Régimes sociaux et de retraite et Compte spécial Pensions
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en remplacement de M. Bertrand Auban, rapporteur spécial. - Pour 2010, le coût du compte spécial « Pensions » s'élèvera à 51,1 milliards, en hausse de 2 % par rapport à 2009. Le nombre prévisionnel de pensionnés civils et militaires sera de 2,3 millions fin 2010, soit une augmentation de 2,8 %. Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », qui s'élèvent à 5,72 milliards, en hausse de 10 %, soutiennent principalement les régimes sociaux et de retraite de la SNCF pour 3,12 milliards, des mineurs pour 971 millions, des marins pour 792 millions, de la RATP pour 526,7 millions, de la Seita pour 132,3 millions. Au total, 20 % des dépenses budgétaires seront donc consacrés au financement des retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux.
La subvention d'équilibre de l'État au régime des retraites des mines bondit de 65 % en 2010. C'est un contrecoup de la crise, car les cessions immobilières, qui avaient été encouragées, seront réduites en 2010.
L'adossement de la caisse autonome de la RATP au régime général est en sommeil depuis 2007...
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Heureusement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Le 13 juillet dernier, la Commission européenne a enfin jugé la création de la caisse euro-compatible, à la condition que la réforme du régime spécial soit entièrement mise en oeuvre. Quelles seront les modalités de reprise du projet d'adossement et d'actualisation de la soulte, estimée entre 500 et 700 millions, que l'État aura à verser ?
Je salue deux avancées dans la gestion des pensions, qui avaient été préconisées par notre commission : l'adoption d'une norme commune à l'ensemble des caisses de retraite pour l'évaluation du coût de gestion des pensions et la création du service des retraites de l'État, qui a pour objet d'optimiser l'organisation des services gestionnaires des pensions de l'État.
Le paiement des droits à pension est une obligation de service public qui laisse peu de marges de manoeuvre, d'autant que le rituel législatif auquel nous nous livrions, année après année, pour réformer le régime des indemnités temporaires de retraite outre-mer (sourires) a pris fin avec l'adoption, au Sénat, d'un amendement prévoyant l'extinction progressive de ce dispositif. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous présenter les premiers effets de cette réforme ?
Je vous propose, au nom de votre commission des finances, d'adopter ces crédits. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Cette mission met en évidence le caractère structurellement déficitaire de régimes maintenus sous perfusion depuis des décennies grâce à la solidarité nationale. Y seront consacrés 5,7 milliards, soit 10 % de plus qu'en 2009. Le besoin de financement de ces régimes spéciaux va continuer à progresser, entre hausse de leurs dépenses, sous l'effet du papy-boom, et baisse de leurs ressources. Or, rien ne garantit que les dotations de l'État suivent l'évolution des besoins : ne peut-on craindre, à terme, un abondement insuffisant de la mission ?
La hausse de la dotation à la caisse autonome de retraite de la SNCF est relativement contenue, suivant la tendance de ces dernières années. La dotation à la caisse autonome de retraite de la RATP, longtemps sous-budgétisée, est plus conforme à la sincérité budgétaire, en hausse de 5,1 %. La subvention d'équilibre accordée au régime des marins augmente de 6 %, du fait de l'érosion continue de leur masse salariale. Celle versée au régime des mines augmente de 65 %, conséquence de la diminution des transferts au titre de la surcompensation du moindre rendement de ses actifs immobiliers.
La réforme des régimes spéciaux engagée en 2007 visait à rétablir l'équité entre les assurés sociaux et à garantir la viabilité financière de ces régimes sur le long terme. Son adoption a toutefois été subordonnée à des mesures de compensation salariale actées dans le cadre des négociations d'entreprise, à la SNCF et à la RATP notamment. J'en conclus que la spécificité des droits des assurés de ces régimes a été préservée. Certaines des contreparties octroyées pourraient, à terme, vider la réforme de sa substance et entraîner des dépenses supplémentaires.
Ces régimes spéciaux à prestations définies bénéficient d'un taux de remplacement garanti, alors que les salariés du régime général, soumis aux aléas du chômage, paient une cotisation fixe, nettement supérieure, pour des pensions dont le taux de remplacement baisse : la solidarité touche à ses limites... (M. Guy Fischer s'offusque)
La SNCF a revu à la hausse le coût des mesures d'accompagnement. En 2010, il serait supérieur de 30 millions aux prévisions ; en 2012, de 50 millions. Des dépenses qui amputent d'autant les économies attendues ! (M. Guy Fischer proteste) A la SNCF, les gains engrangés chuteraient à partir 2020 à un niveau inférieur au coût des mesures d'accompagnement. A la RATP, la réforme engendrerait un surcoût jusqu'en 2015 en raison de ces contreparties, puis ne dégagerait que de faibles économies. Les prévisions initiales étaient particulièrement optimistes... Monsieur le ministre, quel est votre sentiment ?
Cela étant, notre commission est favorable à l'adoption des crédits de la mission, qui sont indispensables à la survie de ces régimes de retraite. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Guy Fischer. - Le budget des régimes spéciaux de retraite et du compte spécial des pensions traduit les choix politiques de long terme des différents gouvernements. Le déséquilibre démographique qui affecte ces régimes résulte de décisions antérieures, telles la liquidation de Charbonnages de France ou la réduction de la desserte ferroviaire. Le compte spécial des pensions, dont les crédits progressent de près de 5 %, est de plus en plus obéré par la réduction des postes de fonctionnaires et la progression du nombre de retraités.
Les dépenses liées aux régimes spéciaux s'élèvent à plus de 5 milliards d'euros, tandis que le compte spécial atteint 51,2 milliards malgré les artifices comptables destinés à comprimer autant que possible leurs montants. Lorsqu'un droit est acquis, la solidarité nationale doit jouer et il faut cesser de considérer les pensions et les retraites comme une charge. Ces 55 milliards sont autant de sommes consacrées à l'épargne et à la consommation, et augmentent la base d'imposition. Cet argent circule et fait vivre l'économie. Réduire le pouvoir d'achat des retraités, c'est donc créer les conditions de la récession. D'autant que ces 55 milliards représentent finalement assez peu puisque l'État a émis en juin pour une somme équivalente de bons du Trésor.
Tous les moyens sont bons pour comprimer la dépense. Ainsi, la Caisse des Mines a réalisé cette année des cessions immobilières pour équilibrer ses comptes -des cessions qui n'avaient rien à voir avec des maisons de mineurs dans les corons ! Pour 2010, l'État attend de ces opérations une économie de plus de 200 millions sur la subvention d'équilibre. Qu'en sera-t-il lorsque le financement des retraites des agents de La Poste s'inscrira dans cette mission ? Vendra-t-on les bâtiments pour assurer l'équilibre budgétaire global ?
N'oublions pas les rendez-vous en souffrance. Six ans après la réforme des retraites, le régime général de la sécurité sociale connaît un déficit de plus de 30 milliards, le régime agricole est sous perfusion et les régimes publics ne doivent leur équilibre qu'à l'accroissement continu du taux de cotisation. Le dogme de la réduction des effectifs est inopérant et la réforme des régimes spéciaux n'aura aucune incidence budgétaire réelle -le rapport de Dominique Leclerc le confirme. Les pensions et retraites doivent cesser d'être regardées comme un poids mort. Commençons par la simple justice, qui impose de prendre en compte la pénibilité, les carrières longues, les états de service. Avec les 120 ou 130 milliards destinés à réduire l'ISF, l'impôt des riches ou les cotisations sociales des entreprises, nous avons les moyens de cette justice. Nous ne voterons pas le budget des régimes spéciaux ni le compte spécial des pensions. (Applaudissements à gauche)
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. - Les crédits de la mission s'élèvent à 5,72 milliards d'euros, en progression de 10 %. L'augmentation des dépenses s'explique par le relèvement des subventions de l'État en faveur des régimes spéciaux, lié à la disparition du mécanisme de compensation. La fin du programme de cessions immobilières de la Caisse des Mines nécessite lui aussi d'augmenter la subvention d'équilibre de l'État, qui atteint 400 millions.
Les prestations inscrites dans le compte spécial augmentent de 1,1 milliard du fait de la revalorisation des pensions et du nombre de départs à la retraite. Le service des retraites de l'État que vous appeliez de vos voeux a été mis en place. Il réunit l'ancien service des pensions et les centres régionaux des pensions, et sera l'unique opérateur de l'État pour les pensions. Le processus de gestion des retraites sera revu de fond en comble afin d'alimenter chaque année le compte retraite de chaque fonctionnaire. Le service de guichet unique dispensera des renseignements sur les carrières et des centres d'appel téléphonique seront expérimentés. Les gains de productivité représenteront 1 200 emplois, soit 40 % des effectifs actuels. Ainsi, nous ferons mieux avec moins de moyens, au bénéfice des usagers. La réforme s'achèvera en 2012.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est long.
M. Eric Woerth, ministre. - Effectivement, mais le nombre de personnes concernées est très important.
Pour la RATP, l'adossement du régime spécial sur le régime général est prévu par des textes réglementaires. Il a été suspendu car la priorité a été donnée à la réforme des droits. La Commission européenne a approuvé cette réforme il y a quelques mois, mais des travaux techniques sont encore nécessaires avant le rendez-vous de 2010.
Le dispositif d'indemnité temporaire de retraite sera jugulé sur un temps long, à l'horizon 2028.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Un temps très long...
M. Eric Woerth, ministre. - Il s'agit de geler le montant des indemnités déjà octroyées et d'écrêter progressivement les sur-pensions les plus élevées. Nous procédons en douceur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis. - Très en douceur...
M. Eric Woerth, ministre. - Depuis le 1er janvier, les sur-pensions sont réservées aux fonctionnaires ayant un lien avec le territoire, mais l'impact de cette mesure sera très progressif. Actuellement, 34 100 pensions avec indemnité temporaire de retraite sont versées contre 35 612 en 2008. La forte augmentation constatée en 2008 a été enrayée : 3 % au lieu de 6 % fin octobre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Elles progressent toujours.
M. Eric Woerth, ministre. - Monsieur Leclerc, le rendez-vous de 2010 est très important et j'ai l'intention, en tant que ministre de la fonction publique, de tout faire pour réduire le besoin de financement des régimes de l'État, en liaison avec Xavier Darcos.
Pour ce qui est des régimes spéciaux, la réforme précédente était loin d'être négligeable. L'économie réalisée sera de 500 millions d'ici 2012, puis de 500 millions par année supplémentaire. (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, se montre dubitatif) A long terme, ce rendement diminue du fait de la prolongation de l'activité car les comportements changent. Ainsi, entre 2007 et 2008, plus de 80 % des personnels de la SNCF partaient en retraite à 50 ans pour les roulants et à 55 ans pour les sédentaires. Ils représentent aujourd'hui moins de 50 % d'entre eux. Cette tendance s'amplifiera dans tous les corps de l'État. Son impact est positif, tant pour les agents qui ne sont pas mis à la retraite d'office que pour les finances de l'État.
Nous avons augmenté le minimum vieillesse garanti de 5 % : au total, à la fin du quinquennat, il aura progressé de 25 %. Le niveau de vie des retraités est plutôt meilleur que celui des actifs, il faut avoir cela en tête... (Applaudissements au centre et à droite)
Les crédits de la mission sont adoptés.
Mme la présidente. - Nous allons examiner les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».