pour les autres.
Mme Nicole Bricq. - Il y avait une heure trente de débat !
M. le président. - Il y a eu plus d'une heure trente de débat ! (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs) Il fallait prendre moins de temps pour vos questions !