Questions cribles (Accès au logement)
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l'accès au logement.
Chacun aura à coeur de respecter son temps de parole...mais depuis quelques jours, nous avons un certain entraînement ! (Sourires)
M. Yves Pozzo di Borgo. - Les organismes HLM risquent la paupérisation : l'article 99 de la loi de finances les soumet à la contribution sur les revenus locatifs, dont ils étaient exonérés. C'est un désengagement de l'État, après la limitation des crédits à la pierre. De plus, le décret du 21 août 2008 augmente considérablement les surloyers. Ces deux mesures combinées auront un impact néfaste sur les bailleurs sociaux. Du fait de l'évolution incontrôlée des surloyers, c'est la mixité sociale qui va être mise à mal. Et sans mixité sociale, la situation financière des organismes HLM ne risque pas de s'améliorer. Avez-vous pris conscience des effets mécaniques induits par votre politique sur l'équilibre social et économique des villes ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. - Le projet de loi de finances met en place la CRL pour organiser la mutualisation entre bailleurs sociaux, dont la capacité financière est très variable. Les 340 millions en question seront intégralement reversés au monde HLM et ne pèseront nullement sur les loyers. L'État investit 9 millions dans le monde HLM tous les ans, en sus de l'aide à la pierre. L'État investit massivement ...
M. Thierry Repentin. - Ce n'est pas vrai !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - ... et nous continuons de battre des records de production.
L'HLM est destiné aux plus modestes : il est normal que ceux qui ont des revenus importants contribuent. (Protestations à gauche)
M. René-Pierre Signé. - Quel culot !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Il y a un risque d'appauvrissement et de ghettoïsation, même si je reconnais vos efforts.
M. Jacques Mézard. - La politique du Gouvernement en matière de logement est un échec ; le nombre des logements construits entre 2007 et 2009 a baissé de 25 %. (Approbations à gauche) Vous avez multiplié les annonces, mais les couacs ont été nombreux : maison à 100 000 euros, maison à 15 euros pas jour, et j'en passe.
Vous avez annoncé une réduction des crédits passant de 7 à 4 milliards d'euros : curieuse politique pour améliorer le nombre des logements. Vous renforcez le PTZ, mais avec en corrélation la baisse d'autre financements, comme le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt. Vous avez eu une illumination miraculeuse : découvrant qu'il y avait des zones tendues et d'autres détendues, vous étranglez ces dernières, imposant aux zones C de rénover l'ancien plutôt que de construire. Curieuse politique d'aménagement du territoire... Qu'allez-vous faire pour faciliter, au moins en zone C, la rénovation ? (Applaudissements à gauche)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Entre 2007 et 2009, il y a eu en effet une baisse de la production de logements en France. C'est qu'il y a eu la crise ! (Exclamations à gauche) Aucun pays n'a mieux résisté que la France, grâce au plan de relance. (Dénégations sur les mêmes bancs) Nous voulons une France de propriétaires : il faut remettre à plat nos outils pour dépenser moins et être plus efficaces. Je m'étonne d'entendre la gauche défendre le crédit d'impôt Tepa que vous vilipendiez naguère ! Nous redistribuons des sommes très importantes à l'accession à la propriété. Aucun gouvernement n'en a fait autant ! (Protestions à gauche) Dans les zones tendues, les prix du marché sont prohibitifs : personne ne peut être propriétaire à 7 000 euros le mètre carré. Notre politique s'adapte au prix du marché. On pourra toujours construire du neuf en zone C.
M. Jacques Mézard. - Faut-il vraiment aider la construction à 7 000 euros le mètre carré ? La baisse des crédits du ministère n'est pas de bon augure et ressemble fort à la mise en oeuvre de la RGPP.
Dans onze départements, le montant des prêts à taux zéro a diminué. (M. le ministre le conteste) Nous en reparlerons.
M. Philippe Dallier. - Les nouvelles conditions pour bénéficier du Dalo, dans les zones tendues, posent des problèmes de délai. De quels moyens les commissions disposeront-elles pour répondre aux demandes ? Pourquoi n'ont-elles pas été doublées en Ile-de-France, comme le permettait la loi ? Comment comptez-vous répondre à la demande dans les zones tendues ?
Très souvent, tout le contingent préfectoral sert au Dalo. (M. Marc Daunis approuve) Or, ce faisant, nous perdons l'objectif de mixité sociale. (Applaudissements à droite)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - La commission de suivi du Dalo a proposé de reporter l'échéance des délais d'instruction : nous la suivons.
Si le relogement se fait dans les quartiers Anru, nous rajoutons de la pauvreté à la pauvreté. Nous avons signé des contrats avec les bailleurs sociaux pour mobiliser le contingent préfectoral, mais à l'exclusion des quartiers Anru. Certains bailleurs sociaux ont refusé cet accord, ce que je regrette.
Nous avons doublé le nombre de relogements Dalo, même si la situation n'est pas satisfaisante en Ile-de-France. La réponse, c'est produire, produire et produire ! (Exclamations à gauche)
M. Philippe Dallier. - Je vous incite à faire en sorte que l'inter départementalisation devienne réalité en Ile-de-France. En Seine-Saint-Denis, la mixité sociale est difficile ! Au 1er janvier 2012, tous ceux qui jugent le délai trop long pourront déposer un dossier : les difficultés vont augmenter !
M. Didier Guillaume. - L'accès à un logement locatif décent est une priorité. Votre budget prévisionnel inquiète les organismes HLM : le prélèvement de 2 % sur les revenus locatifs est un hold-up sur leurs finances ! Vous allez priver les locataires de travaux indispensables. Le problème n'est pas tant le montant du loyer que des charges. Mais pour l'électricité, pas d'APL : les seules aides viennent des collectivités locales !
Allez-vous revenir sur cette décision qui menace le développement du logement social ? (Applaudissements à gauche)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Nous avons décidé une vraie mutualisation entre bailleurs sociaux. Il faut faire des économies budgétaires. Le monde HLM a des marges d'autofinancement de 12,5 % -ce n'est pas un matelas. Ces 340 millions d'euros seront redistribués à l'euro près au monde HLM. Il n'y aura pas d'effet sur les loyers.
Si Les HLM vendaient 1 % de leur parc, comme ils s'y sont engagés, ce serait 2 milliards en plus, soit 100 000 logements de plus par an !
M. Thierry Repentin. - Partout, les crédits baissent. La ponction se fera exclusivement sur les locataires. (On le confirme à gauche) Cette somme sera affectée au paiement des dettes de l'Anru : ce n'est pas une péréquation ! Ce n'est pas aux locataires du monde HLM de se substituer à la solidarité nationale ! (Applaudissements à gauche)
Mme Odette Terrade. - Tous les séniors ne sont pas riches et bien portants comme Mme Bettencourt. Ils sont nombreux à être sous le seuil de pauvreté, et leurs pensions vont encore baisser avec votre réforme. Or, le prix des logements a doublé en dix ans, les loyers augmenté de 30 à 50 % sans que les salaires suivent. Selon la Fondation Abbé Pierre, 500 000 foyers sont confrontés à des impayés de loyers de deux mois et plus. Cette situation va être aggravée par les coupes budgétaires.
Votre politique bafoue les valeurs de fraternité et de solidarité : seuls ceux qui sont solvables pourront se loger !
Quand ce Gouvernement va-t-il entendre la voix du peuple ? Comment comptez-vous faciliter l'accès au logement de cette population fragilisée ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - L'allongement de la vie en France pose en effet la question du logement. Si le Gouvernement veut accélérer l'accession à la propriété, c'est aussi pour sécuriser la retraite des Français.
Dans le cadre du Grand emprunt, 1,25 milliard d'euros seront consacrés à l'amélioration de l'accessibilité. L'APL a augmenté de 6 % pour faire face à ces problèmes.
Non, les 340 millions ne seront pas payés par les locataires. L'augmentation des loyers sera désormais plafonnée : la contribution ne pourra en aucun cas être répercutée sur les locataires. (Protestations à gauche)
Mme Odette Terrade. - Certes, on vit plus longtemps, mais avec moins d'argent ! Les locataires vont forcément payer. Cette mesure va se traduire par une hausse des loyers. Comme accepter qu'eux seuls financent la politique du logement, quand toute la Nation finance le bouclier fiscal ? Vous tournez le dos à la solidarité.
M. le président. - Il faut impérativement conclure !
Mme Odette Terrade. - Nous voulons un logement abordable pour tous ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-François Mayet. - Il n'est pas acceptable que plusieurs millions de nos concitoyens restent locataires, qui plus est subventionnés d'une manière ou d'une autre à hauteur de 45 milliards d'euros ; cet argent serait mieux utilisé à les aider à devenir propriétaires. Il est temps de demander aux bailleurs sociaux de vendre une partie de leur patrimoine ; après tout, la location-vente était à l'origine de leur création dans les années 1920.
M. Charles Revet. - Très bien !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Je connais votre implication dans ce domaine. La France des propriétaires que nous appelons tous de nos voeux, c'est, conformément à l'objectif fixé par le Président de la République, un taux de propriétaires de 70 %. Pas de 100 %, les exemples américain et espagnol en montrent les limites. Il faut trouver un bon équilibre mais je partage votre analyse sur la vente d'une partie du patrimoine des bailleurs sociaux. Le Gouvernement leur a fixé un objectif, la vente de 1 % de leur patrimoine chaque année. C'est de la mixité en plus, des moyens financiers en plus. (Applaudissements à droite)
M. Jean-François Mayet. - Il est urgent d'arrêter l'aide à la construction de logements locatifs, on est allé trop loin et c'est trop coûteux ; les aides doivent être redéployées vers l'accession à la propriété des moins aisés. (On le conteste sur les bancs CRC)
M. Guy Fischer. - Scandaleux !
M. Martial Bourquin. - La France des propriétaires, ça ne marche pas. Malgré le faible taux d'emprunt et le PTZ, nous sommes toujours à 57 % de propriétaires.
Les ménages achèteraient leur HLM ? Certainement pas. Le public n'est pas le même : sans CDI, les banques ne prêtent pas ! Aux États-Unis et en Espagne, on a poussé les gens à devenir propriétaires. On voit où cela a mené : à la précarisation et parfois à la ruine.
La ponction de 340 millions, c'est 20 000 logements sociaux qui ne seront pas construits ; 10 millions de locataires du parc social vont devoir payer l'équivalent de la moitié du bouclier fiscal. C'est inacceptable. Le système anglo-saxon dont vous vous réclamez est une impasse et empêche la production d'un logement social de qualité dans notre pays. (Applaudissements à gauche)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Nous n'avons pas la même philosophie de la politique du logement. (On le confirme volontiers à gauche) Nous voulons, nous, que les Français soient propriétaires. (Applaudissements à droite) Les états-généraux du logement organisés par l'USH ont appelé à une réforme globale de l'accession à la propriété. C'est ce que nous faisons. Il faut cesser d'opposer les politiques du logement : nous avons besoin de logements sociaux mais l'objectif n'est pas de maintenir ad vitam aeternam les locataires dans leurs logements. Il faut aussi du logement privé et de l'accession à la propriété. (Applaudissements à droite)
M. Claude Bérit-Débat. - Vous aviez déjà siphonné le 1 %. Avec les 340 millions ponctionnés aux organismes HLM, votre gouvernement s'attaque scandaleusement au logement social ; les locataires vont voir leur loyer augmenter de 2 %, pour la seule raison que l'État est défaillant ! Et les bailleurs sociaux vont se tourner vers les collectivités locales pour être aidés. (Applaudissements à gauche)
M. François-Noël Buffet. - L'article 55 de la loi SRU impose aux communes 20 % de logements sociaux. La loi de 2006 l'a fait évoluer, en intégrant dans ce pourcentage, pour une durée de cinq ans, l'accession sociale à la propriété. Ne pourrait-on aller plus loin ? Certaines personnes en logement social peuvent accéder à la propriété mais leurs revenus n'évoluent pas pour autant. Je sais que le sujet est tabou, mais ne pourrait-on intégrer durablement l'accession sociale, quitte à porter le taux par exemple à 25% ? (Applaudissements à droite)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Le Gouvernement reste attaché à la loi SRU.
La mixité est nécessaire, tant pour les communes qui sont en dessous des 20 % que pour celles qui dépassent 50 %, ces dernières devant être encouragées à faire de l'accession sociale. Je suis attaché aux cinq ans, qui encouragent à la vente d'une partie du parc et répondent à la nécessité d'une rotation au sein de celui-ci. Cinq ans, c'est un bon horizon pour construire de nouveaux programmes de logements sociaux. (Applaudissements à droite)
M. François-Noël Buffet. - Il faut s'inscrire dans une logique de parcours résidentiel. L'accession sociale à la propriété permet de libérer du logement social -sans compter que la capacité à investir des bailleurs s'en trouve augmentée. (Applaudissements à droite)
La séance est suspendue à 17 heures 45.
présidence de M. Roger Romani,vice-président
La séance reprend à 18 heures.