Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité. Les orateurs disposent de 2 minutes 30 : la Conférence des Présidents a réaffirmé hier que cette règle s'appliquait à tous, y compris au Premier ministre. (Marques de satisfaction sur les bancs socialistes)
Situation financière des départements
M. Raymond Vall . - Les médias se sont fait l'écho des graves difficultés financières que rencontrent de nombreux conseils généraux. La cause en est l'inflation des dépenses sociales transférées par l'État aux départements, sans compensation adéquate. En 2008, sur 11 milliards, l'État n'en a compensé que 7,5 ! La charge de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) devait être supportée à parts égales ; aujourd'hui, le conseil général en assume 70 %.
M. Gérard Longuet. - Merci Jospin !
M. Raymond Vall. - Même dérive pour le RSA. Dans le Gers, les dépenses sont passées de 30 millions en 1998 à 100 millions en 2010 !
Cette injustice, dénoncée par les présidents de conseils généraux de tous bords, est confirmée par le rapport Rousseau pour l'Assemblée des départements de France ainsi que par la Cour des Comptes, selon laquelle « les modes de compensation par l'État des transferts ont été très fluctuants et le plus souvent jugés insuffisants ». Le Gouvernement le sait, puisque la direction générale des collectivités territoriales a publié une liste des conseils généraux en situation de crise : ils sont 25 en 2010 et seront 60 en 2011 !
L'article 72-2 de la Constitution garantit pourtant la compensation financière des transferts de compétences et le principe d'autonomie financière des collectivités, mis à mal par la suppression de la taxe professionnelle en 2010 et par la réforme des collectivités locales. Ces dettes de l'État conduisent les départements à réduire leurs investissements, au détriment de l'activité économique, notamment dans le bâtiment et les travaux publics. Les sénateurs radicaux de gauche et le RDSE en appellent au respect de l'État de droit et des engagements de l'État. Quand comptez-vous enfin doter nos collectivités des moyens nécessaires à l'exercice des missions que vous leur avez transférées ? (Applaudissements à gauche)
M. René-Pierre Signé. - Bonne question !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales . - Je veux tout d'abord démentir l'existence d'une prétendue liste des départements en difficulté : elle n'émane pas de la DGCL.
M. Jean-Louis Carrère. - C'est une rumeur !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est conscient des difficultés financières d'un certain nombre de départements, dues au fort dynamisme des dépenses sociales, notamment de l'APA -transférée aux départements en 2001 par le gouvernement Jospin. (Applaudissements à droite ; protestations à gauche) La crise a également réduit les ressources fiscales, principalement les droits de mutation, amputant les recettes de 2 milliards en 2009.
Face à cela, le Gouvernement n'a pas été inactif. Il a reconduit pour deux années supplémentaires le Fonds de mobilisation départemental pour l'insertion (FMDI), pour 500 millions. Le mécanisme de remboursement anticipé du FCTVA, auquel ont adhéré 90 départements, représente un effort de l'État de 3,8 milliard, dont 30 % au bénéfice des seuls départements : là, la liste existe !
Enfin, le Premier ministre a chargé un haut fonctionnaire territorial, M. Pierre Jamet, d'une mission sur la consolidation des finances des départements ; son rapport, prévu mi-avril, entraînera des décisions de la part du Gouvernement.
En tout, l'effort financier de l'État en faveur les collectivités territoriales s'élève à environ 80 milliards en 2010 ; 98 si on ajoute la fiscalité transférée ! (Applaudissements à droite)
Justice fiscale et dette
M. Nicolas About . - Réduire nos déficits, résorber notre dette publique est un impératif économique, une nécessité démocratique pour que nos successeurs disposent de marges de manoeuvre financières.
M. René-Pierre Signé. - Ils parlent déjà de succession !
M. Nicolas About. - C'est surtout une exigence morale vis-à-vis des générations futures.
Modifier la Constitution, comme nous le souhaitons, pour que la loi de programmation des finances publiques fixe un niveau limite d'endettement fonctionnel ne suffit pas. Il faut du concret.
Le Gouvernement peut-il s'engager à poursuivre ses efforts de réduction des dépenses de l'État, à hauteur 15 milliards par an sur les trois années à venir ?
Pour préserver nos recettes, mais aussi par souci de justice fiscale, envisagez-vous de moduler le bouclier fiscal lors de la prochaine loi de finances ? (« Ah ! » à gauche). Si rien n'est fait, demain, l'effort contributif des Français sera consenti par tous, sauf les plus aisés !
Le taux moyen d'imposition des plus hauts revenus n'est que de 20 %, de par le jeu de trop nombreuses niches fiscales dont l'efficacité économique n'est pas toujours démontrée. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Le Gouvernement est-il prêt à réduire le poids de ces niches ? La situation actuelle ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons de la justice fiscale. Il ne faut pas plus d'impôt mais un impôt plus juste.
M. Paul Raoult. - Le bouclier fiscal, vous l'avez voté !
M. Nicolas About. - Pour les centristes que nous sommes, on ne pourra réformer la France sans la rendre plus juste. (Exclamations et quolibets à gauche). Comment le Gouvernement compte-t-il remédier à cette injustice fiscale ? Quant à la politesse de nos collègues, vous n'y pouvez malheureusement rien ! (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)
M. François Fillon, Premier ministre . - Depuis trois ans, la politique économique du Gouvernement tend à réduire l'écart de compétitivité entre la France et ses partenaires, à commencer par l'Allemagne. Nous avons choisi un destin commun, une monnaie commune : il faut en assumer toutes les conséquences. On ne peut laisser se creuser davantage l'écart de compétitivité qui s'est installé depuis quinze ans...
M. Paul Raoult. Surtout depuis sept ans !
M. François Fillon, Premier ministre. - Contrairement à nous, l'Allemagne, elle, a fait des réformes structurelles, notamment sous le gouvernement socialiste de M. Schröder. (Exclamations à gauche)
M. Paul Raoult. - Après, il a perdu !
M. François Fillon, Premier ministre. - Dans cet esprit, nous avons réformé le crédit impôt recherche, supprimé la taxe professionnelle, et vous avez décidé d'investir 35 milliards dans des secteurs stratégiques pour « booster » la croissance. Ces décisions, et le plan de relance, ont eu des résultats.
M. Paul Raoult. - La montée du chômage ?
M. François Fillon, Premier ministre. - En 2009, la récession a été deux fois moindre en France qu'en Allemagne ; en 2010, nous ferons au moins aussi bien que notre voisin, peut-être un peu mieux. (Exclamations à gauche) Ces résultats ont été obtenus au prix d'un endettement supplémentaire.
M. Paul Raoult. - D'une mauvaise fiscalité !
M. François Fillon, Premier ministre. - Il ne faut pas le regretter. Sans ces mesures, la récession aurait été plus importante, les destructions d'emploi plus nombreuses, les recettes fiscales moindres : le déficit aurait été le même, mais les conséquences sociales bien pires.
Maintenant, il s'agit de s'attaquer à réduire ces déficits.
M. Gérard Longuet. - Très bien.
M. François Fillon, Premier ministre. - Nous proposerons une loi triennale qui visera à ramener le déficit sous les 3 % à l'horizon 2013. (On ironise à gauche). En gelant strictement les dépenses de l'État, c'est possible. En 2009, les dépenses ont été tenues. Il faut également maîtriser la progression des dépenses de l'assurance maladie pour la faire passer sous les 3 %.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les salariés vont encore payer !
M. François Fillon, Premier ministre. - Nous allons engager la réforme des retraites, et vous proposer la suppression ou le plafonnement des niches fiscales et sociales, soit en les étudiant une par une, soit en fixant une règle générale : le Gouvernement sera très attentif à vos propositions en la matière.
Nous sommes les premiers à sortir de la crise, mais la croissance est fragile. (Exclamations à gauche)
M. René-Pierre Signé. - Nous sommes loin d'en être sortis !
M. François Fillon, Premier ministre. - Les pays émergents, l'économie américaine redémarrent fortement. Si nous voulons nous accrocher au train de la reprise, il ne s'agit pas de donner des coups de barre désordonnés. (Exclamations à gauche) Nous maintiendrons le cap de notre politique économique.
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. - Nous avons fait le choix de ne pas financer nos retraites par des fonds de pension : on ne peut avoir en même temps un système fiscal qui décourage les investissements, surtout dans une zone économique commune ! (Exclamations à gauche)
Je suis prêt à recevoir tous les conseils que vous voudrez bien me donner, mais pas les leçons ! C'est le gouvernement Rocard qui a inventé le principe même du bouclier fiscal, fixé à l'époque à 70 % ! C'est le gouvernement Jospin qui a baissé la fiscalité sur les stock-options, qui a réduit le taux de l'impôt sur le revenu ! (Applaudissements à droite, protestations à gauche)
M. Paul Raoult. - A l'époque, on créait un million d'emplois !
M. François Fillon, Premier ministre. - Quant aux niches fiscales, vous en avez bien autant à votre actif que nous ! Respectons nos engagements, respectons notre parole, faisons preuve de cohérence dans la politique économique que nous conduisons ! (Vifs applaudissements à droite ; exclamations à gauche)
Avenir de la gendarmerie
M. Jean-Louis Carrère . - Que devient la gendarmerie ? Elle change de chef, de mission, d'allure, elle n'assure plus par sa présence de proximité son rôle dissuasif et sécurisant. Les élus nous interpellent, inquiets de la suppression de 1 300 emplois cette année, de la fermeture de 175 brigades territoriales et de quatre écoles de gendarmerie sur huit, du rapprochement entre le Raid et le GIGN, du redéploiement de crédits entre les deux forces au détriment de la gendarmerie : autant de sinistres indices. Comment assurer dans ces conditions le maillage du territoire, alors que la population et la délinquance s'accroissent dans les zones rurales et périurbaines ? Ces interrogations ne sont pas le fait des gendarmes martialement sanctionnés par le Gouvernement, mais de sénateurs de l'UMP, lors de l'audition il y a huit jours de celui qui était encore le directeur général de la gendarmerie, le général Gilles.
Depuis la mise en place des communautés de brigades et l'affectation systématique des gendarmes à la surveillance routière, ceux-ci n'ont plus qu'un rôle répressif : il faut faire du chiffre... Voudrait-on créer un sentiment de rejet que l'on ne s'y prendrait pas autrement. On a l'impression que le but inavoué du Gouvernement est, comme pour la recherche, de saper un pilier de la République. Acceptera-t-il de dresser le bilan du rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, et, éventuellement, de revenir sur ses pas ? Cela me semble indispensable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. François Fillon, Premier ministre . - (Applaudissements à droite) Accepterons-nous de tirer les leçons de l'expérience ? Oui. Rétablirons-nous un commandement distinct pour la gendarmerie ? Non. L'unité de commandement est nécessaire pour mieux lutter contre la délinquance. Elle ne change rien au statut militaire des gendarmes. Les forces de l'ordre doivent s'adapter aux évolutions de la démographie et de la délinquance depuis quarante ans.
Quant à votre comparaison avec la recherche, vu l'effort inégalé déployé par le Gouvernement et par la Nation dans ce domaine, elle me semble particulièrement déplacée. (Vifs applaudissements à droite et sur plusieurs bancs du centre)
Mme Gélita Hoarau . - Chaque année, des professeurs réunionnais sont affectés, au moment de leur titularisation, dans une académie de France hexagonale. Chaque année ils doivent manifester pour obtenir un poste sur place. C'est d'autant plus incompréhensible et frustrant que 117 postes sont gelés pour les stagiaires de l'an prochain, que le nombre d'heures supplémentaires s'élève à 13 000, ce qui équivaut à 700 postes à temps plein, et que des postes vacants sont occupés par des contractuels.
La situation scolaire à La Réunion est dramatique : les résultats des évaluations nationales de CM2 classent notre académie parmi les trois dernières. La pression démographique est telle que de nouveaux établissements doivent être construits chaque année.
La politique scolaire du Gouvernement est particulièrement inadaptée dans ce département, que le non-remplacement d'un enseignant parti à la retraite sur deux prive des moyens humains indispensables au rattrapage. Il faudrait adapter le nombre d'enseignants aux besoins, affecter aux postes vacants les nouveaux titulaires et transformer les heures supplémentaires en emplois à temps plein. Cela réglerait le problème de l'affectation des professeurs formés sur place.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement . - Les enseignants réunionnais, comme tous leurs collègues d'outre-mer et conformément aux promesses du Président de la République, bénéficient de facilités pour être affectés dans leur académie d'origine : une gratification de 1 000 points est accordée à tous ceux qui sont nés dans un département d'outre-mer ou dont le conjoint ou les ascendants directs le sont.
A la rentrée prochaine, 192 stagiaires ont fait le voeu d'être affectés sur l'île ; 134 d'entre eux ont reçu une réponse positive. Les 58 restants enseignent dans des disciplines où il n'y a pas besoin de nouveaux professeurs sur place, notamment des matières professionnelles et technologiques. Leurs demandes sont examinées suivant la procédure d'extension, c'est-à-dire que l'on considère dans chaque académie s'il y a un poste vacant, en suivant l'ordre de leurs voeux. Les intéressés sont tenus régulièrement informés.
N'oublions pas que les enseignants sont recrutés par un concours national, qu'ils ont par là même vocation à être affectés sur tout le territoire français, en fonction des besoins et dans l'intérêt du service. (Applaudissements à droite)
M. Michel Doublet . - Ma question s'adresse à M. Borloo, ministre d'État. Le 28 février dernier, la tempête Xynthia a endeuillé la Charente-Maritime et la Vendée. Ma pensée va aux victimes et à leurs familles. Aujourd'hui, il faut faire front et reconstruire. Compte tenu du montant des dépenses qui devront être engagées par les collectivités locales, il serait très opportun de leur rembourser exceptionnellement la TVA l'année même de leurs dépenses.
Quant à l'entretien des digues et des ouvrages de protection des côtes, les travaux d'extrême urgence ont été réalisés en un temps record. La deuxième phase de travaux sera coûteuse : les collectivités seules ne pourront y faire face, pas plus que les associations syndicales de propriétaires qui subissent déjà de lourdes contraintes environnementales et architecturales. Il conviendrait de revenir sur l'arrêté d'interdiction de travaux du 1er avril au 30 juin, et d'accorder un taux dérogatoire de 90 % de subvention aux propriétaires.
Des travaux de consolidation ont été réalisés sur réquisition de l'État, pour un montant de 8 millions d'euros. Confirmez-vous qu'ils seront pris en charge intégralement ? Quant aux travaux prévus cette année, d'un coût de 20 millions d'euros, le conseil général de Charente-Maritime ne peut à lui seul en assumer le poids et attend que l'État en paie la moitié, en sus des crédits européens. Nous espérons aussi que l'État s'engagera à financer au moins 80 % des travaux du « plan digue ». Ces sommes ne pourraient-elles être tirées du reliquat du plan de relance ?
En ce qui concerne les « zones noires », il faudrait revoir leur délimitation en collaboration étroite avec les élus locaux et les associations de sinistrés, car certains terrains voués à devenir inconstructibles ne devraient pas l'être et vice versa.
Nous voulons être sûrs que l'État sera à nos côtés pour mener à bien ces projets indispensables pour l'avenir de nos territoires et pour les générations futures. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs du centre)
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat . - Le sujet est douloureux et complexe : nous avons eu l'occasion de l'aborder hier lors d'une réunion de la mission présidée par M. Retailleau. Le Premier ministre a décidé ce matin même d'une mesure exceptionnelle de compensation de la TVA : les collectivités disposeront ainsi de la trésorerie nécessaire pour faire face à leurs dépenses.
M. Roland du Luart. - Excellente nouvelle !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Cette mesure ne s'appliquera qu'aux travaux directement liés aux dommages causés par la tempête.
Rassurez-vous : lorsque l'État ordonne une réquisition, il assume ses responsabilités.
Je vous confirme que la part des dépenses prises en charge soit par l'État, soit par le Fonds européen de développement régional s'élèvera bien à 50 %.
Quant aux habitants des zones noires, sauf dans quatre communes où nous attendons des analyses plus détaillées, les personnes qui y sont propriétaires d'une résidence principale ou secondaire se verront proposer par l'État le rachat de leur bien à sa valeur antérieure à la catastrophe, compte non tenu du risque d'inondation, et quel que soit le taux d'indemnisation retenu par les assureurs. (M. le ministre chargé des relations avec le Parlement apprécie)
M. René-Pierre Signé. - C'est à voir ! !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - J'espérais que vous vous réjouiriez de cette annonce, monsieur le sénateur ! Quoiqu'il en soit, les sinistrés des zones noires seront indemnisés sans dévaluation de leur patrimoine ! (Applaudissements à droite et au centre ; M. Philippe Darniche applaudit aussi)
Suites de la catastrophe haïtienne
M. Jacques Gillot . - Trois mois après la catastrophe haïtienne, les promesses de dons atteignent 10 milliards de dollars. Monsieur le ministre des affaires étrangères, comment la France entend-elle participer à la reconstruction, au pilotage de l'aide internationale et comment comptez-vous articuler son aide avec celle de l'Union européenne ?
Les départements français d'outre-mer, en particulier la Martinique et la Guadeloupe, se sont immédiatement mobilisés pour apporter les premiers secours, forts de leur proximité géographique et des liens historiques qu'ils entretiennent avec Haïti. La France n'a-t-elle pas intérêt à tirer parti de la position de ces départements d'outre-mer ? Après avoir participé à de nombreux micros projets, nous sommes prêts à nous impliquer dans la reconstruction d'Haïti !
Enfin, ne pensez-vous pas qu'il faudrait assouplir certaines procédures d'adoption des enfants haïtiens, tout en renforçant la protection et la dignité de ces enfants ?
Les collectivités antillaises ont accueilli des enfants mineurs traumatisés par la catastrophe, et je profite de cette occasion pour rappeler que l'État n'a toujours pas honoré son obligation légale de prise en charge en compensant au conseil général les dépenses engagées. (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes . - A New York, les pays donateurs viennent de s'engager à hauteur de 9,9 milliards de dollars, dont 5,6 milliards pour les années 2010-2011, alors que les Haïtiens avaient demandé 3,9 milliards. La France y contribue pour 180 millions, dont 20 millions avant la fin de l'année, en particulier pour payer les fonctionnaires. Nous aiderons les Haïtiens à reconstruire l'État, selon le plan qu'ils se seront fixés. Le président Préval a décidé de créer une école publique obligatoire, qui n'existait pas en Haïti : la France est prête à aider à la formation des enseignants. Une partie de la population vit encore sous des tentes : il y a urgence à lui proposer des abris plus solides. Sur le plan économique, nous allons apporter des engrais, des semences et contribuer à la formation agricole.
Nous sommes soucieux d'une bonne gestion de l'aide, qui n'est pas facile en raison de la concurrence des charités. Mais il y a des instances de pilotage. Nous co-présidons la conférence des donateurs ainsi que la commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti ; nous attendons que les autorités haïtiennes arrêtent leur plan de développement, dans les dix-huit mois. Nous rencontrons nos partenaires de l'ONU et des États-Unis au moins deux fois par an et nous continuerons à assumer toutes nos responsabilités.
Il est particulièrement délicat de vous répondre en quelques secondes sur les orphelins. Quand on regarde de près les cas particuliers, on s'aperçoit que ces enfants souvent ne sont pas orphelins. Quoi qu'il en soit nous en avons déjà accueilli près de 500 et nous avons envoyé des pédopsychiatres sur place. Je sais l'implication de la Guadeloupe et de la Martinique dans l'aide médicale et je vous en remercie. (Applaudissements à droite)
Médecins généralistes
M. Antoine Lefèvre . (Applaudissements sur les bancs UMP) - Les médecins généralistes sont inquiets, leurs syndicats appellent à une nouvelle journée de protestation, après celle du 11 mars dernier. Ils demandent l'application de la nomenclature des médecins spécialistes, après que la loi de 2002 a créé la spécialité de médecine générale. Ils souhaitent aussi une hausse du prix de la consultation à 23 euros, ce qui est le tarif plancher des spécialistes.
Les médecins généralistes sont découragés, alors qu'ils sont indispensables à notre système de santé. Ils sont disponibles, engagés chaque jour auprès de leurs patients pour les accompagner...
M. René-Pierre Signé. - Ils ne sont pas disponibles !
M. Antoine Lefèvre. - Nous connaissons l'attention que Mme le ministre de la santé porte aux généralistes : comment le Gouvernement entend-il répondre à leurs revendications ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement . - Les revendications des médecins généralistes portent effectivement sur les conditions de travail et sur le tarif des consultations, mais il ne faut pas perdre de vue le contexte de la campagne pour les élections professionnelles, prévues en septembre prochain.
Des efforts financiers importants ont été réalisés, la revalorisation tarifaire a représenté 900 millions depuis 2005, avec l'augmentation de la consultation de 20 à 21 euros en 2006, puis à 22 euros en 2007 et avec l'instauration d'un forfait annuel de 40 euros pour le suivi des patients atteints d'affections de longue durée. Les revenus réels des généralistes ont été maintenus, alors que la crise économique a touché de nombreux Français. L'Ondam augmentera de 3 % cette année, ce qui représente un effort très important : il faudra le respecter. L'augmentation de la consultation à 23 euros coûterait 280 millions.
La revalorisation de la médecine générale ne passe pas seulement par cette revalorisation tarifaire, elle passe aussi par une diversification des modes de rémunération. Il faut aborder le problème de façon globale, comme l'a indiqué le Président de la République. Les négociations conventionnelles en donneront l'occasion, de façon plus sereine après les élections professionnelles.
Suites de la tempête Xynthia (2)
M. Michel Boutant . - Six semaines après la tempête Xynthia, le Gouvernement annonce la décision de détruire 1 400 maisons situées en zone submersible, avec indemnisation par le Fonds national de prévention des risques naturels, et la réalisation d'un plan digues. La participation de l'État à l'indemnisation, prévue à 50 %, ne serait que de 40 % : jusqu'où descendra-t-on ? Les 150 kilomètres de digues, ensuite, coûtent 150 millions, soit 90 millions de dépenses pour les collectivités, alors que ces digues ne sont pas leur propriété. Il y a fort à parier que les propriétaires n'y retrouvent pas leurs billes !
Quid, ensuite, des professionnels, qui ont perdu leur outil de travail ? Quid des biens non assurables des communes et des intercommunalités, qui ont viabilisé des zones en empruntant et qui vont perdre de leur patrimoine bâti, donc du produit fiscal ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme . - Le Président de la République l'a dit le 16 mars à La Roche-sur-Yon : nous n'avons pas le droit de laisser nos concitoyens sans solution, comme si de rien n'était !
M. Alain Gournac. - Absolument !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Le fonds « Barnier » et les assurances sont mobilisés, pour que l'indemnisation ne fasse rien perdre aux victimes dans les zones submersibles.
M. René-Pierre Signé. - Et le foncier ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - L'évaluation sera faite sans tenir compte des conséquences de la catastrophe, pour les bâtiments comme pour le foncier, monsieur le sénateur. Nous privilégierons les indemnisations amiables dans les trois mois, dans un souci de célérité.
Au-delà de l'aspect financier, le Gouvernement et tous les services de l'État sont mobilisés pour aider chacun à affronter le traumatisme qu'il a subi. En Vendée, dès demain et samedi, des permanences seront tenues à La Faute-sur-mer et à l'Aiguillon pour donner de premiers renseignements et approfondir les dossiers ; un accueil téléphonique est également prévu. Il en ira de même en Charente-Maritime, où un numéro dédié est déjà opérationnel. Le relogement à long terme des victimes de Xynthia sera enfin accompagné par les services de l'État ; une mission ad hoc a été créée à cette fin.
M. Jean-Louis Carrère. - Vous ne répondez pas à la question !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Comme vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé.
Vols à la portière
Mme Catherine Dumas . - Les vols à la portière se multiplient depuis quelques mois. Les délinquants sont souvent recrutés parmi des mineurs qui, circulant en moto, sont très mobiles et profitent de l'effet de surprise comme de la congestion du trafic pour prendre la fuite. Ces délits sont tantôt qualifiés de vols à la roulotte s'ils réussissent et de dégradations de véhicule s'ils échouent ; dans la majorité des cas, ils ne sont pas considérés comme des vols avec violences.
En 2009, la préfecture de police en a recensé, en Ile-de-France, près de 1 000 mais il semble qu'il s'en commet davantage -120 par mois pour la seule Seine-Saint-Denis. Les victimes sont soigneusement ciblées -femmes seules, touristes étrangers en transit, utilisateurs de véhicules de location pistés depuis l'aéroport de Roissy. Les secteurs à risques sont connus, l'entonnoir de l'arrivée sur Paris et l'accès au périphérique.
Ces pratiques, outre le sentiment d'insécurité qu'elles créent et la lourdeur des procédures qu'ont à subir les victimes, ternissent la réputation et l'attractivité de la capitale. Elles sont un fléau qu'il faut combattre avec la plus grande fermeté. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour intensifier la lutte ? (Applaudissements à droite ; on ironise sur les bancs socialistes en évoquant une nouvelle loi)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales . - Vous avez raison, les vols à la portière sont toujours vécus par les victimes comme une forme de violence traumatisante. Ce phénomène est très circonscrit géographiquement sur deux régions, l'Ile-de-France -où la Seine-Saint-Denis concentre 85 % des vols- et Provence-Alpes-Côte d'azur.
M. Jean-Louis Carrère. - Déployez des gendarmes !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Des mesures ont déjà été prises -dont la circulation de policiers en moto banalisée ou l'installation de caméras de vidéoprotection (exclamations à gauche et nouvelles marques d'ironie) sur les axes routiers les plus visés -qui portent leurs fruits. Entre 2006 et 2009, le nombre de vols à la portière a baissé de 41 %...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Alors ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - ...et 209 délinquants ont été interpellés l'an dernier en Seine-Saint-Denis.
Ces violences restent malgré tout encore trop nombreuses. Le ministre de l'intérieur a demandé aux préfets de tout faire pour éradiquer ce phénomène -coopération opérationnelle permanente, plan spécifique à l'autoroute A 1 depuis le 31 mars- et de prendre contact avec les procureurs pour évoquer avec eux la question de la qualification des faits. Comme vous le voyez, le Gouvernement s'attaque résolument à cette forme de délinquance qu'il n'est pas question de tolérer. (Applaudissements à droite)
Violences à l'école
M. Laurent Béteille . - Le mot « école » est trop souvent ces derniers temps accolé à d'autres, « agression », « violence », qui lui semblaient étrangers. L'actualité est, hélas, emplie de faits divers consternants, ici une enseignante menacée d'un couteau pour s'être interposée dans une bagarre, là une autre battue dans sa classe par un énergumène cagoulé, ou encore une autre menacée de mort à coups de couteau. Comme l'a récemment écrit un journaliste, cette violence devient banale et ordinaire.
M. David Assouline. - Que faites-vous du chômage ?
M. Laurent Béteille. - En région parisienne, elle est concentrée dans un petit nombre d'établissements. L'école, lieu du savoir où l'on devrait aussi faire l'apprentissage des valeurs de la société, doit-elle devenir un lieu d'affrontements ? (Mouvements divers à gauche)
M. Jean-Louis Carrère. - Que fait la police ?
M. Laurent Béteille. - Le sujet est important ! Ne pourrions-nous ensemble chercher des solutions ?
Le Gouvernement a déjà installé des correspondants de sécurité, pris des mesures contre les bandes violentes et pour la responsabilisation des parents.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Tout a échoué !
M. Laurent Béteille. - Vous venez de réunir, monsieur le ministre, des états-généraux de la sécurité à l'école.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On y a critiqué toutes les initiatives du Gouvernement !
M. Laurent Béteille. - Quels enseignements en avez-vous tirés ? Quelles pistes allez-vous suivre, et à quelle échéance ? (Applaudissements à droite)
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement . - Ces états-généraux ont pour la première fois réuni des scientifiques du monde entier et des praticiens de la vie scolaire et permis de sortir de l'antagonisme entre le tout-sécuritaire et le tout-pédagogique. Il n'y a pas de solution unique. Les débats ont dégagé quelques orientations fortes, dont le retour aux fondamentaux et le respect de la règle. L'école doit être son propre recours. Nous allons nous préoccuper des sanctions, de leur gradation et de la façon dont elles doivent être comprises -il ne sert à rien d'exclure des élèves si on se les repasse d'établissement en établissement.
Nous allons améliorer la formation des enseignants, aujourd'hui démunis face aux situations d'insécurité. (Mouvements divers à gauche) Ils bénéficieront, en formation initiale, de stages sur la prévention des violences et la tenue de classe. L'institution scolaire doit faire preuve de solidarité ; en cas de problème dans une classe, c'est toute la communauté éducative qui doit se serrer les coudes. Des mesures spécifiques seront expérimentées dans les cas les plus difficiles, comme la possibilité donnée aux chefs d'établissement de recruter leurs équipes pédagogiques avec des enseignants motivés, mieux rémunérés et mieux formés, ou des marges supplémentaires d'autonomie pour leurs projets pédagogiques ; des préfets des études seront créés, qui seront les interlocuteurs des élèves et des professeurs en matière de sécurité. Nous allons renforcer également le plan de sécurisation des établissements.
Comme vous le voyez, nous menons une politique globale. La sécurité est l'affaire de tous. Je souhaite que la représentation nationale tout entière se mobilise à nos côtés. (Applaudissements à droite)
La séance est suspendue à 16 heures.
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
La séance reprend à 16 h 15.