Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Discussion des articles (Suite)
Article 4 (Suite)
Mme la présidente. - Nous poursuivons les explications de vote sur l'amendement n°5 à l'article 4.
Mme Marie-France Beaufils. - La disposition sur les annuités est à la fois injuste et injustifiée. Elle est particulièrement discriminatoire pour les femmes, dont la carrière est, en moyenne, plus courte que celle des hommes. Les agricultrices font une double journée de travail dans les champs et au foyer et ne savent pas plus que les épouses d'artisans et de commerçants ce qu'est une semaine de 35 heures. Cet article 4 est vraiment très injuste : plus la carrière aura été pénible, plus on demandera d'efforts.
M. Guy Fischer. - Voici le troisième moment essentiel du débat. Nous sommes opposés aux deux reculs d'âge et voici maintenant la durée de cotisation. Nous n'évacuons pas le problème du financement : nous avons déposé une proposition de loi ponctionnant les revenus financiers.
Cette réforme est brutale : dès juillet 2011, l'allongement de la durée de cotisation va jouer. Elle est brutale aussi parce que le Gouvernement est le seul en Europe à jouer à la fois sur tous les tableaux pour nous faire basculer dans le système anglo-saxon.
Cette réforme est injuste : ce sont à 85 % les salariés qui vont la payer. On le fait insidieusement, sournoisement, en ponctionnant le plus grand nombre. Cette réforme est inefficace : il faudra revenir dessus à brève échéance.
Je disais à un collègue de droite que cette réforme est du Thatcher. Il m'a répondu que c'était du Thatcher à la puissance 10 ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Jean-Pierre Fourcade. - Nous allons entendre beaucoup de répétition sur cet article 4. Je fais le point maintenant, au nom de l'UMP.
Chacun s'accorde à reconnaître qu'il n'y a pas de solution fiscale au problème des retraites. Notre pression fiscale est déjà la plus forte d'Europe.
Si l'on voulait financer la réforme uniquement par la durée de cotisation, il faudrait monter jusqu'à 47 ou 48 ans, ce qui est inadmissible pour les jeunes que vous mettez dans la rue. (Exclamations à gauche)
J'ai deux références sérieuses, MM. Strauss-Kahn et Rocard, qui m'incitent à voter contre cet amendement de suppression de l'article 4. (Approbations à droite)
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°841, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger ainsi cet article
I. - Les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale sont abrogés.
II. - L'article 81 quater du code général des impôts est abrogé.
Mme Marie-France Beaufils. - Nous proposons de revenir sur les exonérations de charges sociales accordées dans le cadre de la loi Tepa, en particulier sur les heures supplémentaires.
Ce n'est pas avec des emplois sans cotisations sociales qu'on financera les retraites. Alors que les bénéfices du CAC 40 ne cessent de gonfler, la part des salaires et des pensions ne cesse de reculer. Le Trésor public fait des chèques aux plus riches, ceux qui fraudent le fisc et pratiquent l'évasion fiscale, et les salariés doivent payer !
Mme la présidente. - Amendement n°833, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger ainsi cet article :
Le 1° de l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale est abrogé.
M. Guy Fischer. - Vous refusez d'aborder la question, centrale, du financement des retraites.
Même assujettis à une contribution depuis la LFSS pour 2008, mesure minimale que vous avez fini par prendre, contraints et forcés -c'est comme la poussière qu'on cache sous le tapis-, les stock-options contribuent moins que les salaires au financement de la protection sociale.
M. Alain Fouché. - C'est sous la gauche qu'il y a eu le plus d'argent de gagné !
M. Guy Fischer. - Nous proposons de relever sensiblement le taux des cotisations patronales et salariales sur les attributions d'actions.
La Cour des comptes chiffre à 3 milliards la perte pour les recettes sociales due au système des stock-options.
Mme la présidente. - Amendement n°1172, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit cet article :
Après l'article L. 137-26 du code de la sécurité sociale, est insérée une section 12 ainsi rédigée :
« Section 12
« Contribution patronale sur les formes de rémunération différées mentionnées aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code du commerce
« Art. L. 137-27. - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie et d'assurance vieillesse dont relèvent les bénéficiaires, une contribution due par les employeurs assise sur le montant des éléments de rémunération, indemnités et avantages mentionnés aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, à l'exclusion des options et actions visées aux articles L. 225-177 à L. 225-186 et L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du code de commerce. Le taux de cette contribution est fixé à 40 %. »
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Nous souhaitons instaurer une contribution visant l'ensemble des éléments de rémunération, indemnités et avantages que perçoivent les dirigeants de sociétés cotées en bourse. Ce n'est donc pas un alourdissement de la pression fiscale, monsieur Fourcade !
En clair, nous visons les parachutes dorés et tous les extras salariaux des dirigeants de grandes entreprises. Le cumul d'avantages favorise ceux qui ont déjà le plus. Ces salaires déguisés doivent être assujettis aux mêmes contributions que tous les salaires !
Mme la présidente. - Amendement n°1177, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 137-26 du code de la sécurité sociale, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section ...
« Contribution patronale sur la part variable de rémunération des opérateurs de marchés financiers
« Art. ... - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie et d'assurance vieillesse une contribution de 40 %, à la charge de l'employeur, sur la part de rémunération variable dont le montant excède le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code versée, sous quelque forme que ce soit, aux salariés des prestataires de services visés au livre V du code monétaire et financier. »
Mme Annie David. - La démographie est évidemment une donnée importante du problème mais elle est loin d'en expliquer à elle seule toute l'ampleur. Vous voudriez que nos concitoyens acceptent de boire la potion amère de la financiarisation. Vous avez beau évoquer parfois le Conseil national de la résistance, vous refusez la société progressiste qu'il projetait. Vous ne parlez que d'adaptation aux règles actuelles alors qu'il faudrait désintoxiquer l'économie de la financiarisation.
Mme la présidente. - Amendement n°832, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article L. 241-3-1 du code de la sécurité social, il est inséré un article L. 241-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-3-2. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 241-3, les salariés employés à temps partiel au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail ou, dans des conditions fixées par décret, peuvent demander à ce que la part patronale de cotisations mentionnée au quatrième alinéa de l'article L. 241-3 du présent code soit assise sur une assiette correspondant à une activité exercée à temps plein. »
Mme Marie-France Beaufils. - Des secteurs comme la grande distribution usent et abusent du temps partiel contraint, au détriment surtout des femmes qui, au bout du compte, touchent des pensions inférieures de 40 % à celles des hommes.
Ce projet de loi est particulièrement misogyne ! Depuis les lois Balladur et Fillon, 30 % des femmes ne parviennent pas au taux plein à l'âge de liquider leur pension.
Surcotiser ? Il faut un accord paraphé par l'employeur, ce qui est loin d'être le cas général. Nous proposons une mesure que le Médiateur de la République a lui aussi suggérée.
Mme la présidente. - Amendement n°853, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit cet article :
Après l'article L. 1248-11 du code du travail, il est inséré un article L. 1248-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 1248-12. - Les entreprises qui salarient plus de 10 % de leurs effectifs en contrats à durée déterminé voient la part patronales des cotisations sociales visées à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, majorée de 10 %. »
M. François Autain. - Nous voulons lutter contre le travail précaire nuisible aussi aux comptes sociaux. Le marché du travail se partage de plus en plus entre un pôle restreint de salariés très qualifiés et une masse de salariés peu qualifiés et précarisés. Un des effets en est une multiplication des arrêts maladie, des dépressions, des suicides.
Mme la présidente. - Amendement n°664, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie textile du 1er février 1951.
Mme Annie David. - A Rillieux-la-Pape, les ouvrières de Lejaby occupent le siège de leur entreprise de lingerie de luxe, qui prévoit de fermer trois sites de production. A La Tour du Pin, Playtex envisage aussi de supprimer des emplois. J'ai accompagné à la préfecture les salariées qui allaient signer la convention de revitalisation, et j'ai pu mesurer leur détresse. Les ouvrières du textile, d'un âge souvent proche de la retraite, craignent fort de ne pouvoir retrouver un emploi après leur licenciement. En 2003, les licenciées de Lejaby avaient cru à un reclassement rapide ; en fait de quoi, elles n'ont rien trouvé ou, tout au plus, des temps partiels de service à la personne. Ce sont pourtant des professionnelles très qualifiées...
Mme la présidente. - Amendement n°665, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries métallurgiques.
Mme Marie-France Beaufils. - La métallurgie est un des secteurs les plus durs de l'industrie. Levés tôt pour être sur la chaîne à 5 h 30, les ouvriers de la métallurgie sont épuisés et beaucoup d'entre eux sont en arrêt maladie. Comment les contraindre à retarder encore leur départ en retraite ? Quand ce n'est pas par la fatigue physique, ceux qui sont attachés à la chaîne sont atteints par le stress.
Mme la présidente. - Amendement n°666, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de jeux, jouets, articles de fêtes et ornement de Noël, articles de puériculture et voitures d'enfants, modélisme et industries connexes du 25 janvier 1991.
Mme Annie David. - Nous voulons faire entrer dans cet hémicycle des éléments de vie de nos concitoyens. M. Virapoullé jugeait l'autre jour que « pousser les salariés dans la rue, c'était encourager les délocalisations ». Quelle conception de la démocratie !... Croyez-vous vraiment que nous ayons un tel pouvoir de conviction sur les salariés ?
M. Alain Fouché. - Ne rêvez pas !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Nous admirons votre constance !
Mme Annie David. - Ceux-ci apprécieront d'apprendre qu'ils ne seraient pas conscients tout seuls de ce que vous voulez leur imposer.
Le PDG de Mattel gagne à lui seul plus que tous les ouvriers chinois qui travaillent pour son entreprise de jouets. Les salariés, qui vont être pénalisés, ne sont nullement responsables des délocalisations, mais les actionnaires qui, eux, continuent à s'en mettre plein les poches ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme la présidente. - Amendement n°667, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie du 13 juillet 1993.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Vous refusez de prendre en compte la pénibilité des métiers pour n'admettre que l'invalidité constatée après coup sur tel ou tel individu.
Les boulangers travaillent dans une atmosphère empoussiérée nuisible à leur système respiratoire ; ils manipulent des charges lourdes et des outils dangereux dans l'humidité, ce dans des horaires décalés qui perturbent le sommeil et à l'équilibre psychique.
Mme la présidente. - Amendement n°668, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective des artistes musiciens de la production cinématographique du 1er juillet 1964.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les artistes musiciens de la production cinématographique aussi ont des conditions de travail difficiles. Ils n'ont bénéficié d'une convention collective qu'en 1964 et sont confrontés à la précarité. Leur rémunération au cachet ne facilite pas l'obtention de durées de cotisations suffisantes.
Mme la présidente. - Amendement n°671, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie du 17 novembre 1997.
Mme Annie David. - Ces salariés sont particulièrement défavorisés pour l'obtention de leurs trimestres. Ils subissent une importante précarité, tant dans les blanchisseries que dans les usines spécialisées. Le souci de rentabilité, l'espérance de tirer les prix par le bas ont pour effet de ne payer les salariés qu'au niveau du Smic, à tout âge. En outre, les entreprises licencient les ouvriers âgés pour employer des plus jeunes, qu'elles espèrent plus aisément corvéables à merci.
Mme la présidente. - Amendement n°672, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers du 12 décembre 1978, actualisée.
M. François Autain. - Un accord de branche a été signé le 30 mars dernier dans ce secteur qui connaît une pénurie de main-d'oeuvre et un taux d'emploi des seniors de 24 % ! Cet accord aménage les fins de carrière des quinquagénaires : les tensions liées à l'exercice de cette profession causent des troubles musculo-squelettiques et nombre d'accidents du travail. Les livreurs portent des carcasses de 150 kilos !
La question de la pénibilité se pose donc avec acuité pour cette profession.
Mme la présidente. - Attention à votre temps !
M. François Autain. - Je l'ai respecté à la seconde près !
Mme la présidente. - Amendement n°675, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective du caoutchouc du 6 mars 1953.
M. Guy Fischer. - Il ne faut pas nous stresser, madame la présidente ! (Sourires) Les salariés qui travaillent dans le caoutchouc doivent être exclus de cet article. On parle bien sûr de Michelin...
M. Gérard Longuet. - Du secteur du pneumatique !
M. Guy Fischer. - ...de Dunlop et d'autres. Cette matière première est toxique et ce secteur n'emploie qu'en CDD. Les prix sont tirés vers le bas et les conditions de travail très pénibles, tandis que les salaires sont dérisoires. Les seniors sont licenciés sans pitié. Les salariés auront beaucoup de mal à atteindre 62 ans !
Mme la présidente. - Amendement n°679, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles du 25 novembre 1987, révisé par avenant du 17 juin 2004.
Mme Marie-France Beaufils. - Ces salariés sont particulièrement défavorisés. La précarité y est la règle, le CDI y étant l'exception. Les conditions de travail sont très pénibles : on travaille debout, et souvent le dimanche. Les chaînes de magasins appliquent une politique managériale des plus rudes. Les heures supplémentaires ne sont, le plus souvent, pas payées. Les salariés âgés sont licenciés. Les salariés auront beaucoup de mal à atteindre 62 ans !
Mme la présidente. - Amendement n°680, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective des coopératives agricoles de céréales, de meunerie, d'approvisionnement, d'alimentation du bétail et d'oléagineux du 5 mai 1965.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Ces salariés connaissent des conditions de travail particulièrement dures. Les métiers concernés par cette convention sont divers mais tous y sont pénibles, dangereux, insalubres. L'allongement de la durée de carrière doit donc être banni.
Mme la présidente. - Amendement n°682, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la presse.
M. Guy Fischer. - Ces métiers de la presse ne doivent pas être concernés par cet article. Je pense surtout aux rotativistes. En 2009, une étude a démontré que ce métier, en dépit de la modernisation, est extrêmement pénible. Les contraintes subies ont des conséquences sur l'espérance de vie. Il n'y a plus que cinq imprimeries parisiennes, et la production s'est intensifiée. L'astreinte est permanente et les horaires varient d'un jour sur l'autre.
Mme la présidente. - Amendement n°684, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des grands magasins et des magasins populaires du 30 juin 2000.
Mme Annie David. - On l'a dit : les femmes sont défavorisées par rapport aux hommes : or, dans les grands magasins, 72 % des salariés sont des femmes. Les emplois sont peu qualifiés et peu rémunérés, le temps partiel est la règle. Cette réforme va donc peser sur le niveau de vie de ces salariées. Depuis Le Bonheur des Dames, les luttes avaient permis d'améliorer les conditions. Mais avec cette réforme, on en revient au temps de Zola !
Mme la présidente. - Amendement n°685, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.
M. François Autain. - Les personnels de l'hospitalisation privée ne peuvent accepter cette réforme : 40 000 médecins et 165 000 infirmières sont concernés. Les conditions de travail sont très pénibles dans ce secteur, où l'écoute et les soins de l'âme sont aussi essentiels que ceux des corps. Ces salariés doivent bénéficier des mêmes droits que dans le secteur public.
Mme la présidente. - Amendement n°686, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant des conventions collectives de l'hôtellerie et de la restauration.
M. Guy Fischer. - Augmenter le nombre d'annuités de ces salariés revient à les faire partir plus tard à la retraite alors que les conditions de travail de ce secteur sont particulièrement pénibles. Les salaires ne sont pas attractifs. C'est sans doute pour ces raisons que le personnel est souvent immigré. Certaines luttes sociales ont fait tâche d'huile : je rappelle les grèves à la Tour d'Argent, appartenant au groupe Costes. Les sans-papiers ont démontré que les conditions de travail étaient indignes dans ce secteur. De nombreux étudiants doivent travailler à Mac Do ou ailleurs pour payer leurs études : certains d'entre nous ont été dans cette situation...
Mme la présidente. - Amendement n°687, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie de la chaussure et des articles chaussants du 31 mai 1968, révisée par protocole d'accord du 7 mars 1990.
Mme Odette Terrade. - L'industrie de la chaussure doit être exclue de cet article. Les chaussures sont désormais importées dans des pays où la main-d'oeuvre ne coûte presque rien. Les effectifs en France ont donc fondu comme neige au soleil ces dernières années. Les conflits sociaux ont été nombreux, les exemples abondent.
Mme la présidente. - Amendement n°692, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie des tuiles et briques du 17 février 1982.
Mme Marie-France Beaufils. - Le secteur des tuiles et briques offre des conditions de travail très pénibles. La convention collective de février 1982 prévoyait des départs à la retraite précoces. Or, votre projet de loi revient sur cet acquis social. C'est inacceptable.
Mme la présidente. - Amendement n°693, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie du pétrole du 3 septembre 1985.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - L'industrie du pétrole ne saurait être concernée par cette réforme, les conditions de travail y étant très pénible.
De plus, les compagnies pétrolières ont de plus en plus recours à une main-d'oeuvre contractuelle.
Total engrange des bénéfices record : 8 milliards en 2009, 14 milliards en 2008... Pourtant, les suppressions de postes se multiplient. Des régions entières vont être sinistrées alors que les dividendes s'accroissent.
Mme la présidente. - Amendement n°694, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956.
Mme Odette Terrade. - Dans ce secteur, les conditions de travail sont pénibles alors que les bénéfices explosent. Depuis 2008, cette branche professionnelle a détruit beaucoup d'emplois : près de 15 000 emplois perdus, et ce n'est qu'un début... La manipulation de produits chimiques est fréquente ; le bruit, dans les usines, est permanent, et d'autant plus pénible que les surfaces sont dures. Les travailleurs en souffrent. Il faut donc les protéger en votant notre amendement.
Mme la présidente. - Amendement n°696, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie chimique et connexes du 30 décembre 1952.
Mme Annie David. - la France est le quatrième producteur mondial de produits chimiques. Cette industrie couvre de nombreux secteurs mais les conditions de travail y sont pénibles : les 3 x 8 sont monnaie courante et les salariés sont exposés à de nombreux produits toxiques, notamment les CMR (Cancérogènes, Mutagènes ou Reprotoxiques). Après le drame de l'amiante, il faut prendre garde !
Mme la présidente. - Amendement n°697, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de fabrication mécanique du verre du 8 juin 1972.
M. Guy Fischer. - Vous êtes fils d'un médecin du travail, monsieur le ministre. Vous devriez connaître la réalité et ne pas en avoir la vision distanciée qu'on en a dans le Premier cercle. Nous voulons être la caisse de résonnance des salariés.
Les salariés du verre ne doivent pas être concernés par cet article. Lorsque Danone a fermé le site de Givors, le savoir-faire séculaire des maitres-verriers a été perdu. Chaque année, 4,8 tonnes de produits mutagènes et cancérigènes ont été utilisés dans ce secteur : c'est une véritable bombe à retardement pour la santé de ces salariés.
Mme la présidente. - Amendement n°698, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de l'habillement du 17 février 1958.
Mme Marie-France Beaufils. - Ces salariés, qui sont principalement des femmes, doivent pouvoir profiter de leur vie après des métiers particulièrement pénibles. Elles effectuent des gestes répétitifs et sont exposées à des maladies professionnelles. Elles doivent pouvoir partir plus tôt à la retraite.
Mme la présidente. - Amendement n°701, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de la sérigraphie et des procédés d'impression numérique connexes du 23 mars 1971.
Mme Odette Terrade. - La pénibilité du travail dans ce secteur est avérée. Retarder de deux ans l'âge du départ à la retraite, c'est ponctionner encore un peu plus les salaires de nos concitoyens. Les touristes ne connaissent de l'activité de ce secteur que les souvenirs qu'ils achètent. Ils ne voient pas que ces salariés sont exposés à divers produits dangereux et cancérigènes. Il faut donc leur éviter de cotiser trop longtemps. (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme la présidente. - Amendement n°717, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983.
Mme Annie David. - Ces personnels exercent un métier pénible. Le maintien des seniors est impensable. Comment imaginer une prolongation de la durée de cotisation dans ce secteur ? (Applaudissements sur les bancs CRC)
Mme la présidente. - Amendement n°769, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
Mme Josiane Mathon-Poinat. - Le Gouvernement prévoit un allongement de la durée de cotisation pour les salariés nés après 1955. Un décret sera pris après avis du COR. Au rendez-vous quadriennal, vous préférez une gestion dite « glissante ». Nous sommes opposés à cette méthode qui va encourager un allongement progressif de la durée des cotisations. Si l'espérance de vie augmente en moyenne, la situation est peu homogène : un cadre vit plusieurs années de plus qu'un ouvrier.
Mme la présidente. - Amendement n°887, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 3
Remplacer les mots :
technique du Conseil d'orientation des retraites portant sur l'évolution du rapport entre la durée d'assurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite
par les mots
du Conseil d'orientation des retraites
M. Guy Fischer. - Le COR est un lieu d'expertise et de concertation. Il adresse des recommandations au Gouvernement. Depuis 2000, ses missions se sont progressivement élargies, notamment en 2003.
La durée moyenne des retraites cache des situations disparates. Il doit être mis fin à l'indexation automatique. Le COR ne doit pas être contraint de ne rendre que des avis techniques et doit pouvoir formuler des analyses approfondies.
Les 3,5 millions de manifestants l'ont bien compris !
Mme la présidente. - Amendement n°770, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Mme Marie-France Beaufils. - Nous sommes opposés à un dispositif qui va pénaliser les générations nées en 1953 et 1954. Cela représente près de un million de personnes, tant pour celles nées en 1953 qu'en 1954. Vous faites payer au monde du travail l'allongement de la durée de vie. La retraite ne doit pas devenir comme la ligne d'horizon que l'on voit toujours devant soi mais que l'on n'atteint jamais !
Mme la présidente. - Amendement n°771, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéas 6 à 9
Supprimer ces alinéas.
Mme Odette Terrade. - Nous en arrivons aux agents de l'État : vous exigez encore plus des fonctionnaires, qui sont majoritairement des femmes.
Les différentes administrations de l'État vont devoir proposer à leurs agents de travailler plus longtemps pour éviter toute décote.
Les années 70 ont été marquées par l'augmentation du nombre de fonctionnaires et d'auxiliaires, notamment des femmes, mais elles ne disposent pas de suffisamment de trimestres. Leur retraite sera rabougrie. Cela fera beaucoup de sacrifices pour complaire aux agences de notation.
Mme la présidente. - Amendement n°772, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
Mme Annie David. - Cet amendement porte sur les fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale. Leur multiplication, depuis les lois de décentralisation de 1982 et après la loi Raffarin, a au moins eu cet avantage de remplir les caisses de la CNRACL -dans laquelle l'État s'est empressé de puiser. On compense ainsi les déficits de la MSA tandis que les groupes de distribution, qui rançonnent les agriculteurs, peuvent continuer à faire ce qu'ils veulent. J'ajoute que les fonctionnaires territoriaux sont les plus âgés, en moyenne, de toute la fonction publique. Allonger la durée de cotisation n'est bon ni pour les agents ni pour les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG)
Mme la présidente. - Amendement n°712, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant jusqu'à 10 salariés) du 8 octobre 1990.
Mme Marie-France Beaufils. - Les pratiques de certains patrons du bâtiment, qui reviennent à détourner les contrats de travail -je pense à l'usage qu'ils font du statut d'auto-entrepreneur-, leur permettent de ne pas payer de cotisations sociales. Et celui qui était salarié, et que lie désormais à son ancien employeur un contrat révocable à merci, est soumis à la précarité.
Le secteur du bâtiment est en outre celui où l'on emploie le plus de travailleurs sans papiers, qui doivent raser les murs de peur d'être victimes de rafles. Nous demandons leur régularisation.
Mme la présidente. - Amendement n°816, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le Gouvernement remet, dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport évaluant les coûts pour les comptes sociaux et les conséquences pour les assurés, d'une disposition permettant aux salariés ayant connus une carrière professionnelle particulièrement morcelée de voir calculer leur salaire de référence sur cent trimestres en lieu et place des vingt-cinq dernières années.
M. Guy Fischer. - Cet amendement a une portée très limitée : étudier les modalités de calcul des cotisations. La Délégation aux droits des femmes du Sénat et la Halde préconisent, afin de réduire les effets néfastes des carrières morcelées et des temps partiels sur le montant des pensions, de déterminer le salaire de référence en retenant les cent meilleurs trimestres.
Évitons une paupérisation forcenée des retraités ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Les dispositions financières ne relèvent pas de ce projet de loi mais d'une loi de finances : avis défavorable. Les amendements qui excluent du dispositif un certain nombre de catégories professionnelles ne sont pas équitables : il n'y a pas de raison de faire des cas particuliers. Même avis défavorable. Enfin les amendements supprimant tel ou tel alinéa de l'article sont évidemment contraires à l'esprit du texte.
L'amendement n°816 pose une question pertinente, qui avait été posée par le Médiateur ; un rapport sur le sujet peut être intéressant. Sagesse.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. - Il était instructif de décrire les difficultés de certaines professions, mais nous avons une approche globale de la pénibilité. Ces amendements ne peuvent donc être acceptés, non plus que ceux qui proposent des recettes, sur quoi nous ne sommes pas d'accord.
Le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n°816 : le compte par trimestres ferait un certain nombre de perdants, en particulier du côté des saisonniers. Je sais bien que ce n'est qu'un rapport à cause de l'article 40, mais il est préférable d'en rester aux vingt cinq ans.
Je suis défavorable à tous les amendements.
M. Yves Daudigny. - Nous voterons l'amendement n°841 mais je saisis l'occasion pour répondre à M. Fourcade. Ni M. Rocard ni M. Strauss-Kahn ne sont des nôtres ce matin : la parole socialiste est celle de notre groupe. De plus, quand ces deux personnalités étaient aux responsabilités, vous les combattiez avec une grande violence politique.
M. Jean-Paul Émorine. - Des mots, toujours des mots !
M. Yves Daudigny. - De toutes les mesures démographiques, la seule qui puisse être acceptable est celle qui touche à la durée de cotisation puisqu'elle tient compte de l'âge d'entrée dans la vie active. Encore faut-il que certaines conditions soient remplies, que nous ne cessons de vous expliquer...
Je puis donner à mon tour un conseil à l'UMP. Lisez l'éditorial de Libération : « Drôle de grève, décidément ! Le Gouvernement aurait tort de se réjouir : le feu qui couve laisse l'avenir immédiatement ouvert ». (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Marie-France Beaufils. - Notre amendement n°841 vise la loi Tepa, élaborée à la demande du Medef. (On ironise à droite) Nul ne s'est caché, à l'époque, que c'était de cela qu'il s'agissait !
Favoriser les heures supplémentaires a pour effet d'accroître le chômage et de creuser le déficit des comptes sociaux, tout en rendant plus pénible la situation des salariés -qui travaillent alors sans cotiser pour la retraite ! Le Gouvernement dit qu'il n'a plus d'argent et il se prive d'une recette de 3 milliards chaque année.
La Cour des comptes dénonce la surenchère des politiques d'allégement des charges menée depuis 2005...
M. Jean Desessard. - La Cour des comptes !
Mme Marie-France Beaufils. - ...politiques qu'elle juge coûteuses, incontrôlées et sans effet sur l'emploi. Si les salariés acceptent des heures supplémentaires, au détriment de leur vie personnelle et de leur santé, c'est parce que leur rémunération est trop faible. Les heures supplémentaires ne font qu'augmenter le taux d'exploitation.
Ces mesures de défiscalisation sont un jeu de dupes pour les salariés. (Applaudissements sur les bancs CRC)
M. Alain Anziani. - J'ai moi aussi été frappé par les propos de M. Fourcade, selon qui la pression fiscale serait déjà excessive en France. Est-ce vrai ?
Mme Nicole Bricq. - Non !
M. Alain Anziani. - L'Expansion, qui n'est pas un magazine gauchiste, a montré que Mme Bettencourt... (Exclamations à droite)
M. Christian Cointat. - Encore ?
M. Alain Anziani. - Ce n'est pas ma faute si ce fantôme vous poursuit ! Mme Bettencourt, donc, a un taux d'imposition de 9 %.
Il y a quelques mois, Mme Lagarde distinguait, dans La Tribune, entre le taux facial de l'IS, qui est de 33,3 %, et le taux réel qui est des deux tiers.
Dois-je évoquer l'évasion fiscale de certaines entreprises, dont la BNP ? Le fait que les entreprises du CAC 40 paient de deux à trois fois moins d'impôts que les PME ? Entre évasion fiscale et exonérations -dénoncées par Mme Lagarde elle-même-, l'État se prive de 8 milliards ! Vous nous direz sans doute que le chantier sera engagé en 2011. Mais vous auriez dû commencer par là, pour donner à l'État les moyens qui lui manquent aujourd'hui.
Vous refusez de comprendre que votre réforme est mauvaise, parce qu'elle entretient l'injustice. (Applaudissements à gauche)
M. Ronan Kerdraon. - Votre discours est comme le Canada Dry, monsieur le ministre ; il a le goût de la vérité, la couleur de la vérité mais ce n'est pas la vérité ! Vous remettez en cause le pacte social de 1945, vous cassez les garanties collectives sans relever les défis de l'heure.
Les jeunes sont dans la rue, non que nous les y mettrions mais parce qu'ils n'ont pas confiance dans vos propositions. Ils vont cotiser plus longtemps et percevoir moins, voilà ce qu'ils ont bien compris. D'autant que vous les rackettez en pillant les 34 milliards du FRR. Vous sacrifiez les jeunes générations, vous avez supprimé 40 000 postes d'enseignants. L'emploi des jeunes se dégrade. Ne vous étonnez pas qu'ils vous considèrent comme le ministre de la précarité ! Écoutez leur angoisse !
M. Jean Desessard. - Je voterai aussi l'amendement n°841 mais je vais compléter l'intervention de M. Anziani.
M. Nicolas About. - De fait, elle n'était pas complète... (Sourires)
M. Jean Desessard. - Non puisqu'elle n'évoque que la situation française. Il y a aussi la mondialisation... (M. Nicolas About ironise) des exilés fiscaux ! On évoque Mme Bettencourt...
M. Christian Cointat. - Encore !
M. Jean Desessard. - ...et pas tous ceux qui ne paient pas d'impôt parce qu'ils pratiquent l'évasion fiscale.
Que votent les eurodéputés de votre bord à Bruxelles ?
M. Christian Cointat. - A Strasbourg !
M. Jean Desessard. - Ils favorisent le dumping fiscal et social ! Ceux qui se battent, au contraire, pour une harmonisation par le haut sont de ce côté-ci de l'hémicycle !
M. René-Pierre Signé. - Qui a beaucoup fréquenté les hôpitaux sait que la partie essentielle de l'hospitalisation, ce dont les malades se souviennent le plus, c'est le soin quotidien. On ne peut dire avec Mallarmé que « la mort est un petit ruisseau mal famé» si l'on n'a pas beaucoup fréquenté les mourants.
Exercer la fonction consolatrice pour les derniers instants n'est pas une sinécure. Je n'insisterai pas sur la fatigue physique dans le bruit et les plaintes continuelles. C'est un lieu horrible, l'hôpital, qu'il soit privé ou public. Il ne serait pas anormal que ces salariés puissent songer un peu à eux-mêmes, pas trop tard.
M. David Assouline. - Avec la question de la fiscalité, on touche au fond de ce qui justifie votre réforme. Vous partez de l'idée que manquent 45 milliards et que ces sommes ne pourront être trouvées que dans un allongement de la durée du travail.
Vous êtes en train de perdre la bataille de l'opinion en exhibant votre tendresse pour les revenus du capital, sans le moindre regard généreux sur ce que vivent au quotidien nos concitoyens.
La Société générale n'a pas mis en place des mécanismes suffisants pour éviter ce qui s'est passé avec M. Kerviel.
M. Christian Cambon. - C'est une décision de justice !
M. David Assouline. - Je ne parle pas de cela, je parle de fiscalité : le Trésor public lui a fait cadeau de 1,7 milliard, tandis qu'on saisit sans autre forme de procès le téléviseur d'un couple surendetté. C'est une aberration. On nous dit que c'est légal. Reste que la Société générale, après avoir touché du fisc le tiers de ce qu'elle a perdu avec l'affaire Kerviel, demande à celui-ci de lui rembourser la totalité ! C'est un scandale. (Exclamations à droite)
M. Éric Woerth, ministre. - Le Gouvernement ne se « réjouit » pas. Il fait son devoir en réformant nos régimes de retraite.
Nous serions en train de perdre « la bataille de l'opinion »... Ce qui est sûr, c'est que le parti socialiste est en train de perdre celle de la responsabilité ! (Applaudissements à droite) Écoutez M. Valls, M. Ayrault, qui ne disent pas non à tout dans ce texte. Il y a chez vous une extraordinaire fracture.
En appelant, comme Mme Royal, les jeunes à descendre dans la rue (« Scandaleux ! » à droite), vous vous contentez d'un discours électoraliste. Vous paierez un jour toute cette démagogie.
Le Président de la République a lancé l'idée d'une réforme de la fiscalité du patrimoine. Le PS a peut-être des propositions, mais pas de projet. Vous voulez multiplier par cinq la fiscalité sur l'investissement et la participation. Cela concerne des millions de Français, pas quelques riches ! Vous parlez de soumettre à la CSG les revenus du capital qui n'y sont pas encore soumis, mais vous ne dites pas que cela concernera aussi l'assurance vie -et 20 millions de Français ! Vous voulez alourdir de 7 milliards la contribution sur la valeur ajoutée : c'est annuler les effets de la réforme de la taxe professionnelle, qui sont très positifs pour nos entreprises. Vous êtes proches des entreprises quand elles sont proches de vous, dans vos circonscriptions, mais pas à Paris... (Protestations à gauche)
Vous allez chercher des ressources là où il n'y a rien : vous prélevez 2 milliards sur les stock-options et les bonus -sur une assiette de 2,7 milliards. Je vous rappelle que c'est M. Fabius qui a allégé la fiscalité des stock-options. (Exclamations à gauche) Vous n'aimez pas les banques ni les gens qui y travaillent. (On le conteste vivement sur les mêmes bancs) Prélever 3 milliards sur les banques...
M. David Assouline. - 15 % d'augmentation !
M. Éric Woerth, ministre. - Non, 15 points, c'est tout autre chose ! Vous confondez tout ! Qui serait touché par un tel alourdissement de la fiscalité des banques ? Ceux à qui elles prêtent, les PME, les Français qui veulent se loger. Vous prétendez ensuite trouver 10 milliards en augmentant l'emploi des seniors. Ce sont des sommes gigantesques ! Je ne sais vraiment pas où vous les trouverez.
Vous voulez une retraite à la carte, mais c'est déjà le cas entre 62 et 67 ans. Vous voulez inciter les Français à décaler l'âge de leur retraite avec un mécanisme de surcote -dont vous n'évaluez pas le coût.
Bref, vous vous éloignez totalement de la réalité. Vous financez les retraites des Français sur du sable, sur du vent. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Nicole Bricq. - Pour répondre à nos arguments, vous entrez dans le débat fiscal. Vous invoquez des gens qui n'appartiennent pas au groupe socialiste du Sénat.
L'amendement n°841 défend une suppression que nous avons toujours soutenue. Ce sont MM. Arthuis et Marini qui veulent consolider PLFSS et loi de finances.
M. Alain Vasselle. - Il ne faut pas rêver !
Mme Nicole Bricq. - Pour faire une réforme systémique, il aurait fallu tout mettre sur la table, fiscalité et contributions sociales. Vous n'avez pas voulu le faire ; moyennant quoi, vous êtes embourbés.
Nous sommes les premiers, avec les députés socialistes, à avoir défendu la taxation des banques. Après quoi, on peut discuter de surtaxation, de l'usage de ces recettes. Vous parlez beaucoup d'harmonisation fiscale avec l'Allemagne : les Allemands ont voté la taxation des banques.
Aujourd'hui, on nous parle de supprimer à la fois le bouclier fiscal -et ses 680 millions- et l'ISF -et ses 4 milliards. N'est-ce pas pourtant le Premier ministre qui a dit ne pas vouloir se priver d'une recette de 4 milliards ?
C'est vous qui êtes aux responsabilités, pas nous. Le débat fiscal est sur la table pour 2012. Vous pouvez répéter à l'envi vos éléments de langage, nous ne cesserons de le dire : nous voulons une vraie réforme des retraites ! Surtout après que vous avez mis le pistolet sur la tempe à votre majorité pour la Cades. Permettez que nous défendions nos positions. (Applaudissements à gauche)
Mme Annie David. - Il est vrai que nous n'avons pas la même idéologie, monsieur le ministre, mais ne nous caricaturez pas !
Oui, l'intéressement et la participation concernent des millions de salariés, mais aussi les employeurs ! Ce sont pour eux des façons de détourner la politique salariale et de ne pas payer de cotisations sociales. Si vous dites aux salariés qu'ils ont le choix entre travailler deux ans de plus et acquitter une cotisation sur des compléments de rémunération, je sais ce qu'ils choisiront.
Si la France est ce qu'elle est, c'est parce qu'il y a des entreprises et des investisseurs mais aussi et surtout parce qu'il y a des salariés qui font tourner ces entreprises ! Vous faites comme si celles-ci ne devaient pas payer comme les salariés. Quant à l'équité, elle doit porter sur le temps de vie en bonne santé restant à ceux qui prennent leur retraite ! (Applaudissements sur les bancs CRC)
A la demande du groupe UMP, l'amendement n°841 est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l'adoption | 153 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Annie David. - Sans rallonger les débats...
Mme Catherine Procaccia. - Quelle mauvaise foi !
Mme Annie David. - ...je suis désolée si ce débat vous est pénible, mais on est en train de mettre en l'air un acquis social fondamental. (Exclamations prolongées à droite ; applaudissements à gauche) Si ce débat vous ennuie, nul ne vous retient. Cet acquis social a été obtenu de haute lutte : nous ne cèderons pas !
M. Christian Cointat. - C'est nous qui défendons le régime des retraites !
Mme Annie David. - Les stock-options doivent être mises à contribution. Nous sommes opposés à cette pratique au moyen de laquelle les entreprises échappent à toute cotisation. Cette politique salariale implique une diminution des salaires, donc des recettes en moins pour le système, et une faiblesse des indemnités versées aux salariés qui sont accidentés ou tombent malades. Encore une raison qui nous pousse à mettre un terme à cette politique salariale. Nous ne sortons pas du débat sur les retraites et nous tenons à fournir nos explications dans de bonnes conditions. (Applaudissements à gauche)
M. Pierre-Yves Collombat. - Je ne serais pas intervenu sans la sortie de M. Woerth. Quel aplomb ! Si nous n'étions pas en crise, s'il n'y avait pas eu l'explosion du chômage, des déficits, vous ne seriez pas moins triomphants. La terre peut tourner dans l'autres sens, vous ne changerez pas d'avis. C'est toujours le même conte pour enfants : il faut sauver les banques qui financent l'économie. Demandez aux chefs d'entreprise comment elles la financent ! Elles spéculent ! Renoncez à vos dogmes. Nous avons manqué notre examen de passage comme parti de gouvernement ? Évidemment, si c'est pour gouverner comme vous. Nous connaissons votre manoeuvre : vous ne prenez que la durée des cotisations et vous oubliez tout le reste alors qu'il faut aussi parler de la politique économique, du chômage, des exonérations de cotisations et de la politique fiscale car tout le financement ne peut plus reposer sur les seules cotisations.
De grâce, ne nous faites pas ce type de procès. Vous présentez la même politique, depuis des années, malgré des résultats calamiteux. Souffrez qu'on puisse proposer d'autres solutions ! Il faut tout mettre sur la table avant de faire des choix, forcément politiques : vous avez fait les vôtres, nous ferons les nôtres ! (Applaudissements à gauche)
Mme Nicole Bricq. - Cet amendement concerne le financement de la protection sociale. Arrêtez, monsieur le ministre, d'évoquer le passé. C'est vous qui êtes aux manettes et depuis des années, le groupe socialiste défend ce type d'amendement. Le mécanisme de levée d'option a été introduit en 1970 et, depuis cette date, il n'a cessé d'être perverti. Nous ne voulons pas supprimer les stock-options mais qu'elles soient utilisées comme elles devraient l'être pour financer les PME innovantes, que les banques n'aident pas ou mal. (M. Jean-Pierre Fourcade approuve)
Quand on considère tous les abus commis, surtout depuis la crise, il faut y mettre un terme : il s'agit simplement d'ajustements de rémunérations. Vous devriez écouter ce qui se dit à ce sujet au Parlement européen, bien au-delà des bancs de la gauche.
Le mécanisme de stock-options profite essentiellement aux plus hauts salaires. Chacun doit contribuer aux dépenses à proportion de ses moyens. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
L'amendement n°833 n'est pas adopté.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - La commission se réunit tout de suite pour examiner deux amendements de coordination.
La séance est suspendue à midi cinquante.
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
La séance reprend à 15 heures.