Absentéisme scolaire
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre l'absentéisme scolaire.
Discussion générale
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. - « La lutte contre l'absentéisme scolaire est une priorité absolue », déclarait le 5 mai dernier le Président de la République. Ce fléau ruine l'avenir des individus et sape les fondements du vivre ensemble.
Chaque cas d'absentéisme est spécifique, certes, mais figurent toujours les mêmes quatre acteurs : l'institution scolaire, les collectivités locales, l'élève, la famille. Celle-ci a une responsabilité essentielle en la matière et c'est sur elle que doit porter l'effort. Chefs d'établissement et conseillers d'éducation sont mobilisés ; 4 500 médiateurs de réussite scolaire ont été créés. Un nouveau logiciel facilitera le suivi des décrocheurs, ce qui nous fera gagner des mois.
Expérimentée l'an dernier dans l'académie de Créteil, la mallette des parents doit améliorer les relations avec l'institution scolaire. L'école d'économie de Paris a constaté l'efficacité de ce dispositif. L'absentéisme ne relève pas de la fatalité sociale ! J'ai décidé d'étendre cette année la mallette des parents à toutes les académies.
Le ministère de Mme Morano doit mobiliser 53 millions d'ici 2012 pour améliorer encore le suivi des parents.
Les élèves qui ont déjà bénéficié de toutes les possibilités de soutien et qui sont cependant en situation de décrochage pourront être accueillis dans des classes spéciales à tout petit effectif. Dans l'académie de Créteil, chaque département possède un micro-lycée. Cet accompagnement personnalisé est au plus près des élèves. Le dispositif va être généralisé.
La personnalisation est un outil efficace contre la démotivation et l'absentéisme. Tous les élèves doivent pouvoir s'engager dans ce qui correspond à leurs goûts et leurs talents.
M. Yannick Bodin. - Alors, tout va bien ! Que faisons-nous ici ?
M. Luc Chatel, ministre. - Hélas, cela ne suffit pas toujours.
Mme Odette Terrade. - Alors, on va sanctionner ! (Exclamations à droite)
M. Luc Chatel, ministre. - Certaines familles laissent libre cours à leurs enfants. Les parents ont aussi des devoirs, à commencer par celui d'exercer une autorité éclairée sur leurs enfants. La possibilité de suspendre les allocations existe depuis les années 50.
M. Yannick Bodin. - Et bien alors ?
M. Luc Chatel, ministre. - Elle avait été aménagée en 2006, avec le contrat de responsabilité parentale, le président du conseil général étant au coeur du système. Mais ce dispositif n'est pas adapté : trop compliqué, il se grippe. C'est pourquoi le député Ciotti a proposé de le recentrer sur le chef d'établissement et l'inspecteur d'académie, au plus près du terrain.
Cette proposition a été adoptée par l'Assemblée nationale les 16 et 29 juin. Les députés l'ont améliorée d'une manière qui répond aux interrogations de votre commission.
Il ne s'agit nullement de punir pour punir. A ceux qui s'offusquent d'une prétendue double peine, je laisse la responsabilité de leurs propos. Je répète que l'absentéisme scolaire n'a rien d'une fatalité sociale.
Ce dispositif respecte les principes du débat contradictoire. L'inspecteur d'académie entendra les arguments de la défense. Aucune suspension des allocations n'interviendra sans que les responsables légaux aient été informés. Je ne doute d'ailleurs pas que les inspecteurs d'académie sauront faire preuve de clairvoyance. Lors de la première inscription de leurs enfants, les parents seront informés du projet de l'école et de son règlement intérieur.
Tout va donc dans le sens d'une démarche d'accompagnement et de sensibilisation. Ce dispositif sera équilibré et efficace. A chaque étape, place est laissée au dialogue et à la médiation. La sanction n'est que le dernier recours, après avertissement et suspension. Dès la première étape, constituée par une série d'absences d'une demi-journée non justifiées, l'inspecteur d'académie informe les parents. Lors de la deuxième étape, constituée par une nouvelle série de quatre absences non justifiées, les allocations de cet enfant sont suspendues. Si les parents réagissent, et que l'enfant est assidu pendant un mois, les allocations seront de nouveau versées, avec effet rétroactif.
Il n'y a pas de sanction aveugle. Ce dispositif est fondé sur une progressivité des mesures, dans un esprit d'humanité et de dialogue.
Face à l'absentéisme scolaire, il nous faut agir, dans un équilibre entre droits et devoirs. Les parents de 300 000 élèves absentéistes doivent les ramener à l'école, dans un esprit de responsabilisation. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission de la culture. - L'obligation scolaire, issue de la loi du 6 mars 1882, s'impose à tous les enfants de 6 à 16 ans et à tous les élèves d'âge supérieur qui sont inscrits dans un établissement. L'échec scolaire ne mène pas forcément à la délinquance mais on sait que la majeure partie des délinquants était en situation d'échec scolaire. Il faut donc ramener coûte que coûte les absentéistes à l'école, sans leur laisser le choix de la rue.
L'absentéisme est un phénomène complexe qui prend des formes variables. Faible au collège, autour de 3 %, il est élevé dans les lycées professionnels, pour atteindre les 30 %. Ses causes sont diverses.
Il faut donc mener une politique cohérente et globale sans se contenter d'une prétendue panacée. Cette proposition de loi insiste sur la dimension de politique familiale, en prévoyant un système gradué de suppression des allocations en cas d'absentéisme, sachant que tout retour à l'assiduité peut amener le remboursement des allocations suspendues.
La possibilité de cette suspension existe depuis longtemps en droit français. Les deux tiers des élèves reprennent le chemin des établissements après avertissement. Selon la Cnaf, en 2002, sur 7 333 suspensions, on a noté seulement 760 récidivistes, soit un peu plus de 10 %. Ce sont ces familles, peu nombreuses, qu'il faut aider, et d'abord écouter, par exemple par les conseils des droits et devoirs pour les familles, constitués en équipes pluridisciplinaires depuis la loi de 2007.
Mes auditions ont renforcé ma conviction ancienne que l'implication des parents dans la vie scolaire de leurs enfants était essentielle pour l'assiduité de ceux-ci. C'est pourquoi le projet d'établissement et son règlement intérieur seront désormais présentés aux parents lors d'un rendez-vous obligatoire, dès la première inscription.
Cette proposition de loi avance des éléments de solution qui peuvent se révéler utiles, en responsabilisant les parents. Le dispositif devra être appliqué avec discernement, dans l'idée que la sanction doit être plus dissuasive que punitive.
Je vous propose d'adopter cette proposition de loi en l'état, d'autant que l'Assemblée nationale a ajouté deux articles, le premier bis et le 5, conformes à nos voeux.
Les conséquences de l'absentéisme sont graves : risque de marginalisation sociale faute d'emploi, risque de délinquance et de violence. Quand la rue entre en concurrence avec l'école, c'est toujours la première qui l'emporte. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Marie-Agnès Labarre. - Cette proposition de loi a été déposée à la hâte par le député Ciotti après un discours du Président de la République le 20 avril 2010. Une fois encore, on saisit un fait divers -en l'occurrence, des dégradations dans un établissement de Seine-Saint-Denis- que l'on présente de façon simplifiée et au nom duquel on dépose un texte simpliste.
Non, violence scolaire et absentéisme ne vont pas de pair ! L'étude de 2003 par M. Luc Machard a soutenu que délinquance et absentéisme n'étaient pas liés.
L'absentéisme n'est pas un fléau massif qui se serait développé récemment. On est passé de 6 à 7 % ; ce n'est pas une explosion ! Et ce chiffre de 7 % recouvre une grande disparité de situations : il est clair que le type d'établissement joue beaucoup. Si l'absentéisme est important dans les lycées professionnels, c'est peut-être que ceux-ci ne répondent pas à l'attente des élèves qui n'ont pas forcément fait le choix d'une filière jugée de relégation.
Les absentéistes sont plus des jeunes en difficulté que des délinquants. Il faut aussi considérer que certains sont amenés à travailler, en particulier dans des familles décomposées.
Dès 2006 a été mis en place le « contrat de responsabilité parentale », que cette proposition de loi systématise, parce que les conseils généraux ont le mauvais goût de ne pas sanctionner comme vous le souhaitez. Sans doute connaissent-ils trop bien la réalité !
Les inspecteurs d'académie sont au premier rang de ceux qui refusent un dispositif comme celui-ci, qui crée une inégalité devant la loi puisque ce texte ne pourra être appliqué qu'aux familles qui comptent plus de deux enfants. Vous continuez votre guerre aux pauvres. Quand supprimerez-vous les exonérations patronales pour les patrons dont les enfants sèchent l'école ?
Le Gouvernement n'hésite pas à se contredire. Celui dont était membre certain ministre de l'intérieur en 2004 avait qualifié un tel dispositif d'« inutile et inefficace ». Deux ans après, il fut rétabli...
Inégale et injuste, la suppression des allocations est en outre inefficace. L'article R.624-7 du code pénal punit de 750 euros d'amende le fait de ne pas contraindre ses enfants à l'assiduité scolaire. Les carences de l'autorité parentale peuvent être sanctionnées pénalement par deux ans de prison. Mais l'absentéisme scolaire ne relève pas du même ordre de problème que les carences d'autorité.
Les allocations familiales ne sont pas une récompense attribuée aux bons élèves et aux bons parents ! Les supprimer parce qu'un enfant n'est pas assidu à l'école revient à exercer une sanction collective, notion supprimée à la Révolution.
Dénonçant et s'indignant, le Gouvernement veut faire croire qu'il est étranger au problème de l'absentéisme scolaire. C'est faire diversion, quand la RGPP détruit progressivement l'école, quand on supprime médecins scolaires, conseillers d'orientation, conseillers d'éducation, tous ceux qui oeuvrent à l'accompagnement des élèves.
Aucune mesure de suppression des allocations familiales ne résoudra le problème de l'absentéisme. Nous ne pouvons souscrire à cette loi inégalitaire, stigmatisante et dangereuse. Il faut plutôt donner à l'école les moyens de lutter contre l'absentéisme et l'échec scolaire ! (Applaudissements à gauche)
Mme Françoise Férat. - L'obligation scolaire a été introduite par la loi Jules Ferry du 28 mai 1882, afin que l'école de la République puisse donner les mêmes chances à tous, l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 subordonnant le versement des allocations familiales à l'assiduité scolaire. Ce dispositif, supprimé en 2004, a été rétabli en 2006 sous la forme du contrat de responsabilité parentale.
A ce jour, l'absentéisme touche plusieurs centaines de milliers de jeunes. Il marque une déresponsabilisation des élèves, un désintérêt pour leur formation. Est aussi en cause un décrochage des parents par rapport à leurs enfants.
Il faut donc analyser le phénomène sous ses divers angles, ce que fait cette proposition de loi, qui coordonne accompagnement et sanction. S'il est important que la violation du devoir d'assiduité entraîne une sanction, celle-ci ne doit intervenir qu'après que toutes les mesures de prévention aient échoué.
Le droit existant ne suffisait pas. Il faut revenir à l'ordonnance de 1959 en tenant compte des enseignements à tirer de la loi de 2006. La sanction financière ne doit être qu'une composante d'un accompagnement social global.
Ce nouveau dispositif ne doit pas peser sur les familles les plus fragilisées. Les parents doivent également être aidés, dans l'intérêt même de l'élève.
Je soutiens cette proposition de loi préventive et dissuasive. L'absentéisme n'est pas une fatalité. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Françoise Cartron. - Penchons-nous sur la genèse de cette loi. Déposée par M. Ciotti, cette proposition de loi est un texte de commande et de circonstance. Le Président de la République a sollicité ce député, quelques jours après la défaite aux régionales. Un hasard, sans doute. Comme il s'agit d'un texte sécuritaire, votre collègue de l'intérieur n'aurait-il pas dû siéger à votre place, monsieur le ministre ? Après tout, M. Ciotti n'est pas chargé, à l'UMP, de l'éducation, mais de la sécurité...
Il s'agit d'un écran de fumée. La méthode est toujours la même : stigmatisation des populations les plus défavorisées. Qui sera touché par la suppression des allocations ? Les familles les plus pauvres, avec de nombreux enfants, souvent issues de l'immigration, bref, celles que l'on accuse régulièrement de tous les maux. Il serait préférable de ne pas débattre de cette proposition de loi.
Ce texte sera-t-il utile ? Les rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat démontrent la grande diversité de l'absentéisme : le taux est de 7 % en moyenne, mais atteint 15 % dans les lycées professionnels. L'absentéisme est fonction des conditions de vie et de l'orientation. Il n'est jamais question des parents, et notre rapporteur lui-même le reconnait. L'absentéisme est un corollaire du décrochage scolaire. On est loin de la suspension des allocations !
Face à la tragique reproduction sociale, vous vous contentez de stigmatiser les familles qui subissent ces échecs. Vous allez répéter l'échec des contrats de responsabilité parentale, dispositif inappliqué car inapplicable.
Allez-vous rendre responsable cette femme élevant seule trois enfants et se levant trop tôt pour les envoyer à l'école ?
L'Unaf a identifié trois causes principales du décrochage : difficulté scolaire, problèmes psychiques ou familiaux, orientation subie. Je vois une quatrième cause : une pauvreté matérielle et sociale qui perturbe les études.
La Cour des comptes a mis en évidence le creusement des inégalités et la corrélation entre niveau social et réussite scolaire. Les familles concernées par l'absentéisme sont le plus souvent monoparentales ; c'est dire que les femmes seules sont d'abord concernées par la suspension des allocations. Elles veulent la réussite de leurs enfants, même si elles n'y parviennent pas. Il faut les y aider. De plus, de nombreux lycéens travaillent pour venir en aide à leur famille. Combien d'élèves condamnés à l'absentéisme à cause de ces petits boulots ?
En France, seuls 45 % des enfants se sentent à leur place à l'école, contre 81 % dans les pays de l'OCDE. C'est sans doute dû à la rigidité de notre système éducatif.
Quel est le profil d'un décrocheur ? Un garçon qui a été orienté contre son gré dans une filière professionnelle qui n'offre pas de débouchés. Pour combattre l'absentéisme efficacement, il faudrait agir à sa source ; mais la suppression des postes à l'éducation nationale ne fait qu'amplifier les décrochages actuels.
Comment parler de responsabilité des parents alors que vous empêchez l'école de mener à bien ses missions ? Ce texte est un aveu de votre échec !
Et le transfert de la suspension des allocations aux recteurs ne règlera pas le problème...
Faute de personnel, rien ne sera possible. Cette proposition de loi dénote une conception bien étrange de l'école. Après l'expérience de la carotte à Créteil, voilà le retour du bâton, mais la logique est la même : utiliser l'argent pour inciter les familles et les élèves à aller en classe. Mais le bien-vivre à l'école ne s'achète pas ! Seule une école publique attractive et innovante relèvera ces défis.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Vifs applaudissements à gauche)
M. Claude Bérit-Débat. - Remarquable !
Mme Françoise Laborde. - De trop nombreux jeunes sortent du système scolaire sans diplôme. L'augmentation régulière de l'absentéisme est une des causes de ce triste constat.
Un taux d'encadrement trop faible explique cette situation inquiétante. Les effectifs de nombreux intervenants à l'école ne cessent de diminuer. Dès lors, comment peut-elle être en mesure de résoudre ces problèmes ? L'école ne joue plus son rôle d'ascenseur social.
Cette proposition de loi est hors sujet : des expériences nous permettent de voir quelles sont les bonnes décisions à prendre. Il faut prévoir et aider les familles les plus fragiles, souvent confrontées à de graves difficultés financières. Une maman m'a dit qu'il était très difficile de tenir les enfants, que leurs amis sollicitaient jusque sous leurs fenêtres. Si elle habitait ailleurs, tout serait plus facile...
Mais le Gouvernement et sa majorité n'ont que faire de mixité sociale ; ils ne veulent attaquer l'absentéisme que pour le punir, le réprimer et le sanctionner. Pourtant, la suspension des allocations s'est révélée inapplicable. Le dispositif a disparu en 2004.
Les prestations familiales n'ont pas pour seul objet de financer la scolarité des enfants. L'éducation n'est pas une marchandise. On n'achète pas la soif de connaissances, on la transmet. La prime à l'assiduité s'est révélée une absurdité.
Les familles à enfant unique ne sont pas touchées. En revanche, comment pénaliser toute une fratrie si un des enfants ne suit pas les cours ?
Les classes relais accueillent les élèves des lycées et des collèges qui connaissent de gros problèmes. Ces classes connaissent de bons résultats. Pourquoi ne pas les développer ?
Cette proposition de loi ne fera qu'accroître les difficultés. Seule une politique ample et ambitieuse viendra à bout de l'absentéisme, de la violence et de l'échec.
Ce texte est discriminant, inefficace et injuste : la grande majorité du groupe RDSE votera contre. (Applaudissements à gauche)
M. Louis Nègre. - Cette proposition de loi a entraîné de nombreuses réactions, voire provoqué des cris d'orfraie...
M. Yannick Bodin. - Elle n'en mérite pas tant !
M. Louis Nègre. - ...que nous avons du mal à comprendre. Pour autant, tout va-t-il pour le mieux dans le meilleur des mondes, comme le dit Candide ? (Exclamations à gauche)
M. Louis Nègre. - Non, tout ne va pas pour le mieux à l'école !
M. Yannick Bodin. - Vous reconnaissez votre échec !
M. Louis Nègre. - La situation est alarmante : 7 % des élèves en situation d'absentéisme ou de décrochage, cela représente 300 000 élèves absents. C'est considérable.
M. Yannick Bodin. - Que fait le ministre de l'éducation nationale ?
M. Louis Nègre. - De plus, la Direction de l'éducation nationale considère que seulement 34 % des absences sont signalées. Cela veut dire que deux tiers des absences ne sont pas comptabilisées. (Exclamations ironiques à gauche)
L'excellent rapport de M. Carle signale que l'absentéisme a augmenté de 100 % en quelques années. Malgré les moyens considérables (rires à gauche) déployés pour lutter contre ce phénomène, la situation ne s'améliore pas.
M. Yannick Bodin. - Changeons de gouvernement !
M. Louis Nègre. - L'absentéisme peut conduire de la marginalisation à la délinquance.
M. Yannick Bodin. - Les classes dangereuses !
M. Louis Nègre. - De nombreux textes ont tenté de résoudre le problème. Le dernier en date, la loi du 31 mars 2006 relative à l'égalité des chances, a créé le contrat de responsabilité parentale qu'aucun conseil général n'a mis en place, à l'exception de celui des Alpes-Maritimes qui a signé à ce jour 138 contrats. Pourtant, une oratrice a dit que ce contrat était inapplicable !
Je peux témoigner de l'efficacité de ce dispositif, n'en déplaise à certains discours théoriques, pour ne pas dire théologiques. (Exclamations à gauche)
La loi de septembre 2007 l'a renforcé en faisant du maire le coordonnateur des actions contre la délinquance. Tout cet arsenal n'a malheureusement pas été utilisé, alors qu'il s'agit de l'avenir de nos enfants.
Le but de cette proposition de loi est de lutter contre l'absentéisme, ce fléau, car il est temps de passer des paroles aux actes.
M. Yannick Bodin. - Depuis 2002 !
M. Louis Nègre. - Ce dispositif conjugue accompagnement des parents et effectivité de la sanction : cette méthode permet d'aider les parents qui sont prêts à faire des efforts. La société les fait bénéficier du versement d'allocations pour les aider à élever leurs enfants. Il n'est pas illégitime que les parents soient sanctionnés lorsqu'ils ne font aucun effort. (Exclamations à gauche) Cette proposition de loi ne pourra être que bénéfique à l'intérêt général et au bon fonctionnement de notre société. Ce texte est donc juste et nécessaire dans une société où les individus ont trop tendance à fuir leurs responsabilités et à se laisser aller à l'assistanat. D'ailleurs, 90 % des parents, après la suspension des allocations, réagissent positivement ; le Royaume-Uni a connu des résultats similaires.
Ces résultats prouvent le bien-fondé de cette proposition de loi et rendent caducs les cris d'orfraie (rires à gauche) entendus ici ou là ! Les Français veulent que nous soyons efficaces.
M. Yannick Bodin. - Vous concurrencez Le Pen sur son terrain !
M. Louis Nègre. - Je voterai ce texte, comme le groupe UMP. Ne soyez pas naïfs, disait un Premier ministre de gauche. Il avait raison. (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Je rapporte pour avis le budget de l'enseignement professionnel : je suis très inquiète sur l'avenir de cette filière.
L'enseignement professionnel doit être une voie d'excellence, mais ce texte ne fait pas référence à l'école, et encore moins à l'enseignement professionnel, le plus touché par ce phénomène.
La problématique de l'absentéisme est soulignée par tous les acteurs : l'avenir des jeunes est hypothéqué. Or ce texte n'établit aucune hiérarchie entre les absentéismes.
Non, les élèves absents ne sont pas systématiquement dans la rue. Beaucoup d'entre eux occupent un emploi. Or les chiffres gomment ces faits.
Priver les familles des prestations familiales va-t-il permettre d'augmenter la fréquentation ? Certes non. Beaucoup d'élèves se retrouvent dans la filière professionnelle avec de graves lacunes. L'absentéisme s'en accroît d'autant. La sanction se révèle inefficace.
La généralisation du bac professionnel en trois ans a soulevé bien des inquiétudes. La crainte d'une orientation vers le CAP est un véritable facteur à risque. Il convient de mieux articuler les programmes ; il est aussi urgent de cesser d'orienter par défaut. Les conseillers d'orientation peuvent prendre en charge des adolescents : il faut donc en recruter davantage et améliorer leur formation en psychologie.
Fondée sur l'idée que l'absentéisme est le fait de mauvais élèves venant de mauvaises familles, cette proposition de loi ne va pas dans le bon sens. Je voterai donc contre. (Applaudissements à gauche)
Mme Maryvonne Blondin. - L'école est un symbole fort de la République, mais elle exige notre vigilance. Entre 2003 et 2007, le taux d'absentéisme oscillait entre 2 et 6 % ; il atteignait 7 % en 2008. Pourquoi ? Loin de comprendre ce phénomène social dans sa complexité, cette proposition de loi consacre une vision simpliste et une dérive autoritariste.
Il suffirait de pénaliser des familles déjà fragilisées pour endiguer l'absentéisme ? Non, car il s'agit d'un phénomène complexe.
La répression ne suffira pas. La suppression des allocations est injuste, stigmatisante et inefficace. Cette mesure est contraire à l'objet des allocations : aider les familles à subvenir au coût d'entretien des enfants, qui n'est nullement lié à l'assiduité.
En outre, cette proposition de loi prévoit une double peine puisque la suspension de l'allocation ne l'empêche pas d'être prise en compte dans le calcul du RSA.
Ce dispositif coercitif risque d'exacerber les antagonismes intrafamiliaux. Le Gouvernement, en fait, refuse de s'attaquer aux causes du problème. Une politique globale serait nécessaire. L'absentéisme est révélateur des inégalités de notre système scolaire. Pourquoi ne pas envisager une refonte de ce dernier ? Les élèves ont besoin d'espoir, de confiance.
La concentration des difficultés est l'un des problèmes propres au système scolaire. Une minorité d'établissements connaît de graves problèmes. L'orientation doit prendre en compte les souhaits des élèves et des familles. Or, elle ne se fait que par défaut dans l'enseignement professionnel. Un élève sur cinq abandonne dans les premiers mois du CAP. Une logique de parcours et d'accompagnement des élèves doit être définie ; c'est de moins en moins possible, le nombre d'adultes dans ces établissements étant en constante diminution. Des passerelles devraient être possibles pour faciliter les changements d'orientation.
M. le ministre a rappelé toutes les mesures en vigueur. Mais elles ne peuvent être généralisées du fait des difficultés budgétaires de l'État : les crédits de la politique de la ville diminuent ; pour les internats d'excellence comme pour les APS, on a déshabillé Pierre pour habiller Paul.
Pourquoi ne pas mettre en place une politique de prévention précoce des difficultés ? Les jeunes doivent avoir leur place dans la construction de la société française. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacques Mézard. - Vous apportez une mauvaise réponse à un vrai problème.
M. Yannick Bodin. - Exact.
M. Jacques Mézard. - Vous apportez une mauvaise réponse à un vrai problème : l'absentéisme existe dans toutes les activités humaines, nous pouvons le constater dans cet hémicycle... On passe de l'absentéisme à une déscolarisation, ce qui est lourd de conséquences pour l'enfant et la société. Notre République a fait de l'instruction un socle fondateur. Les hussards noirs de la République et l'ascenseur social ne sauraient être que des souvenirs !
L'école de la République est fragilisée : un système à deux ou trois vitesses s'est mis en place en fonction de la richesse des parents. Le pouvoir politique a beaucoup de mal à comprendre l'évolution de la société et de l'économie. La réponse des pouvoirs publics à l'absentéisme est l'impuissance, la contradiction et la médiatisation, avec des résultats homéopathiques, l'effet placebo en moins !
Le taux d'absentéisme est plus élevé dans les lycées professionnels : nous savons tous pourquoi. Les professeurs sont face à des élèves démotivés. Notre rapporteur note que seuls 34 % des absences sont signalées, les chefs d'établissements préfèrent régler seuls le problème. La législation actuelle est-elle correctement utilisée ? L'éducation scolaire est obligatoire entre 6 et 16 ans. Des incriminations pénales sanctionnent l'absentéisme scolaire mais elles ne sont jamais appliquées, démontrant l'inefficacité des mesures coercitives.
Jusqu'en 2004, les allocations pouvaient être suspendues, et d'ailleurs 7 000 décisions en ce sens ont été prises. En 2004, la loi a supprimé cette mesure qui avait démontré, selon le rapport de la commission des affaires sociales, « son caractère inéquitable et son efficacité douteuse ». (Applaudissements à gauche) Et c'est ce que vous voulez rétablir aujourd'hui ! (Exclamations à droite) Ce dispositif, vilipendé en 2004, est encensé aujourd'hui !
En 2006, à l'occasion de la loi sur l'égalité des chances, ce dispositif a été recentralisé, sans résultat, sauf dans les Alpes-Maritimes où le député Ciotti fête les 150 ans du rattachement par un feu d'artifice de lois sécuritaires.
Ce texte est une volte-face par rapport aux lois de 2004 et de 2006 issues de la même majorité. M. Ciotti met en cause les départements qui feraient preuve de mauvaise volonté pour des raisons, dit-il, idéologiques ; une meilleure péréquation en direction de ceux où se concentrent les problèmes serait plus efficace.
Cette nouvelle loi à vocation médiatique aura l'efficacité d'un cautère sur une jambe de bois et ne fera que fragiliser davantage les familles en difficulté. Celui qui ouvre une école ferme une prison, a dit M. Ciotti, citant Hugo. Or, le Gouvernement ferme les deux ! La grande majorité du RDSE ne votera pas ce texte. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Louis Lorrain. - Cette proposition de loi entend s'attaquer à un décrochage scolaire qui est désastreux pour les enfants comme pour la société. Membre de la commission des affaires sociales et responsable depuis vingt ans, dans mon département, de la solidarité, je n'aurais pas supporté qu'elle se bornât à une sanction.
Les textes existants -décret de novembre 1938, ordonnance de janvier 1959, décret de février 1966 et d'autres plus récents- énoncent des dispositions qui mobilisent habituellement les collectivités locales. La loi de 2006 considère la responsabilité parentale dans un champ plus large que celui de l'absentéisme scolaire.
Je ne soutiens pas l'indulgence face à l'absentéisme mais j'appelle à considérer les phobies scolaires, l'absentéisme grave -plus de dix demi-journées par mois- qui concerneraient 1 % des élèves, sans différence socio-économique. Ces enfants connaissent de véritables moments de panique, des douleurs, ils ressentent des menaces.
Il faut donc refuser les solutions simplistes et brutales, au profit de stratégies adaptées à chaque situation. Nous sommes devant des enfants souffrants, qui ont des difficultés d'attention ou des troubles du comportement alimentaire.
Aux droits correspondent des devoirs, mais l'autorité parentale peut être menacée de diverses façons, à commencer par la situation familiale. N'oublions pas que 30 % des femmes chefs de familles monoparentales vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Les dispositifs d'alerte, les groupes de parole qu'on préconise existent déjà. Ne faisons pas injure aux chefs d'établissement qui font ce qu'ils peuvent. Il faut certes des réponses structurelles, mais elles ont un coût. Établir des relations de proximité fait partie des tâches habituelles de l'action sociale. Le suivi des parents, l'école des parents, le concept est connu depuis plus de trente ans ; cela coûte 1 million : ce n'est pas accessible à tous les départements.
Au fréquent manque de moyens, il faut ajouter le manque de coordination à l'échelle des départements. Nombre de dispositions de ce texte existent depuis longtemps et sont bien connues des spécialistes de l'action sociale.
Je vous suggère, monsieur le ministre, d'utiliser en particulier les maisons de l'adolescent. Il y en a dans chaque département, en liaison avec les associations de prévention. Ce sont des lieux de rencontre et d'écoute, avec psychologues, psychiatres, infirmiers, membres de la communauté éducative, représentants des collectivités locales. Ces maisons facilitent l'accès aux familles et aux jeunes, avec leur guichet unique.
Si nous voulons aborder de front le problème, je plaide pour un nouveau code de la parentalité qui prenne en compte les autres membres de la famille et promeuve une meilleure autonomie des jeunes dans la responsabilité. L'absentéisme n'est qu'un symptôme. Le combattre impose l'engagement de tous. Les travailleurs sociaux pourraient adhérer à la réflexion que nous pouvons mener plutôt que la caricaturer. Le droit à l'éducation est un bien ; le refuser par négligence est une faute citoyenne ! (Applaudissements à droite)
M. Serge Lagauche. - La délinquance des jeunes remet en cause toutes les institutions ; l'État, l'autorité des parents sont convoqués. L'idée d'une mise sous tutelle des allocations familiales doit être examinée avec prudence ; il faut éviter la rupture du lien entre l'école, les parents et les enfants, éviter aussi de renforcer l'isolement des familles -au risque que s'expriment d'autres formes de transgression. La délinquance n'est pas une conséquence inéluctable de l'absentéisme ; c'est pourquoi la loi de 2004 préférait à la sanction, que la majorité trouvait inefficace et inéquitable, des dispositifs... qui ont connu un succès mitigé du fait de la réticence des conseils généraux à les mettre en oeuvre -ils jugent qu'ils nuisent à la confiance, composante essentielle de l'accompagnement des familles.
Une seule institution est légitime pour supprimer les allocations familiales, c'est la justice. Le rappel à la loi prononcé par un juge pour enfants sera d'autant plus efficace qu'il s'accompagnera d'une stratégie d'encadrement éducatif et de soutien.
Chaque établissement doit mener une réflexion sur l'absentéisme, afin de le réduire sur la base de la réalité particulière constatée. Des mesures diverses sont expérimentées, qui ont des résultats. Attention particulière doit être portée sur l'emploi du temps des élèves, le dialogue parents-enseignants et adultes-enfants, des approches pédagogiques différenciées, tout en faisant des établissements scolaires des lieux de vie attractifs.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Serge Lagauche. - De telles mesures seront d'autant plus efficaces qu'elles se feront sur toute la longueur de la scolarité et en associant à la réflexion les parents et les élèves.
L'absentéisme scolaire questionne les fondements de notre pacte républicain. La première injustice est le chômage massif, la précarité, l'exclusion, avec lesquels la société adresse un message destructeur. Loin de corriger les inégalités, l'école semble participer d'une terrible mécanique : plus on est modeste, plus on est en échec. Ce qui impose de faire plus pour ceux qui ont moins : scolariser avant 3 ans, réformer les ZEP et concentrer l'action sur les quartiers les plus sensibles pour diminuer le nombre d'élèves par classe, multiplier les classes-relais pour les élèves décrocheurs, renforcer le rôle des associations et des collectivités locales.
M. Roland Courteau. - Excellentes propositions !
M. Serge Lagauche. - La mallette des parents arrive trop tard dans la scolarité. Il faut commencer dès les petites classes. On ne peut que souhaiter voir se multiplier les aides aux parents qui ne savent pas lire ou maîtrisent mal le français, se développer les réseaux d'écoute et d'accompagnement.
Face à l'absentéisme scolaire, il faut mobiliser les énergies dans la durée, ce qui suppose un certain consensus et pourrait déboucher sur une contractualisation dans chaque académie. Plutôt que lutter contre l'absentéisme scolaire, promouvons l'assiduité au service de la réussite de tous. (Applaudissements à gauche)
M. Dominique de Legge. - La notion d'absentéisme scolaire est contradictoire avec celle d'obligation scolaire posée par la loi de 1882 : une franchise de quatre demi-journées par mois est admise. C'était, à l'origine, pour permettre aux enfants d'aider les parents aux champs. L'absentéisme réel est donc plus élevé que celui que traduisent les statistiques. On ne peut d'ailleurs exclure que certains enseignants ferment les yeux devant l'absence d'un perturbateur. Il n'est pas aisé pour l'éducation nationale d'être transparente en la matière ; l'absentéisme est ainsi aussi difficile à évaluer qu'à sanctionner.
Il révèle, d'autre part, un échec bien plus large que par rapport à l'institution scolaire. Un enfant ne sèche pas l'école par hasard. Si l'école est le lieu d'insertion par excellence, elle n'a pas vocation à restaurer une structure familiale en péril. Je regrette donc qu'à la faveur des lois de décentralisation, les assistantes sociales scolaires n'aient pas été transférées aux départements lorsque les collèges l'ont été. La situation actuelle est illisible pour les parents ; qui ont besoin d'un interlocuteur unique.
Le dispositif de 2006 allait intellectuellement dans le bon sens, tout comme la loi de 2007 sur la prévention de la délinquance. Hélas, il n'a pas fonctionné, faute, pour les conseils généraux, de se l'approprier et parce que l'éducation nationale a mal ressenti ce qu'elle a perçu comme un désaveu.
La suppression des allocations reste largement théorique ; les conseils généraux doivent secours aux familles en difficulté et on voit mal les CCAS fermer les yeux sur les situations les plus fragiles.
Je ne puis que déplorer l'empilement législatif depuis la loi de 2004. Comment croire à une possible efficacité du système avec une telle instabilité juridique qui met l'éducation nationale en posture délicate ?
Il faut revenir sur la loi de 1882 pour supprimer même les quatre demi-journées tolérées. En revanche, la proposition de loi ne me choque pas. Elle n'a rien de rétrograde : elle contient des mesures réalistes qui ne datent pas d'aujourd'hui et réaffirme le principe de l'équilibre entre droits et devoirs. Puisse-t-elle sensibiliser les familles et permettre de retrouver le chemin du dialogue. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Claude Domeizel. - Cette proposition de loi s'ajoute à l'avalanche actuelle de lois sécuritaires, dans la perspective -sans doute- de la présidentielle. (On le conteste à droite) Elle n'est pas là par hasard, elle a été téléphonée à M. Ciotti par le Président de la République, qui chérit les amalgames autour du thème de la sécurité.
La suspension des allocations est déjà possible, quoique peu utilisée. Pourquoi ? Sans doute parce que les présidents de conseils généraux, de droite comme de gauche, agissent en hommes conscients et responsables et ne souhaitent pas pénaliser sans discernement les familles. Croyez-vous que les inspecteurs d'académie agiront autrement ? Sans doute auront-ils les mêmes réticences...
Il est plus facile de taper du poing sur la table que de chercher à comprendre un problème aussi complexe que celui de l'absentéisme scolaire. La première explication est sans doute à chercher du côté d'un mal-être personnel, entre problèmes familiaux ou psychologiques, orientation subie, conflits avec les enseignants. Mais ne nous voilons pas la face : l'environnement social a une influence néfaste sur le comportement des jeunes ; je pense en particulier au chômage massif et à l'économie parallèle. (Mme Maryvonne Blandin le confirme) Pourquoi aller à l'école quand on est le seul de la famille à se lever tôt le matin ? Comment résister à l'attrait de l'argent facile des petits boulots clandestins ?
Pour combattre l'absentéisme scolaire, il faut d'abord lutter contre le chômage ; et aider les associations et les animateurs de quartier sera cent fois plus efficace que la suppression des allocations familiales. Comment répondre de manière unique à cet absentéisme polymorphe ? Sanctionner systématiquement les parents sera contreproductif.
Je salue l'implication des chefs d'établissements qui font tout pour informer les familles. Dans un collège de mon département, une salle de classe a été transformée en lieu d'accueil pour les familles, où elles peuvent échanger entre elles et avec l'équipe éducative... Bravo pour les internats d'excellence et pour l'accueil des jeunes en situation de décrochage. Je vous renvoie au rapport de M. Bodin qui développe une conception réaliste de l'égalité des chances. Groupes de parole et ateliers de parentalité seront plus efficaces que les sanctions financières.
La RGPP est-elle compatible avec les moyens nécessaires pour agir efficacement ? Si l'usage de la suspension des allocations a été beaucoup utilisé après la Libération, pour des raisons qui ont peu à voir avec celles mises en avant aujourd'hui, c'est par le dialogue que la situation a été améliorée. De grâce, agissons efficacement ! (Applaudissements à gauche)
M. Christian Demuynck. - Le Président de la République l'a dit : l'absentéisme scolaire est un cancer dont nous constatons tous, dans nos mandats locaux, les ravages. En 2004, M. Fillon m'avait confié une mission sur la violence à l'école ; j'avais alors fait des propositions et souligné l'a nécessité de mieux coordonner l'action des services de l'État et des collectivités territoriales.
L'absentéisme et l'absence de repères conduisent les jeunes à l'échec ; 300 000 sont dans cette situation. Marginalisation, violence, chômage sont au bout de la route. Il faut travailler avec les parents, concentrer vers eux nos efforts.
Pour certaines familles, l'obligation de scolarisation est sans valeur ; d'autres rencontrent des difficultés dont elles souhaitent sortir. A celles-ci nous devons tendre la main. Les maires doivent proposer davantage de solutions ; les conseils des droits et des devoirs doivent être généralisés ; ils peuvent apporter une aide précieuse et avisée. Je crois aussi que les CAF ne doivent pas être tenues pour de simples machines à sous ; elles ont un rôle de prévention et de conseil à jouer.
Sans tomber dans la caricature, nous ne pouvons ignorer certaines vérités. Est-il scandaleux de lier un revenu à un certain contrat moral ? La suppression des allocations ne doit être que l'ultime recours. Nous devons apporter chaque jour notre aide aux parents désorientés ; la répression n'est qu'au terme. C'est parce que cette proposition de loi va dans ce sens que je la voterai. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Mme Marie-Christine Blandin. - Supprimer les allocations familiales aux parents d'enfants absents est simpliste, inefficace et populiste. Texte après texte, et ils sont nombreux, vous gouvernez par la communication en vous efforçant de désigner des coupables, de préférence les plus précaires.
Les enfants riches ne vont pas en LEP, ne doivent pas garder le petit dernier, n'ont pas besoin de travailler, tant mieux pour eux, mais la sanction ne les touchera pas, non plus que parents d'enfant unique.
Les familles nombreuses sont surreprésentées chez les pauvres. L'Insee dessine le paysage : une famille avec enfants sur cinq est monoparentale, 17 % d'entre elles ont deux enfants ou plus. Le seuil de pauvreté concerne 8 millions d'habitants en France ; pour eux, chaque euro compte ! La CAF rappelle la finalité des allocations : aider les familles ; les enfants décrocheurs n'ont-ils plus besoin d'être nourris, logés équipés ?
Le chemin idéologique que vous avez suivi depuis 2002 est à l'image de ce qui s'est passé pour le Grenelle de l'environnement : on commence par dire que l'environnement est une priorité et on finit par un « ça commence à bien faire ! ». Pareil avec les allocations ! En 2003, leur suppression était inefficace et inéquitable ; en 2004, il ne fallait pas ajouter la misère à la misère. Mais lors des états généraux de la sécurité, c'était devenu indispensable parce que les prestations familiales sont payées avec l'impôt des Français... Et les cadeaux fiscaux aux plus riches ? Les aides aux banquiers ? Ne sont-ils pas payés avec l'impôt des Français ?
Il faut, écrit M. Carle, lutter « à tout prix » contre le décrochage scolaire. Eh bien, le prix, c'est des professeurs formés en nombre suffisant -tandis que vous supprimez des dizaines de milliers de postes, que vous proposez d'éteindre des matières qui font sens, comme l'histoire ou les sciences naturelles, sans parler des enseignements qui ne nécessitent aucun prérequis de niveau social... L'école est chaque jour moins aimable, moins accueillante, moins sécurisante ; vouée à la compétition, elle est destinée à fournir des « ressources humaines » et à sanctionner. Ce qui reste formateur est porté à bout de bras par des enseignants motivés qui finissent par désobéir pour bien faire.
Lucie Aubrac nous rappelait qu'après guerre, dans une France dévastée et désargentée, elle avait les moyens de faire des cours du soir pour les petits Français ou les petits Italiens afin de les hisser tous au niveau de la classe. Les élèves décrocheurs ne sont pas votre priorité ; seul vous intéresse l'affichage en termes de sécurité. Et les CAF, déjà au bord de la rupture, devront encore demain assumer le RSA jeune.
Nous disons notre opposition déterminée à un dispositif davantage inspiré par le système des jetons de présence dans les conseils d'administration que par cette solidarité qui forge l'école de la République. Regardez le film de Tavernier Ça commence aujourd'hui, cela vous fera connaître l'école et vous dissuadera de vouloir des punitions financières ! (Applaudissements à gauche)
M. Serge Dassault. - Je serai bref. Il ne suffit pas de sanctionner l'absentéisme en prenant des mesures contre les parents, même s'il n'est pas inutile de leur rappeler leurs devoirs.
Pourquoi les enfants ne vont-ils pas au collège ? Demandez-leur ; ils vous répondront que ce qu'on leur enseigne ne les intéresse pas. Le collège unique ne convient pas à certains. Le socle commun de connaissances est une illusion. Il faut pour les enfants plus de sports, plus de culture et une formation qui leur permettrait d'apprendre un métier.
M. Yannick Bodin. - Les enfants au travail !
M. Serge Dassault. - Ces mêmes jeunes qui n'apprennent pas au collège risquent de devenir plus tard délinquants.
Il faut, comme en Allemagne, deux cycles d'études : une formation professionnelle de 14 à 18 ans pour certains et, pour les autres, des études longues pour aller à l'Université.
L'apprentissage des métiers devraient se faire dès la cinquième.
M. Yannick Bodin. - Dès la maternelle !
M. Serge Dassault. - L'école de la deuxième chance peut permettre aux délinquants majeurs d'apprendre un métier et de sortir de la galère. On ne règlera pas le problème de l'absentéisme sans changer totalement l'enseignement. J'espère qu'un jour, on entendra ce langage. (Applaudissements à droite)
M. Luc Chatel, ministre. - Certains d'entre vous ont dit que cette proposition de loi était inutile, que l'arsenal actuel était suffisant. Mais 300 000 élèves sont régulièrement absents. C'est considérable ! 15 % des élèves de lycées professionnels en sont victimes. L'objectif est de ramener les absentéistes dans la classe.
Mme Férat a rappelé que le dispositif actuel ne fonctionne pas. Il faut donc l'améliorer. C'est tout l'enjeu de ce texte.
Cette proposition de loi est caricaturée, certains évoquant un texte anticonstitutionnel, mais le Conseil constitutionnel n'a rien trouvé à redire à l'ordonnance de 1959 !
Le principe d'égalité s'applique aux familles qui se trouvent dans une même situation.
J'ai entendu parler de stigmatisation. Mais pourquoi n'avez-vous pas mis fin à cette disposition lorsque vous étiez aux affaires ?
Un encadrement insuffisant ? Mais il y a 45 000 professeurs de plus qu'il y a quinze ans, pour 700 000 élèves de moins. Le taux d'encadrement est supérieur à celui du début des années 90. Toutes les études démontrent qu'il n'y a pas de lien entre le taux d'encadrement et l'absentéisme scolaire.
M. Lagauche a dit, à juste titre, qu'il fallait mobiliser toutes les énergies, et c'est bien ce que nous faisons.
J'ai entendu des critiques sur les Alpes-Maritimes. M. Ciotti y a créé l'école des parents, dispositif très intéressant. Nous menons une politique globale.
Depuis 2007, nous avons mis en place l'aide personnalisée pour tous les élèves du premier degré, à raison de deux heures par semaine, pour l'apprentissage de la lecture. Nous avons pris en compte les 800 000 collégiens « orphelins de 16 heures ». C'est un bon moyen de prévention contre le décrochage scolaire. Même chose avec la réforme des lycées mise en oeuvre cette rentrée, pour intéresser les élèves et les aider à trouver leur voie.
La suppression des allocations familiales est un ultime recours, une fois que tous les autres moyens ont échoué. Les parents ont des droits, mais aussi des devoirs. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
Mme la présidente. - Motion n°2, présentée par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre l'absentéisme scolaire (n° 663, 2009-2010).
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - En 2006, la suspension puis la suppression des allocations a été rétablie. Cette proposition de loi va aggraver la mesure qui avait été supprimée en 2004 parce « qu'injuste et inefficace » ! Cette proposition de loi propose de contourner les élus : les inspecteurs d'académie peuvent demander la suspension des allocations après un premier avertissement. La baisse des ressources des familles ne serait pas compensée dans le RSA, afin que la précarité soit maximale.
Les allocations ne sont pas destinées à récompenser les bons parents et les bons élèves mais à compenser en partie la charge des familles.
Leur suspension est inacceptable car contraire à la Constitution, au principe d'égalité devant la loi. Les allocations familiales sont versées sans condition de revenus à toutes les familles d'au moins deux enfants. Cette proposition de loi ne permet pas de sanctionner pour absentéisme les familles n'ayant qu'un enfant.
Nous ne prônons pas l'extension de cette sanction mais nous demandons sa suppression.
L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme rappelle que la loi doit être égale pour tous. Certes, la législation peut régler de façon différente les situations différentes, mais tel n'est pas le cas ici. L'intérêt général ne peut justifier une telle différence de traitement.
Ce texte n'est pas non plus conforme au droit européen. Nous risquons une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme parce que cette sanction pénaliserait les familles les plus démunies. La suppression des allocations dans les familles aisées ne les affecterait qu'à la marge. En outre, le montant des allocations variant en fonction du nombre d'enfants par foyer, leur suppression pénaliserait les familles les plus nombreuses.
Selon que les familles ont bénéficié ou non de minima sociaux, le pourcentage des pertes aurait varié de 16 à 42 %, en 2003, selon le rapport Machard.
Cette mesure simpliste est inefficace mais la majorité ne s'en émeut guère, toute à sa politique de communication. L'absentéisme a des causes multiples dont la crise sociale globale. Il frappe de façon très différente les diverses filières scolaires. Les lycées professionnels sont les plus touchés.
Le mode de vie des familles joue aussi un grand rôle : travail des enfants, responsabilités au sein de la famille. La suppression des allocations ne ferait qu'aggraver la situation.
Le Gouvernement n'a de cesse d'affaiblir l'éducation nationale, par la RGPP. En trois ans, 50 000 postes ont été supprimés. Les conditions d'études des élèves se dégradent et la fin de la carte scolaire amplifie les inégalités entre établissements.
La responsabilité publique de l'État en matière scolaire semble avoir disparu, tout étant renvoyé à la faute de parents « démissionnaires ».
Enfin, le combat contre l'absentéisme ne se résume pas à la seule présence physique en classe. Ainsi, s'ils retournent en classe, certains élèves n'apprennent rien, faute d'avenir social, comme l'a écrit André Tosel. L'éducation nationale n'a pas seulement à remplir les classes mais à transmettre des connaissances.
Le rapport Machard de 2003 rappelle que l'absentéisme ne concerne qu'une fraction réduite des élèves. Une politique ambitieuse permettrait de lutter contre ce fléau. Il n'est donc nul besoin de légiférer ce soir. Il est urgent de mettre un terme à la suppression de postes d'enseignants et de créer des postes de Rased. Les actions sociales d'aide à la parentalité, l'engagement à la scolarité doivent être développés.
Pour toutes ces raisons, il faut voter cette motion. Il n'est pas de bonnes économies lorsqu'on frappe l'éducation nationale. (Applaudissements à gauche)
M. Jean Desessard. - Excellent !
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. - Y a-t-il rupture du principe d'égalité ? Il est vrai que la suppression des allocations touche de façon différenciée les familles, en fonction du nombre de leurs enfants. Cette inégalité de traitement n'est que la conséquence de l'inégalité initiale des allocations familiales, jamais remise en cause par le Conseil constitutionnel. La suspension des allocations pour des motifs d'intérêt général ne crée pas d'inégalité, a-t-il estimé.
L'absentéisme scolaire est souvent à la racine de l'exclusion sociale. Lutter contre ce fléau est un impératif qui impose d'utiliser toutes les mesures à notre disposition, y compris la suppression des allocations. En outre, les parents d'enfants uniques peuvent être punis par une contravention ou une sanction pénale.
Il ne faut donc pas voter cette motion.
M. Claude Bérit-Débat. - Deux poids, deux mesures !
M. Luc Chatel, ministre. - Depuis 1959, le lien existe entre le versement des allocations et l'assiduité scolaire.
En ce qui concerne nos enfants, je crains que Mme Gonthier-Maurin n'ait caricaturé notre action. Nous adaptons la scolarité à chaque enfant avec l'accompagnement et l'aide personnalisés, les stages de remise à niveau proposés à 200 000 enfants.
Pour toutes ces raisons, il faut rejeter cette motion.
A la demande de la commission de la culture, la motion n°2 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 153 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°1 rectifiée, présentée par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44, alinéa 3 du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre l'absentéisme scolaire (n°663, 2009-2010).
M. Yannick Bodin. - M. Legendre avait souligné la nature éducative de cette proposition de loi lorsque nous l'avons examinée en commission. Malgré les efforts du rapporteur et du ministre, nous ne voyons aucune éducation dans ce texte. En revanche, il s'inscrit dans le droit fil des textes sécuritaires adoptés ces derniers mois, dans le contexte malsain que l'on sait.
Les élections régionales ont infligé une défaite mémorable au Gouvernement, qui le pousse à imiter les discours de l'extrême droite, voire à les reprendre, comme M. Nègre. Notre pays est montré du doigt par les instances internationales. Le vote du Parlement européen fait honte à la France qui se présente comme un modèle de la défense des droits de l'homme, et de la femme.
Sous couvert d'une portée éducative, cette proposition de loi est répressive. En commission, j'avais dit que le dispositif était inadapté, inefficace, inapplicable et inintelligent -pour ne pas employer un mot plus vigoureux.
Les mesures sont inadaptées. Lorsque M. Sarkozy a annoncé à Bobigny la suppression systématique des allocations, c'était pour protéger les établissements scolaires de la violence. Absentéisme et violence : voyez l'amalgame ! Pourquoi faire d'un absent un délinquant en puissance ? M. Sarkozy ne cherche qu'à frapper l'opinion dans son domaine de prédilection : l'insécurité.
Certes, l'absentéisme scolaire est un réel problème, mais les solutions doivent être cherchées du côté de l'éducation.
Les causes du malaise des élèves peuvent être personnelles ou institutionnelles. Les parents doivent veiller à la présence de leur enfant à l'école mais les établissements doivent pouvoir accueillir correctement leurs élèves, avec le personnel suffisant. Un élève qui s'absente est souvent un élève en souffrance : aux éducateurs de l'accompagner.
Des élèves sont souvent obligés de faire des petits boulots pour subvenir aux besoins de leur famille. L'inefficacité de cette mesure est évidente. En Grande-Bretagne, des parents d'enfants absents doivent payer de fortes amendes, quand ils ne sont pas condamnés à des peines de prison. Or, le taux d'absentéisme y a augmenté.
L'absentéisme reflète l'inégalité du système scolaire : les 10 % des établissements les plus en difficultés connaissent des taux d'absentéisme supérieurs à 20 % en France. Comment améliorer la situation alors que le nombre de postes diminue dans l'éducation nationale et que les professeurs stagiaires n'ont aucune formation ?
L'enseignement professionnel enregistre 15 % d'absentéisme : ses élèves ont le plus souvent subi leur orientation, ce qu'ils ressentent comme une punition. Comment s'étonner de l'absentéisme ? Qui est responsable ? C'est l'élève ou nous ? Il convient de refonder tout le système d'orientation.
Cette mesure est injuste, nous l'avons dit maintes fois. Et c'est d'ailleurs pourquoi elle a été supprimée en 2004, sous le gouvernement de M. Raffarin, dont M. Sarkozy était ministre de l'intérieur.
Mais votre majorité a changé d'avis. Rien d'étonnant, d'ailleurs. Vous changez d'avis régulièrement, et même de circulaires !
Il faut donner les mêmes chances à tous les jeunes. La mesure va créer une société à deux vitesses, en frappant les plus pauvres. La suppression des allocations ne va en rien permettre aux parents de retrouver leur rôle.
La mesure est impraticable. Alors que les CAF sont surchargées de travail, elle va alourdir encore leur tâche. Ce dispositif ne pourra pas être mis en oeuvre. Les décisions seront tardives et interviendront bien après la fin de l'année scolaire.
Cette mesure est inintelligente. La loi sur l'égalité des chances a créé le contrat de responsabilité parentale : en cas de non-respect des obligations, le président du conseil général peut intervenir. La majorité va-t-elle désormais s'en prendre aux maires à propos des conseils des droits et des devoirs des parents ? Les établissements hésiteront à saisir les inspecteurs d'académie qui eux-mêmes seront réticents à mettre en oeuvre la mesure. A moins qu'on leur demande de faire du chiffre, comme aux policiers, mesure idiote !
Le Gouvernement préfère la politique de la sanction et de l'annonce médiatique, tout en supprimant des postes. L'absentéisme scolaire existe ; ce n'est pas une affaire de police mais d'éducation. Il faut donc voter cette motion. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. - J'ai effectivement dit devant la commission que le problème de la présence ou de l'absence des élèves était une question scolaire. Il ne s'agit pas d'un problème sécuritaire mais scolaire. (On ironise sur les bancs socialistes) M. Bodin peut parle d'« inintelligence », d'« idiotie ». J'ai été quinze ans maire de la cité qui s'honore de fabriquer des « bêtises ». Je ne crains donc pas ce genre de mots ! (On s'amuse)
Oublier le rôle que les parents doivent jouer dans la lutte contre l'absentéisme serait une erreur. Le but de ce texte est d'aider les parents à prendre conscience des graves conséquences de l'absence de leurs enfants. L'aspect dissuasif peut être important. Certes, il faut aider les parents. Cette proposition de loi n'a pas pour but de punir les parents ni d'améliorer les comptes de la sécurité sociale mais d'inciter les parents à mieux s'occuper de leurs enfants. Espérons que nous saurons promouvoir une mesure qui permettra de lutter contre l'absentéisme.
Je vous demande donc le rejet de cette motion.
M. Luc Chatel, ministre. - Vous nous reprochez de changer d'avis mais vous ne changez pas de discours. Vous restez maîtres dans la caricature ! Nous voulons séduire les électeurs d'extrême droite ? 60 % des Français sont favorables à cette mesure qui n'est ni de droite ni de gauche, mais de bon sens.
M. Yannick Bodin. - C'est démagogique !
M. Luc Chatel, ministre. - Quel est le responsable politique national qui a proposé que l'armée intervienne dans les établissements scolaires ? C'est Mme Royal ! (Applaudissements à droite)
M. Yannick Bodin. - C'est un mensonge ! Elle n'a jamais demandé que l'armée entre dans les établissements ! C'est vous qui caricaturez !
M. Luc Chatel, ministre. - Arrêtez de lancer des écrans de fumée !
M. Claude Bérit-Débat. - Et vous de mentir !
M. Luc Chatel, ministre. - Nous ne faisons pas d'amalgame entre délinquance et absentéisme mais le décrochage scolaire expose les jeunes à l'oisiveté , avec le risque qu'ils tombent dans la délinquance.
Réformer l'orientation ? C'est bien ce que nous proposons ! Vous voyez que nous savons nous adapter à la réalité des élèves.
J'appelle le Sénat à voter contre la question préalable.
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Discussion des articles
Article additionnel
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 131-6 du code de l'éducation sont supprimés.
M. Ivan Renar. - Les dispositions annoncées sont dangereuses et contreproductives.
Au motif de lutter contre l'absentéisme et d'améliorer le suivi de l'assiduité scolaire, la loi du 5 mars 2007 a prévu la création dans chaque commune d'un traitement automatisé de données nominatives concernant les mineurs soumis à l'obligation scolaire, alimenté par des données issues des caisses d'allocations familiales et de l'inspection d'académie.
Opposés aux fichiers en général, nous le sommes tout particulièrement à celui-ci.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Ces données nominatives sont utiles aux maires pour suivre de près l'assiduité scolaire, les élèves à inscrire et ceux qui ont quitté la commune. Il serait dommage de se priver de ces données fiables et objectives. Enfin, le traitement de ces données est encadré par un décret en conseil d'État pris après avis de la Cnil.
Avis d'autant plus défavorable que cet outil est indispensable au lien entre école et collectivité locale.
M. Luc Chatel, ministre. - Si l'on veut une réponse globale au problème de l'assiduité, ce fichier -dont le traitement informatisé n'est pas obligatoire- est très utile. Avis défavorable.
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
Article premier
Mme Bernadette Bourzai. - Cette proposition est guidée par la seule volonté de sanctionner les parents. Dans un entretien à La Croix, monsieur le ministre, vous déclariez que cette disposition était indispensable. Au journaliste qui vous interrogeait sur l'efficacité des mesures existantes jusqu'en 2004, vous répondiez qu'aucune étude n'avait été faite.
M. Ciotti sait-il que le taux de pauvreté des familles monoparentales atteint les 40 % ?
Jusqu'à l'invention des enseignants non formés, les personnes les mieux formées pour aborder sérieusement un problème comme celui de l'absentéisme étaient les enseignants aidés des conseillers principaux d'éducation. Le plus efficace a toujours été de réagir rapidement. A supposer qu'il soit admissible, le dispositif Ciotti serait trop lent à mettre en oeuvre pour avoir la moindre efficacité.
Malheureusement, les CPE, et plus encore les CPE adjoints, sont en voie de disparition, alors qu'ils sont les mieux à même de traiter des problèmes comme celui de l'absentéisme.
On fait un internat d'excellence pour 16 élèves ...en échange de quoi on supprime l'étude du soir pour 17 autres ! L'éducation nationale en est à gérer la pénurie et à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Vous supprimez aussi les infirmières scolaires, les psychologues, les assistantes sociales, les médecins scolaires...
Ce ne sont pas les élèves qui vont au Café du commerce, ce sont les électeurs de M. Ciotti, séduits par une proposition de loi qui ne reconnaît pas les besoins et se fonde sur un diagnostic erroné.
Mme la présidente. - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
Mme Françoise Cartron. - Le Président de la République pratique l'amalgame entre absentéisme scolaire, violence et délinquance. A vous croire, les élèves qui ne vont pas à l'école sont des trafiquants de drogue et attaquent les bus !
Pour nous, l'absentéisme est un symptôme qui doit nous alerter sur un problème majeur. Je rappelle que 45 % seulement des élèves français se sentent à leur place à l'école, contre 81 % dans les autres pays européens.
Votre intention première n'est pas de réduire l'absentéisme scolaire, c'est une annonce trompette vers l'opinion publique. La suspension des allocations familiales est une non-réponse à un problème complexe, qui sera vécu comme une stigmatisation.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Cet article est au coeur du dispositif ! Nous ne pouvons en accepter la suppression.
M. Luc Chatel, ministre. - Non, nous ne faisons pas l'amalgame que vous dites. Il n'en reste pas moins que les jeunes délinquants et trafiquants sont bien en rupture par rapport à l'école.
Le mal-être des élèves ? J'ai installé une conférence nationale sur les rythmes scolaires pour étudier le problème. La France est le pays qui concentre le plus grand nombre d'heures de cours sur le plus petit nombre de jours.
Je ne puis accepter que vous détricotiez cet article.
L'amendement n°10 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéas 6 à 13
Supprimer ces alinéas.
Mme Marie-Agnès Labarre. - Notre groupe s'était opposé à la loi de 2006 fort mal nommée « d'égalité des chances ». Nous sommes donc a fortiori opposés à son aggravation.
La modification proposée est de taille : vous ôtez une responsabilité aux présidents des conseils généraux pour la confier aux inspecteurs d'académie, contrairement à leur volonté. Ces alinéas doivent donc être supprimés.
Mme la présidente. - Amendement n°15, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéas 6 à 8
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Les sixième, avant-dernier et dernier alinéas sont supprimés ;
Mme Marie-Agnès Labarre. - Amendement de coordination avec l'amendement n 3 rectifié.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Défavorable à l'amendement de suppression ; quant à l'amendement de coordination, il devrait tomber.
M. Luc Chatel, ministre. - Défavorable à la suppression d'un dispositif que nous jugeons à la fois équilibré et dissuasif, partie d'une réponse globale à un problème majeur.
M. Yannick Bodin. - En mettant les choses au mieux, combien de mois faudrait-il pour que le processus aille à son terme ? Le chef d'établissement avertit l'inspecteur d'académie qui... etc. Il semble qu'il faille deux mois pour la partie administrative et autant pour la partie financière.
C'est une usine à gaz ! Les délais sont tels que vous risquez de supprimer les allocations pour un élève qui aura fini l'année scolaire, abandonné l'école ou changé d'établissement.
Un tel dispositif est clairement inapplicable. C'est un cas d'école !
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
L'amendement n°15 devient sans objet.
M. Claude Bérit-Débat. - Une fois de plus, l'éducation suscite des passions. Nous sentons tous que notre discussion est importante, et même décisive, tant elle est révélatrice de nos divergences.
Vous avez multiplié les amalgames, les présupposées et les raccourcis pour justifier ce texte qui est une fausse solution à un vrai problème, une étape supplémentaire dans votre fuite en avant sécuritaire et qui ne fait que fragiliser encore davantage les familles en situation difficile.
Le Royaume-Uni est entré dans la même logique que vous en 1997 ; l'absentéisme est loin d'y avoir diminué.
Cette loi stigmatise de façon insupportable les plus pauvres, qui subissent une double peine. Elle poursuit une logique de mise au pilori.
Selon Victor Hugo, « ouvrir une école, c'est fermer une prison». Vous ne faites plus de l'école un lieu où l'on enseigne et transmet mais un lieu où l'on sanctionne. L'absentéisme est un effet, non une cause. Vous préférez stigmatiser et punir les familles ; vous vous donnez un grand mal pour détailler les modalités de la punition. Nous voterons contre cet article.
L'article premier est adopté, ainsi que l'article premier bis.
Article additionnel
Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale est abrogé.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous voulons abroger le principe, rétabli par la loi du 31 mars 2006, de suspension des aides sociales versées aux familles en faveur des enfants, même si celle-ci n'a, heureusement, jamais trouvé à s'appliquer. Depuis la première mise en place de ce dispositif, nous disposons du recul suffisant pour en avoir constaté l'inefficacité. Quant à l'évaluation de la loi sur l'égalité des chances, elle devait figurer dans un rapport qui devait être publié en 2007... et que nous attendons toujours.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Ces contrats de responsabilité parentale sont une bonne chose.
M. Luc Chatel, ministre. - Nous pensons, nous, qu'il faut responsabiliser les parents ! On ne peut nous reprocher une attitude répressive et vouloir supprimer ces contrats qui sont un excellent moyen de prévention.
L'amendement n°5 n'est pas adopté.
Article 2
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous voulons supprimer cet article qui transpose dans le code de la sécurité sociale le principe de suspension des allocations familiales relatives à l'enfant absentéiste. Quoi qu'en dise le Gouvernement, cette disposition n'est pas adaptée à l'objectif poursuivi. Les allocations familiales doivent permettre de faire face au surcoût apporté par la naissance d'un nouvel enfant. Il n'y a pas de lien avec quelque engagement ou quelque devoir que ce soit, sinon celui d'éduquer les enfants. Supprimer ces allocations ne fera qu'aggraver la misère des plus démunis.
Pour agir efficacement contre l'absentéisme, il faudrait prendre le temps d'évaluer les dispositifs existants. Mais il y a la RGPP...
Mme la présidente. - Amendement identique n°11 rectifié, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Mme Claudine Lepage. - L'élément déterminant de la lutte contre l'échec et l'absentéisme scolaire réside dans la relation avec l'enseignement.
L'autorité parentale ne se monnaye pas ! Vous ignorez totalement les absents cognitifs : certains enfants sont certes présents dans l'établissement scolaire, mais toujours à l'infirmerie, quand celle-ci existe.
La question touche à la perception par les enfants de la problématique scolaire et de sa signification. L'ennui à l'école, l'impression de n'y point trouver de place, voilà la première cause de l'absentéisme.
Votre beau programme contre la violence scolaire s'adresse aux perturbateurs, pas aux décrocheurs.
Les internats d'excellence ? Ce n'est pas en faisant beaucoup pour des happy few que l'on fait assez pour masse.
Prévention de l'illettrisme ? Le plan le plus efficace serait une extension de la scolarisation précoce à l'école maternelle. L'objectif de l'école républicaine doit être la réussite de tous.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - L'article 2 est indispensable à la mise en place du dispositif que nous soutenons.
M. Luc Chatel, ministre. - Toute notre politique est fondée sur la diversification des moyens d'action. L'accompagnement des parents doit avoir une dimension pédagogique ? C'est bien pourquoi nous faisons intervenir l'inspecteur d'académie. Et nous ne méconnaissons pas l'importance des relations entre élèves et professeurs.
Les amendements identiques nos6 et 11 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 2 est adopté.
Article additionnel
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles est abrogé.
II. - En conséquence, à l'article L. 131-8 du code de l'éducation, le septième alinéa est supprimé et, au début du huitième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « L'inspecteur d'académie ».
M. Ivan Renar. - Nous voulons supprimer toutes les dispositions relatives au contrat de responsabilité parentale qui est contestable, injuste et plus attaché à la sanction qu'à la prévention.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Même peu utilisés, ces contrats sont un outil souple. Dans les Alpes-Maritimes, ils ont montré leur intérêt. Défavorable.
M. Luc Chatel, ministre. - Même avis défavorable. J'ai déjà rappelé l'intérêt des CRP.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
Article 3
Mme la présidente. - Amendement n°8, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
M. Ivan Renar. - Opposés au contrat de responsabilité parentale, nous refusons a fortiori l'aggravation de son caractère répressif. Ne laissons pas croire que les parents s'accommoderaient volontiers du décrochage de leurs enfants ! Non, il y a là des gens désarmés que vous stigmatisez ; mieux vaudrait les aider. Ce serait un grand et beau chantier !
Mme la présidente. - Amendement identique n°12 rectifié, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. Serge Lagauche. - Je ne connais pas des parents démissionnaires mais des parents dépassés, qui ont souvent eux-mêmes une relation difficile avec l'école. Ils ont besoin qu'on leur redonne confiance. Pourquoi ne pas s'appuyer, pour cette tâche, sur les associations qui ont fait la preuve de leur expérience et de leur expertise dans la matière, comme la Fédération nationale des écoles, des parents et des éducateurs ?
La mallette des parents ? N'ont été concernés tout au plus que cinq parents par classe et mille dans l'ensemble du pays...
Vous supprimez des millions d'emplois d'auxiliaires de vie scolaire ; et combien de poste de CPE restent non pourvus ? Nous refusons une mesure inefficace, incohérente et stigmatisante.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Cet article fait entrer les parents dans une démarche plus active qu'actuellement. Avis défavorable.
M. Luc Chatel, ministre. - Même avis défavorable à ces amendements.
Les amendements identiques nos 8 et 12 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 3 est adopté.
Article 4
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer cet article.
Mme Marie-Agnès Labarre. - La suspension du versement des allocations familiales touche plus particulièrement les personnes recevant les minimas sociaux, à commencer par le RSA. Vous voulez punir les familles déjà en difficulté en les précarisant encore plus.
Mme la présidente. - Amendement identique n°13 rectifié, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. Claude Bérit-Débat. - Cet article est le plus révoltant de cette proposition de loi : vous considérez la pénalisation des plus modestes comme un gage de réussite de ce texte !
Les équipes des lycées professionnels observent que davantage d'élèves doivent prendre des petits boulots pour aider leur famille. Il y a des réalités que vous semblez ignorer. ADT-Quart monde estime que 300 000 enfants suivent leurs parents dans l'errance d'hôtels en hébergements d'urgence. Plus du quart des personnes vivant en France sous le seuil de pauvreté sont des enfants ou des adolescents. Croyez-vous que ces conditions de vie soient sans conséquences sur leur scolarité ?
Pour bien des familles, les allocations sont un amortisseur de la crise, elles en ont besoin pour vivre. Au lieu de leur tendre la main, vous allez les enfoncer un peu plus. C'est inacceptable.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Dans l'ancien dispositif, la suppression des allocations était compensée, ce qui nuisait à son efficacité. En outre, une inégalité était introduite entre les familles au détriment de celles dont les revenus étaient légèrement au-dessus du seuil d'éligibilité aux minimas sociaux. Il faut préserver le caractère dissuasif de la mesure. Avis défavorable.
M. Luc Chatel, ministre. - Même avis : sans l'article 4, la suppression des allocations serait sans conséquence sur le revenu des familles percevant l'allocation de parent isolé ou le RSA.
M. Yannick Bodin. - Allez-vous leur interdire d'aller aux Restos du coeur ?
Mme Marie-Christine Blandin. - Les explications du ministre confirment nos craintes. Ce sont bien les précaires qui sont visés ! (Applaudissements à gauche)
M. Yannick Bodin. - On peut arriver à des situations dramatiques. Des familles monoparentales auront des niveaux de ressources tels qu'elles devront s'adresser à des organismes humanitaires pour vivre. Je ne fais pas de misérabilisme. (On en doute à droite) Un de mes proches gère un Resto du coeur, il accueille de plus en plus de familles, et même des étudiants. Vous prenez une responsabilité très grave vis-à-vis des familles, et même de l'Histoire.
M. Ivan Renar. - Nous reviendrons sur tout cela dans deux ans !
Les amendements identiques nos9 et 13 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 4 est adopté, ainsi que l'article 4 bis et l'article 5.
Article additionnel
Mme la présidente. - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente un rapport au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, spécifiant les taux d'orientation par défaut dans les différentes filières de l'enseignement professionnel, les mesures prises pour y remédier, ainsi que les conditions de mise en oeuvre, à partir de la classe de cinquième, d'un enseignement de préparation à l'orientation, afin que chaque élève construise son propre projet d'orientation scolaire et professionnelle.
M. Roland Courteau. - Nous souhaitons agir sur la cause principale de l'absentéisme : l'orientation par l'échec, l'orientation subie. L'absentéisme atteint 15 % dans les lycées professionnels contre 6 % dans l'enseignement général. C'est l'inadéquation entre le choix de l'élève et l'affectation obtenue qui y est la première cause de l'absentéisme. On ne peut faire l'impasse sur cette question.
Certaines filières refusent des candidats tandis que d'autres peinent à en recruter. Chaque collégien doit être l'acteur de son propre projet de formation. Nous vous proposons cela avec cet amendement.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Je partage la conviction des auteurs de l'amendement : il faut passer d'une orientation par défaut à une orientation choisie. C'est d'ailleurs une priorité du Gouvernement. Mais les rapports sur le sujet n'ont pas manqué ces dernières années. Un rapport de plus n'est pas nécessaire : retrait, sinon rejet.
M. Luc Chatel, ministre. - Même avis. La question de l'orientation par défaut ne se pose pas seulement dans l'enseignement professionnel. En outre, les députés ont prévu un rapport sur la mise en oeuvre de l'ensemble des mesures permettant de lutter contre l'absentéisme ; les difficultés de l'orientation seront traitées dans ce cadre. Votre demande est satisfaite.
M. Yannick Bodin. - Lorsque nous nous prononçons sur le budget, nous examinons des rapports ; l'un d'eux, que présente Mme Gonthier-Maurin, est spécifique à l'enseignement professionnel. Il est nécessaire de braquer le projecteur sur cette filière.
Chat échaudé craint l'eau froide : en refusant cet amendement, vous perdez toute crédibilité quand vous prétendez traiter sérieusement de l'orientation dans l'enseignement professionnel.
L'amendement n°14 rectifié n'est pas adopté.
Vote sur l'ensemble
Mme Françoise Cartron. - Monsieur le ministre, vous avez obstinément passé sous silence la période 2004-2006 durant laquelle la suspension des allocations avait été supprimée parce qu'inefficace et injuste.
Modifier les modalités d'application du dispositif n'y changera rien. Et l'usage que vous avez fait d'un vocabulaire relevant de la justice -contradictoire, droits de la défense...- est un aveu : la suppression des allocations familiales est bien une peine et l'inspection d'académie transformée en tribunal. Vous avez voulu être rassurant et dites faire confiance au discernement des inspecteurs, mais vous avez oublié l'automaticité de la sanction. Nos points de vue sont irréconciliables car nous n'avons pas la même conception de la responsabilisation.
Le Président de la République a déclaré le 20 avril à Bobigny que des mineurs qui n'allaient pas à l'école sans même que leurs parents le signalent étaient utilisés par les trafiquants pour faire les guetteurs, ou bien caillassaient des bus. N'est-ce pas de l'amalgame ?
Les causes de l'absentéisme scolaire sont d'abord internes au système éducatif. Nous sommes face à un texte de commande, d'annonce politique, qui s'inscrit dans une logique sécuritaire.
Vous avez dit que les familles percevant des minimas sociaux doivent aussi être touchées par cette mesure. Nous parlons de l'école, de l'avenir des enfants ! Nous nous devons d'être ambitieux et positifs, et non stigmatiser et punir ceux qui déjà n'ont rien. (Applaudissements à gauche)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous sommes hostiles à ce texte qui fait un amalgame dangereux entre absentéisme et délinquance et ne résoudra rien.
Cette proposition de loi fait porter la responsabilité de l'absentéisme sur la seule sphère privée, les parents considérés comme démissionnaires. Elle nie la responsabilité de l'État, la RGPP et la suppression de milliers de postes.
Les allocations ne sont pas faites pour récompenser les parents mais pour compenser les frais nouveaux occasionnés par l'arrivée d'un enfant. Pour une faute individuelle, vous prenez une mesure collective : les conséquences de l'absentéisme d'un enfant seront supportées par toute la fratrie.
Ce dispositif sera inefficace et provoquera de grandes inégalités, au détriment d'hommes et de femmes qui ont déjà les plus grandes difficultés à boucler leur budget. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. - Nous sommes tous convaincus qu'il est nécessaire que tous les enfants puissent bénéficier de l'école. Le problème des élèves décrocheurs est réel et il est compréhensible qu'il suscite des passions.
J'aurais pu être inquiet si j'avais senti qu'on voulait traiter de la suppression des allocations avant de s'intéresser aux jeunes ; mais ce n'est pas l'intention du Gouvernement ni de la majorité.
M. Bodin s'est inquiété de lenteur du processus de sanction ; le temps laissé au temps me rassure, au contraire. Nous ne souhaitons pas la suppression des allocations familiales mais qu'aucune ne soit à déplorer ! (Applaudissements à droite) Nous voulons qu'avec l'effort conjoint de la famille, de l'école, des responsables locaux, il n'y ait plus de décrochage. Le système étant gradué, il faut espérer que ces enfants seront rattrapés avant leur décrochage définitif.
Nous ne sommes pas ici pour priver d'aides sociales ceux qui ont peu, mais pour donner à leurs enfants la possibilité de se former, de s'épanouir et d'avoir un avenir. (Applaudissements à droite)
La proposition de loi est définitivement adoptée.