Égalité des chances dans l'enseignement (Question orale avec débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la question orale avec débat de M. Serge Lagauche à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, sur l'égalité des chances dans l'enseignement primaire et secondaire.
M. Serge Lagauche, auteur de la question. - L'échec scolaire handicape notre pays et menace la cohésion sociale, car les enfants issus de milieux favorisés ont de meilleures chances que les autres.
Au sein de l'OCDE, l'origine sociale influence le plus l'avenir des enfants en France et aux États-Unis. Pire, les résultats continuent à se dégrader, si bien que le vivier de l'élite est trop faible.
La Cour des comptes souligne les meilleurs résultats obtenus par les pays ayant conduit une politique volontaire et durable.
La réduction de l'échec scolaire est un objectif majeur de l'Union européenne.
L'abandon scolaire doit passer de 18 % à 10 %. Nous voulons rendre l'école de la République plus égalitaire. Rien ne vaut de multiplier les actions partielles, car le service public a besoin d'une réforme ambitieuse.
La bonne volonté des enseignants débouche trop souvent sur le découragement, face à des élèves dont certains manifestent de plus en plus tôt des comportements incompatibles avec les apprentissages.
Une large part d'initiative pourrait être laissée au plan local pour élaborer des projets adaptés au territoire. L'exemple finlandais mérite d'être médité afin que les chefs d'établissements accompagnent des projets pédagogiques. L'espérance ne peut se construire sur la souffrance. Comme dans les filières d'excellence, il faut assurer la cohérence des profils des enseignements avec les exigences des postes.
Le corollaire de cette évolution est l'évaluation permettant d'informer le public. Chaque année, un rapport par académie serait complété par un rapport au Parlement. Ce serait préférable à la suppression pure et simple de la carte scolaire, qui renforce le risque de ghettoïsation des écoles et des collèges dans les zones les plus fragiles L'école contribue à bâtir la société, mais la société bâtit l'école ! L'éducation des jeunes doit être la coproduction de tous ! La valorisation des enseignants devrait être motivante. Les établissements doivent s'attacher au triptyque : savoir, savoir-faire, savoir-dire. Tous les quatre ou cinq ans, les enseignants devraient pouvoir changer d'établissements.
Le temps d'apprendre n'est pas le rythme scolaire ; ce n'est plus à démontrer. Encore faut-il que les enseignants soient formés pour en tenir compte. Une formation continue obligatoire à la pédagogie doit aider à prendre en charge tous les élèves.
L'égalité en milieu scolaire exige des politiques différenciées, avec des parcours et des méthodes d'enseignement différenciés.
Il ne faut plus cantonner les élèves en difficulté mais les conduire à évoluer par eux-mêmes. Rendons du sens à leur parcours scolaire.
Notre principal objectif doit être de prévenir la rupture scolaire des élèves les plus fragiles en développant, au sein du système éducatif, les meilleures conditions possibles d'apprentissage afin de leur permettre de sortir avec une orientation positive. Pour de nombreuses familles défavorisées, la valorisation dès 2 ans est fondamentale. Les parents jouent un rôle important, encore faut-il leur permettre d'être parents d'élèves. Rien ne sert de porter la menace sur les allocations familiales. Mieux vaudrait faire sentir ce que la République apporte avec l'école, qui a tout à gagner au dialogue avec la famille. L'échec à l'école primaire est insupportable, alors que 40 % des élèves sortant de CM2 ont des lacunes graves. Les fondamentaux se jouent dès les premières années d'école primaire. Chaque fin de cycle peut correspondre à une rupture. Pour les éviter, instaurons un travail en commun des enseignants.
Les élèves soulignent souvent l'écart entre l'image qu'ils ont de l'école et la réalité du vécu.
Une cellule devrait prendre en charge les élèves potentiellement décrocheurs. Le collège unique est souvent considéré comme le maillon faible de notre enseignement. Développons une orientation fondée sur un projet personnel de l'élève. C'est pourquoi l'école doit s'ouvrir au milieu professionnel. Pour les élèves les plus en difficulté, une orientation professionnelle doit être envisagée dès la quatrième.
En dernier recours, les écoles de la deuxième chance devraient être généralisées.
Les élèves modestes n'ont guère accès aux activités culturelles ou scientifiques.
Tels sont les principes que nous souhaitons pour une nouvelle gouvernance de l'évaluation nationale. La Cour des comptes demande une action claire et durable. Nous en sommes loin car, avant de trancher dans les moyens, il faut évaluer les coûts par établissement.
Aucun effort n'a été fait pour structurer le corps enseignant afin de réduire l'échec scolaire.
La Cour des comptes réclame une allocation différenciée des marges entre établissements, en substituant les besoins des élèves à une logique de l'effort.
Il est temps, comme le recommande la Cour des comptes, que l'État affronte « l'inadaptation de la structure du système scolaire » pour approcher, enfin !, l'objectif de la loi pour l'avenir de l'école de 2005, c'est-à-dire la réussite de tous les élèves. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Legendre. - La commission de la culture a conduit un cycle d'auditions consacrées à l'enseignement scolaire. Elle vous a entendu, monsieur le ministre, ainsi que de nombreuses personnalités qualifiées, y compris la responsable de l'enseignement au ministère de l'agriculture.
Un constat s'impose : l'école ne combat efficacement ni l'inégalité sociale, ni l'inégalité territoriale.
M. René-Pierre Signé. - Il est bon de le rappeler.
M. Jacques Legendre. - Il semble nécessaire de recourir à l'expérimentation, mais dans un cadre national clairement défini.
L'exemple finlandais, mais aussi l'OCDE, conduisent à souligner l'importance d'une gestion décentralisée. La recherche de l'excellence va de front avec la baisse de l'échec scolaire.
Les écoles primaires ne disposent pas de la personnalité juridique, nous avions demandé que des établissements publics d'enseignement primaire (Epep) soient créés, avec un conseil d'administration sur le modèle des collèges. Je déplore que le décret en Conseil d'État manque encore, tout comme le décret sur les directeurs d'école. Il n'est pas acceptable que l'inertie administrative entrave la volonté du législateur !
L'individualisation de la pédagogie s'est imposée à l'école primaire, puis dans l'enseignement technologique, sans mettre en cause l'unité des programmes nationaux. Montaigne estimait déjà que « ce n'est pas miracle si, en tout un peuple d'enfants, ceux qui entreprennent d'une même leçon de régenter plusieurs esprits de si diverses mesures et formes, en rencontrent à peine deux ou trois qui rapportent quelque juste fruit ».
Le conseil de Fénelon -je suis élu de Cambrai !- garde son intérêt : « La curiosité des enfants est un penchant de la nature qui va comme au-devant de l'instruction ; ne manquez pas d'en profiter ! ».
Mais les heures personnalisées doivent simplement promouvoir une pédagogie différente, ce qui suppose une formation adéquate.
Quelle que soit l'organisation du lycée, une orientation scolaire reste une cause majeure d'échec. C'est pourquoi la commission demande une préparation à l'orientation dès le collège, afin que chaque élève puisse aborder les trois dimensions des études : générales, technologiques et professionnelles.
Dans l'esprit du discours prononcé par le Président de la République à Avignon, nous voulons améliorer la connaissance des qualifications et des métiers. Le Sénat a obtenu qu'un plan de coordination des opérateurs de l'État soit présenté. Nous y serons attentifs.
La réflexion de la commission est compatible avec votre réforme, monsieur le ministre, mais nombre de nos propositions n'ont pas encore été prises en compte : il faudra encore faire preuve d'audace !
La volonté d'une véritable égalité des chances est partagée sur tous les bancs. Nous sommes prêts à accompagner toute action résolue en ce sens. Pensez à la composition injuste des classes préparatoires aux grandes écoles. Nous sommes exigeants avec vous, monsieur le ministre, parce que nous le sommes pour les enfants de ce pays ! (Applaudissements)
Mme Marie-Agnès Labarre. - Selon l'OCDE, l'écart se creuse entre les meilleurs élèves et les plus faibles. Selon la Cour des comptes, 21 % des élèves éprouvent des difficultés sérieuses en lecture à la fin de la scolarité obligatoire ! En 2008, 78,4 % des élèves d'origine favorisée ont obtenu un bac général, contre 18 % de ceux nés dans des familles défavorisées.
L'on échoue à enrayer des inégalités criantes, malgré les cris d'alarme des enseignants. La mixité sociale a un effet d'entraînement sur les élèves culturellement défavorisés. Il faut une discrimination positive.
Notre groupe veut que le service public de l'éducation soit le lieu de la justice. Nos élèves en échec ont mal choisi le moment de se présenter au guichet de la relégation sociale, car le Gouvernement multiplie les réformes qui sont autant de provocations ; c'est les cas de la RGPP, avec son cortège de suppressions d'emplois.
Selon le ministère, la baisse des effectifs par classe n'a pas d'incidence sur les résultats. C'est une contre-vérité, comme le montre une étude commandée par la direction des études.
L'éducation nationale n'aurait pas besoin de cette austérité, au moment où les cadeaux se multiplient en direction de l'enseignement privé. La suppression de la carte scolaire est source d'apartheid. Sur 254 collèges « ambition réussite », plus de 150 ont perdu des élèves.
Quand le Gouvernement fait des économies sur les IUFM ou les Rased, il pénalise les plus faibles. Les jeunes en difficulté sont relégués vers un enseignement technologique non choisi.
Enfin, fermer les petites écoles de village ne facilite pas la réussite scolaire. Le Gouvernement conduit une politique inégalitaire, au détriment de l'avenir ! (Applaudissements à gauche)
Mme Bernadette Bourzai. - Seulement 8 % des élèves ayant redoublé le CP obtiendront le baccalauréat !
Le premier fauteur de décrochage scolaire est le langage. A l'entrée au CP, les enfants les plus fragiles maitrisent six fois moins de mots que les meilleurs. Pour de nombreux enfants, l'école primaire est le premier point de contact avec la langue française.
M. le ministre a reconnu que l'école maternelle était un rouage essentiel. On se réjouit de l'objectif affiché : améliorer la maîtrise de la langue.
Mais la scolarisation dès 2 ans, encouragée depuis 1989 dans les ZEP et les ZRR, est pénalisée par votre politique.
Concrètement, la scolarisation précoce devient souvent impossible. Comment renforcer le rôle de la maternelle contre le décrochage alors que la formation des enseignants ignore les besoins de la maternelle ?
Ne sacrifiez pas la maternelle, lieu privilégié de réalisation du modèle républicain, à votre obsession du chiffre ! (Applaudissements à gauche)
M. Daniel Marsin. - En éducation, les apparences sont parfois trompeuses : les quotas dans les écoles préparatoires ne font pas avancer l'égalité des chances. Pourquoi les enfants de milieux défavorisés ne parviennent-ils plus jusqu'à l'enseignement supérieur ? Les inégalités sociales se creusent : l'espoir des enfants d'arriver a été diminué par deux.
Parallèlement, 15 % des élèves entrant en 6e ne maîtrisent pas convenablement la lecture. C'est grave, car un problème de mathématiques mal compris ne sera pas résolu.
Les ZEP, mises en place en 1982, devaient donner plus à ceux qui avaient moins, mais les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Que comptez-vous faire pour redresser la situation ?
Le « socle commun de compétence » accorde une priorité absolue à la maîtrise de la langue. A compter de 2011, la maîtrise des compétences de ce socle sera nécessaire pour obtenir le diplôme national du brevet. Comment comptez-vous améliorer le niveau en si peu de temps ?
Sélectionner les élèves les plus méritants peut porter des fruits, mais l'école de la République devrait assurer une promotion collective. Il faut donner une orientation choisie, en revalorisant les filières professionnelles. Les enfants des classes sociales défavorisées sont les premières victimes de la culture de la « désorientation ».
Les stages sont intéressants mais ils sont laissés à l'initiative des enfants... Pour assurer l'égalité des chances, il faut une politique de la famille réellement adaptée.
Beaucoup de réformes sont en cours. Le rapport de l'Institut Montaigne a été un coup de tonnerre médiatique. Quelle suite allez-vous lui donner ?
Danton a dit : « après le pain, l'éducation est le premier besoin du peuple ». Il y va du respect de notre pacte républicain : nous avons le devoir de redresser au plus vite la barre de l'égalité des chances. (Applaudissements à gauche)
M. Robert Laufoaulu. - L'égalité des chances dans l'enseignement doit corriger les inégalités de fait dues à la naissance. Elle doit être l'exigence première de ceux qui ont choisi la noble vocation de l'enseignement. Je salue les enseignants et plus particulièrement ceux de mon territoire.
Le cyclone Thomas a il y a trois mois ravagé Wallis-Et-Futuna, si bien que de nombreux bâtiments scolaires, déjà dégradés, connaissent des problèmes de sécurité. Le premier trimestre a été perdu. L'état du bâti scolaire n'est pas dû aux seules conditions climatiques, il est aussi la conséquence de défauts de construction ou de manque d'entretien. Le Gouvernement a entrepris un plan de rénovation, limité cependant aux bâtiments détruits de Futuna et au lycée de Wallis ; il doit aussi s'intéresser aux collèges de Wallis. Faut-il attendre le prochain cyclone ? La décentralisation ne s'appliquant pas à notre territoire, l'État a toujours la responsabilité directe des bâtiments.
L'égalité des chances passe aussi par des conditions matérielles favorables : je vous demande, monsieur le ministre, de porter une attention particulière à mes propos. (Applaudissements)
Mme Maryvonne Blondin. - L'école ne parvient plus à assurer l'égalité des chances, les plus favorisés bénéficiant d'une sorte de délit d'initié qui perpétue leurs privilèges tandis qu'exclusion scolaire et exclusion sociale sont étroitement liées.
L'école primaire, où tout se décide, va mal ; mais votre politique répond à une logique comptable là où il faudrait tout remettre à plat, organisation du temps scolaire, articulation des temps de vie, éducatif, familial, social...
Le passage du CM2 à la 6e est délicat et les parents ne sont pas assez accompagnés pour l'affronter. Les ZEP deviennent des zones soit de stratégie familiale pour les contourner, soit de stratégie politique pour en exfiltrer les meilleurs éléments. Le zonage favorise la ghettoïsation. Le ministère se désengage, empile les dispositifs sans lisibilité, aggravant les inégalités territoriales.
Le collège unique ne peut rétablir la situation. Les enseignants ne sont pas formés pour affronter la diversité des situations des élèves ; et leur formation va encore être affaiblie...
Il faudra une réflexion sur les rythmes scolaires des adolescents, qui n'en reste pas à la question du sport l'après-midi, d'ailleurs encore mal évaluée. Pour laisser toute sa place à l'initiative locale, il faut définir une véritable gouvernance, assurer la stabilité des équipes, déployer les moyens en fonction des besoins, faire confiance aux enseignants, formés de façon appropriée, faire sortir l'école de l'école.
Les élèves sont la richesse de notre pays. La grande affaire, disait Alain, est de donner aux enfants une haute idée de leur puissance et les soutenir par des victoires. Quelle est votre vision du service public de l'éducation ? Quels moyens, objectifs et missions lui assignez-vous ? (Applaudissements à gauche)
M. René-Pierre Signé. - L'école primaire peine à assurer ses missions, incapable qu'elle est de gommer les inégalités initiales. En milieu rural, les classes ou les écoles ferment, ce qui freine le développement des communes -elles seront demain des hameaux. On ajoute à l'inégalité sociale une inégalité territoriale. L'égalité des chances devrait passer par une égalité effective d'accès à l'école, à la culture, à la qualification.
La vision urbaine d'un cours par classe empêche de voir les aspects positifs des classes uniques des écoles rurales. Les résultats de leurs élèves sont plutôt meilleurs que ceux des écoles urbaines. Les regroupements pédagogiques ont leur mérite, mais atteignent leurs limites dans les zones d'habitat très dispersé. La concentration appelle plus de transports, et n'apporte pas toujours de véritables économies.
Des supports comme le tableau numérique, la vidéoconférence ou les manuels sur ordinateur pourraient motiver les élèves et les faire participer davantage.
Les rythmes scolaires doivent être refondus, l'école doit être réorganisée en cycles cohérents ; il faut repenser la formation des enseignants et tendre vers alternance.
L'éducation et la formation sont des leviers essentiels pour construire une société solidaire. Certes, la qualité d'un enfant ne se résume pas à ses performances scolaires, mais le diplôme reste malgré tout un sésame. L'école est un moyen de réaliser le nécessaire « vivre ensemble ». (Applaudissements à gauche)
M. Yannick Bodin. - Le collège est au coeur du problème de l'échec scolaire. Sa conception même doit changer ; il ne doit plus être considéré comme le premier cycle du lycée mais comme un prolongement de l'école primaire. Au lieu de classe de 6e, il faudrait parler de première année de collège.
Je propose un enseignement en deux cycles sur quatre ou cinq ans en fonction des capacités de progression des élèves, sans découpage en classes ni années scolaires, sans redoublement ; des enseignements non plus affectés à une classe mais intégrés dans une équipe pédagogique et éducative par niveau ; une certaine autonomie des collèges, avec la possibilité de recruter des enseignants sur profil ; des équipes pluridisciplinaires et le retour à la bivalence pour certains professeurs -comme dans l'enseignement professionnel. Les équipes définiraient un projet pour chaque cycle et mettraient en oeuvre un suivi personnalisé des élèves. Enfin, la carte scolaire doit être revue pour éviter les ghettos et favoriser la mixité des élèves.
L'orientation devrait privilégier les contacts individuels avec les élèves, pour éviter à ceux-ci de se sentir déclassés ou rejetés. Toutes les voies offertes doivent être d'excellence.
Ce modèle est innovant, fondé sur les expérimentations locales ou les exemples étrangers. Il est temps de le mettre en oeuvre. Reconstruire un autre collège : le chantier est urgent. (Applaudissements à gauche)
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. - Je remercie M. Lagauche de poser une question aussi importante et aussi pour la forme constructive de ce débat. L'égalité des chances ? L'école vecteur d'ascension sociale n'a pas résisté à la massification du système éducatif depuis trente ans. Élu du département qui perd le plus d'habitants, je suis également sensible à l'égalité territoriale.
Arrivant rue de Grenelle, j'ai été frappé par ces quelques chiffres : dans une classe de 6e, on compte 55 % d'élèves dont les parents sont ouvriers ou employés et 15 % dont les parents sont cadres ; en classe préparatoire, les proportions sont exactement inverses.
C'est dire le défi qu'il faut relever ; c'est lui qui justifie la politique du Gouvernement en faveur des publics prioritaires et pour l'égalité des chances.
Le 11 janvier, le Président de la République a demandé aux grandes écoles de jouer pleinement leur rôle dans la diversification et le renouvellement de nos élites et fixé un objectif ambitieux : 30 % de boursiers dans chaque grande école. Quand neuf ingénieurs sur dix dans le monde sont formés en Extrême-Orient, on ne peut former nos élites parmi 10 % seulement de la population !
Nous avons donc inventé des dispositifs pour accompagner les élèves de milieux défavorisés. Tout lycée doit proposer au moins 5 % d'élèves à la candidature en classe préparatoire. D'ici deux ans, une centaine de classes préparatoires, en particulier technologiques, seront créées sur tout le territoire. Nous avons mis en place 125 « cordées de la réussite » entre un lycée d'élite et un lycée de zone défavorisée, pour favoriser l'accès des élèves de milieu modeste aux classes préparatoires.
Nous créons aussi des internats d'excellence pour aider des élèves aux grandes potentialités à s'épanouir dans un lieu propice à leur travail. Le premier a été récemment inauguré, onze le seront à la prochaine rentrée. Ce sont 20 000 places qui seront proposées à terme.
La carte scolaire n'a pas été supprimée mais assouplie, car c'est elle qui était créatrice de ghettos. Ce système de régulation, justifié il y a quarante ans, a été dévoyé. L'idée d'une évaluation des établissements scolaires nous convient tout à fait. L'inspection générale prépare une évaluation, qui pourrait déboucher sur un nouveau dispositif expérimental.
Le défi majeur, c'est la personnalisation des parcours. On ne peut travailler avec 65 % d'une génération au niveau du bac comme on le faisait lorsqu'il n'y en avait que 25 % -il y a de cela un quart de siècle seulement. Il faut agir dès le plus jeune âge. Le plan Illettrisme est concentré sur l'apprentissage du langage dès la maternelle, la maîtrise du vocabulaire. J'ai créé 100 postes d'inspecteurs spécialisés qui y travailleront. Depuis 2008 et la réforme du primaire, une aide personnalisée de deux heures hebdomadaires concerne plus d'un million d'élèves. Des stages de remise à niveau en français et mathématiques sont proposés sur cinq jours au printemps ou début juillet ; 214 500 élèves ont été concernés en 2009.
Nous avons mis en place dans tous les collèges un accompagnement éducatif de deux heures qui prolonge le temps scolaire. Près d'un million de collégiens en bénéficient.
Le nombre d'élèves au niveau du bac pro doit être accru ; c'est pourquoi la formation a été allongée d'un an. Des passerelles sont créées entre les trois voies, de même qu'un accompagnement personnalisé de deux heures et demi hebdomadaires.
La réforme du lycée général et technologique entrera en vigueur cet automne. Une de ses mesures phare est la mise en place d'un accompagnement personnalisé de deux heures par semaine, qui portera les meilleurs vers l'excellence et apportera un soutien aux autres.
La question de l'orientation est sans doute celle sur laquelle l'inégalité sociale est la plus forte, ce qui crée un énorme gâchis. Un grand nombre d'élèves doués échouent à cause de cette orientation par défaut, subie. L'orientation doit être choisie et programmée. On peut être un élève médiocre à 14 ans et s'épanouir à 17 ans, avant d'avoir une belle profession à 21. C'est une des tâches des enseignants d'y veiller. La réforme du lycée prévoit donc un tutorat exercé par les enseignants, pour accompagner les élèves au long de leur parcours d'orientation. L'Onisep a fait des efforts considérables ; ses conseillers sont compétents et répondent rapidement, avec une prise en compte de la répartition géographique des formations offertes.
Un nouveau délégué interministériel à l'orientation a été nommé hier en conseil des ministres, chargé de coordonner tous les services de l'État en matière d'orientation.
Vous avez évoqué la gouvernance du système éducatif. Je suis favorable à davantage de déconcentration et d'autonomie pour les établissements et j'ai été heureux d'entendre vos propositions en ce sens. Demain, je lancerai à Marseille le dispositif « Collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite » (Clair) qui prévoit une expérimentation en ZEP en matière de ressources humaines, d'innovation pédagogique et de la vie scolaire. Le chef d'établissement pourra recruter ses enseignants sur profil ; ceux-ci s'engageront pour cinq années, afin que les équipes soient motivées et pérennes. Clair a vocation à se substituer aux dispositifs d'éducation prioritaire s'il fait la preuve de son efficacité.
Les propositions de M. Bodin sur le collège m'ont beaucoup intéressé. La réforme des lycées donne davantage d'autonomie aux établissements et plus de place au conseil pédagogique, dans un cadre qui restera national bien sûr.
Optimiste de nature, je ne reprendrai pas l'expression « bataillons d'élèves en échec ». Je tiens qu'il faut donner une chance à chaque élève, car notre pays a besoin de l'intelligence et des talents de tous ses enfants. (Applaudissements au centre et à droite)
La séance, suspendue à 18 heures 45, reprend à 19 heures.