Questions cribles thématiques : « Copenhague, et après ? »
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur « Copenhague, et après ? ».
M. François Fortassin. - Il y a un mois s'achevait la Conférence de Copenhague, qui devait être l'occasion pour les 192 pays ayant ratifié la convention-cadre des Nations unies, conformément à la feuille de route décidée en 2007, de négocier un accord sur le climat pour remplacer le protocole de Kyoto. L'objectif était de réduire de moitié en 2050 les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990 et de faire en sorte que la température moyenne de la planète ne dépasse pas à cette date de plus de 2 degrés celle de l'ère préindustrielle.
L'accord obtenu est peu contraignant. Une grande espérance a été déçue, c'est même, diraient les Espagnols, un verdadero fracaso, un véritable échec. Les objectifs de réduction des émissions ne figurent pas dans le texte final, et aucune mention n'y est faite d'une organisation mondiale de l'environnement. A la suite des négociations entre pays industrialisés et pays émergents, à l'exclusion de l'Union européenne, une simple déclaration d'intention a été signée.
Tout en saluant votre engagement personnel, monsieur le ministre, je vous demande quelle action la France peut mener dès cette année pour parvenir à un accord concret, contraignant et exécutoire par tous ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. - Copenhague a été rêvé par les Européens sous la même forme que l'accord contraignant obtenu sous présidence française l'année précédente. Vous conviendrez qu'obtenir un tel accord à 193 était une tâche périlleuse. Car on touche ici à la souveraineté des États. Il faut tirer les leçons de cette difficulté culturelle. Comment avancer ? La France avait anticipé que la méthode onusienne serait délicate à mettre en oeuvre, raison pour laquelle le Président de la République avait souhaité que chefs d'État et de gouvernement fussent présents. Mais les choses avancent. A New-Delhi, la Chine, l'Inde et l'Afrique du Sud et le Brésil viennent de confirmer leur volonté de préparer sérieusement la Conférence de Cancun.
M. François Fortassin. - Je ne mets pas en cause l'action de la France ni la vôtre, monsieur le ministre. Mais il y a eu un peu de naïveté à vouloir imposer notre vision à d'autres. Plutôt qu'annoncer par avance des résultats, il eût été préférable de fixer des objectifs. Il y a eu un brin de triomphalisme avant Copenhague...
M. Jean-Paul Émorine. - Les États présents à Copenhague doivent, d'ici le 31 janvier, confirmer leur adhésion à l'accord et transmettre leurs objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou leurs actions d'atténuation. Ce sera un test de leur volonté politique à s'engager en faveur du climat. Le Président de la République et le gouvernement français semblent convaincus qu'il est possible de porter l'objectif de réduction des émissions au niveau de l'Union européenne de 20 % à 30 %, alors même que d'autres pays pollueurs n'ont pas encore mis leurs objectifs sur la table. Pour tenter de débloquer les négociations avant Cancun, faut-il en rester à 20 % ou aller à 30 % ?
Pour nombre d'élus, dont je suis, il serait suicidaire pour l'Union de prendre un engagement unilatéral ; nos entreprises ne pourraient supporter une telle atteinte à leur compétitivité, qui ne serait pas sans conséquences considérables sur l'emploi. L'Europe ne doit-elle pas attendre un engagement comparable de ses partenaires avant tout effort supplémentaire ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Les Européens viennent de se réunir à Séville pour affiner leur position. Il faut savoir que le monde industriel n'est responsable que pour un quart des émissions de gaz à effet de serre et qu'il est le seul secteur, grâce au système des quotas, à les avoir réduites. Je suis attentif à la compétitivité des entreprises. Si l'on doit aller à 30 %, ce sera en demandant des efforts supplémentaires à d'autres, au logement ou aux transports.
Il faut savoir aussi que les États sont souverains et ne s'engageront que pour des raisons internes tenant à la compétitivité de leurs propres entreprises. Le passage aux 30 % ne se fera pas nécessairement selon les mêmes règles que celle du paquet climat-énergie ou celles prévues pour atteindre les 20 %. Pour la France, tous les pays devront avoir des quotas d'émission ; à défaut il faudra instaurer une taxe carbone aux frontières de l'Europe. Nous avons une grande ambition pour la planète, mais aussi le souci de la compétitivité de nos entreprises.
M. Jean-Paul Émorine. - En Europe même, des divergences existent. L'Italie, la Pologne et l'Autriche souhaitent qu'on en reste à 20 %, tandis que le Royaume-Uni, l'Allemagne et la Belgique plaident pour 30 %. Il serait délicat d'aborder les négociations alors que l'Union ne parle pas d'une seule voix. Votre réponse m'a rassuré. Je vous en remercie.
M. Didier Guillaume. - « Échec », « faillite », « flopenhague »... Les résultats du sommet sont décevants ; mais pouvions-nous nous attendre à autre chose d'un rassemblement de 192 pays ? Les mesures contraignantes font défaut. La France et l'Union européenne seront-elles capables de reprendre la main pour remettre la communauté internationale en mouvement ?
Jamais un sommet des Nations unies n'avait autant intéressé les peuples ni suscité d'attentes aussi fortes. La déception, cruelle, est à leur mesure. Nos concitoyens, auxquels on demande sans cesse de rouler moins, de préserver l'eau, de trier leurs déchets -alors que la taxe d'enlèvement est toujours plus élevée- ont besoin d'être remobilisés. Lorsqu'ils constatent que les chefs d'État sont incapables de se mettre d'accord, ils se demandent si leurs gestes quotidiens ont encore un sens. Alors qu'ils risquent de devoir payer une nouvelle taxe, la taxe carbone, comment les remobiliser ? La France a un rôle particulier à jouer en Europe ; comment compte-t-elle agir ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Au risque d'être politiquement incorrect, je n'ai pas cette vision, largement répandue, des résultats de Copenhague. Comparons avec la situation antérieure. Peut-on dire que rien n'a changé par rapport à Kyoto ? Y avait-il un financement international en faveur des pays les plus vulnérables, de la forêt, des énergies renouvelables ?
Qu'est-ce qui a été décidé pour les pays du sud à Copenhague ? Dix milliards de dollars par an, puis 100 milliards à partir de 2012. C'est une véritable révolution ! Le problème est de rendre cette décision effective plutôt que de discuter. Est-ce que la Chine, l'Inde et le Brésil étaient auparavant partie au processus ? A compter du 31 janvier, ils se sont engagés à réduire l'intensité carbone de leur croissance, ce qui est conforme à l'engagement de Bali. Ces engagements prennent-ils la forme d'objectifs contraignants à la mode européenne ? Non. Notre déception provient de la manière dont, culturellement, nous envisageons la forme que devraient prendre ces engagements. Mais comment imaginer sérieusement que ces grands pays adhèrent à des mesures que chaque pays européen a acceptées au sein d'une Europe de la paix en reconnaissant la souveraineté européenne.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Pour relancer la mobilisation citoyenne, il faut des victoires mais aussi une parfaite lucidité quant à la situation !
M. René-Pierre Signé. - C'est sûr !
M. Daniel Raoul. - Monsieur le ministre, le résultat de Copenhague ne m'a pas surpris. Les quelque 180 pays présents, tel le Mali que je connais mieux à cause d'une certaine ville jumelée avec Bamako, avaient peut-être d'autres urgences que de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Sera-t-on capable d'assurer à bientôt 9 milliards d'êtres humains que comptera la planète l'alimentation et la fourniture en énergie ? Certains pays n'avaient pas compris la nécessité de la gouvernance mondiale pour maîtriser la consommation d'énergie, ils songent à la consommation courante, aux denrées alimentaires, beaucoup plus qu'aux gaz à effet de serre !
Mme Évelyne Didier. - Le sommet de Copenhague, quand bien même un accord a minima a été trouvé, est indéniablement un échec au regard des attentes qu'il avait suscitées. Si la France n'a pas à rougir de cet échec compte tenu de son implication dans la diplomatie climatique les mois précédents, nous devons maintenant tirer les leçons de ce sommet pour préparer les prochaines réunions de Bonn et du Mexique. Le Président Sarkozy, qui s'était fait l'avocat d'une organisation mondiale de l'environnement avant la conférence, a attribué l'échec des négociations au mode de représentation des pays et à la prise de décision par consensus au sein des institutions onusiennes. Cette remise en cause du multilatéralisme n'est-elle pas dangereuse ? Qu'en est-il du projet de création d'une organisation mondiale de l'environnement défendu par la France ? Comment celle-ci résoudrait-elle le problème de la gouvernance multilatérale de l'environnement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Il ne s'agissait nullement d'une remise en cause du multilatéralisme. Nous avons un problème organisationnel : l'ONU a pour règle la délibération par consensus, mais ce terme signifie-t-il majorité ou unanimité ? Si l'on retient l'unanimité, la situation est bloquée.
Nous sommes très attachés au projet de création de l'OME. Pour mettre le monde en mouvement, mieux vaut prendre le chemin de l'incitation que la contrainte. Sinon, nous ne serons pas plus avancés à Cancun qu'à Copenhague ! Il est indispensable que chacun continent sache précisément ce que font les autres, que tous les pays s'engagent sur la même voie. D'où la nécessité de l'OME. Je serai dès le début de la semaine prochaine à Pékin à la demande de la Chine sur ce sujet. La semaine dernière, les quatre grands émergents, affirmant à New Dehli leur soutien global à Copenhague, ont également invité la France à participer à une réunion sur les 10 milliards pour les pays les plus vulnérables. Un jour, l'OME devrait être le pendant de l'OMC. Certes, nous avons besoin de temps. Parviendra-t-on à la créer dès Cancun ? Je ne le sais pas. Le chemin est long, chaotique, et doit s'accomplir dans le respect de la culture de l'autre !
Mme Évelyne Didier. - Tout le monde souhaite la création d'une telle organisation afin que le monde ne soit plus seulement organisé autour du commerce, et que l'on tienne compte des questions environnementales et sociales. Pour cela, il faudrait que l'Europe parle d'une seule voix. Or cela n'est pas gagné !
M. Christian Gaudin. - Le sommet de Copenhague a montré la difficulté de faire accepter aux États-Unis et à la Chine, entre autres, des objectifs contraignants de réduction des gaz à effet de serre. Ainsi les Américains ont-ils un objectif de 4 % en 2020 seulement, quand on demande à tous les pays de réduire de moitié leurs émissions. En revanche, le plan justice climat, proposé par la France, constitue une avancée. Il financera, avec 30 milliards de dollars entre 2010 et 2013 et un objectif de 100 milliards de dollars en 2020, l'accès de tous à l'énergie et à l'eau ainsi que la lutte contre la déforestation. Pour autant, aucun objectif contraignant n'a été décidé. La communauté internationale rejetant une politique environnementale ambitieuse, contraignante et efficace, l'Union européenne n'est-elle pas le cadre pertinent ? La France peut-elle jouer un rôle de locomotive dans ce cadre ? Si l'Union européenne parle d'une seule voix, forte, et ferme, peut-elle sauver les sommets de Bonn et du Mexique sur cette problématique ? (M. Nicolas About applaudit)
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - A la lumière du sommet de Copenhague, nous mesurons combien l'adoption du paquet climat énergie européen a constitué une performance extraordinaire. Mais gardons-nous de l'obsession qui consiste à vouloir reproduire ce modèle, produit de notre culture du papier, notariale, à l'échelle mondiale ! Au reste, de nombreux pays européens refusent également les contraintes formelles. Pourquoi la France veut-elle avancer ? Parce que, avec le Grenelle de l'environnement, discuté avec toutes les parties -industriels, ONG, pouvoirs publics, collectivités locales- et voté solennellement au Parlement, la France a fait sa mutation intellectuelle et même, si j'ose dire, sa psychanalyse ! Nous aurons certainement un résultat situé entre 35 et 36 %, soit bien meilleur que l'objectif de 30 %.
L'Europe doit parler d'une seule voix, avez-vous légitimement dit. Mais n'oubliez pas que plus de la moitié des pays européens ne respectent pas le protocole de Kyoto !
M. Christian Gaudin. - L'Union européenne, pour être un partenaire crédible dans la lutte contre le réchauffement climatique, doit prendre des mesures concrètes, par exemple le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières.
M. Jacques Muller. - Un mois après le sommet de Copenhague, l'urgence climatique demeure d'une brûlante actualité, même si Haïti sollicite toute l'attention. Ne nous abritons pas derrière l'échec pour rester les bras croisés. Les négociations ont capoté parce que le club des pays industrialisés a refusé d'honorer sa dette écologique à l'égard du reste de la planète. Face à la Chine et aux États-Unis, l'Union européenne n'a pas voulu assumer le rôle de leadership que le monde attendait d'elle. La majeure partie des habitants du monde affiche des émissions inférieures à ce que serait un niveau soutenable en raison de leur pauvreté et la situation actuelle est à mettre au passif des pays du nord qui polluent l'atmosphère depuis plus de 150 ans. Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il prêt à défendre, lors du prochain Conseil européen, la résolution adoptée par le Parlement européen le 25 novembre 2009, qui fixe un objectif de réduction de 40 % d'ici 2020 et un transfert de 30 milliards par an vers les pays du sud ? Pour être crédible vis-à-vis de ses partenaires européens, la France doit commencer à honorer sa dette écologique vis-à-vis du sud. Quels efforts budgétaires entend consentir le Gouvernement en ce sens ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Je ne comprends pas ce principe de l'auto-flagellation, qui est contre-productif.
M. Éric Doligé. - Exact !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - La France est l'un des rares pays à respecter le protocole de Kyoto. Elle est, de plus, dotée d'un appareil législatif efficace...
Mme Nicole Bricq. - Mais pas d'un appareil fiscal !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - En outre, la France veut aller plus loin. C'est pourquoi elle a proposé l'engagement du Plan justice-climat nord-sud, qui devrait graduellement passer de 10 milliards à 100 milliards vers 2020, bien au-delà des 30 milliards que vous avez évoqués.
D'autre part, qui a imaginé le plan énergies renouvelable-forêt pour l'Afrique, le Cambodge, le Bangladesh et le Laos ? La France !
Je comprends et respecte les enjeux internes, mais il faut veiller à ne pas devenir un porte-parole de la résignation, de l'« à quoi bon ? », qui conduit à se demander pourquoi agir, si les autres ne font pas le nécessaire ?
Vous êtes sincèrement passionné par cette cause, monsieur Müller, mais conservons-lui un peu de magie...
Mme Nicole Bricq. - Il n'y a pas de magicien.
M. Jacques Muller. - Loin de faire de l'autoflagellation, je crois que Copenhague a capoté faute d'engagements concrets.
Nous émettons des gaz à effet de serre depuis 150 ans. Au cours des vingt dernières années, la France a émis 7,4 milliards de tonnes de CO2, soit 370 millions de tonnes par an. En valorisant ses émissions sur la base de feu la taxe Sarkozy, dite taxe carbone, on atteint 126 milliards d'euros en vingt ans, soit 6,3 milliards chaque année. Augmenterez-vous l'aide publique au développement de 6,3 milliards d'euros dans le prochain budget ? (Murmures désapprobateurs au centre et à droite)
M. Jean Bizet. - Je salue l'engagement diplomatique de la France en vue de la Conférence de Copenhague, un événement exceptionnel réunissant 193 pays et 130 chefs d'État en vue de maîtriser les conséquences environnementales de l'activité humaine.
Cette réunion est une étape dans un long processus, car il faudra d'autres rendez-vous pour établir le nouvel ordre écologique mondial de l'après-Kyoto. Nous devrons les aborder en considérant que, si les pôles de décision se sont déplacés, ils n'ont pas privé l'Europe de son rôle-clé. Certes, nous n'avons pas obtenu de traité, mais nous avons suscité une prise de conscience planétaire.
J'en viens à ma première question. Bien que l'énergie ait joué un rôle moteur dans la construction européenne, trop de différences subsistent entre les politiques des États-membres, malgré le Conseil européen de mars 2007. Comment obtenir davantage d'harmonisation dans ce domaine ?
Deuxièmement, pour éviter des distorsions de concurrence au profit d'entreprises extérieures à l'Union européenne, il convient d'instituer une contribution carbone aux frontières, ce qui inciterait la communauté internationale à s'engager au service de l'environnement.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Difficile à réaliser, la politique énergétique commune est en marche, mais la France est attentive à conserver son modèle, relativement intégré. Je me méfie comme de la peste des démantèlements européens et d'une forme de concurrence qui augmenterait les tarifs ou freinerait les investissements. Oui aux capacités de transport communes et réversibles est-ouest, mais attention aux modalités !
L'inclusion carbone aux frontières est indispensable pour adresser un signal-prix à nos industriels. Imaginons qu'un sidérurgiste possède des installations sur le territoire de l'Union et en Extrême-Orient. Si ses productions asiatiques ne subissent pas de contribution carbone, la production européenne risque de disparaître. Il est significatif que les opposants à cette inclusion soient également hostiles à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
M. Jean Bizet. - Vous avez raison : tout se résume aux distorsions de concurrence.
Pour faire accepter la transition comportementale par nos concitoyens, il faut que toutes les industries mondiales soient concernées. Plus les négociations sur ce sujet avancent vite au sein de l'Organisation mondiale du commerce, plus la cause de l'environnement progressera dans notre pays.
Mme Bernadette Bourzai. - Copenhague est un demi-succès ou un demi-échec, selon les points de vue, mais il est clair que nos attentes sont déçues. Il est temps de tenir un langage de vérité sur l'environnement : les négociations internationales sur le climat mettent en jeu des intérêts nationaux peut-être négligeables au regard de l'avenir à long terme de la planète, mais que les négociateurs ne sont pas disposés à sacrifier.
Si notre pays considère indispensable de réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre, il ne doit plus délocaliser ses pollutions. Il doit aussi mettre en valeur ses propres ressources.
Copenhague n'ayant débouché sur aucun accord global contraignant, que fait la France -en dehors de l'aide au développement- pour s'opposer à l'importation de produits dont le bilan carbone est pire que celui des industries européennes ?
Ma deuxième question porte sur la valorisation énergétique de la biomasse. Le Président de la République s'est engagé à tripler le prix d'achat de l'électricité ainsi obtenue, mais l'arrêté tarifaire pose des restrictions telles -notamment une puissance électrique minimale de 5 mégawatts- que les entreprises les plus à même de créer ainsi des réseaux de chaleur favorisant le développement local perdent le bénéfice de cette annonce, dès lors réservée aux grands groupes du papier ou de la chimie.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. - Copenhague a marqué une étape sur le chemin post-Kyoto. Samedi dernier, les grands émergents se sont réunis à New Delhi pour soutenir et demander l'amplification du processus. Dans trois jours, 54 pays africains emmenés par le Premier ministre éthiopien, M. Meles Zenawi, et le Premier ministre algérien, M. Ahmed Ouyahia, vont sans doute faire la même démarche. D'ici le 28 janvier, nous serons donc de 130 à 140 pays engagés dans la suite de Copenhague. Le problème sera d'entrer dans le concret, notamment pour appliquer le Plan justice-climat.
En matière de biomasse, nous avons attribué 32 centrales la semaine dernière, dans le cadre d'un appel d'offres. Ce que vous avez évoqué fait partie des contradictions inhérentes aux interférences entre le plan biomasse et le plan santé-environnement, car nous ne souhaitons pas développer cette technique sans filtre à particules. Or, ceux-ci n'existent que pour les centrales produisant plus de 5 mégawatts. J'espère surmonter bientôt cette difficulté.
Mme Nicole Bricq. - On pourrait considérer que le semi-échec de Copenhague n'interdit pas d'obtenir un traité global, mais l'idée d'un prix mondial du carbone a reculé.
Placés au pied du mur, nous attendons de l'Union européenne qu'elle fixe le cadre permettant aux agents privés de se préparer à la transition écologique. Or, toute fiscalité assise sur le carbone a été refusée jusqu'ici par l'Europe, qui a tout misé sur le marché du carbone depuis les années 1990. Si nous persistons dans cette direction, il faut réussir à réguler ce marché ; si nous optons pour la fiscalité, il faut obtenir l'unanimité, mais en tout état de cause ce travail est indispensable, surtout en vue des enchères qu'il faudra lancer à partir de 2012 sur le marché des quotas, car, à 13 euros par tonne, le marché des quotas ne fixe pas le prix du carbone, ni pour l'Europe, ni pour le monde !
M. le président. - Je remercie le ministre d'État pour sa participation à ce débat majeur que nous devrons reprendre au cours des mois à venir.
La séance est suspendue à 17 h 45.
présidence de M. Roger Romani,vice-président
La séance reprend à 18 heures.