SÉANCE
du mardi 23 mars 2010
79e séance de la session ordinaire 2009-2010
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
Secrétaires : M. Alain Dufaut, M. Jean-Noël Guérini.
La séance est ouverte à 9 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-sept questions orales.
Prison du Camp Est (Nouvelle-Calédonie)
M. Simon Loueckhote. - Les récentes évasions de la prison du Camp Est en Nouvelle-Calédonie ont défrayé la chronique et retenu l'attention du Gouvernement : Mme la ministre de la justice a annoncé en janvier d'importants travaux de rénovation et de sécurisation, la construction d'un centre pour peines aménagées et l'affectation de 23 postes de surveillants supplémentaires. Deux mois après ces annonces, ces projets sont-ils près d'aboutir ?
J'insiste sur les aspects sociaux de la situation : il faut adapter la formation du personnel à l'évolution de la population carcérale, mieux accompagner les détenus en prison et sur la voie de la réinsertion. En outre, la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a rendu obligatoire l'affiliation des détenus aux branches maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale ; les membres de la famille des détenus ont ainsi droit à des prestations en nature, et l'État doit verser une cotisation pour chaque détenu affilié. Mais ces dispositions ne s'appliquent pas à la Nouvelle-Calédonie. Qu'en pense le Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. - Je ne suis pas en mesure de répondre à votre dernière question relative à l'application en Nouvelle-Calédonie des dispositions de la loi de 1994, mais je vous ferai parvenir sous peu ma réponse au nom du garde des sceaux.
J'ai déjà abordé ce problème dans un courrier adressé à Mme la ministre de l'outre-mer le 8 décembre dernier. Nous cherchons à améliorer les conditions de détention : un centre pour peines aménagées d'une capacité de 80 places sera ouvert dès 2012, et un quartier pour mineurs de dix-huit places doit être ouvert à la prison du Camp Est d'ici la fin du premier trimestre, c'est-à-dire incessamment. La capacité totale de l'établissement passera de 192 à 290 places. Les travaux de raccordement au réseau téléphonique seront achevés à la fin du semestre.
Pour faciliter la réinsertion des détenus et dans l'esprit de la dernière loi pénitentiaire, nous favorisons l'aménagement des peines, notamment la semi-liberté, le placement à l'extérieur et, dès le premier trimestre 2010, le placement sous surveillance électronique. 124 aménagements de peine ont déjà été accordés en 2009.
D'importants travaux sont en cours de réalisation dans l'établissement, pour un montant d'environ 1,5 million d'euros : ils sont destinés à rénover les sanitaires, le réseau électrique, les toitures, la salle de classe et le mobilier.
En évoquant les récentes évasions, vous m'avez indirectement interrogé sur la sécurisation du site : nous faisons construire une nouvelle enceinte, et dès les prochaines semaines les travaux d'éclairage du périmètre, d'installation d'équipements de vidéosurveillance, de détection périmétrique et de sécurisation électrique seront achevés. Des nouveaux postes protégés seront créés pour renforcer le contrôle des flux.
Nous étudions aussi la possibilité d'une restructuration lourde, qui permettrait de doubler la capacité de l'établissement : l'Agence publique pour l'immobilier de la justice se prononcera au vu des terrains disponibles. Quant aux moyens humains, vous savez que nous renforçons l'effectif des surveillants et officiers et cherchons à pallier les vacances fonctionnelles.
Mme le garde des sceaux a néanmoins envoyé l'état-major de sécurité en mission auprès de l'établissement en janvier dernier, au moment où le chef de la mission outre-mer était sur place ; il doit bientôt remettre son rapport. Vous voyez, monsieur le sénateur, que le Gouvernement suit ce problème de près.
Programme Galileo
M. Bertrand Auban. - Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur le programme européen de localisation par satellite Galileo. Le centre devait être implanté à Toulouse, mais trois ans plus tard la Commission européenne a décidé de dessaisir les grands industriels du secteur spatial et de reprendre en main le dossier. Alors que ce programme représente plus de 3,4 milliards d'euros, Astrium, filiale spatiale d'EADS, et Thales Alenia Space, deux entreprises bien implantées à Toulouse, risquent de ne pas obtenir autant de contrats que prévu : début janvier, la Commission européenne a déjà attribué une première tranche de quatorze satellites à une PME allemande au détriment d'Astrium.
Dans une conjoncture où le marché de l'emploi se dégrade et où le tissu industriel français se délite, je demande au Gouvernement d'agir vigoureusement pour que nos entreprises bénéficient du programme Galileo, et de nous indiquer quelle est sa stratégie industrielle dans le domaine spatial.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Comme vous le savez, après l'échec des négociations avec le secteur privé, la France a soutenu la Commission européenne dans ses tractations avec le Parlement européen, qui ont abouti au règlement de 2008 plaçant le programme sous le contrôle de la Communauté européenne et prévoyant le financement de sa phase de déploiement par des fonds communautaires.
Cette modification de la gouvernance a été essentielle au redémarrage du programme Galileo avec pour objectif d'offrir des services opérationnels dès 2013. Trois des six lots du programme ont déjà fait l'objet d'un contrat entre la Commission et des industriels, les trois autres devant être conclus cette année. L'implantation des deux centres de sécurité, dont un à Saint-Germain-en-Laye, a été décidée au début de cette année durant laquelle sera également déterminée la localisation du siège de l'autorité européenne de supervision du programme Galileo. L'industrie française a obtenu 16,6 % des financements réservés aux contrats industriels, soit un taux conforme à celui de la participation de la France à l'enveloppe Galileo. Nous devrions maintenir ce taux important, qui a progressé dans la phase de déploiement pour atteindre 22 % des contrats, lors de l'attribution des trois derniers lots. Enfin, ce programme n'est qu'un des aspects de la stratégie spatiale de la France. J'en veux pour preuve sa contribution déterminante lors du conseil ministériel de La Haye, fin novembre 2008, afin de maintenir et développer le programme spatial en dépit de la crise, l'inscription de 500 millions dans le cadre du Grand emprunt consacrés à la nouvelle fusée Ariane 6 et à l'amélioration technologique de nos satellites, dont la maîtrise d'ouvrage sera confiée au Centre national d'études spatiales ; enfin, la bonne position du spatial dans la prochaine période financière de l'Union dans les années 2014-2020 avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui dote l'Europe d'une compétence partagée en ce domaine. Le soutien constant de la France à la politique spatiale européenne aura, je n'en doute pas, des retombées positives sur l'industrie toulousaine !
M. Bertrand Auban. - Soit, mais le Gouvernement avait promis, par la voix de M. Douste-Blazy, alors maire de Toulouse et ministre des affaires étrangères, que Toulouse serait le siège de la concession Galileo. Je m'interroge sur les vraies raisons du choix final de Saint-Germain-en-Laye, ville peu réputée pour son savoir-faire dans le domaine aéronautique et spatial, qui pourrait amoindrir la crédibilité de la France dans la gestion de ce dossier stratégique.
Traitement de l'eau de baignade par filtration biologique
M. Claude Haut. - De nombreuses collectivités souhaitent développer le traitement de l'eau de baignade par filtration biologique, alternative intéressante au traitement chimique traditionnel. L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, saisie le 22 décembre 2006 par les ministères de la santé et de l'écologie, a rendu ses conclusions sur les risques sanitaires liés à ce nouveau type de traitement en juillet 2009. Madame la ministre de la santé, quelles dispositions techniques allez-vous prendre sur ce dossier et dans quels délais ? En attendant, la communauté de communes du Pays d'Apt dans le Vaucluse ne pourrait-elle pas obtenir une dérogation à titre expérimental ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Le traitement par filtration biologique, s'il a fait l'objet d'expérimentations, n'est régi par aucune règle sanitaire en France. Néanmoins, ces baignades artificielles sont soumises à déclaration auprès de la mairie et la personne qui en est responsable tenue de surveiller la qualité de l'eau et d'en informer le public.
Mes services ont étudié avec attention le dossier de la communauté de communes du pays d'Apt. Compte tenu des conclusions pour le moins réservées de l'Afsset de juillet 2009 sur le traitement par filtration biologique, il n'est pas prévu d'intégrer à la réglementation française une procédure d'autorisation à titre expérimental. En revanche, je prendrai des mesures réglementaires cette année, après concertation avec les professionnels concernés. Pour élaborer leur projet, les collectivités peuvent déjà se référer aux recommandations techniques figurant dans le rapport de l'Afsset. Soyez assuré, monsieur le sénateur, de l'attention que je porte à ce dossier.
M. Claude Haut. - Madame la ministre, me voilà rassuré : les dispositions techniques seront publiées cette année. Mais le plus tôt...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - ...sera le mieux !
Avenir de l'imprimerie des timbres de Boulazac
M. Bernard Cazeau. - L'imprimerie des timbres de Boulazac en Dordogne maîtrise sur un même site, fait unique en Europe, des technologies d'impression des plus rares, comme la taille-douce, jusqu'aux plus modernes, telles que l'offset, l'héliogravure, le numérique. Certifiée Iso depuis 1995, l'usine est également dotée d'un système de protection anti-intrusion et d'une organisation de surveillance pointue. La Poste dispose d'une unité moderne qui, pour s'adapter à la baisse sensible et régulière de la consommation de timbres, a versé un tribut particulièrement lourd en matière d'emplois : ses effectifs ont été divisés par deux depuis les années 90. Or, à l'occasion d'un projet de réorganisation interne, les salariés ont été informés d'une réduction de 20 % des effectifs dans un proche avenir, l'équivalent de 100 suppressions d'emplois, alors que l'activité est soutenue et rentable et que le recours à la sous-traitance s'accroît. Pourquoi des perspectives aussi brutales ? En raison du changement de statut de La Poste ? Les salariés ont besoin d'y voir clair. Quelles sont les intentions en matière d'emploi sur le site de Boulazac et le projet industriel de la Poste ?
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. - Au nom du Gouvernement, je confirme que phil@poste Boulazac est un pôle d'excellence reconnu au-delà de nos frontières. Elle fabrique 2,5 milliards de timbres Marianne, 600 millions de timbres de collection et 3 millions de timbres « collector » ou personnalisés pour un chiffre d'affaires global de 450 millions en 2009. Le plan d'économies, qui suscite l'inquiétude du personnel, ne concerne en aucune façon les services de phil@poste implantés à Boulazac. Au contraire, La Poste prévoit un plan de modernisation de l'imprimerie pour, entre autres, augmenter la part des timbres personnalisés afin de répondre à la demande des clients. La stratégie de phil@poste, présentée aux équipes de l'imprimerie le 12 novembre 2009 par sa directrice, comporte un volet industriel qui a pour objectif de hisser l'établissement de Boulazac aux niveaux de sécurité les plus performants sur le marché mondial. Le nouveau directeur de l'imprimerie, nommé en janvier 2010 sur ce projet industriel, poursuit l'objectif de consolider cet outil industriel en associant les cadres et personnels de phil@poste à la réflexion.
Confiante dans l'avenir de ce projet qui contribuera, monsieur le sénateur, au développement industriel de la Dordogne, sa directrice a plusieurs fois rencontré les organisations professionnelles. Avec le management local, elle s'est rapprochée du délégué régional, qui est l'interlocuteur privilégié des élus concernés. L'ensemble de ces personnes, monsieur le sénateur, sont à votre disposition.
M. Bernard Cazeau. - Madame la ministre, je ne partage pas votre optimisme. Puissent les prochaines mesures ne pas toucher l'imprimerie extraordinairement compétente qui est celle du timbre.
Il serait regrettable que la philatélie de notre pays cesse de rayonner dans le monde. Nous resterons vigilants.
Tarifs des syndics de copropriété
Mme Patricia Schillinger. - La copropriété, qui couvre 8 millions de logements, concerne 21 millions de personnes dont 40 % de ménages modestes. Or, les charges de copropriété pèsent de plus en plus lourd du fait des pratiques souvent opaques et abusives des syndics, fustigées dans un avis du Conseil national de la consommation qui préconisait un encadrement de la profession par arrêté ministériel, après évaluation du respect de cet avis par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Début 2009, selon l'administration, 92 % des syndics en respectaient les termes, mais des enquêtes concurrentes faisaient apparaître que ce taux s'établit en réalité à 60 %. Une nouvelle étude lancée il y a quelques mois par l'Association des responsables de copropriété relevait un taux de non-conformité de 50 à 67 %, très éloigné des 8 % retenus par la DGCCRF.
L'arrêté tant attendu n'est toujours pas pris. J'ai su, madame la ministre, qu'une réunion avait eu lieu en février pour adopter un projet ne recueillant pas l'assentiment des associations de consommateurs et de copropriétaires puisqu'il ne règle pas la question de la surfacturation, dénoncée depuis des années, y compris par les médias. Le problème n'est donc pas résolu. Où en est-on, madame la ministre, sur le projet d'arrêté ?
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. - L'arrêté que vous attendez a été signé ce vendredi par M. Novelli. Le Conseil national de la consommation proposait une liste de 44 prestations, préconisait de rendre les contrats plus lisibles et de faciliter les comparaisons. L'enquête de la DGCCRF, diligentée à la demande du ministre, concluait à une application satisfaisante de l'avis, relevant cependant que des marges d'interprétation persistaient sur certaines rubriques. M. Novelli a donc annoncé, aux assises du 26 octobre, que la liste des prestations couvertes par le forfait serait fixée par arrêté. Le texte qu'il a signé vendredi reprend la liste des prestations de gestion courante recommandée par l'avis du Conseil de la consommation en y portant des précisions destinées à éviter les interprétations divergentes. Il a recueilli l'approbation des deux rapporteurs du Conseil et suit les recommandations écrites des associations de consommateurs et des organisations professionnelles : il s'agissait de rétablir la confiance sans pénaliser les syndics vertueux. Tous les contrats signés après le 1er juillet 2010 devront se conformer à cet arrêté. M. Novelli a en outre saisi la Commission des clauses abusives pour faire toute la lumière sur les contrats et l'articulation entre prestations de gestion courante et prestations particulières.
Mme Patricia Schillinger. - Je vous remercie de ces informations dont j'espère qu'elles apporteront la transparence au consommateur.
Reconduction de l'AER (Allocation équivalent retraite)
M. Martial Bourquin. - Depuis plus d'un an et demi, nous alertons le Gouvernement sur les conséquences dramatiques de la suppression, en 2008, de l'AER. Certes, le Gouvernement a rétabli, sous la pression, cette allocation pour l'année 2009, mais dans des conditions d'incertitude très pénibles pour les allocataires, menacés de perdre jusqu'à 600 euros de ressources par mois. Le sort des familles de 45 000 bénéficiaires est donc suspendu à la question des conditions de mise en oeuvre, tandis que les agents de Pôle emploi, surchargés, doivent monter des dossiers en urgence sans rien savoir des conditions d'obtention ni si le rétablissement sera rétroactif.
Pouvez-vous, madame la ministre, tranquilliser ces familles, menacées, depuis un an et demi, par l'épée de Damoclès que brandit le Gouvernement, et rassurer les agents de Pôle emploi sur la publication du décret de prolongation ? Les conditions seront-elles les mêmes qu'en 2009 ? Le même nombre de trimestres, les mêmes conditions de ressources seront-ils requis ? La prolongation ira-t-elle jusque fin 2011 ? Une enquête est-elle en cours sur les conditions de validation des plans de départ dits « volontaires » des salariés concernés, qui pensaient pouvoir bénéficier de l'AER ?
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. - Conformément au souhait émis dans le cadre de la Conférence sur l'agenda social, le Président de la République a en effet annoncé la prorogation, pour 2010, de l'AER, afin de tenir compte de l'impact de la crise et d'apporter une réponse aux salariés en fin de droits. Un arrêté est en cours de signature. De nouvelles ouvertures de demandes seront possibles, avant le 31 décembre, pour les salariés en fin de droits de moins de 60 ans dont les ressources seront inférieures à un plafond déterminé et qui justifient d'au moins 161 trimestres de cotisation.
M. Wauquier a demandé au directeur général de Pôle emploi de prendre toutes mesures pour que les dossiers soient rapidement traités. Sur l'emploi des seniors, qui ne doivent plus servir de variable d'ajustement des politiques de l'emploi, le Gouvernement est déterminé. Pour assurer leur maintien dans l'emploi, il a prévu, dans toutes les branches, pour les entreprises de plus de 300 salariés, que des accords devront être négociés.
M. Martial Bourquin. - Ceux qui ont travaillé toute une vie et qui, victimes de plans sociaux qui ne disent pas leur nom, ne méritent pas que l'on supprime leur allocation, au mépris des engagements écrits qui leur avaient été donnés. La disparition de l'AER ne se justifierait que si un plan était mis en place pour les seniors : le Gouvernement a mis la charrue avant les boeufs. Ce décret est attendu depuis trop longtemps par 45 000 personnes qui vivent dans la plus grande précarité.
Avenir des marchés de définition
M. Claude Bérit-Débat (en remplacement de M. Daniel Raoul) - Quel avenir l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 décembre 2010 réserve-t-il aux marchés de définition ? Notre code des marchés publics prévoit, dans le cas où un projet ne peut faire l'objet d'un programme précis déterminé à l'avance, une procédure permettant d'explorer les possibilités et conditions d'établissement d'un marché ultérieur.
Pour ce faire, l'article 73 dispose que « dans le cadre d'une procédure unique, les prestations d'exécution faisant l'objet de plusieurs marchés de définition ayant un même objet et exécutés simultanément, sont attribuées après remise en concurrence des seuls titulaires des marchés de définition ».
Cette procédure permet un travail simultané sur le programme et sa formalisation urbaine ou architecturale, un dialogue soutenu entre maître d'ouvrage et maîtres d'oeuvre et une appropriation collective du projet. Ce dispositif est particulièrement utile en urbanisme, car il permet d'aborder le fait urbain dans sa complexité.
Or, cette procédure vient d'être condamnée par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 décembre 2009 car « ces dispositions prévoient une procédure de marché de définition qui permet à un pouvoir adjudicateur d'attribuer un marché d'exécution à l'un des titulaires des marchés de définition initiaux avec mise en concurrence limitée à ces titulaires. La République française a donc manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 et 28 de la directive 2004/18/CE ». Seule la limitation du marché d'exécution ultérieur aux seuls titulaires du marché d'études antérieur est condamnée. En revanche, le fait de conduire plusieurs études sur le même objet afin d'approfondir le programme urbain n'est pas dénoncé. De nombreuses études sont aujourd'hui lancées, mobilisant des moyens importants. Or, nous ne savons pas aujourd'hui quelles seront les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice sur les procédures en cours.
Comment les dispositifs engagés et ceux d'exécution ultérieurs pourront-ils être conduits à leur terme ? En ce qui concerne les marchés d'exécution ultérieurs, les procédures engagées prévoyaient la réalisation de la deuxième phase. Leur interdiction aurait des répercussions économiques sur les candidats.
Est-il prévu des « passerelles » légales pour ne pas interrompre les procédures en cours ? Enfin, comment le Gouvernement envisage-t-il de remplacer les « marchés de définition » ?
Mon collègue Daniel Raoul vient d'arriver : il pourra ainsi répondre à la Mme la ministre.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. - Je me fais l'interprète de Mme Lagarde.
Comme vous l'avez dit, la Cour de justice de l'Union européenne a condamné la procédure des marchés de définition qui était organisée en deux temps : aux marchés de définition succédaient des marchés d'exécution. Afin de mettre le code des marchés publics en conformité avec la décision de la Cour et de se conformer aux obligations communautaires, cette procédure particulière sera abrogée prochainement.
Les conséquences de cette décision doivent être tirées sur les contrats passés actuellement. Les marchés de définition et d'exécution attribués avant l'arrêt de la Cour ne sont pas remis en cause si leur exécution est achevée. Si le marché de définition est achevé mais que le marché d'exécution n'a pas encore commencé, une mise en concurrence élargie à d'autres soumissionnaires que les titulaires des marchés de définition initiaux doit être organisée. L'équilibre économique de la procédure ne sera pas bouleversé, si les clauses du marché de définition ont prévu le transfert de la propriété intellectuelle de la « définition » du projet à l'acheteur public.
Si le marché de définition ou le marché d'exécution est en cours, la nécessaire stabilité des relations contractuelles et le principe de loyauté que se doivent les parties à un contrat administratif leur interdisent de se prévaloir de la décision de la Cour de justice pour tenter d'obtenir la nullité du contrat. Les personnes publiques sont néanmoins tenues, pour se conformer à la décision de la Cour de justice, de procéder à la résiliation des marchés d'exécution en cours. A défaut, la France serait condamnée une nouvelle fois par la Cour, comme cela a été le cas pour d'autres pays.
Le Gouvernement est toutefois conscient des difficultés pratiques qui risquent de survenir, surtout si le marché est en voie d'achèvement. Afin d'y remédier, au cas par cas, Mme Lagarde invite les acheteurs publics à saisir la direction des affaires juridiques de Bercy. Si, depuis l'arrêt de la Cour, les acheteurs publics ne peuvent plus avoir recours à l'article 73 du code des marchés publics, d'autres procédures sont utilisables. Ils peuvent ainsi conclure plusieurs marchés d'étude, puis lancer une seconde procédure permettant l'attribution d'un marché ultérieur, conformément aux règles de droit commun prévues par le code.
Le Gouvernement réfléchit à une éventuelle adaptation des instruments juridiques existants, afin de remplacer la procédure des marchés de définition désormais interdite.
M. Daniel Raoul. - Ce problème aurait dû être résolu depuis longtemps, car la condamnation de décembre 2009 ne fait qu'entériner un rappel à l'ordre antérieur.
Les collectivités qui ont engagé des concours de marchés de définition vont être confrontées à une réelle insécurité juridique. Dès lors qu'un lauréat du marché de définition pourrait se trouver exclu du marché d'exécution, des difficultés surgiront. Je ne suis pas sûr que l'appel aux services juridiques de Bercy permettra de régler tous les problèmes. Vous ne parlez que de simplification : la procédure que vous proposez s'en éloigne singulièrement. Ainsi en sera-t-il à Angers avec l'appropriation des berges de la Maine : les collectivités sont incapables de définir un programme dans un appel d'offres classique. De même, pour le Grand Paris, plusieurs cabinets d'architectes pourraient éclairer le maître d'ouvrage.
Bref, les collectivités se trouvent dans une insécurité juridique profondément inconfortable.
Promotion des langues régionales et, notamment, de l'occitan
M. Claude Bérit-Débat. - (L'orateur commence son intervention en occitan avant de poursuivre en français)
Depuis 2008, la Constitution reconnaît les langues régionales comme parties intégrantes du patrimoine de la France. Malgré cela, nous attendons toujours le projet de loi pérennisant leur pratique, promis par le Président de la République. En vain, semble-t-il, si l'on se réfère aux réponses fournies jusqu'ici.
Pourtant, la vitalité des langues régionales ne se dément pas. Une enquête sociolinguistique réalisée fin 2008, démontre par exemple que 250 000 Aquitains et un Périgourdin sur six parlent occitan. Et 80 % souhaitent son renforcement par l'école. Malgré cela, l'État rechigne à mettre en place les solutions adaptées pour pérenniser cet engouement incontestable. Aujourd'hui 500 élèves occitanistes sont répartis dans trois collèges et lycées périgourdins. Leurs effectifs croissants nécessiteraient une plus grande ouverture de postes d'occitan au Capes. Hélas, les heures de cours, et donc les postes d'enseignants, manquent pour répondre à cette demande.
Par ailleurs, les cahiers des charges des radios et chaînes audiovisuelles publiques devraient comprendre la diffusion mais aussi la production d'émissions en langues régionales. Le magazine occitan « Punt de Vista », diffusé sur France 3-Aquitaine, n'a vu le jour que parce qu'il est financé par le Conseil régional. Loin d'être anachroniques, les langues régionales sont un facteur d'insertion professionnelle et de cohésion sociale. En Dordogne, une formation assure l'apprentissage de l'occitan aux professionnels de l'accompagnement à domicile ou en établissement pour personnes âgées. Pour celles-ci, le fait de communiquer dans leur langue maternelle permet de maintenir leur capacité cognitive et retarde les maladies de type Alzheimer. La culture vient ici au service de la santé...
Monsieur le ministre, comment comptez-vous tenir les promesses présidentielles en faveur des langues régionales ? Comment souhaitez-vous pérenniser l'occitan, le provençal, le basque, le breton, bref, l'ensemble des langues régionales, c'est-à-dire, en fait, la culture française, qui comme la Nation, si elle est unique, n'est pas pour autant uniforme ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Le projet de loi relatif aux langues régionales, que le Gouvernement avait envisagé de déposer en mai 2008, était conçu comme un élément au sein d'un dispositif global de développement des langues régionales en France. Il visait principalement à donner une forme institutionnelle au patrimoine linguistique de la Nation et, en second lieu, à rassembler dans un même texte des dispositions existantes, mais que leur dispersion rend parfois difficilement accessibles à nos concitoyens.
Notre loi fondamentale ayant été modifiée en juillet 2008, le premier objectif a été pleinement atteint, puisque le titre XII de la Constitution, consacré aux collectivités territoriales, comporte désormais un article stipulant que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Et la Constitution a une portée supérieure à tout autre texte législatif national.
Par ailleurs, on peut développer les langues régionales sans nécessairement légiférer parce que l'appareil législatif et règlementaire actuel offre des possibilités qui ne sont pas toujours exploitées : de la signalisation routière à la publication des actes officiels des collectivités territoriales, il y a maintes occasions de manifester un bilinguisme français-langue régionale. De nombreuses marges de manoeuvre existent, qui pourront être utilisées si les collectivités locales, aux côtés de l'État, font valoir pleinement leur compétence en la matière, comme les y invite le titre Xll de la Constitution.
L'État, de son côté, consent déjà un effort important en faveur des langues régionales. Je pense à l'éducation nationale et au ministère de la culture et de la communication, qui soutient les initiatives contribuant à renforcer la création en langues régionales dans notre pays.
Pour ce qui concerne la langue et la culture occitanes en particulier, mon ministère apporte notamment son soutien financier aux productions cinématographiques et audiovisuelles occitanes, à la création théâtrale -au théâtre de la Rampe de Montpellier et au centre dramatique occitan de Toulon-, ainsi qu'à la publication et à la traduction d'oeuvres littéraires représentatives. II encourage les actions interrégionales, qu'il s'agisse de l'Estivade de Rodez ou du travail de l'Institut d'études occitanes pour la promotion et la socialisation de la langue. Plusieurs programmes font l'objet d'une coopération avec les conseils régionaux et autres collectivités publiques, dont bénéficie par exemple le Centre interrégional de développement de l'occitan, à Béziers. Sont privilégiées les initiatives qui diffusent la création occitane moderne et qui confortent sa place dans le paysage culturel de notre pays.
M. Claude Bérit-Débat. - Les efforts de l'État sont insuffisants. Vous dites qu'il n'y a pas besoin de légiférer, à chaque interpellation du Gouvernement à ce sujet vous opposez le même état des lieux et vous invoquez les autres moyens de diffuser les langues régionales. La signalétique, je l'ai utilisée depuis longtemps...
Je demande au Gouvernement de dégager davantage de moyens pour l'apprentissage de la langue. La demande des jeunes est très forte, qui souhaitent se réapproprier ainsi une part de leur histoire. Il n'y a pas assez d'enseignants, de postes au Capes, d'heures supplémentaires. L'effort des régions est sans commune mesure avec celui de l'État : le conseil régional d'Aquitaine a ainsi consacré un million d'euros à la promotion de l'occitan contre 10 à 20 000 pour l'État. Quant à votre ministère, il devrait porter l'effort sur les médias audiovisuels. Je plaide là pour l'occitan mais aussi bien pour le basque, le breton ou le provençal qui font la richesse culturelle de la Nation sans pour autant porter atteinte à son unité.
Assiette de la contribution à l'audiovisuel public
M. Hervé Maurey. - La loi de mars 2009 a profondément modifié le financement de l'audiovisuel public, en créant une taxe de 0,9 % sur les opérateurs de communications électroniques, une autre sur les recettes publicitaires des chaînes -contestée par Bruxelles-, et en augmentant de 2 euros, à la quasi-unanimité du Sénat, la redevance, rebaptisée « contribution à l'audiovisuel public. A cette occasion, plusieurs propositions avaient été faites, par voie d'amendements, tendant à augmenter le produit de cette contribution sans en augmenter le montant. On proposait par exemple qu'elle s'applique, dans la limite d'une fois et demie par foyer fiscal, aux contribuables possédant une télévision supplémentaire dans leur résidence secondaire, ce qui aurait rapporté 116 millions. Il avait aussi été proposé que la contribution s'applique aux appareils pouvant diffuser les programmes audiovisuels, par exemple aux ordinateurs, sous réserve que leur propriétaire ne la paye pas déjà pour un téléviseur.
Nos avions retiré ces amendements car le Premier ministre avait pris l'engagement de créer un groupe de travail chargé de réfléchir à la modernisation de la redevance. Or, ce groupe n'a pas encore été créé. Pourquoi ? Sera-t-il créé et quand ? Où en est la réflexion du Gouvernement sur le financement de l'audiovisuel public ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - La volonté du Sénat de garantir un financement pérenne de l'audiovisuel public est légitime et je m'y associe pleinement. Je prête donc une grande attention aux déterminants de ses recettes : assiette de la contribution, montant, champ des bénéficiaires.
Le débat ouvert en 2008 ne se pose plus dans les mêmes termes aujourd'hui, puisque des changements ont lieu, à l'initiative, d'ailleurs, du Parlement : la contribution a été rehaussée, par son indexation sur l'inflation par la loi de finances rectificative pour 2008.
Elle a en outre été portée en 2010 à 120 euros par la loi du 5 mars 2009. Le passage au tout numérique fait enfin l'objet d'un financement distinct. Le projet de loi de finances pour 2010 a été élaboré en cohérence avec ces diverses dispositions ; les rapporteurs du texte ont d'ailleurs salué le niveau élevé du financement des médias.
Le Gouvernement s'est donné le temps de la réflexion sur un éventuel élargissement de la contribution aux nouveaux modes de réception de la télévision. Le rapport en cours de transmission au Parlement, qui conclut qu'il n'y a pas lieu de modifier le dispositif actuel, nourrira la réflexion en liaison avec les parlementaires. Soucieux d'une bonne application de la loi, le Gouvernement entend mettre en place un comité de suivi, dont les modalités de fonctionnement seront définies par décret. Celui-ci sera publié à l'issue des échanges en cours avec la Commission européenne sur le financement de France Télévisions.
M. Hervé Maurey. - Je vous remercie d'avoir rappelé l'attachement de notre assemblée à un financement pérenne de l'audiovisuel public. C'est contre l'avis de beaucoup que la redevance a pu être réévaluée à l'initiative de Mme Morin-Desailly. J'apprends ce matin que le groupe de travail ne sera pas créé, contrairement aux engagements pris, qu'un rapport est en cours de transmission et qu'un décret est en préparation. Plusieurs questions restent pendantes. On ne sait encore le sort qui sera réservé par Bruxelles à la taxe de 0,9 % sur les opérateurs de télécommunication ; et la suppression de la publicité avant 20 heures semble remise en question par certains. Nous aurons l'occasion d'en débattre en mai à l'initiative de notre groupe.
Application de la loi de modernisation de la diffusion audiovisuelle
M. Thierry Foucaud. - Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées dans ma région de Haute-Normandie pour le passage au tout numérique de la réception des programmes de télévision. La loi de modernisation de la diffusion audiovisuelle fixe comme objectif la couverture de 95 % de la population métropolitaine. Or 1 874 des 3 500 émetteurs français ne sont pas encore numérisés ; 39 communes de ma région, en tout ou en partie, ne peuvent pas recevoir la TNT. L'État recommande aux municipalités d'investir à hauteur de 100 000 euros par émetteur supplémentaire -plus les frais de fonctionnement évalués à 50 000 euros par an. Ce qui ne peut être envisagé au regard des difficultés financières qu'elles connaissent.
Un fonds d'aide a été mis en place pour l'équipement des foyers exonérés de redevance ; mais beaucoup de nos concitoyens assujettis à celle-ci, qui ne sont pas pour autant des nantis, doivent eux aussi s'équiper en décodeurs ou souscrire un abonnement à internet. Peut-on enfin envisager de voir nos falaises ou nos colombages, qui ont inspiré tant d'artistes, hérissés de paraboles à l'esthétique pour le moins discutable ? Le remplacement des émetteurs non numérisés doit être envisagé. Comment le Gouvernement entend-il assurer l'égalité de tous les citoyens ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. - Certains de vos propos ne reflètent pas la réalité. Le basculement au tout numérique a lieu région par région ; après l'Alsace et la Basse-Normandie, ce sera le tour des Pays-de-Loire, de la Bretagne et de la Lorraine. Le Gouvernement s'est engagé à ce que tous les Français aient accès au numérique. A la demande du CSA, le critère de 95 % de couverture nationale a été complété : 91 % de la population de chacun des départements devront désormais être couverts. L'État investit 333 millions d'euros pour accompagner le passage au tout numérique : information, assistance technique, mais aussi fonds d'aide à l'équipement des foyers exonérés de redevance. Sur ma proposition, le Premier ministre a décidé qu'un fonds « paraboles » serait accessible à tous nos concitoyens, sans conditions de ressources.
Non, nous ne recommandons pas aux communes de numériser leurs émetteurs qui ne le sont pas, car ce n'est pas rentable.
Oui, le fonds d'aide pour les paraboles s'adresse à tous les Français, sans condition de ressources, dès lors qu'ils ne reçoivent pas la télévision numérique par leur antenne râteau.
Non, les paraboles ne sont pas une catastrophe pour l'environnement, car les récepteurs n'ont plus nécessairement la forme de parabole, ils peuvent se loger dans des cônes verts, qu'on place dans son jardin, ou encore dans des plaques de format A5, qui trouvent une place discrète dans un toit de tuiles ou d'ardoise.
Si une collectivité veut cependant numériser son émetteur, l'État l'accompagnera en contribuant à proportion du nombre de foyers qui auraient bénéficié d'une aide à l'équipement en parabole. Nous essayons de limiter cette option, c'est le sens de notre demande au CSA de porter au plus haut la limite de puissance des émetteurs, afin qu'ils couvrent le plus possible de territoire.
M. Thierry Foucaud. - Mme la ministre persiste, ce qui ne m'étonne guère. Vous parlez des nouvelles paraboles, sans préciser leur coût. Vous allez compenser l'équipement en paraboles, sans dire que cette option est très coûteuse. A titre d'exemple, à Grand-Couronnes, dans la périphérie de Rouen, 800 foyers sur 3 000 ne sont pas couverts par la TNT : il faudra 200 000 euros de compensation, quand la numérisation de l'émetteur local coûterait 100 000 euros; c'est du gaspillage ! Mieux vaudrait investir dans les relais locaux, plutôt qu'utiliser des aides qui gaspillent de l'argent public : c'est le bon sens même ! Je m'inquiète d'autant plus quand je vous entends dire que d'un objectif national de 95 % de population couverte, on est passé à 91 % à l'échelle départementale.
Prix du lait
M. Claude Biwer. - Les producteurs de lait sont inquiets. L'accord signé entre une organisation de producteurs et des transformateurs a fixé à 285 euros le prix de la tonne de lait au premier trimestre 2010. Ce prix correspond à celui pratiqué au second semestre 2009, sans régler aucune des difficultés des 90 000 producteurs de lait, car le véritable prix payé aux producteurs est plus proche de 245 euros la tonne.
Cet accord sur le prix du lait ne satisfait personne. Les producteurs de lait l'ont fait savoir lors de l'inauguration du Salon de l'agriculture, et peut-être aux élections régionales : à 24 ou 28 centimes du litre, le prix du lait ne compense pas leurs coûts d'exploitation, d'autant que leurs revenus ont baissé de 54 % en 2009.
Il ne satisfait pas davantage les transformateurs, industriels et coopératives, qui disent ne pas pouvoir payer plus cher le litre de lait sans compromettre la compétitivité de leurs entreprises.
Quant aux consommateurs, ils constatent tous les jours qu'ils doivent payer le prix du litre de lait, en moyenne, entre 0,90 centimes d'euros et 1,15 euro, quatre fois plus cher que le prix payé au producteur ! Ils constatent également que le prix des produits transformés, beurre, yaourts et fromages n'a pas baissé malgré la chute spectaculaire des prix à la production au premier semestre 2009. Et ils mettent en cause, sans doute à juste titre, la grande distribution qui ne répercute que très insuffisamment la baisse des prix, ce qu'un rapport de M. Besson a confirmé.
Quant aux grandes surfaces, elles accusent les transformateurs d'avoir profité de la baisse des prix du lait à la production pour reconstituer leurs marges.
On ne sait pas qui dit vrai, mais ce qui est certain, c'est qu'aux deux bouts de la chaîne, les producteurs et les consommateurs sont perdants !
Monsieur le ministre quelles mesures comptez-vous prendre à l'échelle nationale et communautaire, notamment en direction des industriels et de la grande distribution, pour que le lait soit payé à son juste prix aux producteurs ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. - Vous avez raison : le prix du lait a baissé de 20 % l'an passé, pour s'établir en moyenne entre 262 et 280 euros la tonne. Ma première préoccupation a été d'intervenir pour augmenter ce prix, de telle sorte qu'il couvre les coûts de revient. Après une âpre bataille diplomatique, nous avons obtenu que la commission européenne intervienne à hauteur de 300 millions sur le marché du lait : c'est parce que la France a exigé ce déblocage de fonds européens, que le prix est repassé entre 285 et 290 euros la tonne au premier trimestre de cette année.
A plus long terme, je veux garantir un revenu stable et décent aux producteurs, en ne les laissant pas seuls face à la volatilité des prix sur les marchés.
La loi de modernisation agricole, que vous examinerez à compter du 17 mai, créera dans ce sens des contrats entre les producteurs et les industriels, afin que ces derniers s'engagent sur l'achat de quantités et à des prix minimas fixés sur cinq ans. Nous donnerons ensuite plus de pouvoir à l'Observatoire des prix et des marges agricoles, afin que les prix soient déterminés en toute transparence.
Il faut, enfin, plus de régulation européenne : l'Union européenne doit pouvoir intervenir plus vite en cas de baisse des prix, ce sera un filet de sécurité.
M. Claude Biwer. - Je connais vos efforts pour la profession, monsieur le ministre, mais les choses n'avancent pas assez vite et ce qui est très inquiétant, c'est que lorsque les agriculteurs n'investissent plus dans le monde rural, les difficultés deviennent très graves pour les territoires dans leur ensemble. Nous serons à vos côtés pour la loi de modernisation agricole, en espérant qu'elle apportera des solutions efficaces !
Travail dominical
M. Alain Fouché. - La loi « Maillé » du 10 août 2009 a rendu obligatoire la compensation financière du travail dominical pour les salariés de commerces de détail travaillant dans des périmètres d'usage de consommation exceptionnelle (Puce), tout en laissant cette compensation facultative pour le travail dominical autorisé dans les communes dites d'intérêt touristique ou d'affluence exceptionnelle. La loi a également repoussé à 13 heures, au lieu de midi, l'heure de fermeture dominicale des commerces alimentaires de grande et moyenne surface, ceci sans aucune compensation et sur tout le territoire. Quant aux commerces de détail non alimentaires ouverts cinq dimanches par an, hors zones particulières, les salariés bénéficient d'une majoration de salaire égale au trentième de leur rémunération habituelle.
Les disparités sont donc fortes, selon les types de commerces et les zones d'implantation. Madame le ministre, la grande distribution a pris des engagements, que sont-ils devenus ? Comment les salariés peuvent-ils être garantis que ces engagements seront suivis d'effets ? Enfin, combien d'emplois ont-ils été créés grâce à cette loi ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. - Les commerces de détail alimentaire, au nombre desquels peuvent figurer certaines grandes surfaces à dominante alimentaire, n'ont pas vu leur régime dérogatoire modifié par la loi, hormis la possibilité de prolonger l'ouverture dominicale jusqu'à 13 heures au lieu de midi.
Bénéficiant d'une dérogation de plein droit jusqu'à 13 heures, ces établissements appliquent la convention collective nationale du 12 juillet 2001, qui accorde une compensation égale à 100 % du salaire horaire pour chaque heure travaillée le dimanche de façon occasionnelle, la majoration tombant à 20 % en cas de travail dominical habituel. Lorsque l'ouverture dominicale est étendue à l'ensemble de la journée dans le cadre d'un arrêté municipal, compensations légales et conventionnelles se cumulent.
Ainsi, la loi d'équilibre du 10 août 2009 a enfin apporté un cadre juridique sécurisé aux entreprises concernées et à leurs salariés, mais sans revenir sur le principe fondamental du repos dominical.
Je vous rappelle qu'un comité comportant trois parlementaires de la majorité et trois de l'opposition présentera un rapport sur l'application de cette loi, un an après sa promulgation. Une évaluation des effets économiques pourra être présentée dans ce cadre.
M. Alain Fouché. - Je vous remercie pour ces précisions, tout en souhaitant que le Gouvernement soit attentif au versement de toutes les compensations.
Dommage que nous n'ayons aucune idée quant au nombre d'emplois créés à ce jour. J'attendrai le rapport...
Protection de l'enfance
Mme Anne-Marie Escoffier. - La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance aurait dû faire l'objet d'un décret d'application au titre de l'article 27, qui a institué un fonds national de financement de la protection de l'enfance.
Plus de trois ans après la promulgation de la loi, le décret n'a toujours pas été publié, ce qui provoque des difficultés majeures pour les départements, compétents en matière d'aide sociale à l'enfance. Comment expliquer pareil retard, alors que le Premier ministre avait estimé dans une circulaire du 27 février 2008 que l'application rapide de la loi était un impératif démocratique ?
Que compte faire le Gouvernement pour réparer cette carence qui fragilise les budgets départementaux, chargés d'assurer la protection de l'enfance dans le respect de la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France en 1990 ?
On ne peut se satisfaire de la réponse entendue le 23 juin 2009 par une collègue, à savoir que ce fonds brouillerait les financements existants !
Je vous remercie des informations que vous pourrez nous communiquer, complétées par l'engagement à trouver une solution dans les meilleurs délais.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. - La loi du 5 mars 2007 a fait l'objet d'un consensus unanime de la Haute assemblée, dont la très grande vigilance sur l'application du texte a été comprise par le Gouvernement. Au demeurant, nous sommes animés des mêmes intentions quant à l'enfance en danger.
Où en est l'application de la loi ?
Le décret du 30 juillet 2008 concerne la formation des cadres territoriaux.
Mme Morano a signé le 19 décembre 2008 le décret organisant la transmission des informations préoccupantes recueillies par les cellules départementales aux observatoires départementaux de la protection de l'enfance et l'Observatoire national de l'enfance en danger. Concrètement, 91 cellules départementales de recueil d'informations préoccupantes ont été installées ; 74 protocoles départementaux sont finalisés, dont 58 ont été signés ; enfin, 33 observatoires départementaux de protection de l'enfance ont été mis en place et 58 sont en cours d'élaboration. Il faut encore améliorer ce dispositif d'information, mais pouvons déjà mieux cibler nos actions.
Le décret organisant la nouvelle procédure de mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial est paru le 30 décembre 2008. Il était très attendu par les juges des enfants et par les services sociaux.
Le décret relatif à la formation des professionnels travaillant dans le domaine de la protection de l'enfance a été publié le 23 juin 2009.
Il reste aujourd'hui deux décrets à signer : celui relatif à la médecine scolaire organisant les quatre visites médicales gratuites entre la sixième et la quinzième année des enfants, qui fait l'objet d'une enquête de l'Igas, et celui relatif au fonds national de financement de la protection de l'enfance.
Des difficultés juridiques expliquent le retard pris dans la rédaction de ce dernier décret, dont le projet est en phase de finalisation technique. S'ouvrira bientôt la phase de consultation, notamment auprès de la caisse nationale des allocations familiales, du comité des finances locales, ainsi que de la commission consultative d'évaluation des normes. Les signatures ministérielles auront ensuite être apposées. Ce fonds apportera aux départements un financement complémentaire pour la protection de l'enfance, compétence des conseils généraux depuis les lois de décentralisation. Il sera abondé par l'État et par la caisse nationale d'allocations familiales, dans les conditions prévues par les lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
Mme Anne-Marie Escoffier. - Merci pour ce point global sur les décrets d'application de la loi, mais ma question portait surtout sur le fonds de financement, dont la mise en place a été retardée par des arguties juridiques.
Dans son arrêt du 30 décembre 2009, le Conseil d'État a laissé quatre mois au Gouvernement pour publier ce décret d'application. Nous y sommes presque ! Nous serons très vigilants sur ce sujet directement en relation avec les budgets de nos collectivités.
Application de la loi du 11 février 2005
Mme Michelle Demessine. - Censée poser les bases d'une société moins discriminante, la loi pour l'égalité des droits et des chances fut porteuse d'espérance pour des millions de personnes handicapées, mais son application minimaliste et lente a vidé de sa substance un texte dont ne subsiste que l'affichage.
Ainsi, le Gouvernement est revenu sur les dispositions initiales en matière d'accès au logement et aux bâtiments publics : les dérogations tendent à devenir la règle. Heureusement, le Conseil constitutionnel a invalidé l'extension aux constructions neuves des quatre dérogations instituées pour l'ancien !
Le taux de chômage des personnes handicapées est deux fois plus élevé que parmi le reste de la population. Dans les PME, on ne dénombre que 3 % de personnes handicapées. Alors que la loi de 2005 obligeait les entreprises n'employant pas de personnes handicapées à verser 1 500 fois le Smic horaire à l'Agefiph, vous avez reporté cette sanction de six mois en décembre dernier à l'égard des PME de moins de 50 salariés, en invoquant un « contexte économique exceptionnel ». Est-il juste que les personnes handicapées doivent faire des sacrifices ? Si l'État ne proclame pas sa volonté, il n'y aura jamais de moment propice !
L'une des grandes avancées de la loi est le droit de chaque enfant à être scolarisé dans l'école de son secteur, l'État devant mettre en place les moyens financiers et humains d'une scolarisation en milieu ordinaire. Or, s'il est vrai que les enfants en situation de handicap sont de plus en plus souvent scolarisés, je déplore que l'éducation nationale se soit désengagée sur le dossier des auxiliaires de vie scolaire (AVS), ce qui retarde l'accès de tous à l'école. Il s'ensuit une discrimination à l'encontre des enfants et adolescents qui ne peuvent poursuivre leur parcours scolaire. Sans égalité des chances à ce niveau, les intéressés subissent une spirale de discrimination tout au long de leur vie.
Mais le droit de compensation reste l'innovation principale de la loi, qui rend obligatoire l'élaboration d'un plan personnalisé de compensation. Or, une proposition de loi vient de rendre ce plan optionnel...
Enfin, bien que le Président de la République ait promis d'augmenter de 25 % l'allocation d'adulte handicapé, celle-ci reste inférieure au seuil de pauvreté. On reste très loin du revenu d'existence au moins égal au Smic, revendiqué avec force en 2005 par toutes les organisations représentatives ! En outre, les mesures restreignant l'accès aux soins -comme les franchises médicales ou l'augmentation du forfait hospitalier- ont encore amputé les maigres ressources des allocataires. Il suffirait de réévaluer le seuil d'accès à la couverture médicale universelle complémentaire pour leur rendre un peu plus de dignité devant le droit à la santé, dont ils ont besoin plus que nul autre.
Les personnes handicapées se sentent trahies par la non-application d'une loi prometteuse. Leur colère s'exprimera fortement le 27 mars par des manifestations dans toute la France. Qu'allez-vous leur répondre ? Qu'entend faire le Gouvernement pour tenir ses engagements, cinq ans après le vote de la loi ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. - La loi du 11 février 2005 a affiché de grandes ambitions pour l'égalité des droits et des chances en faveur des personnes handicapées, et depuis cinq ans le Gouvernement et le Parlement l'ont sans cesse améliorée : cent cinquante textes d'application ont été publiés.
S'agissant de l'accessibilité des lieux publics et des transports, nous entendons donner un nouvel élan à cette politique, accompagner les entreprises et améliorer l'accès aux nouvelles technologies : de cette manière le droit opposable à l'accessibilité sera garanti dès 2015.
En ce qui concerne l'emploi, le renforcement des contributions financières en cas de manquement à leurs obligations par les entreprises de plus de vingt salariés ou les fonctions publiques commence à porter ses fruits. Actuellement, 750 000 personnes sont employées, dont 80 % en milieu ordinaire : leur nombre a augmenté de 4 % dans le secteur privé depuis 2005. Pas moins de 40 % des entreprises atteignent ou dépassent le taux de 6 %. Dans le secteur public, le taux d'emploi est passé de 3,7 % en 2005 à 4,4 % en 2009. Le délai de six mois accordé aux PME ne nuira pas à l'emploi des personnes handicapées, bien au contraire : alors que les procédures de redressement et de liquidation ont augmenté en 2009 de 11,4 % et même de 61,4 % pour les PME, il faut éviter de fragiliser notre tissu économique. Passés ces six mois, les entreprises qui auront conduit les actions prévues par la loi du 11 février 2005 s'acquitteront de leur contribution sur la base de 400 fois le Smic par unité manquante, les autres paieront leur contribution sur la base de 1 500 fois le Smic.
Un autre sujet de préoccupation est la scolarisation des enfants, adolescents et adultes handicapées. Notre mobilisation permet aujourd'hui à 180 000 élèves d'être accueillis dans les établissements scolaires ordinaires du premier et du second degré : le taux global de scolarisation en milieu ordinaire est passé de 66,5 % en 2005-2006 à 71,9 % en 2008-2009. Ces progrès n'auraient pas été possibles sans un effort massif de l'État. A chaque rentrée scolaire depuis 2007, environ 250 classes nouvelles de Clis ou UPI ont été créées. Près de 20 000 auxiliaires de vie scolaire, plus de 12 700 enseignants spécialisés et 1 300 enseignants référents assurent des fonctions d'encadrement et d'accompagnement.
Enfin, l'État assure aux personnes handicapées un revenu décent grâce à l'allocation aux adultes handicapés, revalorisée de 25 % entre 2008 et 2012 : elle atteindra alors un montant mensuel de 776 euros. Cette allocation, qui permet aujourd'hui à 850 000 personnes de vivre dignement, coûte 5,8 milliards par an.
Beaucoup a été fait mais beaucoup reste à faire. Le Comité interministériel du handicap, installé le 9 février, ainsi que l'Observatoire de l'accessibilité et de la conception universelle, installé le 11 février, nous y aideront. Nous parviendrons à atteindre nos objectifs en 2015 si nous mettons en place un pilotage rigoureux, fondé sur des indicateurs précis.
Aide à domicile des personnes âgées
M. René-Pierre Signé. - Mon propos rejoint et élargit celui de Mme Demessine : je m'inquiète de la remise en cause du financement par l'État de l'aide à domicile pour les personnes âgées, dépendantes ou handicapées. Les associations qui gèrent les soins et services à domicile et les syndicats tirent la sonnette d'alarme devant les difficultés financières qui menacent tant les salariés que les personnes aidées. Alors que le Président de la République a fait de la dépendance des personnes âgées l'un des grands thèmes sociaux de l'année, le financement par l'État de l'allocation personnalisée d'autonomie a été ramené de 50 % en 2001 à 30 % en 2009, et les prestations de compensation du handicap, d'aide à domicile ou d'aide ménagère réduites de 10 à 15 %.
Prises en étau entre les exigences de formation des personnels et ces réductions de trésorerie, les structures d'aide sont mises en péril et se voient dans l'obligation de licencier et de réduire leurs interventions. Des milliers d'emplois sont menacés et la qualité de service se dégrade, ce qui pourrait provoquer des maltraitances. La professionnalisation du secteur est menacée, et un public fragile mis en danger.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. - Les services d'aide à domicile sont essentiels pour prévenir la perte d'autonomie des personnes âgées et accompagner celles qui sont dépendantes ou handicapées. Ce secteur se caractérise par sa diversité : diversité des publics, des modes d'intervention, complexité des cadres juridiques résultant du droit d'option entre l'agrément par le préfet et l'autorisation par le président du conseil général, pluralité des financeurs publics -conseils généraux, caisses de retraite, CAF- et des modes de financement, qui prennent souvent la forme indirecte d'une aide à la personne et sont mal articulés. Je n'insisterai pas sur l'hétérogénéité des pratiques des départements et sur le niveau très variable des tarifs qu'ils arrêtent pour les services qu'ils ont autorisés.
Cette situation complexe nous oblige collectivement à rechercher les meilleures solutions pour faire évoluer les règles de tarification. C'est pourquoi, à l'occasion de l'installation du nouveau conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, j'ai demandé à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) de réunir l'ensemble des acteurs concernés, financeurs, gestionnaires, représentants des usagers et des salariés. Trois axes de travail ont été retenus.
Une mission sur la tarification et le financement des services d'aide à domicile sera confiée aux inspections générales des affaires sociales, des finances et de l'administration pour analyser les déterminants du coût des prestations, examiner les modifications à apporter au dispositif actuel de tarification en tenant compte de la nécessaire solvabilité des caisses de sécurité sociale et des départements, et réfléchir aux moyens de renforcer le contrôle de l'effectivité de la dépense publique.
Un groupe de travail piloté par la DGCS devra établir un état des lieux de l'offre de service, du profil et des besoins des personnes aidées et des pratiques des départements en termes d'autorisation et de tarification. L'objectif est de constituer un observatoire pour ce secteur qui souffre du manque de données objectives, exhaustives et partagées. Ce groupe travaillera aussi sur l'efficience des structures et les objectifs à retenir en termes de modernisation, d'adaptation et de mutualisation des services.
Enfin, j'ai demandé à la CNSA de conduire et d'animer un travail avec l'ensemble des acteurs pour évaluer les besoins, élaborer des plans d'aide et définir leurs modalités de mise en oeuvre.
Les conclusions opérationnelles de ces travaux sont attendues à l'automne. Nous en tirerons toutes les mesures utiles pour améliorer la qualité, l'accessibilité et la soutenabilité financière de l'aide à domicile.
M. René-Pierre Signé. - Je remercie Mme la ministre de sa réponse, qui pourtant ne me satisfait pas entièrement. Si je comprends bien, des décisions seront prises cet automne. Mais les effets de l'amputation des aides publiques se font déjà sentir. La qualité de service se dégrade, de même que les conditions de travail des salariés. Vous annoncez avoir saisi la DGCS, mais vous ne dites pas si vous rétablirez un financement mieux proportionné à l'utilité de ces services, que vous considérez vous-même comme indispensables en un temps où la population française vieillit. Si nous attendons trop longtemps, les prestataires devront licencier certains de leurs employés et réduire leurs interventions. Pas moins de 60 000 personnes âgées bénéficient de ces services, qui occupent 10 000 salariés : cela mérite qu'on s'y arrête.
Emballages réutilisables des boissons
M. Yves Détraigne. - Il faut promouvoir les emballages réutilisables pour les eaux, boissons rafraîchissantes sans alcool et bières dans le circuit « cafés hôtels restaurants ». Lors de l'examen du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, un amendement visant à imposer aux cafés, hôtels et restaurants de recourir à ces emballages avait été adopté puis supprimé par la commission mixte paritaire au motif qu'un groupe de travail se constituait à ce sujet.
De même, lors de l'examen du Grenelle II au Sénat, j'avais défendu un amendement similaire auquel vous vous étiez opposée, madame la ministre, au motif que, selon les conclusions du groupe de travail, le bilan d'un tel système était positif pour les seuls circuits courts. Par exemple, lorsqu'un consommateur rapporte une bouteille de jus de pomme vide à un producteur sur le marché. D'une part, il est surprenant que le Gouvernement détienne les conclusions d'une étude toujours en cours. D'autre part, je m'inquiète d'une possible confusion entre la consignation des emballages réutilisables dans la grande distribution, qui peut être négative, et celle dans les cafés, hôtels et restaurants, nécessairement positive puisque, a noté la Commission européenne dans une communication du 9 mai 2009, le circuit retour existe déjà et que le gisement de bouteilles vides est concentré, homogène et intégré dans des circuits logistiques de livraison. Madame la ministre, pourriez-vous préciser les véritables raisons de votre opposition à la consignation en matière d'emballages en brasserie et eaux gazeuses, qui, rappelons-le, était obligatoire de 1938 à 1989 ? Ensuite, pourquoi les emballages réutilisables semblent-ils condamnés à disparaître quand la directive européenne du 20 décembre 1994 encourage leur consommation ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. - Je me souviens fort bien de ce débat sur la consignation... L'étude, dont les conclusions définitives seront connues avant la fin du premier semestre 2010, montrait alors que la consignation apporte un réel bénéfice environnemental, mais seulement pour certains types de boissons, notamment celles contenues dans des emballages en verre et des fûts métalliques. Le bilan actuel de la consignation des bouteilles réutilisables du secteur café, hôtel et restaurant en France souligne que la réutilisation est inexistante pour le lait, les alcools autres que la bière et le vin ; peu développée pour les jus de fruits, de plus en plus conditionnés dans des briques alimentaires non réutilisables ; minoritaire pour les vins de tables et les boissons rafraîchissantes sans alcool ; assez développée pour les eaux embouteillées ; et, enfin, majoritaire pour les bières. Les comparaisons internationales confortent l'opportunité de cette distinction entre la consignation des eaux embouteillées, les boissons rafraîchissantes sans alcool et les bières et celles des autres boissons. S'il est envisageable de conforter l'existant, étendre le champ des emballages consignés à de nouvelles boissons ne semble donc pas pertinent. En outre, d'après les études environnementales menées en Europe, la consignation obligatoire des bouteilles réutilisables en verre a généré un transfert de la consommation vers des emballages à usage unique fabriqués à partir d'autres matériaux. Pour y parer, il faudra prévoir un dispositif de consignation portant sur tous les matériaux, et non uniquement sur le verre. En conséquence, le Gouvernement réfléchit à l'extension de la consignation selon les termes suivants : une consignation pour réutilisation des eaux embouteillées, des boissons rafraîchissantes sans alcool et des bières ayant un volume supérieur à 0,5 litre ainsi qu'une consignation pour réutilisation ou recyclage pour les mêmes boissons de volume inférieur à 0,5 litre.
M. Yves Détraigne. - Merci, madame la ministre, de cette réponse précise, convaincante et, point important, compréhensible par tous. De fait, pour mettre en oeuvre les mesures du Grenelle de l'environnement, nous devons faire de la pédagogie car leur succès dépend de l'adhésion de notre population !
Interdiction de la pêche professionnelle au lac de Vouglans
M. Gérard Bailly. - Madame la ministre, je veux attirer votre attention sur un problème certes particulier, mais important pour le Jura. Associations de pêche amateur et élus du Jura s'inquiètent de la rumeur persistante selon laquelle des pêcheurs professionnels seraient autorisés à s'installer au lac de Vouglans. Or ce lac hydroélectrique peut être très rapidement sollicité par EDF en cas de besoin urgent. De plus, la pêche professionnelle aurait un impact négatif non seulement sur la pratique amateur mais aussi sur le développement touristique du secteur alors que le département a fait des investissements importants en aménageant les ports du lac et la base nautique de Bellecin où viennent s'entraîner les équipes nationales d'aviron, notamment celle de France. Madame la ministre, assemblées extraordinaires et pétitions se multiplient. Afin que je puisse apaiser les inquiétudes de tous, le Gouvernement peut-il m'assurer que le droit de pêche ne sera pas accordé aux pêcheurs professionnels sur le lac de Vouglans ? Merci d'avance !
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. - En août 2007, certains préfets, pour des raisons sanitaires, ont dû interdire la pêche professionnelle sur le Rhône, du barrage de Sault-Brenaz jusqu'à la mer, ce qui a privé quatorze pêcheurs professionnels de toute activité. L'opportunité de réinstaller certains d'entre eux sur le lac de Vouglans avait alors été envisagée, puis écartée après analyse technique comme vous l'avait indiqué le ministre d'Etat dans son courrier du 11 août 2008. Après que des arrêtés similaires d'interdiction totale ou partielle ont été pris en février 2009 sur la Saône, il a été demandé aux préfets d'intensifier la recherche de nouveaux sites de pêche pour réinstaller la vingtaine de pêcheurs professionnels touchés par ces interdictions, deux ont été ainsi implantés sur le Lac Léman. Rappelons qu'une éventuelle relocalisation d'un pêcheur professionnel ne saurait être envisagée si elle remet en cause substantiellement les usages préexistants. De surcroît, le préfet coordinateur de bassin, dans un rapport de fin janvier, a précisé que l'ouverture de nouveaux secteurs de pêche sur le domaine public n'interviendra qu'au moment du renouvellement des baux de pêche de l'État, soit fin 2011. En attendant, nous étudions au cas par cas la situation de chaque pêcheur professionnel. Or aucun d'entre eux n'est disposé à ce jour à implanter son activité de pêche sur le lac de Vouglans. En tout état de cause, je vous assure qu'aucune décision ne sera prise sans consultation locale. Puissiez-vous, fort de cette réponse, apaiser les pêcheurs !
M. Gérard Bailly. - Je suis presque rassuré... Qu'aucun pêcheur professionnel ne soit candidat au lac de Vouglans et l'assurance de l'organisation d'une grande concertation locale sont des éléments positifs car ce projet suscite une opposition unanime dans le Jura. Nous suivrons avec attention ce dossier jusqu'en 2001, date à la quelle nous espérons une réponse définitive qui nous sera favorable.
La séance est suspendue à midi.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 14 h 35.