Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.
Discussion générale
M. Francis Grignon, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. - Nous voici au terme d'un processus législatif qui a débuté en octobre 2008. Avant tout, permettez-moi de remercier le président Emorine et M. Jacob, président de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, et de féliciter M. Paternotte, rapporteur de l'Assemblée nationale, dont les préoccupations rejoignent les nôtres.
Le travail parlementaire a considérablement enrichi le projet de loi, passé de 25 à 53 articles.
Premier axe du texte : mettre la France en conformité avec les premier et troisième paquets ferroviaires, notamment en autorisant le cabotage international de voyageurs à partir du 13 décembre 2009. Toute entreprise ferroviaire exploitant des services de transport international de voyageurs pourra demain assurer des dessertes intérieures en France, à la condition expresse que l'objet principal du service soit le transport de voyageurs entre des gares situées dans des États différents de l'Union et que cette activité ne porte pas atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public. Cet objet principal de service correspond à 75 à 80 % de l'activité, et non pas à 50,001 %, comme certains puristes l'avaient évoqué.
Deuxième axe : instituer une autorité de régulation des activités ferroviaires, qui sera le gendarme du réseau ferroviaire national.
Afin d'organiser la concurrence entre les entreprises de fret ferroviaire et, demain, entre les entreprises de transport de voyageurs, il était en effet indispensable de créer une autorité indépendante qui veille à ce que l'accès au réseau soit accordé de manière équitable et non discriminatoire. L'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) devra aussi donner un avis conforme sur les péages qui permettent de rémunérer RFF.
Nous avons eu le 27 octobre un débat avec la commission des affaires européennes et M. le secrétaire d'État chargé des transports : ce projet de loi répond en grande partie à l'avis motivé que la Commission européenne a adressé à notre pays il y a quelques semaines.
Le troisième axe du texte regroupe diverses mesures relatives à la route. Il s'agit d'aménager le régime juridique de certaines concessions routières et de permettre aux poids lourds internationaux de marchandises d'effectuer des prestations en France. Naturellement, l'État devra s'assurer que cette mesure ne crée pas une concurrence déloyale pour les transporteurs de notre pays.
Enfin le dernier axe a trait à l'aviation civile. Le texte redéfinit la mission des équipages, la durée et le régime de travail du personnel navigant de l'aéronautique civile. En outre, il modifie les règles de représentativité syndicale des personnels navigants techniques afin de tirer les conséquences de la loi de 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Sur ces questions essentielles, le Parlement est parvenu à un consensus entre les principales organisations syndicales représentatives.
Le texte qu'a élaboré la commission mixte paritaire n'a finalement apporté que deux modifications rédactionnelles par rapport au texte issu des débats de l'Assemblée nationale : l'une portant sur l'article 23 septies relatif aux contrats de déménagement, l'autre à l'article 26 bis concernant les volumes de protection environnementale.
Si ce texte s'éloigne peu de celui élaboré par les députés, c'est parce que nos collègues de l'Assemblée nationale n'ont pas remis en cause les principaux apports du Sénat et que les dispositions qu'ils ont ajoutées étaient pertinentes et bienvenues.
J'aimerais, pour conclure, évoquer l'article 2 bis A...
Mme Nicole Bricq. - Ah !
M. Francis Grignon, rapporteur. - ...relatif à la RATP et au Syndicat des transports d'Ile-de-France, introduit à l'Assemblée nationale par voie d'amendement gouvernemental...
Mme Nicole Bricq. - Amendement scélérat !
M. Francis Grignon, rapporteur. - ...qui a suscité bien des interrogations. Je dois avouer qu'il eut été préférable d'examiner ces dispositions très importantes en février au Sénat plutôt que de les découvrir en commission mixte paritaire.
M. Yvon Collin. - C'est vrai !
Mme Nicole Bricq. - Oh oui !
M. Francis Grignon, rapporteur. - Je souhaite à l'avenir que le Gouvernement s'attache à anticiper les transpositions des directives.
Sur le fond, les choix retenus sont tout à fait justifiés et les inquiétudes exprimées ici et là sont infondées. Cet article aménage intelligemment la fin du monopole des opérateurs historiques dans le domaine du transport public en région Ile-de-France. Ainsi, les contrats en cours conclus avec les entreprises de transport par bus se poursuivront au maximum pendant encore quinze ans, cette période étant portée à vingt ans pour le tramway et à trente ans pour le métro et le RER exploité par la RATP. Tous les projets de construction de nouvelles lignes seront soumis à des appels d'offres ouverts à la concurrence, ce qui fera de Paris l'une des villes les plus concurrentielles en Europe sur cette question. En second lieu, cet article répartit les actifs entre la RATP et le Stif. En contrepartie du transfert du matériel roulant de la RATP vers le Stif, la Régie gérera l'ensemble du réseau d'infrastructures de transport francilien. Cet échange est équilibré, il garantit l'unité de gestion de ce réseau et protège la capacité d'emprunt du Stif sur les marchés financiers.
La commission mixte paritaire a donc élaboré un texte équilibré qui a pris en compte les souhaits du Gouvernement et les préoccupations des députés et des sénateurs. C'est pourquoi je vous invite à le voter. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. - Je tiens à excuser Dominique Bussereau qui se trouve en Syrie afin de défendre nos intérêts pour la réalisation du métro de Damas et pour le port de Lattaquié.
Nous voilà au terme de notre parcours législatif sur cette loi. Je tiens à rendre hommage au travail approfondi de votre Haute assemblée, de votre commission des affaires économiques et notamment de son président et de son rapporteur. Cette loi marque une étape importante dans le domaine des transports : elle traite en effet des transports ferroviaires et guidés, des transports urbains, des transports routiers, des transports aériens et de l'école de la marine marchande. Il n'y manque que le mode fluvial pour être complète. En outre, elle transpose dans la législation française plusieurs directives et règlements européens, notamment le troisième paquet ferroviaire. Grâce à elle, la France va se mettre en conformité avec les exigences européennes.
Cette loi poursuit d'abord le processus d'ouverture progressive à la concurrence des transports. Initiée il y a quelques décennies sous l'impulsion de l'Union européenne, cette ouverture a d'abord concerné le transport routier, puis à partir du 31 mars 2006, le transport aérien. Il ne s'agit pas de se cacher derrière l'Union européenne qui nous imposerait une concurrence que nous subirions. Je crois profondément aux avantages de la concurrence pour le développement des transports qui profite en tout premier lieu à ses clients. De fait, c'est grâce à la concurrence que le transport aérien est devenu accessible à tous et n'est plus réservé à une clientèle d'affaires.
De même, le transport ferroviaire de fret a bénéficié de l'ouverture à la concurrence, avant que la crise économique ne vienne brutalement le frapper. En Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, la concurrence du transport de marchandises a entraîné une hausse sensible des trafics. Aujourd'hui, sept entreprises ferroviaires autres que la SNCF circulent en France. Leur part de marché s'est sensiblement développée, passant de 5 % en 2007 à 13,4 % en juillet dernier.
Cette loi précise les modalités d'ouverture à la concurrence des services ferroviaires internationaux de voyageurs à compter du 13 décembre et des transports collectifs urbains en Ile-de-France à compter du 3 décembre. Permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur ce dernier point. Je souhaite clarifier la portée exacte de l'article 2 bis A qui prépare l'ouverture à la concurrence des transports urbains en Ile-de-France, ouverture imposée par la réglementation européenne à compter du 3 décembre 2009. Il ne concerne ni le réseau RFF, ni la SNCF. Il transcrit à la seule Ile-de-France une situation qui existe dans toutes les agglomérations françaises. Le Gouvernement a voulu une ouverture équilibrée dans l'intérêt des usagers : une mise en concurrence pour les nouveaux services institués à compter du 3 décembre et une ouverture progressive sur les services existants. En outre, le Gouvernement confie à la RATP la gestion des infrastructures, pour des raisons de cohérence, de sécurité et parce qu'il croit à ce service public. (Mme Nicole Bricq s'exclame) Cet article ne spolie en rien le Stif de ses actifs : il assure une répartition des biens qui donne au Stif les moyens concrets de mettre en concurrence de futurs exploitants, et à la RATP les moyens de gérer ses infrastructures. Le Stif devient propriétaire du matériel roulant, actuellement propriété de la RATP, et la RATP devient propriétaire de toute l'infrastructure, sachant qu'aujourd'hui elle en possède déjà la moitié. Cet échange de biens, qui se fait dans les deux sens, est équilibré. (Mme Nicole Bricq le conteste) Cet article donne au Stif la capacité de confier l'exploitation des nouvelles lignes, et à terme des lignes existantes, après une mise en concurrence et de jouer pleinement son rôle d'autorité organisatrice de transport.
Mme Nicole Bricq. - Merci qui ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Certains auraient aimé aller plus loin en ouvrant à la concurrence les transports ferroviaires régionaux de voyageurs.
M. Guy Fischer. - Il ne manquerait plus que ça !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. - Dominique Bussereau a dit à plusieurs reprises qu'il y était favorable. Le comité des parties prenantes, présidé par le sénateur Grignon, doit en préciser les modalités pratiques afin de lancer une expérimentation.
Nous veillerons à ce que la concurrence dans les transports s'effectue dans des conditions équilibrées, loyales et parfaitement transparentes, grâce à des dispositifs de régulation efficaces. Les deux mesures phare de ce texte sont bien entendu la création de l'autorité indépendante de régulation ferroviaire et la création, au sein de la SNCF, d'une direction de l'exploitation. Ce service spécialisé, séparé du reste de l'entreprise, gérera le trafic et la circulation sur le réseau ferroviaire national.
Le Parlement a instauré la neutralité de la gestion des gares pour une bonne concurrence : la création d'une direction des gares à la SNCF va dans ce sens. Il a également demandé un rapport sur un éventuel transfert des gares fret à RFF. Le Gouvernement vous remettra ce rapport, même s'il n'est pas opportun de décider un tel transfert au moment où, avec Fret SNCF, il engage un grand plan de redynamisation du fret.
Enfin, dans le transport routier de marchandises, l'encadrement du cabotage permettra à la profession d'envisager la concurrence européenne avec plus de sérénité.
L'élaboration de ce texte a donné lieu à une concertation particulièrement riche et fructueuse et je salue à nouveau le travail réalisé par votre rapporteur qui a su être à l'écoute de tous les acteurs, pour aboutir à une solution équilibrée et consensuelle. (Applaudissements à droite ; M. Nicolas About applaudit aussi)
Mme Mireille Schurch. - (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG) Près d'une année après l'examen par notre Haute assemblée de ce texte déclaré en urgence, nous voici réunis pour l'adopter dans sa forme définitive. L'urgence, dans ce cas, visait donc plus à priver les assemblées d'une seconde lecture, qu'à accélérer un processus législatif qui a été bien long. Nous déplorons cette nouvelle pratique qui prive les parlementaires de leurs prérogatives. De plus, une seconde lecture aurait été utile au vu des nombreuses évolutions du texte -et notamment de l'introduction d'un titre entier- par rapport au projet de loi initial.
Pourtant, sur le fond, la philosophie de ce texte reste la même : il s'agit d'ouvrir à la concurrence les transports ferrés internationaux de voyageurs, et maintenant routiers, grâce à l'introduction massive d'amendements par le Gouvernement. Nous persistons à penser qu'avant toute nouvelle déréglementation, un bilan des libéralisations aurait dû être réalisé pour étudier les conséquences, sur l'environnement, l'emploi et le service public, des politiques européennes affirmant « la concurrence libre et non faussée » comme l'alpha et l'oméga de toute politique publique. De manière mécanique, depuis maintenant des décennies, les institutions européennes s'acharnent à prôner le démantèlement des services publics nationaux au nom de la modernité et de l'efficacité.
Or, l'ouverture à la concurrence n'a permis qu'une chose : que des opérateurs privés fassent des bénéfices dans des secteurs auparavant réservés à l'intervention de la seule puissance publique. Pour les usagers, c'est la double peine : les tarifs augmentent et les services rendus se détériorent.
Objet de la première directive de libéralisation, le fret ferroviaire n'a cessé de décliner depuis l'ouverture à la concurrence. A la politique de volume impulsée par le ministre Gayssot, vous avez substitué une politique de rentabilité économique, favorisant les autoroutes ferroviaires et abandonnant le wagon isolé. Pourtant ces autoroutes n'ont de sens que si l'on renforce parallèlement le wagon isolé. Et moi qui suis une élue du Massif Central, je peux vous dire que cette nouvelle politique de compétitivité au sein même du fret a laissé des territoires entiers et de nombreuses PME sans solutions.
M. Roland Courteau. - Eh oui !
Mme Mireille Schurch. - L'activité de fret a été filialisée, empêchant toute péréquation au sein de la SNCF entre les activités rentables et non rentables. Les récents effets d'annonce du Gouvernement et de la direction de la SNCF sont tronqués puisque le projet « fret d'avenir » au lieu de permettre un essor du fret, entérine l'abandon pur et simple du wagon isolé.
M. Guy Fischer. - Voilà la vérité !
Mme Mireille Schurch. - Ces décisions se prennent toujours au mépris de l'aménagement du territoire et du développement économique. (M. David Assouline le confirme) Malgré les déclarations d'intention du Grenelle de l'environnement, les actes posés par ce projet de loi et par votre Gouvernement sont toujours anti-écologiques. Si un Conseil de développement durable du réseau ferré national -qui ne comprendra aucun parlementaire- est créé par cette loi, vous refusez toujours de reconnaître que le wagon isolé relève de l'intérêt général. Le sacrifier, c'est pourtant mettre sur les routes des millions de camions supplémentaires. Cette idée que tout ce qui n'est pas rentable doit être abandonné n'est ni moderne ni écologique. Cet impératif de rentabilité économique est inefficace si l'on vise l'intérêt général et la satisfaction des besoins. La première responsabilité de l'État, c'est d'être le garant de l'intérêt général, ce n'est pas, comme on l'a entendu à l'Assemblée nationale, « de veiller à la concurrence sans discrimination ».
Nous déplorons que ce texte, par le biais des opérateurs de proximité, remette en cause l'unicité du réseau national et justifie que RFF se débarrasse d'une partie de son réseau jugé non rentable à l'article 2, tout en envisageant de lui confier la responsabilité des gares de fret à l'article 2 bis. La modernité, ce n'est pas de laisser la main invisible du marché, ou plutôt l'Araf, réglementer les transports. Être moderne, c'est investir pour améliorer l'efficacité des transports publics. C'est également mailler le territoire en s'appuyant sur le réseau existant et le fortifier. La région Ile-de-France, par le biais du Stif, a développé l'offre de transports par des investissements massifs. Cela vous est insupportable. Alors vous choisissez, au détour d'un amendement contestable, tant sur la forme que sur le fond, de transférer purement et simplement son patrimoine à la RATP. Au-delà de votre volonté de remettre la main sur les transports en Ile-de-France, voire sur le conseil régional, cet amendement pose un problème de fond. Vous martelez sans cesse que Bruxelles interdit les aides d'État, vous prenez même cela comme justification pour ouvrir le capital de La Poste ; mais parallèlement vous offrez gratuitement à la RATP un patrimoine gigantesque de plusieurs milliards. Double discours...
Ce fameux amendement établit également un calendrier fixant l'ouverture à la concurrence pour les métros à 2039. Que traduit cet amendement, sinon votre volonté de faire dire au règlement OSP ce qu'il ne dit pas ? Ce règlement n'impose pas l'ouverture à la concurrence des transports régionaux et urbains, il encadre simplement les formes choisies par les autorités organisatrices. Comment ne pas faire le lien avec ce que proposait pour les TER le sénateur Haenel en première lecture ou le député Mariton ? Je vous rappelle donc la réponse de Nathalie Kosciusko-Morizet lors d'une séance de questions : « l'objet du règlement OSP n'est pas d'anticiper l'ouverture à la concurrence des services ferroviaires intérieurs ».
Vous n'avez à la bouche que la « concurrence libre et non faussée » alors que ce modèle économique est en échec. Les conséquences sociales du règne du marché exigent que vous preniez d'urgence conscience de vos erreurs et non que vous accélériez les réformes.
Vous créez l'Araf, nouveau gendarme du ferroviaire, pour accompagner cette ouverture à la concurrence. On lui confie des pouvoirs importants afin de garantir l'arrivée des nouveaux entrants dans des conditions favorables. Ces autorités de régulation dites indépendantes sont le nouveau modèle de la puissance publique. La transparence, vous ne l'obtiendrez pas par un désengagement de l'État de ses responsabilités mais, au contraire, en garantissant des espaces de démocratie. Mais de cela vous êtes très loin : suppression massive d'élus, musellement du Parlement par les nouveaux règlements des assemblées, suppression autoritaire de la taxe professionnelle ; la liste est longue...
Cette autorité disposerait donc d'un pouvoir réglementaire et d'un pouvoir de sanction. Le pouvoir réglementaire est un pouvoir par délégation mais cette homologation est réputée acquise. C'est là une grave atteinte au principe de constitutionnalité du pouvoir réglementaire. Sur le fond, la concentration de ces pouvoirs dans les mains de personnalités qui ne seront pas comptables de leurs actes est scandaleuse. D'autre part, nous sommes toujours opposés à la supériorité de l'Araf sur l'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), réaffirmée par l'article 9 de cette loi d'après lequel le respect des règles de sécurité ne saurait entraver le bon fonctionnement du marché concurrentiel. La sécurité ne peut être sacrifiée sur l'autel de la rentabilité économique.
Les débats ont aussi permis d'intégrer dans ce texte, d'une part la création d'une nouvelle direction au sein de la SNCF regroupant les 14 000 agents travaillant pour le compte de RFF et, d'autre part, le fait que la gestion des gares devrait aujourd'hui faire l'objet d'un traitement spécifique par la SNCF dans ses comptes. Et cela alors qu'aucune directive communautaire ne l'impose. Il s'agit d'attenter une nouvelle fois à l'unicité de l'opérateur public pour le mettre en difficulté. Seule une entreprise intégrée permet la sécurité et la présence du réseau ferré et d'opérateurs sur l'ensemble du territoire. (Marques d'impatience à droite)
Ce zèle du gouvernement français est encore plus inexplicable alors même que l'existence de services publics dans notre pays a permis d'amortir la crise économique. Malgré cela, votre politique reste toujours la même : socialiser les pertes et privatiser les profits. Dans ce secteur pourtant si stratégique, on s'appuie sur les collectivités pour financer sur leur territoire les services non rentables sous peine de les supprimer et, parallèlement, on ouvre à la concurrence les axes rentables, on développe les partenariats public-privé pour permettre aux géants de l'immobilier de réaliser des profits colossaux. L'État se désengage, notamment dans la loi de finances. L'aide au transport combiné ne cesse de décroître, les subventions à l'Aftif sont en baisse. La révolution verte, prônée par M. Borloo dans cette assemblée en introduction des débats sur le Grenelle, ne verra donc pas le jour en 2010.
La reprise de la dette de RFF n'est toujours pas à l'ordre du jour, même si je me félicite que le texte prévoit la remise d'un rapport gouvernemental au Parlement sur cette question avant fin 2009. Il y a urgence !
Le groupe CRC-SPG ne pourra voter ce texte qui démantèle le service public ferroviaire. (Applaudissements à gauche).
M. Michel Teston. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Depuis le début de la décennie 1990, pour tenter d'enrayer le déclin du transport ferroviaire par rapport au transport routier, l'Union Européenne a adopté un texte de base, la directive 91/440 et, successivement, trois paquets ferroviaires relatifs aux infrastructures et à l'ouverture à la concurrence du fret d'abord, du transport international de voyageurs ensuite. La transcription en droit français d'une partie de ces directives est déjà intervenue. Pour la séparation de la gestion de l'infrastructure ferroviaire et celle de l'exploitation des services de transport, la France, en créant RFF, est même allée plus loin que la seule séparation comptable exigée par l'Union Européenne. Un Établissement public de sécurité ferroviaire a été mis en place. Des spécifications techniques communes ont été mises en oeuvre en matière de signalisation et pour la construction de matériels moteurs pouvant capter plusieurs types de courant électrique.
Enfin, le monopole de la SNCF sur le service intérieur de marchandises a été supprimé le 1er janvier 2006.
Restaient donc à transposer une série de dispositions du troisième paquet ferroviaire ainsi qu'une partie d'une directive relevant du premier paquet. Tel est l'objet de ce texte qui prévoit d'ouvrir à la concurrence les services internationaux de transport de voyageurs à compter du 13 décembre 2009, mais non les services régionaux -aucune directive ne l'imposant, non plus que le règlement OSP- et de créer les conditions de développement des opérateurs ferroviaires de proximité avec la fin du monopole de la SNCF sur l'entretien des lignes à faible trafic et la création d'une autorité administrative indépendante chargée de la régulation. Le 9 mars dernier, nous avons voté contre, bien que quelques-uns de nos amendements aient été adoptés -concernant la certification des conducteurs de trains, la réintégration dans la Loti de l'expression « service public de transport ferroviaire » ou encore l'affirmation du rôle de RFF comme gestionnaire du réseau ferré national. De fait, ce texte ne résout pas la question essentielle des relations entre RFF et la SNCF et de la dette de RFF, pourtant identifiée comme la principale difficulté en matière d'investissement ferroviaire.
M. Roland Courteau. - Juste ! (M. Jacky Le Menn le confirme)
M. Michel Teston. - Pourquoi ne pas avoir profité de ce texte pour revenir sur le raté de la loi de 1997 ?
M. Roland Courteau. - C'était l'occasion ! (M. David Assouline renchérit)
M. Michel Teston. - Préoccupé par la seule question de la dette ferroviaire qui risquait de léser la France du fait du respect des critères de Maastricht, le législateur avait alors négligé l'élémentaire logique en contraignant RFF à déléguer l'essentiel de ses missions à la SNCF, théoriquement placée à égalité avec les autres opérateurs. Résultat, l'indépendance, certes « bruxello-compatible », (« Très bien ! » sur les bancs socialistes) n'est pas réelle puisque des relations commerciales contraintes lient les deux entités. Après le rapport de M. Haenel qui pose un « constat de carence de l'État en matière de gouvernance et de financement du système ferroviaire », le rapport de la Cour des comptes d'avril 2008 et le rapport d'information de M. Mariton de mai 2008 rappellent que l'urgence est à l'adoption de dispositions de simplification et au remboursement de la dette de RFF. La solution serait, à l'instar de l'Allemagne, de l'Autriche ou de l'Italie, de confier la gestion du réseau à une filiale de l'opérateur historique, ce qui suppose que l'État reprenne la dette de RFF aujourd'hui de 28 milliards. Cela m'amène à la principale critique de notre groupe à l'égard de ce texte et de la directive qu'il transpose : on fait mine de croire que la qualité du service et la productivité sont systématiquement liées à l'ouverture à la concurrence...
M. Jean-Jacques Mirassou. - Il n'y a pas de lien !
M. Michel Teston. - Or rares sont les arguments qui justifient ce raisonnement.
M. Roland Courteau. - Exact !
M. Michel Teston. - L'ouverture à la concurrence, qui a été menée à marche forcée au début des années 1990, n'a jamais été remise en question, bien que les pionniers comme la Grande-Bretagne ont fait depuis machine arrière. En outre, comme l'illustrent les nouvelles lignes directrices communautaires sur les aides d'État aux entreprises ferroviaires du 22 juillet 2008, cette libéralisation s'accompagne de tant de dérogations à la libre concurrence au nom des besoins du secteur que sa justification originelle est devenue difficile à défendre. A l'avenir, on pourrait bien assister à un écrémage des lignes considérées comme rentables ; la forte concurrence sur ces quelques linéaires entraînera une baisse des prix et, donc, des services et l'emploi en pâtira.
M. David Assouline. - Bien sûr !
M. Guy Fischer. - C'est évident !
M. Michel Teston. - Les opérateurs historiques risquent bien d'être en difficulté alors qu'ils devront continuer d'assurer le transport international de voyageurs sur les lignes peu ou pas rentables. Notre groupe promeut donc une autre voie que celle de la concurrence, voie que l'Union européenne a écartée sur l'autel du libéralisme (marques d'approbation sur les bancs socialistes), celle de la coopération entre les opérateurs ferroviaires historiques. Ces derniers l'ont, au reste, empruntée...
M. David Assouline. - Très bien !
M. Michel Teston. - Ils se sont rapprochés pour offrir les services bien connus que sont Eurostar, Thalys, Lyria, Alleo, Artesia et Elipsos.
Ensuite, l'Assemblée nationale a, certes, adopté une rédaction de l'article 3 A plus audacieuse que celle retenue par la majorité sénatoriale concernant le rapport sur la dette de RFF, mais elle a adopté dans la nuit du 22 septembre un amendement gouvernemental qui transfère les actifs du Stif à la RATP...
M. David Assouline. - Scandaleux !
M. Guy Fischer. - Honteux ! (On renchérit à gauche)
M. Michel Teston. - ...qui place la RATP dans une situation délicate par rapport au règlement OSP.
M. Nicolas About. - C'est l'hommage que le vice rend à la vertu...
M. Michel Teston. - De plus, cet amendement constitue une violation des droits du Parlement puisque le Sénat, saisi en premier lieu du texte, n'a pu l'examiner à cause de la procédure d'urgence...
M. Guy Fischer. - C'est tout l'objet de mon rappel au Règlement ! (M. David Assouline marque également sa désapprobation)
M. Michel Teston. - ...comme il n'a pu débattre des nombreux articles ajoutés par les députés. Lors de la commission mixte paritaire du 27 octobre, les parlementaires des groupes socialiste et CRC ont défendu des amendements pour revenir sur cette disposition. Peine perdue, nos amendements ont été systématiquement rejetés.
Mme Nicole Bricq. - Un combat n'est jamais perdu !
M. Michel Teston. - En conclusion, ce texte prévoit l'ouverture à la concurrence en application d'une directive européenne dont nous contestons l'esprit. Pour nous, le développement du transport ferroviaire de voyageurs passe par la coopération entre les grands opérateurs historiques, et non par la concurrence sauvage.
Ce texte n'apporte aucune vraie réponse à la question de la résorption de la dette de RFF. Enfin, nous n'acceptons pas la manière dont le Sénat a été privé, du fait de la déclaration d'urgence, de l'examen de l'amendement gouvernemental introduit à l'Assemblée nationale.
M. Roland Courteau. - Très bien !
M. Michel Teston. - Nous sommes totalement opposés aux dispositions qu'il contient, et qui concernent la RATP et le Stif.
Le groupe socialiste votera contre ce projet de loi, dicté par le choix européen de séparer l'infrastructure de l'exploitation. Les chemins de fer japonais, dont le réseau voyageurs est le meilleur du monde, en ont décidé autrement, tout comme les États-Unis pour le fret.
M. David Assouline. - Et le monde entier.
Mme Nicole Bricq. - Et la Norvège !
M. Michel Teston. - De nombreux décideurs européens se sont trompés tout au long de ces années. Toutefois, comme nous sommes socialistes, nous sommes optimistes... L'Union européenne est capable de faire des choix de développement des chemins de fer, et le Grenelle de l'environnement va dans ce sens. Un jour, nous bâtirons un système ferroviaire intégré.
M. David Assouline. - Et cohérent.
M. Michel Teston. - La coopération entre les réseaux permettra de répondre à l'attente des Européens. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
M. Yvon Collin. - En dépit d'une apparence de technicité parfois trompeuse, ce texte recèle de véritables enjeux pour l'avenir immédiat de nos transports. (M. Roland Courteau approuve) Les chemins de fer sont un outil fondamental du développement économique et du désenclavement de nos territoires, a fortiori des territoires ruraux. La question des transports a trait à la mobilité, à l'accessibilité, à la fracture territoriale et aux enjeux environnementaux. Ce secteur mobilise des moyens publics colossaux et ces efforts devront être amplifiés, même dans un cadre libéralisé.
Si cette libéralisation est tant redoutée, ce n'est pas seulement pour des raisons idéologiques. La concurrence peut contribuer à la diversification de l'offre et à la baisse des tarifs, mais aucun partenaire privé ne s'occupera des lignes peu rentables...
M. Jacky Le Menn. - Exact !
M. Yvon Collin. - Qui ne servent qu'à répondre à nos soucis légitimes d'aménagement du territoire.
Mme Nathalie Goulet. - De Granville !
M. Yvon Collin. - L'État et les collectivités locales seront toujours sollicités en tant que régulateurs, c'est pourquoi notre pays a transposé les directives européennes a minima. Ce projet souffre d'un manque d'ambition, de l'absence d'évaluation et d'étude d'impact, malgré les trois ans de recul dont nous disposions pour transposer la directive. Les préconisations du Grenelle de l'environnement auraient dû amener à plus de volontarisme pour les transports propres.
Compte tenu des espoirs et des attentes qu'il aurait dû susciter, ce texte nous donne peu de satisfaction. Rien ne prouve que la libéralisation et l'ouverture à la concurrence augmenteront le transfert modal de la route vers le rail. Une entreprise éloignée des grandes lignes aura nécessairement recours au mode de transport le plus fiable et le moins cher, or les wagons isolés sont devenus extrêmement coûteux et aléatoires. Le principe de compensation des communes traversées par les lignes à grande vitesse, que nous soutenons tous, n'est pas réellement pris en compte alors qu'il aurait donné un signal important en matière d'aménagement du territoire.
Comment la survie de lignes liées à l'aménagement du territoire sera-t-elle garantie dans un cadre totalement concurrentiel ? Le texte issu des travaux de la CMP ne répond pas à cette question. La mobilisation des usagers contre les fermetures de gares est, pour beaucoup, le combat d'une vie, car ces dernières symbolisent l'enracinement des hommes sur nos territoires. Sans désenclavement ni accessibilité il n'y a pas d'attractivité touristique et économique. Nous restons sur notre faim. Le développement des lignes à grande vitesse est vital, mais les lignes secondaires demeurent les grandes oubliées de la politique gouvernementale.
A l'instar de mes collègues des groupes socialiste et communiste, il ne me semble pas du tout opportun d'avoir fait passer en catimini un amendement gouvernemental modifiant profondément l'organisation des transports publics d'Ile-de-France. Un nouveau règlement devrait entrer en vigueur le 3 décembre et le capital du Stif serait transféré à la RATP sans consultation du syndicat, de la région, de la ville de Paris ni des départements. Les modalités d'adoption de cet amendement ont fait l'effet d'une bombe pour les élus de droite comme de gauche. La méthode est condamnable, Francis Grignon l'a rappelé.
La création d'une haute autorité administrative indépendante donnera tout son sens à l'encadrement et à la régulation. Cette instance garantira le libre accès au réseau : c'est un élément positif. L'Araf pourra non seulement instruire les plaintes, mais aussi prendre l'initiative d'enquêtes et d'investigations. Elle sera dotée d'un pouvoir de sanction et pourra infliger une amende allant jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires de l'opérateur.
Pour conclure, j'évoquerai l'aviation civile, secteur que je connais bien en tant que rapporteur de ce budget au Sénat. J'ai déposé en première lecture un amendement définissant la notion de mission afin que les passagers puissent être rapatriés, si nécessaire, dans les meilleurs délais. Le texte de la CMP ne définit pas la mission, mais prévoit que le personnel navigant est tenu, sauf cas de force majeure ou impossibilité médicale, d'assurer son service programmé entre deux passages à l'une des bases d'affectation. Ce compromis est raisonnable et je peux m'y rallier.
Malgré quelques avancées techniques, ce texte pèche par un manque cruel de mesures liées à l'aménagement du territoire et au désenclavement de notre pays. La majorité des membres de mon groupe ne peut l'approuver. En raison notamment des dispositions sur le Stif, ceux d'entre nous qui s'étaient abstenus lors de l'examen de ce texte voteront contre les conclusions de la CMP. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
M. Michel Bécot. - (Applaudissements sur les bancs UMP) Nous allons voter un texte dont nous n'avons rien à craindre et tout à gagner. Dans le droit fil du Grenelle de l'environnement, il organise une concurrence régulée afin de développer les transports ferroviaires, soutient les transports en commun et renforce le transport maritime. De la transposition d'une directive européenne, ce texte est devenu un texte fondateur en matière de transports, grâce notamment aux travaux du Sénat.
Ce projet de loi traite des transports ferroviaires et guidés, routiers, aériens et maritimes dans une période de mutations importantes de ce secteur, en France comme en Europe, et alors que le Président de la République a souhaité consacrer 7 milliards d'euros à la création d'un réseau d'autoroutes ferroviaires et de fret à grande vitesse. Au terme des paquets ferroviaires européens successifs, les infrastructures ferrées sont entrées dans le champ concurrentiel en 2001, et le fret en 2006. Les services de transport international de voyageurs doivent s'ouvrir à la concurrence au plus tard le 1er janvier 2010.
Toutefois, nous ne devons pas nous dissimuler derrière l'Union européenne au motif que celle-ci nous imposerait une concurrence que nous serions contraints de subir. La concurrence n'est pas une chose nocive ou honteuse venue de Bruxelles pour dégrader nos modes de transport. Elle présente des avantages indéniables pour leurs clients et pour tous les voyageurs, pour le transport aérien comme pour le fret ferroviaire. Elle permettra de développer le transport international de voyageurs en suscitant la création de nouveaux services, de nouvelles activités et de nouveaux emplois. Elle pourra bénéficier également aux transports ferroviaires régionaux de voyageurs -cela a très bien fonctionné en Allemagne.
Le rapport de M. Francis Grignon proposera des solutions aux vrais problèmes, devenir des personnels, propriété des matériels roulants... La France entend respecter ses engagements communautaires et ce projet transpose l'ensemble des textes applicables. La libéralisation constitue une chance pour la SNCF comme pour les autres entreprises françaises. Nous soutenons les adaptations qui mettront l'organisation des transports franciliens en conformité avec le règlement européen, je songe aux relations entre le Stif et la RATP. Nous ne rejetons pas l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire ; nous souhaitons seulement des conditions équilibrées et transparentes, une régulation garantissant l'accès libre et non discriminatoire au réseau, pour les entreprises historiques comme pour les opérateurs de proximité. L'Autorité de régulation des activités ferroviaires est la clé de voûte de la nouvelle gouvernance -laquelle n'exonère en rien l'État de ses responsabilités, en particulier, veiller à préserver une concurrence sans discrimination. Un équilibre satisfaisant a été trouvé sur la gestion des sillons et sur les gares : nous nous en félicitons. La restructuration de l'activité de fret de la SNCF s'impose, réforme primordiale tant pour l'entreprise que pour le respect des objectifs du Grenelle de l'environnement.
L'ouverture à la concurrence est aujourd'hui une réalité ; le paysage ferroviaire se modifie en profondeur. Nouveaux enjeux, nouveaux entrants : nous devons faire évoluer l'organisation de notre système. C'est l'objet de ce projet de loi. Nos entreprises se développeront au plan européen et notre expérience en matière ferroviaire nous sera profitable.
Outre le transport ferroviaire, plusieurs articles insérés par le Sénat concernent le transport routier de marchandises, la marine marchande ou le transport aérien. Ce projet de loi est donc complet. Il organise et régule le transport ferroviaire de manière pragmatique et apporte des garanties supplémentaires aux voyageurs. Notre système de transport est résolument entré dans le XXIe siècle. Je remercie le président de la commission et le rapporteur pour leur compétence technique et M. le ministre pour sa grande disponibilité. Le groupe UMP soutiendra ce texte avec enthousiasme et clairvoyance. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Discussion du texte élaboré par la CMP
M. le président. - Je rappelle au Sénat qu'en application de l'article 42 alinéa 12 du Règlement, lorsque le Sénat est appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue d'abord sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte. Dans le cas contraire, il procède à un vote unique sur l'ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement. Je n'appellerai que les articles faisant l'objet d'une prise de parole.
Article premier
I. - La loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs est ainsi modifiée :
1° Le huitième alinéa de l'article 5 est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Pour l'exercice de ces missions, l'État et les autres personnes publiques précédemment mentionnées ont accès aux informations relatives au trafic ferroviaire et aux données économiques nécessaires à la conduite d'études et de recherches de nature à faciliter la réalisation des objectifs assignés au système de transports. Lorsque la divulgation de ces informations est susceptible de porter atteinte au secret des affaires, leur détenteur peut demander que leur diffusion à ces personnes publiques soit assurée par le ministre chargé des transports. Dans ce cas, celui-ci désigne les services habilités à procéder à cette diffusion, en précise les conditions et modalités garantissant le respect de ce secret et arrête la nature des informations pouvant être rendues publiques. » ;
2° L'article 13-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le présent alinéa ne concerne pas la construction ou la modification substantielle des véhicules de transport public guidé ou ferroviaire. » ;
b) Au début de la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « Leur mise en exploitation commerciale » sont remplacés par les mots : « La mise en exploitation commerciale de ces systèmes » ;
c) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'autorisation de mise en exploitation commerciale d'un véhicule de transport ferroviaire ou guidé délivrée par l'autorité compétente d'un autre État membre de l'Union européenne ou celle d'un État appliquant, en vertu d'accords auxquels la France ou l'Union européenne sont parties, des règles techniques et de sécurité équivalentes à celles de l'Union européenne, emporte autorisation de son exploitation commerciale dès lors qu'elle a été délivrée en application de règles communautaires ou de règles reconnues par l'autorité compétente comme étant de nature à garantir la sécurité. » ;
d) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « ainsi que les modalités de reconnaissance des règles mentionnées au troisième alinéa. » ;
3° À la première phrase du premier alinéa des articles 13-1 et 13-2, les mots : « un expert ou » sont supprimés ;
4° À la seconde phrase du premier alinéa de l'article 13-1, le mot : « ouvrages » est remplacé par le mot : « systèmes » et à la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa du même article, les mots : « de l'ouvrage » sont remplacés par les mots : « du système » ;
5° À la seconde phrase du premier alinéa de l'article 13-2, le mot : « ouvrages » est remplacé par le mot : « systèmes » ;
6° La section 1 du chapitre Ier du titre II est ainsi modifiée :
a) L'intitulé est ainsi rédigé : « De l'organisation du transport ferroviaire et du service public ferroviaire » ;
b) Avant l'article 18, sont insérés trois articles 17-1, 17-2 et 17-3 ainsi rédigés :
« Art. 17-1. - I. - Au sens du présent article, le réseau ferroviaire est composé du réseau ferré national et des lignes ferroviaires ouvertes à la circulation publique qui lui sont reliées, y compris les lignes d'accès aux ports et aux terminaux desservant ou pouvant desservir plus d'un utilisateur final.
« Au sens du présent article, on entend par ?capacités de l'infrastructure? la possibilité de programmer des sillons sollicités pour un segment de l'infrastructure pendant une certaine période et on entend par « sillon » la capacité d'infrastructure requise pour faire circuler un train donné d'un point à un autre à un moment donné.
« II. - La gestion de l'infrastructure ferroviaire est comptablement séparée de l'exploitation des services de transport des entreprises ferroviaires. Aucune aide publique versée à une de ces activités ne peut être affectée à l'autre.
« À compter du 1er janvier 2011, la gestion des gares, lorsqu'elle est effectuée par la Société nationale des chemins de fer français, fait l'objet d'une comptabilité séparée de celle de l'exploitation des services de transport. Aucune aide publique versée à l'une de ces activités ne peut être affectée à l'autre.
« III. - En ce qui concerne les entreprises ferroviaires, des comptes de profits et pertes et, soit des bilans, soit des bilans financiers annuels décrivant l'actif et le passif, sont tenus et publiés pour les activités relatives à la fourniture des services de transport ferroviaire de fret. Lorsqu'un groupe d'entreprises publiant une comptabilité consolidée ou une entreprise exploite plusieurs services de transport ferroviaire de fret, la gestion de ces services fait l'objet d'une comptabilité séparée, le cas échéant consolidée au niveau du groupe.
« Les concours publics reçus par les entreprises ferroviaires au titre des missions de service public de voyageurs qui leur sont confiées ne peuvent être affectés à d'autres activités et doivent figurer dans les comptes correspondants.
« IV. - Les entreprises ferroviaires autorisées à exploiter des services de transport ont, dans des conditions équitables et sans discrimination, un droit d'accès à l'ensemble du réseau ferroviaire, y compris pour l'accès par le réseau aux infrastructures de services, ainsi que, lorsqu'il n'existe pas d'autre possibilité d'accès dans des conditions économiques raisonnables, aux services que ces infrastructures permettent de leur fournir.
« L'utilisation par une entreprise ferroviaire des gares et de toutes autres infrastructures de service donne lieu à la passation d'un contrat.
« Un décret en Conseil d'État précise pour les gares et toutes autres infrastructures de services la nature des prestations minimales ou complémentaires dont toute entreprise ferroviaire autorisée à réaliser des services de transport peut demander la fourniture et, en tant que de besoin, les principes de tarification applicables à ces prestations.
« L'utilisation de l'infrastructure donne lieu à la passation d'un contrat entre le bénéficiaire d'un sillon et le gestionnaire d'infrastructure et à la perception d'une redevance par ce dernier. Les capacités de l'infrastructure disponible ne peuvent, une fois affectées à un candidat, être transférées par le bénéficiaire à une autre entreprise ou un autre service. Tout transfert de capacités d'infrastructure à titre onéreux ou gratuit est interdit et entraîne l'exclusion de l'attribution ultérieure de capacités.
« Toutefois, d'autres personnes que les entreprises ferroviaires peuvent être autorisées à demander l'attribution de sillons en vue de les mettre à la disposition d'une entreprise ferroviaire. Une telle mise à disposition des sillons qui leur sont attribués à une entreprise ferroviaire ne constitue pas un transfert prohibé au sens du précédent alinéa.
« Les redevances pour les prestations complémentaires ou connexes offertes par un seul fournisseur sont liées au coût de la prestation calculé d'après le degré d'utilisation réelle.
« V. - Le gestionnaire d'infrastructure publie chaque année un document de référence du réseau qui décrit les caractéristiques de l'infrastructure mise à disposition des entreprises ferroviaires, les tarifs des prestations offertes, les règles de répartition des capacités, ainsi que les informations nécessaires à l'exercice des droits d'accès au réseau.
« Le gestionnaire d'infrastructure d'un réseau sur lequel une seule entreprise circule et n'effectue que des services de marchandises est dispensé d'établir le document de référence du réseau tant qu'il n'existe pas d'autre demandeur de capacité dudit réseau que cette entreprise.
« VI. - Tout demandeur de sillons peut conclure avec le gestionnaire d'infrastructure un accord-cadre précisant les caractéristiques des capacités d'infrastructure ferroviaire qui lui sont offertes pour une durée déterminée tenant compte, le cas échéant, de l'existence de contrats commerciaux, d'investissements particuliers ou de risques.
« VII. - Les entreprises ferroviaires qui exploitent des services avant le 1er janvier 2010 peuvent conclure avec le gestionnaire d'infrastructure des accords-cadres pour une durée de cinq ans, renouvelables une fois, sur la base des caractéristiques des capacités utilisées à condition que ces entreprises justifient d'investissements spéciaux ou de contrats commerciaux avant cette date.
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.
« Art. 17-2. - À compter du 13 décembre 2009, les entreprises ferroviaires exploitant des services de transport international de voyageurs peuvent, à cette occasion, assurer des dessertes intérieures à condition que l'objet principal du service exploité par l'entreprise ferroviaire soit le transport de voyageurs entre des gares situées dans des États membres de l'Union européenne différents.
« L'autorité administrative compétente peut limiter ces dessertes intérieures, sous réserve que l'Autorité de régulation des activités ferroviaires ait, par un avis motivé, estimé que la condition précitée n'était pas remplie.
« Toute autorité organisatrice de transport ferroviaire compétente peut également limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures, sous réserve que l'Autorité de régulation des activités ferroviaires ait, par un avis motivé, estimé que ces dessertes compromettent l'équilibre économique d'un contrat de service public.
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article.
« Art. 17-3. - La consistance et les caractéristiques principales du réseau ferré national sont fixées par un décret pris en application des principes énoncés par l'article 14 de la présente loi.
« La gestion du réseau ferré national est confiée à Réseau ferré de France qui en assure la responsabilité dans les conditions prévues par la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public ?Réseau ferré de France? en vue du renouveau du transport ferroviaire.
« Réseau ferré de France et les titulaires des contrats de partenariat ou de délégations de service public mentionnés aux articles 1er-1 et 1er-2 de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 précitée ont la qualité de gestionnaire d'infrastructure. » ;
c) Le troisième alinéa de l'article 18 est complété par les mots : «, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l'article 17-2 » ;
c bis) (nouveau) Après le quatrième alinéa de l'article 18, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - de gérer, de façon transparente et non discriminatoire, les gares de voyageurs qui lui sont confiées par l'État ou d'autres personnes publiques et de percevoir à ce titre auprès des entreprises ferroviaires toute redevance ; »
c ter) (nouveau) Le dernier alinéa du II de l'article 24 est supprimé ;
d) L'article 24 est complété par un III et un IV ainsi rédigés :
« III. - Au sein de la Société nationale des chemins de fer français, un service spécialisé exerce, à compter du 1er janvier 2010, pour le compte et selon les objectifs et principes de gestion définis par Réseau ferré de France, les missions de gestion du trafic et des circulations sur le réseau ferré national mentionnées à l'article 1er de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire, dans des conditions assurant l'indépendance des fonctions essentielles ainsi exercées garantissant une concurrence libre et loyale et l'absence de toute discrimination.
« Le directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations ne reçoit aucune instruction qui soit de nature à remettre en cause ou à fausser cette indépendance et veille au caractère non discriminatoire des décisions prises pour l'exécution de ses missions. Il est nommé, pour cinq ans, par décret du Premier ministre sur proposition du ministre chargé des transports et après avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires. Il ne peut être mis fin de manière anticipée à ses fonctions, le cas échéant à la demande du président de la Société nationale des chemins de fer français, que dans l'intérêt du service, par décret du Premier ministre et après avis conforme de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires.
« Le directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations ne peut être membre du conseil d'administration de la Société nationale des chemins de fer français. Les personnels employés par le service ne peuvent recevoir d'instruction que du directeur ou d'un agent placé sous son autorité.
« Les dispositions de l'article 226-13 du code pénal s'appliquent à la divulgation, à toute personne étrangère au service gestionnaire des trafics et des circulations, d'informations d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication serait de nature à porter atteinte aux règles d'une concurrence libre et loyale et de non-discrimination imposées par la loi. La liste des informations concernées est déterminée par décret en Conseil d'État. Ces dispositions ne s'appliquent pas à la communication des informations nécessaires à l'accomplissement de leurs missions par Réseau ferré de France et par les services gestionnaires des trafics et des circulations sur d'autres réseaux ferroviaires français ou étrangers. Elles ne s'appliquent pas non plus à la communication des informations aux fonctionnaires et agents chargés de la tutelle de la Société nationale des chemins de fer français et de Réseau ferré de France.
« Le service gestionnaire des trafics et des circulations dispose d'un budget propre, dont le financement est assuré par Réseau ferré de France dans le cadre d'une convention passée avec la Société nationale des chemins de fer français, cosignée par le directeur du service gestionnaire. Cette convention fixe, conformément à l'article 1er de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 précitée, les conditions d'exécution et de rémunération des missions exercées par le service, notamment pour ce qui concerne les études techniques d'exécution nécessaires à l'instruction des demandes de sillons et la gestion opérationnelle des circulations.
« Le directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations est seul responsable de la gestion administrative et budgétaire du service. Il dispose, à ce titre, du pouvoir d'engager les dépenses liées à son fonctionnement et à l'accomplissement de ses missions.
« Aucune décision intéressant, directement ou indirectement, la carrière d'un agent affecté au service gestionnaire des trafics et des circulations ne peut être prise sans l'avis du directeur du service, préalablement consulté. Cet avis est communiqué, à sa demande, à l'agent intéressé.
« Un décret précise, en tant que de besoin, les exigences matérielles d'indépendance auxquelles doit satisfaire le service gestionnaire, notamment en matière de sécurité d'accès aux locaux et aux systèmes d'information.
« Un décret en Conseil d'État précise, en tant que de besoin, les modalités d'application du présent III, en particulier les règles de fonctionnement du service gestionnaire des trafics et des circulations.
« IV (nouveau). - Il est institué une commission qui est obligatoirement consultée lorsqu'un agent du service gestionnaire des trafics et des circulations ayant eu à connaître, dans l'exercice de ses fonctions, des informations dont la divulgation est visée au III, souhaite exercer des activités dans le secteur ferroviaire en dehors de ce service.
« Cette commission rend un avis. Le cas échéant, elle peut fixer un délai avant l'expiration duquel l'agent ne peut exercer de nouvelles fonctions incompatibles avec ses fonctions précédentes. Pendant ce délai, l'agent est reclassé dans un poste de même niveau qui ne comporte pas d'incompatibilités au regard de ses fonctions précédentes ni de ses fonctions futures.
« Cette commission est présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire et comprend, en outre, un membre de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires, le président de Réseau ferré de France ou son représentant, le directeur du service gestionnaire des trafics et des circulations ou son représentant et un représentant des agents du service gestionnaire des trafics et des circulations. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent IV. » ;
7° L'article 30-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut comprendre des syndicats mixtes définis à l'article L. 5711-1 ou à l'article L. 5721-2 du même code et compétents en matière d'organisation des transports. »
II. - (Non modifié)
Mme Bernadette Bourzai. - Ce texte réécrit les dispositions touchant la perception des redevances et péages. Une première réforme des péages de RFF a été adoptée en catimini, par décret, le 20 novembre dernier. Laquelle des deux réformes est la plus importante : celle qui nous est soumise ici ou celle adoptée un mois avant l'ouverture de la discussion parlementaire ? La mise en oeuvre de la réforme aura des incidences considérables pour les régions. Certes, en 2007, les recettes des péages s'étaient élevées à 2,7 milliards d'euros alors que le coût complet de gestion et maintenance de l'infrastructure se monte à 6,2 milliards d'euros environ par an. La réforme des péages était donc inéluctable. Les redevances sont désormais de trois sortes : la redevance d'accès, la redevance de réservation et la redevance de circulation. Mais rien, ni dans le décret, ni dans le présent texte, n'assure que la situation des collectivités sera prise en compte ni que les lignes les moins rentables seront préservées. L'Association des régions de France, en avril 2008, a rappelé que les régions « ne sauraient supporter le coût de l'entretien et de la modernisation du réseau ferré » au-delà de ce qu'elles y consacrent actuellement. Elles demandent un mécanisme de compensation pour les investissements qui tendent à réduire les coûts d'entretien ; et un mécanisme de péréquation pour sauver les lignes contribuant à l'aménagement du territoire. La nouvelle architecture des péages est jugée « moins mauvaise que la précédente » mais l'augmentation des tarifs et la compensation financière, limitée au niveau actuel, nous font craindre le pire.
Le Gouvernement n'a pas repris le principe de péréquation qui figure dans la directive ; ce n'est donc pas la faute à l'Europe, mais la faute au Gouvernement, qui veut tout, mais ne s'en donne jamais les moyens. Ce texte aurait pu être l'occasion d'explorer de nouvelles pistes, d'autant que le sujet avait fait l'objet de nombreux débats depuis plusieurs années. C'est une occasion manquée. Nous voterons donc contre. (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Vera. - Malgré nos appels répétés, vous ouvrez à la concurrence le transport ferroviaire de voyageurs. Aucun bilan n'a été réalisé sur les précédentes directives de libéralisation. La libéralisation du transport de voyageurs n'est pas anodine, elle mérite mieux qu'une lecture en urgence.
Un service public des transports sera-t-il maintenu ? Dans votre intitulé de la section I du chapitre I du titre II de la Loti, la notion de service public disparaît... L'opérateur public sera-t-il maintenu ? Un découpage de son activité se dessine, gestion de l'infrastructure, exploitation des services et exploitation des gares, distinguées en comptabilité. L'entreprise intégrée est au contraire un atout pour notre pays et un gage pour la sécurité. La mission de service public confiée à la SNCF risque d'être menacée par cette ouverture à la concurrence, surtout si la notion de cabotage fait l'objet d'une lecture extensive par l'autorité de régulation. Les nouveaux opérateurs s'empareront des lignes rentables. La SNCF, faute de ressources, abandonnera la péréquation et l'offre ferroviaire ne couvrira plus l'ensemble du territoire : la notion même de service public sera mise à mal.
Et où est le bénéfice de l'ouverture à la concurrence pour les usagers ? Les entreprises privées cherchent à réaliser des bénéfices et ne sont pas dépositaires de missions de service public. La concurrence passera inévitablement par des formes de dumping social, désormais courant au sein de l'Union européenne. La sécurité des usagers est menacée, car les nouveaux entrants rogneront sur les normes de sécurité, qui ont un coût. Au demeurant, les opérateurs privés se montrent très frileux, car ils craignent de se voir imposer des normes techniques trop contraignantes, entrave à leur compétitivité. Les exigences de rentabilité financière prendront le pas sur les besoins des usagers et la sécurité.
Enfin, une concurrence rail-rail s'ajoutant à la concurrence rail-route n'est pas de bon augure pour le rééquilibrage modal. Le groupe CRC-SPG propose une Europe ferroviaire fondée sur les coopérations, sur de meilleures conditions sociales pour les travailleurs, sur la sécurité des circulations et sur des investissements publics destinés à développer durablement le ferroviaire et participer au rééquilibrage multimodal. (Applaudissements à gauche)
Mme Bariza Khiari. - La présente transposition concerne le troisième paquet, qui touche au coeur du sujet, le transport de voyageurs. L'ouverture à la concurrence se fera au 1er janvier 2010, c'est-à-dire demain. Toutefois, depuis les premiers débats, des changements importants ont eu lieu.
C'est devenu une habitude, pour ce Gouvernement, d'omettre de transposer les éléments les plus intéressants des directives européennes. Ici, il a laissé de côté la péréquation, il se fait prier pour le permis de conduire européen et il juge inutile d'encadrer l'exploitation du trafic international de voyageurs !
La crise économique a asséché les finances publiques et montré que le marché, parfois, se trompe -ne vous en déplaise. En outre, le règlement adopté le 23 octobre 2007 modifie la donne. Il pose la question essentielle : comment concilier les règles de la concurrence avec le maintien du service public ? Or vous ne cherchez pas de réponse et vous libéralisez encore plus qu'on ne vous le demande !
Télécom, gaz, électricité, fret... Nous commençons à avoir assez de recul : en cas de mise en concurrence, seules les plus rentables attirent les opérateurs mais il faut l'argent de l'État pour s'occuper des zones éloignées, grises ou blanches. Qui, ici, n'est jamais intervenu pour qu'un opérateur desserve l'ensemble des habitants ? Depuis les années 1980, nous avons l'expérience de ce qu'il ne faut pas faire ; les privatisations de Mme Thatcher ont laissé un goût amer à beaucoup et coûté la vie à quelques-uns. Il faut définir un schéma d'ensemble assurant un maillage cohérent et équitable, et financé grâce à la péréquation ! Nous sommes contre l'amorce de démantèlement du réseau ferré. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Teston. - Je suis ravi que tout le monde s'intéresse aujourd'hui au ferroviaire. (Sourires) Nous nous sommes toujours opposés à la séparation entre gestion de l'infrastructure et exploitation des transports. Nous nous sommes élevés contre la loi du 13 février 1997 qui n'a créé RFF que pour porter la dette. Mais du débat sur le bilan négatif de cette loi, vous ne voulez pas et vous l'avez complètement éludé. Pourquoi RFF ne deviendrait-il pas une filiale de la SNCF comme son homologue allemand de l'est de la Deutsche Bahn, elle-même détenue par l'État ? Un tel scénario est d'autant plus envisageable que le schéma antérieur devient obsolète avec la création d'une autorité. Rien ne s'oppose à la filialisation de RFF. Certes, les esprits sont marqués par les mauvaises relations entre RFF et le gestionnaire délégué, mais nous n'avons jamais vu les rapports que le Gouvernement devait élaborer -ont-ils jamais été rédigés ? Il est vrai que cela l'aurait obligé à se prononcer sur la situation qu'il avait créée et dont il ne sait comment sortir.
M. Haenel, dans un rapport, propose de créer une nouvelle entreprise avec du personnel SNCF ; il contourne ainsi le problème dans une logique d'évitement des conflits sociaux au risque de rendre la situation plus complexe.
En matière sociale, il n'y a que le permis de conduire les trains, adopté à notre initiative mais limité par les députés. Le texte prépare donc un nivellement par le bas. Nous nous opposons à la concession des transports internationaux de voyageurs comme au cabotage, encore moins encadré après le vote de l'Assemblée nationale. Nous refusons cet article.
Mme Mireille Schurch. - Permettez-moi de revenir sur la question du wagon isolé. J'avais déposé deux amendements à l'article 10 du Grenelle de l'environnement pour maintenir son caractère prioritaire et affirmer qu'il procède de l'intérêt général mais, le 29 janvier dernier, le Gouvernement et la commission des affaires économiques m'avaient renvoyé au présent texte, à l'occasion duquel aucune réponse ne m'a été apportée. Le Gouvernement nous a seulement expliqué que l'intérêt général n'était pas un concept assez précis. Je reste pourtant persuadée qu'il constitue le socle du pacte social et que sa définition relève de la puissance publique.
J'avais d'abord demandé que la SNCF reste engagée dans le wagon isolé. En Auvergne, par exemple, l'état du réseau interdit toute initiative privée et il est primordial que le service public assure le fret et réponde aux besoins de déplacement. Mon autre amendement partait d'un constat clair, la SNCF est actuellement le seul opérateur à pratiquer le wagon isolé. Le Gouvernement n'a cessé de botter en touche ; le plan fret prélude pourtant à l'abandon pur et simple du wagon isolé. Votre politique remet des millions de camions sur les routes : le rail assurait 20 % du fret en 2000 mais 11 % aujourd'hui. (Applaudissements à gauche)
M. Guy Fischer. - Voilà la vérité !
Article 2
La loi n° 97-135 du 13 février 1997 précitée est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa de l'article 1er est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cependant, pour des lignes à faible trafic réservées au transport de marchandises, Réseau ferré de France peut confier par convention ces missions à toute personne selon les mêmes objectifs et principes de gestion. » ;
2° L'article 1er-1 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) À la première phrase, les mots : « d'infrastructures d'intérêt national ou international destinées à être incorporées au » sont remplacés par les mots : « contribuant au développement, à l'aménagement et à la mise en valeur de l'infrastructure du » ;
a) Après le mot : « infrastructure », la fin de la deuxième phrase est supprimée ;
b) Après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la gestion du trafic et des circulations est incluse dans le périmètre du contrat ou de la convention, cette mission est assurée par la Société nationale des chemins de fer français, pour le compte du cocontractant qui la rémunère à cet effet, dans le respect des objectifs et principes de gestion du réseau ferré national définis par Réseau ferré de France. » ;
3° Le premier alinéa de l'article 2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour l'application à Réseau ferré de France de l'article 5 de cette loi, la personnalité mentionnée au dernier alinéa du même article est choisie parmi les représentants des usagers du service de transport public. » ;
3° bis Après l'article 2, sont insérés deux articles 2-1 et 2-2 ainsi rédigés :
« Art. 2-1. - Les autorités organisatrices de services de transport ferroviaire, les entreprises ferroviaires, les opérateurs de transport combiné, les grands ports maritimes, les chargeurs, les usagers, les milieux professionnels de l'industrie ferroviaire et les associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement sont représentés dans un conseil de développement durable du réseau ferré national.
« Ce conseil est consulté, dans un objectif de promotion du développement durable et d'efficacité économique et sociale, sur les grandes orientations de gestion et de développement de l'infrastructure du réseau ferré national. Il peut émettre toute proposition en la matière, en tenant compte des obligations liées à la protection de l'environnement.
« Un décret en Conseil d'État, Réseau ferré de France entendu, précise la composition de ce conseil, les modalités de désignation de ses membres et ses règles de fonctionnement.
« Art. 2-2. - Les actes administratifs de Réseau ferré de France sont publiés au bulletin officiel de l'établissement public, diffusé sur son site internet sous forme électronique dans des conditions propres à en garantir la fiabilité. Un arrêté du ministre chargé des transports fixe les catégories d'actes et de délibérations qui sont publiés au bulletin officiel de Réseau ferré de France. » ;
4° L'article 13 est ainsi modifié :
a) Au sixième alinéa, après les mots : « concurrence intermodale ; », sont insérés les mots : « il tient compte, lorsque le marché s'y prête, de la valeur économique, pour l'attributaire du sillon, de l'utilisation du réseau ferré national, et respecte les gains de productivité réalisés par les entreprises ferroviaires ; »
b) Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les principes d'évolution de ces redevances sont fixés de façon pluriannuelle. »
M. Claude Jeannerot. - Oui, il est urgent de redresser la situation du fret, mais pas comme vous le proposez. Le nouveau plan fret annonce de bonnes intentions consensuelles, mais il manque de moyens et reste très flou sur les financements. Inscrit dans une logique purement comptable, il ne pourra manquer d'avoir des effets pervers. L'abandon programmé de 70 % de l'activité wagon isolé au profit du train entier et du transport combiné va diminuer le périmètre du fret au profit des dessertes routières. Votre stratégie non avouée est d'abandonner la petite maille pour privilégier les axes les plus rentables comme si l'on pouvait se dispenser d'alimenter les gares de triage.
Vous proposez de construire des infrastructures pour le fret de transit mais quid des marchandises de moindre volume ou de plus faible poids et qu'adviendra-t-il des producteurs qui envoient des marchandises par le rail ? Vous feriez mieux de rendre le fer rentable que de délaisser le réseau en priant pour que les régions s'en occupent. Le bois et l'eau d'Auvergne sont désormais transportés par la route et le fret ainsi perdu, le rail ne le retrouve jamais !
Vous ne le dites pas mais pour vous, il faudrait que les régions apportent des moyens au fret alors que l'État ne leur donne pas ceux d'assumer leurs compétences. Une telle stratégie signe une forme d'abandon. Le Gouvernement continue à ne pas respecter ses engagements envers RFF comme envers les régions et l'on va tout droit à la mort d'un réseau qui fait encore notre force !
Les régions dessinent une politique alternative ambitieuse et écologique. Grâce à leur action déterminée et avec la réunification du système ferroviaire, nous pouvons construire une action cohérente du rail pour les personnes comme pour les marchandises. Le parti socialiste a proposé un grand plan de transports carbone zéro, financé pour moitié par l'État. Au lieu de refuser les moyens de développement du rail, le Gouvernement aurait dû s'inspirer de ces propositions. Notre déception accentue notre refus du texte.