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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un rapport

Débat sur la politique de coopération et de développement

Débat sur les politiques locales de sécurité

Questions d'actualité

Logement outre-mer

M. Daniel Marsin

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Surendettement

M. Claude Biwer

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur

Gardes à vue

M. Alain Anziani

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Retraites

Mme Éliane Assassi

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Accords de défense avec le Royaume-Uni

M. Jacques Gautier

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Patrons voyous

M. Jean-Jacques Mirassou

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Chrétiens d'Irak

Mme Marie-Thérèse Hermange

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Mineurs délinquants

M. Serge Dassault

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Industrie automobile

M. Jean-François Humbert

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Télémédecine

M. Claude Domeizel

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

CMP (Demande de constitution)

Modification à l'ordre du jour

Ordre du jour réservé à un groupe

Débat sur les lignes à haute tension

Décision du Conseil constitutionnel




SÉANCE

du jeudi 4 novembre 2010

23e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

Secrétaires : M. Bernard Saugey, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 9 heures 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le rapport portant sur l'interdiction de la circulation sous les lignes électrifiées des trains utilisant un mode de propulsion autre qu'électrique.

Ce document a été transmis à la commission de l'économie et sera disponible au bureau de la distribution.

Débat sur la politique de coopération et de développement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la politique de coopération et du développement de la France.

M. Christian Cambon, au nom de la commission des affaires étrangères.  - Ce débat marque l'aboutissement de plusieurs mois de réflexion sur les orientations de notre politique de coopération. Il faut en effet expliquer ce que fait la France à Bamako ou en Indonésie. Merci, M. le ministre, d'avoir associé le Parlement à cette réflexion. Nous avons multiplié les auditions, organisé des débats, enfin publié un rapport.

Le document cadre fixe les grandes orientations de notre politique d'aide au développement pour les dix années à venir. Avant d'en venir au diagnostic, je souhaite que de tels rendez-vous se répètent et que le Parlement soit invité régulièrement à voter des lois d'orientation, comme cela se pratique au Royaume-Uni ou en Espagne.

Le monde bouge, il faut donner un visage nouveau à l'aide au développement. Celle-ci reste fondée sur l'humanisme, mais elle est aussi un moyen de régulation de la mondialisation et une contribution à un monde plus sûr ; le sous-développement est un terreau favorable à l'émergence de menaces qui concernent tout autant le sud que le nord.

Nous devons formaliser la fin d'une coopération indifférenciée ; l'aide au développement n'a ni les mêmes objectifs, ni les mêmes règles à Nouakchott ou à Nankin. La France n'agit plus jamais seule, la coopération doit désormais se penser sous forme de partenariats -même dans les cas de l'aide bilatérale. Des synergies doivent être trouvées au sein de l'Union européenne. Et les défis du XXIe siècle imposent des solutions collectives et une gouvernance mondiale encore à inventer.

Si le document cadre est utile et permet de mieux comprendre une politique complexe, il manque un bilan des stratégies antérieures et une évaluation de nos instruments de coopération, malgré le contexte budgétaire contraint. Il n'y a pas non plus de bilan des restructurations opérées depuis 2004. Nous avons le deuxième réseau diplomatique du monde ; qu'attendons-nous de lui en matière de pilotage de l'aide au développement ?

L'OCDE critique la dispersion excessive de notre organisation ; ce n'est pas à tort. Le Cicid ne s'est plus réuni depuis dix-huit mois, et n'a même pas été convoqué pour adopter le document cadre. Celui-ci devrait s'appuyer sur une évaluation des résultats : plus de 8 milliards sont en jeu chaque année.

Comme l'a dit Ester Duflo lors de sa leçon inaugurale au Collège de France, si les erreurs de diagnostic sont fréquentes, elles ne sauraient justifier l'inactivité, mais rendent nécessaire une évaluation rigoureuse des expériences passées. Or la grande majorité de nos interventions ne sont pas évaluées. Voilà un beau défi pour les années qui viennent ! (Applaudissements)

M. André Vantomme, au nom de la commission des affaires étrangères.  - Malgré nos différences politiques, je partage le diagnostic présenté par M. Cambon. Sans surprise, les objectifs de la France sont partagés par la communauté internationale : prévention des crises, notamment dans les territoires où l'État est en difficulté, comme l'Afrique subsaharienne ; lutte contre la pauvreté ; défis de la croissance -ne serait-il pas plus efficace d'aider l'Afrique en important sa production ? Enfin préservation des biens publics mondiaux -ce continent sera la première victime du réchauffement climatique.

Vous proposez une application différenciée des objectifs selon les zones géographiques. Première zone prioritaire, l'Afrique subsaharienne sera en 2050 trois fois plus peuplée que l'Union européenne. La deuxième zone prioritaire est constituée par le pourtour méditerranéen, la troisième regroupe les pays émergents. Nous partageons vos intentions, tout en nous interrogeant sur les moyens retenus : nos prêts devraient être réservés aux pays moins développés. Enfin, la quatrième zone regroupe les pays en crise.

On ne peut que déplorer l'absence de perspectives budgétaires dans le document cadre. Il fallait certes prendre du champ par rapport aux arbitrages annuels, mais à force d'en prendre on perd de vue la réalité. Objectifs et moyens sont intimement liés.

Les dons bilatéraux au sens de l'OCDE ayant diminué de 30 % entre 2006 et 2009, les prêts se sont développés, mais vers les pays les plus solvables et au détriment de l'Afrique subsaharienne. Il nous faudrait au moins un ordre de priorités. Le document cadre est peu disert sur le sujet, sinon pour évoquer les 50 % de dons bilatéraux aux pays pauvres prioritaires -encore ne s'agit-il que de poursuivre les objectifs du millénaire...

La commission souhaite un ciblage renforcé de nos interventions sur l'Afrique, même si un chiffre en valeur absolue ne serait pas réaliste à un horizon de dix ans. Elle a fait 50 recommandations adoptées à l'unanimité, dont la restauration de la capacité d'initiative de nos instruments bilatéraux ou l'évaluation systématique des partenariats multilatéraux, par exemple des interventions du Fonds européen, auquel la France contribue aujourd'hui pour 800 millions d'euros. L'aide au développement deviendra sans doute un domaine de souveraineté partagée, mais l'Union ne doit pas devenir un 28e bailleur de fonds. Dans le monde des organisations multilatérales, il y a beaucoup de naissances et jamais de décès, 365 organismes sont habilités à recevoir des fonds d'aide au développement.

Nous souhaitons que des indicateurs de performance traduisent les priorités thématiques et géographiques. Merci, monsieur le ministre, pour avoir sollicité le Parlement. J'ai noté avec plaisir qu'un rapport biennal nous serait désormais présenté, mais nous resterons attentifs aux préoccupations des partenaires que sont les ONG et les collectivités locales, sans oublier l'engagement budgétaire du Gouvernement. (Applaudissements)

M. Yvon Collin.  - Comme rapporteur spécial pour l'aide au développement, je salue l'initiative de la commission des affaires étrangères ; je me félicite que le Parlement soit associé à la réflexion sur la politique de coopération.

Je souhaite moi aussi l'adoption régulière de lois cadres, car le monde change, avec des économies interdépendantes et des risques globaux pour ce qui est devenu un village mondial.

Dans ce contexte, le document cadre propose une refondation de la doctrine française d'aide au développement, celle-ci ne relevant plus seulement du caritatif mais prenant en compte les intérêts de la France.

On ne peut que souscrire aux objectifs de l'aide au développement : promotion de l'État de droit, encouragement à la croissance, lutte contre la pauvreté et les inégalités, préservation des biens publics mondiaux. Cette politique est ambitieuse mais non exempte du risque de saupoudrage. Il faut des priorités. Celle accordée à l'Afrique subsaharienne est d'autant plus nécessaire que la croissance du continent attire déjà les investisseurs chinois ou brésiliens -et que la langue française recule... S'agissant des pays émergents, on peut s'interroger sur la pertinence d'interventions sous label « aide au développement » en direction de la Turquie et de la Chine.

Le Gouvernement a entrepris de moderniser la politique de coopération, mais je m'interroge sur les moyens. Notre pays joue un rôle pionnier dans les financements innovants, comme la taxe sur les billets d'avions. Le RDSE plaide de son côté pour une taxation des transactions financières. Espérons que le G 20 se prononcera en ce sens.

L'aide bilatérale a quasiment disparu, avec 175 millions d'euros. Il en va pourtant de notre rayonnement international : notre part dans l'aide multilatérale passe inaperçue. Le document cadre est muet sur le thème crucial des moyens. En 2009, la France a consacré 0,4 % de notre revenu national brut à l'aide au développement, alors qu'elle s'est engagée à atteindre 0,7 % en 2015 -objectif qui n'est pas tenable, a relevé mon prédécesseur Michel Charasse dans son dernier rapport.

Nous nous interrogeons sur l'évaluation et donc l'efficacité de l'aide au développement. Certes, des indicateurs de résultats sont prévus, mais les indicateurs de performance manquent encore.

François Mitterrand insistait sur la nécessité de ne céder ni au découragement ni à la tentation du repli sur soi. L'aide au développement reste un investissement prioritaire dans un monde instable et fragile.

Enfin, je vous prie d'excuser mon absence pour la suite du débat, car je dois me rendre à l'AFD où je représente le Sénat. (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.  - C'est une bonne cause. (M. Josselin de Rohan renchérit)

M. Jean-Michel Baylet.  - Je serai là ! (Sourires)

M. Robert Hue.  - L'excellent rapport de mes collègues porte sur un document cadre que l'exécutif nous a transmis hier soir ! Je m'interroge d'ailleurs sur sa portée, car la politique étrangère, notamment africaine, est plus que jamais l'affaire du chef de l'État, de son conseiller diplomatique ou du secrétaire général de l'Élysée... .

M. le ministre, l'avenir de votre démarche est hypothéqué par les doutes sur votre avenir politique. Mais le doute principal tient au flou des perspectives budgétaires. Il est bon de réfléchir aux objectifs et aux moyens de votre politique, dans un monde qui a beaucoup changé en dix ans. Il est significatif que le poste de secrétaire d'État à la coopération ne soit plus pourvu.

L'Afrique subsaharienne doit impérativement conserver une place prioritaire. On peut espérer que les actes suivront et effaceront les effets dévastateurs du discours méprisant de Dakar. Je crains malheureusement que ce ne soit pas le cas. Le Président de la République ne semble toujours pas décidé à tourner la page de la « Françafrique ». Son combat contre la perte du pré carré semble uniquement destiné à protéger l'accès de la France au pétrole et à l'uranium. L'AFD a été reprise en main ; on peut craindre qu'elle continue à échapper au Quai.

Enfin, je dis mon désaccord avec la notion de vision globale du financement qui permet de dissimuler la baisse de l'aide publique et la croissance des investissements privés.

Sur les 9 milliards d'euros consacrés à l'aide au développement, 4 ne sont que pur habillage. L'aide bilatérale se limite à 200 millions d'euros. La conception française de l'aide au développement, partagée par nombre de pays, explique que les objectifs du millénaire ne soient pas atteints. Il faudrait évacuer l'exigence de rentabilité à court terme pour que les pays pauvres cessent de dépendre de l'aide internationale. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Tasca.  - Je me concentrerai mon propos sur l'Afrique, priorité de notre coopération, dont la population comptera en 2050 1,8 milliard d'habitants, soit une fois et demi celle de la Chine et trois fois celle de l'Union européenne.

Contre toute attente, la croissance africaine est supérieure à celle de l'Europe et des États-Unis, grâce au dynamisme de son marché intérieur. Elle est aujourd'hui courtisée par la Chine et l'Inde.

Pourtant, le regard de la France reste figé, avec une aide privilégiant l'appui aux ONG accompagné d'une politique migratoire toujours plus restrictive. Vous avez raison de dire que notre avenir se joue en Afrique. Où iront ses enfants, sinon en Europe, s'ils doivent partir pour mieux vivre ? Nous devons donc anticiper, si nous ne voulons pas devoir réagir dans l'urgence de façon peu humaine à une immigration massive.

L'Afrique est au coeur des enjeux planétaires, comme le réchauffement climatique : en 40 ans, les précipitations ont diminué de 40 % au Sahel. Elle peut aussi devenir une source majeure de pollution. Seuls 10 % des Africains disposent d'une électricité continue. Dans l'Afrique subsaharienne, la production électrique est la plus chère du monde et celle qui a le contenu carbone le plus élevé. Des progrès considérables peuvent être atteints dans le domaine énergétique.

Enfin, l'Afrique est un enjeu de notre sécurité : pensez à nos otages retenus au Sahel, à la prolifération du terrorisme et des trafics.

La réponse de la France et de l'Europe est-elle à la hauteur des enjeux ? Depuis la chute du mur de Berlin, nous avons offert aux pays de l'est un partenariat que nous ne pouvons offrir à l'Afrique. Quels moyens allons-nous mettre en oeuvre ? Le document cadre est silencieux sur cette question.

Entre 2005 et 2008, la part de l'Afrique subsaharienne est passée de 54 % à 40 % de notre aide bilatérale. Et celle que nous apportons aux quatorze pays prioritaires n'est plus que de 28 %. Il faut recentrer notre aide sur les plus pauvres.

Nous disposons en Afrique d'une expertise reconnue, mais mise à mal par la baisse de l'aide bilatérale. La France souhaite signer avec les pays africains des accords dits de gestion concertée des flux migratoires, trop axés sur le contrôle des migrations. Il faudrait trouver le juste équilibre entre facilitation de l'immigration légale et lutte contre l'immigration clandestine, maîtrise des flux et codéveloppement. Pour 2010, les crédits au développement solidaire se limitent à 1 % des crédits de l'APD.

Saurons-nous accompagner le développement rapide de l'Afrique ? J'en doute. Nos atouts sont nombreux, une histoire commune, la géographie, une diaspora -que nous ne savons pas accueillir dignement. En 2050, il y aura 600 locuteurs français en Afrique. La défense de notre langue est donc aussi en jeu dans notre politique de coopération. Alors que le monde se recentre vers l'Asie, l'Europe a besoin du développement de l'Afrique au moins autant que ce continent a besoin de notre aide. Quelle place la France y prendra-t-elle ? (Applaudissements à gauche)

M. Michel Guerry.  - Je remercie M. de Rohan qui a demandé ce débat, confirmant la réévaluation de notre rôle grâce à la révision constitutionnelle.

Le document cadre est d'une importance comparable à celle du Livre blanc de la défense. Le 12 mai, les commissions des finances et des affaires étrangères ont reçu les principaux acteurs de la politique française d'aide au développement. Pour une fois, ce sujet crucial sera traité hors du débat budgétaire.

Je commencerai par souhaiter un bilan de la politique de coopération, car nous ne pouvons nous contenter du sempiternel constat de crédits toujours insuffisants. Le contexte budgétaire contraint nous oblige à raisonner autrement.

Certes, le document cadre énumère des priorités et des objectifs, mais il faut aller plus loin avec une évaluation chiffrée, fondée sur des critères clairement définis. Nous devons nous émanciper des politiques d'affichage. Nous avons besoin d'une autopsie de notre politique de développement pour savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

L'Afrique subit une recrudescence dramatique de fléaux, appelant une action internationale. Nous agissons par exemple au Soudan pour restaurer le dialogue avec le Tchad et créer les conditions d'une sortie de crise au Darfour.

Or, la Chine est parvenue à installer deux usines d'armement léger au Soudan, tournant ainsi l'embargo sur les ventes d'armes. Et la compagnie pétrolière chinoise a investi 8 milliards de dollars dans l'exploitation pétrolière et pris des participations dans le forage.

Le 7 novembre 2009, la FAO a tiré une nouvelle fois la sonnette d'alarme sur la faim dans le monde. L'Afrique, touchée par des années de famine, parvient difficilement à l'autosuffisance alimentaire.

Le Niger, premier producteur mondial d'uranium, devrait pouvoir assurer son autosuffisance alimentaire. Ce n'est pas le cas, puisque ses recettes servent à rembourser des prêts chinois. La Chine est le premier bailleur de fonds au Soudan, au Nigéria, en Angola et en Égypte.

La coopération intergouvernementale ne devrait pas nous priver d'une évaluation précise.

L'aide au développement doit répondre à de nouvelles exigences, liées au réchauffement climatique et à la diminution des ressources naturelles. Nous devons comprendre que des pays nous reprochent de vouloir leur imposer un modèle de développement que nous construisons à partir de nos propres erreurs ! Il faut faire preuve d'imagination et de pragmatisme.

Enfin, j'insiste sur l'éducation, notamment des filles, car la scolarisation, notamment dans les sociétés matriarcales, est le préalable à la paix. (Applaudissements à droite)

Mme Claudine Lepage.  - Peut-on parler d'objectifs sans évoquer les moyens de les atteindre ? On est loin des 0,7 % auxquels nous nous étions engagés dans le millénaire du développement. De surcroît la France inclut dans l'APD l'aide aux réfugiés ou les dépenses pour les TOM ! L'APD réelle n'atteint donc que 0,31 % du PNB... Enfin elle inclut aussi l'allègement de la dette à des pays en difficulté, comme le Cameroun, ce qui réduit l'engagement envers les pays les plus pauvres.

L'affichage de l'APD relève de l'exercice comptable plus que de l'aide réelle, ainsi quand on efface des dettes de toute façon irrécupérable.

Le volume des prêts octroyés à des taux proches du marché s'est accru aux dépens des dons. Or, les prêts ne peuvent aller que vers des pays émergents !

Notre contribution à l'aide multilatérale augmente sans que nous ayons une vision claire des perspectives globales.

Le volume des crédits publics transitant par les ONG est très inférieur aux besoins ; celles-ci en ignorent le montant pour 2011.

Le document cadre établit un lien entre développement et sécurité. Les choses sont un peu plus complexes ! Nos concitoyens peuvent comprendre la nécessité d'un monde plus solidaire, donc plus sûr. Ils approuvent le principe même de l'aide au développement : tous les sondages le confirment.

Nous avons un devoir de solidarité, pour une aide cohérente, juste et efficace. Je partage l'avis de la commission qui souhaite l'adoption, à échéance régulière, d'une loi de programmation. (Applaudissements)

Mme Fabienne Keller.  - A mon tour, je me réjouis de la tenue de ce débat et je salue le travail des rapporteurs. C'est un honneur, monsieur le ministre, de débattre avec vous, qui êtes depuis longtemps un grand spécialiste de la question. (On approuve à droite) Je voudrais souligner l'importance de la politique française d'aide au développement, la première d'Europe, même si elle reste très inférieure à nos engagements de 2005. Le montant de l'aide est compris entre 600 millions et 1,3 milliard d'euros, selon le mode de calcul.

Les pays très pauvres sont dans une grande difficulté. La forte croissance de l'Afrique subsaharienne est très mal diffusée dans les pays dont la croissance démographique est en outre considérable. Du temps du service militaire, nous avions 20 000 coopérants en Afrique ; ils ne sont plus que 400. Tout un réseau de relations humaines disparaît.

L'émission de carbone des Africains est dix fois moindre que celle des Européens, vingt fois moindre que celle des Américains ! Ils subissent pourtant de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique et, double peine, celles de l'assèchement des liquidités mondiales. Et je ne parle pas des catastrophes naturelles qui les frappent régulièrement.

Ce sont les plus diplômés qui émigrent vers les pays du nord, selon l'organisation internationale pour les migrations. La perte d'un diplômé sur trois, en particulier des médecins, est catastrophique pour le développement de ces pays.

Je plaide pour une taxe sur les transactions financières. Sa recette annuelle pourrait être de 30 milliards de dollars. Le Président de la République et Mme Lagarde ont défendu cette idée dans diverses instances internationales.

Nos concitoyens sont conscients de la nécessité d'un développement équilibré des diverses zones du monde, ne serait-ce que pour alléger la pression migratoire. Ce défi mondial appelle une action décidée. Contrairement à la norme lolfienne, ce n'est pas une dépense de fonctionnement mais d'investissement ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Je me félicite que ce débat très riche et intéressant ait eu lieu. Il faudra le renouveler. Nos rapporteurs ont accompli un travail excellent, (applaudissements), entre écoutes, contacts et déplacements. La commission se satisfait de voir que le document cadre a retenu nombre de leurs propositions.

Je remercie le ministre pour son écoute constante. Accentuer notre aide bilatérale, la rendre plus visible ? Sans doute, mais nous essuyons nombre de critiques à l'ONU sur l'insuffisance de notre participation à l'aide multilatérale ! Participer aux fonds européens est une obligation. Ce qui convient, c'est de conjuguer nos efforts nationaux avec l'aide européenne.

Ce jour est important : notre débat montre que la politique de coopération est un des piliers essentiels de notre diplomatie. (Applaudissements)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.  - Je suis très heureux d'avoir pu travailler avec vous. J'ai beaucoup apprécié que vous ayez lu dans la nuit un document qui vous a été remis hier soir -comme à moi ! Il fallait l'imprimatur de Matignon...

C'est la première fois que nous avons une vision d'ensemble, assez précise, quoiqu'évidemment encore insuffisante. Pourquoi pas d'audit permanent de notre aide au développement ? Parce que c'est très difficile ! Les ONG peuvent le faire parce qu'elles réalisent des actions ponctuelles au contact de la population. Mais comment quantifier une politique ? Quels seraient les critères objectifs ? Comment savoir si deux aides se contredisent ou se complètent ? Il faudra quand même le faire.

Les sondages montrent les Français favorables à l'aide au développement... Ils veulent aussi savoir ce qu'il en est concrètement et c'est très difficile.

Une loi d'orientation ? Pourquoi pas... Mais comment faire face à l'évolution des conditions économiques ? Elle nous donnerait l'occasion de débattre, comme nous le faisons aujourd'hui.

Oui, monsieur Cambon, la démarche ne doit plus être seulement caritative. Mais il faut bien répondre aux urgences. Les ONG n'ont pas assez d'argent ? Celui-ci vient de quelque part... Au centre de crise du Quai d'Orsay, nous ne travaillons qu'avec des ONG, locales ou étrangères s'il n'en existe pas sur place. Venez voir comment cela fonctionne, y compris avec la population en place. C'est avec les Africains qu'il faut travailler, pas avec les gouvernements, parce que beaucoup d'argent s'évapore ?

M. Charles Revet.  - Beaucoup trop !

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Mais que fait-on ? Il faut bien travailler avec les ministères quand ils nous sollicitent sur des projets. Le Fonds pour le sida ne fonctionnerait pas sans les administrations locales. Nous devons travailler à la fois avec les gouvernements, les ONG, les collectivités locales et les populations.

« La France ne sera plus jamais seule », certes. Mais comment additionner des aides sans qu'elles soient concurrentes ? La République démocratique du Congo est le plus grand pays francophone du monde. Avec 130 millions d'euros, les Anglais lui donnent six fois plus que la France ! Comment faire ? Ces aides se cumulent-elles ? Le document cadre prévoit une analyse critique.

Le fait que 60 % de l'APD aille à l'Afrique, 20 % à la Méditerranée, 10 % aux pays émergents, 10 % aux crises, cela semble convenir, d'autant qu'on peut toujours ajuster. La croissance par les échanges ? Encore faut-il que nos produits soient compétitifs ! Ceux des Chinois et des Turcs le sont plus que ceux de nos entreprises. Devons-nous subventionner massivement nos entreprises pour diminuer le prix de leurs produits ? Leur faire perdre leur qualité sociale supérieure à celle des autres entreprises ?

L'insuffisance des crédits ? Qui savait que surviendrait la crise de 2008 ? Sans elle, la perspective de 0,7 % aurait été plus facile à atteindre. En 2000, nous étions à 0,30, en 2001 à 0,31 % ; nous sommes aujourd'hui à 0,49 % en maintenant l'objectif de 0,7 à l'horizon 2015.

Les financements innovants ne visent pas à se substituer à l'APD mais à la renforcer. Au sommet Afrique-France -où étaient présents nombre d'anglophones- certains pays se sont inquiétés de ces financements innovants. Nous les avons convaincus, eux qui redoutent la moindre taxe. Ce sera un des sujets du prochain G8. Le groupe de réflexion, dont la France est secrétaire, a publié un nouveau rapport favorable aux financements innovants. Pour nous, ce devrait être une contribution de 0,005 % sur les échanges mobiliers. Sur 1 000 euros échangés, elle rapporterait exactement cela : 5 centimes ! (M. le ministre montre une pièce de cette valeur) C'est inoffensif et indolore. Faut-il attendre l'accord des 192 pays de l'ONU? Non. Nous devons commencer. Il suffit d'une demi-douzaine de grands pays européens. C'est concrètement facile à faire.

Avec ces 0,005 %, on arrive à 30 milliards par an, de quoi financer l'éducation de tous les enfants des pays pauvres ! Comment contrôler ? On a l'expérience du fonds global, dont la France a été à l'origine.

Le domaine réservé du chef de l'État ? Il est traditionnel dans la Ve République, monsieur Hue. Les entreprises font des profits ? Si elles n'en faisaient pas, ce serait des entreprises nationales ! Il y a des appels d'offre et nos entreprises françaises doivent y soumissionner.

Le Soudan ? C'est Total qui n'a pas voulu, trouvant la situation trop dangereuse. Entre-temps, les Chinois y sont venus. Comment le leur reprocher ?

Je partage le sentiment de Mme Tasca sur l'Afrique. Nous avons une expertise, même si elle date un peu. Nous devons proposer aux Chinois, aux Turcs, aux Anglais d'avoir des offres communes.

Co-développement et immigration ? Certes mais les marchands d'esclaves n'attendent pas. Tous les jours, au péril de leur vie, des gens frappent à notre porte, pas seulement via le détroit de Gibraltar, demandez à nos amis grecs.

Le dialogue entre le Tchad et le Soudan ? Il avance plutôt assez bien. L'accord de Doha sera-t-il respecté par tous ? Certains pays fournissent des armes... Est-ce que l'uranium suffirait au Niger ? Il y a là-bas des zones très dangereuses, d'où nos ressortissants ont été évacués.

L'IGF va rendre ses conclusions dans les prochaines semaines sur l'évaluation de notre aide. Nous allons toujours vers le 0,7 %. Nous sommes à 0,49 % et atteindrons 0,51 % l'an prochain. Il y a 22 000 étudiants chinois en France ; cela représente 100 millions ! C'est une aide au développement. Les Français sont favorables au renforcement de l'aide au développement ? Il faudra le leur rappeler...

Merci, madame Keller, d'avoir parlé de l'évolution de notre aide au développement. Elle est très positive. Nous nous dégageons de plus en plus des gouvernements pour travailler au plus près des hommes et des femmes. La formation professionnelle, les Africains formés qui viennent chez nous ? Nous avons mis en place avec le Sénégal, et nous le ferons demain avec le Maroc, une formation professionnelle de trois ans qui débouche sur un emploi. Cela marche assez bien.

Je suis très reconnaissant au Sénat de ce débat. Vos critiques m'importent. Neuf milliards, ce n'est pas assez mais c'est quand même beaucoup. Nous n'avons pas à en rougir. Les Britanniques ont réduit de 25 % le budget du Foreign Office, mais maintenu leur aide. Nous ne sommes pas les moins efficaces ! (Applaudissements à droite et au centre)

Débat sur les politiques locales de sécurité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le rôle de l'État dans les politiques locales de sécurité.

M. Jean-Michel Baylet, au nom du RDSE.  - S'il était encore besoin de justifier la réforme constitutionnelle de 2008, que nous avons votée, l'existence d'un tel débat y suffirait. Je voulais répondre aux propos scandaleux d'un ministre sur la prétendue responsabilité de certains maires dans l'insécurité, alors que l'État diminue les ressources locales et fait preuve de sa carence en matière de sécurité, qui est pourtant la priorité du Président de la République.

C'est l'histoire nationale que l'État refuse de regarder en face comme s'il en avait le choix. Je viens de l'Occitanie, longtemps rétive face à l'État centralisateur, à ses excès policiers, à son intolérance. C'est Charlemagne qui a créé le comté de Toulouse, vivace jusqu'au XIIIe siècle. Une culture s'est établie, depuis les Cathares jusqu'aux vignerons du Languedoc.

Pourquoi donc avons-nous progressivement consenti au pouvoir parisien éloigné et peu bienveillant ? Parce qu'une seule collectivité publique doit avoir le monopole de la violence légitime à l'extérieur et à l'intérieur.

Voilà pourquoi les collectivités s'en sont remises à l'État pour garantir l'ordre et la sécurité. C'est votre mission, pas la nôtre !

Nous avons donc été scandalisés par les admonestations et les menaces proférées cet été par M. Estrosi. La réprobation s'est étendue à la majorité. A quel titre s'exprimait M. Estrosi, maire d'une grande ville et membre du Gouvernement ? Ce cumul, peu conforme à une démocratie moderne, est source d'une grande confusion : les maires étaient-ils cloués au pilori par l'État ou par un de leurs collègues ?

Maire d'une commune riche, M. Estrosi est d'autant plus populiste que sa ville est peu populaire. Héritier de M. Médecin qui tenait surtout à ce que certaines activités louches ne soient pas fouillées par la police, M. Estrosi est mal placé pour donner des leçons de morale républicaine.

Selon lui, devraient être sanctionnées les communes n'ayant pas aidé l'État à mener sa politique du tout sécuritaire. Or, les ressources locales ne nous sont pas consenties, ou octroyées, comme sous la Restauration : elles résultent de la loi, elles correspondent à des compétences décentralisées et elles remplacent des recettes fiscales locales.

Mais les propos de M .Estrosi ont soulevé une tel tollé parce qu'ils avaient pour triple objectif de reprendre le discours de guerre du Président de la République à Grenoble, de clouer au pilori une municipalité de gauche et d'imposer de nouvelles obligations aux communes.

Vous vous proclamez prix d'excellence, mais vos résultats sont catastrophiques en matière de sécurité, pour avoir supprimé la police de sécurité, fermé nombre de commissariats et supprimé des milliers de postes dans la police nationale.

Tout vient de la politique irresponsable d'urbanisme conduite il y a 40 ans. Il faut y ajouter l'abandon des services publics et l'amalgame scandaleux pratiqué par l'extrême droite et la droite musclée entre l'immigration et l'insécurité. Plus récemment, vous avez abandonné la politique de co-production de la sécurité.

Quel rôle doivent jouer les collectivités territoriales en matière de sécurité ? Le maire intervient comme agent de l'État, placé sous l'autorité du préfet. Comme officier de police judiciaire, il intervient sous l'autorité du procureur de la République.

Cependant, la sécurité publique ne peut être abandonnée aux seules autorités de répression, d'abord parce qu'elle dépend de la paix sociale. Or, l'élu local exerce une médiation sociale et retisse les liens distendus.

En outre, la sécurité dépend aussi de l'attention aux situations de détresse : cela nécessite la solidarité active.

Bien avant les gesticulations estivales de M. Estrosi, vous avez permis aux élus locaux de suspendre le versement des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire. Nul ne l'a fait car la prévention est indispensable, bien que vous fassiez mine de la confondre avec l'angélisme. Bien sûr, la répression est parfois nécessaire. Ainsi, j''approuve le couvre-feu pour les mineurs...

La sécurité publique ne dépend pas exclusivement du bon vouloir de l'Etat, surtout lorsque vos provocations aboutissent à la ségrégation.

M. Estrosi se croit autorisé à morigéner des maires, mais la sécurité n'est qu'une incantation quand certains sont privés de droits, quand des contrôles de police sont effectués au faciès !

Les sacrifices budgétaires des collectivités seraient acceptables si votre politique était juste ; or elle ne l'est pas. Vos menaces permanentes, vos rodomontades incessantes, vos expulsions triomphantes n'aboutissent qu'à des statistiques fallacieuses. Oui, nos collectivités sont soucieuses de l'ordre et de la paix publics ! Non, elles ne veulent pas s'associer à une politique qui en écornant la justice et les libertés génère l'insécurité ! (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Il m'est difficile d'intervenir juste après un ancien ministre des collectivités locales.

J'essaierai de m'extraire de la vision affective, pour m'en tenir au constat.

La police et la gendarmerie connaissent un malaise, alors que ces corps marchent à l'affectif : ils ont besoin d'être aimés et respectés.

M. Jean-Michel Baylet.  - C'est vrai !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Traditionnellement, l'Etat est garant des libertés et de la sécurité. Le ministre de l'intérieur en est chargé ! Est-il incontestable dans cette fonction incontournable ?

Il doit être à la fois ministre des libertés et de la sécurité.

Cette présentation ne laisse guère de place aux collectivités locales, malgré les responsabilités nouvelles données aux collectivités locales en matière de polices de sécurité.

Dès 1997, chacun a compris la nécessité d'une prévention locale de la délinquance et d'une coproduction de sécurité ; la première loi d'orientation a érigé le maire en pilote de la sécurité... Un pilote n'ayant ni les moyens ni l'autorité de sa mission.

Que peut-il faire, sinon convoquer les conseils locaux de sécurité ou créer une police municipale ? A 70 %, le fonds interministériels de prévention de la délinquance finance la vidéosurveillance -pardon, la « vidéoprotection »-, comme si c'était l'arme absolue... Mais a-t-on mesuré son coût en investissement et en fonctionnement ?

Trop de dispositions nouvelles chargent la barque des collectivités locales, sans leur en donner les moyens. L'État peine à faire fonctionner harmonieusement police et gendarmerie. Les collectivités locales font preuve de bonne volonté, mais ont-elles les moyens de participer à la coproduction de sécurité ? Je forme le voeu que le budget pour 2011 apporte une réponse à cette question. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Seule une sécurité assurée par l'État peut être identique sur le territoire : prérogative régalienne, la police ne se délègue pas. Ces derniers temps, pourtant, le désengagement de l'Etat est manifeste, malgré le discours toujours martial du ministre de l'intérieur.

A l'horizon 2012, nous avons perdu 12 000 policiers nationaux. Nos territoires en souffrent, avec la réduction des patrouilles et l'abandon de nombreuses missions. C'est à se demander ce que fait la police !

Longtemps, les policiers municipaux étaient cantonnés aux sorties des écoles et à la verbalisation du stationnement illicite. En six ans, leur effectif a augmenté de 120 %. L'égalité des citoyens est donc mise à mal.

J'ajoute que la Loti érige en OPJ le directeur de la police municipale, ouvrant ainsi au pénal un fonctionnaire n'ayant pas reçu la formation correspondante.

Votre politique a seulement amplifié et pérennisé la délinquance, mais vous vous défaussez sur les maires. Comment les tenir responsables du chômage, de la précarité, voire de l'absentéisme scolaire ?

Poser des caméras ne les aidera pas, car il faut commencer par une politique sociale ambitieuse.

Il est démagogique de dire que les maires seraient les mieux placés. Certes la police n'est pas là pour organiser des tournois de football, mais la sécurité n'est pas seulement le résultat d'une politique de répression.

Et ce n'est pas sur vous, M. Bockel, que nous pouvons compter puisque, à l'aube d'un remaniement ministériel annoncé, vous recyclez les pires idées de la droite tenues en matière sécuritaire.

Merci aux collègues du RDSE, dont la question touche aussi à la réforme des collectivités locales, véritable coup d'état contre nos territoires ! (Applaudissements à gauche)

M. Louis Nègre.  - Conformément au code général des collectivités territoriales, le maire est chargé d'assurer le bon ordre et la sécurité : il concourt aux pouvoirs de police. C'est notre devoir et notre honneur de définir et d'appliquer la politique locale de sécurité.

Alors que la délinquance avait augmenté de 1997 à 2002, elle a régressé depuis. Globalement, on est passé de 4 100 000 à 3 500 000 de faits constatés. Il y a donc chaque année des centaines de milliers de victimes en moins. Ces résultats sont dus non au Saint-Esprit, mais à ce gouvernement.

M. Charles Gautier.  - Des mots !

M. Louis Nègre.  - Pourtant, la délinquance juvénile s'étend et s'aggrave. Nous n'avons pas, nous, une vision idéologique, mais réaliste. Au lieu de rester les bras ballants, nous réagissons. Loin des discours, nous avons les mains dans le cambouis pour faire face aux difficultés de nos concitoyens.

M. Charles Gautier.  - Bien sûr ! Vous seuls agissez...

M. Louis Nègre.  - Oui, nous appliquons les lois que nous vous votons, et nous en sommes fiers.

Qui peut critiquer la loi de juillet 2006 sur la délinquance à l'occasion de manifestations sportives ? Qui peut critiquer la loi de 2007 sur la prévention de la délinquance ? Qui peut critiquer la loi sur l'absentéisme scolaire, qui va remettre sur les bancs de l'école des dizaines de milliers de jeunes ?

Mme Éliane Assassi.  - Montrez-moi les chiffres !

M. Louis Nègre.  - Toutes ces lois aident la société à se défendre contre tous ceux qui portent atteinte au contrat social.

La sécurité est une mission de l'Etat, mais c'est aussi une coproduction de l'État et des pouvoirs locaux. C'est en 1941, sous l'État français de Pétain, qu'ont été étatisées les polices municipales !

Les maires doivent mettre en oeuvre une politique locale de sécurité. C'est ce que nous faisons à Cagnes-sur-Mer. Nous avons mis en place tout un panel d'actions coordonnées en faveur des jeunes et de leurs parents : service jeunesse, conseil des jeunes, Pare (Programme d'accompagnement renforcé à l'emploi pour l'égalité des chances)... Toujours dans un souci de protection nous avons institué un arrêté dit couvre-feu depuis l'an 2000, pour les mineurs de moins de 13 ans...

Mme Éliane Assassi.  - Scandaleux !

M. Louis Nègre.  - ... et unanimement approuvé.

Nous avons également développé un service civique municipal.

Nous l'avons renforcé ce dispositif grâce à la loi du 5 mars 2007 qui nous a permis de rendre notre action sur le terrain encore plus efficace : c'est ainsi que nous avons institué l'excellente procédure de « rappel à l'ordre » : deux récidives seulement sur 73 rappels à l'ordre ! Nous avons mis en place un conseil pour les droits et devoirs des familles. Enfin, nous coordonnons notre action avec le parquet et le conseil général.

La police municipale est complémentaire de la police nationale. Enfin, le programme de vidéoprotection est très bien accueilli.

Au total, nous avons fait chuter de 20 % la délinquance de proximité dans notre ville. Il n'y a pas à opposer l'État aux collectivités locales, mais à les faire travailler ensemble.

M. Baylet a mis en cause ad hominem le maire de Nice, mais la gauche a sanctionné les maires ne soutenant pas ses orientations !

M. Jean-Michel Baylet.  - Qu'est ce que c'est que cette histoire ?

M. Louis Nègre.  - Je pense que l'avenir de nos jeunes passe par l'école de la République : il faut donner à cette dernière une mission non seulement d'instruction mais d'éducation à la vie en société et au respect de ses règles.

Lors du débat sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, vous m'aviez promis, monsieur le ministre, d'engager une réflexion de fond sur la police municipale, troisième force de police selon l'expression même du Président de la République. Où en êtes-vous ?

Je propose enfin que les collectivités locales qui s'engagent dans une politique de sécurité partagée avec l'Etat et qui en portent donc les coûts induits, puissent bénéficier, à due concurrence, de l'aide financière de l'Etat.

La mission que la loi a confiée au maire d'animer et de coordonner la politique de prévention de la délinquance sera d'autant mieux accomplie que les institutions travailleront en réseau. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Charles Gautier.  - Merci au RDSE pour son initiative, après les déclarations estivales fracassantes au plus haut niveau de l'État ; le thème de ce débat aurait pu être « le rôle des collectivités locales dans les politiques de sécurité », ce qui aurait rappelé haut et fort que la sécurité doit rester une compétence régalienne, ou encore « le désengagement de l'État dans la politique locale de sécurité »...

Avec la loi du 5 mars 2007, vous avez inventé l'eau chaude, puisque des maires agissent depuis plus de vingt ans pour la sécurité. Sitôt arrivé à l'Intérieur, M. Sarkozy a remplacé la politique de ses prédécesseurs en instaurant la culture des chiffres. Or, chacun constate quotidiennement l'insécurité, au détriment des habitants les plus fragiles.

Les élus tentent d'améliorer les conditions de vie de nos concitoyens, d'où l'indignation soulevée par les propos de M. Estrosi. Avec le président de l'Association des villes de banlieue et avec le président de l'Association des grandes villes de France, nous avons demandé à être reçu par le Premier ministre afin de travailler sur le partage des compétences en matière de sécurité, mais aucune réponse ne nous est parvenue. Les maires constatent qu'ils ont dû développer la police municipale au rythme du désengagement de l'État. Certains élus de droite veulent que la police municipale remplace la police de l'État.

M. Louis Nègre.  - Oui, pour la compléter.

M. Charles Gautier.  - C'est ce que M. Copé a déclaré devant les assises de la sécurité.

La vidéosurveillance absorbe 75 % du fonds interministériel de prévention de la délinquance. Utilisé à bon escient, cet outil peut être efficace, mais qui le paie ? En fait, les villes que vous prétendez aider !

Tout cela intervient alors que les moyens des collectivités locales diminuent. Les maires font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont ; or, ils sont loin d'être à égalité de moyens !

Contrairement à ce que fait M. Estrosi, je n'oppose pas les maires à l'État. Ils agissent déjà, notamment par des rappels à l'ordre. Ils sont conscients depuis longtemps que la coproduction est profitable à tous.

Les contrats locaux sont des outils importants de cette coproduction mais ils servent trop à organiser le désengagement de l'État. Au lieu de les rendre obligatoires, il faudrait les rendre plus efficaces. Selon les cas, ils fonctionnent très mal ou pas du tout, notamment parce que les relations individuelles sont très importantes pour surmonter les différences de cultures.

L'Etat devrait impulser une politique nationale, financer à hauteur suffisante ces politiques pour assurer l'égalité des citoyens en matière de sécurité, et faire respecter le droit de toute personne à la sûreté, qui est au coeur du pacte républicain. Nous en sommes loin ! (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Dallier.  - Je salue l'initiative du RDSE, mais je regrette l'attaque en règle conduite par M. Baylet contre M. Estrosi, bien que je n'aie nullement apprécié les propos de celui-ci. 

Je veux attirer votre attention sur les difficultés rencontrées par les communes pour assurer le droit à la sécurité, enjeu majeur pour l'État, mais aussi pour les communes : les citoyens attendent des résultats.

Le rôle du maire s'est élargi en matière de prévention, mais la population et l'État lui en demandent toujours plus. Disant cela, je ne souhaite aucune confusion des rôles entre police municipale et l'État.

On a largement souhaité que les collectivités locales fassent plus qu'autrefois. En matière de surveillance et de police municipale, nécessité finit par faire loi, mais au détriment d'autres services et au prix d'un alourdissement fiscal.

Une commune de 20 000 habitants de la Seine-Saint-Denis consacre 800 000 euros -soit 20 % de la taxe d'habitation, ou cinq fois le DSU- à la police municipale et à la vidéosurveillance, non compris l'entretien et l'amortissement du personnel qui porteraient l'addition à un million d'euros. Cette commune est la mienne. J'ai pris cette décision non de gaieté de coeur ni par idéologie, mais parce que ma ville n'a pas de commissariat de police et dépend de celui de Bondy, où la situation est bien pire. Parce que la situation se dégradait, nous consacrons des sommes considérables à la sécurité. Nous ne pouvons en rester là !

Au nom de l'égalité républicaine, l'État doit prendre en compte l'effort budgétaire consacré à la sécurité publique.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Philippe Dallier.  - Certes, l'État subventionne l'investissement en vidéosurveillance mais en prélevant sur les amendes de police, dont le produit allait entièrement aux communes ! Je préfèrerais consacrer un million d'euros au soutien scolaire, au sport, à la culture, à tout ce qui protège les jeunes contre le basculement dans la délinquance.

La sécurité publique est nécessairement partenariale. Encore faut-il que les collectivités puissent assumer leurs missions autrement que par un alourdissement de la fiscalité ou des coupes dans leurs autres politiques ! (Applaudissements à droite)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Les partenariats entre l'État et les acteurs locaux traduisent la volonté partagée d'aborder les questions de sécurité par la voie de la coopération. Je ne remets pas en cause leur utilité, mais je constate l'échec de cette modalité de gestion, du à la pression sans cesse accrue de l'État, qui met en oeuvre une orientation de plus en plus sécuritaire en dessaisissant les acteurs locaux. Un partenariat suppose l'égalité des acteurs, or il est animé par le préfet sur la base des chiffres et des exigences de la place Beauvau ! On se passe de l'expertise des associations ou des transporteurs, on fait de la sécurité une dimension majeure de la rénovation urbaine -voir la circulaire du 6 septembre 2010. Comment parler de partenariat ? La recentralisation est en marche.

La loi du 5 mars 2007 parle pourtant de nécessaire complémentarité. La circulaire du 22 juillet 2010 a encore accentué le malaise. La situation est cocasse : le préfet, censé être un partenaire, se comporte en maître d'école qui met notes et sanctions. Un contrat léonin n'est pas un partenariat !

Le maire devient un supplétif de l'État. Les trois quarts des coordinateurs des contrats locaux de sécurité s'inquiètent de la perte de sens de la gouvernance locale, les deux tiers déplorent la réduction des moyens financiers, tandis que la vidéosurveillance, dont l'efficacité ne fait pas consensus parmi les experts, consomme 85 % des fonds alloués pour la prévention de la délinquance ! Et dans le même temps, les effectifs de policiers diminuent...

M. Estrosi fait des élus locaux les responsables de l'échec de la politique du Gouvernement, qui manie la carotte et le bâton. Pour mener à bien leurs missions, les élus ont besoin de marges de manoeuvre et de moyens financiers et humains.

Vous-même, monsieur le ministre, reconnaissez pourtant qu'il n'y a pas de fatalité à la délinquance des mineurs. Qu'en déduisez-vous ? Enseigner le métier de parents. Ce n'est pas sérieux ! Si les jeunes sont en souffrance c'est que leurs parents le sont aussi. Ouvrir une école, c'est fermer une prison, disait Victor Hugo. Vous baissez les moyens de l'éducation nationale, vous supprimez des postes de policiers et gendarmes, vous déshumanisez la lutte contre la délinquance. Ce n'est pas de cette manière qu'on résoudra le problème de la sécurité !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.  - Merci d'avoir organisé ce débat. Je vous prie d'excuser M. Hortefeux, retenu par des obligations impérieuses.

J'ai écouté avec attention le propos tout en nuances de M. Baylet. On peut avoir sur ces questions des désaccords. M. Estrosi est très engagé dans son action. J'ai moi-même présidé l'Association des maires des grandes villes ; j'ai été confronté à la gestion de la compatibilité entre la fonction de ministre et celle de maire de grande ville... Il faut faire la part des choses.

Quand vous parlez de « tout sécuritaire », je me crois dans un film de fiction. Telle n'est pas la réalité que vous et moi connaissons. Deux jours après le discours de Grenoble, le Président de la République m'a confié un rapport sur la prévention de la délinquance des mineurs. Je n'ai jamais douté qu'une politique de sécurité ne pouvait qu'être imbriquée dans la prévention. Ces deux politiques ne font qu'une. Très tôt, nous avons été dans la transversalité avec les contrats locaux de sécurité. Tout va ensemble, non dans la confusion, mais dans la clarté et l'efficacité. Ce sont des questions sur lesquelles je me suis impliqué depuis deux décennies.

Évoquer la sécurité, c'est faire référence au droit à la sûreté, donc à la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Garantir la sécurité est un devoir de l'État, dû partout et dû à tous, mais aussi de la responsabilité de tous. Il n'y a pas d'un côté l'État et de l'autre les collectivités locales. La lutte contre la délinquance est une guerre, non contre des personnes, mais contre un phénomène qui pourrit la société et met en jeu la cohésion nationale, une guerre qui doit nous mobiliser tous.

Le Gouvernement est attaché autant que vous à la libre administration des collectivités locales. Les pouvoirs dévolus au maire sont clairement définis par l'article L. 2211-1 du CGCT. Avant de caricaturer mon propos, lisez mon rapport, madame Assassi !

Mme Éliane Assassi.  - Je ne l'ai pas caricaturé !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - J'ai accompli un travail sérieux, après l'écoute de nombre d'élus locaux de toute tendance, y compris de la vôtre. La loi de mars 2007 a constitué un progrès important ; elle a été préparée par des consultations tous azimuts. La vidéoprotection ? Comment demander à la fois le droit des collectivités à mener des politiques locales et en récuser les moyens ? Je n'ai jamais présenté la vidéoprotection comme la panacée, je n'en ai jamais sous-estimé les possibles effets pervers.

Il y a une réalité simple : de nombreux maires mènent une politique faite d'innovations nombreuses, qui méritent d'être évaluées et étendues. M. Nègre l'a fort bien dit. Beaucoup de maires ont participé dans le meilleur esprit au recensement lancé par M. Hortefeux sur les actions menées pour la sécurité. Je pourrais citer des villes de toutes tendances, qui organisent la prévention sans omettre de faire appel à tous les moyens modernes.

Dans des communes qui ont connu des violences urbaines, ont été mises en place simultanément des actions de prévention et de répression. Point besoin de colloques pour cela ! Les maires savent ce qu'ils ont à faire.

Le Gouvernement a lancé il y a un an un plan de prévention de la délinquance, en liaison avec les maires. Ce combat collectif, ce partenariat doit être organisé pour être efficace. L'État doit s'assurer de l'efficacité des politiques de sécurité partout et pour tous. Les Français attendent de nous des résultats.

Nous les obtenons : après une hausse historique de 18 % entre 1997 et 2002, la délinquance globale a diminué de 14 % depuis lors. Cela doit être rappelé ! Ces résultats montrent que nous devons persévérer.

Je remercie vivement M. Nègre pour son action au service de sa ville et des Français. Le combat contre les violences aux personnes est difficile mais nous sommes sur la bonne voie.

Les moyens de lutte contre la délinquance sont divers, y compris techniques et scientifiques -qui expliquent l'amélioration des statistiques depuis 2002. Non, monsieur Baylet, il n'y a pas d'un côté l'État qui ferait bien et les maires qui feraient mal. Il est faux de dire que les effectifs opérationnels de la police diminuent.

Le Fonds interministériel de prévention de la délinquance a été créé en 2007. Nous l'attendions depuis longtemps ! Avec 30 millions d'euros, la vidéoprotection représente 60 % des crédits ; 620 projets communaux ont été soutenus. L'effort doit continuer en ce sens.

Les 19,1 millions restant financent d'autres actions des communes et des associations.

Je remercie M. Dallier d'avoir souligné la pertinence des chiffres que je viens d'évoquer. Deux dispositions du projet Loppsi 2 donnent de nouveaux moyens aux communes de gérer la vidéoprotection à moindre coût. Sur la question des amendes de police, la loi de finances tranchera. Il faudra sans doute relever le niveau des amendes, qui ne l'a pas été depuis 24 ans. Des crédits supplémentaires pourraient ainsi être partagés entre l'État et les collectivités territoriales.

Depuis 20 ans, tous gouvernements confondus, la délinquance des mineurs a augmenté de 118 %. C'est un vrai problème. Dans certaines communes, comme la mienne, elle a diminué, preuve que ce n'est pas une fatalité.

Vous caricaturez la démarche d'Eric Ciotti sur les contrats de responsabilité parentale. C'est une réponse personnalisée qui montre son efficacité. Lui-même n'est jamais allé jusqu'à la suspension ou la mise sous tutelle des allocations familiales. La menace, sans esprit de stigmatisation, est dissuasive.

L'État n'est pas en opposition avec les collectivités, mais la politique nationale de sécurité n'est pas une collection de politiques locales autonomes. Il a le devoir d'en assurer la cohérence.

Pas de recrutement dans la police, madame Assassi ? Si, 5 740 recrutements en 2010 !

Mme Éliane Assassi.  - Tout ça pour ça !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - J'avais un message à vous faire passer au nom du Gouvernement. Je vous remercie de m'en avoir donné l'occasion. (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 13 heures 5.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Logement outre-mer

M. Daniel Marsin .  - La loi pour le développement économique de l'outre-mer programme le tarissement du financement du logement libre ou intermédiaire.

Résultat : l'activité s'effondre en Guadeloupe, malgré 20 000 demandeurs de logement social. Il s'agit pourtant de la seule activité locale non délocalisable. La situation s'aggravera encore avec le coup de rabot sur les niches fiscales.

Pour la défiscalisation, c'est un vrai parcours du combattant. Les opérateurs se heurtent à la complexité du dispositif restant et à la lenteur que met Bercy pour accorder son agrément.

Nous ignorons si le financement du logement social peut bénéficier à la fois de la défiscalisation et de la LBU. La circulaire du 1er juin n'est pas claire. Pour moi, la LBU doit rester le socle du financement.

Il est important de clarifier les règles du jeu. Agissez vite, car les investissements se font au cours du dernier trimestre de l'année. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer .  - Vous avez raison : la loi pour le développement économique de l'outre-mer réoriente le financement du logement libre vers le secteur social, afin de donner des conditions de vie décentes à nos compatriotes.

La circulaire du 1er juin, sans remettre en cause le principe, précise les sources de financement du logement social : la LBU en constitue le socle, avec 140 millions ; ensuite la défiscalisation qui échappera au rabot de 10 % ; enfin, le cumul des deux dispositifs qui ne peut toutefois devenir systématique.

Nous sommes vigilants, car nous connaissons les difficultés des bailleurs sociaux en raison de la complexité de la procédure : nous allons la simplifier afin de financer les opérations au juste coût. (Applaudissement sur les bancs UMP)

Surendettement

M. Claude Biwer .  - La réforme du crédit à la consommation vient d'entrer en vigueur, après l'adoption d'un texte reprenant pour partie une proposition de loi que j'avais déposée en 2006 : quatre ans de perdu pendant lesquels la situation s'est détériorée : 2,6 millions de Français sont surendettés.

Le Gouvernement est tiraillé entre l'impératif moral de lutter contre le surendettement et la défense de la croissance, alimentée par la consommation et le crédit.

Je me félicite de l'application de ce texte mais m'inquiète du laxisme dans la distribution du crédit : mais que comptez-vous faire pour que les taux cessent d'être prohibitifs, pour que les établissements soient plus responsables et consultent le fichier des emprunteurs ? (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur .  - Je vous prie d'excuser Mme Lagarde et vous remercie pour votre contribution à la nouvelle loi, entrée en vigueur lundi 1er novembre.

Celle-ci améliore la procédure de surendettement, car la Banque de France doit agir dans les trois mois au lieu de six.

Depuis le 1er septembre, la publicité financière est encadrée, des garde-fous seront en place à partir du 1er mai. Les banques devront vérifier la solvabilité des emprunteurs, les magasins devront offrir le choix entre crédit renouvelable et crédit classique, avec un remboursement en capital.

Ainsi, la loi Lagarde permettre d'éviter les abus, tout en préservant la consommation, un des moteurs de notre croissance. (Applaudissements à droite)

Gardes à vue

M. Alain Anziani .  - Le Conseil constitutionnel a censuré la loi sur la garde à vue, la Cour de cassation a jugé la procédure illégale et la Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France au même titre.

Pendant des années, la Chancellerie a prétexté que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Madame le garde des sceaux, vous venez de déposer un texte sur le bureau de l'Assemblée, qui comporte des avancées comme le rétablissement du droit au silence supprimé par la loi Perben 2, mais vous semblez agir à regret alors que vous voulez diminuer le nombre de gardes à vue, 800 000 actuellement, soit plus de 1 % de la population.

M. Guy Fischer.  - Du jamais vu !

Vous inventez une version light dans laquelle le gardé à vue perd ses droits.

Qui peut être mis en garde à vue ? Voyez ce qui se passe en Allemagne, en Italie ou en Espagne : encore un effort pour relever le seuil de détention encouru. Enfin, est-il normal que ceux qui risquent le plus aient le moins de droits ?

Allez-vous faire évoluer votre texte pour éviter une nouvelle condamnation de la France ? (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés .  - Les décisions juridictionnelles existent, mais il faut éviter les erreurs d'interprétation. La condamnation de la Cour de justice portait sur les conditions d'audition d'un témoin -réformées entre-temps. Un nouveau régime de la garde à vue doit intervenir avant le 1er juillet prochain. Ce projet sera discuté et amendé -je suis toujours ouverte aux amendements. D'ores et déjà, le droit au silence est reconnu, avec l'interdiction de la fouille intégrale et le droit à l'intervention de l'avocat. C'est une grande avancée. Nous voulons rendre à la garde à vue son rôle : faire avancer une enquête en évitant qu'un individu disparaisse ou fasse disparaître des preuves.

La loi exclut logiquement la garde à vue si aucune peine d'emprisonnement n'est encourue. Faut-il aller plus loin ? Vous ne souhaitez sans doute pas que la garde à vue soit rendue impossible en cas de soupçon d'attouchement sexuel ou d'entrave au syndicalisme. La version allégée, qui permettra de recueillir quelques renseignements, s'appliquera par exemple dans le cas d'un vol de tube de rouge à lèvres. (Applaudissements à droite)

Retraites

Mme Éliane Assassi .  - (Applaudissements sur les bancs du CRC) Les préférences de M. Woerth vont au Medef plutôt qu'à la concertation. (Exclamations à droite) C'est ce que montre sa réforme des retraites. Désormais, les salariés devront travailler deux ans de plus pour une pension non revalorisée, qui baissera à cause de la décote. Vous permettez aux actionnaires d'accroître leurs dividendes et vous repoussez à 67 ans le taux plein, sous condition d'avoir cotisé 41,5 années : impossible ! Vous prétendez sauver la retraite par répartition mais vous multipliez les mesures de capitalisation car les banques et assurances veulent faire main basse sur les 230 milliards de l'assurance vieillesse. Vous prétendez défendre la solidarité intergénérationnelle mais avez accepté l'amendement de la majorité pour un système par points, c'est-à-dire le chacun pour soi.

Nos concitoyens ont compris que vous pratiquiez le double discours : leur colère ne faiblit pas, au point que le Président de la République a déclaré avoir entendu leurs inquiétudes légitimes -c'est donc que les solutions retenues ne le sont pas .... Nous lui proposons de ne pas promulguer la loi. (Exclamations à droite) Nos concitoyens vous enjoignent d'agir maintenant. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique .  - Les Français, tous les Français, ont tout à gagner à cette réforme ; tous doivent contribuer au sauvetage de notre système de retraite, à proportion de leurs capacités. Nous avons construit ensemble cette réforme ; vous avez activement participé au débat. (Rires et approbations ironiques sur les bancs UMP) Il est impératif de changer les règles du jeu pour prendre en compte l'allongement de la vie.

Avec le Président de la République, nous avons voulu que l'on travaille plus longtemps, mais en prenant la pénibilité en compte. (Protestations à gauche) De même, les carrières longues bénéficieront encore d'un départ anticipé. Au total, ce sont 20 % de nos compatriotes qui seront concernés ! Cette réforme est juste. Le seul risque de la capitalisation, ce serait de ne pas oser sauver la répartition ! (Applaudissements à droite)

Accords de défense avec le Royaume-Uni

M. Jacques Gautier .  - Les accords de Londres sur la défense ont été signés mardi avec le Royaume-Uni. L'addition de nos deux budgets représente la moitié des dépenses européennes de défense et les deux tiers de la recherche.

Nos deux nations sont les seules aptes à réaliser les missions militaires les plus exigeantes ; elles sont les seules à disposer de la dissuasion nucléaire.

Faut-il interpréter ces accords comme un coup d'arrêt à l'Europe de la défense, ou comme la constitution un noyau dur d'États pilotes ? Ces accords conforteront-ils la dissuasion nucléaire de nos deux pays ? Pouvons-nous avoir une position commune à Lisbonne, lors du sommet de l'Otan, à propos de la défense anti-missiles balistiques ? (Applaudissements à droite)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes .  - Il s'agit de deux pays alliés, partenaires européens. Le rapprochement a été engagé avec les accords de Saint-Malo. Est-il anti-européen ? Je ne le crois pas. Sur le plan bilatéral, il n'y a pas d'automaticité à travailler ensemble.

Nous travaillerons ensemble avec les Britanniques dans le laboratoire de Valduc en France ...

M. Didier Boulaud.  - En Bourgogne !

M. Bernard Kouchner, ministre.  - ... et un autre en Angleterre.

A Lisbonne, les deux pays défendront l'idée que l'Otan doit rester une puissance collective nucléaire tant que la menace nucléaire perdure. Il ne s'agit aucunement d'y substituer un bouclier anti- missiles. Celui-ci vient en complément, pas en remplacement.

Patrons voyous

M. Jean-Jacques Mirassou .  - La direction américaine de l'entreprise américaine Molex a décidé de placer sa filiale française de Villemur-sur-Tarn en liquidation judiciaire pour « punir » les salariés d'avoir engagé une action aux prud'hommes ; elle a également décidé de ne plus continuer à financer le plan social. Près de 5 millions d'euros sont en jeu.

La semaine dernière, nous avons appris avec stupeur et indignation que les dividendes versés aux actionnaires avaient augmenté de 15 %.

Un département tout entier demande des comptes au Gouvernement, puisque Mme Lagarde a signé le plan initial.

J'ajoute que M. Woerth a autorisé, contrairement à la décision prise par l'inspection du travail, le licenciement pour motif économique de dix-neuf représentants du personnel.

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Que comptez-vous faire pour assurer la pérennité du plan social ? Que ferez-vous pour obliger les patrons voyous à respecter le droit ?

Paradoxalement, ce sont les représentants du personnel qui sont actuellement inquiétés par la justice par les patrons de Molex ! (Applaudissements à gauche)

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie .  - Même si je n'approuve pas vos propos sur la décision prise par la direction générale du travail, je partage votre indignation devant l'injustice subie par dix-neuf salariés de Molex.

Tout au long de l'affaire, j'ai refusé qu'un salarié soit laissé sur le bord du chemin et que toute activité cesse sur le site.

Aujourd'hui, un établissement de 50 salariés fonctionne à nouveau. Il reste que Molex-Etats-Unis a eu un comportement inacceptable pour empêcher Molex France d'assurer ses responsabilités envers les dix-neuf salariés. A Toulouse, j'ai obtenu que leur reclassement soit pris en charge.

J'ai demandé à Renault et PSA de refuser toute commande à Molex tant que les droits des salariés français ne seraient pas respectés. Vous le constatez, le Gouvernement met tout en oeuvre pour défendre les droits des salariés. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Chrétiens d'Irak

Mme Marie-Thérèse Hermange .  - Le terrible attentat contre les chrétiens d'Irak a bouleversé nos concitoyens, car la protection des chrétiens d'Orient est une mission traditionnelle de la France.

En pleine célébration, les armes ont parlé ; désormais, le dialogue doit rétablir un climat de confiance.

La France accueille chaleureusement les chrétiens irakiens contraints de fuir leur pays, mais le débat doit être porté au niveau international. La France saisira-t-elle l'ONU et son Conseil de sécurité ? Encouragera-t-elle une action européenne au service des libertés essentielles ? Soutiendra-t-elle les communautés chrétiennes en Irak ?

La présence des chrétiens est un facteur de paix au Proche-Orient et dans le monde. La France est-elle prête à relever ce défi pour que cette communauté puisse continuer à vivre chez elle ? (Applaudissements à droite)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes .  - L'acte barbare du 2 novembre n'est malheureusement pas le premier dans ce pays. Son retentissement mondial nous impose de réagir.

Ce matin, les représentants des communautés chrétiennes d'orient m'ont demandé d'accueillir une vingtaine de blessés graves. Ils seront soignés dans les hôpitaux de Paris.

Hélas, nous ne pouvons protéger chaque chrétien d'Irak. J'ai saisi l'Union européenne. Notre coopération envers l'Irak est axée sur l'édification du système judiciaire. Nous ne pouvons protéger directement les églises et les écoles : c'est au gouvernement irakien d'agir.

Aux Nations unies, nous avons demandé un débat au Conseil de sécurité, portant sur la situation en Irak. D'autres communautés ont été frappées, non moins durement. Nous ne pouvons saisir le Conseil de sécurité à chaque fois...

Multiplier les places d'accueil n'est pas la solution. D'ailleurs, la communauté chrétienne demande avant tout de faire respecter la liberté de culte et de religion. Nous nous efforcerons d'y parvenir. (Applaudissements à droite)

Mineurs délinquants

M. Serge Dassault .  - (Marques d'enthousiasme ironique à gauche) L'ordonnance du 2 février 1945 a institué les tribunaux pour enfants et les cours d'assises des mineurs. Or, la délinquance des mineurs s'aggrave sans cesse, pour représenter plus de 16 % des atteintes volontaires aux personnes. La réponse judiciaire doit s'adapter à l'évolution constatée en 65 ans. La police est démoralisée par l'impunité des mineurs qu'elle livre à la justice. Cela doit cesser ! Plutôt que de les incarcérer, il faudrait leur donner une formation pour leur permettre de trouver un emploi...

M. Didier Boulaud.  - Il n'y en a pas !

M. Serge Dassault.  - ... ou leur proposer une école de la deuxième chance. Qu'en pensez-vous ? (Applaudissements à droite)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés .  - Tous les pays européens fixent la majorité pénale à 18 ans ou plus, conformément à la convention protégeant les enfants. Mais notre législation prend en compte la maturité des jeunes de 16 à 18 ans, soumis à un régime plus sévère en matière de détention provisoire. La comparution immédiate est applicable. Les centres éducatifs fermés accueillent les mineurs et les jeunes majeurs. Une formation professionnelle est organisée sur place pour les premiers, parfois à l'extérieur pour les seconds. Bien sûr, la société a changé depuis 1945. C'est pourquoi je travaille à une réforme de la responsabilité pénale des mineurs.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Dès 3 ans !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le premier objectif est d'accélérer le processus judiciaire, le second de prendre en compte la récidive des mineurs. La chaîne éducative commence en famille et va jusqu'à la police, en passant par l'école et les collectivités territoriales. (Applaudissements à droite)

Industrie automobile

M. Jean-François Humbert .  - La filière automobile joue un rôle d'entraînement considérable pour l'économie franc-comtoise. Les stratégies des équipementiers influencent directement l'emploi ; elles dépendent largement des constructions automobiles.

Au cours des années 90, les PME ont subi des évolutions sans précédent. Aujourd'hui, l'industrie automobile occupe 10 % de la population active et finance 15 % de la recherche et développement. La baisse d'activité risque de fragiliser des PME aux finances insuffisantes.

Quelle est la situation du marché automobile ? Que ferez-vous pour protéger cette filière ? (Applaudissements à droite)

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie .  - Je connais votre mobilisation au service des PME et sous-traitants automobiles en Franche-Comté. Le Président de la République et le Premier ministre ont eu le courage de prêter 6 milliards d'euros à nos deux constructeurs automobiles -deux sur onze dans le monde ! Grâce à la prime à la casse, 2,3 millions de véhicules ont été vendus en 2009 : un record !

Au dixième mois de 2010, la baisse est de 1,4 %, mais comme la référence est une année exceptionnelle, les ventes restent à un niveau très élevé ; de plus, le déstockage de 2009 n'avait pas d'incidence sur la production. En 2010, celle-ci augmente de 20 % ! Au cours de cette période charnière, nous devons accompagner cette évolution, en particulier la modernisation des PME. Le médiateur de la sous-traitance a été mis en place. Nous avons créé un comité de filière, pour que la fabrication en France redevienne une réalité ! (Applaudissements à droite)

Télémédecine

M. Claude Domeizel .  - Beaucoup d'entre nous s'inquiètent de la consultation médicale sur internet, une formule éventuellement intéressante, mais pour aider les praticiens, non les remplacer. Les demandes de la Cnil ne sont pas satisfaites.

Comptez-vous couvrir tout le territoire pour le haut débit ? La télémédecine, pourquoi pas, mais rien ne remplace l'intimité du cabinet médical, l'écoute et le toucher médical. Le vrai problème est le non-remplacement des médecins ruraux partant à la retraite, parallèlement à la disparition des services publics de proximité.

Comment comblerez-vous le déficit démographique pour offrir partout des soins de qualité ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports .  - A part votre conclusion un peu polémique, je partage votre questionnement. Évidemment, la télémédecine ne pourra jamais remplacer le dialogue singulier entre le patient et son médecin. Nous voulons simplement encadrer des pratiques déjà existantes : des sites payants proposent des consultations par internet. Je veux que ces actes soient pratiqués par des médecins pouvant exercer en France. En outre, je veux faire entrer la consultation dans le champ de l'assurance maladie. Bien sûr, les observations de la Cnil seront respectées. Nous disposons des outils avec la loi HPST : élargissement du numerus clausus, ARS constitués en guichets uniques, plates-formes logistiques pour aider les médecins à s'installer, développement des nouveaux modes d'exercice. Et, dans les zones sous-denses les médecins bénéficient d'une rémunération supérieure.

Voilà dans quel cadre la télémédecine va prendre toute sa place, mais rien que sa place ! (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 16 heures 5.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 16 heures15.

CMP (Demande de constitution)

M. le président.  - M. le Premier ministre a fait connaître au Sénat qu'il souhaite la constitution d'une CMP sur la loi de programmation financière 2011-2013.

Modification à l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date de ce jour reçue de M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, le Gouvernement rectifie l'ordre du jour de la séance du mardi 9 novembre comme suit :

Mardi 9 novembre 2010 le matin, l'après-midi et le soir : conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ; suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

M. Didier Guillaume.  - C'est scandaleux !

M. le président.  - Conformément au dernier alinéa de l'article 48 de la Constitution, nous avions prévu une séance de dix-neuf questions orales mardi matin, que nous sommes donc amenés à reporter.

Y a-t-il une opposition ?

M. Jean-Pierre Bel.  - Le Sénat est la cible d'une frénésie législative qui le désavoue sur le fond et le bafoue sur la forme.

Les grands principes rappelés par le Sénat lors de la discussion du projet de loi sur la réforme territoriale ont été repoussés par la CMP. Cela pose un vrai problème pour notre Assemblée. Cette décision remet en cause beaucoup de choses.

Le projet de loi devait être adopté avant l'été ; où est l'urgence ? La réforme constitutionnelle avait pour objectif de renforcer les droits de l'opposition. Le mardi matin est destiné à la réunion des groupes, l'ancien président du groupe UMP ne l'ignore pas. Pourquoi nous faire débattre des conclusions de la CMP mardi matin et pas l'après-midi ?

Le président du Sénat aurait eu son mot à dire sur l'ordre du jour. Dites-lui notre indignation.

M. le président.  - Je transmettrai votre déclaration au président du Sénat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - A mon tour, je m'oppose à ce nouveau coup de force du Gouvernement, poussé sans doute par l'impatience du Président de la République de voir consacrer la Bérézina sénatoriale que nous avons eue en CMP.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est le terme juste.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La Chambre qui représente les collectivités locales avait pris en compte leurs demandes; voici qu'elle est désavouée.

Le Gouvernement nous impose de modifier l'ordre du jour d'une façon particulièrement défavorable puisqu'il nous empêche de nous réunir mardi matin -ce dont les groupes de la majorité n'ont peut-être pas besoin...- afin de nous imposer un calendrier qui n'a plus de signification. L'urgence n'a plus de raison d'être. Nous sommes profondément mécontents de cette façon de traiter les sénateurs.

M. le président.  - Je ne manquerai pas de transmettre cette observation au président du Sénat.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - J'ajoute ma protestation, au nom du président Collin. Il nous faut quand même un peu de temps pour prendre connaissance des conclusions de la CMP ! Je souhaite, au minimum, que le débat soit reporté.

M. le président.  - A quelle heure ?

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Au début de l'après-midi, au moins en fin de matinée.

M. Claude Biwer.  - C'est la deuxième fois que sont reportées les questions du mardi matin, ce que je regrette vivement.

M. Gérard Longuet.  - Le groupe UMP se réunit lui aussi habituellement le mardi matin, en même temps que la séance des questions orales, dont l'intérêt n'est que marginal. Mais la coutume n'est pas le Règlement. La réforme des collectivités locales a été engagée en juillet 2008 à l'initiative du Président de la République. Nous y avons travaillé longuement et l'on nous propose de débattre des conclusions d'une CMP qui reprend nombre des dispositions adoptées par le Sénat. (Protestations à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas vrai ! Relisez les conclusions de la CMP !

M. Gérard Longuet.  - Cette semaine pose problème : outre le 11 novembre, nous allons célébrer le 40e anniversaire de la mort du général de Gaulle ; nombre d'entre nous seront à Colombey-les-Deux-Églises le 9.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut qu'ils puissent y aller !

M. Gérard Longuet.  - Il n'y a pas de bonne solution la semaine prochaine. Mardi matin n'est pas satisfaisant mais nous avons l'esprit ouvert sur les heures. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je suis très partagée. Si nous commençons l'examen de la CMP l'après-midi, cela va décaler encore l'examen du PLFSS... Peut-être, comme ont dit le président Longuet et Mme Escoffier, pourrait-on revoir l'heure...

M. le président.  - Selon l'article 6 ter du Règlement, les groupes se réunissent en principe le mardi matin à 10 heures 30.

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.  - Nous avons mis 9 heures 30 pour ne pas nous trouver en contradiction avec cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela prendra plus d'une heure !

M. Henri de Raincourt, ministre.  - N'allez pas me dire que cela va troubler vos consciences pour le vote. On sait comment voteront les uns et les autres.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le vote reste libre !

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Bien entendu !

D'autre part, la discussion du PLFSS ne peut être retardée. Le calendrier parlementaire est très chargé, avec des contraintes constitutionnelles impératives. Je n'ai pas entendu d'arguments m'amenant à changer ma proposition. Je veux bien 10 heures, mais que direz-vous ?

M. Didier Guillaume.  - Il faudra bien deux heures !

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Allons, pas pour une CMP ! Si les présidents des groupes le souhaitent, je veux bien 10 heures, c'est tout.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pas de cuisine ! Il y en a déjà eu assez  en CMP !

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le président Longuet sur l'inscription de la CMP mardi matin à 10 heures.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 185
Contre 152

Le Sénat a adopté.

Ordre du jour réservé à un groupe

M. le président.  - Par courrier en date du 2 novembre 2010, M. Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, a demandé le retrait de l'ordre du jour de l'espace réservé à son groupe le mardi 16 novembre 2010 de la proposition de loi relative à l'aide active à mourir.

Il demande, en remplacement, l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution n° 674, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution relative aux enfants franco-japonais privés de liens avec leur parent français en cas de divorce ou de séparation, déposée le 13 juillet 2010.

Acte est donné de cette demande. Il est proposé d'attribuer un temps d'intervention de vingt minutes à l'auteur de la proposition de résolution, de fixer à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe et à cinq minutes les explications de vote par groupe, trois minutes pour les non-inscrits.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 15 novembre 2010.

Débat sur les lignes à haute tension

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les effets sur la santé et l'environnement des champs magnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension.

M. Daniel Raoul, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.  - Notre collègue Jean-Claude Etienne, qui était encore il y a peu vice-président de l'Office parlementaire, a été nommé au Conseil économique, social et environnemental et a quitté la Haute assemblée. Frappé par un grave accident de santé, il nous a impressionnés par sa volonté de retrouver le plein exercice de ses capacités. Il s'était fait une joie de participer pour la première fois, au nom de l'Office, à la Conférence des Présidents à l'invitation de M. Gérard Larcher.

Ce problème concerne surtout les départements de la Manche et de la Mayenne, mais constitue aussi un sujet de questionnement voire d'inquiétude dans beaucoup de lieux traversés par ces lignes. L'Office a été saisi par la commission de l'économie ; j'ai tenté d'aborder la question sans a priori, malgré mon passé professionnel, et en étudiant les publications scientifiques d'experts reconnus, validées par leurs pairs, sans pour autant exclure de ma réflexion les opinions divergentes avec le consensus scientifique.

Sensible ainsi aux sciences humaines, j'ai tenu à conjuguer une démarche éthique avec l'approche scientifique du problème. J'espère être ainsi parvenu à des conclusions claires et utilisables.

Premier constat : la France a le plus important réseau européen de lignes à haute tension, avec plus de 100 000 kilomètres. Avant même le parc nucléaire, la France avait l'un des plus importants réseaux du monde. Celui-ci va continuer à se développer, car il répond à la demande, tant en quantité qu'en qualité. Il répond ainsi à plusieurs exigences fondamentales ; ainsi, l'électricité ne peut être stockée. Le réseau doit aussi garantir la redondance des moyens d'accès à l'électricité. Nous avons vu l'hiver dernier ce que pouvait avoir de périlleux la situation de péninsule électrique de la Bretagne.

RTE s'est engagé à ne pas étendre ce réseau aérien. Depuis 1979, les lignes hautes tension sont mises en cause pour leurs effets sur la santé. Il est abusif de parler en l'occurrence du champ magnétique pour une ligne électrique de 50 hertz. Les pollutions magnétiques et électriques sont, à cette fréquence, nettement distinctes. Ce point est important car, pour la santé humaine, c'est le champ magnétique qui est incriminé, tandis que pour les élevages et la santé animale, ce sont plutôt des problèmes électriques qui sont identifiés.

Les lignes électriques sont loin d'être les seules émettrices du champ magnétique : sèche-cheveux, portiques électromagnétiques des magasins ou radioréveils en génèrent...

Plus généralement, les enfants sont moins exposés que les parents, car ils utilisent moins les transports en commun. Une étude a été conduite en 2004. Il en résulte que 375 000 Français pourraient subir un seuil supérieur à 0,4 microtesla, qui pourrait devenir dangereux pour de jeunes enfants.

Un consensus international s'est dégagé pour affirmer l'innocuité des champs magnétiques statiques et pour estimer que les champs magnétiques à basse fréquence n'ont pas d'effet à court terme.

Sur le long terme, presque tous les effets possibles sont aujourd'hui exclus sauf dans trois domaines : électrohypersensibilité, certaines maladies neurodégnératives et certaines formes de leucémie de l'enfant. Nous savons encore peu de choses de l'hypersensibilité électromagnétique, mais il nous faut prendre au sérieux les malades et leur proposer une solution thérapeutique.

En ce qui concerne les maladies neurodégénératives, les experts français et européens ne sont pas en accord pour estimer le niveau de risque.

Ces pathologies pourraient concerner beaucoup de personnes, mais une étude de la RATP s'est révélée négative. Il est vrai qu'elle utilise du courant continu... Je regrette que la SNCF se soit abstenue de conduire une étude. L'Office préconise la vigilance.

Existe-t-il un lien avec les leucémies des jeunes enfants ? L'hypothèse a été évoquée en 1979 ; l'OMS estime qu'il y a un lien probable, malgré l'absence de toute confirmation pour les études in vivo et in vitro. La classification utilisée par l'OMS n'a pas été mise en cause depuis dix ans. Le risque existe, mais quelle est son importance ? Les leucémies touchent surtout des enfants de moins de 6 ans ; leurs causes sont multifonctionnelles. En France, seuls 2 % des enfants malades subiraient des champs supérieurs à 0,4 microtesla. Au total, la mortalité imputable aux lignes électriques s'établirait à un ou deux cas annuels.

Nous devons considérer l'inquiétude légitime des familles. Il faut donc approfondir la recherche, en prenant sur le plan local des mesures évitant si possible d'exposer les petits enfants à des champs supérieurs à 0,4 microtesla. En revanche, j'exclus tout couloir de protection, trop contraignant et coûteux. Que décidera le Gouvernement ?

J'en viens au deuxième volet : l'impact sur la faune et la flore. C'est un terrain défriché par nombre d'études nord-américaines ou scandinaves : presque aucun effet n'est perceptible, même à proximité de lignes à un million de volts. Cependant, j'ai demandé à RTE d'approfondir les recherches dans le cadre de partenariats scientifiques.

Les pylônes servent souvent de perchoirs à des rapaces ou à des cigognes, mais nous manquons de données scientifiques d'ensemble.

Plus généralement, j'ai proposé que RTE, EDF et ERDF fassent émerger un organe large de dialogue et de recherche sur l'impact des lignes sur l'environnement sauvage, dont le noyau pourrait être le Comité Avifaune.

Les plaintes concernant principalement l'élevage bovin laitier, mais on ne compte que 24 problèmes depuis 1998. Si les causes sont connues, elles ne sont pas pour autant aisées à diagnostiquer et à résoudre. Le rôle du GPSE doit être conforté : j'ai donc proposé de nouvelles modalités de fonctionnement, avec une intervention locale transparente évitant toute suspicion de collusion.

Nous abordons là les relations de la société avec la science marquée par une méfiance avec les experts. Cette césure doit être comprise pour être dépassée. Les recherches des sciences humaines devraient permettre de surmonter les réticences actuelles.

Les lignes à haute tension offrent une opportunité formidable. J'espère que nous nous en saisirons !

Beaucoup a été fait, mais le dialogue doit encore se développer, notamment avec la mis en place d'un ferme témoin. Un diagnostic commun passe par un processus participatif.

Progresser dans l'information et le dialogue, mener les recherches nécessaires, être prudent quand cela s'impose et fonder nos décisions sur les recherches validées, voilà les quelques préconisations de votre Office parlementaire, convaincus que nous sommes que dans ces débats entre la science et la société, il nous faut faire preuve d'honnêteté intellectuelle, de transparence, d'ouverture mais aussi de responsabilité. (Applaudissements)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Je m'exprime avec humilité, n'ayant que peu d'expérience avec les lignes à haute tension et aucune compétence scientifique, contrairement à M. Raoult.

Le débat d'aujourd'hui a le mérite de nous faire aborder un sujet sérieusement étudié. Merci, monsieur le rapporteur, pour l'excellence de votre rapport, que j'ai essayé de comprendre autant que j'ai pu. La France possède le plus grand réseau de lignes à haute tension et l'un des plus anciens. Le premier secrétariat d'État à l'électricité remonte à 1936. Il fut confié à Paul Ramadier, député de l'Aveyron...

Nous connaissons la contribution de l'électricité au développement du territoire. Certes, la transformation d'EDF en société anonyme change la donne, mais sans incidence sur l'éventuel effet sanitaire des lignes à haute tension.

Il semble que trois groupes de pathologies soient identifiés, mais sans certitude. La recherche doit donc se poursuivre, sans négliger aucune piste.

Les préconisations de l'État tendent à protéger nos citoyens.

Nous n'avons guère d'études sur l'effet des champs magnétiques sur l'environnement.

En attendant les résultats des enquêtes épidémiologiques, nous devrons définir une politique.

L'enfouissement est tentant. J'en ai fait l'expérience avec des lignes qui devaient traverser le vignoble de Marciac. Toutefois, il ne règle pas le problème magnétique et coûte 40 millions d'euros le kilomètre. De plus, les agriculteurs n'y sont pas favorables...

Il me semble difficile de nous prononcer en l'absence d'informations complémentaires. Je souhaite simplement que l'État ne se désengage pas à l'occasion de la libéralisation du marché de l'électricité.

La wifi, le wimax ou le téléphone mobile soulèvent des interrogations analogues. Décédé l'an dernier, Claude Lévi-Strauss, ce savant exceptionnel, a inventé le concept d'humanisme écologique, insistant dans Tristes tropiques sur le fait que nous devons faire passer le monde avant la vie, la vie avant l'homme et nos semblables avant nous-mêmes. (Applaudissements)

Mme Mireille Schurch.  - Je félicite M. Raoul pour son rapport de l'Office, dense et complexe. Il est juste que les parlementaires bénéficient d'une information complète pour répondre à l'inquiétude de nos concitoyens.

La lecture du rapport est particulièrement enrichissante : le passage sur le paradigme de Paracelse, la toxicologie intuitive de Slovic et les travaux de Paul Rozin est très éclairant sur la représentation du risque dans nos sociétés.

Le rapport insiste sur la nécessité d'informer les élus et la société civile. Cela passe par l'engagement des services de l'État, outre la mise en place de procédés démocratiques. Il est essentiel que les élus locaux soient à même de se prononcer sur l'aménagement du territoire. Éleveurs, agriculteurs et citoyens sont tous sources de connaissances.

Pour agir, nous avons besoin d'une expertise scientifique indépendante, alors qu'ERDF jouit d'un quasi-monopole sur les courants électriques basse fréquence. Nombre de questions restent en suspens quant à l'effet des champs électriques ou magnétiques. Nous verrons de quels crédits disposera l'agence créée par la fusion de l'Afset et de l'Afssa.

RTE doit s'engager à garantir l'indépendance des chercheurs, ce qui permettrait d'éviter les polémiques comme celle provoquée par la déclaration de huit experts estimant que « l'Afset a trompé délibérément le public et bafoué l'expertise scientifique ».

La lecture des rapports disponibles conduit à un doute sur l'effet des lignes à haute tension pour les jeunes enfants. L'Afset a donc formulé des recommandations justifiées.

Enfin, au moment où le Gouvernement brade une partie de la production électrique et où la facture énergétique des Français s'alourdit, comment imaginer que RTE puisse enfouir les lignes à haute tension ? Le passage en souterrain présente des avantages, mais l'enfouissement à un coût. Les communes éprouvent des difficultés financières...

Il faut faire appliquer le droit existant, notamment en respectant les servitudes de 30 mètres prévues par le décret du 19 août 2004 et en interdisant l'attribution des permis de construire sous des lignes à très haute tension. Il faut également réfléchir à limiter à 0,25 microtesla l'exposition du public. (Applaudissements à gauche)

M. Antoine Lefèvre.  - Les lignes électriques sont-elles dangereuses ? La question date des années 80, malgré l'absence de certitude scientifique. La simple poursuite d'un débat entre scientifiques induit le doute. Quelque 400 000 personnes sont exposées à des champs électro-magnétiques de 50 hertz. En 1994, un colloque organisé à l'Assemblée nationale n'a pas permis d'exclure toute incrimination de ces champs dans certaines pathologies.

La circulation du courant peut-elle induire des champs à l'intérieur de l'organisme vivant ? Un éventuel effet cancérigène est envisagé. Le Crired de Normandie conclut à une dégradation des conditions de vie des riverains, sans qu'il s'agisse nécessairement de cancers. Indéniablement, les rayonnements électro-magnétiques soulèvent des interrogations.

En 2004, des chercheurs d'Oxford avaient mis en évidence une hausse des risques de leucémie pour les enfants vivant à proximité des lignes à haute tension. Le RTE a reconnu en février 2009 que les préoccupations des riverains étaient légitimes, malgré l'absence de certitudes scientifiques. L'Afset a formulé des recommandations au nom du principe de précaution.

Selon l'Opecst, les champs électriques et magnétiques n'ont aucun effet avéré sur la santé.

L'agriculture et l'élevage constatent certaines baisses de fertilité et des cas de troubles thyroïdiens, voire de cannibalisme.

Le Tribunal de grande instance de Tulle a retenu une présomption de dangerosité de l'ouvrage électrique. Mais la cour d'appel a pris une position inverse.

L'Opecst propose des domaines de recherche précis. RTE de son côté propose de choisir quelques fermes-témoin à proximité de lignes de 400 000 volts. RTE mettra un guide de mesures à disposition des maires.

Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, un dispositif de surveillance doit être instauré. Le décret devrait paraître avant la fin de l'année. Le Parlement européen a demandé à la Commission un rapport annuel sur le niveau de rayonnement et les sources de celui-ci en Europe. Les assurances ont déjà adopté leur version du principe de précaution : elles refusent d'assurer les dommages imputés aux lignes à haute tension. Notre principe de précaution, c'est de ne pas sacrifier la santé au profit.

Vous qui êtes sensible au risque que font courir les nanotechnologies et les antennes relais, madame la ministre, nous vous faisons confiance ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - La notion de risque majeur concernant une large proportion de la population devient envisageable en raison des progrès techniques.

A ce titre, la contribution de l'Opecst, après celle sur les radiofréquences, est empreinte de bon sens et de pragmatisme. Avec votre rapport, qui fera date, nous disposons d'une base solide de discussion, complétant le rapport de l'Anssaet et ceux des deux conseils généraux.

Les lignes à haute tension sont nécessaires au pays, mais suscitent de véritables questions. Heureusement, les zones d'ombre sont maintenant éclairées.

Il faut connaître plus précisément le nombre de personnes exposées à des champs excédant 0,4 microteslas. Le Grenelle de l'environnement autorise désormais l'accès à des mesures objectives ; les collectivités locales et les associations pourront demander une mesure à la charge de RTE. Tous les résultats seront transmis à l'Anssaet.

Je vais demander à RTE un bilan précis des établissements dits sensibles exposés à des champs importants, pour savoir par exemple combien de crèches ou d'écoles sont à moins de 100 mètres d'une ligne ou exposées à plus de 0,4 microteslas.

Parallèlement, nous devons progresser sur la recherche. Une importante étude de Supélec est en cours. Je vais en lancer une autre sur une cohorte de 20 000 enfants, qui seront suivis jusqu'à l'âge adulte.

Le risque de maladies dégénératives n'est pas avéré, mais il fait l'objet d'investigations spécifiques. Il en va de même pour l'hypersensibilité électrique dont l'origine est inconnue même si la souffrance est réelle. Un protocole de prise en charge a été élaboré par l'hôpital Cochin.

Les études épidémiologiques font apparaître une corrélation entre exposition au-delà de 0,4 microteslas et leucémies aiguës de l'enfant. Mais la relation causale reste inconnue. D'où le classement des lignes à haute tension en agents cancérigènes de catégorie 2B. Contrairement aux ondes émises par les téléphones portables, il y a une grande convergence des études sur le sujet.

Bien sûr, la recherche sur les lignes à haute tension ne doit pas relever exclusivement de RTE. L'AMR a été sollicitée, de même que l'Anssaet.

L'enfouissement des lignes est souvent présenté comme la solution, mais l'incidence sur la santé en surplomb peut être supérieure à celle d'une ligne aérienne. S'ajoute le coût, dix fois plus élevé. Enfin, il n'est pas toujours techniquement réalisable. La loi Nome organise la participation financière de RTE à l'enfouissement ; des objectifs lui ont été fixés.

Votre principale suggestion consiste à ne pas exposer davantage de personnes sensibles. Le Luxembourg, l'Allemagne et la Suisse imposent déjà un certain éloignement des bâtiments. Vous avez raison de plaider pour une recommandation, privée de valeur véritablement contraignante.

Les deux conseils généraux sont sur la même ligne. Le principe est que l'État émette une telle recommandation pour éviter l'installation de bâtiments dans les zones sensibles ; comme nous avons encore un doute sur le bon critère -les 100 mètres ou les 0,4 microteslas-, nous allons réunir un groupe de travail avec les collectivités locales concernées. Toute nouvelle ligne devra en tout cas éviter les établissements sensibles.

Vous soulignez que la nécessité de construire des lignes à haute tension doit être l'effet d'un choix collectif. Les procédures de consultation des élus et du public peuvent sans doute être simplifiées. RTE a un site internet sur le sujet. Le ministère en a créé un autre, « Ondes-info ».

Enfin, votre rapport a abordé la question de l'impact des champs magnétiques sur l'environnement -en cette année internationale de la biodiversité. Sur les animaux, on a bien identifié un problème électrique. Le rôle du GPSE va être renforcé. RTE travaille en étroit contact avec le ministère de l'agriculture et avec la profession agricole. Une association verra le jour dans les prochains mois.

J'aborde ce sujet avec beaucoup d'humilité. Il y a des zones d'ombre que l'on doit assumer avec pragmatisme, en évitant les surenchères. Je vous remercie une fois encore pour votre rapport qui va largement nous inspirer. (Applaudissements)

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date de ce jour, le texte d'une décision qui concerne la conformité à la Constitution de la loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d'origine, ainsi qu'à la lutte contre les réseaux d'exploitation concernant les mineurs.

Acte est donné de cette communication.

Prochaine séance lundi 8 novembre 2010, à 14 heures 30.

La séance est levée à 18 heures 5.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du lundi 8 novembre 2010

Séance publique

À 14 HEURES 30 ET LE SOIR

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Saint-Christophe-et-Niévès relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (n° 744, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 10, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 14, 2010-2011).

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Saint-Vincent-et-les-Grenadines relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (n° 743, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 10, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 13, 2010-2011).

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Sainte-Lucie relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (n° 742, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 10, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 12, 2010-2011).

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Grenade relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (n° 741, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 10, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 11, 2010-2011).

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement d'Antigua-et-Barbuda relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (n° 22, 2010-2011).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 32, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 33, 2010-2011).

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Vanuatu relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (n° 745, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 10, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 15, 2010-2011).

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République orientale de l'Uruguay relatif à l'échange de renseignements en matière fiscale (n° 746, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 10, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 16, 2010-2011).

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011 (n° 84, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Vasselle, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 88, 2010-2011) ;

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 90, 2010-2011).