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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Grand Paris (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 3 (Suite)

Questions d'actualité

Situation financière des départements

M. Raymond Vall

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Justice fiscale et dette

M. Nicolas About

M. François Fillon, Premier ministre

Avenir de la gendarmerie

M. Jean-Louis Carrère

M. François Fillon, Premier ministre

Affectation des professeurs réunionnais

Mme Gélita Hoarau

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Suites de la tempête Xynthia (1)

M. Michel Doublet

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Suites de la catastrophe haïtienne

M. Jacques Gillot

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Médecins généralistes

M. Antoine Lefèvre

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Suites de la tempête Xynthia (2)

M. Michel Boutant

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme

Vols à la portière

Mme Catherine Dumas

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Violences à l'école

M. Laurent Béteille

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Entrepreneur individuel à responsabilité limitée (Procédure accélérée)

Discussion générale

Candidatures à une éventuelle CMP

Discussion des articles

Article premier

Article additionnel

Article premier bis A

Article 2

Article 3 bis

Article 4

Articles additionnels

Article 5

Article 6

Article 6 bis A

Article 6 bis

Article 8

Article additionnel

Article 10

Vote sur l'ensemble

Nominations à une éventuelle CMP

Grand Paris (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 3 (Suite)




SÉANCE

du jeudi 8 avril 2010

87e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

Secrétaires : Mme Sylvie Desmarescaux, M. Marc Massion.

La séance est ouverte à 9 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris.

Grand Paris (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Nous poursuivons l'examen de l'article 3.

Article 3 (Suite)

Amendement n°122, présenté par M. Caffet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4, seconde phrase

Remplacer les mots :

l'exposé des enjeux socio-économiques

par les mots :

une évaluation économique, sociale, environnementale et financière établie conformément aux dispositions de l'article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs relatives aux grands projets d'infrastructures de transport.

Mme Nicole Bricq.  - Un de nos amendements a été retenu par la commission spéciale sur cet alinéa, mais pas celui-ci, qui concerne le dossier d'information destiné au public. Plutôt que le texte actuel, assez vague, nous préférons faire référence à la Loti de décembre 1982 et prévoir que l'évaluation porte sur les conditions et le coût de la construction de l'infrastructure, sur son financement, l'estimation de sa rentabilité financière, les motifs des choix technologiques retenus et leur incidence sur les transports existants ou futurs. Il serait incompréhensible qu'on procédât à une telle évaluation pour la construction d'un banal tramway et qu'on ne le fît pas pour le projet de métro automatique. La réalisation de cette étude ne serait pas suspensive ; elle permettrait d'éclairer le public et pourrait même mettre en évidence que le choix d'une infrastructure souterraine ne se justifie que sur certaines de ses portions. En l'état, le doute subsiste sur le degré de précision des enquêtes.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur de la commission spéciale sur le Grand Paris.  - La commission a fait le choix de ne pas faire référence aux textes antérieurs à chaque article ou alinéa. Son texte évoque « l'exposé des enjeux socio-économiques, (...) l'estimation du coût et les modes de financement envisagés, les prévisions de trafic, l'analyse des incidences sur l'aménagement du territoire, ainsi que le rapport environnemental ». Tout est dit. Je souhaite le retrait.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale.  - Je partage l'avis du rapporteur. Ce texte est le premier de la République à proposer une évaluation environnementale, et non plus seulement socio-économique, des éléments de la décision. Il nous est en effet apparu que les dispositions de la Loti étaient insuffisantes. Nous souhaitons atteindre un haut degré de protection de l'environnement, en veillant à une intégration concrète des exigences de celle-ci tout au long du processus d'élaboration. En soumettant le projet à une évaluation stratégique environnementale préalable, nous nous inscrivons dans le respect des prescriptions des Nations unies comme de celles du Grenelle et de la directive européenne dites « Plans et programmes » de 2001. Le Grenelle II a d'ailleurs prévu de compléter la transposition de celle-ci pour la rendre compatible avec les exigences rappelées par Bruxelles le 8 octobre dernier.

Cette évaluation stratégique est engagée depuis l'été 2009, et quatre bureaux d'études de renommée internationale sont au travail depuis novembre -je relève au passage qu'aucune étude de cette sorte n'est en cours pour le projet Arc Express. L'évaluation, qui sera remise en juillet, s'appuie sur la connaissance la plus exhaustive possible de l'état initial de l'environnement, qu'il s'agisse de la qualité de l'air, des émissions de gaz à effet de serre, du bruit, des ressources en eau, de l'agriculture, de la protection des milieux naturels et des sites, des ressources minérales. Elle couvre plus de 160 communes sur une largeur minimale de trois kilomètres, avec l'objectif de retenir le meilleur tracé et d'en justifier le choix. L'incidence de la mise en oeuvre du projet sera évaluée pendant les travaux, mais aussi à l'horizon 2035, soit dix ans après la mise en service de l'infrastructure. Les résultats de l'étude seront soumis à l'avis indépendant de l'autorité environnementale, puis présentés au débat public.

La géologie est le fondement principal de toute analyse de projet d'infrastructure. Tandis qu'un ouvrage aérien est ancré dans les roches superficielles à une profondeur de dix à quinze mètres, la réalisation d'un tunnel, qui nécessite de creuser à une profondeur de vingt à quatre-vingt mètres, est susceptible d'affecter des entités géologiques qui contiennent de l'eau. A titre d'exemple, lorsqu'on envisage de contourner Paris par l'est entre Champigny, Noisy et Le Bourget, on rencontre les formations de l'éocène du Valois, qui constituent une ressource en eau importante du nord de Paris ; des forages sont nombreux dans cette zone, que nous avons tous localisés. Une étude préalable très précise est indispensable, sauf à risquer de découvrir trop tard qu'un métro souterrain entraînerait une réduction du volume disponible pour l'alimentation en eau potable. La question est d'autant plus sensible que les habitants de la petite et de la grande couronne sont soumis chaque année à des restrictions des usages de l'eau en été et même en automne.

La connaissance préalable et exhaustive des conditions environnementales est déterminante pour une décision éclairée. La totalité du fuseau envisagé a donc été cartographiée en surface et jusqu'à 100 mètres de profondeur. Nous avons anticipé les difficultés qui auraient pu générer des coûts. Voilà ce que nous faisons pour l'environnement comme pour la maîtrise des coûts. Ce point est symbolique de notre approche : asseoir en toute transparence la décision sur des données objectives. Voilà pourquoi je m'étais permis hier de donner rendez-vous à Mme Voynet pour cette explication.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Ces explications extrêmement détaillées ne figurent pas dans la loi. Si nous prenons acte de ces préoccupations très fortes, nous nous rappelons aussi qu'hier, lorsque nous proposions un amendement à l'article 2, on nous a expliqué qu'il était inutile de se référer à l'article 17 du Grenelle I parce que le schéma national des infrastructures de transports qui devait être arrêté en 2009 ne serait pas établi avant de longues années. Certes, le Gouvernement s'engage à respecter ses critères mais nous préférons prendre des précautions.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

Mme Nicole Bricq.  - La rentabilité financière du projet constitue un sujet lourd car une fois l'infrastructure réalisée et les investissements engagés, vous remettrez les clefs au Stif ; les coûts seront assumés par la région et les départements. Pourriez-vous nous informer sur la rentabilité financière de cet investissement extrêmement onéreux ?

Après une épreuve à main levée, déclarée douteuse, l'amendement n°122, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par M. Caffet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4, seconde phrase

Après les mots :

rayonnement international de la région d'Ile'de'France et de la France

insérer les mots :

le phasage prévisionnel de la réalisation

M. Jean-Pierre Caffet.  - Lorsque nous avons évoqué le phasage prévisionnel, hier, le rapporteur et le secrétaire d'État ont craint qu'il ne s'agisse de réintroduire le phasage proposé par le rapport Carrez. Il n'en est pas question et si tel était le cas, nous aurions rédigé l'amendement autrement. Par où va-t-on commencer les travaux ? Une dizaine de tunneliers vont intervenir simultanément et le secrétaire d'État nous a expliqué qu'on ne pourrait ouvrir un tronçon avant l'achèvement de la totalité du réseau, soit treize années. Comment une question aussi importante ne serait-elle pas soumise au débat public ? On ne commencerait pas par le Val-d'Oise ou la Seine-Saint-Denis, on interviendrait partout !

M. Jean Desessard.  - Nulle part ?

M. Jean-Pierre Caffet.  - Les usagers ne pourront accéder au réseau que lorsqu'il sera achevé : il faut bien mettre quelque chose dans le dossier de la consultation.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. le président.  - La parole est à M. Caffet.

M. David Assouline.  - Pour répondre aux arguments du rapporteur !

M. Jean-Pierre Caffet.  - N'ayant pas eu de réponse, j'ai bien compris que le réseau ne serait pas accessible avant la fin des travaux, c'est-à-dire pas avant treize ans.

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le président de la commission spéciale. (Exclamations sarcastiques à gauche)

L'amendement n°123 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°179 rectifié, présenté par M. Dallier.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Il présente également une préfiguration de la répartition par périmètre de contrat territorial et par catégorie, au sens du mode de financement, des logements mentionnés à l'alinéa 3 de l'article 1er de la présente loi. Il démontre comment cette répartition concourt à l'amélioration de la mixité sociale dans les périmètres concernés et dans l'agglomération parisienne.

Amendement n°180, présenté par M. Dallier.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le dossier comporte également une estimation, à cinq, dix et quinze ans, de la progression du potentiel fiscal des collectivités locales et de leurs groupements dont tout ou partie du territoire est situé dans le périmètre des 1 500 mètres autour des gares du futur métro automatique.

M. Philippe Dallier.  - Hier, certains faisaient semblant de confondre schéma d'ensemble et contrat de développement territorial... Je me réjouis que le climat de la séance soit plus détendu ce matin ! Il s'agit ici de la cohérence du schéma d'ensemble. Celui-ci aura un impact en matière d'aménagement, de logement, et donc de mixité sociale ; le développement économique attendu influera sur la capacité fiscale des collectivités traversées par le réseau.

Ces deux amendements visent à éclairer le public sur cet impact. Pour éviter que la richesse créée par les investissements de l'État ne soit territorialisée et captée par certaines collectivités, comme dans les années 60, il faut dire dès le schéma d'ensemble comment le projet influera sur la mixité sociale dans la métropole et préfigurer la répartition des logements. Afin de corriger les déséquilibres, il faut également voir comment progressera la richesse économique, pour ensuite modifier les mécanismes de péréquation.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°179 rectifié. Défavorable à l'amendement n°180.

Mme Nicole Bricq.  - C'est tout ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Catherine Tasca.  - Malgré les efforts de la commission pour que le texte mentionne enfin un objectif de construction de logements et de mixité sociale, l'article premier reste plus votif que normatif... Ces deux amendements inscrivent dans la loi les conditions pour passer à l'acte. L'amendement n°179 rectifié insiste notamment sur l'importance de la répartition des logements par catégorie : on sait combien les trente dernières années d'urbanisation ont porté atteinte au vivre ensemble en oubliant l'impératif de mixité sociale. Nous soutenons également l'amendement n°180 : des objectifs qui ne sont pas assortis de possibilités de financement ont toute chance de rester éthérés !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - La commission a introduit un article 19 bis qui traite précisément de la question du logement. Un article 9 bis traite de la taxe sur les plus-values foncières. Nous en discuterons le moment venu. Évoquer ces problèmes dès le début, c'est démolir le texte de la commission ! Avis nettement défavorable !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous avons déjà dénoncé ces déclarations d'intentions qui ne sont pas assorties d'objectifs contraignants. On ne peut réfléchir à l'amélioration des transports, à la réduction des inégalités sans prendre en compte la question du logement, notamment social ! Je partage la préoccupation de M. Dallier. Il ne s'agit pas de s'exonérer de la loi SRU mais de vérifier que nous allons bien vers plus de mixité sociale, donc de solidarité des territoires.

M. Jean-Jacques Jégou.  - Je soutiens M. Dallier. Nous souffrons de l'absence de mixité sociale : il y a non pas une mais des Ile-de-France... Les écarts de richesse vont de 1 à 70 !

Mme Catherine Tasca.  - Il n'y a pas de quoi être fier !

M. Jean-Jacques Jégou.  - Il faut marquer notre volonté de rééquilibrage.

Mme Nicole Bricq.  - A chaque fois, le rapporteur repousse des amendements au motif que le sujet a soit déjà été abordé soit le sera plus tard ! On dirait que la séance l'agace, que le texte de la commission doit sortir inchangé de nos débats. Mais nous sommes là pour faire la loi !

Sur le fond, vous allez accepter à l'article 19 bis que les préfets territorialisent ces logements, sans prendre en compte l'impératif de mixité sociale alors que vous n'avez cessé, la nuit dernière, d'appeler au respect des collectivités ! Or on sait bien où ces logements sociaux seront construits...

L'Ile-de-France est peut-être la région la plus riche mais les inégalités territoriales et sociales y sont criantes. C'est maintenant qu'il faut régler le problème. Nous soutiendrons ces deux amendements.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Je m'interroge sur la volonté de certains ici de mener à bien la discussion sur ce projet de loi...

Mme Nicole Bricq.  - Nous avons tout le temps.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Moi aussi.

Cet article traite des documents à mettre à disposition du public dans le cadre de l'évaluation environnementale. (Exclamations à gauche)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Justement !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Si l'on veut que ce processus ne soit jamais mis en oeuvre, ce sont de tels amendements qu'il faut présenter !

Je vous le répète une fois encore, monsieur Dallier, je suis d'accord avec les intentions que vous affichez depuis le début de ce débat. Mais prévoir qu'il faudra présenter une préfiguration de la répartition par commune et par typologie, c'est demander l'impossible, vous le savez parfaitement. Dans les nombreux documents de la région, qui dispose pourtant de tous les instruments, cela n'existe pas.

Mme Nicole Bricq.  - La région n'a pas compétence pour le logement !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Cela mènerait directement au contentieux. Sans compter qu'il serait impossible de réaliser un tel travail dans les mois à venir. L'article 18, qui institue les contrats de développement territorial, met en place tous les instruments dont disposeront les communes et leurs groupements pour traiter ces problèmes.

Il faut fixer une bonne fois les règles du jeu : ou bien on veut empêcher la discussion d'aboutir, et l'on s'y prend comme vous le faites, ou bien l'on joue cartes sur table : vous avez travaillé au sein de la commission spéciale, vous y avez voté, je ne comprends pas votre attitude.

M. Jean Desessard.  - Je ne vous comprends pas, monsieur le ministre. D'un côté, vous dites à M. Dallier que vous êtes d'accord avec tous ses objectifs ; de l'autre, vous l'accusez de chercher à bloquer le débat. Il faut savoir ce que vous voulez. Mon sentiment, à vrai dire, c'est que vous êtes déjà dans votre tunnel. Vous vous dites : « J'ai 130 kilomètres à faire, je creuse » et vous n'écoutez déjà plus rien. Mais quand on consulte le public, monsieur le ministre, on donne les modalités, on ouvre les pistes, on intéresse, on suscite le débat. Ou alors dites-nous franchement que vous ne consultez que parce que vous y êtes obligé : service minimum, je creuse !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Je crains que ce débat ne prenne mauvaise tournure. Sans doute est-il temps de rappeler quelques vérités élémentaires. La première, monsieur le ministre, c'est que ce n'est pas en commission que l'on fait la loi mais en séance. Le travail en commission n'épuise pas le débat et nous conservons, ne vous en déplaise, notre droit d'amendement.

Nous n'entendons pas, en tout état de cause, que vous nous dictiez des délais que vous vous êtes vous-même imposés. On lit partout dans la presse que le débat public doit s'ouvrir en septembre. Permettez-nous de ne pas nous soumettre à cette injonction. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Nous ne cherchons pas à bloquer le débat, nous cherchons à enrichir le texte. Les amendements Dallier sont de bon sens. La plupart des amendements qui ont été déposés en commission sur la question du logement ont été balayés d'un revers de main. Permettez que nous y revenions en séance. Il est, pour nous, deux sujets fondamentaux : le logement et la réduction des inégalités territoriales. Votre refus de nous voir améliorer le texte sur ces questions démontre que ce qui est écrit à l'article premier n'est qu'un voeu pieux. Dire que l'on se fixe un objectif de 70 000 logements par an et refuser cet amendement, c'est avouer que vous n'y croyez pas vous-même. Vous prétendez réduire les déséquilibres territoriaux et fiscaux ? M. Dallier ne vous demande pas une péréquation, mais une estimation de la progression du potentiel fiscal dans les communes concernées : est-ce déraisonnable ? Sinon, reconnaissez que vous vous êtes moqué de nous avec l'article premier !

Libre à vous de décréter la nation en danger si on n'ouvre pas un métro dans treize ans, mais permettez-nous d'être plus circonspects.

M. Jean-François Voguet.  - Votre refus sec sur cet amendement m'étonne moi aussi. Il ne s'agit au fond que d'informer le public sur la nature des logements autour des futures gares, et des retombées fiscales que l'on pourra en attendre. Faut-il croire que le simple fait de poser la question de la mixité vous indispose ? Vous vous donnez un objectif de 70 000 logements, soit, mais de quel type ? Chacun sait que dans les petites communes, compte tenu du coût du foncier et de l'immobilier, l'accès au logement est quasi impossible pour les familles modestes : elles ont besoin de logements sociaux. Ce n'est pas pour autre chose que se pose la question de l'application de la loi SRU. Chacun sait, et notamment les maires, que chaque logement social construit implique une participation communale : Il n'est donc pas anormal qu'il y ait un retour. C'est pourquoi je voterai cet amendement.

M. Jacques Mahéas.  - Nous ne jouons pas l'obstruction, comme vous vous plaisez à le faire croire. (Rires à droite)

M. Nicolas About.  - Il est sûr que vous accélérez le débat...

M. Jacques Mahéas.  - Si vous voulez le bâcler, dites-le franchement.

M. Nicolas About.  - Vous savez très bien que ce n'est pas à cet article, mais plus loin, que doit être posée la question de la mixité sociale. Mais parlons-en, puisque vous y tenez ! Parlez-nous un peu de l'état dans lequel vos amis communistes ont laissé les grandes communes qu'ils ont gérées pendant trente ou quarante ans !

M. Jacques Mahéas.  - Ne vous échauffez donc pas, monsieur About. Admettez que sur un projet dont le coût est évalué à plus de 30 milliards, nous soyons un peu tatillons, et que nous ne jugions pas inutile que les citoyens disposent de tous les éléments d'information pour juger de son opportunité. Il n'est pas anodin qu'un élu du 93, et rattaché à l'UMP de surcroît, présente un tel amendement. La Seine-Saint-Denis est parmi les départements les plus en difficulté, et où se mènent des expériences de restructuration urbaine qui ne sont pas toujours concluantes, et qui ajoutent bien souvent des difficultés aux difficultés. Il n'est donc pas anormal que M. Dallier pose la question des 1 500 mètres autour des futures gares : il y a là une véritable opportunité de mixité. Si certains maires font blocage et refusent les logements sociaux, il n'est pas inutile que cela se sache... Aménager 28 000 hectares, ce n'est pas rien. Comment ces 70 000 logements vont-ils restructurer notre région ? Apporteront-ils plus d'harmonie, plus de mixité ? Nous n'entendons pas bloquer le débat, mais faire en sorte que les Franciliens disposent de quelques précisions. Mieux ils seront informés, plus il sera facile, ensuite, d'aller vite. A l'inverse, s'ils manquent d'informations, vous susciterez la suspicion, et non l'adhésion. Vous voulez aller vite ? Il est de votre intérêt d'informer.

M. Serge Lagauche.  - Monsieur le secrétaire d'État, lors des débats en commission -qui se sont bien passés-, nous avions indiqué que nous insisterions sur les points de désaccord en séance publique. Pourquoi ? Parce que nous savons que ce texte sera adopté. Si vous défendez, comme vous le dites, le rééquilibrage à l'est, travaillons y ensemble. Quel impact aura la réforme fiscale ? Nous avons constaté, lors de la commission Carrez, la difficulté à évaluer le foncier et les recettes fiscales qui en résulteront. Celle-ci sera d'autant plus grande avec une réforme fiscale réalisée sans consensus. De quoi ont besoin aujourd'hui les maires de l'est et du nord pour rééquilibrer la situation ? Si vous le leur demandez, ils répondront : « Donnez-nous des moyens ! Aidez-nous à trouver des entreprises ! ». Les maires ne veulent pas seulement des logements, ils veulent des emplois. Mais la principale difficulté est que l'État tarde à remplir ses contrats. Monsieur le secrétaire d'État, si nous débattons, ce n'est pas pour le plaisir d'être contre vous mais pour marquer dans la loi l'importance du rééquilibrage que vous défendez.

M. David Assouline.  - Monsieur le secrétaire d'État, vous voudriez que le Sénat vote, sans le modifier, le texte de la commission. Pour vous, la séance publique ne sert à rien !

M. Jean Desessard.  - Juste !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Je n'ai jamais dit ça !

M. David Assouline.  - Ce débat est très important pour la région parisienne ; si tout est bouclé, il se réduirait à une parade pour la galerie. Mais, monsieur le secrétaire d'État, vous n'êtes pas dans cet hémicycle en train de diriger une entreprise. Au Sénat, nous faisons vivre la démocratie. Nos propositions visent uniquement à apporter des garanties en matière de consultation de la région, de réalisation des logements. Elles n'ont rien de révolutionnaire ! En les refusant toutes, vous tendez l'atmosphère, vous tronquez le débat. Vous ne nous impressionnez nullement lorsque vous nous accusez de bloquer le débat, d'autant que nous discutons d'un amendement de M. Dallier, membre de votre majorité. Nous avons perdu du temps, soit, mais à cause des scrutins publics car votre camp, qui se veut résolument moderne en voulant faire la ville-monde...

Mme Isabelle Debré.  - Oui, nous la voulons !

M. David Assouline.  - ...a déserté la séance publique.

Mme Isabelle Debré.  - Mais nous sommes là !

M. David Assouline.  - Nous, nous sommes présents et nous demandons que le Parlement soit respecté! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - M. Assouline a fort bien posé le problème : la commission spéciale a accepté des amendements, dont certains provenaient de l'opposition...

M. Jacques Mahéas.  - Quelques-uns...

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - ...et abouti à un texte cohérent. L'article 3 ne concerne ni le logement ni la fiscalité, mais les transports ! En tant que rapporteur, je ne veux pas d'une loi fourre-tout ! (Exclamations à gauche)

Plusieurs voix à gauche.  - Et l'article premier ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Nous reviendrons sur la question du logement à l'article 19 bis et sur celle des contrats de développement territorial à l'article 18. Évitons le méli-mélo, sinon nos concitoyens nous reprocheront d'avoir mal travaillé ! (Applaudissements à droite)

Mme Isabelle Debré.  - Très bien ! Un peu d'ordre !

M. Philippe Dallier.  - Un peu d'ordre pour éviter le méli-mélo, disent mes collègues. Mais, quoi !, ce n'est pas moi qui ai intitulé ce texte « Le Grand Paris » dont on avait imaginé un temps de centrer le titre sur la seule question des transports. Comme il n'y avait rien dans ce texte sur le logement, vous avez ajouté un article 19 bis qui donne tout pouvoir au préfet de région ! (Marques d'approbation à gauche) J'en ai assez qu'on me fasse la leçon ! Je suis un jeune parlementaire, certes, mais qui a grandi dans l'un des quartiers que vous avez construit dans les années 1960. Mon département vit une ségrégation sociale et territoriale. Vous y êtes sourds ! Mes amendements sont modestes : il s'agit d'obtenir quelques informations minimales, je parle de « préfiguration de la répartition » et « d'estimation de la progression du potentiel fiscal ». Dans les années 1960, l'État a massivement investi dans certains endroits comme La Défense, qui ont capté toute la richesse fiscale et refusent toute péréquation. (Applaudissements au centre et à gauche)

Mme Nicole Bricq.  - Exactement !

M. Philippe Dallier.  - Aujourd'hui, j'ai la chance de représenter mes concitoyens au Sénat et je me bats pour modifier cette situation !

Mme Nicole Bricq.  - Oui, nous en avons marre !

M. Philippe Dallier.  - Monsieur le secrétaire d'État, je crois en votre projet. De grâce, ne m'envoyez pas dans les cordes à chaque fois que je mets un problème concret sur la table ! Enfin, je veux dire à mes collègues de prendre garde. Si vous continuez ainsi, quelqu'un de l'autre camp sera élu en 2012 et vous le regretterez ! (Applaudissements nourris à gauche)

M. Jean Desessard.  - Monsieur Dallier, nous aussi, on pratiquera l'ouverture !

M. Jacques Mahéas.  - La porte est grande ouverte !

M. Thierry Repentin.  - Je comprends les interventions passionnées de certains collègues : il s'agit de l'avenir de leur territoire. En quoi les amendements de M. Dallier seraient-ils machiavéliques ? Le n°179 rectifié tend seulement à donner un élément d'information aux populations sur une composante essentielle de l'aménagement du territoire : le logement. Pour le rapporteur, il faut éviter le méli-mélo entre transport et logement. Pour autant, les deux sont intimement liés. Pour preuve, dans le Grenelle II le plan de déplacement urbain et le plan local de l'habitat ont été fusionnés dans le même document. Pourquoi scinder transport et logement en Ile-de-France quand nous avons considéré que cela n'était pas bon pour l'ensemble du territoire national ? Autre exemple, depuis la loi « engagement national pour le logement » de 2006 grâce à un amendement sénatorial, le plan local d'urbanisme doit donner une indication sur la destination des sols. Cette disposition était souhaitée non seulement par les organismes de logements sociaux, mais aussi par la Fédération des promoteurs constructeurs. Plus tôt l'on connaît la règle du jeu, mieux cela est pour tout le monde, particulièrement en Ile-de-France où l'offre de logements est si tendue. J'avais soutenu cet amendement en 2006. Par cohérence, je voterai l'amendement n°179 rectifié qui donne corps aux objectifs fixés à l'article premier. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - La commission a accepté un amendement à l'article 18 : le contrat de développement territorial précise, au vu du diagnostic, le nombre de logements et le pourcentage de logements sociaux à réaliser. Vous voulez tout faire remonter à l'article 3...

Mme Nicole Bricq.  - Pas du tout !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Efforçons-nous plutôt d'élaborer des textes équilibrés, où chacun trouve son compte...

M. David Assouline.  - Il s'agit ici du dossier public.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - ...en se gardant de tomber dans le débat idéologique. (Protestations à gauche) Je ferai la même réponse qu'hier, quand M. Dallier refusait aux collectivités de base d'être bien informées sur le schéma de transports : évitons les incohérences, ayons de la méthode !

A la demande de la commission spéciale, l'amendement n°179 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 154
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean Desessard.  - Le Grand Paris mérite tout de même une grand-messe parlementaire !

Mme Nicole Bricq.  - Tout le monde n'est pas catholique.

M. Jean Desessard.  - La double boucle aurait du reste justifié une double lecture... (Sourires) J'ai compris l'argumentation du secrétaire d'État : on creuse, on fonce, on verra ensuite. Il a donc une stratégie : celle d'Obélix. Mais le rapporteur ? Il renvoie à la discussion à l'article 17 bis, ou à l'article 19. Or il ne s'agit pas de définir le nombre de logements, seulement de mentionner le type de logements à prévoir. Je ne comprends pas la logique du rapporteur.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Je suis ravi de croiser le fer avec vous, cher collègue, cela ne nous était pas arrivé depuis longtemps, j'en étais bien triste... (Sourires)

M. Jean Desessard.  - J'étais en campagne pour les régionales !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Sachez que le ministre présentera en septembre prochain un schéma d'ensemble des transports qui comprendra des aspects environnementaux, économiques, coûts, travaux, etc. Comment, dans un délai si bref, traiter aussi du logement ? Cela se fera dans le cadre des contrats de l'article 18 et de la politique du logement dont nous parlerons à l'article 19 bis.

Vous verrez, le jour où vous serez rapporteur sur un texte, monsieur Desessard, combien il faut veiller à respecter l'architecture et la logique du projet. L'amendement n°180 prévoit une projection du potentiel fiscal à cinq, dix ou quinze ans. Mais une réforme de la fiscalité locale vient d'être adoptée et l'on ne connaît pas encore le potentiel fiscal des communes d'Ile-de-France.

Mme Nicole Bricq.  - Dès la fin de l'année, nous le saurons.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Il est temps de revenir sur terre ! (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit)

L'amendement n°180 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°257, présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller.

Alinéa 5 

Supprimer cet alinéa.

M. Jean Desessard.  - Il n'est pas acceptable de restreindre la consultation de la commission nationale du débat public (CNDP). Les consultations de 2007 sur le Grenelle de l'environnement n'ont guère été suivies d'effets. N'ajoutons pas une contrainte supplémentaire, veillons au contraire à respecter la convention d'Aarhus relative à l'information, à la participation du public au processus décisionnel et à l'accès à la justice en matière d'environnement. Pas de blanc-seing au Gouvernement sur ce projet démesuré !

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 5, deuxième et dernière phrases

Supprimer ces phrases.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Le représentant de l'État n'intervient pas dans l'organisation du débat public. Or, l'article prévoit que le dossier transmis à la commission nationale du débat public l'est également au préfet de région, qui fait part de ses observations : une sorte de contrôle de légalité, mais sans raison d'être ! Est-ce une compensation consentie par l'Assemblée nationale, lorsqu'elle a confié à la seule CNDP le soin de vérifier que le dossier est complet ? En tout cas, la rédaction ne nous satisfait pas.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°257, qui supprime tout l'alinéa 5 : comment fera-t-on puisque la commission n'a pas de pouvoir d'initiative ? En revanche, je conviens que le rôle du préfet n'est pas essentiel : favorable à l'amendement n°21.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Défavorable au n°257 pour les mêmes raisons et favorable au n°21. J'ai apprécié l'argumentation précise de Mme Gonthier-Maurin.

L'amendement n°257 n'est pas adopté.

L'amendement n°21 est adopté.

M. Jean Desessard.  - Les communistes font un tabac !

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par M. Caffet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

un mois

par les mots :

quatre mois

Mme Bariza Khiari.  - Nous proposons d'allonger le délai pour que les maires aient le temps de convoquer dans les formes un conseil municipal.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Je ne suis pas convaincu qu'un mois ne suffise pas. Défavorable.

M. Jacques Mahéas.  - Un mois pour réunir un conseil municipal et prendre des délibérations, c'est très court.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Cet amendement est le premier d'une série dont l'effet serait d'allonger les délais.

Mme Catherine Tasca.  - C'est le débat démocratique !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Je lis la série d'amendements et je constate que leur effet combiné serait de retarder de dix-huit mois la mise en service du réseau de transport, dont chacun reconnaît pourtant le besoin urgent. La rédaction de la commission nous convient et elle n'affecte pas le débat démocratique.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Nous avons compris que votre infrastructure ne serait pas ouverte au public avant treize ans. Vous avez gagné un an en comprimant les délais -ce que nous ne remettons pas en cause. Nous vous demandons que le dossier du débat public soit mis à disposition des citoyens quatre mois avant afin que ceux-ci connaissent les avis de leurs élus locaux à temps. Cela ne ferait perdre que deux mois sur treize ans ! Faites un effort de respect envers les élus !

Mme Bariza Khiari.  - Notre but n'est pas d'allonger les délais mais de faire vivre le débat démocratique. Vous savez aussi bien que nous qu'il n'est pas aisé de convoquer un conseil municipal et de préparer des délibérations dans un délai aussi court. Votre refus de notre amendement montre le poids qu'il faut accorder à vos envolées lyriques de l'article premier. Comme dit M. Desessard, vous creusez pour vous enfoncer dans un espace de défiance à l'endroit des élus locaux.

M. le président.  - En accord avec le président Emorine, je propose que nous examinions maintenant l'amendement Dallier qui est au fond identique.

Amendement n°181, présenté par M. Dallier.

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

A compter de la publication du dossier, le syndicat mixte « Paris Métropole », le conseil régional d'Ile-de-France, le Syndicat des transports d'Ile-de-France et l'Atelier international du Grand Paris disposent d'un délai de quatre mois pour faire connaître leur avis au représentant de l'État dans la région qui en adresse aussitôt copie à la Commission nationale du débat public. A l'expiration de ce délai, leur avis est réputé émis.

M. Philippe Dallier.  - Je ne vois pas en quoi mon amendement retarderait les choses ! Comme celui d'hier soir, que j'ai dû retirer, cet amendement vise à simplifier les procédures.

L'exemple du potentiel fiscal était mal choisi, je vous l'accorde, mais il y a des détails à connaître, sur la répartition des logements, sur les bases d'imposition, sur l'évolution du potentiel fiscal... Le rapporteur a bien dû en faire des évaluations sur le financement de la double boucle et donc, sur la valeur foncière sinon comment saurait-il ce que vont rapporter les taxes ? Quand c'est moi qui en demande, on me répond que c'est impossible ! Il y a deux poids et trente-six mesures !

J'ai retiré mon amendement hier soir et je vais recommencer mais c'est insupportable : le débat doit avoir lieu ici et dès que je demande des précisions, on me répond allongement des délais !

L'amendement n°181 est retiré.

L'amendement n°124 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7, première phrase

Supprimer les mots :

au représentant de l'État dans la région qui en adresse aussitôt copie

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Derrière une procédure de consultation simplifiée pour l'organisation du débat public se cache la mainmise de l'État. On sollicite bien l'avis des élus de la région, des départements, des communes et des EPCI, ainsi que des représentants du Stif et de l'atelier international du Grand Paris. Ils ont alors quatre mois pour le faire connaître. Mais auprès de qui ? Du préfet de région qui en adresse une copie à la commission nationale en charge de l'organisation du débat public ! N'aurait-il pas été plus simple, et plus démocratique, de se passer du filtre du préfet et d'adresser directement les avis sollicités à l'autorité administrative indépendante qu'est la commission nationale du débat public ?

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7, seconde phrase

Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :

Il est également adressé aux associations d'usagers du réseau de transport public de la région Ile-de-France, aux associations de défense de l'environnement, aux représentants des salariés des entreprises de transports en Ile-de-France, aux représentants des unions régionales des syndicats de salariés représentatifs, aux représentants des architectes et urbanistes participant au projet. A compter de cette transmission, ces organismes disposent également d'un délai de quatre mois pour faire connaître leurs avis à la Commission nationale du débat public. A l'issue de ce délai, leur avis est réputé émis.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous proposons d'élargir la consultation à tous les usagers. Ces experts du quotidien ont certes des intérêts à défendre mais ils ont surtout une vision de l'aménagement de notre région et sont porteurs des besoins multiples de la population. II faut aussi que les conditions dont ils disposeront leur donnent réellement les moyens d'étudier ce dossier. Leurs avis devraient être consignés dans un document spécifique, annexé au rapport de la commission nationale du débat public, comme cela se fait en d'autres circonstances.

M. le président.  - Amendement n°85 rectifié, présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Laborde et M. Milhau.

Alinéa 7, seconde phrase

Remplacer le mot :

émis

par le mot :

favorable

Mme Françoise Laborde.  - Amendement rédactionnel : le silence de l'administration vaut avis favorable.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

A l'expiration de ce délai, la procédure de consultation de public est ouverte.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Le législateur est soumis à certaines obligations internationales en matière de participation du public. La convention d'Aarhus s'impose donc à nous comme la charte de l'environnement, dont l'article 7 proclame que « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ». La CNDP, qui a été associée tardivement à la consultation, a très tôt et très vivement déploré des procédures de consultations qui « dérogent au code de l'environnement ».

Elle a également regretté qu'un projet qui concerne tous les citoyens de la région capitale ne fît pas l'objet d'un débat public organisé dans les conditions du droit commun. Nous faisons le même constat de déficit démocratique.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - La commission avait émis un avis défavorable à l'amendement n°23, mais elle en a accepté un tout à l'heure qui avait objet similaire ; elle s'en remettra à l'avis du Gouvernement. Avis défavorable à l'amendement n°24, la CNDP organisera de très nombreuses réunions publiques auxquelles les associations et autres organes intéressés pourront participer. Avis favorable à l'amendement n°85 rectifié et défavorable au 22 ; il n'est pas nécessaire d'allonger les délais.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Avis favorable au 23 comme au 85 rectifié, ce dernier étant d'une redoutable efficacité -je suis pour l'efficacité, on me le reproche assez... Avis défavorable au 24 comme au 22.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - La commission est favorable au 23.

L'amendement n°23 est adopté.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

L'amendement n°85 rectifié est adopté.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°258, présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller.

Alinéa 9

Rédiger comme suit cet alinéa :

La durée du débat public est décidée par la Commission nationale du débat public, conformément au code de l'environnement. 

M. Jean Desessard.  - Le texte s'inscrit dans une logique de concentration des pouvoirs aux mains de l'exécutif ; l'encadrement des consultations publiques en est une preuve supplémentaire. Nous voulons revenir au code de l'environnement.

M. le président.  - Amendement n°84 rectifié, présenté par MM. Collin et Barbier, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau et Vall.

Alinéa 9

Remplacer le mot :

quatre

par le mot :

six

Mme Françoise Laborde.  - Une opération d'une telle ampleur mérite un débat le plus approfondi possible. Ces deux mois supplémentaires ne sont rien au regard de la durée prévisible des travaux.

M. le président.  - Amendement identique n°125, présenté par M. Caffet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Catherine Tasca.  - Perdre un peu de temps peut parfois en faire gagner beaucoup. Prévoir un délai de six mois est plus raisonnable pour un projet de cette envergure. On nous explique que la procédure d'exception -suppression du dialogue préalable, raccourcissement de deux mois à quinze jours du délai donné à la CNDP pour se prononcer- permet un gain de temps important ; pourquoi ne pas en profiter pour prolonger de deux mois la phase de concertation ? Ce projet souffre d'un réel déficit démocratique. Allonger le délai autorisera l'organisation de débats plus nombreux et l'association d'un plus grand nombre de Franciliens, qui sont concernés au premier chef, d'autant que les collectivités territoriales sont pour le moins mises à l'écart. L'adhésion des citoyens au projet peut en dépendre, ce qui est aussi une condition de l'efficacité.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, si elle le juge nécessaire, la Commission nationale du débat public peut, notamment sur proposition de la région, du représentant de l'État dans la région, de l'atelier international du Grand Paris, le Syndicat des transports d'Ile-de-France, des départements d'Ile-de-France, des collectivités franciliennes ou des établissements de coopération intercommunale, du syndicat mixte « Paris-Métropole », demander des expertises complémentaires et prolonger -jusqu'à deux mois- la durée du débat.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Nous considérons que le droit commun doit s'appliquer. Comment comprendre qu'on limite la confrontation des idées pour gagner un an sur la réalisation d'une infrastructure qui ne sera mise en service qu'à l'horizon 2025 ? Nous refusons l'instauration d'une procédure d'exception. La CNDP appréciera de toute façon l'opportunité de prolonger le débat public. Il est parfaitement légitime d'envisager un débat de six mois pour un projet de cette ampleur.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Je ne suis pas très favorable à ces amendements.

Mme Nicole Bricq.  - Pas très ? Vous avez des doutes ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Si les délais sont réduits, c'est bien pour accélérer le lancement effectif de l'opération. De nouvelles consultations ont déjà été ajoutées. Le délai de quatre mois consécutifs est raisonnable.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Il me semble que l'idée d'une mise en service en 2023 s'est installée...

Mme Nicole Bricq.  - Mais non !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Nous verrons !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Et j'ai expliqué pourquoi le projet ne pouvait être phasé. Mais il s'agit d'une double boucle ; il est possible que la société du Grand Paris puisse mettre l'une des deux en service plus tôt. (« Ah ! » sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Caffet.  - Laquelle ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - A elle de décider... Une bonne surprise n'est pas exclue...

M. Jean-Pierre Caffet.  - Vous êtes donc d'accord avec M. Gilles Carrez !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.

M. Jean Desessard.  - Je me félicite de cette annonce -mais j'avais compris que le phasage n'était pas possible...

Le code de l'environnement stipule que la CNDP établit et publie le calendrier du débat public, dont la durée ne peut excéder quatre mois.

Pourquoi alors préciser ce délai de quatre mois et faire une loi bavarde ? C'est que la phrase du code continue : ce délai peut être prolongé de deux mois par décision motivée de la commission nationale du débat public. Vous, vous dites que même pour ce projet complexe, ce ne sera pas possible et vous modifiez la législation pour cela. Quel aveu !

M. David Assouline.  - Hier, vous nous aviez dit que les travaux devaient commencer partout et M. Caffet en avait déduit que le réseau n'ouvrirait au public que dans treize ans mais aujourd'hui, vous nous expliquez autre chose. Il n'est pas possible de débattre si vous conservez pour vous des informations, dont vous ferez des communiqués qui occulteront nos débats -c'est facile... Puisque vous avez suggéré qu'une boucle serait ouverte avant l'autre, vous devez avoir une idée du choix. Est-ce que l'on commencera par le Val-de-Marne ? Cela pourrait être logique pour autant qu'on puisse savoir puisque nous n'avons pas les plans. Peut-être pourriez-vous nous éclairer. A moins qu'il n'y ait d'autres intentions et que vous ne vouliez pas décevoir une partie des élus après avoir promis à tous qu'ils seraient dans la première phase. Vous devez avoir des idées, donnez-les nous.

Mme Nicole Bricq.  - Les réponses successives du rapporteur sur nos amendements commencent à nous faire soupçonner qu'il a des travaux en commission une conception très patrimoniale. Son rapport écrit constitue un morceau de bravoure tant y apparaît l'obsession de gagner un temps précieux sur la procédure : au total, vous arrivez à une année de moins que le droit commun. Mais c'est aussi en ficelant et le projet et le débat public. Lorsque nous avons défendu nos amendements sur le phasage, nous n'avons à aucun moment fait référence à l'échéance de 2025 retenue par le rapport Carrez. Vous nous avez expliqué qu'on ne pouvait pas phaser un tel projet, qu'il était global. Et maintenant, vous nous dites qu'il y a deux boucles : vous allez donc phaser, ce qui est contraire à ce que vous répétiez hier. Le projet que va voter la majorité laissera au conseil de surveillance de la société du Grand Paris le soin de présenter la boucle au public. Or, si je reprends le croquis dont nous disposons, il y a deux boucles : de laquelle parlons-nous ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Des deux !

Mme Nicole Bricq.  - Alors, nous allons voter sans disposer de tous les éléments. Le rapporteur est agacé qu'on débatte sur ces sujets. Pourtant, sur un projet qui représente 30 milliards d'investissements, soit un quart de point de croissance, il est justifié de s'interroger et d'exercer le droit d'amendement.

M. Jean-Pierre Caffet.  - La nuit a-t-elle porté conseil ? On nous apporte ce matin une explication fondamentalement différente : hier, le phasage était impossible, voire stupide, car il s'agissait d'une double boucle ; aujourd'hui, on peut mettre en service une boucle après l'autre. Les questions posées ont donc cheminé dans les esprits. On nous fait un cadeau, mais de quoi s'agit-il exactement ? Le conseil de surveillance décidera par quelle boucle commencer. Certes... J'avais cependant cru comprendre que l'État y serait majoritaire. Est-ce l'annonce que vous allez accepter notre amendement à l'article 8 donnant aux élus la majorité au conseil de surveillance de la société du Grand Paris ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Je répondrai sur l'amendement, mais ne vous faites pas d'illusions excessives. Mettons-nous d'accord sur ce dont nous parlons : j'ai évoqué hier la continuité des travaux ; on ne peut pas les phaser. Si le maître d'ouvrage, l'exploitant estiment ensuite pouvoir mettre en service une boucle avant l'autre, ce sera fait. Nous pensons que ce serait possible, mais ce n'est pas l'objet de la loi : les autorités responsables décideront. Je ne veux pas être désagréable, laissez-moi poursuivre le raisonnement !

M. Yannick Bodin.  - On fait ce que l'on veut, on n'est pas dans une entreprise !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - J'ai été chef d'entreprise, et j'ai été député, réélu au premier tour, je vous en prie ! Vous parlez à un secrétaire d'État qui a six ou sept ans de vie parlementaire. Être respectueux, c'est aussi éviter ce genre de propos.

Il ne s'agit pas d'un phasage des travaux. En termes d'exploitation, il sera possible à l'autorité compétente de décider de mettre une boucle en service un peu plus tôt. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit)

M. Jacques Mahéas.  - Nous sommes profondément respectueux des membres du Gouvernement, respectez les membres du Parlement. J'ai été choqué hier quand vous m'avez répondu qu'on ne faisait pas de la politique.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Je m'en excuse.

M. Jacques Mahéas.  - J'accepte vos excuses, l'incident est clos.

Vous nous répondez à moitié. Vous avez beaucoup de mérite, vous recevez de nombreux élus, vous discutez avec eux, mais comme les contradictions sont puissantes !

L'ensemble du projet devait être opérationnel dans treize ans ; vous nous dites aujourd'hui qu'une boucle pourrait l'être avant. Laquelle ? Les travaux vont commencer en Val-de-Marne, pour désenclaver la Seine-Saint-Denis... Vous avez sans doute fait une analyse de la situation : il y aura bien un phasage ! Donnez-nous votre sentiment : les élus ont besoin d'informations précises.

L'amendement n°258 n'est pas adopté.

M. Jean Desessard.  - Mon amendement reprenait le code de l'environnement : quatre mois, et deux supplémentaires si décision motivée de la commission nationale. Vous me conduisez à voter un amendement qui prévoit un délai de six mois, alors que j'étais d'accord pour quatre ! Je regrette ces procédures d'exception.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - J'invite M. Desessard à lire le rapport. J'ai reçu le président et le secrétaire général de la commission nationale du débat public, qui m'ont dit avoir été informés par le Gouvernement de la procédure exceptionnelle et ne pas s'opposer à un raccourcissement des délais. Cette mesure permettra, dans le cadre de la préparation du schéma et du lancement des contrats de développement territorial -si jamais nous arrivons un jour à l'article 18 ! (Sourires)- d'accélérer les discussions sur le terrain : c'est là que l'information du public, l'implication des forces vives seront importantes.

Ce projet concerne le rayonnement d'une ville-monde. On sait à quelle vitesse les projets sont aujourd'hui mis en route, en Asie ou ailleurs. Mais en France, nous adorons les atermoiements, les délais, les études : résultat, nous ne faisons rien et nous reculons !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est long, la démocratie !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Finissons-en avec cette logique dilatoire, si française : nous devons accélérer la construction de logements. Assez d'études, engageons les travaux ! (Applaudissements à droite ; M. Yves Pozzo di Borgo applaudit aussi)

L'amendement n°84 rectifié, identique à l'amendement n°125, n'est pas adopté.

M. Jean Desessard.  - Je me félicite d'avoir suscité une réponse aussi enflammée ! Quatre mois, c'est ce que prévoit le code de l'environnement, qui exige que la prolongation soit motivée. Pourquoi ne pas faire confiance à la commission nationale, qui vous a donné son accord ?

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°260, présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller.

Alinéa 10, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots : 

, au conseil régional et aux conseils généraux d'Ile-de-France, ainsi qu'au conseil d'administration du Syndicat des transports d'Ile-de-France

M. Jean Desessard.  - Je serai bref. (On en doute à droite) Ces deux jours de débat parlementaire vont-ils empêcher les tunneliers de forer à travers l'Ile-de-France pour réaliser la ville-monde tant vantée ? En deux jours, Paris va-t-il perdre tous ses attraits ? (Marques d'impatience à droite)

M. Christian Cambon.  - Au fait !

M. Jean Desessard.  - Le respect de la démocratie locale suppose que les collectivités territoriales soient consultées et intégrées à tout processus d'évolution. Aurais-je la cruauté de rappeler que le 21 mars, les Franciliens ont fait confiance à la gauche et aux écologistes pour diriger la région ? Que Mme Pécresse défendait le Grand Paris ? (Exclamations à droite)

Un projet d'une telle envergure est certes un enjeu national, mais il faut à tout le moins intégrer les élus régionaux et le Stif. (Mme Catherine Tasca applaudit)

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - M. Desessard n'a pas tout suivi... L'alinéa 10 prévoit qu'à l'issue de la consultation démocratique, après un délai de mise en forme de deux mois, un rapport comportant tous les éléments d'information et annexes est publié. Chacun peut en prendre connaissance. A l'heure d'internet, des courriels, du portable, est-il vraiment nécessaire que le président et le secrétaire général de la commission nationale se rendent en personne devant chacune des instances énumérées ? C'est une formalité inutile. Avis défavorable.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Jean Desessard.  - Est-ce à dire que le président Huchon et les présidents de conseil général seront avertis par SMS ? (Exclamations à droite)

L'amendement n°260 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°26, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 11, première phrase

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

trois

Mme Marie-Agnès Labarre.  - La procédure dérogatoire, qui réduit les garanties essentielles entourant l'organisation du débat, serait justifiée par l'importance et l'ampleur du projet en discussion.

Si je comprends bien, plus un projet est important, plus il concerne d'habitants, moins il est nécessaire de les consulter. On en a pris l'habitude : vous ne vous embarrassez guère de justifications sérieuses. Vous aurez ainsi amputé le temps de la consultation de près d'un an par rapport au droit commun. Nous rétablissons ici un tout petit peu les choses.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Nous sommes à l'alinéa 11 de l'article : il n'est plus ici question de consultation, mais de tirer, pour la société du Grand Paris, les conséquences du débat public, après remise du rapport de la commission nationale. Donner deux mois à l'établissement public pour le faire et établir le projet définitif paraît largement raisonnable. Défavorable.

L'amendement n°26, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

L'accord du syndicat des transports d'Île-de-France est requis pour la poursuite de la procédure.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Le Gouvernement n'a pas jugé nécessaire d'associer le Stif, qui a pourtant compétence et légitimité pour gérer les investissements d'importance, au projet. C'est la société du Grand Paris, détenue majoritairement par l'État, qui décidera en dernière instance. Mais que vaudra ce projet s'il ne s'inscrit pas dans le réseau existant ? La participation du Stif ne saurait se réduire à un simple avis.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Vous allez là au rebours des travaux de la commission spéciale. Si après consultation et de toutes les autorités et du public il faut, quand on en arrive enfin au projet final, demander l'accord du Stif, on n'est pas sortis de l'auberge ! Faut-il rappeler ici tous les démêlés que les élus ont eus avec le Stif ? Défavorable.

L'amendement n°27, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Cet alinéa 13 tendrait, nous dit-on, à garantir la réalisation du projet de métro en région parisienne contre « tout recours contentieux abusif ». Il reprend, pour la procédure de consultation du projet sur le Grand Paris, les dispositions de l'article L. 121-14 du code de l'environnement, qui prévoit qu'aucune irrégularité au regard de la procédure de consultation ne peut être invoquée lorsque l'acte par lequel la commission nationale du débat public a renoncé à organiser un débat public ou l'acte publié à l'issue du débat qui pose le principe et les conditions de la poursuite du débat est devenu définitif.

Nous considérons que la sécurité juridique ne peut justifier un tel choix. C'est au juge qu'il appartient d'appliquer les règles de recevabilité des recours contentieux au regard de la qualification de l'acte ainsi que de juger des moyens, qui, le cas échéant, peuvent être soulevés à son encontre.

M. le président.  - Amendement identique n°86 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau et Vall.

Mme Françoise Laborde.  - Le projet, aussi vaste soit-il, ne saurait justifier le déclenchement d'une procédure aussi dérogatoire. Au contraire, sur un projet de cette ampleur, il importe que soit préservé le droit de chacun à agir.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - L'article tel qu'adopté à l'Assemblée nationale sur cette question du contentieux est extrêmement important. On ne peut faire dépendre la réalisation du schéma de recours qui viendront en gêner la réalisation, y compris des mois après le bouclage du projet.

Pour avoir l'expérience des grands projets d'aménagement qui se sont heurtés à des recours, je me réserve même, avec plusieurs de mes collègues, de déposer une proposition de loi destinée à éviter que certains spécialistes du recours ne tirent profit de l'opération.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Il y en a qui en vivent !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Oui, en tirant parti du régime transactionnel, qui échappe, comme vous le savez, à toute fiscalisation.

De même que nous envisageons de taxer les plus-values réalisées par les propriétaires bien situés, de même nous travaillons à éviter les manoeuvres des profiteurs de la chicane. (Applaudissements à droite) Défavorable.

Les amendements identiques n°28 et n°86 rectifié, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°261, présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller.

Alinéa 14

Supprimer cet alinéa.

M. Jean Desessard.  - Pourquoi donc cherchez-vous à soustraire le Grand Paris au code de l'environnement ? On ne peut pas d'un côté vanter la réussite du Grenelle de l'environnement et de l'autre instituer une telle exception dans un projet qui table pourtant, comme le rappelle son article premier, sur le développement durable...

Vous avez déjà laissé de côté les propositions novatrices des dix équipes pluridisciplinaires qui ont planché sur le sujet. L'équipe Rogers proposait un maillage serré du territoire à l'aide de transports « doux » ; plusieurs équipes, parmi lesquelles Studio 09, Grumbach, Nouvel, imaginaient un système permettant de passer d'un mode de transport interurbain à un autre plus local. Les transports ferrés et fluviaux retrouvaient une place de choix : dans le projet porté par l'équipe Portzamparc, la Seine et les canaux reprenaient du service pour assurer le transport de personnes ; l'équipe Rogers souhaitait l'irrigation du Grand Paris par une trame verte et bleue assurant la liaison écologique entre les biotopes ; l'équipe Grumbach proposait la végétalisation des façades, des toits et des cours, l'équipe Studio 09 soutenait la production alimentaire en circuit court, et LlN la prévention des inondations.

Vous avez balayé tout cela et vous voulez maintenant que le Grand Paris déroge au code de l'environnement ! Ce n'est pas raisonnable !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - J'admire l'attachement de notre collègue au code de l'environnement, mais nous mettons en place un schéma de transports très attendu par nos concitoyens : l'alinéa 14 ne fait que compléter le mécanisme particulier que nous introduisons dans le projet. Défavorable.

L'amendement n°261, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°262, présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller.

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

M. Jean Desessard.  - Nous entendons répondre ici à une exigence démocratique : la concertation publique des habitants concernés par le projet de loi.

L'article L. 300-2 du code de l'urbanisme prévoit que l'organe délibérant de l'établissement public du Grand Paris délibère sur les objectifs poursuivis et les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées avant toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme, toute création, à son initiative, d'une zone d'aménagement concerté, toute opération d'aménagement qui modifie de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique de la commune.

Nous vous demandons de respecter cette fois-ci, non le code de l'environnement, mais le code de l'urbanisme. Il serait contreproductif de priver les habitants de la consultation publique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est évident !

M. Jean Desessard.  - Ce serait un déni de démocratie !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - La commission spéciale, à l'initiative de M. Pozzo di Borgo, a jugé utile d'éviter l'organisation concomitante du débat public sur le Grand Paris et de la procédure de concertation préalable prévue dans le code de l'urbanisme pour tenir le délai de quatre mois. En revanche, monsieur Desessard, le périmètre autour de chaque sortie de tunnel (sourires), de chaque gare d'interconnexion fera l'objet d'un contrat de développement territorial soumis à une enquête publique de six mois. Nous pensons avoir ainsi convenablement réglé le problème de l'association du public à ce projet. Rejet.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°262 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 17

Supprimer cet alinéa.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - A l'initiative de M. Pozzo di Borgo, la commission spéciale a procédé à une « innovation » majeure : elle a entériné l'abandon du débat public sur Arc Express, qui devait débuter cette année, et, partant, celui du projet. Belle illustration de la manière dont l'État réduit en cendres les projets de la région et du Stif ! Vendredi dernier, Le Parisien titrait « Grand Paris : la guerre est déclarée » non sans raison... Vous pouvez garantir que le financement du « Grand huit » sera indépendant du contrat de projets à l'article 2, mais que restera-t-il à financer ? Comment expliquer aux usagers le report du projet ? Pour le moins, intégrons, comme le préconisent le président du conseil général du Val-de-Marne et le président de l'association Orbital, les conclusions du premier débat sur Arc Express dans le débat sur le Grand Paris. Supprimons cette disposition qui sonne comme une déclaration de guerre !

M. le président.  - Amendement identique n°75, présenté par M. Dallier.

M. Philippe Dallier.  - Monsieur le secrétaire d'État, si j'ai bien compris, le « Grand huit » et Arc Express se complètent sur certaines parties du tracé tandis qu'ils s'opposent sur d'autres. Mettons-nous autour de la table pour trouver une solution ! Je suis favorable au tracé Est afin de désenclaver la Seine-Saint-Denis mais on ne peut pas rayer d'un trait de plume le projet de liaison sud dans le Val-de-Marne vers Noisy-le-Sec. Essayons de trouver un consensus ! J'espère, monsieur le secrétaire d'État, que ni vous ni le président de région souhaitez l'affrontement -même si je doute parfois quand j'entends M. Huchon...

Mme Nicole Bricq.  - Monsieur Blanc, faites un geste !

M. le président.  - Amendement identique n°126, présenté par M. Caffet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Serge Lagauche.  - Les deux projets ne sont pas incompatibles. En janvier dernier, lors du débat sur le Grenelle I, M. Borloo s'était engagé à ce que le projet de métro automatique ne remette pas en question les projets en cours. Que le Gouvernement change sa doctrine ne nous étonne plus, mais vous monsieur Fourcade ? Il y a un an, s'il faut en croire le compte rendu intégral, vous demandiez des garanties sur les projets en cours. Pourquoi fermez-vous les yeux sur l'abandon d'Arc Express ? Revenez sur cette disposition et le débat retrouvera de la sérénité !

M. le président.  - Amendement n°241, présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller.

Alinéa 17, première phrase

Après les mots :

en Île-de-France

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

cette consultation est organisée conformément aux articles L. 121-8 à L. 121-15 du code de l'environnement. Ses conclusions sont intégrées en tant qu'annexe au dossier de consultation défini au II du présent article.

M. Jean Desessard.  - Je serai bref : je ne voudrais pas empêcher M. le secrétaire d'État (l'orateur fait mine de creuser) de progresser dans son tunnel ! (Rires)

Mme Isabelle Debré.  - Nous ne sommes pas au cirque !

M. Jean Desessard.  - Mon amendement fait, contrairement aux autres amendements, que je soutiens, référence au code de l'environnement.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - La question est délicate...

Mme Nicole Bricq.  - Nous en sommes tous d'accord !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Permettez-moi de rappeler que M. Carrez, que tout le monde évoque ici, nous avait dit en commission que ce télescopage des projets devant la commission nationale du débat public induisait « une réelle difficulté d'articulation et de calendrier ». Monsieur Lagauche, les garanties que je cherchais à obtenir il y a un an concernaient deux projets essentiels pour les Franciliens : le prolongement d'Eole jusqu'à La Défense, qui soulagera le RER A, ainsi que celui de la ligne automatique n°14 vers le nord, qui désengorgera la ligne de métro n°13. Enfin, oserai-je rappeler dans cet hémicycle où l'on ne cesse de me donner des leçons qu'il a fallu l'intervention du Président de la République pour ajouter un étage supplémentaire aux rames du RER A ?

Mme Nicole Bricq.  - C'était prévu !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - On nous disait que c'était impossible !

Les risques de télescopage sont évidents.

Il faut un recouvrement suffisant du projet défendu par le secrétaire d'État et du projet Arc Express mais le bouclage de ce dernier a été renvoyé au-delà de 2025 et la CNDP n'a pas fixé de calendrier pour son examen. Il est donc normal que le projet en discussion passe devant la commission nationale et intègre tous les éléments assimilables d'Arc Express : nous avons accepté la proposition de M. Pozzo di Borgo et rejetons les amendements de suppression.

M. David Assouline.  - C'est la guerre !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement a été favorable à l'introduction de cette disposition...

M. Jean-Pierre Caffet.  - Et pour cause !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - ...et il la reprend à son compte.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Et voilà.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Certains ont l'impression que l'État dessaisit de façon autoritaire la région à laquelle les électeurs viennent de renouveler leur confiance. (« Exactement ! » à gauche) Il faut dépassionner le débat.

M. Jacques Mahéas.  - Cela va être difficile !

M. David Assouline.  - Provocation...

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - La double boucle a été présentée en avril 2009 par le Président de la République au palais de Chaillot. Le Stif a saisi la CNDP du dossier Arc Express en juillet 2009, après avoir eu connaissance de ce schéma. De mai à juillet, des discussions approfondies ont eu lieu avec lui ainsi qu'avec l'exécutif régional : le tracé de la double boucle était donc connu de tous. J'ajoute que l'État a modifié le tracé prévisionnel afin de mieux reprendre le tracé d'Arc Express là où cela était possible...

M. Jacques Mahéas.  - Au sud.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Je songe à Gennevilliers. Le tracé ainsi modifié a été rendu public le 30 juin 2009. C'est donc en parfaite connaissance de cause que le Stif a saisi la CNDP...

Le code de l'environnement n'autorise pas la CNDP à se prononcer sur l'opportunité d'un projet plutôt qu'un autre et elle ne serait pas fondée en droit à mettre fin à une procédure liée à une obligation de débat public. Sans la disposition introduite par votre commission spéciale, nous serons, tous, dans une impasse. Deux débats, sur deux infrastructures dont l'une est en très grande partie incluse dans l'autre : il en résulterait une confusion et des coûts inutiles.

Je connais bien Arc Express.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Et nous sommes ignorants ? Ce genre d'arguments est insupportable ! (Protestations à droite)

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - En 1992, alors que j'étais président de la RATP, je l'ai proposé et défendu, malheureusement sans succès. Depuis, il s'est passé dix-huit ans, une génération entière. Les questions qui se posaient à l'époque et celles d'aujourd'hui sont les mêmes, les trajets de banlieue à banlieue représentaient déjà 70 % des déplacements. Cependant, nous n'étions pas encore parvenus au niveau de saturation actuel...

En 2005-2006, lorsque ce projet a été remis sur la table sous le nom de Métrophérique, la région était favorable à un tracé ferré passant plus au large, en grande couronne ; il a fallu quelques années pour qu'elle accepte d'inscrire ce que j'avais appelé Orbital, et qui est devenu Orbival, dans le nouveau projet de Sdrif.

Arc Express était à l'origine une rocade. Désormais, il ne s'agit plus que de réaliser deux arcs, l'un entre La Défense, le carrefour Pleyel et Bobigny, l'autre joignant Issy-les-Moulineaux à Villejuif puis à Noisy-Mont-d'Est avec une variante vers Val-de-Fontenay. Soit 50 kilomètres de métro automatique, en service vers 2025... du moins si les calendriers affichés sont tenus car ni le financement, ni les questions de maîtrise d'ouvrage, ni même les contraintes environnementales n'ont encore été étudiés. Les travaux de bouclage destinés à transformer ces deux arcs en une rocade complète ne seront pas entrepris avant 2025, pour une mise en service en 2030 au mieux. Dans le projet présenté par l'État, la totalité de la double boucle sera réalisée en 2023. Je souligne qu'un système de transport bouclé est 40 % plus efficace ce qui signifie, concrètement, qu'il répond aux besoins de 40 % d'usagers en plus.

Le projet que vous soutenez, il aurait fallu le faire il y a dix-huit ans ! Aujourd'hui, il est devenu insuffisant. J'ai voulu quant à moi que nous réfléchissions à la meilleure manière de concilier l'urgence et l'avenir, de répondre aux besoins de 2010 et d'anticiper ceux de 2023. C'est ainsi qu'est né le projet de double boucle, le seul qui assure à la fois la desserte de banlieue à banlieue et la traversée de Paris ; et qui réponde tant aux besoins urgents de nos citoyens qu'à ceux de Paris ville-monde.

Comment prôner aujourd'hui un schéma d'ensemble qui ne comporterait pas une articulation avec les trois aéroports de Roissy, d'Orly et du Bourget, ni avec le réseau TGV, qui n'intégrerait pas Saclay et surtout qui ne désenclaverait pas les populations du nord-est de la région ? J'ai été stupéfait de constater que le Stif n'avait pas intégré cette question de la cohésion sociale et du désenclavement : il abandonne à leur désespoir des centaines de milliers de citoyens ! (Soupirs sur les bancs socialistes) Aux dernières élections, le taux d'abstention dans ce secteur a dépassé 70 %, culminant parfois à plus de 80 %. Nous tous qui sommes au service de la République, un tel désaveu ne peut nous laisser indifférents.

II faut donc un réseau de métro automatique qui réponde à tous ces objectifs ; 130 kilomètres est un minimum, 50 ne suffisent pas ! Il n'y a pas là d'enjeu politique, mais un enjeu stratégique. Si nous voulons que la CNDP puisse mener à bien sa tâche, il faut accepter la proposition de la commission, qui n'a rien de dilatoire mais qui est tout au contraire la seule opérationnelle. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. David Assouline.  - C'est la guerre.

M. Jean-François Voguet.  - Il est totalement illusoire de penser que l'on pourra se passer de l'avis de la région. Si nous voulons que le projet se réalise, il faut un consensus, c'est évident.

La majorité régionale a été confortée par les récentes élections et elle tient à son projet. Est-il contradictoire avec celui du ministre ? Nous, élus de l'est parisien, sommes pour une conjonction des deux. La double boucle est à l'ouest, les défavorisés à l'est. Faut-il qu'une fois de plus le développement économique de l'est soit sacrifié ? Évidemment non. Refuser que la région donne son avis, c'est le meilleur moyen pour que rien ne se fasse.

Mme Nicole Bricq.  - La logique du ministre et la nôtre sont différentes, donc il y a un vrai débat.

Quand le ministre rappelle l'histoire, il doit être précis, donner les dates et dire qui était qui. Il y a dix-huit ans la majorité régionale était à droite. M. Huchon n'est arrivé qu'en 1998, et encore, sans majorité solide.

Je ne puis laisser dire non plus que la majorité actuelle se désintéresserait de zones sensibles comme le plateau de Clichy-Montfermeil : elle a financé pour cela le T4. Si le dossier n'avance pas, ce n'est pas la faute à la région mais parce qu?il faut d'abord que les quatre communes concernées se mettent d'accord sur le tracé. C'est cela qui prend du temps, et c'est pourquoi les choses n'iront pas aussi vite que vous le souhaitez pour vos contrats.

Vous invoquez le discours prononcé par le Président de la République le 29 avril. Dont acte. Mais n'oubliez pas la lettre de mission du Premier ministre à M. Carrez ! Celui-ci a travaillé sur les deux tracés, le vôtre et celui de la région ; devant notre commission, il a défendu la cohérence de la phase jusqu'en 2025. On comprend que vous refusiez nos amendements sur le phasage ! M. Carrez avait ouvert une voie de compromis, on était dans la réalité, le faisable. La CNDP vient de considérer le dossier du Stif sur l'Arc Express comme assez complet pour que le débat public soit engagé, pourvu que les conditions soient précisées -c'est pour cela que vous refusez nos amendements demandant des précisions supplémentaires !

Vous faites un préalable : on ne pourra discuter que si l'on se place dans le cadre de votre projet ! C'est vous qui prenez en otage l'alinéa 17 ! Vous déclarez la guerre, permettez que nous nous battions.

M. Jacques Mahéas.  - J'ai relevé des dissonances entre vous. Pour le rapporteur, l'essentiel, c'est la ligne A et la ligne 14 ; pour le ministre, c'est le désenclavement du plateau de Clichy-Montfermeil. Y a-t-il incompatibilité ? Non. Le tronçon Le Bourget-cité Descartes est essentiel, tout comme la liaison Noisy-le-Sec - Sucy-en-Brie. C'est en outre facile à faire puisque existent à la fois la ligne de grande ceinture et sa complémentaire. Ce peut donc être fait rapidement.

Mais il faut consulter la population. Ne craignez pas son avis ! Elle sait combien il lui est difficile d'aller vers une autre banlieue ou vers Roissy. Il y aurait pourtant des emplois, pour une des zones les plus défavorisées d'Ile-de-France. Votre projet répond à cette exigence ? Comme celui de la région. Il n'y a pas d'incompatibilité.

M. le président.  - Je vais suspendre la séance. Nous reprendrons à 15 heures avec les questions au Gouvernement, puis nous examinerons le projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, avant de reprendre ce texte. (Exclamations à gauche)

Mme Nicole Bricq.  - On caviarde notre débat !

M. David Assouline.  - C'est inadmissible !

M. le président.  - En tant que président, je suis tenu à la réserve.

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité. Les orateurs disposent de 2 minutes 30 : la Conférence des Présidents a réaffirmé hier que cette règle s'appliquait à tous, y compris au Premier ministre. (Marques de satisfaction sur les bancs socialistes)

Situation financière des départements

M. Raymond Vall .  - Les médias se sont fait l'écho des graves difficultés financières que rencontrent de nombreux conseils généraux. La cause en est l'inflation des dépenses sociales transférées par l'État aux départements, sans compensation adéquate. En 2008, sur 11 milliards, l'État n'en a compensé que 7,5 ! La charge de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) devait être supportée à parts égales ; aujourd'hui, le conseil général en assume 70 %.

M. Gérard Longuet.  - Merci Jospin !

M. Raymond Vall.  - Même dérive pour le RSA. Dans le Gers, les dépenses sont passées de 30 millions en 1998 à 100 millions en 2010 !

Cette injustice, dénoncée par les présidents de conseils généraux de tous bords, est confirmée par le rapport Rousseau pour l'Assemblée des départements de France ainsi que par la Cour des Comptes, selon laquelle « les modes de compensation par l'État des transferts ont été très fluctuants et le plus souvent jugés insuffisants ». Le Gouvernement le sait, puisque la direction générale des collectivités territoriales a publié une liste des conseils généraux en situation de crise : ils sont 25 en 2010 et seront 60 en 2011 !

L'article 72-2 de la Constitution garantit pourtant la compensation financière des transferts de compétences et le principe d'autonomie financière des collectivités, mis à mal par la suppression de la taxe professionnelle en 2010 et par la réforme des collectivités locales. Ces dettes de l'État conduisent les départements à réduire leurs investissements, au détriment de l'activité économique, notamment dans le bâtiment et les travaux publics. Les sénateurs radicaux de gauche et le RDSE en appellent au respect de l'État de droit et des engagements de l'État. Quand comptez-vous enfin doter nos collectivités des moyens nécessaires à l'exercice des missions que vous leur avez transférées ? (Applaudissements à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Bonne question !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales .  - Je veux tout d'abord démentir l'existence d'une prétendue liste des départements en difficulté : elle n'émane pas de la DGCL.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est une rumeur !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est conscient des difficultés financières d'un certain nombre de départements, dues au fort dynamisme des dépenses sociales, notamment de l'APA -transférée aux départements en 2001 par le gouvernement Jospin. (Applaudissements à droite ; protestations à gauche) La crise a également réduit les ressources fiscales, principalement les droits de mutation, amputant les recettes de 2 milliards en 2009.

Face à cela, le Gouvernement n'a pas été inactif. Il a reconduit pour deux années supplémentaires le Fonds de mobilisation départemental pour l'insertion (FMDI), pour 500 millions. Le mécanisme de remboursement anticipé du FCTVA, auquel ont adhéré 90 départements, représente un effort de l'État de 3,8 milliard, dont 30 % au bénéfice des seuls départements : là, la liste existe !

Enfin, le Premier ministre a chargé un haut fonctionnaire territorial, M. Pierre Jamet, d'une mission sur la consolidation des finances des départements ; son rapport, prévu mi-avril, entraînera des décisions de la part du Gouvernement.

En tout, l'effort financier de l'État en faveur les collectivités territoriales s'élève à environ 80 milliards en 2010 ; 98 si on ajoute la fiscalité transférée ! (Applaudissements à droite)

Justice fiscale et dette

M. Nicolas About .  - Réduire nos déficits, résorber notre dette publique est un impératif économique, une nécessité démocratique pour que nos successeurs disposent de marges de manoeuvre financières.

M. René-Pierre Signé.  - Ils parlent déjà de succession !

M. Nicolas About.  - C'est surtout une exigence morale vis-à-vis des générations futures.

Modifier la Constitution, comme nous le souhaitons, pour que la loi de programmation des finances publiques fixe un niveau limite d'endettement fonctionnel ne suffit pas. Il faut du concret.

Le Gouvernement peut-il s'engager à poursuivre ses efforts de réduction des dépenses de l'État, à hauteur 15 milliards par an sur les trois années à venir ?

Pour préserver nos recettes, mais aussi par souci de justice fiscale, envisagez-vous de moduler le bouclier fiscal lors de la prochaine loi de finances ? (« Ah ! » à gauche). Si rien n'est fait, demain, l'effort contributif des Français sera consenti par tous, sauf les plus aisés !

Le taux moyen d'imposition des plus hauts revenus n'est que de 20 %, de par le jeu de trop nombreuses niches fiscales dont l'efficacité économique n'est pas toujours démontrée. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Le Gouvernement est-il prêt à réduire le poids de ces niches ? La situation actuelle ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons de la justice fiscale. Il ne faut pas plus d'impôt mais un impôt plus juste.

M. Paul Raoult.  - Le bouclier fiscal, vous l'avez voté !

M. Nicolas About.  - Pour les centristes que nous sommes, on ne pourra réformer la France sans la rendre plus juste. (Exclamations et quolibets à gauche). Comment le Gouvernement compte-t-il remédier à cette injustice fiscale ? Quant à la politesse de nos collègues, vous n'y pouvez malheureusement rien ! (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)

M. François Fillon, Premier ministre .  - Depuis trois ans, la politique économique du Gouvernement tend à réduire l'écart de compétitivité entre la France et ses partenaires, à commencer par l'Allemagne. Nous avons choisi un destin commun, une monnaie commune : il faut en assumer toutes les conséquences. On ne peut laisser se creuser davantage l'écart de compétitivité qui s'est installé depuis quinze ans...

M. Paul Raoult.  Surtout depuis sept ans !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Contrairement à nous, l'Allemagne, elle, a fait des réformes structurelles, notamment sous le gouvernement socialiste de M. Schröder. (Exclamations à gauche)

M. Paul Raoult.  - Après, il a perdu !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Dans cet esprit, nous avons réformé le crédit impôt recherche, supprimé la taxe professionnelle, et vous avez décidé d'investir 35 milliards dans des secteurs stratégiques pour « booster » la croissance. Ces décisions, et le plan de relance, ont eu des résultats.

M. Paul Raoult.  - La montée du chômage ?

M. François Fillon, Premier ministre.  - En 2009, la récession a été deux fois moindre en France qu'en Allemagne ; en 2010, nous ferons au moins aussi bien que notre voisin, peut-être un peu mieux. (Exclamations à gauche) Ces résultats ont été obtenus au prix d'un endettement supplémentaire.

M. Paul Raoult.  - D'une mauvaise fiscalité !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Il ne faut pas le regretter. Sans ces mesures, la récession aurait été plus importante, les destructions d'emploi plus nombreuses, les recettes fiscales moindres : le déficit aurait été le même, mais les conséquences sociales bien pires.

Maintenant, il s'agit de s'attaquer à réduire ces déficits.

M. Gérard Longuet.  - Très bien.

M. François Fillon, Premier ministre.  - Nous proposerons une loi triennale qui visera à ramener le déficit sous les 3 % à l'horizon 2013. (On ironise à gauche). En gelant strictement les dépenses de l'État, c'est possible. En 2009, les dépenses ont été tenues. Il faut également maîtriser la progression des dépenses de l'assurance maladie pour la faire passer sous les 3 %.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les salariés vont encore payer !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Nous allons engager la réforme des retraites, et vous proposer la suppression ou le plafonnement des niches fiscales et sociales, soit en les étudiant une par une, soit en fixant une règle générale : le Gouvernement sera très attentif à vos propositions en la matière.

Nous sommes les premiers à sortir de la crise, mais la croissance est fragile. (Exclamations à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Nous sommes loin d'en être sortis !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Les pays émergents, l'économie américaine redémarrent fortement. Si nous voulons nous accrocher au train de la reprise, il ne s'agit pas de donner des coups de barre désordonnés. (Exclamations à gauche) Nous maintiendrons le cap de notre politique économique.

M. Alain Gournac.  - Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Nous avons fait le choix de ne pas financer nos retraites par des fonds de pension : on ne peut avoir en même temps un système fiscal qui décourage les investissements, surtout dans une zone économique commune ! (Exclamations à gauche)

Je suis prêt à recevoir tous les conseils que vous voudrez bien me donner, mais pas les leçons ! C'est le gouvernement Rocard qui a inventé le principe même du bouclier fiscal, fixé à l'époque à 70 % ! C'est le gouvernement Jospin qui a baissé la fiscalité sur les stock-options, qui a réduit le taux de l'impôt sur le revenu ! (Applaudissements à droite, protestations à gauche)

M. Paul Raoult.  - A l'époque, on créait un million d'emplois !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Quant aux niches fiscales, vous en avez bien autant à votre actif que nous ! Respectons nos engagements, respectons notre parole, faisons preuve de cohérence dans la politique économique que nous conduisons ! (Vifs applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Avenir de la gendarmerie

M. Jean-Louis Carrère .  - Que devient la gendarmerie ? Elle change de chef, de mission, d'allure, elle n'assure plus par sa présence de proximité son rôle dissuasif et sécurisant. Les élus nous interpellent, inquiets de la suppression de 1 300 emplois cette année, de la fermeture de 175 brigades territoriales et de quatre écoles de gendarmerie sur huit, du rapprochement entre le Raid et le GIGN, du redéploiement de crédits entre les deux forces au détriment de la gendarmerie : autant de sinistres indices. Comment assurer dans ces conditions le maillage du territoire, alors que la population et la délinquance s'accroissent dans les zones rurales et périurbaines ? Ces interrogations ne sont pas le fait des gendarmes martialement sanctionnés par le Gouvernement, mais de sénateurs de l'UMP, lors de l'audition il y a huit jours de celui qui était encore le directeur général de la gendarmerie, le général Gilles.

Depuis la mise en place des communautés de brigades et l'affectation systématique des gendarmes à la surveillance routière, ceux-ci n'ont plus qu'un rôle répressif : il faut faire du chiffre... Voudrait-on créer un sentiment de rejet que l'on ne s'y prendrait pas autrement. On a l'impression que le but inavoué du Gouvernement est, comme pour la recherche, de saper un pilier de la République. Acceptera-t-il de dresser le bilan du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, et, éventuellement, de revenir sur ses pas ? Cela me semble indispensable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. François Fillon, Premier ministre .  - (Applaudissements à droite) Accepterons-nous de tirer les leçons de l'expérience ? Oui. Rétablirons-nous un commandement distinct pour la gendarmerie ? Non. L'unité de commandement est nécessaire pour mieux lutter contre la délinquance. Elle ne change rien au statut militaire des gendarmes. Les forces de l'ordre doivent s'adapter aux évolutions de la démographie et de la délinquance depuis quarante ans.

Quant à votre comparaison avec la recherche, vu l'effort inégalé déployé par le Gouvernement et par la Nation dans ce domaine, elle me semble particulièrement déplacée. (Vifs applaudissements à droite et sur plusieurs bancs du centre)

M. Jean-Louis Carrère.  - L'effort vient des régions !

Affectation des professeurs réunionnais

Mme Gélita Hoarau .  - Chaque année, des professeurs réunionnais sont affectés, au moment de leur titularisation, dans une académie de France hexagonale. Chaque année ils doivent manifester pour obtenir un poste sur place. C'est d'autant plus incompréhensible et frustrant que 117 postes sont gelés pour les stagiaires de l'an prochain, que le nombre d'heures supplémentaires s'élève à 13 000, ce qui équivaut à 700 postes à temps plein, et que des postes vacants sont occupés par des contractuels.

La situation scolaire à La Réunion est dramatique : les résultats des évaluations nationales de CM2 classent notre académie parmi les trois dernières. La pression démographique est telle que de nouveaux établissements doivent être construits chaque année.

La politique scolaire du Gouvernement est particulièrement inadaptée dans ce département, que le non-remplacement d'un enseignant parti à la retraite sur deux prive des moyens humains indispensables au rattrapage. Il faudrait adapter le nombre d'enseignants aux besoins, affecter aux postes vacants les nouveaux titulaires et transformer les heures supplémentaires en emplois à temps plein. Cela réglerait le problème de l'affectation des professeurs formés sur place.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement .  - Les enseignants réunionnais, comme tous leurs collègues d'outre-mer et conformément aux promesses du Président de la République, bénéficient de facilités pour être affectés dans leur académie d'origine : une gratification de 1 000 points est accordée à tous ceux qui sont nés dans un département d'outre-mer ou dont le conjoint ou les ascendants directs le sont.

A la rentrée prochaine, 192 stagiaires ont fait le voeu d'être affectés sur l'île ; 134 d'entre eux ont reçu une réponse positive. Les 58 restants enseignent dans des disciplines où il n'y a pas besoin de nouveaux professeurs sur place, notamment des matières professionnelles et technologiques. Leurs demandes sont examinées suivant la procédure d'extension, c'est-à-dire que l'on considère dans chaque académie s'il y a un poste vacant, en suivant l'ordre de leurs voeux. Les intéressés sont tenus régulièrement informés.

N'oublions pas que les enseignants sont recrutés par un concours national, qu'ils ont par là même vocation à être affectés sur tout le territoire français, en fonction des besoins et dans l'intérêt du service. (Applaudissements à droite)

M. Alain Gournac.  - Très bien !

Suites de la tempête Xynthia (1)

M. Michel Doublet .  - Ma question s'adresse à M. Borloo, ministre d'État. Le 28 février dernier, la tempête Xynthia a endeuillé la Charente-Maritime et la Vendée. Ma pensée va aux victimes et à leurs familles. Aujourd'hui, il faut faire front et reconstruire. Compte tenu du montant des dépenses qui devront être engagées par les collectivités locales, il serait très opportun de leur rembourser exceptionnellement la TVA l'année même de leurs dépenses.

Quant à l'entretien des digues et des ouvrages de protection des côtes, les travaux d'extrême urgence ont été réalisés en un temps record. La deuxième phase de travaux sera coûteuse : les collectivités seules ne pourront y faire face, pas plus que les associations syndicales de propriétaires qui subissent déjà de lourdes contraintes environnementales et architecturales. Il conviendrait de revenir sur l'arrêté d'interdiction de travaux du 1er avril au 30 juin, et d'accorder un taux dérogatoire de 90 % de subvention aux propriétaires.

Des travaux de consolidation ont été réalisés sur réquisition de l'État, pour un montant de 8 millions d'euros. Confirmez-vous qu'ils seront pris en charge intégralement ? Quant aux travaux prévus cette année, d'un coût de 20 millions d'euros, le conseil général de Charente-Maritime ne peut à lui seul en assumer le poids et attend que l'État en paie la moitié, en sus des crédits européens. Nous espérons aussi que l'État s'engagera à financer au moins 80 % des travaux du « plan digue ». Ces sommes ne pourraient-elles être tirées du reliquat du plan de relance ?

En ce qui concerne les « zones noires », il faudrait revoir leur délimitation en collaboration étroite avec les élus locaux et les associations de sinistrés, car certains terrains voués à devenir inconstructibles ne devraient pas l'être et vice versa.

Nous voulons être sûrs que l'État sera à nos côtés pour mener à bien ces projets indispensables pour l'avenir de nos territoires et pour les générations futures. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs du centre)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat .  - Le sujet est douloureux et complexe : nous avons eu l'occasion de l'aborder hier lors d'une réunion de la mission présidée par M. Retailleau. Le Premier ministre a décidé ce matin même d'une mesure exceptionnelle de compensation de la TVA : les collectivités disposeront ainsi de la trésorerie nécessaire pour faire face à leurs dépenses.

M. Roland du Luart.  - Excellente nouvelle !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Cette mesure ne s'appliquera qu'aux travaux directement liés aux dommages causés par la tempête.

Rassurez-vous : lorsque l'État ordonne une réquisition, il assume ses responsabilités.

Je vous confirme que la part des dépenses prises en charge soit par l'État, soit par le Fonds européen de développement régional s'élèvera bien à 50 %.

Quant aux habitants des zones noires, sauf dans quatre communes où nous attendons des analyses plus détaillées, les personnes qui y sont propriétaires d'une résidence principale ou secondaire se verront proposer par l'État le rachat de leur bien à sa valeur antérieure à la catastrophe, compte non tenu du risque d'inondation, et quel que soit le taux d'indemnisation retenu par les assureurs. (M. le ministre chargé des relations avec le Parlement apprécie)

M. René-Pierre Signé.  - C'est à voir ! !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - J'espérais que vous vous réjouiriez de cette annonce, monsieur le sénateur ! Quoiqu'il en soit, les sinistrés des zones noires seront indemnisés sans dévaluation de leur patrimoine ! (Applaudissements à droite et au centre ; M. Philippe Darniche applaudit aussi)

Suites de la catastrophe haïtienne

M. Jacques Gillot .  - Trois mois après la catastrophe haïtienne, les promesses de dons atteignent 10 milliards de dollars. Monsieur le ministre des affaires étrangères, comment la France entend-elle participer à la reconstruction, au pilotage de l'aide internationale et comment comptez-vous articuler son aide avec celle de l'Union européenne ?

Les départements français d'outre-mer, en particulier la Martinique et la Guadeloupe, se sont immédiatement mobilisés pour apporter les premiers secours, forts de leur proximité géographique et des liens historiques qu'ils entretiennent avec Haïti. La France n'a-t-elle pas intérêt à tirer parti de la position de ces départements d'outre-mer ? Après avoir participé à de nombreux micros projets, nous sommes prêts à nous impliquer dans la reconstruction d'Haïti !

Enfin, ne pensez-vous pas qu'il faudrait assouplir certaines procédures d'adoption des enfants haïtiens, tout en renforçant la protection et la dignité de ces enfants ?

Les collectivités antillaises ont accueilli des enfants mineurs traumatisés par la catastrophe, et je profite de cette occasion pour rappeler que l'État n'a toujours pas honoré son obligation légale de prise en charge en compensant au conseil général les dépenses engagées. (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes .  - A New York, les pays donateurs viennent de s'engager à hauteur de 9,9 milliards de dollars, dont 5,6 milliards pour les années 2010-2011, alors que les Haïtiens avaient demandé 3,9 milliards. La France y contribue pour 180 millions, dont 20 millions avant la fin de l'année, en particulier pour payer les fonctionnaires. Nous aiderons les Haïtiens à reconstruire l'État, selon le plan qu'ils se seront fixés. Le président Préval a décidé de créer une école publique obligatoire, qui n'existait pas en Haïti : la France est prête à aider à la formation des enseignants. Une partie de la population vit encore sous des tentes : il y a urgence à lui proposer des abris plus solides. Sur le plan économique, nous allons apporter des engrais, des semences et contribuer à la formation agricole.

Nous sommes soucieux d'une bonne gestion de l'aide, qui n'est pas facile en raison de la concurrence des charités. Mais il y a des instances de pilotage. Nous co-présidons la conférence des donateurs ainsi que la commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti ; nous attendons que les autorités haïtiennes arrêtent leur plan de développement, dans les dix-huit mois. Nous rencontrons nos partenaires de l'ONU et des États-Unis au moins deux fois par an et nous continuerons à assumer toutes nos responsabilités.

Il est particulièrement délicat de vous répondre en quelques secondes sur les orphelins. Quand on regarde de près les cas particuliers, on s'aperçoit que ces enfants souvent ne sont pas orphelins. Quoi qu'il en soit nous en avons déjà accueilli près de 500 et nous avons envoyé des pédopsychiatres sur place. Je sais l'implication de la Guadeloupe et de la Martinique dans l'aide médicale et je vous en remercie. (Applaudissements à droite)

Médecins généralistes

M. Antoine Lefèvre . (Applaudissements sur les bancs UMP)  - Les médecins généralistes sont inquiets, leurs syndicats appellent à une nouvelle journée de protestation, après celle du 11 mars dernier. Ils demandent l'application de la nomenclature des médecins spécialistes, après que la loi de 2002 a créé la spécialité de médecine générale. Ils souhaitent aussi une hausse du prix de la consultation à 23 euros, ce qui est le tarif plancher des spécialistes.

Les médecins généralistes sont découragés, alors qu'ils sont indispensables à notre système de santé. Ils sont disponibles, engagés chaque jour auprès de leurs patients pour les accompagner...

M. René-Pierre Signé.  - Ils ne sont pas disponibles !

M. Antoine Lefèvre.  - Nous connaissons l'attention que Mme le ministre de la santé porte aux généralistes : comment le Gouvernement entend-il répondre à leurs revendications ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement .  - Les revendications des médecins généralistes portent effectivement sur les conditions de travail et sur le tarif des consultations, mais il ne faut pas perdre de vue le contexte de la campagne pour les élections professionnelles, prévues en septembre prochain.

Des efforts financiers importants ont été réalisés, la revalorisation tarifaire a représenté 900 millions depuis 2005, avec l'augmentation de la consultation de 20 à 21 euros en 2006, puis à 22 euros en 2007 et avec l'instauration d'un forfait annuel de 40 euros pour le suivi des patients atteints d'affections de longue durée. Les revenus réels des généralistes ont été maintenus, alors que la crise économique a touché de nombreux Français. L'Ondam augmentera de 3 % cette année, ce qui représente un effort très important : il faudra le respecter. L'augmentation de la consultation à 23 euros coûterait 280 millions.

La revalorisation de la médecine générale ne passe pas seulement par cette revalorisation tarifaire, elle passe aussi par une diversification des modes de rémunération. Il faut aborder le problème de façon globale, comme l'a indiqué le Président de la République. Les négociations conventionnelles en donneront l'occasion, de façon plus sereine après les élections professionnelles.

Suites de la tempête Xynthia (2)

M. Michel Boutant .  - Six semaines après la tempête Xynthia, le Gouvernement annonce la décision de détruire 1 400 maisons situées en zone submersible, avec indemnisation par le Fonds national de prévention des risques naturels, et la réalisation d'un plan digues. La participation de l'État à l'indemnisation, prévue à 50 %, ne serait que de 40 % : jusqu'où descendra-t-on ? Les 150 kilomètres de digues, ensuite, coûtent 150 millions, soit 90 millions de dépenses pour les collectivités, alors que ces digues ne sont pas leur propriété. Il y a fort à parier que les propriétaires n'y retrouvent pas leurs billes !

Quid, ensuite, des professionnels, qui ont perdu leur outil de travail ? Quid des biens non assurables des communes et des intercommunalités, qui ont viabilisé des zones en empruntant et qui vont perdre de leur patrimoine bâti, donc du produit fiscal ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme .  - Le Président de la République l'a dit le 16 mars à La Roche-sur-Yon : nous n'avons pas le droit de laisser nos concitoyens sans solution, comme si de rien n'était !

M. Alain Gournac.  - Absolument !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Le fonds « Barnier » et les assurances sont mobilisés, pour que l'indemnisation ne fasse rien perdre aux victimes dans les zones submersibles.

M. René-Pierre Signé.  - Et le foncier ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - L'évaluation sera faite sans tenir compte des conséquences de la catastrophe, pour les bâtiments comme pour le foncier, monsieur le sénateur. Nous privilégierons les indemnisations amiables dans les trois mois, dans un souci de célérité.

Au-delà de l'aspect financier, le Gouvernement et tous les services de l'État sont mobilisés pour aider chacun à affronter le traumatisme qu'il a subi. En Vendée, dès demain et samedi, des permanences seront tenues à La Faute-sur-mer et à l'Aiguillon pour donner de premiers renseignements et approfondir les dossiers ; un accueil téléphonique est également prévu. Il en ira de même en Charente-Maritime, où un numéro dédié est déjà opérationnel. Le relogement à long terme des victimes de Xynthia sera enfin accompagné par les services de l'État ; une mission ad hoc a été créée à cette fin.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous ne répondez pas à la question !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État.  - Comme vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé.

Vols à la portière

Mme Catherine Dumas .  - Les vols à la portière se multiplient depuis quelques mois. Les délinquants sont souvent recrutés parmi des mineurs qui, circulant en moto, sont très mobiles et profitent de l'effet de surprise comme de la congestion du trafic pour prendre la fuite. Ces délits sont tantôt qualifiés de vols à la roulotte s'ils réussissent et de dégradations de véhicule s'ils échouent ; dans la majorité des cas, ils ne sont pas considérés comme des vols avec violences.

En 2009, la préfecture de police en a recensé, en Ile-de-France, près de 1 000 mais il semble qu'il s'en commet davantage -120 par mois pour la seule Seine-Saint-Denis. Les victimes sont soigneusement ciblées -femmes seules, touristes étrangers en transit, utilisateurs de véhicules de location pistés depuis l'aéroport de Roissy. Les secteurs à risques sont connus, l'entonnoir de l'arrivée sur Paris et l'accès au périphérique.

Ces pratiques, outre le sentiment d'insécurité qu'elles créent et la lourdeur des procédures qu'ont à subir les victimes, ternissent la réputation et l'attractivité de la capitale. Elles sont un fléau qu'il faut combattre avec la plus grande fermeté. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour intensifier la lutte ? (Applaudissements à droite ; on ironise sur les bancs socialistes en évoquant une nouvelle loi)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales .  - Vous avez raison, les vols à la portière sont toujours vécus par les victimes comme une forme de violence traumatisante. Ce phénomène est très circonscrit géographiquement sur deux régions, l'Ile-de-France -où la Seine-Saint-Denis concentre 85 % des vols- et Provence-Alpes-Côte d'azur.

M. Jean-Louis Carrère.  - Déployez des gendarmes !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Des mesures ont déjà été prises -dont la circulation de policiers en moto banalisée ou l'installation de caméras de vidéoprotection (exclamations à gauche et nouvelles marques d'ironie) sur les axes routiers les plus visés -qui portent leurs fruits. Entre 2006 et 2009, le nombre de vols à la portière a baissé de 41 %...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - ...et 209 délinquants ont été interpellés l'an dernier en Seine-Saint-Denis.

Ces violences restent malgré tout encore trop nombreuses. Le ministre de l'intérieur a demandé aux préfets de tout faire pour éradiquer ce phénomène -coopération opérationnelle permanente, plan spécifique à l'autoroute A 1 depuis le 31 mars- et de prendre contact avec les procureurs pour évoquer avec eux la question de la qualification des faits. Comme vous le voyez, le Gouvernement s'attaque résolument à cette forme de délinquance qu'il n'est pas question de tolérer. (Applaudissements à droite)

Violences à l'école

M. Laurent Béteille .  - Le mot « école » est trop souvent ces derniers temps accolé à d'autres, « agression », « violence », qui lui semblaient étrangers. L'actualité est, hélas, emplie de faits divers consternants, ici une enseignante menacée d'un couteau pour s'être interposée dans une bagarre, là une autre battue dans sa classe par un énergumène cagoulé, ou encore une autre menacée de mort à coups de couteau. Comme l'a récemment écrit un journaliste, cette violence devient banale et ordinaire.

M. David Assouline.  - Que faites-vous du chômage ?

M. Laurent Béteille.  - En région parisienne, elle est concentrée dans un petit nombre d'établissements. L'école, lieu du savoir où l'on devrait aussi faire l'apprentissage des valeurs de la société, doit-elle devenir un lieu d'affrontements ? (Mouvements divers à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Que fait la police ?

M. Laurent Béteille.  - Le sujet est important ! Ne pourrions-nous ensemble chercher des solutions ?

Le Gouvernement a déjà installé des correspondants de sécurité, pris des mesures contre les bandes violentes et pour la responsabilisation des parents.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tout a échoué !

M. Laurent Béteille.  - Vous venez de réunir, monsieur le ministre, des états-généraux de la sécurité à l'école.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On y a critiqué toutes les initiatives du Gouvernement !

M. Laurent Béteille.  - Quels enseignements en avez-vous tirés ? Quelles pistes allez-vous suivre, et à quelle échéance ? (Applaudissements à droite)

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement .  - Ces états-généraux ont pour la première fois réuni des scientifiques du monde entier et des praticiens de la vie scolaire et permis de sortir de l'antagonisme entre le tout-sécuritaire et le tout-pédagogique. Il n'y a pas de solution unique. Les débats ont dégagé quelques orientations fortes, dont le retour aux fondamentaux et le respect de la règle. L'école doit être son propre recours. Nous allons nous préoccuper des sanctions, de leur gradation et de la façon dont elles doivent être comprises -il ne sert à rien d'exclure des élèves si on se les repasse d'établissement en établissement.

Nous allons améliorer la formation des enseignants, aujourd'hui démunis face aux situations d'insécurité. (Mouvements divers à gauche) Ils bénéficieront, en formation initiale, de stages sur la prévention des violences et la tenue de classe. L'institution scolaire doit faire preuve de solidarité ; en cas de problème dans une classe, c'est toute la communauté éducative qui doit se serrer les coudes. Des mesures spécifiques seront expérimentées dans les cas les plus difficiles, comme la possibilité donnée aux chefs d'établissement de recruter leurs équipes pédagogiques avec des enseignants motivés, mieux rémunérés et mieux formés, ou des marges supplémentaires d'autonomie pour leurs projets pédagogiques ; des préfets des études seront créés, qui seront les interlocuteurs des élèves et des professeurs en matière de sécurité. Nous allons renforcer également le plan de sécurisation des établissements.

Comme vous le voyez, nous menons une politique globale. La sécurité est l'affaire de tous. Je souhaite que la représentation nationale tout entière se mobilise à nos côtés. (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 16 h 15.

Entrepreneur individuel à responsabilité limitée (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre de jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Discussion générale

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation.  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous avons aujourd'hui l'occasion de mettre fin à un scandale français dont, par dizaines de milliers, étaient victimes les artisans, les commerçants, les professions libérales, les agriculteurs (M. Gérard Cornu : « c'est vrai ! ») qui, après un revers professionnel, se retrouvent à la rue, ruinés, sans possibilité de rebondir. Ce scandale, nous l'avons collectivement toléré, alors que nous nous efforçons légitimement de renforcer la protection des autres catégories de la population et qu'il y a une inégalité de fait entre les dirigeants de grandes entreprises et les entrepreneurs en nom propre. Chacun a reçu dans sa permanence des personnes dont les biens sont ainsi saisis, le couple et la famille en danger, mais qu'avions-nous à leur offrir, sinon une certaine compassion ? Chacun a ressenti de l'indignation et un pénible sentiment d'impuissance.

Notre système d'unicité du patrimoine a eu pour conséquence de mettre un terme à la volonté d'entreprendre de dizaines de milliers de personnes qui avaient la volonté d'entreprendre et le désir d'offrir de nouveaux horizons à leur famille. Or par contagion, l'échec d'un entrepreneur individuel privé de ses biens dissuade d'autres volontés d'entreprendre.

Avec l'entreprise individuelle à responsabilité limitée, la création d'entreprise ne sera plus une voie sans retour, un choix aux conséquences irréparables en cas d'échec. Voilà pourquoi je suis heureux et fier de porter aujourd'hui ce statut.

L'objet du texte est de rompre avec le dogme bi-séculaire d'unicité du patrimoine pour les entrepreneurs individuels en leur permettant d'affecter à leur activité une partie de leur patrimoine distincte de leur patrimoine personnel : en cas de défaillance, ils ne seraient responsables que sur leur patrimoine professionnel. Le débat parlementaire a enrichi le projet et je salue l'apport du président Hyest qui a préservé la philosophie du texte tout en lui assurant une plus grande sécurité juridique. Merci aussi à M. Houel, président du groupe sénatorial d'études sur l'artisanat et les services, qui a travaillé sur les garanties, les sûretés personnelles, ainsi que sur Oséo.

Vous avez l'occasion d'adopter un texte attendu par les entrepreneurs individuels depuis plus de trente ans. Si l'idée d'affectation du patrimoine s'est imposée, cela n'a été qu'après de longs débats, un long combat : il a fallu remettre l'ouvrage sur le métier... il y a eu le rapport Barthélémy en 1993, les rapports Hurel en 2002 et 2008..., tous recommandaient la mise en place d'un patrimoine d'affectation, de même que la proposition de Jean-Pierre Raffarin. La discussion de la loi de modernisation de l'économie, en 2008, a donné un nouvel élan. De nombreux parlementaires ont demandé au Gouvernement de se saisir de ce sujet. Le rapport de Roux a alors conclu à la création d'un patrimoine d'affectation. La concertation a fait apparaître un fort consensus. Pourquoi ? Parce que les autres statuts existants n'ont pas complètement convaincu. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée n'a pas séduit : 200 000 seulement ont été créées en vingt-cinq ans et la formule ne représente que 6,2 % des entreprises alors que les créations en nom propre ont atteint 75 % grâce au phénomène de l'auto-entrepreneur. La possibilité pour les entrepreneurs individuels de rendre insaisissables les biens immobiliers n'a donné lieu qu'à 20 000 déclarations d'insaisissabilité. Il fallait donc faire davantage et adresser un signal fort à ceux qui hésitent.

Les Français sont très désireux de créer une entreprise, mais beaucoup tardent à passer à l'acte en raison de la peur de l'échec : le risque était excessif et la création apparaissait comme une entreprise aventureuse au lieu d'être une aventure entrepreneuriale. S'il n'est pas question de supprimer le risque, on peut éviter qu'il soit à n'importe quel prix. La création d'entreprise ne porte-t-elle pas des valeurs fondamentalement positives ? Elle est le meilleur ascenseur social car on ne vous demande pas de présenter vos diplômes ou de passer un concours mais de faire vos preuves. Nous avons pris acte de ces réalités en créant ce statut.

Pour que la création d'entreprise s'adresse à tous, il faut qu'elle soit simple. Nous avons donc voulu que le statut soit accessible par une simple déclaration au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers : l'entrepreneur déclarera les biens affectés à son activité professionnelle, ainsi distingués de son patrimoine personnel ; il restera propriétaire de ses deux patrimoines et la déclaration d'affectation n'emportera pas création d'une société, avec la complexité de gestion d'une personne morale distincte. Les biens immobiliers feront l'objet d'un acte notarié, l'accord exprès du conjoint ou de l'indivisaire étant requis pour les biens communs.

Les créanciers dont les droits sont nés après la déclaration, auront pour gage la totalité des biens affectés et en cas de faillite, seuls ceux-ci pourront être saisis ou vendus, l'entrepreneur conservant sa voiture et sa maison. Une injustice fiscale est également réparée puisque l'entrepreneur individuel pourra bénéficier du même régime que l'associé unique d'une société et aura le choix entre l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, sans que ce dispositif crée un régime fiscal ou social nouveau.

La commission des lois a largement amendé le dispositif. Le Gouvernement est sensible aux raisons pour lesquelles elle est revenue sur son application aux créances en cours : le dispositif entrera en vigueur avec l'ordonnance adaptant le droit des procédures collectives. Elle a en outre précisé la transmission du patrimoine affecté à un repreneur ou à un héritier.

Enfin, la commission a clarifié les procédures de déclaration d'affectation, au moment de la création de l'entreprise comme au cours de sa vie.

Nous avons voulu un dispositif le plus simple et le plus souple possible. La simplicité, en matière économique, c'est le nerf de la guerre. Et nous sommes en passe de gagner le combat avec le statut d'auto-entrepreneur, qui agit depuis un an comme un détonateur de talent et de volonté d'entreprendre.

L'idée, souvent évoquée depuis quelques mois, de limiter dans le temps le statut de l'auto-entrepreneur va à l'encontre de la philosophie même qui a présidé à sa création : la simplicité, encore la simplicité, toujours la simplicité. II n'est pas illégitime de vouloir encadrer, plafonner, sécuriser, limiter des dispositifs, dans le but louable d'éviter des abus. Mais ce faisant, on court toujours le risque de les rendre inopérants. Nous aurons l'occasion d'examiner un amendement visant à limiter le statut de l'auto-entrepreneur à une durée de trois ans pour les personnes exerçant au titre de leur activité principale. Je veux dire d'emblée mon opposition à cet amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.  - Nous aussi.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - II reviendrait à faire sortir du dispositif toutes les personnes qui vivent avec un chiffre d'affaires inférieur à 32 000 euros, qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas se développer et peuvent parfaitement s'accommoder de cette situation sur une période longue. Je pense notamment aux mères de famille, mais aussi à tous ceux, artisans ou professions libérales, qui, avec un chiffre d'affaires de 25 à 30 000 euros, gagnent davantage que s'ils étaient salariés : car ces chiffres correspondent à un revenu mensuel proche d'un Smic et demi, ce qui n'est pas si éloigné de la moyenne des revenus des Français. Au nom de quoi voudrait-on leur imposer des contraintes nouvelles alors même que c'est la simplicité du dispositif qui les a convaincus de franchir le pas ? N'est-ce pas les pousser à l'abandon ou, pire, à poursuivre mais sans se déclarer ?

Nous avons beaucoup entendu invoquer une « concurrence déloyale ». Si concurrence il y a, elle n'est certainement pas fiscale, comme l'a montré une étude de l'ordre des experts comptables : un auto-entrepreneur paie autant de charges qu'un entrepreneur individuel. Finissons-en une fois pour toutes avec les contre-vérités. Je ne laisserai pas prospérer des affirmations qui se présentent parées des habits de l'évidence alors même qu'elles ne sont jamais chiffrées et ne s'appuient sur aucun exemple concret. Quelle est la réalité ? Pour un « e-commerçant » marié qui n'a pas de stockage et réalise 69 000 euros de chiffre d'affaires dans l'année, les prélèvements seront de 8 966 euros s'il est sous le régime de l'auto-entrepreneur et de 9 010 euros s'il est en micro-entreprise : 40 euros de différence par an. Pour 10 000 euros de chiffre d'affaires, ils seront respectivement de 1 300 et 1 400 euros : 8 euros de différence par mois. N'est-il pas excessif de parler de concurrence déloyale ? On pourrait multiplier les exemples : on n'aboutirait jamais qu'à une différence minime, parfois même à un écart nettement favorable aux régimes réels d'imposition, notamment en cas de déficit ou de faible marge.

Si donc concurrence il y a, c'est une concurrence par la simplicité. La simplicité est-elle déloyale ? Et faut-il y répondre par une complexification qui viendrait remettre tout le monde à égalité ? Je ne le crois pas. Si l'on veut harmoniser, il faut le faire par le haut : plus de simplicité pour chacun, quel que soit son statut et son chiffre d'affaires. C'est là un chantier utile, qui répondrait aux voeux du président de votre commission des finances, M. Jean Arthuis. S'il y a un combat à mener, c'est en faveur de l'extension de la simplicité du régime de l'auto-entrepreneur au million et demi d'entrepreneurs individuels. La simplicité doit agir comme une contagion heureuse au reste de l'économie.

Le 1er janvier 2009, avec le portail de l'auto-entrepreneur, nous rendions possible la déclaration de création d'entreprises par internet.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Et c'est une bonne chose.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - En 2010, ce sont toutes les créations d'entreprise, quel que soit le statut, qui sont devenues possibles par internet. Allons plus loin, ensemble, pour réfléchir au moyen de simplifier la naissance et la vie de toutes les entreprises individuelles. Ce combat, je le mènerai comme j'ai mené celui de l'auto-entrepreneur.

Bien entendu, les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée doivent continuer à avoir accès au crédit. Beaucoup d'entre vous ont posé, à juste titre, cette question cruciale pour l'avenir de ce nouveau régime : comment empêcher les banques de reconstituer leurs sûretés au travers de cautions personnelles, garanties des dirigeants, et autres pratiques qui pèsent aujourd'hui sur l'entrepreneur ? Cette question appelait des réponses rapides et opérationnelles. C'est pourquoi j'ai réuni en février les établissements compétents pour développer les outils de caution solidaire, et éviter ainsi que les banques cherchent à reprendre via des cautions systématiques ce que nous sécurisons par l'EIRL. Je vous confirme l'engagement d'Oséo, qui, pour accompagner la mise en place de toute EIRL, offrira une garantie à hauteur de 70 % des crédits, la banque s'engageant en contrepartie à ne retenir que les garanties sur les actifs affectés à l'activité.

M. Philippe Marini.  - Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Cette garantie aura un coût, estimé à 1,20 % de l'encours par an, mais qui reste raisonnable au regard de la sécurité qu'elle apporte aux parties.

Votre rapporteur pour avis, M. Houel, a aussi souhaité s'appuyer sur ce texte pour opérer la fusion des entités juridiques d'Oséo. Je souscris à cette démarche, qui renforcera l'efficacité de l'action d'Oséo en faveur des entreprises individuelles. La crise a démontré, sur le terrain, tout l'intérêt du « guichet unique » pour aider les entrepreneurs à innover et se développer. Il reste à traduire cette réalité dans l'organisation juridique du groupe, héritée du passé, pour mettre fin à la multiplicité des circuits administratifs, comptables, financiers. Cette opération suscitera de surcroît une économie substantielle, de quelque 4 millions par an.

Pour réussir, le dispositif nouveau de l'EIRL aura besoin d'être accompagné, valorisé, promu. Aussi, je vous annonce aujourd'hui que nous signerons d'ici à la fin du mois un partenariat avec l'ordre des experts-comptables, afin de créer un site internet qui, à l'instar de ce qui avait été réalisé pour l'auto-entrepreneur, deviendra le guichet de renseignement, de promotion et de conseil pour l'ensemble des professionnels. Ce site, www.infoeirl.fr, sera opérationnel dès le mois de mai. Dans le même esprit, je compte m'appuyer sur les réseaux consulaires pour qu'ils promeuvent ce statut auprès de leurs adhérents.

Nous avons l'occasion de répondre à une demande historique, et légitime, des artisans et des commerçants. J'ai été porte-parole de groupe et rapporteur, à l'Assemblée nationale, des lois Madelin de 1993 et de la loi Dutreil de 2004.

M. Philippe Marini.  - Très bonne loi.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - L'entreprise à patrimoine affecté a toujours été la première des revendications des professionnels. Aujourd'hui, nous avons l'occasion d'accéder à leur demande, après un combat dont il ne faut pas sous-estimer l'intensité. Je veux qu'ils s'emparent de cette avancée, en fassent la promotion et contribuent à son succès en relayant l'information sur le terrain. La réussite de cette mesure se jugera au nombre d'EIRL créées, bien sûr, mais aussi et surtout au fait qu'elle mettra fin à ces situations tragiques qui voyait de petits entrepreneurs ruinés, après un « coup dur », financièrement et psychologiquement. (Applaudissements à droite ; MM.  Raymond Vall etYves Pozzo di Borgo applaudissent aussi)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois.  - « L'ennui naquit un jour de l'uniformité », enseignait Antoine Houdar de la Motte : ce texte la dément. Il est vrai que dans le domaine de l'entreprise, les modes d'exercice de l'activité professionnelle n'ont cessé de se diversifier. La société anonyme et la société à responsabilité limitée ont longtemps prévalu : c'est ce que nous apprenions dans le Léon Mazeaud il n'y a pas si longtemps. Depuis, sont venues l'entreprise individuelle en nom propre, la SAS, puis l'EURL, la micro-entreprise, l'auto-entrepreneur, qui ont modifié notre paysage juridique. Certains même ont envisagé une société anonyme à actionnaire unique, paradoxe juridique poussant à ses limites l'effacement de la distinction entre personne physique et morale : nous n'avons pas poussé jusque là.

Même si tout doit être fait pour faciliter la création d'entreprises, je ne suis pas convaincu, monsieur le ministre, que la rapidité extrême ne puisse être source de désillusions. (On approuve sur les bancs communistes) Le vrai problème est en effet celui des fonds propres. A quoi bon créer beaucoup, si c'est pour créer beaucoup de mort-nés ? (On approuve sur les bancs socialistes)

Malgré la création de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée en 1985, l'exercice en nom propre représente encore plus de 50 % des entreprises, voire davantage dans l'artisanat. Monsieur le ministre, vous avez évoqué les années 1970 mais, dès 1985, le rapporteur du projet de loi créant l'EURL, M. Arthuis, qui siégeait alors à la commission des lois, déplorait l'inexistence en droit français de l'entreprise personnelle, qui avait pour conséquence l'engagement de la totalité du patrimoine de l'entrepreneur en cas de faillite.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - C'était bien vu !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Déjà, le rapporteur regrettait que le texte renonce au fondement contractuel de la société plutôt que de porter atteinte au principe de l'unité du patrimoine. En dépit des efforts déployés par le législateur -je pense notamment à la loi du 1er août 2003 et à celle du 4 août 2008-, l'insaisissabilité des biens personnels de l'entrepreneur, protection simple qui demeure méconnue, n'a pas rencontré le succès escompté. Encore que l'on observe une montée en charge du dispositif en 2009.

Monsieur le ministre, nous avons tous été témoins de l'échec d'entreprises individuelles entraînant des drames familiaux que nous étions impuissants à résoudre. Un entrepreneur individuel, en cas de faillite, n'a même pas le droit au RMI immédiatement ! Ce texte apporte une réponse attendue en instituant un patrimoine professionnel distinct du patrimoine personnel sans création d'une personne morale. Cette innovation majeure -Paix aux mânes de Portalis ! (Sourires)- rompt avec le principe de l'article 2284 du code civil aux termes duquel « Quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens, mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». La notion de patrimoine d'affectation, malgré la réticence des juristes à la reconnaître, existe dans notre droit maritime depuis une ordonnance prise par Colbert en 1681 sous le terme de « fortune de mer ». Pour certains, la fiducie constitue un patrimoine d'affectation. Pour être exact, elle correspond plutôt à l'affectation d'un patrimoine. L'Allemagne, un pays de droit romano-germanique comme la France, connaît depuis toujours l'exercice en nom propre, ce qui explique peut-être la force des petites entreprises outre-Rhin...

Monsieur le ministre, je vous félicite de votre persévérance à défendre la création du patrimoine d'affectation. L'objectif de simplicité, que nous partageons, ne doit pas faire oublier l'exigence de sécurité juridique. La commission s'est interrogée sur la suppression de la déclaration d'insaisissabilité : est-ce à dire que la seule forme d'entreprise personnelle doit être l'EIRL ? Nous préférons laisser le dispositif évoluer. Nous avons également débattu de l'intérêt de conserver l'EURL. Pour la commission, cette forme de société présente des avantages incontestables.

J'en viens à un point essentiel, le fait que la déclaration d'affectation puisse être opposée aux créanciers antérieurs, annoncée par le Premier ministre lors de la présentation du projet de loi en Alsace le 3 décembre dernier. Cette novation, qui a suscité l'enthousiasme des députés, présente de forts risques constitutionnels et économiques. La plupart des professionnels auditionnés nous ont fait part de leurs doutes, sinon de leur hostilité à cette disposition. Autre point important, il faut impérativement caler la mise en oeuvre effective de l'EIRL sur la publication de l'ordonnance adaptant le titre VI du code du commerce sur les procédures collectives -ce qui accélérera, je l'espère, le processus. Sinon, que ferions-nous en cas de défaillance d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée ? Le projet aligne légitimement l'EIRL, notamment en matière fiscale, sur l'EURL. Nous en reparlerons lors de la discussion des articles, mais disons tout de suite qu'il ne faut pas confondre niches fiscales et alignement !

Dernière observation : l'Assemblée nationale ayant autorisé la pluralité des objets de l'activité professionnelle à laquelle est affecté le patrimoine, rien ne s'oppose juridiquement à la pluralité des patrimoines affectés. Puisque nous sommes là pour faire du droit...

M. Philippe Marini.  - Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ...pourquoi s'en priver ? Le seul argument contre est sa complexité pratique. Pour autant, cette pluralité présente aussi un avantage. Sans revenir sur l'exemple du boulanger-maçon (sourires), je donnerai celui de l'agriculteur en EARL qui exploite également des gîtes ruraux, une auberge paysanne ou pratique la vente à la ferme. Voilà un exemple qui montre l'intérêt de la pluralité du patrimoine d'affectation ! La commission vous proposera également de préciser les conditions de la reprise et de la transmission du patrimoine affecté.

Reste le problème du financement des entreprises qu'un seul texte, monsieur le ministre, ne saurait effectivement résoudre. Si nous avons accepté la suppression de l'article 6 bis, qui aurait eu un effet négatif sur les garanties qu'un établissement de crédit peut exiger des entrepreneurs, nous avons aussi adopté un amendement de la commission de l'économie sur le statut d'Oséo, dont l'effet sera très positif sur les garanties apportées à toutes les entreprises.

J'espère le succès de cet entrepreneur individuel à responsabilité limitée -le titre est hybride de même que le statut. Il serait sans doute nécessaire de dépasser l'esprit de boutique pour simplifier encore la création d'entreprises, d'unifier les divers lieux de déclaration des entreprises présentant toutes garanties juridiques. Je sais, monsieur le ministre, que le développement de l'informatique et la mise en réseaux des divers registres font partie de vos préoccupations. Puissent vos projets aboutir rapidement pour le plus grand bénéfice des entrepreneurs ! Je remercie le rapporteur pour avis de la commission de l'économie de son concours. S'il est court, ce projet n'en est pas moins ambitieux. Longue vie à l'EIRL ! (Applaudissements à droite)

M. Michel Houel, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.  - L'enjeu de ce texte est important. Il s'agit de créer un outil permettant d'éviter que des entrepreneurs individuels qui connaissent un revers de fortune se trouvent ruinés parce qu'ils sont responsables sur la totalité de leur patrimoine des dettes issues de leur activité. Ce texte protège l'entrepreneur et ses proches afin que l'échec d'une aventure économique ne plonge pas toute une famille dans la précarité. Nul ne peut s'opposer à cet objectif généreux.

Jusqu'à présent, les velléités législatrices dans ce domaine se sont heurtées à des difficultés juridiques et pratiques que la volonté politique était trop timide pour surmonter. On s'est donc contenté de palliatifs : l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) et la déclaration d'insaisissabilité. Malgré leurs qualités, ils n'ont jamais convaincu les créateurs d'entreprises, notamment dans l'artisanat. Voici donc, avec la création d'un patrimoine d'affectation, une demande ancienne des entrepreneurs individuels qui est en voie d'être satisfaite.

La création de l'EIRL est un progrès d'abord parce que cela étend la gamme des outils de protection patrimoniale offerts aux entrepreneurs. En outre, cette réforme rétablit l'équité puisque la prise de risques sera la même quelle que soit la forme juridique choisie pour l'activité. Il était injuste qu'un entrepreneur individuel ait à assumer un niveau de responsabilité supérieur à celui qu'assume l'entrepreneur ayant opté pour une forme sociétaire. Au passage, je me réjouis que les députés aient étendu aux entreprises agricoles le champ d'application de l'EIRL, réparant ainsi une injustice contenue dans le texte initial. Enfin, cette réforme met en adéquation les formes juridiques avec la réalité économique des petites entreprises. On sait bien en effet que, pour contourner les risques patrimoniaux inhérents à l'entreprise individuelle, certains entrepreneurs optent pour une forme sociétaire sans bien mesurer les obligations qui en découlent. On voit ainsi des entrepreneurs agir et penser en individus mais dans un cadre sociétaire. En limitant le risque d'entreprendre, l'EIRL lève aussi un frein à la création d'entreprises.

Pour toutes ces raisons, l'adoption de l'EIRL constitue une avancée, qui n'allait pas de soi : l'idée de patrimoine d'affectation est séduisante mais difficile à mettre en oeuvre. Pour lui donner corps, le Gouvernement, l'Assemblée nationale et les deux commissions du Sénat saisies du texte ont réalisé un gros travail qui va se poursuivre ce soir.

Le principal problème est de concilier la protection des entrepreneurs et celle des créanciers, le tout dans un formalisme allégé.

Il est évident que la restriction de l'engagement personnel de l'entrepreneur individuel à une fraction seulement de son patrimoine accroît le risque que les créanciers refusent de le soutenir, ce qui n'est bon ni pour les entrepreneurs eux-mêmes, ni pour l'ensemble de la vie économique. Il faut donc imaginer des garanties susceptibles de rassurer les créanciers. Ceux-ci voudront avoir une information claire sur la composition et la valeur du patrimoine qui servira de gage.

Le formalisme allégé d'une entreprise individuelle classique n'offre pas assez de garanties ; il faut donc le renforcer en arbitrant entre souplesse et confiance. Pour des très petites entreprises, les formalités de constitution et de gestion doivent rester simples et peu coûteuses ; mais on ne peut pousser trop loin la recherche de la souplesse sans saper la confiance des créanciers et créer une insécurité juridique dont les entrepreneurs seraient les premières victimes. Le dispositif proposé résulte donc de la recherche d'un équilibre satisfaisant entre ces deux exigences contradictoires.

J'ai cherché à rendre l'accès à l'EIRL aussi simple que possible sans pour autant créer une insécurité économique pour les créanciers et une insécurité juridique pour les entrepreneurs. Mes propositions sont désormais intégrées au texte.

Il fallait éviter que l'EIRL soit une « usine à gaz », nous y sommes parvenus, même si l'EIRL se situera nettement plus haut que l'entreprise individuelle classique sur l'échelle de la complexité. Il faut en être conscient et ne pas tomber dans l'illusion que l'EIRL ne serait qu'une entreprise individuelle classique avec un niveau de sécurité patrimoniale supérieur.

Le non-respect des formalités prévues dans le cadre de l'EIRL peut avoir de lourdes conséquences. La séparation entre patrimoine personnel et professionnel pourra être remise en cause si la valeur déclarée du patrimoine se révèle surestimée, si les obligations comptables, fiscales ou sociales font l'objet de manquements importants. Le dispositif assure bien l'étanchéité des patrimoines professionnel et personnel mais sous réserve du respect par l'entrepreneur des formalités imposées. Les créanciers le vérifieront scrupuleusement en cas de défaillance de l'entreprise et, le cas échéant, n'hésiteront pas à contester devant les tribunaux la validité des déclarations d'affectation. D'où l'importance qu'aura la qualité de l'accompagnement, de l'information et du conseil des entrepreneurs par les chambres consulaires.

C'est pourquoi aussi il faut conserver aux entrepreneurs la possibilité de recourir à la déclaration d'insaisissabilité. Le texte initial prévoyait l'extinction de ces déclarations au motif qu'il ne faut pas multiplier les dispositifs de protection des entrepreneurs si l'on veut garder un système lisible. Dès lors que tous les entrepreneurs individuels n'opteront pas pour l'EIRL, il importe de maintenir un dispositif alternatif de protection. L'insaisissabilité est un moyen simple et peu coûteux, que nous maintenons donc.

L'EIRL échouera si les banques demandent systématiquement des sûretés personnelles ou réelles. On ne peut pas leur interdire de prendre des garanties, car cela relève de la relation d'affaires. De surcroît, ce serait contre-productif : si le législateur leur impose des règles trop rigides, les banques ne s'engageront pas auprès des entreprises individuelles. Il ne reste donc qu'un levier pour le législateur : celui de l'incitation.

C'est dans cet esprit que le Gouvernement a envisagé d'impliquer Oséo en lui faisant garantir à hauteur de 70 % les prêts consentis aux EIRL. Le président d'Oséo a confirmé avoir les moyens financiers et techniques, ainsi que l'ambition, d'épauler les futures EIRL. Les banques auront donc, en sus du droit de gage sur le patrimoine affecté de l'entrepreneur, la garantie financière d'Oséo.

Pour rendre effectif ce nouvel accroissement du rôle d'Oséo, il faut en accélérer la réforme. Cette réorganisation est prévue depuis longtemps. Le texte en est prêt mais son adoption est bloquée parce que le calendrier parlementaire ne permet pas d'envisager l'adoption de la loi de régulation bancaire et financière avant plusieurs mois. La loi sur l'EIRL peut être l'occasion d'anticiper la fusion des trois branches d'Oséo. J'ai proposé de reprendre sous forme d'amendement cette réforme qui devait passer par la loi bancaire ; ces dispositions ont été intégrées au texte par la commission des lois.

Je relève toutefois une incongruité : l'EIRL a été étendue aux agriculteurs, or Oséo n'intervient pas auprès des entreprises agricoles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 750 000 euros. Que comptez-vous faire pour régler ce problème ? Je n'attends pas des propos compassionnels sur les difficultés des agriculteurs, mais des solutions précises. Comptez-vous faire évoluer les dispositions réglementaires dans le domaine agricole ?

Si ce statut ne règlera pas d'un coup de baguette magique la question de la protection patrimoniale des entrepreneurs, il renforcera leur sécurité économique. Je crois qu'il trouvera son public et offrira un cadre protecteur. Aussi je vous invite à adopter sans réserve ce projet de loi. (Applaudissements à droite et sur certains bancs au centre)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - De nombreuses petites entreprises disparaissent tous les jours, victimes de la crise économique et sociale générée par des politiques tout entières au service des grands groupes financiers. Ce projet de loi, qui vise à protéger l'entrepreneur individuel des conséquences d'une faillite, est loin de tenir ses promesses. Cette réforme est attendue depuis trente ans : les mesures se sont succédé, sans qu'aucune ne donne satisfaction. Celle-ci viendra vraisemblablement grossir leurs rangs... (M. le secrétaire d'État proteste)

Le projet permet une scission entre patrimoine personnel et patrimoine affecté à l'activité professionnelle. En cas de faillite, le patrimoine personnel de l'entrepreneur serait épargné ; seul son patrimoine professionnel servirait de garantie aux créanciers. En théorie, le texte devrait donc limiter le risque encouru par l'entrepreneur de voir ses biens propres ou sa maison saisis. En pratique, le ministre reconnait que son projet ne supprimera pas entièrement la prise de risques...

Ce projet se borne à prévoir et à organiser la scission des patrimoines, sans véritablement protéger le patrimoine personnel et sans garantir aux entrepreneurs un réel accès au financement. Quand ceux-ci négocieront avec les banques, l'étanchéité aura vécu. Les banques continueront d'exiger des sûretés réelles constituées sur le patrimoine personnel. D'ailleurs, les sûretés accordées sur un bien issu du patrimoine personnel et nécessaire à la poursuite de l'activité affecteront indirectement ce bien au patrimoine professionnel...

Vous auriez dû tirer la leçon de l'échec de l'EURL : la personnalité morale de la société était une bien faible protection contre l'avidité des banques ! M. Houel souligne que « les banques contournent la séparation patrimoniale permise par l'EURL ou la déclaration d'insaisissabilité en exigeant des sûretés réelles et personnelles qui rendent inopérante toute protection du patrimoine personnel ; de ce point de vue l'EIRL, en soi, ne change rien ». Ce projet de loi n'améliore nullement la position des entrepreneurs face aux établissements bancaires, qui ne connaissent que les lois du marché. Il aurait mieux valu permettre aux banques de se retourner contre Oséo avant de poursuivre l'entrepreneur, leur interdire de demander des garanties sur le patrimoine personnel, exiger qu'elles cessent de faire pression sur les entrepreneurs pour qu'ils renoncent aux protections légales, notamment l'insaisissabilité de leur résidence principale.

Ce projet ne modifie guère la situation actuelle. Les garanties complémentaires existantes ne garantissent que les risques des établissements financiers, non ceux de l'entrepreneur. Oséo ne paie que le solde une fois que les banques ont fait jouer toutes les sûretés. Il encourage même les banques à réclamer et à actionner des sûretés sur le patrimoine personnel de l'entrepreneur ! L'article 6 bis ne fait que redistribuer les risques finaux entre les banques et Oséo ; l'entrepreneur individuel n'en tire aucun bénéfice.

Il est ressorti des débats parlementaires un texte fourre-tout, truffé de cavaliers : l'article 9, sur le régime de la revente des médicaments à l'étranger, l'article 8 sur le nouvel indice trimestriel des loyers des activités tertiaires. Quant à l'article 6 bis A sur les statuts d'Oséo, il relève du projet de loi de régulation bancaire et financière.

Au prétexte de libérer le travail, le Gouvernement crée encore un statut qui ne supportera pas l'épreuve de la pratique. Le statut d'auto-entrepreneur a montré ses limites en mars dernier, avec l'affaire des sans papiers des jardins de Bagatelle. M. Novelli a beau minimiser les abus, le statut d'auto-entrepreneur est devenu pour certains patrons le moyen de contourner les garanties du salariat et de faire l'économie des cotisations ! Le statut d'entrepreneur individuel connaîtra-t-il le même destin ? Enfin, le statut d'auto-entrepreneur ne peut être réformé au détour d'un tel texte : il y a beaucoup à revoir. Nous ne voterons pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - A mes débuts comme inspecteur général de l'administration, j'ai reçu un petit dictionnaire répertoriant tous les sigles employés dans l'administration de l'éducation nationale. (Sourires) Après le « franglais », il faut désormais lutter contre le « siglais » ! Que peut bien être un EIRL ? J'avoue m'être interrogé ! De grâce, appelons les choses par leur nom !

Avec 1,5 million d'entreprises individuelles et près de 600 000 entreprises créées en France en 2009, ce projet de loi revêt une portée non négligeable.

Dans un contexte économique morose, ce projet de loi favorisera la création d'entreprises. L'idée d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée mûrit depuis le rapport Champaud de 1978, et j'ai plaisir à voir qu'elle se concrétise enfin : combien d'artisans et d'entrepreneurs individuels m'ont fait part de leurs angoisses ! Certes, il existe déjà des moyens de protéger leur patrimoine personnel, comme la constitution d'une SARL -développons : d'une société à responsabilité limitée (sourires)- à associé unique. Depuis 2008, le détenteur d'une EURL -pouvez-vous, monsieur le ministre, me rappeler à quoi correspond ce sigle ?-...

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ! (Nouveaux sourires)

M. Yves Pozzo di Borgo.  - ...peut protéger son patrimoine foncier de la saisie par le biais d'un acte notarié dont le coût -400 euros- n'est pas négligeable.

Ce projet de loi clarifie opportunément les choses. Je salue les apports des commissions, qui ont cherché à rendre plus simple et plus accessible le nouveau statut, par exemple en fixant le coût unique de l'acte d'affectation du patrimoine immobilier. Je proposerai un amendement tendant à parfaire le parallélisme des formes en cas d'affectation ultérieure du patrimoine. S'agissant des entreprises individuelles à responsabilité limitée agricoles, il est plus simple que les déclarations soient enregistrées dans les chambres d'agriculture.

Toutefois, ce texte se borne à protéger le patrimoine personnel en cas de faillite. Or le problème principal est aujourd'hui celui de l'accès au crédit. Sous le régime de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, quand bien même l'entrepreneur avait déclaré incessible son patrimoine personnel, les banquiers demandaient des sûretés complémentaires sur celui-ci. Je redoute que le nouveau statut n'y change rien : pour un euro prêté, ils continueront à demander un euro de caution.

La commission a voulu contourner l'obstacle en anticipant la réforme d'Oséo, organisme chargé de garantir les emprunts des petites entreprises : le regroupement de ses filiales améliorera sa visibilité et le relèvement du plafond de la garantie d'emprunt renforcera son efficacité.

Si l'on peut envisager de fondre les statuts de l'entreprise unipersonnelle et de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée, il faut se garder d'en faire autant pour le régime de l'auto-entrepreneur, caractérisé par de fortes spécificités -absence de toute formalité de déclaration, plafonnement du chiffre d'affaires, autorisation de cumul avec d'autres activités- et qui répond à des besoins distincts.

Je remercie encore M. Hyest de son excellent travail. Ce projet de loi permettra à la France de s'adapter dans un monde qui change vite. (Applaudissements à droite)

M. Richard Yung.  - On se congratule beaucoup aujourd'hui au Sénat... Pour notre part, nous partageons le souci du Gouvernement d'encourager la création de PME mais nous restons lucides. Il existe aujourd'hui 1,5 million d'entreprises individuelles, soit à peu près la moitié des entreprises. Elles sont très vulnérables, puisqu'elles ont donné lieu à un quart des faillites en 2009, le plus souvent à cause du défaut de paiement d'un client ou des difficultés rencontrées par une entreprise dont elles sont sous-traitantes. Ces faillites provoquent des drames personnels puisque l'entrepreneur est responsable de ses dettes professionnelles sur l'ensemble de son patrimoine, affecté ou non à l'entreprise. Le régime de la commandite simple, qui se situe plutôt en amont des très grands groupes, présente les mêmes caractéristiques.

Les divers mécanismes destinés à limiter la responsabilité de l'entrepreneur n'ont pas rencontré le succès escompté. Vingt-cinq ans après sa création, le régime de l'EURL reste peu utilisé, malgré les simplifications successives : seules 10 % des entreprises créées en 2009 sont soumises à ce statut.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - 6 %.

M. Richard Yung.  - Les causes sont administratives, comptables et psychologiques : on peut déplorer la résistance des chambres consulaires et d'autres corps intermédiaires et l'absence de pédagogie. Quant à la déclaration d'incessibilité du patrimoine foncier, seules 10 000 personnes y ont recours chaque année.

La réponse du Gouvernement à ce problème reste trop limitée, malgré les apports de la commission des lois. Je remarque d'abord que les élections régionales étant passées, il aurait été souhaitable de lever la procédure accélérée sur ce texte afin que les députés eussent le loisir d'examiner les amendements nombreux et importants des deux commissions.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Mais notre travail est excellent, ce qui simplifiera les choses ! (Sourires)

M. Richard Yung.  - A l'article premier, la procédure d'affectation du patrimoine professionnel de l'entreprise individuelle enfreint le sacro-saint principe d'unicité du patrimoine : vous avez sans doute dû ferrailler contre les chapelles de juristes de la place Vendôme (sourires), et je vous en rends hommage. Toutefois, il reste des sujets d'inquiétude. En cas d'insuffisance du patrimoine non affecté, les créances personnelles de l'entrepreneur seront recouvrées sur le patrimoine affecté à hauteur du montant du bénéfice du dernier exercice clos ; les garanties des créanciers professionnels s'en trouveront affaiblies, ce qui me paraît nuisible à la vie de l'entreprise.

Je ne partage pas l'opinion de la commission sur le cumul des patrimoines affectés : je crois, comme il est écrit dans le rapport, que cette solution est complexe.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il est aussi écrit qu'elle présente des avantages !

M. Richard Yung.  - La pluralité des patrimoines affectés est une source possible d'abus, où des entrepreneurs multiplieraient les structures pour toucher plus de dividendes !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cela ne change rien !

M. Richard Yung.  - Le régime social et fiscal de l'EIRL a fait l'objet d'un vif débat à l'Assemblée nationale, MM. Méhaignerie et Carrez proposaient de le changer !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Ils ont été battus !

M. Richard Yung.  - Oui, mais leur arguments doivent compter pour vous : ce ne sont pas des opposants farouches ! (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est une conjonction intéressante...

M. Richard Yung.  - Nous y reviendrons.

Nous sommes également défavorables à réduire à deux ans le droit de reprise de l'administration fiscale : cette mesure n'est pas nécessaire, surtout quand l'argent public manque !

Enfin, nous craignons que le statut d'EIRL n'autorise des abus, comme cela s'est fait avec le statut d'auto-entrepreneur, où des chefs d'entreprise peu scrupuleux ont forcé des salariés à créer leur auto-entreprise...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il y a le code du travail !

M. Richard Yung.  - ...pour ne gagner finalement que 700 euros par mois ! Ce qui passe pour un complément de travail familial, ne peut être accepté pour un travail à temps plein ! Le Parisien de vendredi -ce n'est pas un journal déchainé- a donné des exemples probants.

Nous nous opposerons encore à ce cavalier qu'est la transformation d'Oséo dans ce texte. Oséo doit aider au financement des petites entreprises, à l'exemple de ce que font nos voisins allemands, mais on ne saurait changer ce dispositif sans véritable débat, avec saisine de la commission des finances. Vous l'avez compris, nous trouvons ce texte sympathique par son objectif, mais dangereux par certains de ses aspects : nous tirerons les conclusions du débat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Raymond Vall.  - Ce texte est attendu par les trois millions de nos concitoyens directement concernés, qui créent de la richesse sur nos territoires, mais aussi par les chômeurs qui, passé un certain âge, n'ont généralement plus d'autre espoir de retrouver un travail qu'en se mettant à leur compte.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - C'est vrai !

M. Raymond Vall.  - Élu d'une petite commune rurale, je peux témoigner que notre ambition, sur nos territoires, ne peut guère aller plus loin que d'y maintenir les activités existantes ; il n'est même pas question d'en créer de nouvelles.

Le rôle des banques est essentiel et nous avons de quoi nous inquiéter : ne les avons-nous pas sauvées de la crise, grâce à de l'argent public ? Monsieur le ministre, je considère comme ma bible le discours que le Président de la République a prononcé à Moret le 9 février dernier et je suis sûr que vous n'êtes pas étranger aux idées qu'il contient. Le Président de la République a dit, en effet, que les banques ne sauraient, après avoir pratiqué une politique du crédit facile, serrer brusquement la vis et menacer des entreprises en leur refusant quelques milliers d'euros !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Vous puisez à bonne source !

M. Raymond Vall.  - Il serait inacceptable de demander à l'argent public de faire le travail des banques ! Les entrepreneurs sont trop souvent coincés entre la grande distribution, qui leur impose des délais très longs pour les payer, et les fournisseurs, qui leur demandent un paiement toujours plus rapproché : les banques doivent l'entendre ! Pourquoi, alors que le Président de la République s'est engagé fermement, ne pouvons-nous pas changer le comportement des banques ? Pourquoi ne pas faire comme nos voisins allemands, qui ont taxé la plus-value des transactions financières ? Cela rapporterait 1,2 milliard bien utile à Oséo, qui mobilise 3,3 milliards. Le groupe RDSE s'est engagé dans cette voie, en déposant une proposition de loi pour taxer ces profits scandaleux.

Monsieur le ministre, nous soutenons le principe de ce texte. Pour l'instant, nous nous abstiendrons. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Philippe Marini.  - Créé en 1985, le statut d'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée a représenté un grand progrès en son temps et il concerne encore 150 000 de nos concitoyens. Ce n'est pas négligeable, mais pas assez encore : la création d'une entreprise demeure un acte difficile à faire, dans certains milieux professionnels. D'où l'idée d'un patrimoine d'affectation, dont l'EIRL est le dernier avatar. L'idée n'est pas nouvelle, nous en discutions déjà avec M. Raffarin quand il était aux fonctions occupées aujourd'hui par M. Novelli et que j'avais été chargé par M. Juppé d'une mission sur la réforme du droit des sociétés.

Le dispositif du patrimoine d'affectation, que les artisans et les TPE appelaient de leurs voeux, n'avait alors pas pu voir le jour au regard du principe d'unicité du patrimoine. Les exceptions se sont depuis multipliées, dont celle de la loi de février 2007. L'EIRL est un bon élément de la panoplie, mais le patrimoine affecté deviendrait une coquille vide si les garanties bancaires devaient se reporter sur le patrimoine personnel. Je souscris donc à l'initiative du rapporteur pour avis, qui fait opportunément le lien avec la réforme d'Oséo.

Même si la prise de risques est indissociable de tout projet entrepreneurial, les pouvoirs publics ont le devoir de respecter et de soutenir l'esprit d'entreprise. Accompagner les jeunes pousses est notamment le rôle des chambres de commerce, à la réforme desquelles la commission des finances est très prudemment attentive... Le statut de l'auto-entrepreneur doit être salué avec enthousiasme ; il faut le mettre en valeur, plutôt qu'évoquer je ne sais quelles considérations corporatistes ou refuser qu'on crée pour lui les conditions du succès. Si j'approuve la proposition du président Arthuis d'une obligation de déclaration du chiffre d'affaires, son souhait de limiter le statut à une durée de trois ans me paraît pour le moins prématuré.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Très bien !

M. Philippe Marini.  - Il faut que 100 fleurs s'épanouissent (sourires); ensuite la nature et la vie économique feront leur office.

J'en viens au coût de la réforme pour les finances publiques...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Aïe !

M. Philippe Marini.  - ...soit 60 millions d'euros. La possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés, si elle est un des intérêts du statut, en coûtera 20. Mais l'essentiel, 40 millions, est le manque à gagner pour la protection sociale, l'entrepreneur individuel assujetti à l'impôt sur les sociétés pouvant s'exonérer de cotisations sociales en se versant des dividendes plutôt que des salaires. Le texte reprend une clause anti-abus, qui repose sur deux seuils ; si le premier, qui porte sur 10 % du patrimoine affecté, ne soulève pas de difficulté, le second n'a aucune justification économique. J'ai cosigné avec MM. Jégou et Badré un amendement pour le supprimer. Il s'agit de préserver les recettes de la sécurité sociale. Nous devons nous appliquer une discipline de fer, tant il est vrai que les dépenses fiscales et les niches sociales alourdissent le déficit.

Sous cette seule réserve, je me rallierai aux conclusions des deux commissions, non sans avoir félicité le ministre de son heureuse initiative. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gérard Cornu.  - La moitié des entrepreneurs français exercent en nom propre leur activité professionnelle, et s'exposent ainsi à la saisie de la totalité de leur patrimoine en cas de difficultés. Il y a là une profonde injustice, un décalage trop important entre le statut de l'entrepreneur, qui est véritablement sans filet, et celui du fonctionnaire super protégé. Si le risque est un choix assumé, il ne doit pas conduire à la ruine des familles.

En créant le patrimoine affecté, le texte répare cette injustice et répond à une revendication ancienne, dans la continuité du rapport de Roux de novembre 2008. Votre volontarisme, monsieur le ministre, et le soutien du Président de la République auront su venir à bout des dernières réticences de la Chancellerie.

L'EIRL est une avancée majeure. Une entreprise, je l'ai vécu, se crée toujours dans l'enthousiasme, souvent sous forme individuelle -la question du statut est alors secondaire. On vous met ensuite en garde contre le peu de protection que cette forme apporte et on vous invite à créer une société. L'EURL est un pas dans cette direction, mais clients et fournisseurs ont tendance -c'est psychologique- à préférer la SA ou la SARL. Va pour la SARL. Mais laquelle ? Faut-il y détenir la majorité ou la minorité du capital ? C'est tout juste si on ne vous invite pas à changer de régime matrimonial, voire à divorcer...

La création du patrimoine affecté a déjà été envisagée, mais écartée parce que jugée trop compliquée. Quand on ne veut pas faire, on trouve toujours une bonne raison... Beaucoup de choses ont été faites, cependant, depuis 1985 : loi Madelin de 1994, loi Dutreil de 2003 avec l'insaisissabilité de la résidence principale, texte de 2005, que j'ai rapporté et au cours de l'examen duquel a été évoquée la création de la société civile artisanale à responsabilité limitée, LME de 2008 enfin.

Le patrimoine affecté est un changement radical, même si des zones d'ombre subsistent. Je félicite sans réserve le ministre, dont le texte, que nous voterons, a le soutien de tous les professionnels. (Applaudissements à droite)

M. Claude Bérit-Débat.  - Ce texte est paradoxal à plus d'un titre. Le calendrier qui nous est imposé est d'autant plus inacceptable que l'urgence a été déclarée, sans doute à cause de la proximité des élections régionales et de l'empressement du Gouvernement à tenter d'apaiser des artisans mécontents de la concurrence déloyale des auto-entrepreneurs. Voici donc un projet de loi qui nous est proposé dans la précipitation, alors qu'il met un terme à des décennies de débats et à un principe juridique bi séculaire.

La création de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée s'inscrit dans une démarche à laquelle on ne peut que souscrire car l'unicité de patrimoine a parfois des conséquences douloureuses, voire dramatiques : beaucoup d'entrepreneurs ont perdu tous leurs biens et tout leur entourage a subi des situations traumatisantes. On ne peut que se réjouir que le législateur y remédie. Pour autant, il faut être vigilant sur les moyens. Ne croyez pas que ceux qui émettent des critiques sont insensibles aux conséquences de l'unicité : on peut partager cette préoccupation sans approuver toutes les dispositions du projet. Celui-ci part en effet d'un présupposé qu'il convient d'interroger. L'entreprise individuelle à responsabilité limitée est-elle le remède miracle pour aider les Français à créer ou pérenniser des entreprises ? Trois millions d'entre eux ont créé une entreprise, dont 400 000 comme auto-entrepreneurs.

Diverses mesures ont déjà été adoptées, que l'entreprise individuelle à responsabilité limitée vient parachever. Mais quelle est l'utilité des dispositifs existants ? Celui que vous proposez est à la fois révolutionnaire, parce qu'il met fin à un principe bi séculaire, et limité, car l'on avait déjà l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et l'insaisissabilité : le coeur du texte est déjà satisfait. Certes, la première n'a pas fonctionné comme on le souhaitait et la seconde n'a pas eu le succès escompté. L'entreprise individuelle à responsabilité limitée répond-elle à cette problématique ? Votre choix a un coût pour la collectivité, compris entre 50 et 60 millions et, à l'Assemblée, certains de vos amis ont parlé d'optimisation...

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - On peut voir le mal partout...

M. Claude Bérit-Débat.  - Cela représente un manque à gagner pour l'État. En revanche, les bénéfices escomptés sont aléatoires.

Est-on sûr que les Français rechigneraient à créer des entreprises unipersonnelles s'ils avaient la certitude que ce n'est pas si compliqué ? La pédagogie est de mise : 48 heures, on a vu pire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est vrai !

M. Claude Bérit-Débat.  - L'entreprise individuelle à responsabilité limitée répond-elle à la préoccupation de création et de pérennisation des entreprises ? Les artisans s'inquiètent d'une concurrence déloyale. Les chefs d'entreprise recommandent le statut d'auto-entrepreneur à leurs salariés afin d'éviter des charges sociales. Ce dernier statut représente d'ailleurs plus une bouée de sauvetage qu'une promotion : une auto-entreprise rapporte 775 euros par mois et le tiers des auto-entrepreneurs sont déjà salariés, les jeunes et les plus de 60 ans étant surreprésentés parce qu'étudiants et retraités cherchent à améliorer un quotidien précaire. Créer une entreprise n'est plus un pari sur l'avenir mais un moyen de faire face aux difficultés du présent. Or le texte n'en tient pas compte, qui ne simplifie pas suffisamment l'existant. Il y a un pas entre l'idéal et la réalité. Nous proposerons plusieurs amendements pour en renforcer la cohérence. Empêcher la constitution de plusieurs patrimoines affectés évitera les abus, c'est aussi affaire de réalisme économique. M. Hyest a cité l'exemple du boulanger-maçon...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - J'ai cité un autre exemple et il était pertinent.

M. Claude Bérit-Débat.  - Il ne l'était pas pour qui connaît ces métiers pour y travailler depuis trente ans. Il convient que le texte ne soit pas le paravent d'inégalités entre donneurs d'ordres et entrepreneurs individuels. En outre, si l'entreprise individuelle à responsabilité limitée doit se substituer au lien patron-employé, elle sera loin de constituer un progrès.

Nous abordons le débat avec un esprit constructif. Le rapport de M. de Roux indiquait qu'une entreprise individuelle à responsabilité limitée équivaudrait à revenir à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée si décriée. Si le principe est bon, nous attendons que sa mise en forme le soit également et c'est la condition à laquelle nous nous prononcerons : nous voulons un progrès, pas un trompe-l'oeil. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Antoine Lefèvre.  - Répondant à l'engagement fort du chef de l'État, vous nous proposez de rompre avec le dogme bi séculaire de l'unicité du patrimoine. Votre texte répond d'abord à l'ambition de mieux protéger les biens personnels et familiaux en cas de faillite. On sait combien certaines situations sont à la fois dramatiques et injustes. Si la prise de risques est au coeur de la volonté d'entreprendre, il est anormal qu'elles provoquent la ruine de familles entières parce que l'entrepreneur n'a pas adopté la forme sociétale. Il est de notre responsabilité de parlementaires de ne pas laisser au ban de la société un million et demi de personnes : les entrepreneurs contribuent à l'essor économique de la France et cette mesure, qui associe simplicité et sécurité, représente une nouvelle avancée contre la crise.

Je salue le travail de la commission des lois, qui a contribué à l'établissement d'un texte équilibré. Le principe de non-rétroactivité des créances est primordial pour la sécurité juridique, la disposition introduite à l'Assemblée nationale comportant en outre un risque d'inconstitutionnalité. De même, le rétablissement de la déclaration d'insaisissabilité va dans le bon sens : pourquoi imposer un changement de statut ? Je me réjouis également de la pluriactivité avec pluralité de patrimoine, ce qui évitera une solidarité artificielle entre activités. Je salue encore la qualité de la contribution de M. Houel. Avec la transmission de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée comme avec la réduction du coût de l'acte notarié pour les biens immobiliers ou encore avec la publicité et la centralisation des déclarations d'affectation, nous garantissons une meilleure protection à l'entrepreneur et répondons à l'objectif du projet.

Même si l'accès au crédit relève du domaine réglementaire, le groupe UMP se réjouit de votre déclaration devant l'Assemblée nationale d'une nouvelle garantie par Oséo et les sociétés de caution mutuelle : ainsi, les banques ne contourneront pas le dispositif. Avec une garantie de 70 % des crédits par Oséo, la création du patrimoine affecté prend tout son sens. Nous soutenons l'initiative de M. Houel de refonder l'ordonnance d'Oséo.

Le groupe UMP votera le projet ainsi modifié. (Applaudissements à droite)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Je remercie l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés dans cet important débat. Je rends hommage au président Hyest, qui, de l'unicité du patrimoine datant d'avant Portalis jusqu'au système des fortunes de mer créé par Colbert, nous a utilement replacés dans une perspective historique. Rien ne s'oppose, a-t-il ainsi relevé, à l'introduction en droit civil français de la notion de patrimoine d'affectation.

Je veillerai, comme l'a souhaité Yves Pozzo di Borgo, à ne pas multiplier les sigles barbares, dont il a raison de souligner qu'ils n'apportent ni simplicité, ni lisibilité.

M. Cornu a eu raison de rappeler que si le risque professionnel est un choix assumé, il ne doit pas conduire à la ruine des familles. Le risque est inhérent à l'acte d'entreprendre, mais la prise de risque peut et doit être combinée avec la protection des biens personnels. Il a également eu raison de nous remettre en mémoire toutes les tentatives avortées de création du régime du patrimoine affecté, y compris la société civile artisanale à responsabilité limitée, créée en 2005 et vite abandonnée. Cela n'en marque que davantage l'utilité du travail que nous menons ensemble aujourd'hui, et qui met un terme à plus de trente ans d'attente.

Beaucoup se sont interrogés sur le rapport entre EURL et EIRL. La création de l'EIRL tire la conséquence de l'échec relatif de l'EURL, créée en 1985, mais qui ne s'est jamais enracinée dans notre pays, ainsi que l'a justement souligné M. Yung. De fait, elle ne représentait, en 2008, que 10,5 % des créations d'entreprises en 2008. Malgré tous les efforts du législateur pour en simplifier la création et le fonctionnement -la loi de modernisation de l'économie a créé un modèle de statuts-types, simplifié le mécanisme d'approbation des comptes, allégé le régime de publicité légale- les professionnels restent réticents à créer une personnalité morale distincte d'eux-mêmes. Nous avons donc cherché, tout en conservant les procédures les plus simples et les plus lisibles possibles, à assurer plus de sécurité juridique et notamment la protection des tiers.

Certains, sur les bancs socialistes, nous reprochent d'avoir retenu la procédure accélérée. M. Yung a rappelé que les élections sont passées. Personne ne lui contestera ce point. Mais je lui rappelle que certains de ses collègues députés avaient affirmé, lors des débats à l'Assemblée Nationale, qu'une fois ces élections passées, ce texte ne serait pas débattu au Sénat. Comme vous le constatez, c'est tout le contraire. La procédure accélérée apporte la garantie que la réforme sera bien opérationnelle dès le 1er janvier 2011, dans l'intérêt des artisans, des commerçants, des professions libérales et des agriculteurs.

M. Houel a rappelé avec raison les simplifications apportées au texte initial par la commission des affaires économiques. Le Gouvernement est favorable à ce que les émoluments des notaires pour l'affectation de biens immobiliers soient fixes, et non proportionnels à la valeur du bien. M. Pozzo di Borgo a rappelé à juste titre que le coût des procédures constitue une des clés du succès ou de l'échec d'un dispositif juridique. De même, le Gouvernement sera favorable à une meilleure proportionnalité des sanctions en cas de non-respect des formalités administratives prévues par le texte. En particulier, le non-dépôt des comptes ne doit pas avoir pour conséquence la confusion du patrimoine : ce serait là une sanction disproportionnée.

M. Pozzo di Borgo a proposé que la déclaration d'affectation s'effectue auprès des chambres d'agriculture. Le Gouvernement n'y est pas, sur le principe, défavorable mais estime préférable d'attendre que le répertoire agricole soit pleinement opérationnel.

MM. Lefèvre et Hyest ont rappelé la volonté de la commission des lois de réaffirmer le principe de non-rétroactivité du dispositif. Le Gouvernement souscrit à cette exigence de non-rétroactivité des créances antérieures. Il est important, ainsi que l'a rappelé le président Hyest, de trouver un bon équilibre entre sécurité juridique et protection du patrimoine de l'entrepreneur.

M. Houel a souhaité le maintien du dispositif de l'insaisissabilité. Le texte initial en prévoyait la suppression à l'entrée en vigueur de ce texte, sans remettre en cause les droits acquis au titre des déclarations d'insaisissabilité effectuées antérieurement : le dispositif créé par la loi Dutreil du 1er août 2003 n'a jamais connu le succès escompté, même si l'on constate, avec la crise financière, un regain d'intérêt. Dans un souci de simplicité, il peut paraître préférable d'éviter l'empilement des dispositifs. Enfin, seule l'option du patrimoine d'affectation permet de distinguer clairement patrimoine personnel, immobilier ou non, et patrimoine professionnel. Ces arguments n'ont pas été reçus par la commission des lois du Sénat puisque le nouveau texte prévoit le maintien des deux dispositifs de l'insaisissabilité et du patrimoine affecté : vous aurez compris que je le regrette.

J'en viens à Oséo. (« Ah ! » sur les bancs socialistes) M. Houel m'a interrogé sur les modalités de son intervention auprès des agriculteurs. Aucune disposition réglementaire ou législative de droit interne ne s'oppose à l'intervention d'Oséo en faveur des exploitations agricoles, qui intervient d'ailleurs déjà en faveur des agriculteurs : dans le cadre du plan de relance, Oséo a ainsi garanti, en 2008, plus de 40 millions de prêts en leur faveur. Oséo intervient aujourd'hui en faveur des exploitations dont le chiffre d'affaire est supérieur à 50 000 euros. Le Gouvernement n'est pas hostile à un abaissement de ce seuil, en faveur des exploitations plus modestes. Mais à l'heure actuelle, les dispositifs notifiés au niveau communautaire ne prévoient pas cette intervention pour les plus petites exploitations. Je souhaite que nous étudiions la faisabilité de cette hypothèse, en tenant compte des autres dispositifs qui leur sont déjà accessibles, notamment les prêts bonifiés. (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, approuve) Nous reviendrons rapidement devant vous sur ce sujet.

Vous contestez, madame Borvo Cohen-Seat, que la fusion d'Oséo ait sa place dans ce texte. Je ne reviens pas sur l'utilité de cette fusion, qui apportera près de 4 millions d'économie par an et simplifiera les circuits comptables de versement des aides aux entreprises. Mais je vous rappelle qu'Oséo soutient la création des entreprises individuelles, sous forme de cofinancement et de garanties : 43 % des prêts à la création d'entreprises sont consentis à des entrepreneurs individuels. L'évolution d'Oséo a donc toute sa place dans ce texte qui traite de la création d'entreprises, et des entrepreneurs en nom propre.

M. Marini s'est interrogé à juste titre sur la formulation de la clause anti-abus en cas d'option à l'impôt sur les sociétés. Je rappelle que l'accès à l'impôt sur les sociétés est une question d'équité : l'EURL a accès à l'impôt sur le revenu, alors que c'est une société, au nom de quoi l'EIRL n'aurait-elle pas accès à l'impôt sur les sociétés ? Les régimes fiscaux doivent être accessibles à toutes les formes d'activités. Permettre à l'EIRL d'opter pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés est un moyen pour le Gouvernement d'inciter les entrepreneurs à l'auto-financement. Aujourd'hui, un entrepreneur individuel est redevable de l'impôt et des cotisations sociales sur l'intégralité de son bénéfice, quel que soit le montant des prélèvements de l'exploitant. Il n'est donc pas incité à laisser une partie du résultat dans l'entreprise. En optant pour l'impôt sur les sociétés, son bénéfice sera taxé à 15 % ou 33,33 % après déduction de ses rémunérations, elles-mêmes imposables à l'impôt sur le revenu, et des cotisations sociales afférentes. L'entrepreneur est donc incité à réinvestir pour éviter que son bénéfice soit soumis à cotisations sociales.

Pour éviter, toutefois, une perte de recettes sociales, au cas où il ferait malgré tout un arbitrage entre les rémunérations et les distributions, le Gouvernement s'est inspiré de ce qui existait pour les sociétés d'exercice libéral, et a prévu un dispositif adapté à la faiblesse des investissements dans les entreprises individuelles. Le texte prévoit ainsi que les distributions de bénéfices de l'EIRL sont soumises aux cotisations sociales pour leur montant excédant l'une des deux limites la plus favorable : 10 % de la valeur du patrimoine affecté, 10 % du bénéfice net. Les 10 % de la valeur du patrimoine affecté sont assimilés à la rémunération du capital, comme dans le dispositif existant pour les sociétés d'exercice libéral. En outre, afin de tenir compte du spectre d'activités très vaste couvert par ce texte, qui recouvre des situations très disparates, il a paru nécessaire de prévoir un nouveau seuil, qui évite de priver totalement de dividendes les activités naissantes et faiblement capitalistiques.

Enfin, le dispositif anti-abus, je le rappelle, n'existe pas pour les EURL assujetties à l'impôt sur les sociétés. Voilà les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à un durcissement de la clause anti-abus.

Quelques mots au sujet des banques en commençant par les garanties. En contrepartie de la garantie d'Oséo, qui couvrira jusqu'à 70 % des crédits, la banque devra retenir les seules garanties pesant sur les actifs professionnels. Le coût de cette garantie, estimé à 1,20 % de l'encours par an, reste raisonnable au regard de la sécurité apportée. Cette innovation majeure, je le crois, répond à vos préoccupations légitimes. S'agissant du financement, monsieur Vall, la détermination de l'État est totale. Après que le Président de la République a reçu les principales banques françaises le 5 mars, les banques ont promis une enveloppe de 96 milliards aux crédits des PME et TPE, dont 38 milliards pour l'investissement, soit une augmentation de 3 % par rapport à l'an dernier.

Je conclurai par le régime de l'auto-entrepreneur. Soit, il y a des abus. Mais la loi vise le général, son objet n'est pas de sanctionner tel ou tel abus. Je ne suis pas de ceux qui considèrent qu'en tout Français il y a un fraudeur qui sommeille. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Je refuse cette vision punitive de la vie économique. Les abus évoqués relèvent du salariat déguisé que le droit actuel n'ignore pas. La Cour de cassation a condamné ces pratiques bien avant la création du régime de l'auto-entrepreneur. Sa jurisprudence couvrirait des rayons entiers de bibliothèque ! Urssaf, inspection du travail et DGCCRF sont mobilisées pour réprimer les abus, notamment ceux rapportés par la presse dernièrement, s'ils sont avérés. Mais, de grâce !, ne remettons pas en cause un régime choisi par plus de 400 000 Français à cause de quelques abus isolés ! Je remercie M. Marini de son intervention lumineuse à ce sujet ! (Applaudissements à droite et au centre)

Candidatures à une éventuelle CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée actuellement en cours d'examen. Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

Discussion des articles

Article premier

Le chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce est ainsi modifié :

1° Au début, est insérée une section 1, intitulée : « De la déclaration d'insaisissabilité », comprenant les articles L. 526-1 à L. 526-5 ;

2° Il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« De l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée

« Art. L. 526-6.  -  Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale.

« Ce patrimoine est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter. Un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.

« Pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, l'entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi immédiatement des mots : « entrepreneur individuel à responsabilité limitée » ou des initiales : « EIRL ».

« Art. L. 526-6-1.  -  La constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d'une déclaration effectué :

« 1° Soit au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur individuel est tenu de s'immatriculer ;

« 1° bis (nouveau) Soit au registre du commerce et des sociétés lorsque l'entrepreneur individuel est tenu également de s'immatriculer au répertoire des métiers ; dans ce cas, mention est portée au répertoire des métiers ;

« 2° Soit, pour les personnes physiques qui ne sont pas tenues de s'immatriculer à un registre de publicité légale ou pour les exploitants agricoles, à un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal.

« Art. L. 526-7.  -  Les organismes en charge de la tenue des registres mentionnés à l'article L. 526-6-1 n'acceptent le dépôt de la déclaration visée au même article qu'après avoir vérifié qu'elle comporte :

« 1° Un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à l'activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ;

« 2° La mention de l'objet de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté. La modification de l'objet donne lieu à mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1 ;

« 3° Le cas échéant, les documents attestant de l'accomplissement des formalités visées aux articles L. 526-8 à L. 526-10.

« Art. L. 526-8.  -  L'affectation d'un bien immobilier ou d'une partie d'un tel bien est reçue par acte notarié et publiée au bureau des hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier de la situation du bien. L'entrepreneur individuel qui n'affecte qu'une partie d'un ou de plusieurs biens immobiliers désigne celle-ci dans un état descriptif de division.

« L'établissement de l'acte notarié et l'accomplissement des formalités de publicité donnent lieu au versement d'émoluments fixes dans le cadre d'un plafond déterminé par décret.

« Lorsque l'affectation d'un bien immobilier ou d'une partie d'un tel bien est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1. L'article L. 526-7 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

« Le non-respect des règles prévues au présent article entraîne l'inopposabilité de l'affectation.

« Art. L. 526-9.  -  Tout élément d'actif du patrimoine affecté, autre que des liquidités, d'une valeur déclarée supérieure à un montant fixé par décret fait l'objet d'une évaluation au vu d'un rapport annexé à la déclaration et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire désigné par l'entrepreneur individuel. L'évaluation par un notaire ne peut concerner qu'un bien immobilier.

« Lorsque l'affectation d'un bien visé au premier alinéa est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle fait l'objet d'une évaluation dans les mêmes formes et donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1. L'article L. 526-7 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

« Lorsque la valeur déclarée est supérieure à celle proposée par le commissaire aux comptes, l'expert-comptable, l'association de gestion et de comptabilité ou le notaire, l'entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de cinq ans, à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur proposée par le commissaire aux comptes, l'expert-comptable, l'association de gestion et de comptabilité ou le notaire et la valeur déclarée.

« En l'absence de recours à un commissaire aux comptes, à un expert-comptable, à une association de gestion et de comptabilité ou à un notaire, l'entrepreneur individuel est responsable, pendant une durée de cinq ans, à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur réelle du bien au moment de l'affectation et la valeur déclarée.

« Art. L. 526-10.  -  Lorsque tout ou partie des biens affectés sont des biens communs ou indivis, l'entrepreneur individuel justifie de l'accord exprès de son conjoint ou de ses coïndivisaires et de leur information préalable sur les droits des créanciers mentionnés au 1° de l'article L. 526-11 sur le patrimoine affecté. Un même bien commun ou indivis ou une même partie d'un bien immobilier commun ou indivis ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.

« Lorsque l'affectation d'un bien commun ou indivis est postérieure à la constitution du patrimoine affecté, elle donne lieu au dépôt d'une déclaration complémentaire au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1. L'article L. 526-7 est applicable, à l'exception des 1° et 2°.

« Le non-respect des règles prévues au présent article entraîne l'inopposabilité de l'affectation.

« Art. L. 526-11. - La déclaration visée à l'article L. 526-6-1 n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt.

« Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil :

« 1° Les créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté ;

« 2° Les autres créanciers ont pour seul gage général le patrimoine non affecté.

« Toutefois, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est responsable sur la totalité de ses biens et droits en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-6 ou aux obligations prévues aux articles L. 526-12 et L. 526-13.

« En cas d'insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de gage général des créanciers mentionnés au 2° du présent article peut s'exercer sur le bénéfice réalisé par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée lors du dernier exercice clos.

« Art. L. 526-12.  -  L'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fait l'objet d'une comptabilité autonome, établie dans les conditions définies aux articles L. 123-12 à L. 123-23 et L. 123-25 à L. 123-27.

« Par dérogation à l'article L. 123-28 et au premier alinéa du présent article, l'activité professionnelle des personnes bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0, 64 et 102 ter du code général des impôts fait l'objet d'obligations comptables simplifiées.

« L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tenu de faire ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l'activité à laquelle le patrimoine a été affecté.

« Art. L. 526-13.  -  Les comptes annuels de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou, le cas échéant, le ou les documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-12 sont déposés chaque année au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1 pour y être annexés. À compter de leur dépôt, ils valent actualisation de la composition et de la valeur du patrimoine affecté.

« Art. L. 526-14.  -  En cas de renonciation de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée à l'affectation ou en cas de décès de celui-ci, le patrimoine affecté est liquidé.

« En cas de renonciation, l'entrepreneur individuel en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1. En cas de décès, un héritier, un ayant droit ou toute personne mandatée à cet effet en fait porter la mention au même registre.

« La liquidation entraîne le désintéressement des créanciers mentionnés au 1° de l'article L. 526-11. Elle opère déchéance du terme. Le surplus d'actif subsistant, le cas échéant, après le désintéressement ainsi opéré obéit aux dispositions de l'article 2285 du code civil.

« L'affectation survit pour les besoins de la liquidation. La clôture de la liquidation donne lieu au dépôt d'une déclaration au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration prévue à l'article L. 526-6-1.

« Art. L. 526-14-1 A. - Par dérogation à l'article L. 526-14, le décès ne donne pas lieu à liquidation du patrimoine affecté dès lors que l'un des héritiers ou ayants droit de l'entrepreneur individuel décédé, sous réserve du respect des dispositions successorales, manifeste son intention de poursuivre l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine était affecté. La personne ayant manifesté son intention de poursuivre l'activité professionnelle en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-6-1 dans un délai de six mois à compter de la date du décès.

« La reprise du patrimoine affecté, le cas échéant après partage et vente de certains des biens affectés pour les besoins de la succession, est subordonnée au dépôt d'une déclaration de reprise au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-6-1.

« En l'absence de liquidation du patrimoine affecté, celui-ci demeure le gage des créanciers mentionnés au 1° de l'article L. 526-11.

« Art. L. 526-14-1 B.  -  I.  -  L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l'intégralité de son patrimoine affecté et en transférer la propriété dans les conditions prévues aux II et III du présent article sans procéder à sa liquidation.

« II.  -  La cession à titre onéreux ou la transmission à titre gratuit entre vifs du patrimoine affecté à une personne physique entraîne sa reprise avec maintien de l'affectation dans le patrimoine du cessionnaire ou du donataire. Elle donne lieu au dépôt par le cédant ou le donateur d'une déclaration de transfert au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-6-1 et fait l'objet d'une publicité. La reprise n'est opposable aux tiers qu'après l'accomplissement de ces formalités.

« La cession du patrimoine affecté à une personne morale ou son apport en société entraîne transfert de propriété dans le patrimoine du cessionnaire ou de la société, sans maintien de l'affectation. Elle donne lieu à publication d'un avis. Le transfert de propriété n'est opposable aux tiers qu'après l'accomplissement de cette formalité.

« III.  -  La déclaration ou l'avis mentionnés au II sont accompagnés d'un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés composant le patrimoine affecté.

« Les articles L. 141-1 à L. 141-22 ne sont pas applicables à la cession ou à l'apport en société d'un fonds de commerce intervenant par suite de la cession ou de l'apport en société d'un patrimoine affecté.

« Le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire de l'apport est débiteur des créanciers de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée mentionnés au1° de l'article L. 526-11 en lieu et place de celui-ci, sans que cette substitution emporte novation à leur égard.

« Les créanciers de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée mentionnés au 1° de l'article L. 526-11 dont la créance est antérieure à la date de la publicité mentionnée au II du présent article peuvent former opposition à la transmission du patrimoine affecté dans un délai fixé par voie réglementaire. Une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si le cessionnaire ou le donataire en offre et si elles sont jugées suffisantes.

« À défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la transmission du patrimoine affecté est inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.

« L'opposition formée par un créancier n'a pas pour effet d'interdire la transmission du patrimoine affecté.

« Art. L. 526-14-1.  - (Non modifié) L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée détermine les revenus qu'il verse dans son patrimoine non affecté.

« Art. L. 526-14-2.  -  Le tarif des formalités de dépôt des déclarations et d'inscription des mentions visées à la présente section, ainsi que de dépôt des comptes annuels ou du ou des documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-12 est fixé par décret.

« La formalité de dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-6-1 est gratuite lorsque la déclaration est déposée simultanément à la demande d'immatriculation au registre de publicité légale.

« Art. L. 526-15.  -   (Non modifié) Les conditions d'application de la présente section sont fixées par décret en Conseil d'État. »

Mme la présidente. - Amendement n°13, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, pour une durée de trois ans au maximum suivant le dépôt de la déclaration prévue à l'article L.526-6-1.

M. Richard Yung.  - Il s'agit d'un amendement d'appel qui limite à trois ans la durée d'exercice d'une activité professionnelle dans le cadre de l'EIRL, par parallélisme avec l'amendement n°26 de M. Arthuis sur le statut d'auto-entrepreneur. Ces deux dispositifs étant très proches, je reprends à notre compte l'objectif de M. Arthuis : limiter les effets de seuil et les distorsions de concurrence.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Comparaison n'est pas raison... L'innovation que constitue le patrimoine d'affectation doit rester pérenne. Si l'amendement n'était pas d'appel, il serait grotesque ! Avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Même avis. Pourquoi créer une espèce de statut « mission impossible » qui s'autodétruit après trois ans ? (Sourires) Ce serait une atteinte importante à la sécurité juridique à laquelle je vous sais attachés et dont l'entreprise, en période de crise, a un besoin accru. Retrait, sinon défavorable.

L'amendement n°13 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°14, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 7, première phrase

Après les mots :

est titulaire,

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

acquis ou nés dans le cadre de son activité professionnelle et nécessaires à celle-ci.

M. Richard Yung.  - Pour être crédibles auprès des banques, les entreprises auront tout intérêt à constituer un patrimoine professionnel important. Par cet amendement, nous voulons lever le risque d'insécurité juridique existant sur la détermination du patrimoine d'affectation.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La défense de l'amendement n'a aucun rapport avec son objet, mais peu importe... Votre amendement reviendrait en pratique à interdire à un créateur d'entreprise de recourir à l'EIRL, en l'absence d'activité professionnelle antérieure, relisez-le ! Rejet.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 7, troisième phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Un même entrepreneur individuel ne peut constituer plusieurs patrimoines affectés.

M. Claude Bérit-Débat.  - La pluralité de patrimoine d'affectation, introduite par le rapporteur dans le texte, est problématique. Dans le cadre d'une EURL, il existe une obligation de déclaration de l'activité de la personne morale, quel que soit le montant du chiffre d'affaires.

Cette obligation n'étant pas à la charge de l'auto-entrepreneur, on peut craindre que des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée initiés ne se servent de la relative opacité de leur statut pour multiplier les structures et se verser des dividendes exonérés de l'impôt sur le revenu et de cotisations sociales. Organiser la possibilité de la pluralité de patrimoine d'affectation, c'est favoriser l'exploitation des niches fiscales.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je vous remercie d'avoir lu attentivement mon rapport.

Cet amendement est donc contraire à la position de la commission, qui a expressément accepté le principe de la pluralité des patrimoines affectés en cas d'activités professionnelles indépendantes. Je ne vois d'ailleurs pas de raison juridique d'interdire qu'un entrepreneur ait une activité en EIRL et une autre en EURL.

Il est vraisemblable qu'en pratique, peu d'entrepreneurs individuels créeront plusieurs patrimoines affectés. En cas d'intention frauduleuse, il y aura sanction. Les règles de taxation des éventuels dividendes s'appliqueront au sein de chaque patrimoine affecté. Le fait d'avoir un seul ou plusieurs patrimoines affectés est neutre, sous réserve du choix du seuil de 10 % : on taxera au-delà de 10 % un dividende de 100 issu d'un seul patrimoine ou deux dividendes de 50 issus de deux patrimoines avec un résultat identique.

Je me suis beaucoup interrogé avant d'aboutir à cette conclusion juridique, que certains trouveront complexe -mais c'est déjà le cas de l'affectation de patrimoine...

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Cet amendement intéressant pose bien un vrai problème. La rédaction actuelle n'interdit pas la pluriactivité dans un même patrimoine affecté. C'est ce que souhaite le Gouvernement, même s'il paraît raisonnable que cette pluriactivité n'intervienne que dans un deuxième temps. Sagesse.

M. Claude Bérit-Débat.  - J'entends les explications du rapporteur mais je connais bien le monde de l'artisanat et je ne vois pas qui souhaiterait créer ainsi plusieurs entreprises. Celui qui veut être à la fois plombier, chauffagiste, électricien créera une entreprise pluraliste, pas plusieurs petites.

Le ministre lui-même n'est pas très convaincu puisqu'il s'en remet à la sagesse sur notre proposition.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. César, Cornu et Pointereau.

I. - Alinéa 7

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Par exception au précédent alinéa, l'entrepreneur individuel exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural peut conserver les terres, utilisées pour les besoins de son exploitation, dans son patrimoine personnel. Cette faculté s'applique à la totalité des terres dont l'exploitant est propriétaire.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Gérard Cornu.  - Il faut garder un statut dérogatoire pour les exploitants agricoles, comme en matière fiscale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il est vrai que l'Assemblée nationale a étendu l'EIRL aux exploitants agricoles. Mais plutôt que de prévoir une EIRL agricole spécifique dans le code rural, sur le modèle de l'EARL, on a préféré rester dans le cadre commun prévu par le texte, dans le code de commerce. On s'est aperçu ensuite que cela posait des difficultés, tenant aux spécificités agricoles, en particulier en matière d'affectation des terres agricoles et de registre d'immatriculation des professionnels agricoles. D'un point de vue fiscal, certes, les terres agricoles peuvent être considérées comme biens non professionnels. Elles sont le premier patrimoine de la famille. C'est donc un vrai problème.

Cependant, est-il raisonnable, au moment où le législateur crée l'EIRL, de prévoir immédiatement une telle dérogation ? L'EIRL est de toute façon applicable aux exploitants agricoles en l'état actuel du texte. En outre, si les terres ne figurent pas dans le patrimoine affecté, l'accès au crédit s'en trouvera freiné d'autant pour les exploitants agricoles.

Plutôt que de légiférer hâtivement, je propose que le temps de l'analyse et de l'expertise soit pris, y compris par le Gouvernement, pour voir comment ajuster au mieux le statut d'EIRL aux exploitants agricoles, en l'insérant dans le code rural le cas échéant. D'autres difficultés que nous n'avons pas vues demeurent peut-être. A titre conservatoire, je propose donc de laisser inchangé le texte de la commission en ce qui concerne les exploitants agricoles. Le droit commun leur sera applicable.

En tout état de cause, le sujet n'est pas renvoyé aux calendes grecques : le Sénat aura à examiner dans les prochaines semaines une loi de modernisation agricole, qui pourrait être définitivement adoptée par le Parlement en juillet du fait de la procédure accélérée. Ce texte permettra de poursuivre avec profit la réflexion sur l'EIRL agricole après l'adoption définitive du texte créant l'EIRL dans quelques semaines. Retrait.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Cet amendement est intéressant et utile mais il crée une exception au moment même où nous créons le statut de l'EIRL. Si l'affectation est obligatoire, ce progrès n'apportera aucun progrès... Si cet amendement revient au moment de la loi de modernisation agricole, il recevra un accueil ouvert... Vous avez compris mon embarras... Sagesse.

M. Gérard Cornu.  - Je vous remercie de ces explications et je comprends les arguments du rapporteur.

Cependant, la loi de modernisation de l'agriculture (LMA) ne risque-t-elle pas d'être votée avant cette loi-ci, sachant qu'il y a urgence sur les deux ? Nous aurions besoin de quelques précisions...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La CMP se tiendra le 28 avril, le texte définitif sera adopté le 5 mai. A mon sens, il n'y a pas lieu de redéposer cet amendement dans la LMA : il faut trouver un régime spécifique pour les activités agricoles -j'apporterai s'il le faut mon concours à la commission de l'économie. Les exploitations sont pour 21 % en EARL, pour 41 % en société ; les autres agriculteurs sont encore au forfait. Le nombre d'EARL, à comparer au faible nombre d'EURL, montre au passage que lorsque les conseillers naturels des entreprises se mobilisent, cela fonctionne !

M. Gérard Cornu.  - Devant les explications du rapporteur, je n'insiste pas.

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de son activité professionnelle, l'entrepreneur individuel ne peut en aucun cas être placé, directement ou par personne interposée, dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ouvrage. »

M. Richard Yung.  - Le Sénat a dressé, sous la direction de M. Marini, un bilan du régime de l'auto-entrepreneur. Il en ressort que notre crainte d'une substitution entre salariat et auto-entrepreneur était fondée. Des employeurs peu scrupuleux obligent en effet des salariés, voire des étrangers en situation précaire, à adopter ce statut. Les périodes de crise sont propices au chantage à l'emploi. Les postulants se font prendre aux belles promesses des employeurs mais doivent désormais payer eux-mêmes leurs charges, ne perçoivent ni primes de précarité ni congés payés, peuvent être remerciés sans préavis et ne bénéficient d'aucun droit au chômage... Avec l'EIRL, les risques sont identiques. D'accord pour libérer les énergies mais pas au risque d'une régression sociale !

On nous rétorquera que le travail dissimulé ou falsifié a toujours existé et qu'un contrat passé entre un sous-traitant et un donneur d'ordre s'expose à être requalifié en emploi ordinaire. Le secrétaire d'État a annoncé avoir donné des instructions pour réprimer les fraudes : je m'en réjouis. Nous proposons toutefois de renforcer l'information sur le caractère illégal de ces pratiques.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les faux EIRL sont déjà interdits par la loi : les articles L. 8221-6 et L. 8221-61 du code du travail prévoient la requalification en contrat de travail s'il y a lieu. Le droit commun est appliqué par les juridictions. Avis défavorable : votre amendement est purement déclaratif et ne sert à rien :

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Il n'ajoute en effet rien au droit positif actuel. Au juge de requalifier le contrat le cas échéant ; les dérives sont sanctionnées par des peines qui peuvent aller jusqu'à l'emprisonnement. Le Gouvernement est partisan d'une politique de fermeté exemplaire sur ce point. Avis défavorable.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par MM. Beaumont et Cornu.

I. Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque l'entrepreneur est tenu de s'immatriculer à plusieurs registres de publicité légale, il dépose la déclaration à l'un d'entre eux.

II. En conséquence, alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

M. Gérard Cornu.  - Amendement de simplification : l'entrepreneur doit n'avoir à déposer qu'une seule déclaration d'immatriculation.

Mme la présidente.  - Amendement n°27, présenté par MM. J.L. Dupont et Pozzo di Borgo.

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° bis Soit au registre de publicité légale choisi par l'entrepreneur individuel en cas de double immatriculation ; dans ce cas, mention en est portée à l'autre registre ; »

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Il est plus simple de laisser à l'entrepreneur individuel le choix du lieu du dépôt de la déclaration, étant précisé que le registre non choisi en fera mention.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission avait prévu une seule immatriculation. Aujourd'hui, dès lors qu'il y a activité commerciale, l'immatriculation se fait au registre de commerce. C'est un vieux débat : je sais bien d'où viennent ces amendements ! Pour un régime unifié, il faut distinguer activité et répertoire, d'autant que l'intérêt des entrepreneurs, artisans et commerçants n'est pas toujours pris en compte...

L'amendement n°27 me paraît mieux rédigé, plus complet : retrait de l'amendement n°25, sinon rejet ; sur l'amendement n°27, sagesse...

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Sagesse positive ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Non ! Sagesse hésitante...

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - M. Cornu peut peut-être se rallier à l'amendement n°27 qui est plus complet que le sien et que le Gouvernement accepte.

M. Gérard Cornu.  - Dans l'enthousiasme général, je me rallie à l'amendement n°27.

L'amendement n°25 rectifié est retiré.

L'amendement n°27 est adopté.

Mme la présidente.  - Je vais suspendre la séance.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pouvez-vous nous donner une idée de la suite de nos travaux, compte tenu de l'heure et du nombre d'amendements restants sur ce texte comme sur le Grand Paris ? (M. Yves Pozzo di Borgo approuve) Jusqu'à quelle heure siègerons-nous ce soir et demain ?

Mme la présidente.  - Nous reprendrons à 21 heures 30 avec la suite du projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, puis la suite du projet de loi relatif au Grand Paris.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

M. le président.  - Nous poursuivons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Amendement n°9 rectifié, présenté par MM. Vasselle, de Legge, Lefèvre, Cornu et Pointereau.

Alinéa 12

I. - Supprimer les mots :

ou pour les exploitants agricoles

II. - Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Pour les exploitants agricoles, ce registre est tenu à la Chambre d'agriculture du lieu de leur établissement principal.

M. Antoine Lefèvre.  - Nous souhaitons que les exploitants individuels agricoles puissent déclarer l'affectation de leur patrimoine auprès des chambres d'agriculture, où ils effectuent déjà leurs déclarations d'entreprise et de fonds agricoles, plutôt qu'au greffe du tribunal de commerce.

L'amendement n°29 n'est pas défendu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le registre de l'agriculture, théoriquement créé en 1988, n'a jamais été mis en place. Quant aux registres des fonds agricoles, ils n'ont rien à voir avec l'EIRL. Le registre spécial du greffe du tribunal de commerce a même été conçu pour suppléer au défaut de véritable registre de l'agriculture. Retrait, sinon rejet.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Même avis. Cet amendement a l'apparence de la logique, mais bien que les chambres de l'agriculture soient les interlocuteurs habituels des paysans et reçoivent la déclaration de fonds agricoles, il est préférable que la déclaration d'affectation du patrimoine soit déposée au registre du commerce et des sociétés, au moins jusqu'à ce que le répertoire agricole soit effectivement mis en place.

L'amendement n°9 rectifié est retiré.

L'amendement n°28 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 16

Remplacer les mots :

Le cas échéant

par les mots :

À peine d'irrecevabilité

et après le mot :

attestant

insérer les mots :

, s'il y a lieu,

M. Richard Yung.  - Les déclarations d'affectation qui ne s'accompagnent pas des documents nécessaires doivent être déclarées irrecevables, comme c'était prévu dans le projet de loi initial. Le texte actuel prévoit seulement que les organismes chargés de tenir le registre vérifient la présence des pièces, non leur teneur. M. le ministre considère que la formulation initiale était trop stricte et peu conforme à la philosophie du texte. Mais celui-ci ne vise pas seulement à simplifier à l'extrême les procédures administratives, mais aussi à protéger les intérêts des conjoints, des enfants et des créanciers personnels et professionnels. La déclaration d'affectation peut concerner des biens de grande valeur, soumis à un régime particulier en vertu des articles L. 526-8 à L. 528-10 du code. L'inopposabilité est prévue en cas de non-respect des formes prescrites lorsque l'affectation a lieu postérieurement à la déclaration. Cette différence de régime n'est-elle pas curieuse ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Une déclaration qui affecte des biens soumis à des formalités particulières n'est reçue par l'organisme qui tient le registre que si elle comporte les documents attestant de l'accomplissement de ces formalités. L'amendement est donc superflu. Avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Même avis. L'organisme chargé de tenir le registre ne pourra accepter le dépôt de la déclaration que si elle s'accompagne des pièces nécessaires, témoignant en particulier de l'accord du conjoint ou du coïndivisaire.

M. Richard Yung.  - L'organisme vérifie l'existence des pièces, non leur teneur. Que se passera-t-il si un entrepreneur présente une évaluation ancienne ou un bilan daté de plusieurs années ? Les règles sont plus strictes en cas de dépôt postérieur.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati, Cornu, Beaumont et Lefèvre.

Alinéa 32

Remplacer les mots :

aux articles L. 526-12 et L. 526-13

par les mots :

à l'article L. 526-12

M. Antoine Lefèvre.  - Il est légitime que l'entrepreneur individuel, s'il ne tient pas de comptabilité autonome comme il est prévu à l'article L. 526-12, soit sévèrement sanctionné : il sera responsable sur la totalité de ses biens. Toutefois il paraît excessif de punir ainsi ceux qui n'auront pas satisfait à l'obligation de dépôt annuel des comptes, en raison de difficultés passagères ou d'une simple négligence. Ils seraient alors plus sévèrement traités que les entrepreneurs individuels non tenus au dépôt des comptes. Par cet amendement et le suivant, nous proposons donc d'adoucir cette peine.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les députés n'avaient prévu aucune sanction en cas de manquement à l'obligation de dépôt annuel des comptes, indispensable pour que les tiers puissent avoir connaissance régulièrement de l'évolution du patrimoine affecté. J'ai proposé de le sanctionner par la confusion des patrimoines, comme l'absence de comptabilité. Cet amendement et le suivant proposent une sanction mieux proportionnée : l'injonction sous astreinte de déposer les comptes. Avis favorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Même avis. S'il est indispensable que l'EIRL dépose chaque année ses comptes pour que chacun puisse connaître l'évolution de son patrimoine, il est en effet excessif de sanctionner le manquement à cette obligation par la confusion des patrimoines. La solution proposée est plus pondérée, donnant au juge le pouvoir d'enjoindre à l'entrepreneur de déposer ses comptes. Avis favorable.

L'amendement n°10 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati, Cornu, Beaumont et Lefèvre.

Après l'alinéa 37

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de non-respect de l'obligation mentionnée à l'alinéa précédent, le président du tribunal, statuant en référé, peut, à la demande de tout intéressé ou du ministère public, enjoindre sous astreinte à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée de procéder au dépôt de ses comptes annuels ou, le cas échéant, du ou des documents résultant des obligations comptables simplifiées prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-12.

L'amendement de conséquence n°11 rectifié bis, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par le Gouvernement.

I. Alinéa 38

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 526-14.  - En cas de renonciation de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée à l'affectation ou en cas de décès de celui-ci, la déclaration d'affectation cesse de produire ses effets. Toutefois, en cas de cessation concomitante de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ou de décès de l'entrepreneur, les créanciers mentionnés au 1° et au 2° de l'article L. 526-11 ont pour seul gage celui qui était le leur à la survenance de l'un de ces événements.

II. En conséquence

a) Alinéas 40, 41 et 44

Supprimer ces alinéas.

b) Alinéa 42, première phrase

Remplacer les mots :

le décès ne donne pas lieu à liquidation du patrimoine affecté

par les mots :

l'affectation ne cesse pas

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Nous précisons l'effet de la renonciation ou du décès de l'entrepreneur, en l'articulant au respect des droits des créanciers antérieurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est le bon sens du code civil : à titre personnel, puisque la commission n'a pas examiné l'amendement, avis très favorable.

L'amendement n°43 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Alinéa 42, seconde phrase

Remplacer le mot :

six

par le mot :

trois

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'héritier ou l'ayant-droit dispose de six mois après le décès d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée pour décider de reprendre l'activité professionnelle : trois mois suffisent, afin que les créanciers professionnels en connaissent.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati, Cornu, Beaumont et Lefèvre.

Après l'alinéa 42

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, les créanciers de la succession, personnels ou professionnels, les cohéritiers ou les ayant-droits peuvent sommer par acte extrajudiciaire un héritier ou ayant droit, de faire connaître sa volonté de reprise. Cette sommation ne peut être délivrée avant l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date du décès.

« A défaut de reprise de la déclaration constitutive d'affectation dans le mois qui suit la sommation, l'héritier ou l'ayant droit est réputé y avoir renoncé.

M. Antoine Lefèvre.  - Même objectif.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Oui, mais votre rédaction est plus complexe, je préfère celle de la commission : retrait, sinon rejet.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Avis favorable à l'amendement n°37, dont l'adoption rendra sans objet l'amendement n°12 rectifié bis.

L'amendement n°37 est adopté.

L'amendement n°12 rectifié bis devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Alinéa 51, première phrase

Après les mots :

présent article

insérer les mots :

, ainsi que les créanciers dont les droits sont nés antérieurement au dépôt de la déclaration visée à l'article L. 526-6-1 lorsque le patrimoine affecté fait l'objet d'une donation entre vifs,

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Dès lors que le patrimoine affecté peut faire l'objet d'une donation entre vifs, il faut prévoir un droit d'opposition pour les créanciers antérieurs.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le droit d'opposition n'étant prévu que pour les créanciers professionnels, vous proposez de l'étendre aux créanciers dont la créance est antérieure à la déclaration d'affectation : avis favorable à cette précision légitime.

L'amendement n°38 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Après l'alinéa 56

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 526-14-3. - Le ministère public ainsi que tout intéressé peuvent demander au président du tribunal statuant en référé d'enjoindre sous astreinte à un entrepreneur individuel à responsabilité limitée de porter sur tous ses actes et documents sa dénomination, précédée ou suivie immédiatement et lisiblement des mots « entrepreneur individuel à responsabilité limitée » ou des initiales « EIRL ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Coordination. Je rappelle en passant que j'avais présenté un amendement en ce sens à la loi de 2003.

L'amendement n°39, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati, Cornu, Beaumont et Lefèvre.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

I. - Après l'article 389-7 du code civil, il est inséré un article 389-8 ainsi rédigé :

« Art. 389-8. - Un mineur peut être autorisé par ses deux parents qui exercent en commun l'autorité parentale ou par son administrateur légal sous contrôle judiciaire avec l'autorisation du juge des tutelles, à accomplir seul les actes d'administration nécessaires pour les besoins de la création et de la gestion d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d'une société unipersonnelle. Les actes de disposition ne peuvent être effectués que par ses deux parents ou, à défaut, par son administrateur légal sous contrôle judiciaire avec l'autorisation du juge des tutelles. »

II. - L'article 401 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil de famille autorise le mineur à accomplir seul les actes d'administration nécessaires pour les besoins de la création et de la gestion d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d'une société unipersonnelle. »

III. L'article 408 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le tuteur, après autorisation du conseil de famille, effectue les actes de disposition nécessaires pour les besoins de la création et de la gestion d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d'une société unipersonnelle. »

IV. L'article 413-8 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 413-8. - Le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d'émancipation et du président du tribunal de grande instance s'il formule cette demande après avoir été émancipé. »

V. L'article L. 121-2 du code de commerce est ainsi rédigé :

« Art. L. 121-2. - Le mineur émancipé peut être commerçant sur autorisation du juge des tutelles au moment de la décision d'émancipation et du président du tribunal de grande instance s'il formule cette demande après avoir été émancipé. »

M. Philippe Dominati.  - Le créateur d'entreprise est souvent enthousiaste, surtout quand il est jeune. Des mineurs créent des entreprises : nous encadrons l'exercice de leur pouvoir d'administration de l'entreprise, en plaçant leur responsabilité sous la tutelle d'un parent, ou d'un adulte à défaut de parents. Nous avons pris toutes les précautions pour modifier le code civil et le code du commerce.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je suis perplexe. Des mineurs sont effectivement auto-entrepreneurs, ce qui pose des problèmes pour leurs actes d'administration, du fait notamment qu'en droit français, un mineur ne peut être commerçant. Mais je ne pense pas souhaitable de modifier à la légère quatre articles du code civil et un article du code du commerce : qu'en pense le Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui encadre l'activité d'entreprise individuelle des mineurs, conformément au discours sur la jeunesse prononcé par le Président de la République à Avignon le 29 septembre 2009. L'EIRL est un statut adapté aux jeunes qui se lancent dans une activité et cet amendement prend toutes les précautions nécessaires en apportant un cadre juridique sécurisé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vous avez fait examiner l'amendement par vos services, et je ne m'y opposerai pas mais je n'apprécie guère cette façon de légiférer : sagesse.

L'amendement n°32 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.

Article premier bis A

I. - Après le I de l'article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. - L'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat tient un répertoire national des métiers dont elle assure la publicité. À cet effet, elle centralise le second original du répertoire des métiers tenu par les chambres de métiers et de l'artisanat. Les conditions d'application du présent paragraphe sont définies par décret en Conseil d'État. »

II. - Au 2° de l'article L. 411-1 du code de la propriété intellectuelle, les mots : «, de registre du commerce et des sociétés et de répertoire des métiers » sont remplacés par les mots : « et de registre du commerce et des sociétés » et les mots : «, le répertoire des métiers » sont supprimés.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Alinéa 2, première et deuxième phrases

Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :

L'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat centralise, dans un répertoire national des métiers dont elle assure la publicité, le répertoire des métiers tenu par les chambres de métiers et de l'artisanat.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cet amendement est dû à une initiative du rapporteur pour avis de l'Assemblée nationale. Ses modalités d'application pourront utilement être précisées dans un décret, ce qui satisfera aussi M. Beaumont.

L'amendement n°24 rectifié n'est pas soutenu.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Il est naturel que la centralisation revienne à la tête de réseau des chambres de métiers et de l'artisanat.

L'amendement n°40 est adopté.

L'amendement n°6 rectifié bis n'est pas soutenu.

L'article premier bis A, modifié, est adopté.

L'article premier bis demeure supprimé.

Article 2

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après l'article 1655 quinquies, il est inséré un VII ainsi rédigé :

« VII.  -  Entrepreneur individuel à responsabilité limitée 

« Art. 1655 sexies.  -  Pour l'application du présent code et de ses annexes, à l'exception du 5° du 1 de l'article 635 et de l'article 638 A, l'entreprise individuelle à responsabilité limitée ne bénéficiant pas des régimes définis aux articles 50-0, 64 et 102 ter est assimilée à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou à une exploitation agricole à responsabilité limitée dont la personne mentionnée à l'article L. 526-6 du code de commerce tient lieu d'associé unique. La liquidation de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée emporte les mêmes conséquences fiscales que la cessation d'entreprise et l'annulation des droits sociaux d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou d'une exploitation agricole à responsabilité limitée. » ;

2° Le second alinéa de l'article 846 bis est ainsi modifié :

a) Après les références : « L. 526-1 à L. 526-3 », sont insérées les références : « et L. 526-6 à L. 526-15 » ;

b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, aucune perception n'est due lors de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article L. 526-8 du même code. »

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

M. Richard Yung.  - Les statuts d'EURL et d'EIRL se ressemblent beaucoup. Cet article en aligne d'ailleurs les régimes fiscaux. La possibilité d'opter pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés est présentée par le Gouvernement comme une mesure d'équité. Il est pourtant facile et rapide aujourd'hui de constituer une EURL -création en 48 heures au tribunal de commerce de Paris, faible capital, siège possible au domicile de l'associé unique. Il est curieux de soumettre l'EIRL, qui n'est pas une société, à l'impôt sur les sociétés et de lui ouvrir ainsi le droit à des taux d'imposition parfois très favorables. Sous ce statut, il n'y a pas de frontière entre l'entreprise et l'entrepreneur : tous les revenus de la première peuvent être transférés au patrimoine du second ; l'assujettissement à l'impôt sur le revenu progressif est parfaitement logique. La justice fiscale ne peut être ainsi sacrifiée. A l'heure du débat sur le bouclier fiscal, nous ne saurions cautionner un nouveau cadeau fiscal.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous voulons la neutralité fiscale. Avis défavorable.

M. Richard Yung.  - Vous créez de nouvelles niches, alors que le bateau prend l'eau de toutes parts !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Évidemment défavorable. Nous créons un statut particulier pour protéger enfin le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel ; comme ce statut est proche de celui de l'EURL, le régime fiscal ne peut être différent. C'est affaire d'équité.

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 3 bis

I.  -  Le deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° À la première phrase, après le mot : « agricoles », sont insérés les mots : « ainsi que pour les revenus imposables à l'impôt sur les sociétés des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, et des sociétés à responsabilité limitée, des exploitations agricoles à responsabilité limitée et des sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont l'associé unique est une personne physique » ;

2° À la seconde phrase, les mots : « adhérents pour lesquels des manquements délibérés auront été établis » sont remplacés par les mots : « contribuables pour lesquels des pénalités autres que les intérêts de retard auront été appliquées ».

II.  -  (Non modifié) Le deuxième alinéa de l'article L. 176 du même livre est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : «, lorsque le contribuable est adhérent d'un centre de gestion agréé ou d'une association agréée, » sont remplacés par les mots : « pour les contribuables dont les revenus bénéficient des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 169 et » ;

2° À la dernière phrase, les mots : « adhérents pour lesquels des manquements délibérés auront été établis » sont remplacés par les mots : « contribuables pour lesquels des pénalités autres que les intérêts de retard auront été appliquées ».

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Richard Yung.  - Nous ne méconnaissons pas le rôle des centres de gestion agréés et des associations de gestion, mais cet article illustre jusqu'à la caricature comment la multiplication d'incitations fiscales conduit à rendre la matière fiscale totalement volatile. Le ministre du budget vient de déclarer que la France était malade d'instabilité fiscale. Mais au détour d'un amendement, l'Assemblée nationale a étendu un dispositif qui ne visait initialement que l'EIRL aux SARL, exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) et autres sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée. L'article va bien au-delà d'une incitation. Il y a quelque contradiction à plaider sans cesse pour l'orthodoxie budgétaire et dans le même temps à multiplier les avantages fiscaux qui creusent le déficit. Nous souhaitons revenir au délai de droit commun, soit trois ans.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La réduction du délai de reprise est déjà appliquée...

M. Richard Yung.  - Ce n'est pas une raison !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il s'agit seulement de l'étendre. On peut considérer que les entreprises d'une seule personne doivent, plus que d'autres sans doute, être incitées à adhérer à un organisme de gestion agréé. La contrepartie de l'adhésion, c'est la réduction du délai. Le dispositif ne coûte rien...

M. Richard Yung.  - Mais si !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ...sauf à considérer tous les entrepreneurs comme des fraudeurs. Avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Même avis. Le Gouvernement ne souhaite pas que la création d'un statut protecteur comme celui de l'EIRL conduise certains entrepreneurs à quitter les centres de gestion, qu'ils trouveraient moins attractifs après leur assujettissement à l'impôt sur les sociétés. Ces centres sont des acteurs du civisme fiscal ; il serait dommage que le nouveau statut ait sur eux un impact négatif. C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a étendu la réduction du délai de reprise, réduction qui n'est pas sans contrepartie puisqu'elle n'est accordée que si le centre de gestion communique à l'administration le traitement qu'il a effectué sur le dossier de l'adhérent.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

L'article 3 bis est adopté.

Article 4

I.  -  Le titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° La section 5 du chapitre Ier est complétée par un article L. 131-6-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-6-3.  -  Pour les travailleurs non salariés non agricoles qui font application des articles L. 526-6 à L. 526-15 du code de commerce et sont assujettis à ce titre à l'impôt sur les sociétés, le revenu professionnel mentionné à l'article L. 131-6 du présent code intègre également la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts qui excède 10 % du montant de la valeur des biens du patrimoine affecté constaté en fin d'exercice ou la part de ces revenus qui excède 10 % du montant du bénéfice net au sens de l'article 38 du même code si ce dernier montant est supérieur. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. » ;

2° La section 3 du chapitre III est complétée par un article L. 133-4-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 133-4-7.  -  Lorsque dans l'exercice de son activité professionnelle l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée dont le statut est défini aux articles L. 526-6 à L. 526-15 du code de commerce a, par des manoeuvres frauduleuses ou à la suite de l'inobservation grave et répétée des prescriptions de la législation de la sécurité sociale, rendu impossible le recouvrement des cotisations et contributions sociales et des pénalités et majorations afférentes dont il est redevable au titre de cette activité, le recouvrement de ces sommes peut être recherché sur la totalité de ses biens et droits dès lors que le tribunal compétent a constaté la réalité de ces agissements. »

II.  -  Le livre VII du code rural est ainsi modifié :

1° La section 1 du chapitre V du titre II est complétée par un article L. 725-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 725-12-1.  -  L'article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale est applicable aux chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole qui optent pour le statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée défini aux articles L. 526-6 à L. 526-15 du code de commerce. » ;

2° Après l'article L. 731-14, il est inséré un article L. 731-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 731-14-1.  -  Pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole qui font application des articles L. 526-6 à L. 526-15 du code de commerce et sont assujettis à ce titre à l'impôt sur les sociétés, les revenus professionnels mentionnés à l'article L. 731-14 du présent code intègrent également la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du code général des impôts qui excède 10 % du montant de la valeur des biens du patrimoine affecté constaté en fin d'exercice ou la part de ces revenus qui excède 10 % du montant du bénéfice net au sens de l'article 38 du même code si ce dernier montant est supérieur. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. » ;

3° L'article L. 731-23 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 725-12-1 et L. 731-14-1 sont applicables aux personnes mentionnées au présent article. »

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 2, 3, 9 et 10

Supprimer ces alinéas.

M. Richard Yung.  - La clause anti-abus est censée empêcher un entrepreneur de se soustraire à ses cotisations sociales ; en réalité, le texte autorise l'évasion fiscale : la « fraude » est tolérée dans la limite de 10 % de la valeur du patrimoine affecté ou du bénéfice net. Les initiés n'hésiteront pas à en profiter, par exemple en multipliant les patrimoines d'affectation pour collectionner les exonérations. Le ministère du budget a indiqué vendredi dernier que le déficit du régime général atteignait 20 milliards d'euros ; ce n'est pas le moment de créer une nouvelle niche sociale. A l'Assemblée nationale, le ministre et la majorité ont soutenu que la cause de l'échec de l'EURL était la difficulté de créer une société. Qu'ils aillent au bout de la logique : l'EIRL n'étant pas une société, l'entrepreneur ne peut se rémunérer par des dividendes.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. Marini, Jégou et Badré.

Alinéa 3, première phrase

Après les mots :

en fin d'exercice

supprimer la fin de la phrase.

Alinéa 10, première phrase

Après les mots :

en fin d'exercice

supprimer la fin de la phrase

M. Denis Badré.  - M. Marini a dit lors de la discussion générale l'importance qu'il accordait à cet amendement, auquel le Gouvernement a par avance expliqué qu'il était défavorable. On me trouvera peut-être inconscient (sourires) mais je vais le défendre à nouveau.

Il est signé par M. Marini, rapporteur général de la commission des finances, et par M. Jégou, rapporteur spécial des comptes sociaux. Si le premier seuil anti-abus peut paraître justifié, le second ouvre des possibilités d'optimisation sociale : s'il y a rémunération, il doit y avoir cotisations sociales. Le supprimer répond à une exigence d'égalité entre salariés et non salariés et constitue un devoir pour les finances publiques. Le Premier ministre disait tout à l'heure -c'est nouveau- qu'il fallait s'interroger sur le plafonnement ou la suppression des niches...

Mme Nicole Bricq.  - Cela fait trois ans !

M. Denis Badré.  - Le rapport de M. Houel souligne que l'Assemblée nationale en a débattu avant de décider de ne rien trancher mais il semble, en le lisant, que M. Houel n'est pas complètement défavorable à cet amendement. Nous ne pouvons nous contenter de passer cette question par pertes et profits. Laissons vivre cette affaire jusqu'à la commission mixte paritaire car il n'est pas possible de s'engager le coeur léger dans la constitution d'une nouvelle niche.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vous faites une découverte pour l'entreprise individuelle mais qu'en est-il de l'entreprise unipersonnelle et pourquoi cette différence ?

M. Denis Badré.  - Il y a un commencement à tout...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il ne s'agit pas d'une niche.

Mme Nicole Bricq.  - Une niche, c'est une dépense sociale ou fiscale non compensée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Après le débat à l'Assemblée nationale, nous avons estimé qu'il n'était pas possible de modifier l'équilibre trouvé, calé sur celui de l'entreprise unipersonnelle. Mais le ministre saura vous convaincre plus sûrement que moi.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n°20. Vous souhaitez limiter la fraude...

M. Richard Yung.  - Exactement !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Or, paradoxalement, votre amendement supprime la clause anti-abus : il va à contre-courant de la position que vous affichez en ouvrant le champ à d'éventuels abus. Quant à l'amendement n°4 rectifié bis...

M. Denis Badré.  - Il est plus équilibré !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - ...M. Hyest a raison de plaider pour l'équilibre actuel. Si nous ne respectons pas l'équilibre entre le statut de l'entrepreneur individuel et celui de l'entrepreneur unipersonnel, comment donner sa chance au statut que nous créons en commençant par le désavantager ? Ce serait lui mettre des semelles de plomb ! En outre, l'EURL peut opter pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés sans aucune clause anti-abus : la prévoir ici créerait un désavantage. Il est nécessaire d'exprimer un seuil en pourcentage pour les entreprises nouvelles faiblement capitalisées. Les situations sont très diverses. Je pense aux prestations intellectuelles, dont les bénéfices, parfois importants, ne pourraient être redistribués sous forme de dividendes en exonération de cotisations sociales. Il faut pouvoir y procéder raisonnablement dans tous les secteurs. Nous en avons discuté à l'Assemblée nationale, qui a décidé de s'en tenir à l'équilibre du texte du Gouvernement. J'invite le Sénat à faire de même.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

M. Michel Houel, rapporteur pour avis.  - Le seuil de 10 % a cet avantage qu'il permet à l'entrepreneur de laisser des fonds propres dans l'entreprise, ce que les banquiers adorent. Rien que pour cela, l'amendement mérite de ne pas être suivi.

Mme Nicole Bricq.  - On ne peut pas entendre l'après-midi le Premier ministre dire qu'il faut tout mettre en oeuvre pour plafonner globalement les niches ou les examiner une à une et en créer le soir. Qui peut le plus peut le moins : l'amendement de MM. Badré, Marini et Jégou ne va pas aussi loin que le nôtre mais il va dans le bon sens et nous le voterons.

M. Jean Arthuis.  - Ce débat illustre toutes nos contradictions. Transformer en dividende un résultat qui aurait pu devenir un salaire n'est pas neutre par rapport au bouclier fiscal car, pour un dividende de 100, l'abattement est de 40. Certes, l'entreprise individuelle à responsabilité limitée reprend l'entreprise unipersonnelle mais n'aurait-il pas convenu d'abroger celle-ci pour créer celle-là ? Le temps est venu d'essayer de mettre de l'ordre dans cet enchevêtrement de dérogations et de spécificités qui ruinent le pacte républicain. Car où est l'égalité devant l'impôt ? J'avoue ma perplexité... Cet amendement est bon, je le voterai.

M. Denis Badré.  - Le débat est compliqué et gouverner, c'est choisir. J'ai entendu les arguments du ministre, qui sont fondés ; il a entendu les nôtres. La discussion a été engagée à l'Assemblée nationale qui a, pour sa part, choisi de ne pas toucher à l'équilibre qui avait été atteint et de laisser le texte en l'état. Mais c'était avant le débat sur l'équilibre des comptes publics et la suppression des niches fiscales. On ne peut pas faire comme s'il n'avait pas été ouvert : le temps de créer de nouvelles niches fiscales n'est pas venu ! Laissons prospérer ce débat jusqu'à la commission mixte paritaire qui saura peser le pour et le contre. Le temps n'est pas tout à fait venu de trancher entre des termes fort bien posés par M. Houel aux pages 31-33 de son rapport.

M. Philippe Dominati.  - Je suis aussi soucieux que vous du rétablissement des finances publiques. Mais ne perdons pas de vue le principe d'unicité. C'est le débat sur l'ensemble qui demande à être ouvert : ne l'entamons pas de biais, par un cas particulier.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le débat a eu lieu à l'Assemblée nationale, il est normal qu'il s'ouvre ici, et je remercie ceux qui le portent. Mais je ne veux pas laisser instrumentaliser le Premier ministre contre son secrétaire d'État : si navette il y a, c'est en plein accord avec le Premier ministre.

Je ne partage pas l'avis du président de la commission des finances. Il s'agit là d'un texte historique, réclamé depuis vingt-cinq ans (Mme Nicole Bricq s'exclame) par les représentants des artisans et de tous ceux qui trouvent scandaleux que des entrepreneurs individuels puissent, en cas de faillite, se retrouver à la rue. Dire que l'on altère, en tentant de l'empêcher, le pacte républicain ne me paraît pas approprié. Je veux, monsieur le président Arthuis, l'équité fiscale : il n'y a pas de raison de désavantager le statut au motif qu'il faudrait lui appliquer une clause anti-abus qui n'existe pas pour l'EURL. Que voulez-vous, M. Strauss-Kahn, quand il a créé cette forme de société, n'y avait pas pensé. Preuve que l'on peut être faillible et faire une belle carrière... Nous avons introduit une clause anti-abus qui déjà altère l'équité. Elle est largement satisfaisante, ainsi que l'a démontré, à l'Assemblée nationale, M. de Courson. Voilà les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement.

L'amendement n°4 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme Nicole Bricq.  - Encore une recette en moins !

L'article 4 est adopté.

Articles additionnels

L'amendement n°8 rectifié ter n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Arthuis.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 133-6-8-1 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les bénéficiaires du régime prévu à la présente section déclarent et acquittent les montants dus, même en l'absence de chiffre d'affaires ou de recettes effectivement réalisées, dans les conditions et sous les sanctions prévues par le présent code. Les modalités d'application des dispositions prévues aux chapitres 3 et 4 du titre 4 du livre deuxième du présent code, et notamment les majorations et pénalités applicables en cas de défaut ou de retard de déclaration ou de paiement, sont déterminées par décret en conseil d'Etat. En l'absence de déclaration ou de paiement pendant une période déterminée par décret, le bénéficiaire perd le bénéfice du régime.

« A l'exception des bénéficiaires recourant au régime prévu par la présente section dans le cadre d'une activité accessoire, le bénéfice du régime est accordé pour une durée de trois ans. »

II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2011.

M. Jean Arthuis.  - Cet amendement résulte de la table ronde que nous avons organisée, le 24 mars dernier, sur le statut d'auto-entrepreneur, que M. Novelli nous a fait l'honneur d'ouvrir, et dont nous avons retiré de nombreux enseignements. La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a institué ce statut pour favoriser les vocations d'entrepreneur et permettre des modes de collaboration qui avaient du mal à entrer dans la légalité. Hommage soit rendu au Gouvernement et au secrétaire d'État qui en ont eu l'initiative. Il est cependant apparu nécessaire de mieux identifier les différents auto-entrepreneurs. Un premier groupe, dont nous connaissons mal l'effectif, se compose de salariés qui trouvent là un complément de rémunération, de retraités, d'étudiants. Les créateurs d'entreprises forment un deuxième groupe, que le statut a aidé à franchir le premier pas sans subir un carcan réglementaire sans doute excessif. Les formalités sont de fait extrêmement simples. Un montant forfaitaire a été arrêté, de 34 100 euros pour les prestations de service et de 80 300 euros pour les commerçants. Mais il est apparu que sur les 375 000 comptes déclarés fin 2009, seuls 131 000 ont déposé une déclaration d'activité faisant apparaître leur chiffre d'affaires... Il serait sans doute opportun de rendre obligatoire la déclaration de revenus pour que l'administration, si elle le juge nécessaire, puisse procéder à des contrôles complémentaires et se faire une idée de la réalité. Il existe sans doute des auto-entrepreneurs déclarés qui n'ont aucun revenu... Toujours est-il que j''ai rencontré le directeur général de l'Acoss, soucieux de la collecte des cotisations dont vit notre protection sociale, qui est bien embarrassé, puisqu'il n'y a pas de déclarations...

Pour la catégorie des créateurs d'entreprises qui souhaitent développer leur activité, il me semble qu'il faudrait limiter le statut à trois ans. Car on peut craindre, à terme, que pour ne pas franchir le seuil fatal, ils ne soient tentés de brider leur développement, ou de se livrer à une part d'activité informelle.

Plus généralement, nous souhaitons que la simplification vaille pour tous, sans effet de seuil, et pas seulement pour l'auto-entrepreneur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je remercie M. Arthuis d'avoir exprimé ces incertitudes. Mais la commission des lois n'a pas été en mesure de traiter ce sujet. En dépit de la table ronde, beaucoup d'éléments nous manquent. Nous serons cependant en mesure d'évaluer plus avant le statut d'auto-entrepreneur, ainsi que nous y autorisent nos fonctions de parlementaires. Pourquoi retenir dès à présent une durée de trois ans ? Je conviens qu'il serait utile de disposer de toutes les déclarations, mais évitons d'agrémenter ce texte de considérations certes proches, mais sur lesquelles nous manquons d'assises. Faut-il enfin rappeler que l'idée du patrimoine d'affectation est pour la première fois apparue dans un rapport de 1985 sur l'EURL, dont l'auteur, M. Arthuis, regrettait que l'on n'en ait pas fait le choix au lieu de ce dernier statut : il devrait être aujourd'hui satisfait.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Le régime de l'auto-entreprise connaît un grand succès. Il a séduit plus de 400 000 Français. Et quelles sont les raisons de son succès ? Sa simplicité, sa souplesse, qui seraient remises en cause si l'on adoptait votre amendement. On sortirait du dispositif tous ceux qui vivent avec un chiffre d'affaires inférieur à 32 000 euros et ne souhaitent pas se développer davantage. Je pense aux mères de famille, mais aussi aux artisans, aux professions libérales, à tous ceux qui vivent, avec ce statut, mieux qu'ils ne vivraient comme salariés : n'oublions pas que le revenu moyen correspond à un Smic et demi. Pourquoi imposer des contraintes nouvelles alors que c'est la simplicité du dispositif qui a incité tant de nos concitoyens à franchir le pas ? Un seul chiffre en dira plus long que de longs discours : 40 % des auto-entrepreneurs sont des chômeurs. Le statut est donc éminemment social. (Mme Nicole Bricq s'indigne) C'est la seule option qui est laissée à ces personnes en difficulté en ces temps critiques : 160 000 chômeurs sont devenus des auto-entrepreneurs. Lisez donc les courriers, les pétitions que nous recevons.

La présidente de l'Adie, Mme Nowak, a lancé une pétition, à la suite du dépôt de cet amendement, contre la suppression du régime de l'auto-entrepreneur. Ensuite, il n'a jamais été question de limiter dans le temps le régime micro-fiscal, sur lequel est calé celui de l'auto-entrepreneur, qui existe depuis longtemps et concerne pas moins de 500 000 entrepreneurs. (Mme Nicole Bricq s'exclame) Modifier un régime, seulement quatorze mois après son démarrage, ce serait créer de l'instabilité juridique et envoyer un signal négatif d'autant que son maintien en l'état ne pose aucun problème de distorsion de concurrence. L'étude de l'ordre des experts-comptables, que vous connaissez bien, monsieur Arthuis, a clairement montré que les auto-entrepreneurs acquittent les mêmes charges que les autres entrepreneurs, mais dans un cadre simplifié. Soit, ils ne facturent pas la TVA, mais ils ne la déduisent pas non plus. Si concurrence il y a, elle n'est pas fiscale mais tient peut-être, comme vous l'avez évoqué durant la table ronde, monsieur Arthuis, à une simplification excessive et déloyale. Plutôt que de compliquer le régime de l'auto-entrepreneur, je vous propose d'ouvrir le chantier de la simplification pour les 1,5 million d'entrepreneurs individuels. Pour exemple, nous avons ouvert à tous les entrepreneurs individuels la possibilité de s'enregistrer en ligne en 2010, ouverte aux auto-entrepreneurs depuis le 1er juillet 2009. Nous devons aller plus loin.

Avant de modifier ce régime, évaluons-le. Le comité de pilotage a été réuni, l'étude d'impact sera rendue fin juin. Celui-ci, je le répète, doit conserver toute sa simplicité. Pourquoi rendre obligatoire la déclaration de chiffre d'affaires quand le chiffre d'affaires est nul ? Une non-déclaration équivaut à une déclaration nulle et peut faire, de surcroît, l'objet d'un contrôle. Monsieur Arthuis, vous avez le souci louable de contrôler l'application des lois sur le terrain. Je vous donne rendez-vous en juillet lorsque nous disposerons des résultats des évaluations. Retrait ?

Mme Nicole Bricq.  - Le groupe socialiste a combattu le statut d'auto-entrepreneur lors de la LME pour des raisons qui tiennent à la philosophie du travail dans la société. Pour nous, ce régime alimente la précarité selon le principe des vases communicants : plus il y a de chômeurs, plus il y a d'auto-entrepreneurs. Et personne ne blâmera les pauvres salariés externalisés d'essayer de trouver des portes de sortie à leur précarité !

Le Sénat a commencé d'évaluer la LME, la commission des finances a tenu une table ronde. Contrairement à ce qu'a affirmé M. Hyest, nous avons donc eu le temps... (M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, s'exclame) Nous voterons l'amendement de M. Arthuis qui, au reste, constitue une proposition minimale.

Enfin, monsieur le ministre, de grâce !, ne nous dites pas qu'il est impossible de réformer avant d'avoir évalué. Franchement, après le coup de la réforme de la taxe professionnelle, cet argument de la part du Gouvernement n'est plus recevable. Nous ne disposions, durant les débats sur le budget pour 2010, d'aucune évaluation ! Cet épisode est encore frais dans nos mémoires. (Mme Odette Terrade approuve) L'amendement de M. Arthuis apporte un petit garde-fou, nous le voterons !

M. Richard Yung.  - Monsieur le ministre, l'instabilité juridique et fiscale provient également de la multiplication des statuts. Un véritable millefeuille loin de la simplicité que vous prisez tant ! En outre, les artisans, en particulier du BTP, se plaignent de la concurrence déloyale des auto-entrepreneurs qui proposeraient un tarif horaire inférieur environ de 10 euros au leur. Pour finir, vous avez évoqué les personnes pour qui le statut d'auto-entrepreneur apporte un complément de revenus utile, comme les étudiants ou les retraités. Or M. Arthuis les a justement exclues du champ de son amendement. Rien ne s'oppose donc à l'adoption de cet amendement.

M. Jacques Mahéas.  - Monsieur le ministre, nous ne vivons pas dans le même monde ! Vous vous êtes livré à un panégyrique du statut de l'auto-entrepreneur. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ils sont plus de 400 000 ! A ceci près, et vous l'avez au reste reconnu, qu'ils sont peu à profiter véritablement de leur travail puisque la plupart ne déclarent pas. Permettez-moi de vous donner l'exemple d'un homme de plus de 60 ans qui travaille dans le BTP. Son patron lui a conseillé de prendre sa retraite et de s'installer comme auto-entrepreneur pour prendre en charge quelques petits travaux... qu'il lui donnera ! Tout le monde y gagne, sauf les caisses de l'État et la concurrence de cet artisan qui, elle, déclare. Avec ce statut, vous déstructurez le monde du travail. Il est bon que M. Arthuis mette un peu d'ordre d'autant que ce statut est la face cachée de l'augmentation considérable de l'explosion du chômage qui atteint, dans mon département de Seine-Saint-Denis, plus de 10,6 % !

M. Jean Arthuis.  - Monsieur le ministre, je vous ai écouté. J'attendrai le rendez-vous de juillet pour fixer la durée durant laquelle ce statut peut être invoqué.

On a besoin d'une déclaration, faute de quoi on ne pourra rien évaluer !

Comme j'ai entendu la commission, je rectifie mon amendement en n'en gardant que le premier alinéa.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié bis, présenté par M. Arthuis.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 133-6-8-1 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les bénéficiaires du régime prévu à la présente section déclarent et acquittent les montants dus, même en l'absence de chiffre d'affaires ou de recettes effectivement réalisées, dans les conditions et sous les sanctions prévues par le présent code. Les modalités d'application des dispositions prévues aux chapitres 3 et 4 du titre 4 du livre deuxième du présent code, et notamment les majorations et pénalités applicables en cas de défaut ou de retard de déclaration ou de paiement, sont déterminées par décret en conseil d'État. En l'absence de déclaration ou de paiement pendant une période déterminée par décret, le bénéficiaire perd le bénéfice du régime.

II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2011.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je maintiens la position de la commission : nous traitons de l'EIRL, point final.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Même avis défavorable.

L'amendement n°26 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°7 rectifié ter devient sans objet.

Article 5

I.  -  Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour adapter au patrimoine affecté de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée les dispositions du livre VI du code de commerce relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises et aux responsabilités et sanctions encourues par l'entrepreneur à cette occasion, afin de permettre à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée de bénéficier des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, et procéder aux harmonisations nécessaires en matière de droit des sûretés, de droit des procédures civiles d'exécution et de règles applicables au surendettement des particuliers.

Le projet de loi ratifiant cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance.

II.  -   (Non modifié) Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi permettant, d'une part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie pour celles qui relèvent de la compétence de l'État et, d'autre part, de procéder aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le projet de loi ratifiant cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

M. Richard Yung.  - Nous n'aimons pas les ordonnances, d'autant moins quand le projet de loi est soumis en urgence. Le Conseil constitutionnel exige d'ailleurs que les ordonnances soient justifiées avec précision par le Gouvernement.

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Alinéa 1

Après les mots :

permettre à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée

insérer les mots :

d'adhérer à un groupement de prévention agréé et

et après le mot :

procédures

insérer les mots :

de prévention des difficultés des entreprises, du mandat ad hoc, de conciliation,

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - J'adhérerais volontiers à l'amendement de M. Yung si celui-ci nous précisait toutes les conditions d'application de l'EIRL.

M. Richard Yung.  - On pourrait le faire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Mais vous ne l'avez pas fait, si bien qu'il y a un vide juridique à combler.

Notre amendement précise encore davantage les choses car nous aussi répugnons aux ordonnances. Le mieux est donc d'encadrer au plus près l'habilitation, ce que nous avons fait. Nous avons en outre mis une limite de six mois.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Défavorable à l'amendement n°21 et favorable au n°41.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

L'amendement n°41 est adopté.

L'article 5, modifié, est adopté

Article 6

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati, Cornu, Beaumont et Lefèvre.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. Après le premier alinéa de l'article L. 526-1 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune publication de la déclaration mentionnée au premier alinéa ne peut intervenir à compter de la publication de l'ordonnance prévue au I de l'article 5 de la loi n°         du                relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. »

II. L'article L. 526-1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un entrepreneur peut cumuler les effets de la déclaration mentionnée à l'article L. 526-6 et ceux de la déclaration d'insaisissabilité mentionnée au présent article, y compris pour une même activité. »

M. Philippe Dominati.  - L'EIRL offre un dispositif de protection patrimoniale complet et il n'est donc pas nécessaire de conserver l'insaisissabilité de la résidence principale. Amendement de clarification et de simplification du droit.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'était dans le projet initial du Gouvernement mais la commission n'est pas du tout d'accord.

Une étude d'impact évoque 100 000 EIRL. Quid des autres ? Vous allez les interdire ? L'amendement Arthuis me paraissait prématuré. Le dispositif d'insaisissabilité existe depuis peu de temps ; laissons-lui le temps de faire ses preuves. Je regretterais que l'avancée que nous avions faite alors disparaisse, ou bien que l'on contraigne tout le monde à passer au statut d'EIRL. Je sais bien que ce statut est plus protecteur que celui de l'insaisissabilité mais laissons les gens libres de choisir !

Le Gouvernement, dans cette affaire, se montre trop cartésien, comme M. Dominati qui, parfois, pense comme le Gouvernement. (Sourires)

M. Philippe Dominati.  - Pas toujours. Demandez à M. Blanc !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est favorable à l'amendement Dominati, qui reprend son texte initial. Ne lui demandez pas de se contredire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il pourrait avoir évolué.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - La logique dans laquelle s'inscrit le Gouvernement est celle d'un succès de l'EIRL. Nous croyons dans ce statut, qui est plus protecteur que celui de l'insaisissabilité. Je le sais bien pour avoir été le rapporteur du texte la créant, en 2003. On pensait alors impossible la création de quelque chose comme l'EIRL. Maintenant, nous l'avons. Il n'y a que 20 000 déclarations d'insaisissabilité sur un million d'entreprises individuelles...

Le Gouvernement reste fidèle à son texte initial.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°30 rectifié bis, mis aux voix par assis et levé, est adopté et l'article 6 est rétabli.

Article 6 bis A

I. - L'ordonnance n°2005-722 du 29 juin 2005 relative à la création de l'établissement public OSEO et à la transformation de l'établissement public Agence nationale de valorisation de la recherche en société anonyme est ainsi modifiée :

1° Dans l'intitulé de l'ordonnance, les mots : « et à la transformation de l'établissement public Agence nationale de la valorisation de la recherche en société anonyme » sont remplacés par les mots : « et de la société anonyme OSEO » ;

2° Les articles 1 et 2 sont ainsi rédigés :

« Art. 1er. - L'établissement public OSEO agit directement ou par l'intermédiaire de ses filiales.

« Il a pour objet de :

« 1° Promouvoir et soutenir l'innovation notamment technologique ainsi que de contribuer au transfert de technologies ;

« 2° Favoriser le développement et le financement des petites et moyennes entreprises.

« L'État, par acte unilatéral ou par convention, les collectivités territoriales ainsi que leurs établissements publics, par convention, peuvent confier à l'établissement des missions d'intérêt général compatibles avec son objet. L'établissement public peut exercer ces missions soit directement soit dans le cadre de conventions passées à cet effet, par l'intermédiaire de ses filiales.

« Art. 2. - Par dérogation aux dispositions des articles 5 et 10 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, l'établissement public OSEO est administré par un conseil d'administration ainsi composé :

« 1° Un président nommé par décret ;

« 2° Cinq représentants de l'État nommés par décret.

« Un décret en Conseil d'État fixe les statuts de l'établissement public OSEO. » ;

3° L'article 3 est abrogé ;

4° La dernière phrase du troisième alinéa de l'article 5 est supprimée ;

5° Le chapitre II est ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Organisation de la société anonyme OSEO

« Art. 6. - I.  - La société anonyme OSEO a notamment pour objet d'exercer les missions d'intérêt général suivantes :

« 1° Promouvoir la croissance par l'innovation et le transfert de technologies, dans les conditions mentionnées à l'article 9 ;

« 2° Contribuer au développement économique en prenant en charge une partie du risque résultant des crédits accordés aux petites et moyennes entreprises ;

« 3° Contribuer aux besoins spécifiques de financement des investissements et des créances d'exploitation des petites et moyennes entreprises.

« La société anonyme OSEO est habilitée à exercer en France et à l'étranger, elle-même ou par l'intermédiaire de ses filiales ou des sociétés dans lesquelles elle détient une participation, toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à son objet tel que défini par la loi, ainsi que toute autre activité prévue par ses statuts.

« L'État, par acte unilatéral ou par convention, et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, par convention, peuvent confier à la société anonyme OSEO d'autres missions d'intérêt général compatibles avec son objet.

«  II. - L'État et l'établissement public OSEO détiennent plus de 50 % du capital de la société anonyme OSEO.

« III. - Les modalités d'exercice par la société anonyme OSEO de ses missions d'intérêt général sont fixées par un contrat d'entreprise pluriannuel conclu, par dérogation à l'article 140 de la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, entre l'État, l'établissement public OSEO et la société anonyme OSEO.

« Art. 7. - Par dérogation aux articles 6 et 10 de la loi n°83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, le conseil d'administration de la société anonyme OSEO comprend quinze membres :

« 1° Le président du conseil d'administration de l'établissement public OSEO, président ;

« 2° Quatre représentants de l'État nommés par décret ;

« 3° Trois personnalités choisies en raison de leur compétence en matière de développement et de financement des entreprises et d'innovation, nommées par décret ;

« 4° Trois membres désignés par l'assemblée générale des actionnaires ;

« 5° Quatre représentants des salariés élus dans les conditions prévues par le chapitre II du titre II de la loi du 26 juillet 1983 susmentionnée.

« Les délibérations du conseil d'administration de la société anonyme OSEO qui portent directement ou indirectement sur la mise en oeuvre des concours financiers de l'État ne peuvent être adoptées sans le vote favorable des représentants de l'État mentionnés au 2°.

« L'article L. 225-38 du code de commerce ne s'applique pas aux conventions conclues entre l'État et la société anonyme OSEO en application des I et III de l'article 6.

« Art. 8. - Un commissaire du Gouvernement est nommé auprès de la société anonyme OSEO. Un décret précise les conditions dans lesquelles le commissaire du Gouvernement peut s'opposer, pour les activités mentionnées au 1° du I de l'article 6, aux décisions des organes délibérants.

« Art. 9. - I. - La société anonyme OSEO est organisée afin que l'activité mentionnée au 1° du I de l'article 6 soit exercée de manière distincte de ses autres activités. A cet effet :

« 1° La dotation de fonctionnement versée par l'État à la société anonyme OSEO au titre de cette activité ne peut être affectée qu'aux coûts que cette activité engendre ;

« 2° Le conseil d'administration de la société anonyme OSEO fixe, dans des conditions fixées par voie réglementaire, le plafond d'intervention au titre de chaque exercice, notamment sous forme de subventions publiques ou d'avances remboursables ;

« 3° Les résultats dégagés grâce à l'utilisation de dotations publiques versées à la société anonyme OSEO au titre de cette activité sont reversés aux financeurs publics ou réaffectés à ladite activité.

« II. - La société anonyme OSEO établit un enregistrement comptable distinct pour les opérations qu'elle réalise au titre des activités mentionnées au 1° du I de l'article 6. La société anonyme OSEO tient une comptabilité analytique distinguant les activités respectivement mentionnées aux 1°, 2° et 3° du I de l'article 6, dont les principes sont déterminés par le conseil d'administration après avis d'un comité spécialisé tel que prévu à l'article L. 823-19 du code de commerce et sont soumis à approbation par le commissaire du Gouvernement.

« Une ou plusieurs conventions entre l'État et la société anonyme OSEO précisent les modalités selon lesquelles cet enregistrement et cette gestion comptable sont effectués ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont contrôlés et certifiés par un ou plusieurs commissaires aux comptes.

« III. - A l'exception de l'État, aucun titulaire de créances sur la société anonyme OSEO nées d'activités autres que celles mentionnées au 1° du I de l'article 6 ne peut se prévaloir d'un droit quelconque sur les biens et droits ressortissant à l'enregistrement distinct établi en application du paragraphe II du présent article.

« Art. 10. - Les statuts de la société anonyme OSEO sont approuvés par décret.

« Les statuts de la société anonyme OSEO pourront ultérieurement être modifiés dans les conditions prévues pour les sociétés anonymes. » ;

6° Le chapitre III est abrogé.

II. - La société anonyme OSEO résulte de la fusion par absorption au sein de la société anonyme OSEO financement, anciennement dénommée OSEO BDPME, des sociétés anonymes OSEO garantie, anciennement dénommée OSEO SOFARIS, OSEO innovation, anciennement dénommée OSEO ANVAR, et OSEO Bretagne.

Les fusions par absorption au sein de la société OSEO financement des sociétés OSEO Bretagne, OSEO garantie et OSEO innovation ne donnent lieu à la perception d'aucun impôt, droit, taxe, salaire des conservateurs des hypothèques, honoraires, frais, émolument et débours des notaires et des greffiers des tribunaux de commerce.

Les actes des fusions susmentionnées rendent de plein droit opposable aux tiers le transfert à la société absorbante des actifs mobiliers des sociétés absorbées ainsi que leurs sûretés, garanties et accessoires, sans autre formalité que celles requises pour la radiation des sociétés absorbées. Il en est de même en ce qui concerne les actifs immobiliers des sociétés absorbées ainsi que leurs sûretés, garanties et accessoires.

Les formalités de publicité foncière des transferts à la société absorbante des biens immobiliers des sociétés absorbées prévues dans le cadre des fusions précitées sont accomplies au plus tard un an après la publication du décret approuvant les statuts de la société anonyme OSEO.

III. - Les références à OSEO innovation, OSEO financement, OSEO garantie, OSEO Bretagne, OSEO ANVAR, OSEO SOFARIS et OSEO BDPME sont remplacées par une référence à la société anonyme OSEO dans toutes les dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

IV. - La participation de la région Bretagne au capital d'OSEO Bretagne devient une participation au capital de la société anonyme OSEO.

V. - Les I à IV du présent article entrent en vigueur le lendemain de la publication du décret approuvant les statuts de la société anonyme OSEO qui intervient au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de la publication de la présente loi.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Odette Terrade.  - La majorité parlementaire entend profiter de l'examen de ce texte pour faire adopter la réforme d'Oséo. Le projet de réforme de cet organisme était contenu dans un projet de loi sur la régulation bancaire et financière, déposé à l'Assemblée nationale en décembre 2009 mais non encore discuté ni devant cette chambre ni devant la nôtre. Nous sommes donc bien face à un cavalier, d'origine sénatoriale celui-ci. Il faut bien rappeler que ce projet de loi, lors de son passage au Palais Bourbon, donna lieu à de très vifs échanges tant il était truffé de cavaliers d'origine gouvernementale.

Si cet amendement est adopté, les députés ne débattront pas du principe même de la réforme !

Vous prétendez qu'il est urgent de réformer Oséo, or le projet de loi prévoit que cette réforme n'entrera pas en vigueur avant un an : à croire que vous voulez la bloquer !

Les trois sociétés anonymes, Oséo Financement, Garantie et Innovation, seraient fusionnées en une seule ; l'État et Oséo détiendraient 50 % du capital. L'exemple de La Poste n'augure rien de bon pour les entrepreneurs... Enfin, votre projet abandonne l'essentiel de la réforme à des décrets en Conseil d'État, ce qui n'est guère rassurant.

La réforme doit permettre à Oséo d'augmenter son implication financière aux côté des entrepreneurs, mais rien ne garantit une augmentation des couvertures financières proposées aux entrepreneurs individuels. Ce projet de réforme doit être remis à plat. Le dispositif d'accompagnement des entreprises comme leur accès au crédit sont fondamentaux.

M. le président.  - Amendement identique n°22, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Les banques commerciales doivent prendre leur part du fardeau du financement de l'économie. Le projet de loi de régulation bancaire, qui prévoit la réforme d'Oséo, n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour : malgré les déclarations du Gouvernement, ce n'est manifestement pas une priorité !

Cet article est un cavalier ; ni les députés, ni la commission des finances du Sénat ne l'auront examiné. Quelle part de la société anonyme unique sera réservée à l'actionnaire public ? Que se passera-t-il en cas d'augmentation du capital ? Qu'adviendra-t-il de l'Agence nationale de valorisation de la recherche, chargée d'encourager l'innovation ? Sur ces points, le rapport de la commission est bien laconique. Nous proposons de supprimer ce cavalier, d'origine parlementaire mais sans doute commandé...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Compte tenu du soutien d'Oséo aux petites entreprises, cet article, introduit par la commission pour avis, a toute sa place dans le texte. Défavorable aux amendements de suppression.

M. Michel Houel, rapporteur pour avis.  - Oséo sera au coeur de l'accompagnement des EIRL. Son efficacité dépendra de son organisation. La réforme est prête depuis des mois : il serait dommage de la reporter simplement parce que le projet de loi de régulation a pris du retard ! Une garantie à 70 % sur un prêt bancaire, c'est à saisir sans tarder si l'on veut la réussite de l'EIRL !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Défavorable aux amendements de suppression. La fusion des trois entités d'Oséo, annoncée depuis début 2009, permettra un meilleur service, avec un guichet unique pour les entreprises, et 4 millions d'économies par an.

Sachant le rôle d'Oséo pour les entreprises individuelles et les PME, c'est loin d'être un cavalier : les cofinancements bancaires ont permis la création de 35 584 entreprises en 2008 ; 24 000, dont 10 000 entreprises individuelles, bénéficiaient du prêt à la création d'entreprise.

Nous sommes au coeur du débat sur la création de l'EIRL. La garantie de 70 % sur les prêts bancaires dissuadera les banques de demander aux entrepreneurs individuels des cautions personnelles.

Les fonds propres d'Oséo seront augmentés de 500 millions par le grand emprunt ; il y aura au total 1 milliard de financement supplémentaire pour les PME et entreprises individuelles.

L'amendement n°5, identique à l'amendement n°22, n'est pas adopté.

L'article 6 bis A est adopté.

Article 6 bis

L'article L. 313-21 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « entreprise », le mot : « et » est remplacé par les mots : « ou de solliciter une garantie auprès d'un autre établissement de crédit, d'une entreprise d'assurance habilitée à pratiquer les opérations de caution ou d'une société de caution mutuelle mentionnée aux articles L. 515-4 à L. 515-12. L'établissement de crédit » ;

2° Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Ces garanties ne peuvent porter que sur la part du concours financier non garantie par un autre établissement de crédit, une entreprise d'assurance ou une société de caution mutuelle. »

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Houel, au nom de la commission de l'économie.

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

M. Michel Houel, rapporteur pour avis.  - Cet amendement, qui limite la possibilité qu'ont les banques de prendre des sûretés sur les entrepreneurs, devrait plaire sur tous les bancs. Dans le texte actuel, le coût du risque repose uniquement sur Oséo, donc sur le contribuable. Oséo interviendrait au niveau de la perte initiale, non de la perte finale ; les banques ne prendraient plus du tout de risques ! Nous supprimons ces alinéas au nom de la moralité et de l'efficacité économique.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission des lois est favorable à la suppression de cette disposition dont les effets pervers avaient été mal évalués lors de son adoption à l'Assemblée nationale.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

Mme Odette Terrade.  - Ce projet de loi n'améliore en rien la position des entrepreneurs face aux banques. L'objectif était pourtant de limiter le risque d'entreprendre, en créant le patrimoine d'affectation, distinct du patrimoine personnel.

Cette frêle digue reste théorique car les banques réclament des sûretés sur l'ensemble du patrimoine des débiteurs et même de leurs conjoints, de l'aveu même de M. Houel. L'article inséré par les députés est inopérant : son seul effet est de modifier la répartition des risques entre les banques et Oséo. Quoi qu'il en soit, les premières continueront à se retourner en premier lieu contre les emprunteurs.

D'une manière plus générale, l'efficacité de cet organisme laisse à désirer, car la garantie qu'il propose ne porte pas sur 70 % des sommes empruntées mais sur 70 % des pertes finales restantes après que le créancier a fait jouer toutes ses garanties. Les banques sont même encouragées à réclamer des sûretés exorbitantes à leurs débiteurs.

Il vaudrait mieux autoriser les créanciers à se retourner d'abord contre Oséo, leur interdire de demander des garanties sur le patrimoine personnel de leurs débiteurs, et réformer Oséo en profondeur.

L'amendement n°3 est adopté.

L'article 6 bis, modifié, est adopté, ainsi que l'article 7.

Article 8

I.  -  L'article L. 112-2 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° à la seconde phrase du premier alinéa, après les mots : « activités commerciales », sont insérés les mots : « ou artisanales » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Est également réputée en relation directe avec l'objet d'une convention relative à un immeuble toute clause prévoyant, pour les activités autres que celles visées au premier alinéa ainsi que pour les activités exercées par les professions libérales, une indexation sur la variation de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques dans des conditions fixées par décret. » ;

3° Au deuxième alinéa, les mots : « du précédent alinéa » sont remplacés par les mots : « des deux premiers alinéas ».

II.  -  L'article L. 112-3 du même code est ainsi modifié :

1°A  Au premier alinéa, les mots : « du premier alinéa » sont remplacés par les mots : « des deux premiers alinéas » ; 

1° Au 9°, après les mots : « activités commerciales », sont insérés les mots : « ou artisanales » ;

2° Il est ajouté un 10° ainsi rédigé :

« 10° Les loyers prévus par les conventions portant sur le local à usage des activités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 112-2. »

III.  -  L'article L. 145-34 du code de commerce est ainsi modifié :

1° à la première phrase du premier alinéa, les mots : « s'il est applicable, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux mentionné au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas » ;

2° à la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « s'il est applicable, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux » sont remplacés par les mots : « s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires ».

IV.  -  Au troisième alinéa de l'article L. 145-38 du même code, les mots : « s'il est applicable, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux mentionné au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas ».

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Richard Yung.  - Cet article, qui crée un nouvel indice de référence pour les loyers des activités tertiaires, n'a aucun lien avec l'EIRL : c'est un cavalier caractérisé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Non pas : le nouvel indice pourra être utilisé en particulier par les professionnels libéraux. Avis défavorable.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°23 rectifié n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2007/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, concernant l'exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées.

L'ordonnance est prise dans un délai de six mois suivant la publication de la présente loi.

Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Je vous demande d'habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive européenne du 11 juillet 2007 relative aux droits des actionnaires des sociétés cotées. Cela évitera à la France d'être condamnée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission est embarrassée : le lien de cet amendement avec le projet de loi est ténu...

M. Richard Yung.  - Inexistant !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ...mais l'Assemblée nationale a déjà voté cette habilitation dans le cadre de la proposition de loi de simplification du droit, que l'emmêlement de l'ordre du jour ne nous a pas encore permis d'examiner. La révision constitutionnelle a eu des effets pervers...

Mme Nicole Bricq.  - Pour le moins !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - ...que le Sénat avait anticipés. Quoi qu'il en soit, la France est sous le coup d'un recours en manquement, et la directive porte sur des matières assez simples. Sagesse positive.

M. Richard Yung.  - Que le Sénat soit sage si le Gouvernement ne l'est pas ! Cet amendement relatif aux sociétés cotées n'a rien à voir avec l'EIRL. Que le Gouvernement se hâte de transposer cette directive à l'expiration du délai limite témoigne de sa mauvaise gestion.

A la suite d'une épreuve à main levée, déclarée douteuse, l'amendement n°36, mis aux voix par assis et levé, est adopté et devient un article additionnel.

L'article 9 demeure supprimé

Article 10

À l'exception des articles 7 et 8, la présente loi entre en vigueur à compter de la publication de l'ordonnance prévue au I de l'article 5.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Remplacer les références :

7 et 8

par les références :

1er bis AA, 1er bis A, 3 bis, 6 bis A, 6 bis, 7, 8 et 8 bis

L'amendement n°42 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté, ainsi que l'article 10, modifié.

Vote sur l'ensemble

M. Richard Yung.  - Nous avons abordé ce débat dans un esprit constructif, car nous pensons nous aussi qu'il faut encourager le développement des entreprises individuelles. La création du patrimoine d'affectation est une bonne chose. Mais je crois que le vrai problème en France n'est pas tant de créer des petites entreprises -beaucoup s'en créent chaque année- que de les faire croître.

Nous sommes d'ailleurs réticents face à l'empilement des statuts : il sera difficile d'y voir clair parmi les cinq ou six types d'entreprises individuelles.

Nous avons exprimé notre inquiétude sur la question des patrimoines affectés multiples et face à la création de nouvelles niches fiscales et sociales, alors même que le Gouvernement prétend lutter contre leur prolifération : le Premier ministre s'y est encore engagé cet après-midi. Nous nous sommes enfin émus de l'insertion de plusieurs cavaliers.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte, à regret.

A la demande du groupe UMP, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 297
Majorité absolue des suffrages exprimés 149
Pour l'adoption 158
Contre 139

Le Sénat a adopté.

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du Règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire : comme titulaires, MM. Hyest, Houel, Pillet, Zocchetto, Yung et Mmes Klès et Borvo Cohen-Seat, avec pour titulaires Mmes Des Esgaulx, Escoffier ; MM. Détraigne, Lefèvre, Peyronnet, Sueur et Vial

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le Président du Sénat en aura été informé.

Grand Paris (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous poursuivons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris.

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Je vous propose, soit de reporter cet examen à demain matin, puisqu'il est presque minuit, soit de finir l'examen de l'article 3, étant donné que nous en sommes parvenus aux explications de vote sur les trois amendements identiques nos29, 75 et 126.

Mmes et MM. les sénateurs décident de poursuivre l'examen du texte.

Article 3 (Suite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous protestons contre les conditions d'examen de ce texte. La procédure accélérée était-elle nécessaire, alors que la plupart des mesures concernées nécessiteront des ordonnances ? Nous avons interrompu notre discussion à midi, nous la reprenons à minuit, cette façon de faire démontre bien peu de respect envers le travail du Parlement, mais aussi des nombreuses personnalités que nous avons auditionnées. Monsieur le président, comment la suite du débat sera-t-elle organisée ?

M. le président.  - Je prends acte de votre observation. Nous allons ce soir terminer l'examen de l'article 3, nous reprendrons ce texte demain matin, après-midi et soir ; pour finir en apothéose, c'est M. Larcher lui-même qui me remplacera vers minuit, si besoin est, m'arrachant ainsi à votre affection. (Sourires)

Nous reprenons donc les explications de vote aux amendements identiques nos29, 75 et 126

M. David Assouline.  - M. le secrétaire d'État a jugé Arc Express passéiste et il en suspend, de façon autoritaire, le débat public lui-même, pour faire place nette à la double boucle. La double boucle n'intègre en rien le projet régional, mais lui déclare plutôt la guerre. Or, la région a initié le projet Arc Express dès mars 2007, la concertation a durée une année, un maillage des zones les plus denses a été élaboré, avec 40 stations nouvelles espacées de 1 500 mètres en moyenne, contre 4 kilomètres dans la double boucle. Vous ne vouliez pas d'Arc Express avant les régionales, et le vote populaire ne vous fait pas changer d'avis : vous n'en tenez même aucun compte ! Et vous osez encore prétendre respecter les collectivités locales ? Faire preuve d'ouverture ?

Nous nous opposons sur le projet, sur la conception même des déplacements en Ile-de-France, c'est une chose, mais là, vous lancez une machine de guerre contre la décentralisation, contre la volonté même d'une région ! La commission nationale du débat public, hier, a pourtant accepté la poursuite du débat sur Arc Express, dès lors qu'il serait en cohérence avec le projet de l'État : pourquoi ne pas l'avoir accepté ? Nous espérons que, ce soir, vous reviendrez sur votre position !

M. Philippe Dallier.  - Quels que soient les arguments utilisés, cette disposition, qui ne figurait ni dans le texte du Gouvernement ni dans celui de l'Assemblée nationale, apparaîtra comme une mauvaise manière. Elle ne fera qu'envenimer les relations entre l'État et la région et sans doute que retarder les projets des uns et des autres, au détriment des populations. Est-ce par souci d'économie que vous voulez interrompre le débat manu militari ? Nous n'en sommes heureusement pas là... La CNDP avait pris la précaution de préciser que le débat devait tenir compte du projet du Gouvernement. Un travail sérieux aurait pu être mené pour éclairer le public sur l'intérêt des deux projets. Voyez le débat sur le Charles-de-Gaulle express : le débat a fait évoluer les choses et mis au jour de nouvelles options, plus efficaces et moins coûteuses.

Pour les habitants de l'est parisien, des portions d'Arc Express demeureront nécessaires, par exemple la liaison Val-de-Fontenay  -  Noisy-le-Sec. Les élus locaux de droite comme de gauche nous ont saisis et nous ont fait part de leur étonnement ; je ne sais que leur répondre. Je regrette cette agressivité partagée entre l'État et la région.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Je vous ai bien écouté, monsieur le ministre, tenter de justifier l'injustifiable, l'arrêt par la loi d'un débat public ; c'est sans précédent. Vous voulez vous fonder sur des faits, des éléments objectifs et dépassionnés. A vous entendre, en matière de transport en Ile-de-France, tout a commencé avec le discours du Président de la République du 29 avril ; en relevant que la saisine de la CNDP par la région lui est postérieure, vous donnez le sentiment qu'elle est entachée d'illégalité, voire d'illégitimité. C'est absurde.

Pour nous, un discours du Président de la République ne suffit pas à arrêter un projet délibéré et voté par une collectivité territoriale -ou alors nous ne vivons pas dans la même République. L'avez-vous d'ailleurs bien lu, ce discours ? Le Président de la République, en déclarant que « si on additionne le plan de mobilisation de la région, qu'il faut mettre en oeuvre, et celui du grand métro automatique, ce sont 35 milliards d'euros qui seront dépensés », a en quelque sorte labellisé le projet de la région. Vous n'en tenez pas compte.

Arc Express a, lui, fait l'objet d'un débat public transparent, bien avant le fameux discours, y compris avec l'État, à une époque où vous n'étiez pas encore au Gouvernement. Le seul élément manquant, c'était le bouclage financier. J'ajoute qu'il est inscrit au Sdrif -c'est sans doute ce qui vous gêne. Il a été délibéré par la région et les huit départements franciliens ; pouvez-vous en dire autant du vôtre, dont on ne connaît rien ? Il est scandaleux que pour un projet de cette importance nous n'ayons pu disposer de plans un peu précis ; le seul document qui nous a été fourni, c'est un croquis tiré du dossier de presse accompagnant le discours du 29 avril -je vous renvoie à la page 19 du rapport. A aucun moment le Gouvernement ne nous a mis dans la situation de comparer Arc Express et la double boucle. C'est faire preuve d'un grand mépris pour la représentation parlementaire. A l'ignorance et au mépris des collectivités territoriales, vous ajoutez ce soir leur humiliation. Nous ne laisserons pas faire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Dominique Voynet.  - Je proteste très énergiquement contre le départ de nombreux sénateurs de droite qui, après avoir voté la poursuite du débat, sont allés se coucher, démontrant ainsi le respect dans lequel ils tiennent notre discussion. Hier, il a fallu attendre la fin du match Lyon-Bordeaux pour que l'UMP dispose d'une majorité et nous dispense de scrutins publics...

Vous avez adopté, monsieur le ministre, une attitude de jésuite, en faisant mine de vouloir poursuivre le débat avec un interlocuteur, la région, qui se déroberait. Est-il acceptable de décider par la loi qu'un débat public doit s'arrêter ? La CNDP a publié un communiqué pour protester contre la méthode retenue par le Gouvernement sur le Grand Paris. C'est une première. La commission a estimé qu'elle devait réagir pour voir respectés les termes de la loi. Vous l'avez entendue, semble-t-il, et avez intégré dans votre texte une consultation sous son égide ; mais pour vous venger de cette reculade, vous avez décidé, au lendemain de sa décision, de mettre un terme au débat sur Arc Express. Ce n'est ni raisonnable, ni respectueux de cette institution.

Mme Bariza Khiari.  - M. le ministre estime que le « Grand huit » permettra de désenclaver les territoires en difficulté de la République, qui ont été trop longtemps abandonnés. Je m'intéresse à ces questions, j'ai été sensible à cet argument qui concerne des populations reléguées, mises à l'écart des transports. Mais je peine à comprendre que vous souteniez qu'Arc Express et le « Grand huit » sont interchangeables ; rien n'est plus faux. Il est exact que la partie nord du premier projet est parallèle au second, mais celui-ci s'éloigne des zones denses, tandis que celui-là reste au coeur de la Seine-Saint-Denis et est connecté à toutes les fins de ligne du métro. Il aidera à désengorger la ligne 13, ce qui est une priorité.

Vous nous dites aussi que le Val-de-Marne sera prioritaire, mais je doute que Saint-Mandé, Saint-Maur ou Vincennes soient ces territoires perdus de la République que vous mettez en avant. Je conçois que ce département ait des besoins, mais je vous demande de ne pas vous servir des populations reléguées pour justifier vos choix. Elles seront les premières victimes de la hausse des prix de l'immobilier ; parce que vous n'avez pas su donner à M. Dallier les assurances qu'il vous demandait sur ce point, vous ne pouvez vous dire le héraut des plus fragiles.

On nous affirme qu'il faut faire les travaux le plus rapidement possible. Arc Express sera achevé en 2017, votre boucle en 2023. S'il y a urgence, le doute n'est pas permis car vous êtes en retard sur la région. Au lieu de concurrencer un exécutif régional brillamment reconduit, le bon sens serait de collaborer. Ne passez pas en force, joignez plutôt les deux tronçons d'Arc Express. Choisissez la concertation, ne soyez pas hégémonique. On a vu ce qu'a donné la précipitation dans les quartiers que vous avez évoqués. Faites un effort et montrez que vous tendez la main.

A la demande des groupes socialiste et UMP, les amendements identiques nos29, 75 et 126 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 332
Nombre de suffrages exprimés 331
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l'adoption 153
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Dominique Voynet.  - Je me rappelle votre arrivée au Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État. Nous avons attendu car vous aviez besoin de temps pour réfléchir dans la sérénité, voire dans la clandestinité. Puis nous avons été invités au ministère et de nombreux élus d'Ile-de-France se sont pressés dans vos salons, y compris M. Huchon qui avait pourtant été l'objet de propos peu amènes. Le buffet était somptueux, mais les mots nous ont laissé sur notre faim. Nous n'en savons pas beaucoup plus aujourd'hui : depuis deux ans, les élus ont sollicité le dialogue mais malgré leur expérience et leur expertise locale, ils ont essuyé une fin de non-recevoir.

Le schéma directeur de la région Ile-de-France a été adopté en septembre 2008 après une large concertation et une étude minutieuse des besoins de la population ; il a été transmis au Gouvernement. Il reste en souffrance du fait de votre refus de travailler avec les élus et de le transmettre au Conseil d'État. Vous niez le syndicat des transports d'Ile-de-France dont le patrimoine a été soustrait. Le sort réservé aux Franciliens et à leurs élus n'est pas plus enviable. Quant à la concertation et au débat public, vous avez voulu les exclure totalement de vote démarche. Vous avez négligé la convention d'Aahrus, les directives européennes, le code de l'environnement : la commission nationale du débat public était bannie et il a fallu qu'elle se batte pour qu'à la suite d'un éclat inhabituel, on prévoie son intervention. La situation n'est pas satisfaisante pour autant puisque vous voulez interrompre le débat démocratique. L'amendement n°241 vise donc à permettre qu'on intègre au moins au dossier de concertation les conclusions du débat sur Arc Express.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Je m'étais exprimé ce matin sur les trois amendements de suppression et le Sénat vient de trancher. L'amendement de Mme Voynet a reçu un avis défavorable pour trois raisons. Premièrement, comme l'a dit M. Carrez, la commission nationale du débat public, qui figure dans le texte -c'est un progrès-, ne peut elle-même, si elle est saisie de deux projets, choisir et les classer. (Vives protestations sur les bancs socialistes)

Mme Dominique Voynet.  - Il y a des commissions particulières !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Il faut qu'il soit dit ici qu'il n'y a pas de calendrier fixé pour Arc Express et que la commission nationale du débat public s'est contentée de dire qu'elle vérifierait la compatibilité...

M. David Assouline.  - Non !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Elle a dit qu'elle vérifierait la compatibilité, mais seule la loi peut classer les projets A et B !

Mme Nicole Bricq.  - On en est là ?

M. Jean-Pierre Caffet.  - On peut mettre les deux dossiers en même temps !

M. le président.  - Laissez parler le rapporteur, vous expliquerez votre vote !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - La commission a-t-elle établi un calendrier ? Non ! Elle vérifiera la compatibilité.

Deuxième argument, la vraie question est de savoir quel est le projet essentiel et de quel projet on doit intégrer des éléments techniques : le projet central est celui que propose le secrétaire d'État, celui de l'Arc express contenant des éléments techniques à intégrer.

Troisième argument, l'examen des deux projets a eu lieu. Le président de la RATP, celui de la SNCF, les représentants des syndicats d'ingénieurs ont été entendus. Il nous a semblé que le projet du secrétaire d'État contient trois atouts majeurs : il est raccordé aux aéroports ; il permet de valoriser le centre de Saclay, auquel il est raccordé ; il valorise, à l'est, des terrains qui ont toujours été tenus à l'écart de toute possibilité de développement.

M. Jacques Mahéas.  - Lesquels ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - La boucle qui inclut Montfermeil. C'est essentiel pour corriger les déséquilibres est-ouest.

Voila les trois raisons pour lesquelles nous sommes opposés à votre amendement n°241. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°241 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 332
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l'adoption 152
Contre 180

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. - Amendement n°30, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

XI. - Le présent article n'exclut pas la mise en oeuvre des dispositions prévues à l'alinéa 2 de l'article 72-1 de la Constitution.

M. Bernard Vera.  - Ce texte introduit plusieurs dérogations au droit commun, et même à certains principes constitutionnels, qu'il n'est pas inutile de rappeler. L'article 72-1 de la Constitution dispose, en son deuxième alinéa, que « les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité ». L'assemblée délibérante de la région Ile-de-France pourra donc soumettre à référendum les décisions qu'elle sera amenée à prendre dans le cadre de la mise en oeuvre du projet du Grand Paris. Les défenseurs de la libre administration des collectivités territoriales, nombreux sur ces bancs, auront sans nul doute à coeur de voir adopter cet amendement.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Le projet du Grand Paris, compte tenu de sa nature et de son ampleur, confie la responsabilité à l'État et non aux collectivités. Les articles 1 et 2 de ce texte ont démontré le caractère indépendant des deux structures et des financements.

Mme Nicole Bricq.  - Vous n'avez rien démontré du tout.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.  - Nous ne pouvons donc donner un avis favorable à l'amendement.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État.  - Même avis.

Mme Dominique Voynet.  - Permettez-moi de revenir, monsieur Fourcade, sur votre intervention à l'amendement précédent. Vous n'êtes pas ennemi de la pédagogie, aussi ne m'en voudrez-vous pas de vous rappeler comment se déroulent les débats placés sous l'égide de la commission nationale du débat public qui, lorsqu'elle est saisie, commence par se prononcer sur l'opportunité du débat, puis met en place une commission particulière du débat public, laquelle dispose d'une grande latitude pour demander des expertises, des contre-expertises, entendre les acteurs... Mais la première étape est celle de la constitution du dossier par le maître d'ouvrage, sur lequel la commission particulière peut demander des compléments. Que son président intervienne en ce sens est chose banale. Affirmer que le dossier est assez complet pour être soumis au débat sous réserve que les conditions de compatibilité des deux réseaux soient explicitées n'a rien que de normal. D'autant plus que le dépôt du dossier régional a eu lieu avant celui du projet du Grand Paris. Nous sommes dans un processus démocratique normal. Que vous cherchiez à l'éviter n'est pas rassurant. Voir le rapporteur venir à la rescousse d'un secrétaire d'État qui se sent déstabilisé par ce processus démocratique n'est pas rassurant.

M. Jacques Mahéas.  - La région est responsable des transports : vous y avez introduit l'État, cela se discute.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°30 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 333
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l'adoption 152
Contre 181

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Nicole Bricq.  - Monsieur le secrétaire d'État, ne quittez pas l'hémicycle en pensant que vous avez obtenu une victoire : c'est un piètre résultat ! Sur la forme, vous avez rejeté le dialogue pour employer une méthode autoritaire. Sur le fond, le débat n'a pas été technique -vous l'avez rappelé vous-même, le problème des rocades est connu depuis longtemps-, mais politique. La loi est toujours l'expression d'une vision politique. Le rapport de force que vous avez instauré avec la région est incompréhensible car vous aurez besoin des collectivités territoriales.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Arrêtez !

Mme Nicole Bricq.  - Vous avez dû utiliser le détour d'un amendement parlementaire pour l'emporter. Il n'y a pas de quoi pavoiser. Le débat continue demain !

M. Philippe Dallier.  - Je n'ai atteint aucun des trois objectifs que je m'étais fixé pour cet article 3.

Mme Nicole Bricq.  - Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre !

M. Philippe Dallier.  - D'abord, il me semblait important, après les élections régionales et la déclaration de guerre de M. Huchon, de mettre un peu d'huile dans les rouages, de chercher au Sénat les voies d'un compromis. Quel dommage que nous n'y soyons pas parvenus !

Ensuite, conformément au souhait du Président de la République -ce que l'on ne pourra pas me reprocher à droite- et malgré mes réticences, ma commune a adhéré au syndicat Paris Métropole avant les élections régionales. J'espérais que toutes les communes en feraient de même et obtenir, dans cet article 3, que ce syndicat soit le garant de la vision métropolitaine. Il n'est pas du tout dans mon intention, contrairement à ce que j'ai pu entendre ici et là, de dessaisir les communes de leurs compétences -celles-ci pourront contractualiser dans le cadre des contrats de développement territorial- mais de faire émerger une vision d'ensemble.

Enfin, je voulais obtenir des éclaircissements sur la préfiguration en matière de répartition des logements, d'estimation de l'évolution des bases fiscales. On m'a rétorqué que cela retarderait l'opération, ce que je ne crois pas. Sur le débat public, je partage l'opinion de Mme Voynet. Pour avoir la pratique de la commission nationale du débat public, je sais combien l'outil est intéressant car la commission est totalement indépendante. Je m'interroge, au reste, sur la constitutionnalité de la procédure retenue.

M. David Assouline.  - Évidemment !

M. Philippe Dallier.  - Je n'ai pas obtenu gain de cause. Monsieur le secrétaire d'État, ma voix ne vous sert à rien, je ne vous la donne donc pas. Je m'abstiendrai.

A la demande des groupes UMP et socialiste, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 332
Majorité absolue des suffrages exprimés 167
Pour l'adoption 180
Contre 152

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 9 avril 2010, à 10 heures.

La séance est levée à 1 heure.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 9 avril 2010

Séance publique

A DIX HEURES,

A QUATORZE HEURES TRENTE ET LE SOIR

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (n°123, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Pierre Fourcade, fait au nom de la commission spéciale (n°366, 2009-2010).

Texte de la commission (n°367, 2009-2010).