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Table des matières
Fonds propres (Proposition de résolution européenne)
Assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale
Décentralisation des enseignements artistiques (Question orale avec débat)
Fonds propres (Proposition de résolution européenne)
Assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale
Décentralisation des enseignements artistiques (Question orale avec débat)
SÉANCE
du jeudi 29 octobre 2009
13e séance de la session ordinaire 2009-2010
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Marc Massion.
La séance est ouverte à 9 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt de rapports
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en oeuvre de la franchise sur les médicaments, les actes des auxiliaires médicaux et les transports sanitaires, établi en application de l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que le rapport sur le bilan d'avancement du processus de convergence tarifaire établi en application du l'article L. 162-22-10 du même code.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Fonds propres (Proposition de résolution européenne)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne sur l'exigence de fonds propres pour le portefeuille de négociation et pour les retitrisations et la surveillance prudentielle des rémunérations, présentée par M. Simon Sutour, Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Discussion générale
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - La proposition de résolution du groupe socialiste porte sur la proposition de directive du 13 juillet dernier sur les fonds propres. Nous l'avons déposée le 24 septembre, avant le G20 de Pittsburgh, car le sujet est au coeur de la négociation internationale et européenne et parce que la déclaration finale est rédigée en termes assez vagues pour que les États gardent la liberté d'agir. Cette proposition pose des principes, envoie un message au Gouvernement et donne de la visibilité aux travaux parlementaires. Elle valide l'idée communément admise selon laquelle les politiques doivent s'approprier le champ de la régulation financière, trop souvent délaissée à des organismes sans légitimité démocratique.
Le sauvetage du système financier n'a été possible que grâce à l'intervention des États. Ceux-ci peuvent-ils, après avoir joué les pompiers, laisser le feu repartir ? Les sauvetages financiers sans contrepartie n'ont pas modifié les mauvaises habitudes : les banques s'empressent de rembourser les aides pour faire leur marché ou distribuer des bonus... Peut-on accepter que tout reparte comme avant ? Nous avions tous dit non. Il convient donc de combattre l'hypertrophie de marchés financiers, fondée sur la recherche de la rentabilité maximale en un minimum de temps, et dénouer le lien entre les prises de risque irresponsables et les rémunérations déraisonnables, qui a alimenté les bulles financières. Il nous faut promouvoir efficacement des pratiques responsables afin que le risque final ne retombe pas sur les contribuables.
Le rapporteur général a pointé des convergences entre nos propositions et celles de la commission des finances comme du groupe de travail commun aux députés et aux sénateurs. J'y vois la promesse d'une discussion au fond. Celle-ci est souhaitable et nécessaire.
Sécurité, transparence et responsabilité, voilà nos objectifs. Nous voulons que la prévention des risques et la responsabilisation du secteur financier et bancaire passent par l'augmentation des fonds propres ; nous proposons en effet des contreparties assurantielles grâce à un fonds de garantie alimenté par une taxe. MM. Arthuis et Marini veulent l'assortir d'un allégement de la taxe sur les salaires, faisant ainsi droit à une très ancienne revendication des banques. Ils lancent ainsi un ballon d'essai en déplaçant le débat sur le terrain fiscal. Cet habile contrefeu à une mesure de fond fera-t-il oublier les cafouillages de la majorité observés sur la mesure exceptionnelle proposée par les députés socialistes ? Ponctuel et a posteriori, l'amendement de ces derniers n'est pas contradictoire avec notre proposition pérenne et a priori.
Demain, la concentration bancaire fera planer le risque que les États ne puissent plus intervenir en cas de nouvelle crise financière. Il faut nous assurer pour l'avenir d'une garantie. L'échelon européen est le plus pertinent mais rien n'empêche d'agir au niveau français grâce à l'autorité unique qu'on nous a promise pour la fin de l'année. Assortie d'un dispositif fiscal, la mesure perdrait tout effet dissuasif.
Nos propositions sur les rémunérations font débat. Nous exerçons une forme de droit de suite de notre proposition de loi du 4 novembre 2008 car il y a un lien consubstantiel entre prise de risque et rémunération. Nous souhaitons que les rémunérations soient mises sous le contrôle de toutes les parties prenantes, les dirigeants, les actionnaires lors des assemblées générales ainsi que les salariés au sein du comité d'entreprise. Ce n'est pas parce que le G20 s'est limité au bonus des traders qu'il ne faut pas traiter des autres sujets, ce n'est pas parce que la proposition de directive n'en fait pas mention que la France ne saurait promouvoir une telle proposition. Le forum de stabilité financière propose d'ailleurs un encadrement des rémunérations des administrateurs et la Commission européenne, en recommandant un plafonnement de la composante variable des rémunérations et leur adossement à des objectifs de performance, nous invite à prendre des mesures. Or, jusqu'à ce jour, le Gouvernement s'est contenté de rappels à la morale et à l'autorégulation. Selon le cabinet Ernst & Young, pourtant, seulement 37 % des entreprises cotées ont une bonne gouvernance.
M. François Marc. - Eh oui !
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Et toutes les autres ? La question est ainsi devenue d'ordre public. Il est trop facile de crier à la démagogie quand on veut mettre le sujet à l'ordre du jour du Parlement, comme l'a fait Philippe Houillon à l'Assemblée nationale ou comme nous, il y a un an. On nous avait alors demandé d'attendre six mois l'application effective du code de bonne conduite du Medef ; on nous demande maintenant d'attendre jusqu'à décembre. La majorité est au pied du mur et le Gouvernement ne peut faire moins que d'autres États européens, il peut même faire plus.
Mme Lagarde a promis un arrêté sur les bonus des opérateurs de marché.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. - Oui !
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Fera-t-on moins que les Américains ? Moins que ce que réclament les conservateurs britanniques par la voix du futur Chancelier de l'Échiquier du shadow cabinet conservateur, George Osborne, très allant sur les bonus qu'il veut limiter à 2 000 euros ? Si les uns et les autres font ce qu'ils ont dit, on ne pourra plus évoquer en France le risque d'évasion des capitaux vers des places financières plus favorables.
Il n'est donc ni déplacé ni irréaliste que le Parlement se saisisse de ces sujets. Si la finance repart, l'économie réelle continue de se traîner avec son cortège de chômeurs et de défaillances d'entreprises. Ne rien faire ou en faire trop peu, tandis que les contribuables seront amenés in fine à payer, c'est prendre le risque d'accroître le ressentiment déjà grand de nos concitoyens.
Nous défendons l'idée d'un superviseur européen doté du pouvoir de sanction, de même que celle d'un médiateur européen qui veillerait aux intérêts des usagers des banques.
La crise est trop grave pour qu'on entretienne des clivages politiques artificiels. Nous reconnaissons les apports positifs de la position française en matière de lutte contre les paradis fiscaux ; on aura plus fait en un an qu'en douze. Mais nous voyons aussi que Gouvernement et majorité sont prompts à défendre les intérêts acquis... (M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, ironise) Si nous nous contentons d'une réforme des normes comptables, une autre crise ne nous sera pas épargnée ; plus grave encore : nous ruinerons définitivement la confiance de nos compatriotes dans l'action politique -ce dont nous ne voulons ni les uns ni les autres. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances. - Je rejoins les propos de Mme Bricq au moins sur un point : les sujets dont nous débattons ce matin, sous leur apparence technique, sont éminemment politiques. Il est clair que le Parlement doit se réapproprier des matières trop volontiers laissées à des instances d'expertise sans vraie légitimité. L'initiative du groupe socialiste nous permet de mesurer tant nos convergences transpartisanes que les lignes de clivage qui sont indispensables à toute vie politique organisée.
A l'initiative des présidents Larcher et Accoyer, un groupe de travail de 24 parlementaires s'est réuni à de nombreuses reprises et a formulé, à la demande du Président de la République, des propositions préalables à chacune des sessions du G20. Sous la houlette bienveillante des présidents Arthuis et Migaud, un consensus a pu se dégager. Le groupe de travail constitué au sein de notre commission des finances vient, de son côté, de faire 57 propositions qui entendent toutes -c'est en quelque sorte notre patrimoine commun- renforcer la supervision, limiter la procyclicité et les risques systémiques et réintroduire la responsabilité et le prix du risque.
En avril dernier, sur le fondement du rapport de M. de Larosière, Bruxelles a annoncé le lancement d'un programme de réformes du système financier, dont un projet de directive sur lequel s'appuie la proposition de résolution dont nous débattons. La commission des finances s'est saisie, le 7 octobre, de cinq autres textes européens qui tendent notamment à mettre sur pied trois autorités européennes de surveillance du risque. Ces textes vont suivre leur cheminement de codécision au sein des instances communautaires.
Le projet de directive vise à intégrer au droit communautaire les dernières préconisations de réglementation dites de Bâle II, qui concernent les fonds propres des banques et des institutions financières. Aujourd'hui, on applique le ratio Cook, qui est généralement de 8 % du risque pondéré. Mais la crise a révélé l'insuffisance des règles prudentielles en vigueur. La réglementation est d'abord procyclique : en période d'euphorie, les banques se contentent d'un minimum de fonds propres tandis qu'en période de crise, elles ont besoin de les augmenter massivement, alors que le capital est devenu rare et cher. D'où l'entrée dans un cercle vicieux aux conséquences potentiellement dramatiques. Les règles actuelles ont en outre l'inconvénient de ne pas prendre en compte les produits les plus complexes, donc les plus risqués. Au total, les fonds propres des banques sont en inadéquation avec la réalité du risque auquel elles sont exposées.
La future directive fixe de nouvelles exigences en matière de fonds propres pour les opérations de retritrisation. La crise a en effet montré que ces montages financiers à étages étaient particulièrement risqués. Le texte européen permet aux autorités nationales de régulation d'imposer une pondération du risque allant de 20 % à 1 250 % -niveau évidemment dissuasif. La directive encadre en outre le recours aux modèles internes des banques qui aujourd'hui sous-estiment les pertes potentielles en situation de crise, s'agissant des portefeuilles de négociation ou trading books ; avec les nouvelles règles, les établissements financiers seront incités à augmenter leurs fonds propres. La directive imposera enfin de nouvelles règles de publicité sur les risques de titrisation.
L'approche du texte européen est ainsi strictement prudentielle. Le contrôle des rémunérations des seuls établissements financiers est abordé sous ce seul angle.
Il est exclu d'imposer aux États membres des politiques de rémunérations applicables à l'ensemble des entreprises. Certaines pratiques bancaires en ce domaine ont notoirement poussé au crime quant à la prise de risques, sans avoir toutefois joué un rôle prépondérant dans le déclenchement de la crise actuelle. Le système financier doit se défendre contre ces effets pervers.
Pour mettre au premier plan les véritables performances des entreprises constatées à moyen et long terme, une intervention législative communautaire ou nationale est légitime.
Les préconisations du rapport Larosière sont limpides : les primes versées à certains salariés d'établissements financiers doivent correspondre à des performances réelles, ce qui exclut de les garantir ; les performances doivent être évaluées dans un cadre pluriannuel afin de ne pas récompenser à tort un résultat instantané susceptible d'être inversé par un autre enchaînement purement technique ; le paiement des primes doit être échelonné dans le temps afin de lisser leur incidence sur les comptes de résultat et les ratios financiers tout en écartant les effets d'aubaine. Ce rapport préconise en outre d'augmenter les obligations de fonds propres imposés aux établissements dont la politique de rémunération serait inadéquate. La proposition de directive traduit ces orientations.
J'en viens à un bref commentaire sur la proposition de résolution qui nous est soumise. Ses préconisations me semblent de portée et de pertinence inégales, selon la formule que j'ai utilisée en commission.
Certaines suggestions de nos collègues reprennent les conclusions du groupe de travail commun constitué par l'Assemblée nationale et le Sénat sur la crise financière internationale. Il n'y a là rien d'étonnant puisqu'ils ont participé activement à ce groupe. Je n'ai trouvé là rien de choquant sur le plan du contenu mais ces préconisations n'ont pas nécessairement leur place dans une résolution européenne puisqu'elles n'ont avec la proposition de directive qu'un lien ténu, pour utiliser un terme bienveillant. Ainsi, la fiscalité relève principalement du domaine national.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution - Vos suggestions aussi !
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances. - Je ne les ai pas présentées à propos d'une directive européenne. Pour un même contenu, vous auriez pu choisir un autre vecteur législatif.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Ça viendra !
M. Philippe Marini, rapporteur. - J'analyse votre proposition de résolution européenne sous le regard sourcilleux de notre maître du droit communautaire, M. Haenel.
M. François Marc. - Pendant ce temps, la maison brûle !
M. Philippe Marini, rapporteur. - D'autre part, certaines de vos propositions sont satisfaites ou en phase de l'être. D'autres, bien qu'européennes et légitimes, sont irréalistes vu les orientations de la Commission européenne.
Enfin, vos suggestions portant sur la rémunération des dirigeants de sociétés cotées ne sont pas conformes aux travaux conduits jusqu'ici par la commission des finances. (Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution, en convient) Au demeurant, elles relèvent presque intégralement du droit national.
La commission des finances reconnaît votre droit à introduire un débat.
M. François Marc. - C'est déjà ça !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Appliquant de manière scrupuleuse l'accord passé entre les groupes politiques de notre assemblée, elle a laissé la proposition initiale dans sa pureté originelle. Mais l'absence de lien suffisant avec le droit communautaire et les préconisations distinctes de celles de la majorité en matière de rémunérations me conduisent à prendre acte de nos divergences en recommandant au Sénat de repousser le texte présenté, après en avoir suffisamment débattu.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Dommage !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Oui : comme vous, je regrette que nous n'ayons pu aboutir à un texte commun pour prolonger un dialogue constructif. Hélas, vous n'avez pas voulu transiger. (Exclamations sur les bancs socialistes) Adopter une position commune suppose des sacrifices partagés ! Je conclus donc au rejet de cette proposition. (Applaudissements à droite)
M. Simon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes. - Mon avis sera quelque peu différent.
Cette initiative constitue la première opportunité de mettre en oeuvre les nouvelles dispositions de notre Règlement relatives aux propositions de résolution européenne. Conformément à l'article 73 quinquies le texte a été transmis à la commission des affaires européennes, qui s'en est saisie pour avis. Sa compétence est certes généraliste mais elle doit examiner aussi les sujets dont le caractère technique manifeste ne doit pas dissimuler la portée politique.
Une proposition de directive a donc été adoptée le 13 juillet par la Commission européenne pour modifier les directives « fonds propres » rédigées en 2006 en application de l'accord Bâle II de 2004 -un dispositif prudentiel destiné à mieux appréhender les risques de crédit et les exigences en fonds propres. Les ajustements opérés par le comité de Bâle sur le contrôle bancaire avaient déjà fait revoir les directives.
La Commission européenne propose toutefois de renforcer les exigences de fonds propres et d'étendre le champ de la surveillance prudentielle aux régimes de rémunération des établissements financiers. Ces modifications reprennent des orientations largement débattues, que ce soit dans le rapport Larosière sur la supervision du système financier, dans les travaux de la Commission européenne ou au cours des sommets du G20.
La proposition de directive tend à renforcer les exigences dans quatre domaines : le portefeuille de négociation ; la retitrisation ; la publicité relative aux risques de titrisation ; la surveillance prudentielle des politiques de rémunération. Les États membres devraient transposer le dispositif avant le 31 décembre 2010.
Selon les auteurs de la proposition, le secteur bancaire ne tient pas les engagements pris en matière de financement de l'économie et de rémunération des opérateurs de marché. Ils ont donc saisi l'opportunité offerte par la proposition de directive pour inciter notre assemblée à demander au Gouvernement de prendre en compte leurs préoccupations, qui portent sur les exigences de fonds propres, sur la rémunération des dirigeants des entreprises cotées, sur l'encadrement des rémunérations variables des opérateurs financiers, enfin sur la supervision européenne et le système de sanctions.
La commission des affaires européennes a noté que plusieurs mesures avancées par la proposition de résolution européenne visent à mettre en oeuvre des propositions du groupe de travail commun Assemblée nationale-Sénat mis en place le 28 octobre 2008. C'est ainsi que nos collègues proposent un relèvement de 5 à 10 puis 25 % du taux de rétention dans le bilan des actifs titrisés ; l'établissement par les entreprises du secteur financier et bancaire d'un rapport annuel rendant compte de leur méthodologie de quantification du risque et de leur niveau d'exposition au risque par classe d'actifs ; l'exigence que la part variable de la rémunération des opérateurs financiers et de marchés ne soit versée qu'en fonction des gains réels dégagés et qu'au moins une fraction égale aux deux tiers soit étalée sur au moins trois ans avec une clause de retenue ou de restitution en cas de résultats négatifs ultérieurs.
Sur d'autres points, nos collègues ne reprennent pas à la lettre les propositions du groupe de travail commun. Tel est le cas de la proposition visant à ce que la part variable de la rémunération des opérateurs financiers et de marchés fasse l'objet d'un paiement en titres de l'établissement employeur ou à propos de la possibilité pour les autorités de surveillance de réaliser des tests de résistance semestriels du système financier et bancaire, dont les auteurs de la proposition de résolution souhaitent la publication des résultats.
Sur plusieurs points, la proposition de résolution va au-delà des préconisations du groupe de travail commun. Ses auteurs ont estimé que, compte tenu de l'ampleur de la crise ainsi que de la nécessité de ne pas succomber à la tentation du business as usual, il convenait de proposer au Conseil la mise en place de mesures contraignantes au niveau européen. En effet, les engagements souscrits par le G20 sont formulés en termes très généraux et ne revêtent pas de caractère contraignant. Ces pays sont très hétérogènes, avec des situations économiques fort différentes. Malgré leur signature et leur engagement, les États-Unis refusent d'appliquer les normes Bâle II sur les fonds propres...
Même si ces propositions vont plus loin que celles du groupe de travail commun, elles peuvent donner l'occasion d'engager un débat sur la manière d'éviter qu'une telle crise financière ne se reproduise et sur les moyens d'améliorer la régulation, la supervision et la moralisation de la sphère financière.
La Commission européenne avait annoncé son intention de présenter, en principe ce mois-ci, de nouvelles modifications aux « directives fonds propres ». Or le commissaire en charge du marché intérieur, M. Charlie Mc Creevy, qui est partisan d'une régulation financière a minima, vient d'y renoncer. Si les services de la Commission ont souhaité attendre que le comité de Bâle conclue son cycle pour prendre en compte les recommandations de ce dernier, la pression du secteur bancaire européen s'est-elle, sans doute, fait aussi sentir. Il est donc bon que la proposition de résolution comporte des propositions plus substantielles, en matière de rémunérations ou sur la mise en place d'un système de sanctions.
Sur ce point, les termes du débat ont évolué depuis le dépôt du texte de la proposition : le 23 septembre, la Commission européenne a présenté un paquet sur la supervision financière en Europe, créant trois autorités de surveillance européennes, pour les banques, pour les assurances et pour les marchés financiers. Les mesures suggérées par la proposition de résolution trouveront leur place dans le débat à venir sur ce paquet législatif.
Prenant en compte ces différents éléments, la commission des affaires européennes a décidé de ne pas modifier cette proposition de résolution. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. - Les auteurs de cette proposition de résolution ont effectué un important travail d'une grande technicité, qui mérite d'être salué. La question est de savoir s'il intervient au bon moment. Or il faut bien constater qu'il n'intègre pas les travaux de Pittsburgh : certaines mesures qu'il suggère sont désormais décidées. Si cette proposition de résolution intervient trop tard sur certains points, elle arrive trop tôt pour d'autres.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution - Bref, ce n'est jamais le bon moment !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Eh oui, il faut être capable d'intervenir au bon moment !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ce texte nous donne l'occasion d'aborder un véritable sujet ; celui de la solidité de notre secteur bancaire et des leçons que nous avons tirées de la crise en vue de le rendre plus transparent, plus responsable et mieux régulé. On connaît les raisons de cette crise ; le diagnostic est partagé. Cette crise a d'abord été celle du secteur immobilier américain et des pratiques de prêts, parfois tout simplement immorales, qui avaient cours. L'Europe, la France n'ont jamais connu de tels excès mais ces dérives ont eu des effets bien au-delà de ce secteur.
Il s'agit aujourd'hui de rétablir la confiance des ménages et des entreprises dans notre système financier. Pour cela, nous devons créer un cadre de supervision et de régulation qui rende au secteur financier sa solidité. C'est toute l'action du Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République.
Ce projet de résolution reflète une analyse approfondie des questions prudentielles. Mais il apporte parfois de mauvaises réponses : s'engager sur cette voie reviendrait à imposer des contraintes telles aux banques françaises qu'elles seraient incapables de financer notre économie et seraient gravement handicapées dans la compétition internationale.
M. Philippe Marini, rapporteur. - C'est clair !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Le Gouvernement croit, à l'inverse, qu'il faut répondre aux excès du passé non pas par de nouveaux excès mais par des mesures bien ciblées. Faute de ce discernement, nous parviendrons juste à étouffer la reprise économique.
La crise a révélé les faiblesses de la réglementation actuelle en matière de fonds propres. Le Gouvernement est à l'initiative au sein du G20 et au niveau de l'Union européenne pour renforcer nos règles prudentielles. Il s'agit d'abord de réformer la titrisation. Aux États-Unis, personne ne contrôlait si les ménages qui empruntaient étaient en mesure de rembourser. Ce contrôle, c'est le rôle des banques. Mais pourquoi contrôleraient-elles si, grâce au miracle de la titrisation, elles transfèrent les mauvais risques à d'autres et ne subissent pas les conséquences des crédits qu'elles accordent ? La présidence française de l'Union a mis fin à cette pratique. L'Europe a décidé d'imposer aux banques de garder à leur bilan 5 % des produits qu'elles titrisent.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Ce n'est pas adapté !
M. Richard Yung. - C'est beaucoup trop peu !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Les banques subiront ainsi les conséquences de leurs décisions de crédit, ce qui les incite à vraiment contrôler. Avec cette mesure, c'est, je crois, une des propositions de votre projet de résolution qui est déjà satisfaite. (On le conteste sur les bancs socialistes)
Deuxième direction : renforcer les exigences de fonds propres pour les activités risquées. Vous proposez de porter de 8 à 10 % l'exigence minimum de fonds propres des banques, et pour toutes les activités. Ce serait une erreur car on pénaliserait ainsi le financement des ménages et des entreprises. Le Gouvernement, lui, veut exiger plus de fonds propres en face des activités de trading et de titrisation mais moins en face du crédit aux ménages et aux entreprises. Il soutient un triplement des exigences de fonds propres en face des activités de trading pour compte propre.
Les règles prudentielles et comptables actuelles peuvent contribuer à l'apparition des crises et à leur aggravation. Le Gouvernement souhaite introduire des stabilisateurs : nous voulons que les banques aient l'obligation de constituer des réserves quand les choses vont bien et qu'elles puissent y avoir recours quand les choses vont mal. La Commission européenne fera, début 2010, une proposition législative en ce sens.
Sur la supervision, je répondrai tout à l'heure plus en détail mais je peux déjà dire notre accord pour aller plus loin, d'autant que le Conseil européen du 18 juin a entériné le rapport Larosière.
Il faut en second lieu renforcer la transparence et la responsabilité des politiques de rémunérations inadéquates ayant encouragé la prise de risques excessifs. Nous voyons aujourd'hui des raisons d'espérer une sortie de crise prochaine et de penser que le pire est derrière nous. Mais nous devons éviter que des comportements nuisibles resurgissent dans la finance internationale. Les banques, dont certaines n'ont dû leur salut qu'à un soutien public massif, profitent de bons résultats au premier semestre pour prétendre que cette crise n'était qu'un incident de parcours et que les agissements d'hier peuvent reprendre comme si rien ne s'était passé. Le sommet du G20 de Pittsburgh l'a clairement indiqué : « Les rémunérations excessives dans le secteur financier ont à la fois reflété et favorisé une prise de risques excessive ». Nous devons mettre fin à des systèmes de rémunération qui incitent à une gestion de court terme et à une « rémunération de l'échec ». A la veille du sommet de Londres, la France et l'Allemagne avaient fait part de leur volonté d'obtenir de nouvelles avancées en matière de régulation financière face au risque d'un retour rapide aux habitudes du passé. Les bonus, par exemple, apparaissaient comme des tests de la volonté collective. Au G20 et sous l'impulsion du Président de la République, les chefs d'État ont adopté des règles encadrant les rémunérations des opérateurs de marché avec une interdiction des bonus garantis, un paiement différé d'une partie substantielle de la rémunération et la création d'un malus quand la performance n'est pas au rendez-vous. La France s'est battue pour que le projet de directive européenne intègre l'ensemble des règles décidées par le G20 à Pittsburgh, si bien que celui-ci satisfait déjà les propositions du groupe socialiste en matière d'encadrement des rémunérations variables des opérateurs financiers. Nous n'attendrons pas l'application de la directive et un prochain arrêté appliquera les décisions du G20 à notre droit bancaire.
Vous proposez également d'encadrer la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, sujet qui dépasse la seule réglementation bancaire et qui n'aurait, avec une directive européenne refondant les exigences de fonds propres des banques, qu'un lien ténu.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Tant il est ténu qu'à la fin il se casse...
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - C'est un vrai sujet, mais à traiter dans un autre cadre. Le Gouvernement a pris des mesures d'encadrement de ces rémunérations. Dans la loi « Travail, emploi, pouvoir d'achat », nous avons encadré les indemnités de départ pour interdire les rémunérations qui ne sont pas la contrepartie d'une performance réelle. Mais la rémunération, ce n'est pas seulement la performance, c'est aussi le respect de règles éthiques. A la demande des pouvoirs publics, I'Afep et le Medef ont adopté un code de bonne conduite imposant le plafonnement des indemnités de départ, l'interdiction du cumul contrat de travail-mandat social et une transparence accrue sur les rémunérations. Le Gouvernement a demandé à l'Autorité des marchés financiers de faire un rapport fin 2009 sur l'application de ce code et, au vu de ce rapport, le Gouvernement décidera si des mesures législatives sont nécessaires.
Le Gouvernement a également encadré les rémunérations dans les entreprises qui bénéficient d'un soutien de l'État, les banques, notamment, ou les constructeurs automobiles. Les décrets des 30 mars et 20 avril, pris en application de la loi de finances rectificative d'avril 2009, prévoient des mesures empêchant les abus : interdiction d'attribuer des stock-options et des actions gratuites aux dirigeants des entreprises soutenues par l'État, interdiction de verser des rémunérations variables quand elles ne sont pas la contrepartie de performances réelles -et le décret précise qu'il ne peut pas s'agir de performances boursières-, interdiction de verser des rémunérations variables ou des indemnités de départ quand l'entreprise procède à des licenciements de forte ampleur, interdiction enfin de créer de nouveaux régimes de retraite chapeau, d'accueillir de nouveaux dirigeants dans les régimes existants ou d'améliorer les droits des dirigeants au titre des régimes existants.
Un mot, pour conclure, sur le rôle de l'Europe. II est de bon ton de faire preuve de scepticisme face à notre capacité à mettre des idées sur la table et à les mettre en oeuvre. Au contraire, nous agissons, nous impulsons, nous influençons. La France a pris des initiatives pour renforcer la régulation du secteur financier et elle a été entendue. Christine Lagarde est mobilisée et elle fera des propositions ambitieuses au G20 de Saint-Andrews la semaine prochaine. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Vera. - Nous discutons aujourd'hui d'une proposition de résolution dont notre commission des affaires européennes a jugé utile qu'elle soit débattue et que la commission des finances recommande de rejeter et, cela, alors même que, comme toute proposition de résolution européenne, son adoption n'entraînerait, notamment dans le cadre du prochain Conseil, aucune obligation pour le gouvernement français. L'adoption d'une proposition relevant du voeu pieux ne préempte d'aucune manière l'attitude du Gouvernement, notre Constitution n'envisageant pas de mandat impératif en la matière.
Au-delà de cette question de forme, qui désincarne encore un peu plus le débat parlementaire, se pose évidemment la question de fond, c'est-à-dire le comportement des établissements de crédit et la manière d'éviter, à l'avenir, ce que nous avons connu depuis l'été 2008. La commission des finances, en tout cas sa majorité, confirme sa position constante en matière financière et bancaire, celle du maintien des pratiques en cours. Pas question de toucher, ne serait-ce que du bout du doigt, aux comportements des banques, des opérateurs de marché, des spécialistes du boursicotage, des fonds d'investissement ou des spécialistes du LBO. Toucher à cela, c'est s'attaquer à une sorte de zone interdite -comme si la République devait s'arrêter devant le mur de l'argent- où seule compterait la loi du marché. Pourtant, demander aux banques de respecter les faibles contreparties qui ont été établies en regard de l'aide publique à leur refinancement et à leur recapitalisation serait une exigence minimale si l'on voulait réellement replacer le politique et la puissance publique au centre du jeu financier. Il est temps de prendre des mesures concrètes en faveur de l'intérêt général et que les décisions politiques priment sur les forces de l'argent !
Nous n'en prenons pas le chemin. Alors que les sommets du G20 et les déclarations péremptoires, au plus haut niveau de l'État, laissaient penser que les règles du jeu allaient changer, voici que la plupart des établissements de crédit, en France comme à l'étranger, s'apprêteraient à verser à leurs dirigeants comme à leurs opérateurs de marché des gratifications d'un montant inégalé. En rejetant le texte de cette proposition de résolution qui n'a pourtant aucune portée impérative, la commission des finances renonce à l'encadrement des bonus, aux obligations de distribution de crédit et à la nécessité de rendre des comptes pour les établissements de crédit.
Vous avez sûrement entendu, ces derniers temps, le discours de M. Baudouin Prot, PDG de BNP-Paribas et dirigeant de la Fédération bancaire. Alors que les banques françaises ont tiré parti de la baisse des taux de refinancement interbancaire pour reconstituer leurs marges d'intermédiation, voici que M. Prot théorise sur le « crédit responsable ». Dans son esprit, il s'agit d'éviter que la crise ne se reproduise en entourant tout crédit accordé du plus de garanties possibles. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est entendu. La contraction des crédits atteint un niveau inégalé cette année et BNP Paribas vient pourtant d'annoncer un résultat, pour le premier semestre 2009, aussi élevé que le résultat annuel de l'exercice 2008 ! Aujourd'hui, on prête moins, pas vraiment à moins cher, et on réalise un produit net bancaire particulièrement remarquable. Rien que pour cette raison, nous devrions adopter cette proposition de résolution.
Mais entre notre commission des finances et le Gouvernement, qui s'est empressé, cette semaine, de retirer du texte de la loi de finances un amendement instaurant une taxation exceptionnelle des établissements de crédit, nous nous trouvons décidément face à des gardiens vigilants du sanctuaire de la finance et de la spéculation. On évoque ainsi l'idée d'une petite taxe destinée à financer la régulation des activités de marché. En échange de quoi, les entreprises du secteur, au motif qu'il ne faudrait pas accroître les prélèvements obligatoires, se verraient exonérées de la taxe sur les salaires ! C'est beaucoup de sollicitude pour un secteur d'activité qui, pourtant, non seulement n'a pas créé beaucoup d'emplois ces derniers temps mais qui, en plus, conditionne l'existence de milliers d'autres ! La France se retrouve ainsi, une fois de plus, en décalage par rapport à la plupart des pays développés, lesquels envisagent sérieusement des mesures fiscales en direction de leurs banques.
Il est grand temps de ne plus laisser les affaires bancaires aux seules mains des banquiers. Le pays a déjà payé au prix fort leur aventurisme et leur inconséquence. Il faut passer à autre chose !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Au pilori !
M. Bernard Vera. - Sans résoudre tous les problèmes, cette proposition de résolution allait dans le bon sens.
La rejeter équivaut, encore une fois, à démontrer l'impuissance du politique (M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, s'exclame), doublée en la matière d'une coupable bienveillance... (Applaudissements à gauche)
M. Richard Yung. - Permettez-moi tout d'abord de répondre aux objections soulevées par le ministre et le rapporteur. Cette proposition de résolution européenne ne viendrait pas à point, nous dit-on. Au contraire, c'est le moment de mettre en avant nos propositions quand est prévue, demain, une réunion du Conseil européen, sur cette question entre autres, et que sont programmés d'autres sommets du G20 et diverses rencontres au niveau communautaire. Selon le rapporteur, le sujet des rémunérations des dirigeants de société n'aurait pas été abordé lors des précédents sommets du G20 et réunions communautaires. Il relèverait d'une préoccupation purement nationale et, donc, ne trouverait pas sa place dans une proposition de résolution européenne.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Eh oui ! A moins de vouloir une Europe fédérale, mais nous n'en sommes pas là !
M. Richard Yung. - Je l'appelle de mes voeux !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Pas moi !
M. Richard Yung. - La question de la rémunération des dirigeants de société a été abordée au sein du G20 sous l'angle de la partie variable des bonus. Il est de la responsabilité du Conseil européen de traduire ses conclusions dans la réglementation européenne et de la nôtre de transposer cette réglementation européenne dans notre législation nationale. Autrement dit, nous respectons parfaitement le scénario des matriochkas : le G20, puis l'Europe, puis la France.
Certes, nous proposons d'aller plus loin. Mais c'est le rôle de la France de faire avancer la réflexion et de donner l'exemple, d'autant que cette proposition de résolution européenne correspond au souhait que formule M. Marini dans son rapport de réintroduire de la responsabilité et de limiter la prise de risques. M. le ministre craint que notre proposition ne conduise à alourdir les fonds propres des banques et, en conséquence, à restreindre l'accès au crédit des PME et des particuliers. Mais c'est déjà le cas !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Soit, mais inutile d'aggraver la situation !
M. Richard Yung. - Dans ma belle Touraine, à Noizay, un homme, qui a besoin de 80 000 euros seulement pour créer une scierie, est en discussion depuis trois mois avec la banque : on exige une hypothèque sur la maison, une hypothèque sur le matériel et même sur la bague de la grand-mère...
M. Philippe Marini, rapporteur. - Le médiateur du crédit a-t-il été sollicité ?
M. Alain Gournac. - D'autres entrepreneurs ont obtenu des crédits !
M. Richard Yung. - Les Anglo-saxons ont une approche différente en matière de rémunérations, on y observe d'importantes résistances idéologiques et une poussée très forte de Wall Street et de la City où l'on prévoit des bonus majorés de 30 à 40 %. Mais certains se font entendre pour dénoncer cette folie. Le « tsar des rémunérations » -le tsar, j'y insiste, et non « le Staline des rémunérations » (sourires)-, Kenneth Feinberg, propose de diminuer de 90 % les rémunérations des dirigeants des grandes banques. Incroyable ! Tellement incroyable, d'ailleurs, que l'on peut douter de la réalité de la chose... Les Américains veulent prendre des mesures comme le futur chancelier de l'échiquier, si tout au moins les réactionnaires reviennent au pouvoir en Grande-Bretagne...
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - On dit « conservateurs », pas réactionnaires !
M. Richard Yung. - Bref, le sujet n'est pas débattu qu'en France...
Pourquoi encadrer les rémunérations fixes et variables des dirigeants de société cotées ? C'est une loi bien connue : plus on est proche du marché, plus on en tire d'avantages. Or banquiers et opérateurs financiers sont proches d'un marché qui a explosé et montré une extraordinaire ingéniosité depuis vingt ans et ne s'autorégule pas. D'où les risques inconsidérés et déraisonnables que prennent certains financiers. Puisque l'État, c'est-à-dire le contribuable, est l'assureur de dernier ressort, il en va de notre responsabilité de remettre un peu de raison et de bon sens dans le marché. Soit, il y a le code de déontologie des entreprises conçu par le Medef. Il est plein de bonnes intentions mais son application est limitée. Nous en ferons un bilan (M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, le confirme), mais je crains qu'il ne soit maigre.
S'agissant des rémunérations des dirigeants d'entreprise, la situation a été aggravée en France au lendemain des privatisations et de la constitution de grands groupes. S'est alors mis en place un pacte d'initiés par lequel les actionnaires ont accepté de laisser s'envoler les rémunérations des dirigeants contre des dividendes de 10 à 15 % -le fameux retour sur investissement-, exigence impossible à satisfaire quand la croissance est faible à moins de recourir aux pratiques actuelles que nous connaissons : découpages, licenciements, démantèlement. Quel crédit accorder au comité de rémunération quand Mme Bettencourt préside celui de l'Oréal dont elle est l'actionnaire principale et que le PDG de Saint-Gobain siège dans celui de BNP Paribas et réciproquement ? Je pourrais multiplier ces exemples significatifs d'une certaine endogamie...
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Comme au PS !
M. Richard Yung. - En 2005, l'ancien PDG de Carrefour, M. Bernard, remercié par son actionnaire, a obtenu 29 millions de retraite complémentaire et 9 millions d'indemnité de départ.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous sommes loin de la crise financière !
M. Richard Yung. - C'est en partie à cause de ces comportements que nous connaissons la crise...
M. Philippe Marini, rapporteur. - Les salaires de boutiquiers, c'est autre chose !
M. Richard Yung. - En 2006, l'ancien PDG de Vinci, M. Zacharias, a reçu en tout 250 millions, soit 21 000 fois le Smic annuel ! Les grands oubliés sont les salariés qui travaillent aujourd'hui près de six semaines par an pour les seuls actionnaires contre deux semaines au début des années 1980 ! Il y a peu, M. Sarkozy parlait de refonder capitalisme, partager la valeur ajoutée entre les actionnaires, le capital et les dirigeants. Aujourd'hui, plus un mot !
Dans ce texte, nous suggérons d'associer les salariés à la définition de la politique de rémunération des dirigeants d'entreprise via les comités d'entreprise qui, contrairement à ce que semble penser le rapporteur, ne sont pas des associations caritatives ou culturelles mais l'organe représentant les salariés. Nous proposons également de préciser les modalités de versement des bonus, de fixer les règles de calcul des rémunérations fixes et variables des dirigeants et d'encadrer et de taxer les rémunérations de départ. S'agissant des rémunérations variables des opérateurs de marché, nous souhaitons exclure le versement automatique des bonus et interdire leur paiement sous forme numéraire. Nous nous retrouvons avec la commission sur la plupart des points. Quel dommage que le dialogue ne soit pas instauré pour aboutir à une position commune !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Il aurait fallu que vous acceptiez de transiger !
M. Richard Yung. - Nous sommes prêts à dialoguer !
M. Joël Bourdin. - Trop tard !
M. Richard Yung. - J'en viens à la supervision financière. Sur ce point, nos propositions vont plus loin que la commission car nous souhaitons la renforcer en créant une autorité unique de contrôle pour les trois secteurs -banques, assurances et marchés financiers- dotée de réels pouvoirs de sanctions. Nous demandons au Gouvernement de ne pas se laisser impressionner par les Britanniques qui cherchent toujours à botter en touche sur ce point. Nous proposons également un superviseur unique en France -ce point relève, certes, du niveau national, mais il découle de la logique d'un superviseur européen unique.
Fusionner Commission bancaire et Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (Acam) en une seule autorité de supervision, parallèle à l'AMF, n'est pas de bonne méthode. M. Jouyet lui-même dit ne pas voir la relation entre les deux institutions. S'il y a une autorité unique au niveau européen, il faut la même chose au niveau français.
M. Philippe Marini, rapporteur. - C'est vrai.
M. Richard Yung. - Il faut rouvrir le débat sur la distinction entre les activités qui financent l'économie réelle et les activités de spéculation. Certes, les États-Unis ont abrogé le Glass-Steagall Act en 1999 -mais ce n'est pas ce qu'ils ont fait de mieux ! Lord Myners, le secrétaire d'État britannique aux services financiers, estime d'ailleurs qu'il faut réfléchir à une telle séparation.
Nous demandons également la mise en place d'un médiateur européen chargé de défendre les intérêts des consommateurs en matière de crédit et de taux d'intérêt et de gérer le fonds européen qui serait alimenté par la prime d'assurance supplémentaire que nous proposons. Enfin, il faudrait exclure le marché financier du champ de la direction générale Marché intérieur pour sortir d'une stricte logique de concurrence.
Nos propositions visent à renforcer les mécanismes de régulation et de supervision afin de mieux encadrer la prise de risques. Nous souhaitons qu'elles soient reprises lors de la discussion de la proposition de directive relative aux exigences prudentielles. Nous souhaiterions également connaître le calendrier des discussions au Conseil européen. (Applaudissements à gauche)
M. Joël Bourdin. - La proposition de résolution du groupe socialiste reprend plusieurs mesures préconisées par le groupe de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la crise financière ainsi que par notre commission des Finances, ou s'en inspire largement : encadrement des opérations de retitrisation, établissement d'un rapport annuel sur le niveau d'exposition au risque, encadrement des rémunérations des opérateurs de marché, publication semestrielle de tests de résistance imposés aux établissements financiers.
Le groupe UMP salue la qualité de l'analyse et la pertinence des propositions présentées par le groupe de travail de la commission des finances, et en particulier son rapporteur, Philippe Marini, contribution très utile à la fois pour la compréhension des origines de la crise financière actuelle et pour la prévention des crises futures.
Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de renforcer la supervision bancaire et financière, de limiter la procyclicité et les effets du risque systémique, de réintroduire la responsabilité et le prix du risque. A cet égard, il aurait mieux valu soutenir la démarche consensuelle du groupe de travail au lieu de chercher un bénéfice politique en formulant des propositions parfois excessives, dont certaines n'ont qu'un lien ténu avec le texte de la directive visée, voire avec le droit communautaire... Vos préconisations relatives aux rémunérations des dirigeants font fi de la concurrence internationale. Proposer de proportionner la rémunération des dirigeants à la rémunération la plus faible versée par l'entreprise relève plus de la démagogie que de l'économie, comme le dit M. Marini, et aurait des effets désastreux sur la compétitivité !
Le groupe UMP est favorable à un encadrement des dispositions relatives aux rémunérations des dirigeants d'établissements financiers.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Vous le dites, mais vous ne faites jamais rien !
M. Jean-Marc Todeschini. - Rien ne change !
M. Joël Bourdin. - II se félicite du consensus sur cette question et soutient les mesures prises au plan national...
M. Jean-Marc Todeschini. - « Parole, parole... » !
M. Joël Bourdin. - ...dans la ligne des préconisations du rapport de Larosière. Il faut toutefois éviter toute surenchère qui pénaliserait notre pays par rapports à ses concurrents. (Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution, s'exclame)
Notre groupe n'a pas souhaité rejeter ou modifier la proposition de résolution initiale en commission afin qu'elle puisse être examinée en l'état en séance publique, conformément aux accords entre les groupes. Il votera néanmoins contre. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marc Todeschini. - « Tout va très bien, madame la marquise ! ».
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Mme Bricq propose que les banques alimentent un fonds public européen de garantie. Sans attendre une directive européenne, le Gouvernement propose, lui, que les banques payent le contrôle et la supervision du secteur bancaire, et non plus les contribuables. C'est l'objet de l'amendement qui vient d'être adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - C'est très insuffisant.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Cela représente 100 à 150 millions. Nous voulons que les banques payent pour le renforcement de la garantie de dépôt, qui passera de 80 000 à 100 000 euros ; Mme Lagarde fera des propositions dans le cadre du projet de loi de régulation bancaire et financière.
S'agissant de la supervision européenne, l'Union a mandaté, sous présidence française, un groupe de haut niveau, présidé par M. de Larosière, dont les conclusions, rendues en mai 2009, constituent le fondement de l'accord politique obtenu lors du Conseil de juin 2009. Elles comprennent la création d'un Conseil européen des risques systémiques et la mise en place de trois autorités européennes de supervision. A la demande du Conseil, la Commission a fait une proposition de directive en septembre 2009. Ces propositions satisfaisantes seront mises en oeuvre dès 2010. La réforme de la supervision que vous appelez de vos voeux est en marche !
S'agissant de l'arrêté « Bonus », je rappelle que c'est sous l'impulsion de la France que le G20 a adopté des règles pour encadrer les rémunérations des opérateurs de marché.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Depuis le temps !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Sans attendre la directive, le Gouvernement va mettre toutes ces règles en oeuvre : un arrêté sera publié dans les prochains jours.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - J'attends de voir !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Nous irons plus loin en demandant au Conseil de stabilité financière de contrôler la mise en oeuvre effective de ces règles dans tous les pays du G20.
Si nous sommes d'accord pour renforcer les exigences en matière de fonds propres des banques, il est inconcevable d'étendre cette exigence à toutes les activités, y compris le crédit aux ménages et aux entreprises, comme vous le proposez !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Le résultat serait moins de prêts !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ce serait étouffer le crédit. Il faut se concentrer sur le seul segment du trading, où les exigences seront multipliées par trois. Nous en attendons moins de risque, plus de crédit aux ménages et aux entreprises, un système plus solide.
Les stress tests menés au cours de l'été par le comité européen des superviseurs bancaires sur vingt-deux groupes bancaires transfrontaliers ont démontré la bonne résistance des banques européennes.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - La publicité !
M. Jean Arthuis. - Puis-je vous interrompre ? Sur les capitaux propres des banques, il faudrait que le Gouvernement use de toute son autorité pour que les choses soient claires. En 2007, deux grandes banques nationales ont racheté l'une pour 2,5 milliards, l'autre pour 1,5 milliard de leurs propres actions.
Dans ce domaine, le Gouvernement doit fermement rappeler à l'ordre les dirigeants des banques.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Votre remarque est tout à fait pertinente
Monsieur Sutour, vous souhaitez que les règles du G20 deviennent contraignantes au plan européen. La France les appliquera d'ici quelques jours et elle a soutenu leur intégration dans la directive bancaire. Le Gouvernement a donc devancé vos souhaits.
Monsieur Vera, ce que vous qualifiez de sollicitude du Gouvernement vis-à-vis des banques coûte très cher à ces dernières ! Elles ont réglé 1,4 milliard d'euros en 2009 pour la garantie de l'État à la Société de financement de l'économie et elles verseront 713 millions lors du remboursement des 13 milliards apportés par la Société de prise de participation. Et nous demandons le triplement des exigences de fonds propres pour les activités de trading, ce qui réduira significativement la rentabilité de ces opérations pour les banques. Enfin, le Gouvernement propose que ces dernières financent, à la place des contribuables, le contrôle du secteur bancaire, soit 100 à 150 millions.
J'estime que cette proposition de résolution vient à contretemps : Richard Yung le conteste. Or ce que vous proposez a déjà été mis en oeuvre ou figurera dans la prochaine directive. Ainsi des règles d'encadrement des rémunérations des opérateurs de marché : les pays du G20 se sont ralliés à la position du Gouvernement pour les bonus et les rémunérations et ont approuvé les propositions en ce sens du Conseil de stabilité financière. Au plan national, un arrêté sera publié dans les prochains jours...
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Ah !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Il inscrira dans notre droit les règles adoptées par le G20.
Richard Yung suggère de séparer les activités de spéculation des activités de crédit. Mais rien, dans cette proposition de résolution, ne reflète cette orientation. C'est même l'inverse ! De notre côté, nous appliquons cette distinction en augmentant les exigences de fonds propres pour les activités risquées afin de ne pas restreindre l'accès au crédit des entreprises et des ménages.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Vous avez repris nos propositions !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Les propos de Joël Bourdin...
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Il n'a rien dit.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - ...reflètent très largement la position du Gouvernement. Cela prouve la solidité de la majorité et le soutien qu'elle apporte au Gouvernement.
Je remercie le rapporteur général pour la finesse de ses analyses : il a clairement exposé les raisons qui justifient de rejeter cette proposition. (Applaudissements sur les bancs UMP)
La discussion générale est close.
Vote sur l'ensemble
Mme Nicole Bricq. - La réforme de la Constitution était censée donner au Parlement un droit d'initiative, une plus grande possibilité de débattre et de dialoguer. Or, chaque fois que les groupes socialiste ou CRC présentent une proposition, les bancs de la majorité sont quasi déserts. (MM. Robert del Picchia, Joël Bourdin et Alain Gournac protestent) Le sujet dont nous discutons ce matin est essentiel pour la société française : il est dommage de l'inscrire à l'ordre du jour, puis de refuser d'en débattre. La prestation du groupe UMP n'a rien apporté sur le fond.
Le groupe socialiste s'interrogera sur l'utilité de participer à ces séances. Vous nous dites que notre proposition ne vient pas au bon moment : nous pouvons apprécier différemment son opportunité mais il nous faut en discuter au fond. A défaut, cette réforme est vide de sens. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Je transmettrai vos observations au Président du Sénat pour nourrir une réflexion plus globale sur l'organisation des semaines de contrôle et d'initiative parlementaire.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Il est de notre devoir de bien utiliser le temps parlementaire : il en va de la crédibilité du Parlement et de la responsabilité des groupes politiques. Nous avons le choix entre deux comportements. Soit nous utilisons ce temps pour élaborer des textes qui s'inscriront dans le droit positif, ce qui suppose de trouver des compromis, de nous atteler à un vrai travail de rédaction -ce que nous faisons dans l'obscurité lorsque nous légiférons à partir d'un projet ou d'une proposition de loi, travail ingrat qui suppose des sacrifices de part et d'autre. Soit nous affichons des thèses en direction de l'extérieur : c'est ce que vous faites ce matin. Votre initiative est légitime mais il ne s'agit pas, dans ce cas, d'élaborer le droit positif mais de débattre en vue d'une évolution structurelle. Tout compromis affaiblirait alors votre démarche ; quant à nous, nous ne pouvons nous y rallier sans contredire nos principes et notre vision de l'économie.
En partant du système financier et des règles prudentielles, vous souhaitez définir un nouveau droit des rémunérations. J'ai bien écouté Richard Yung et j'ai compris votre logique politique.
M. Alain Gournac. - Ce n'est pas la nôtre.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous ne pouvons nous retrouver sur cette logique car nous considérons qu'il ne revient pas à l'État de définir une échelle des rémunérations dans les entreprises privées. Vous n'avez pas la même vision des choses. Dans certaines organisations sociales, le conducteur de tracteur était payé comme un professeur d'université : je ne vous ferai pas l'injure de penser que c'est votre objectif. Ce système avait certes le mérite de la clarté et on peut lui trouver des héritiers dans certains pays...
Vous avez refusé, en commission, de vous livrer à un travail d'amendements qui aurait permis d'aboutir à un texte de synthèse. Nous aurions pu trouver un consensus sur vos propositions et sur certaines mesures déjà prises par le Gouvernement. Nous étions prêts à élaborer un texte commun.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Nous aussi !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Vous avez préféré arriver en séance sous le feu des projecteurs et devant une assistance fournie... (Rires à droite)
M. le président. - Vous avez épuisé les cinq minutes dévolues à chaque explication de vote.
M. Philippe Marini, rapporteur. - La commission maintient la position qu'elle a présentée tout à l'heure et demande un scrutin public, avec l'accord du président Arthuis.
M. Jean Arthuis. - Je m'exprime au nom du groupe Union Centriste, dont la majorité suivra la position de la commission des finances -mes collègues de la commission des affaires européennes se ralliant à l'avis de leur commission.
Pour ce qui est de ces exercices nouveaux dans la vie sénatoriale, je rejoins le point de vue de M. Marini. Il y a un choix fondamental à faire. Soit, dans ces fenêtres d'initiative parlementaire, nous exprimons la position de fond des groupes : dans ce cas, acceptons les règles qui régissent le vote.
Ou bien nous essayons de nous extraire de nos visions quelquefois dogmatiques et de nos tabous pour amorcer une démarche législative qui dépasse les considérations partisanes. Car si chacun s'en tient à la pureté de son texte, nous connaîtrons ces difficultés. Il convient que nous commencions à évaluer nos nouvelles pratiques pendant ces semaines parlementaires d'initiative et de contrôle et que nous les adaptions pour les rendre plus constructives.
On peut enfin se demander si les retraites chapeau ont véritablement un lien avec la performance des entreprises et si un retraité est véritablement en phase avec les résultats. Cela devrait conduire à les prohiber.
M. Dominique Leclerc. - Très bien !
M. Jean-Marc Todeschini. - Le groupe socialiste votera cette proposition. Depuis la réforme de la Constitution, on nous occupe mais le travail parlementaire ne s'est pas amélioré. Oui, on peut facilement trouver des compromis sans compromission mais cela n'empêche pas de présenter d'abord la pureté de ses idées. Si c'est « vous pouvez toujours causer, la majorité vote contre par scrutin public », cela ne sert à rien.
M. Jean Arthuis. - Il faut alors remettre en cause le scrutin public !
M. le président. - Pour avoir participé à la rédaction du règlement, je crois pouvoir rappeler que la volonté était que certains aient la faculté de présenter des textes exprimant des positions sans qu'elles soient dénaturées, ce qui n'empêchait pas un débat dans un deuxième temps : il peut y avoir un texte dans sa cohérence et des amendements en séance.
A la demande de la commission des finances et du groupe UMP, la proposition de résolution européenne est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 155 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au financement des régimes d'assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale, présentée par M. Claude Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Discussion générale
M. Claude Domeizel, auteur de la proposition de loi. - Trente-cinq régimes obligatoires forment un paysage des retraites dans lequel nos concitoyens ont parfois du mal à se retrouver. Avec 930 000 pensionnés, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) représente le troisième régime après le régime général et celui des fonctionnaires. Avec 2 036 000 cotisants pour 932 000 retraités, elle présente un ratio toujours favorable de 2,18 actifs pour un retraité. Cependant, comme tous les régimes, elle connaît une lente dégradation depuis les 4,5 atteints dans les années 1980. Les transferts de personnels de l'État avec la décentralisation, la compensation entre régimes spéciaux et des exonérations de contributions ont eu sur les comptes un impact que cette proposition de loi tend à neutraliser tout en clarifiant les relations avec l'État. Le groupe socialiste considère que c'est indispensable : dès 2018, l'équilibre financier de la caisse sera rompu.
Le système des retraites par répartition est basé sur la solidarité entre actifs et retraités et cette solidarité doit s'exercer entre régimes par répartition au sein d'un groupe socioprofessionnel. Les évolutions intervenues depuis la guerre ont bouleversé le paysage et certains régimes, tels que celui des mines, ont éprouvé de plus en plus de difficultés à établir un équilibre de gestion. La loi du 24 décembre 1974 a donc institué, dans le respect de l'autonomie de chacun, une compensation financière entre les régimes d'assurance vieillesse des salariés ainsi qu'entre salariés et non-salariés. Basée sur les pensions les plus basses, cette compensation générale s'est traduite, pour la CNRACL, par un prélèvement allant jusqu'à 1,5 milliard l'an, soit 34 milliards depuis 1974.
La célèbre et décriée surcompensation constitue le deuxième étage de la fusée. Au prétexte de renforcer la solidarité entre régimes, la loi de finances pour 1986 a puisé 4 milliards de francs dans les réserves de la CNRACL. Des calculs complexes ayant abouti à des résultats nettement supérieurs, ils furent pondérés par un coefficient réducteur de 22 %.
Depuis, c'est un simple décret qui fait varier ce coefficient, qui est monté jusqu'à 38 %. La surcompensation est une sorte de pompe dont un décret ajuste la puissance d'aspiration ; 27 milliards d'euros ont ainsi été prélevés depuis 1986. Si l'on ajoute la compensation généralisée, la CNRACL a contribué depuis 1975 pour 61 milliards à la solidarité entre régimes. Par nécessité plus que par générosité, la loi du 21 août 2003 a programmé la disparition de la surcompensation. Si un décret doit en fixer la progressivité, aucune étape chiffrée n'a été prévue. La proposition de loi précise que la baisse du taux ne pourra être inférieure à 5 % pour les années 2010 et 2011.
Au moment où la surcompensation va disparaître, il m'est apparu utile de rappeler ce qu'était ce système injuste et opaque qui a conduit, via la cotisation employeur, à une augmentation de l'impôt local et a été, pendant vingt cinq ans, vainement combattu par les élus locaux. Le comble aura été que la CNRACL, pourtant excédentaire, a dû emprunter pour y faire face.
J'en viens au transfert des fonctionnaires d'État vers les collectivités territoriales. La question n'a pas vraiment été traitée par la loi du 13 août 2004. A ce jour, un peu plus de 102 000 fonctionnaires ont été transférés, dont 79 000 ont choisi l'intégration. Pour la CNRACL, ce n'est pas marginal : ils représentent 6,5 % des fonctionnaires territoriaux et 4 % de ses actifs. Les 23 000 autres conservent leurs droits à la retraite au service des pensions de l'État. La moyenne d'âge des 79 000 intégrés étant en moyenne de 47 ans, on peut s'attendre à des départs à la retraite en nombre vers 2018, et même plus tôt au regard du taux de féminisation de ces agents. Les pouvoirs publics ont quatre solutions. Le rétablissement des charges revenant aux deux régimes à chaque départ à la retraite serait très difficile ; le versement par l'État d'une soulte à la CNRACL serait possible, mais cette soulte risquerait de disparaître des comptes de la caisse par le biais de la compensation ; ne rien faire conduirait à long terme à pénaliser de nouveau la CNRACL. C'est la quatrième solution que nous proposons : assurer la neutralité financière des transferts entre le compte d'affectation spéciale des pensions de l'État et la caisse. Pour ce groupe fermé de fonctionnaires intégrés, et jusqu'au départ à la retraite du dernier de ceux-ci, cette solution se traduira d'une part par un reversement à l'État des cotisations perçues par la CNRACL pour ces fonctionnaires et de l'autre par un remboursement par l'État des pensions de droit direct et dérivé versées par la CNRACL. Ces transferts seront, dans un premier temps, favorables à l'État ; mais les flux s'inverseront lorsque la caisse atteindra son équilibre financier, sans doute dans les dix ou quinze ans à venir. Les modalités d'application de ce dispositif sont renvoyées à une convention entre État et CNRACL.
Pour les fonctionnaires en position de détachement, le taux de la contribution employeur est celui du régime des pensions civiles des fonctionnaires de l'État, soit 60,14 % depuis le 1er janvier 2009 -il était encore de 39,5 % en 2007. Nous proposons de le limiter à celui applicable à la CNRACL, soit 27,3 %. Cela parait logique : lorsqu'une collectivité accueille dans les conditions de droit commun des fonctionnaires d'État en détachement, elle s'engage en toute connaissance de cause, et notamment à verser à l'État une contribution patronale au taux le plus fort. Mais dans le cas qui nous occupe, ce n'est pas elle qui choisit mais le fonctionnaire.
Je veux aborder également la question des centres communaux et intercommunaux d'action sociale qui bénéficient, depuis 1999, d'une exonération de la cotisation patronale d'assurance vieillesse. Cette exonération concerne certains de leurs fonctionnaires en contrepartie des tâches qu'ils effectuent au domicile de personnes bénéficiaires de prestations d'aide ménagère. Nous proposons de préciser que l'exonération n'est possible qu'au titre des seuls fonctionnaires relevant du cadre d'emplois des agents sociaux. Je rappelle que le montant des cotisations vieillesse ainsi exonérées au détriment de la CNRACL s'est élevé à plus de 154 millions d'euros depuis 1999. La proposition de loi instaure en outre une compensation intégrale de cette exonération au profit de la CNRACL.
J'attire enfin votre attention sur deux points connexes. La loi sur La Poste vient en discussion la semaine prochaine, qui aura des conséquences désastreuses pour l'Ircantec si les agents sont transférés vers l'Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés(Arrco). Le groupe socialiste présentera un amendement pour préserver l'avenir de l'Ircantec. Le deuxième concerne trois décrets pris le 26 août 2009, relatifs à l'organisation du service des retraités de l'État, à la création d'un service spécifique et à l'institution d'un comité de coordination stratégique. Ces décrets préfigurent-ils la création d'un véritable régime de retraite des fonctionnaires de l'État ? A plus ou moins long terme, le Gouvernement a-t-il l'intention de créer un seul régime de retraite pour tous les fonctionnaires ? Votre réponse, madame la secrétaire d'État, intéressera les fonctionnaires, comme les collectivités territoriales et les hôpitaux...
Vous l'aurez compris : notre proposition de loi tend à clarifier les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. (Applaudissements à gauche)
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. - La CNRACL est un des principaux régimes spéciaux de la sécurité sociale. Elle a reçu, en 2008, les cotisations de plus de 2 millions d'actifs et versé des prestations à 900 000 pensionnés, 480 000 de la fonction publique territoriale et 420 000 de la fonction publique hospitalière.
La proposition de loi tend à préserver son équilibre financier à l'heure où elle est confrontée à deux évolutions qui affectent durablement ses comptes. La première est la dégradation du ratio démographique sous l'effet du vieillissement de la population : les charges de prestations ont crû de 8 % en 2008 tandis que le produit des cotisations ne progressait que de 5 %. La seconde est le transfert de personnels dans le cadre de l'acte II de la décentralisation. D'où un afflux de nouveaux affiliés à la CNRACL, des cotisants aujourd'hui pensionnés demain.
Les projections financières sont donc particulièrement inquiétantes, avec une dégradation permanente du solde, négatif à partir de 2020 pour atteindre un déficit de 11,3 milliards d'euros en 2050, si l'on en croit les prévisions établies par le Conseil d'orientation des retraites en 2007 à partir d'hypothèses optimistes rendues caduques par la crise économique.
Fortement menacé à moyen et long termes, l'équilibre des comptes de la CNRACL subit dans l'immédiat l'incidence financière de la surcompensation entre régimes spéciaux, à laquelle s'ajoutent les exonérations de cotisations patronales dont bénéficient les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale (CCAS et Cias).
La proposition de loi tend à surmonter ces difficultés en neutralisant les incidences financières de ces mesures et en assurant la compensation financière des transferts de fonctionnaires liés à la deuxième vague de décentralisation.
Connaissant l'équilibre financier précaire de la caisse, notre commission souscrit à ces objectifs. Elle soutient particulièrement trois mesures : la poursuite de la diminution du taux de la surcompensation, qui devrait disparaître fin 2012 conformément à la loi de 2003 réformant les retraites ; le rétablissement de l'exonération initiale dont bénéficiaient les CCAS et les Cias sur les rémunérations des aides à domicile, une mesure inscrite à l'article 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ; la neutralisation financière des transferts entre l'État et les collectivités territoriales, selon un mécanisme repris par l'article 27 du projet de loi finances pour 2010.
Bien qu'il traduise des préoccupations justifiées, le texte qui nous est soumis ne reçoit pas l'entier assentiment de notre commission sur trois points : inscrite à l'article premier, la diminution du taux de recouvrement de la surcompensation n'est pas de nature législative ; la mise en cause des modalités de compensation des agents détachés, figurant à l'article 2, serait à terme préjudiciable aux employeurs locaux ; l'exonération intégrale de cotisations patronales au bénéfice des CCAS et Cias, instituée à l'article 3, n'est pas opportune dans le contexte actuel des finances de l'État.
La commission n'a toutefois pas modifié la rédaction de notre collègue, pour respecter son souhait de voir la séance publique discuter le texte initial et pour montrer que nous partageons son diagnostic, à défaut de soutenir toutes ses propositions.
La commission s'en remet au vote du Sénat pour les amendements. (Applaudissements à droite)
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. - Il n'est pas neutre que cette proposition de loi soit présentée par le sénateur qui préside la CNRACL, puisque ce texte marque la conclusion des échanges constructifs qu'il a eus ès qualités, en 2009, avec le Gouvernement pour trouver une solution consensuelle pour deux points majeurs. Monsieur le sénateur, M. Woerth vous a écrit début octobre une lettre à ce propos.
Le premier point porte sur les conséquences de l'acte II de la décentralisation pour les finances de la CNRACL.
En effet, les trois quarts des 110 000 fonctionnaires transférés ont choisi d'intégrer la fonction publique territoriale. La CNRACL perçoit donc leur cotisation et devra verser leur pension de retraite, mais elle juge ce dispositif préjudiciable à long terme. De son côté, l'État estimait que l'obligation de servir le paiement des pensions en cours tout en perdant les cotisations de certains fonctionnaires opérait à son préjudice une rupture avec le principe d'un régime de retraite par répartition. Les experts s'affrontent depuis plusieurs années dans une bataille de chiffres dont le Gouvernement et vous-même, monsieur le sénateur, ont souhaité sortir par le haut.
Une solution a naturellement émergé : plutôt que de se lancer dans un débat sans fin pour déterminer les perdants, rétablissons le statu quo ante sur le plan financier. Ainsi, l'État versera les pensions de retraite des fonctionnaires ayant opté pour la fonction publique territoriale ; la CNRACL lui reversera le produit de leurs cotisations, tout en conservant leur gestion. Le dispositif s'éteindra avec le décès du dernier ayant droit d'un fonctionnaire décentralisé. Ce retour à la situation d'avant 2004 est évidemment neutre pour les agents, pour les employeurs territoriaux, pour la CNRACL et l'État.
Concrètement, la CNRACL établira chaque année le solde des cotisations perçues et des prestations versées. En fonction du résultat, elle reversera l'excédent au compte d'affectation spéciale de pension de l'État ou en percevra une subvention d'équilibre, selon des modalités incontestables, transparentes et vérifiables, qui devront être fixées d'ici la fin de l'année. Le Gouvernement souhaite les intégrer dans la loi de finances pour 2010.
Le deuxième point résolu concerne la suppression de la compensation spécifique, communément appelée « surcompensation ».
Fortement attendue par la CNRACL, cette mesure figure dans la loi de 2003 réformant les retraites mais sa suppression induit une charge élevée pour l'État, qui devra majorer les subventions d'équilibre versées à plusieurs régimes spéciaux. C'est pourquoi les difficultés budgétaires de l'exercice 2009, conjuguées aux effets de la décentralisation, ont maintenu à 12 % le taux de la cotisation perçue cette année. Monsieur le président de la CNRACL, le Gouvernement vous est reconnaissant d'avoir accepté cette stabilisation mais il souhaite mettre fin au dispositif. Conformément à la volonté du législateur, le processus reprendra en 2010 pour s'achever en 2012 après une baisse linéaire de 4 points par an, rythme maximum que l'État puisse atteindre, bien que vous souhaitiez l'accélérer. Il est vrai que la CNRACL pourrait être en déficit l'année prochaine, comme la plupart des régimes de sécurité sociale... Nous pourrons clore ainsi un dispositif qui a suscité, depuis sa création en 1987, une large opposition des instances du régime que vous présidez.
Ainsi, les discussions positives ont permis de trouver ensemble une solution à de grands dossiers pendants depuis plusieurs années. Nous devons désormais assurer collectivement la pérennité du système de retraite. Le rendez-vous de 2010 sera déterminant.
J'en viens à deux interrogations qui ont été formulées.
La première concerne l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec), plus précisément l'affiliation des agents contractuels de La Poste après le changement de statut de l'entreprise publique. Le Gouvernement ne souhaite pas déstabiliser l'Ircantec, réformée il y a un an. En outre, le changement de statut ne doit pas être préjudiciable aux salariés. Les régimes complémentaires concernés ont donc été priés de réfléchir aux modalités évitant ces écueils.
La deuxième interrogation porte sur le service des pensions de l'État. La révision générale des politiques publiques a conclu que le service rendu aux fonctionnaires n'atteignait pas celui dont bénéficiaient les affiliés des régimes privés.
Le Gouvernement a décidé de créer à Bercy un service à compétence nationale pour la gestion des retraites de l'État. Il s'éteindra en 2012. (Applaudissements à droite)
Mme Françoise Laborde. - Je souhaite tout d'abord exprimer mon étonnement quant aux reproches adressés à la commission des affaires sociales pour n'avoir pas amendé ce texte avant son passage en séance publique. La commission a voulu permettre le débat en séance publique sur la base de la proposition de loi initiale. Il aurait été facile d'écourter l'examen d'une proposition de loi composée seulement de cinq articles ! La commission en a décidé autrement, ce que certains ont jugé contraire à l'esprit de la révision constitutionnelle du 21 juillet 2008. Je considère que ce choix, empreint de sagesse, est conforme à l'esprit de la Constitution. Je n'étais pas encore sur ces bancs mais j'ai bien entendu à l'époque que la réforme visait globalement à revaloriser le rôle du Parlement et, dans le détail, à améliorer la place des groupes minoritaires et d'opposition. En permettant l'examen en séance publique de la proposition de loi de notre collègue Domeizel, la commission respecte l'initiative parlementaire, d'autant plus que celle-ci émane de l'opposition. Cette attitude est bien conforme à l'esprit de la Constitution révisée.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Merci.
Mme Françoise Laborde. - La proposition de loi que nous avons donc la chance d'examiner est destinée à préserver l'équilibre financier de la Caisse nationale des agents de retraite des collectivités locales (CNRACL), permettre à ce régime spécial de survivre avec un cadre financier de plus en plus contraint. Comme pour tous les régimes de la sécurité sociale, la dégradation du ratio démographique laisse entrevoir un déficit abyssal de 11,3 milliards en 2050. Certes, aujourd'hui, la caisse est en équilibre, grâce au plan de redressement élaboré en 1992. Malheureusement, le retour à l'équilibre amorcé en 2003 avec un excédent de 320 millions, ne va pas durer. La CNRACL bénéficie actuellement de l'essor des effectifs des collectivités locales mais ces cotisants sont de futurs pensionnés qu'il faudra assumer, en tenant compte de dispositifs très pesants pour l'équilibre de cette caisse.
C'est sur ces dispositifs que la proposition de loi entend agir. Il s'agit tout d'abord de revoir la surcompensation, qui permet de compenser les disparités démographiques entre les régimes spéciaux et de résorber les inégalités de capacité contributive entre les assurés de ces régimes. La surcompensation répond à une bonne intention mais, conduite à dose excessive, elle se retourne contre les caisses qui ont la chance d'avoir le meilleur ratio démographique. Le taux de la surcompensation a atteint des sommets pour la CNARCL : 38 % en 1993. Depuis, le législateur a heureusement poussé à la baisse.
La proposition de loi veut y mettre fin, prolongeant en cela l'article 9 de la loi portant réforme des retraites, adoptée en 2003. Il est en effet nécessaire d'interrompre un dispositif trop pénalisant et de se pencher sur la question de la contribution employeur due par les collectivités territoriales pour la couverture des charges de pension des fonctionnaires de l'État détachés sans limitation de durée dans ces collectivités. Avons-nous des projections permettant de trouver le juste équilibre entre ce qui est bon pour la CNAACL et ce qui est bon pour les collectivités locales ?
Le premier alinéa de l'article 3 est plutôt consensuel, puisqu'il est proposé par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. L'article 4 prévoit la compensation par l'État des charges dues au transfert de certains de ses agents vers les collectivités locales. Il corrige la fâcheuse tendance de l'État de profiter de la décentralisation pour se délester de charges financières. Les collectivités locales en savent quelque chose, la CNRACL aussi !
Ce régime spécial a connu une période faste ; elle est bien finie. Puisqu'il a maintenant les mêmes difficultés que les autres régimes, il est normal de neutraliser les incidences financières de dispositifs qu'il supporte difficilement aujourd'hui. Le RDSE est donc très favorable à la proposition de loi.
Ce débat renvoie à celui, plus général, sur l'avenir très préoccupant de l'ensemble de notre protection sociale. Le déficit du régime général atteindra 30,6 milliards en 2010. Que va proposer le Gouvernement ? Un autre grand emprunt ? Les radicaux de gauche seront très vigilants pour que les réponses apportées ne mettent pas en péril le principe fondateur de la sécurité sociale : la solidarité. (Applaudissements à gauche)
M. François Autain. - La CNRACL gère la retraite des agents des collectivités locales et territoriales, ainsi que celles des fonctionnaires hospitaliers. Cette gestion est assise sur un principe fondamental à nos yeux, celui de la retraite par répartition. La situation excédentaire de la CNRACL prouve que le système solidaire de retraites par répartition est économiquement efficace : avec 2 millions de cotisants pour 950 000 retraités, la caisse connaît une situation confortable, qui permet d'ailleurs au Gouvernement de lui imposer la surcompensation.
Outre ses bons résultats, la CNRACL présente la caractéristique d'être la seule caisse de retraite dont le conseil d'administration comporte en son sein des représentants des employeurs et des salariés élus, tout comme est élu son président, notre collègue Domeizel. Cette spécificité n'est peut-être pas sans incidence sur la bonne santé de la caisse, non plus que sur cette proposition de loi dont j'ai cru comprendre qu'elle avait fait l'objet, la semaine dernière, d'une présentation et d'une discussion en conseil d'administration.
Comment ne pas souscrire aux quatre articles de ce texte ? A la suite d'un bilan qu'avait demandé la CGT sur les conséquences de l'application des lois de 2003 à la CNRACL, le conseil d'administration de la caisse a formulé des propositions très proches de celles dont nous discutons aujourd'hui. Lors des premières lois de décentralisation, notre groupe s'était déjà inquiété d'un risque de transfert massif de dépenses publiques de l'État vers les collectivités locales. Nous voyons aujourd'hui que la compensation n'est pas effective pour ce qui relève des cotisations dues au titre des pensions civiles des fonctionnaires en détachement n'ayant pas opté pour l'intégration.
Le taux de contribution dû par l'employeur pour ces fonctionnaires, dont les collectivités ne demandaient pas le transfert, est de 60,14 %, alors qu'il n'est que de 27,3 % pour les fonctionnaires détachés ayant opté pour l'intégration. Bref, on fait payer aux collectivités locales à qui ce transfert a été imposé le même taux qu'à celles qui ont manifesté leur volonté d'accueillir des fonctionnaires en détachement. Il ne s'agit pas de stigmatiser des agents qui n'ont pas demandé à être intégrés dans la collectivité locale où ils sont en détachement. Il s'agit de ne pas faire peser sur les collectivités des dépenses importantes découlant de la seule volonté de l'État.
C'est pourquoi nous soutenons la proposition d'établir un taux de contribution employeur unique pour l'ensemble des fonctionnaires relevant de la CNRACL.
L'article premier de cette proposition de loi permet l'application de l'article 9 de la loi du 21 août 2003, qui avait prévu une baisse progressive du taux de surcompensation qui pèse sur les régimes spéciaux, jusqu'à l'extinction prévue théoriquement en 2012. Je dis « théoriquement » car il n'y a pas eu, en 2009, de diminution du taux. Cette surcompensation n'est pas légitime car les régimes spéciaux -et la CNRACL en est un parfait exemple- sont en équilibre et dégagent même des bénéfices. Cette vérité, le Gouvernement ne veut pas l'entendre, comme il n'a pas voulu l'entendre en 2007 quand il a été question de la réforme des régimes spéciaux de retraites. Les régimes spéciaux participent à hauteur de 47 % à la compensation, quand le régime général ne participe que pour 46 %. Cette compensation importante va pour 70 % aux exploitants agricoles, pour 24 % aux commerçants et artisans, les régimes spéciaux ne recevant que 7 %. C'est pourquoi nous soutenons cet article premier : la surcompensation fait peser d'importantes dépenses sur la CNRACL.
Ces dépenses, si elles ne mettent pas en cause -à court terme- l'équilibre de la caisse, pourraient toutefois la fragiliser dans l'avenir, particulièrement si l'on s'en tient aux estimations du Conseil d'orientation des retraites, estimations assises sur un principe simple, la diminution du nombre de cotisants. Pour notre part, nous contestons cette analyse qui entérine par avance des choix politiques -car c'est bien de cela dont il s'agit- dogmatiques, destinés à réduire les dépenses publiques, qu'elles soient nationales ou locales. Cela prend par exemple la forme du recours massif aux agents contractuels en lieu et place de titulaires et au non-remplacement de fonctionnaires, au bénéfice d'une externalisation des services. L'urgence est à l'accroissement des ressources et l'on voit bien comment, à l'occasion de cette proposition de loi, la question de l'emploi est étroitement liée à celle des retraites. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacky Le Menn. - Cette proposition de loi vise à conforter la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et à améliorer les finances des collectivités locales mises à mal ces dernières années, notamment par les transferts de charges de toutes natures en provenance de l'État, transferts dont les compensations n'ont pas suivi, nonobstant les engagements qui avaient été pris. Je pense notamment à l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour laquelle l'État avait promis une compensation de 50 %, alors qu'elle est aujourd'hui, en moyenne, de 28 à 30 % et que l'état de dépendance lié au vieillissement de la population s'accroît. Cette dépense touche les départements dont les recettes diminuent -par exemple celles liées aux droits de mutation-, ce sera pire dans un avenir proche avec les modifications annoncées des impôts locaux et la disparition de la taxe professionnelle...
Cette proposition de loi soulagera également les budgets hospitaliers dont la situation est extrêmement difficile, voire catastrophique dans le cas de nombreux CHU. Malgré la loi Hôpital, cette situation des hôpitaux n'est pas près de s'améliorer compte tenu du niveau de l'Ondam prévu pour 2010 et de diverses mesures prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La CNRACL est confrontée à une double évolution qui fragilise ses comptes à moyen et long termes. D'abord, comme l'ensemble des régimes de retraite, celui des fonctionnaires territoriaux mais aussi des hospitaliers connaît une dégradation continue de son ratio démographique sous l'effet du vieillissement de la population. Cela entraine une progression de plus en plus rapide de ses charges alors que ses ressources -ou produits de cotisations- stagnent. La seconde évolution tient aux transferts de personnels, notamment les plus récents opérés dans le cadre de l'acte II de la décentralisation. Nous touchons ici au taux de contribution employeur des collectivités au régime des pensions civiles pour les fonctionnaires de l'État en détachement.
Cette proposition de loi vise donc à neutraliser les effets financiers, sur la CNRACL, de certaines mesures -comme la surcompensation entre régimes spéciaux ou les exonérations de cotisations pour les personnels des centres communaux et intercommunaux d'action sociale. Elle vise aussi à régler la question de la compensation financière des transferts de personnels. Les mesures qu'elle avance sont plus que nécessaires : la programmation de la suppression progressive du taux de surcompensation en 2012 ; un conventionnement entre l'État et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales afin de neutraliser les effets du transfert de personnels de l'État vers les conseils généraux et les conseils régionaux -il s'agit des personnels techniciens, ouvriers et de service des collèges et lycées, relevant antérieurement de l'éducation nationale ainsi que du personnel venant des directions départementales de l'équipement-, cela pour ne pas pénaliser les finances des collectivités locales qui n'ont pas choisi d'accueillir ces agents. Cette proposition de loi institue aussi une compensation de l'exonération de contributions pour les centres communaux et intercommunaux d'action sociale. Enfin, il est proposé de compenser les conséquences financières du présent texte pour l'État et pour les organismes de sécurité sociale par des taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cette proposition de loi, claire et nécessaire, garantit l'équilibre financier de ce régime spécial à moyen et à long terme et étaye les finances des collectivités locales et des établissements hospitaliers, ce qui est urgent. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
M. Alain Gournac. - Ce texte propose des solutions aux difficultés financières de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, affectée par une double contrainte. D'abord, le vieillissement de la population qui provoque un déséquilibre entre le nombre des cotisants et celui des pensionnés, problème commun à tous les régimes de retraite mais particulièrement aigu pour la CNRACL au vu des projections du Conseil d'orientation des retraites. Ensuite, l'afflux massif de cotisants à la suite des transferts de personnels liés à l'acte Il de la décentralisation.
Nous comprenons la préoccupation des auteurs de la proposition de loi, et plus particulièrement celle de son premier signataire, président de cette caisse de retraite. Mais, si nous sommes d'accord sur la nécessité de préserver l'équilibre financier de cette dernière, nous ne pouvons adopter le texte en l'état et c'est pourquoi je présenterai, au nom du groupe UMP, deux amendements.
L'article premier répond au problème de la surcompensation, c'est-à-dire la compensation spécifique due aux disparités démographiques et financières entre les régimes spéciaux de retraite. Cependant, la proposition de baisser le taux de recouvrement de cette surcompensation relève du règlement. De plus, le Gouvernement a déjà prévu, dans le projet de loi de finances pour 2010, une baisse de 4 points et a confirmé la disparition de ce mécanisme pour 2012.
L'article 2 propose de plafonner le taux de cotisation au régime des pensions de l'État lorsqu'un agent choisit le détachement sans limitation de durée. Or, les collectivités territoriales sont gagnantes avec le système actuel qui ne prévoit pas de révision du niveau de la compensation au titre de la cotisation retraite employeur, que le choix de l'agent soit de rester fonctionnaire de l'État ou d'intégrer la fonction publique territoriale. En effet, la proportion des agents intégrant la fonction publique territoriale est d'environ 75 % des fonctionnaires transférés et le taux de cotisation versé à la Caisse nationale est toujours sensiblement plus faible que celui compensé par l'État. Il n'est donc pas souhaitable de modifier les modalités de compensation alors même que l'article 4 de la proposition de loi apporte une solution pour clore le débat entre la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et l'État sur les modalités de compensation des charges dues au transfert de personnels.
Le rendez-vous sur les retraites, l'année prochaine, devra être l'occasion d'aller au-delà de l'examen des flux financiers entre les régimes de retraite. Ceux-ci étant tous en difficulté financière, il est urgent d'aborder la question de fond des modalités qui permettront d'assurer, dans une logique d'équité intergénérationnelle, la pérennité de l'ensemble de notre système de retraite.
M. Christian Cambon. - Il semble indispensable, avant de décider toute nouvelle mesure, d'alléger les charges de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales de certaines dispositions législatives qui affectent lourdement son équilibre financier. Même si la situation démographique et financière de la CNRACL est aujourd'hui relativement meilleure que celle de nombreux autres régimes, en raison du dynamisme du recrutement dans la fonction publique territoriale, d'ici à 2012, près de 40 % des fonctionnaires territoriaux partiront à la retraite.
A réglementation constante, les dernières projections du Conseil d'orientation des retraites anticipent un déséquilibre financier de la CNRACL en 2018. Outre que son rapport démographique brut est passé de 4,53 cotisants pour un retraité en 1980 à 2,21 cotisants pour un retraité en 2008, la caisse, de par les mécanismes de compensation généralisée et de surcompensation, a pris une part essentielle dans le financement de certains régimes de retraite déficitaires, si bien que sa trésorerie a fini par être menacée. En effet, dès la création du système de compensation en 1974 et de surcompensation en 1985, la bonne santé financière de la caisse et son rapport démographique favorable l'ont placée largement en tête des contributeurs. Entre 1974 et 2007, 56 milliards ont été ainsi prélevés sur les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, mais également sur leurs employeurs ! En clair, c'est l'impôt local qui finance les retraites versées par les régimes déficitaires. Cette situation ne correspond à aucune logique économique ou sociale, ni même aux principes fixés par les lois de décentralisation depuis 1982. La hausse tant décriée de la fiscalité locale est en fait liée, pour partie, à des paramètres que les élus locaux ne maîtrisent aucunement. Il en va de même de la politique de développement des emplois de service ou familiaux : son financement doit relever du budget de l'État et non de celui des collectivités locales ou des hôpitaux.
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Christian Cambon. - Après avoir évoqué la santé financière des employeurs publics locaux, rappelons que 32 % des pensionnés de la caisse perçoivent des retraites comprises entre 800 et 1 099,99 euros (M. Alain Gournac le confirme) à un âge où ils sont pourtant en droit de mener une vie décente, à l'abri de tout souci pécuniaire. En outre, toutes les études le montrent, les Français sont prêts à cotiser plus et plus longtemps dès lors que le niveau de leur retraite est préservé. Il nous faudra prendre en compte cette attente lors de la réforme des retraites prévue pour 2010.
Concernant la proposition de loi, je suivrai la position défendue précédemment par M. Gournac au nom du groupe UMP. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
L'article 9 de la loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les exercices 2010 et 2011, cette réduction est au moins égale à 5 points. »
M. Claude Domeizel. - La commission, a souligné le rapporteur, a choisi de proposer en discussion le texte de l'auteur de la proposition de loi. Mais si elle avait apporté des modifications, cela n'aurait rien changé au débat... Dans mon intervention, j'ai souligné le lien entre la disparition de la surcompensation, l'article premier et les dispositions concernant les personnels transférés dans le cadre de la décentralisation. Je n'ignore pas que l'évolution du taux relève du niveau réglementaire...
M. Alain Gournac. - Ah !
M. Claude Domeizel. - Mais le législateur doit encadrer les décrets du Gouvernement. Nous sommes dans notre rôle ! Cette année, le taux de la surcompensation est de 12 %, comme en 2008. Qui me dit qu'il sera effectivement réduit entre 2010 et 2012 ?
M. François Autain. - Exact !
M. Claude Domeizel. - Vous me répondrez qu'il n'y a pas une grande différence entre ma proposition et celle du Gouvernement : je demande une baisse de 5 % et lui de 4 %. C'est vrai, mais ce 1 % est symbolique car, avec un taux de 7 %, la caisse pourrait revenir à l'équilibre en 2010. Il est, en outre, surprenant que la caisse de retraite qui va verser 450 millions en 2010 au titre des agents transférés refuse un taux de 7 %. L'État est pingre... D'autant plus surprenant que la contribution de la CNRACL s'élève à 61,6 milliard depuis 1974. Bref, nous avons tout intérêt à accepter le dispositif relatif aux agents transférés et, symboliquement, à rechercher l'équilibre financier de la CNRACL. Pour toutes ces raisons, supprimer l'article premier serait fort regrettable.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Alain Gournac. - Remarque liminaire, l'État n'est pas pingre, il est économe ! (Exclamations amusées) J'ai écouté avec attention M. Domeizel car il est un expert, mais il ne m'a pas convaincu... La fixation du taux de compensation et son évolution, comme pour l'ensemble des dispositifs de compensation existant entre les régimes sociaux, relèvent du pouvoir réglementaire. Dans le projet de loi de finances pour 2010, il est prévu de réduire le taux de surcompensation de 12 à 8 % à partir du 1er janvier 2010. Un nouveau décret sera donc pris avant la fin de l'année.
M. Claude Domeizel. - Et après ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Après, c'est prévu !
M. Alain Gournac. - De fait, le Gouvernement a confirmé la suppression de la surcompensation en 2012, conformément à la loi de 2003, avec une nouvelle baisse en 2011. D'où cet amendement de suppression.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Il est bon de débattre de nouveau de ces questions en séance après les premiers échanges que nous avions eus en commission. Pour revenir à l'article premier, les contributions de la CNRACL étaient très fortes. Heureusement, un gouvernement, en 2003, a décidé d'organiser l'extinction de la surcompensation. Que ne l'a-t-on fait plus tôt ! Soit, le coup d'arrêt porté à la réduction du taux de surcompensation en 2008 est regrettable...
M. Alain Gournac. - En effet !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - La question relève du domaine réglementaire, donc rejet. En revanche, l'engagement du ministre du budget de procéder à l'extinction complète de la surcompensation d'ici deux ans est très attendu.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - J'ajoute que M. Woerth a indiqué, dans une lettre, que le taux de surcompensation serait de 4 % en 2011, puis nul en 2012. Favorable.
M. François Autain. - Je voterai contre l'amendement de suppression. Certes, l'État est économe mais il ne tient pas toujours ses promesses ! Nous sommes bien placés pour le savoir. Il nous avait promis un retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale en 2003, en 2007, en 2009, en 2011 et, enfin, en 2012... Cette année, le Gouvernement ne s'est pas engagé sur une date en faisant preuve de prudence.
M. Robert del Picchia. - Avec raison !
M. François Autain. - Inscrire l'extinction de la surcompensation dans la loi apporterait une garantie supplémentaire dont nous avons bien besoin. Nous ne voterons pas cet amendement.
M. Jacky Le Menn. - Le diagnostic est partagé. Nous avions accepté le principe de la surcompensation à l'époque où l'avenir financier du régime n'était pas menacé, mais la situation a changé. La loi de 2003 avait prévu une extinction de la surcompensation en 2012, avec un calendrier précis. Je m'étonne que l'étape prévue en 2009 n'ait pas été respectée...
La mesure est d'ordre réglementaire, certes, mais pour rattraper le retard, il faudrait une diminution supérieure à 5 points. A défaut, le résultat financier sera déficitaire. Nous voterons contre l'amendement.
L'amendement n°1 est adopté et l'article premier est supprimé.
Article 2
L'avant-dernier alinéa de l'article 46 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, dans le cas où un fonctionnaire est détaché auprès d'une collectivité locale ou d'un de ses établissements publics dans le cadre de l'article 109 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et de l'article x de la loi x du x relative au transfert aux départements des parcs de l'équipement et à l'évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers, ce taux ne peut être supérieur à celui fixé pour la contribution de ces collectivités et établissements à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. »
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Alain Gournac. - L'article 119 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu une compensation financière de l'État aux collectivités locales pour les compétences transférées sur une base non révisable.
Ainsi, l'État compense aux collectivités locales le coût salarial des agents qui choisissent de conserver leur statut de fonctionnaire de l'État ou qui sont détachés d'office, y compris les charges employeur au titre du régime de retraite de l'État de l'année de transfert. Ultérieurement, l'employeur territorial cotise au taux de droit commun du régime de l'État auquel est resté affilié le fonctionnaire sans que le niveau de la compensation soit révisé.
Si ces agents intègrent ensuite la fonction publique territoriale, la compensation financière de l'État n'est pas réduite alors que le taux de cotisation de l'employeur baisse : 27,30 % pour la CNRACL contre 39,5 %, 50 % ou 55 %, selon l'année du transfert, pour l'État.
En pratique, les agents déjà transférés choisissent à 70 % l'intégration dans la fonction publique territoriale, immédiatement ou à terme. La loi du 13 août 2004 est donc protectrice des intérêts financiers des collectivités locales. La modification apportée par la proposition de loi aurait des conséquences défavorables pour les employeurs locaux.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - On peut imaginer qu'à terme, les collectivités locales seront gagnantes, sachant que les deux tiers des agents déjà transférés optent pour la fonction publique territoriale. Avis favorable.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - L'article 2 serait préjudiciable aux collectivités locales. Avis favorable.
M. Claude Domeizel. - J'ai écouté M. Gournac avec attention. Son amendement a été proposé par des présidents de conseils généraux, qui craignent d'être perdants. Nous nous abstiendrons, pour éventuellement déposer un amendement lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale, car il faudra sans doute réécrire la loi de 2004.
L'amendement n°2 est adopté et l'article 2 est supprimé
Article 3
L'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le début du dernier alinéa du III est ainsi rédigé :
« Les rémunérations des fonctionnaires relevant du cadre d'emploi des agents sociaux d'un centre ... (le reste sans changement) » ;
2° Dans le IV, après la référence : « au III » sont insérés les mots : « , à l'exception de celles visées par son dernier alinéa. »
M. le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
Au dernier alinéa du III de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, les mots : « d'un » sont remplacés par les mots : « relevant du cadre d'emplois des agents sociaux territoriaux en fonction dans un ».
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - La CNRACL est confrontée à une lecture extensive du champ des exonérations de charges patronales pour les CCAS. Les décisions de justice élargissent le champ des catégories de personnel concernées.
Cet amendement reprend une mesure prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale mais écarte une compensation par l'État, qui n'est pas prévue pour le régime général et que la situation des finances publiques ne permet pas.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Il faut revenir au champ d'application initiale de cette exonération, pour éviter les dérives. Dans un contexte budgétaire difficile, il est en outre impensable de prévoir une compensation intégrale. Avis favorable.
M. Jacky Le Menn. - Notre désaccord porte sur le refus du principe d'une compensation par l'État. Depuis 2004, la plupart des exonérations et niches sociales ne sont pas compensées, ce qui signifie, comme le dit très bien Alain Vasselle, que « l'État fait le choix délibéré de mettre à la charge de la sécurité sociale des politiques qui sont de sa responsabilité ». Nous ne partageons pas ce choix et voterons donc contre cet amendement.
M. Alain Gournac. - Le groupe UMP votera cet amendement et regrette de ne l'avoir pas proposé lui-même !
M. François Autain. - Nous voterons contre l'amendement.
Depuis 1999, les CCAS bénéficient, pour certains de leurs agents, d'une exonération de la part patronale de cotisation vieillesse, ce qui coûte 154 millions à la CNRACL. Ce poids financier risque d'augmenter avec le temps, car de très nombreux CCAS entendent étendre cette exonération à l'ensemble de leurs agents, preuve des difficultés qu'ils rencontrent pour parvenir à l'équilibre, faute de financements. Les départements refusent en effet de financer des activités ne relevant pas de leurs compétences obligatoires. Certains, souvent gérés par la majorité présidentielle, refusent même de financer des activités relevant de leur compétence obligatoire ! Ainsi, le conseil général des Hauts-de-Seine refuse de prendre en charge le traitement des dossiers Handicap gérés par les CCAS, au motif qu'il existe, à l'autre bout du département, une Maison départementale du handicap...
La CNRACL n'a pas à compenser les dépenses que l'État et les départements refusent d'assumer !
L'amendement n°3 est adopté et devient l'article 3.
Article 4
L'article 108 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est ainsi modifié :
1° La dernière phrase est ainsi rédigée :
« Les effets de cette intégration sont neutralisés jusqu'à l'extinction des droits directs et dérivés nés de l'affiliation de ces fonctionnaires à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales par des transferts financiers entre ce régime et le compte d'affectation spéciale Pensions visé à l'article 51 de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 portant loi de finances pour 2006. » ;
2° Il est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - Les dispositions du présent article dont les modalités d'application sont précisées par une convention conclue entre la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et l'État entrent en vigueur à compter du 1er janvier qui suit la promulgation de la présente loi. »
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
I. - La dernière phrase de l'article 108 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales reverse à l'État, pour ces fonctionnaires, les cotisations perçues. En contrepartie, l'État rembourse à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales le montant brut des pensions versées à ces agents ainsi que les charges supplémentaires afférentes dues au titre des dispositions de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale. Les modalités de mise en oeuvre de ce reversement et de ce remboursement sont précisées par un décret pris après avis du conseil d'administration de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. »
II. - L'article 51 de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :
1° Après le e) 1° du A du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Les versements de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales effectués en application de l'article 108 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ; » ;
2° Après le c) du 2° du A du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Les versements à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales effectués en application de l'article 108 de la loi du 13 août 2004 précitée ; ».
III. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2010. »
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Cet article a le même objet que l'article 27 du projet de loi de finances pour 2010 et instaure les mêmes modalités. Nous proposons de reprendre la rédaction du projet de loi de finances, qui a bénéficié de l'analyse du Conseil d'État et précise les modalités de suivi des flux financiers entre les régimes.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Cette rédaction, qui sera reprise par la loi de finances pour 2010, est plus conforme aux objectifs de l'article 4 : avis favorable.
M. Jacky Le Menn. - Nous voterons cet amendement.
M. Claude Domeizel. - Effectivement, puisque cette rédaction est préférable à celle de l'auteur de l'amendement et n'en modifie pas le sens, nous ne pouvons voter contre...
M. Christian Cointat. - Je ne comprends pas pourquoi nous devrions voter un texte que nous allons adopter dans le cadre de la loi de finances. Cette dernière se suffit à elle-même : pourquoi multiplier des textes rédigés de la même façon ?
L'amendement n°4 est adopté et devient l'article 4.
Article 5
I. - Les conséquences financières résultant pour l'État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
II. - Les conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.
Supprimer cet article.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Le Gouvernement lève le gage.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Nous n'avons pu examiner cet amendement en commission mais cette suppression est logique : avis favorable.
L'amendement n°5 est adopté et l'article 5 est supprimé.
Vote sur l'ensemble
M. Claude Domeizel. - La version modifiée de ce texte en préserve l'essentiel, pour ce qui est notamment des CCAS et du périmètre des personnels concernés par l'article 3. L'article 4 est quasiment identique. Toutefois, la suppression de l'article premier, de l'article 2 et d'une partie de l'article 3 dénature l'objectif recherché par la proposition de loi. Nous ne nous opposerons cependant pas au texte ainsi amendé. A titre personnel, j'aurais voté pour mais je me rallie à mon groupe, qui s'abstiendra.
M. François Autain. - Le texte que nous allons voter n'est pas le même que celui sur lequel nous nous sommes exprimés durant la discussion générale.
M. Robert del Picchia. - Vous pouvez voter pour, maintenant. (Sourires)
M. François Autain. - Les amendements du Gouvernement vont plutôt dans le bon sens mais j'étais opposé à la suppression de certains articles. Tout bien pesé, nous nous abstiendrons en raison de la façon dont ce texte a été élaboré.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Pour la première fois depuis la réforme de la Constitution, notre commission a examiné une proposition de loi. Nous avons tenu à ce que ce texte soit examiné intégralement en séance publique après avoir entendu les points de vue de chacun en commission. Dans l'esprit de la réforme, les membres de l'opposition ont pu exprimer leur volonté politique sur un sujet précis, comme ils l'ont fait lors de la précédente discussion au sujet d'une directive européenne. Chacun a exprimé sa position et son appréciation de l'action du Gouvernement : nous arrivons à un vote en toute logique.
M. le président. - Effectivement, les droits de l'opposition ont été respectés et le texte présenté n'était pas dénaturé. Le vote respecte les positions de chacun et chacun a pu s'exprimer.
M. Alain Gournac. - C'est une bonne chose.
M. Christian Cointat. - C'est un progrès.
La proposition de loi est adoptée, les groupes socialistes et CRC s'abstenant.
La séance est suspendue à midi cinquante-cinq.
La séance reprend à 15 heures.
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
Procédure accélérée
Mme la présidente. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale.
Dépôt de rapports
Mme la présidente. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la tarification à l'activité des établissements de santé et ses conséquences sur l'activité et l'équilibre financier des établissements publics et privés, le rapport sur les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) retraçant l'évolution de la dotation nationale et des dotations régionales affectées à ces missions, enfin, le rapport sur la mise en oeuvre de la loi de programmation du 3 août 2009 (Grenelle I). Acte est donné du dépôt de ces rapports. Les deux premiers ont été transmis à la commission des affaires sociales, le troisième à la commission de l'économie.
Décentralisation des enseignements artistiques (Question orale avec débat)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle une question orale avec débat de Mme Morin-Desailly à M. le ministre de la culture sur la décentralisation des enseignements artistiques.
M. Legendre, président de la commission, qui assiste en ce moment à des obsèques, m'a demandé d'excuser son absence.
Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question. - Le groupe centriste accorde une grande importance à la décentralisation des enseignements artistiques, outil de démocratisation culturelle. Cette politique publique atteint aujourd'hui un point charnière. L'éducation artistique est confiée aux établissements scolaires afin que tous les élèves aient accès à des connaissances et à une pratique artistique ; l'enseignement artistique, lui, est dispensé dans les conservatoires et les écoles de musique, danse ou théâtre, réseau qui s'est développé d'abord à l'initiative de l'État, puis des collectivités territoriales, en particulier les communes. L'impulsion a été donnée en 1967 par André Malraux et son directeur de la musique, Marcel Landowski ; le réseau est devenu sans équivalent en Europe. Le plan en faveur de l'enseignement musical accompagnait le mouvement de décentralisation culturelle et de démocratisation de l'accès à la culture. Cette forte volonté de l'État, qui s'est appuyée sur les structures municipales existantes, s'est traduite dans un soutien financier sans précédent.
Le réseau a pour mission à la fois de former les futurs musiciens professionnels et de développer la pratique amateur. Seuls 2 % des élèves font de la musique, de la danse ou du théâtre leur métier ; mais pour tous les autres, quel bénéfice dans leur vie d'adulte, pour pratiquer un art en liberté, y trouver une source d'épanouissement et pour devenir un spectateur exigeant et averti ! La commission de la culture a adopté, il y a quinze mois, mon rapport sur la décentralisation des enseignements artistiques, liée à la réforme prévue par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Je constatais que la réforme était au milieu du gué et bien difficile à orchestrer. J'avais avancé des préconisations pour sortir de l'impasse. L'heure est venue de faire le point.
La loi de 2004 n'a pas opéré un nouveau transfert de compétences mais a clarifié le rôle de chaque niveau de collectivités publiques. Elle a confié aux communes et à leurs groupements l'organisation et le financement de l'enseignement initial et l'éducation artistique dispensée par les établissements spécialisés. Les départements ont mission d'élaborer un schéma départemental de développement des enseignements artistiques destiné à en améliorer les conditions d'accès. Les régions organisent et financent le cycle d'enseignement professionnel initial (Cepi), désormais sanctionné par un diplôme national d'orientation professionnelle (Dnop) et intégré au plan régional de développement des formations professionnelles (Prof). Enfin, l'État conserve ses prérogatives, classement et contrôle pédagogique des établissements, définition des qualifications des enseignants et tutelle des établissements d'enseignement supérieur artistique. Cette répartition n'a pas été imposée mais résulte d'un travail de fond engagé depuis des années. La loi a prévu le transfert aux départements et régions des crédits que l'État apporte à ces établissements. L'objectif était de rééquilibrer une charge financière pesant à près de 80 % sur les communes.
Cette loi, qui traduisait une ambition louable en faveur des enseignements artistiques, a suscité de très fortes attentes. Hélas, cinq ans après, sa mise en oeuvre est toujours en panne. Mal engagée, la réforme a souffert, au-delà des problèmes financiers, d'un évident déficit de méthodologie. Derrière ses aspects techniques, le sujet est éminemment politique et je regrette l'intérêt trop limité que lui portent nombre d'élus, laissant aux milieux passionnés des professionnels le soin de mettre en musique une politique pas toujours clairement définie ni assumée. Il y va pourtant de la démocratisation culturelle et du développement de nos territoires ! Où en sommes-nous, quinze mois après l'adoption de notre rapport d'information ? Tous les acteurs concernés ont partagé mon diagnostic et la plupart ont soutenu mes propositions. Pour autant, nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes ! La concertation s'est poursuivie entre l'État et les différents niveaux de collectivités territoriales, mais le blocage a persisté. Je dois dire, sans esprit de polémique, que la position évolutive, et parfois sibylline, de l'Association des régions de France a entretenu la confusion. Je me réjouis néanmoins que tout le monde souhaite une sortie par le haut et je salue l'esprit constructif et équilibré qui anime la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), laquelle représente toutes les sensibilités politiques et tous les échelons territoriaux.
Nos concitoyens ne doivent pas être les otages de cette difficulté à parvenir à un accord. Ils attendent de leurs élus, nationaux et locaux, qu'ils prennent en considération l'intérêt général. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi en juillet 2009, prenant en compte les hypothèses de travail avancées par les associations d'élus et les travaux conduits par des professionnels -je pense notamment au rapport de M. René Rizzardo. Un premier point de convergence consiste à reconnaître le rôle de l'échelon régional en matière d'aménagement du territoire et de planification : élaboration d'un schéma régional des formations artistiques à vocation professionnelle, création d'une commission régionale des enseignements artistiques, qui réunirait l'État et toutes les collectivités concernées. Elle veillerait à encourager les partenariats y compris avec le privé et elle prendrait en considération toutes les formes de chaque discipline, je pense par exemple aux musiques actuelles. Un « chef de filat » régional ne saurait être perçu comme une prééminence mais plutôt comme une force d'impulsion et de coordination, de cohérence dans l'offre de formation, voire de mutualisation des moyens.
Il paraît nécessaire également de préciser les modalités d'application de la loi. Si les communes doivent assumer seules le financement de l'enseignement professionnel initial, elles se désengageront, estimant ne pas avoir à supporter la charge d'un enseignement qui bénéficie à une population implantée sur un plus vaste territoire que le leur.
Certaines menaces ont vu le jour, ainsi pour le conservatoire de Versailles ou les Beaux-Arts de Rueil-Malmaison : pourquoi ces villes assureraient-elles seules des formations de troisième cycle ?
La très grande hétérogénéité des situations régionales complique la donne, même si la plupart des régions comprennent que la formation des jeunes artistes, plus précoce, relève de leur compétence. Certaines sont historiquement plus impliquées. L'Association des régions de France s'est exprimée en faveur d'un engagement facultatif, ce qui n'exclut pas le pilotage du réseau. Cela suppose une contribution des communes, qui gardent vocation à financer l'éducation artistique des jeunes et les actions de sensibilisation. Ont-elles pour autant vocation à financer tous les échelons de la formation ?
Les récentes concertations ont permis d'évaluer avec plus de précision le cycle d'orientation professionnelle. Comme je le supposais, le surcoût induit par le Dnop, sur la base de l'expérimentation dans certaines régions, se limite à 5 % alors qu'on avait parlé de 400 %.
La question des transferts de crédits reste en suspens en raison d'une situation de blocage. Quelle collectivité, de la commune ou de la région, en sera-t-elle bénéficiaire ? La logique et l'ambition semblent conduire à la première solution, à charge pour les régions de les reverser aux communes gestionnaires -il faudra revoir ma proposition de loi pour le garantir. Les régions s'impliqueront ensuite à leur rythme. Tel était l'esprit de la loi de 2004, et tel doit rester le cas pour éviter un retour en arrière. Si l'on ne peut trancher rapidement la question, laissons à l'État le soin de verser les 5 à 10 % de crédits destinés aux écoles spécialisées plutôt que de les apporter aux communes comme l'a envisagé la direction de la musique : ce serait un retour en arrière en théorie et, en pratique, le maintien du statu quo.
Dans les régions qui sont allées de l'avant, et ce sont les plus nombreuses, les attentes des professionnels sont fortes. Il convient de poursuivre la structuration intercommunale des établissements grâce à l'adoption du statut d'établissement public de coopération culturelle. L'intercommunalité constitue en effet l'échelle de référence et elle offre les moyens de la mutualisation. Des primes régionales à l'intercommunalité pourraient aider les établissements ressources, de même qu'un coup de pouce financier de l'État serait le bienvenu pour soutenir les efforts des départements. Je tiens à souligner leur implication : ils se sont dotés de schémas départementaux des enseignements artistiques avec le concours de professionnels de grande qualité.
Il est urgent de trouver une issue. Les professionnels, les enfants et leurs parents attendent des réponses claires. Ne laissons plus peser la menace que résume le fait qu'on ne sait plus comment appeler le troisième cycle.
C'est pourquoi j'avais déposé cette proposition de loi en juillet dernier. Mes récentes consultations me laissent supposer que rien ne s'oppose à son adoption sous réserve de certaines amodiations. Les professionnels du secteur soutiennent la pertinence d'une telle répartition des missions. Elle s'inscrit en outre dans le projet de réforme de collectivités territoriales qui valorise le couple communes-intercommunalités et respecte le principe de la clause générale de compétences. L'examen de ce projet a conduit à demander l'organisation de ce débat mais rien ne s'opposerait à l'inscription de ma proposition à l'ordre du jour si un consensus se dégageait rapidement.
Quelle est votre analyse, monsieur le ministre, et quelle est votre stratégie pour sortir de l'impasse ? Le sujet est essentiel car la demande sociale est très forte : la musique rythme la vie de cinq millions de Français ! Réjouissons-nous du renouveau des pratiques amateurs et affirmons une volonté politique.
L'une des ambitions affichées de la réforme du lycée est que la série L forme aussi aux métiers des arts et de la culture. Il serait donc utile de lier les deux réformes, comme mon rapport le préconisait. Il est dommage que les établissements scolaires s'appuient aussi peu sur les pôles ressources qui devraient être leurs référents naturels. La mission d'information du Sénat et le Gouvernement ont pourtant insisté sur la nécessaire ouverture. Rapprochez-vous, monsieur le ministre, de votre homologue de l'éducation nationale pour jouer cette partition commune au service d'une telle ambition. Donnons aux jeunes les meilleures chances d'accéder à ces métiers nobles et exigeants tout en développant la sensibilisation.
Il faut clarifier rapidement le paysage des enseignements artistiques et informer les acteurs des critères selon lesquels les dossiers seront instruits. Je vous remercie de nous apporter des réponses claires, précises et porteuses d'une vraie ambition. Je veux croire que vous souscrivez à ce propos de M. Sefcovic, le commissaire européen à l'éducation : « le renforcement des arts doit constituer l'élément moteur de toute politique d'éducation visant à améliorer la compétitivité économique, la cohésion et le bien-être ». Je forme le voeu qu'il soit entendu. (Applaudissements)
M. Laurent Béteille. - Je remercie et félicite Mme Morin-Desailly. Un an après le rapport qu'elle avait présenté au nom de la commission des affaires culturelles, sa question nous permet de faire le point des responsabilités de l'État et des collectivités territoriales dans le domaine des enseignements artistiques.
L'éducation artistique et culturelle est une composante essentielle de la formation des jeunes. Contribuant au développement de leur personnalité, de leur sensibilité et de leur compréhension du monde, elle doit permettre une véritable démocratisation de l'accès à la culture.
Historiquement, elle s'est développée par l'action des communes et forme aujourd'hui le réseau le plus dense en Europe. La loi de décentralisation de 1983 a confié la responsabilité de ces établissements aux communes, aux départements et aux régions, mais il est difficile d'identifier les prérogatives de chacune et les financements croisés accentuent la complexité. La loi du 13 août 2004 a organisé les responsabilités de chaque niveau : les communes ou leurs groupements organisent et financent les établissements initiaux ; les départements établissent des schémas et participent au financement des établissements ; les régions organisent et financent les cycles d'enseignement professionnel initial ; l'État conserve le classement, le contrôle et le suivi des établissements ainsi que la responsabilité et l'initiative de l'enseignement supérieur professionnel.
En bref, un parfait jardin à la française comme nous les aimons... jusqu'à la caricature. Les objectifs des schémas départementaux sont de corriger les déséquilibres territoriaux, d'assurer une meilleure répartition des différentes disciplines et de démocratiser l'accès aux enseignements, aujourd'hui plus aisé aux jeunes des milieux favorisés qu'aux autres.
M. Alain Gournac. - C'est vrai !
M. Laurent Béteille. - Cette clarification s'accompagne d'une réorganisation des financements, l'article 101 prévoyant le transfert aux départements et aux régions des concours antérieurement accordés par l'État aux communes.
Comme l'a relevé le rapport d'information, la réforme est en panne. Le contenu des schémas départementaux est inégal et les régions se sont plus ou moins impliquées, plutôt moins que plus d'ailleurs. Le lancement des nouveaux cycles d'enseignement professionnel est suspendu. Les élus craignent l'impact financier de la réforme ; le transfert des crédits est reporté, freinant la dynamique du terrain et suscitant l'inquiétude des directeurs de conservatoires. Tandis que les élus dénoncent un déficit méthodologique et d'accompagnement de la part de l'État, les agents de celui-ci regrettent leur faible mobilisation. La concertation se poursuit. Où en est-on, monsieur le ministre ?
J'aimerais également avoir votre sentiment sur certaines propositions du rapport d'information, notamment l'idée d'une expérimentation dans les régions volontaires, la gouvernance du dispositif, le développement de coopérations aux niveaux régional et intercommunal, les partenariats.
Je veux enfin évoquer la place de l'enseignement artistique dans l'éducation nationale. Le 14 octobre, le Président de la République a présenté les lignes directrices de la réforme du lycée, où l'enseignement de disciplines artistiques retrouve toute sa place. Il a évoqué un enseignement transversal de l'histoire de l'art évalué au baccalauréat et la désignation au sein de chaque établissement d'un référent « culture ». Il faut, a-t-il dit, modifier nos manières de penser et considérer l'enseignement artistique et culturel comme une des missions fondamentales de l'éducation nationale, et non comme un corpus de disciplines relégué à la marge des emplois du temps. Je me réjouis que cet enseignement soit enfin considéré comme une nécessité pour nos enfants, tous nos enfants. L'État comme les collectivités locales ont le devoir de permettre son essor. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Ivan Renar. - Enseignement artistique, éducation artistique, tout est dans tout et le reste dans Télémaque... (On apprécie) L'enseignement artistique est essentiel à la vie culturelle et sociale, c'est une des clés de voûte de la nécessaire relance de la démocratisation culturelle. Si la première mission du réseau des conservatoires et des écoles de musique, de théâtre et de danse est de former les amateurs, il ne faut pas oublier leur rôle d'éducation culturelle et artistique. D'où la nécessité de passerelles entre ces écoles spécialisées et les établissements scolaires pour remédier à l'insuffisante démocratisation des enseignements artistiques. Le non-partage de l'art est comme une bombe anti-personnel, la cause de mutilations terribles. L'art est le champ de tous les possibles : chaque enfant doit disposer d'une piste d'envol pour développer ses potentialités.
L'enseignement artistique reste le parent pauvre des politiques publiques. L'article de la loi de 2004 relatif à l'enseignement artistique spécialisé est le seul qui n'ait pas été appliqué. La concertation avec les collectivités locales n'ayant pas abouti, la réforme est en panne, comme l'a relevé Mme Morin-Desailly. Comment s'en étonner dès lors qu'on demande aux collectivités d'assumer une charge que l'État n'a pas financée ? Les crédits d'État dédiés aux enseignements artistiques n'ont cessé de régresser ces dernières années ; aujourd'hui, les communes assurent 80 % du fonctionnement et sont bien seules pour financer les investissements dans les écoles de musique, de théâtre et de danse. Les grandes villes ont tendance à réduire les charges de centralité qu'elles supportent pour les cycles préprofessionnels afin de continuer à financer l'enseignement initial et les actions d'éducation artistique. Le transfert du financement des écoles supérieures d'art plastique vers les communes est d'autant plus désagréable que l'enseignement supérieur relève de l'État.
Il est logique de donner à la région un rôle majeur dans l'organisation du schéma régional des formations artistiques mais je comprends l'Association des régions de France qui rechigne à un transfert dépourvu des financements appropriés -qui plus est dans un contexte marqué par la suppression de la taxe professionnelle, la perte de l'autonomie fiscale et le poids des transferts non compensés. L'État est de plus incapable d'évaluer le coût du cycle d'enseignement professionnel initial (Cepi) ; procéder à une évaluation concertée aurait été bienvenu. On ne peut reprocher aux élus régionaux de ne pas s'être aventurés dans une réforme dont ils ignoraient l'impact financier ; et il est normal qu'ils veuillent définir eux-mêmes la hauteur de leur engagement, même si j'ai la conviction que le financement de l'art et de la culture est un investissement d'avenir.
La situation actuelle pénalise les régions les plus volontaristes, comme le Nord-Pas-de-Calais, la seule à avoir expérimenté le protocole de décentralisation sur les enseignements artistiques. Directeurs et enseignants ont la fervente volonté d'apporter le meilleur pour tous et les agents de l'État ont fait un excellent travail malgré le manque de crédits.
Parallèlement au Cepi, il faut veiller à ce que les élèves qui ne souhaitent pas s'engager dans la voie de la professionnalisation puissent continuer à s'épanouir. Les amateurs sont essentiels à la vie musicale. Si solfège et technique sont importants, le plaisir de la pratique l'est tout autant et doit être valorisé dès l'enfance. Il est à cet égard fondamental de promouvoir les pratiques collectives très gratifiantes mais trop souvent délaissées. Le plaisir de jouer ensemble, l'écoute de l'autre et le partage sont de puissantes motivations ; pouvoir se produire face à un public est le meilleur des encouragements. Il importe aussi de développer les disciplines insuffisamment représentées, musiques actuelles, musiques improvisées ou non européennes. Il est crucial d'élever le niveau de qualification des enseignants et d'ouvrir davantage les conservatoires et écoles sur la vie de la cité, les associations, la diffusion du spectacle vivant, les établissements scolaires ; de favoriser aussi les rencontres entre amateurs et professionnels.
Le rôle des « dumistes » est encore méconnu. Recrutés par les communes ou leur groupement, possédant un diplôme universitaire de musicien intervenant, les « dumistes » -je préside le centre de formation de Lille III- permettent chaque année à plus de 2 millions d'enfants de s'ouvrir à la musique, à la pratique instrumentale ou au chant. « Les enfants, là est la clé du trésor ! » disait André Malraux. La mission des « dumistes » doit être davantage valorisée auprès des écoles maternelles et primaires -ce qui suppose un engagement plus résolu de l'éducation nationale. Il faut permettre aux enfants de vivre une expérience où la pratique artistique s'allie à une approche culturelle ; c'est pourquoi la formation artistique et culturelle devrait être dispensée dans le cadre scolaire par des maîtres spécialisés, comme c'est le cas dans de nombreux pays étrangers. Chez nous, l'éducation artistique et culturelle semble condamnée à n'être que la variable d'ajustement des politiques éducatives, alors qu'elle est au centre de la vie et de l'humain. L'enseignement de la danse et de l'art dramatique est souvent inexistant alors qu'il existe une forte demande. Les départements souhaitent des mesures de rattrapage de l'État.
Le processus de Bologne impose un alignement de l'enseignement artistique supérieur sur le cursus universitaire européen licence-mastère-doctorat. Cette convergence des diplômes facilitera la reconversion des artistes ; mais prenons garde à ce qu'elle ne conduise pas à une uniformisation. Les écoles supérieures d'art ont chacune une histoire singulière ; véritables laboratoires, elles ne doivent pas perdre leur âme dans ce processus. La pratique artistique est une recherche permanente : ces écoles et les universités peuvent s'enrichir mutuellement. Les écoles supérieures d'art plastique jouent un rôle majeur dans la diffusion de l'art contemporain et la sensibilisation, qui permettent à chacun de s'approprier la création contemporaine. L'apprentissage du sensible ne doit plus être considéré comme facultatif et secondaire, c'est au contraire l'une des plus belles aventures humaines. L'enjeu de la démocratisation culturelle ne peut être abandonné au seul marché ; le rôle du service public de la culture est déterminant pour former sans formater. Il faut également relancer l'éducation populaire, alors que tant de nos concitoyens s'adonnent à une pratique artistique en amateur.
Si ce débat est bienvenu, il est en décalage avec la réforme territoriale qu'on nous annonce.
Comment ne pas relayer l'inquiétude des élus et du monde de la culture face à la mise en cause des cofinancements et de la clause de compétence générale des collectivités ?
Comme les Droits de l'Homme, la culture doit demeurer une responsabilité partagée. C'est bien l'engagement des collectivités locales qui a transformé le paysage artistique et culturel du pays en rapprochant partout l'offre du citoyen.
Cela dit, la démocratisation culturelle suppose l'éducation. Il est donc urgent que les deux ministères agissent de concert ! C'est une question de justice sociale, d'égalité des citoyens et de droit à la culture pour tous. Repris par la Constitution de 1958, le Préambule de 1946 proclamait déjà : « La nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation et à la culture. » L'enjeu de la culture pour tous est celui de la démocratie.
Plus que jamais, face à la montée des intégrismes, nous devons combattre tous les analphabétismes. Il faut apprendre l'art comme on apprend à lire et à compter. L'enseignement artistique et culturel ne doit pas être optionnel si l'on souhaite n'écarter personne. C'est à l'épreuve du feu qu'on se brûle, c'est à l'épreuve de l'art que l'on suscite le désir.
Trop tôt disparu, l'auteur et metteur en scène Jean-Luc Lagarce avait rappelé qu'une civilisation qui renonce à l'art, que la fainéantise inavouée et le recul sur soi poussent à s'endormir sur elle-même en renonçant au patrimoine en devenir pour se contenter bêtement des valeurs qu'elle croit s'être forgées et dont elle se contenta hériter, cette société-là oublie par avance de se construire un avenir et ne dit plus rien aux autres ni à elle-même. Les enseignements artistiques constituent le passage de témoin de la mémoire pour mieux inventer demain.
Je souhaite donc un engagement financier plus résolu de l'État non « pour diriger l'art mais pour mieux le servir » comme l'a si bien formulé André Malraux. Il importe que l'enseignement artistique soit diffusé sur l'ensemble du territoire à une époque où la culture conditionne la civilisation. N'oublions pas que l'intelligence est la première ressource de notre planète ! (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Françoise Cartron. - Je remercie Mme Morin-Desailly pour la grande qualité de son rapport d'information et pour sa proposition de loi destinée à sortir les enseignements artistiques de l'impasse où ils se trouvent actuellement. Faute d'engagement clair de l'État, il était indispensable d'engager le débat.
Je m'interroge cependant sur le sort de sa proposition de loi, qui n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour. Nous ne pouvons accepter le statu quo. Le législateur doit se pencher à nouveau sur l'organisation des enseignements artistiques. Sous une apparence technique se cache un enjeu politique majeur. Sur le plan national, nous devons définir l'enseignement dont bénéficieront nos enfants. Au niveau local, il faut ouvrir la voie à l'aménagement culturel du territoire et organiser ces enseignements pour qu'ils assurent l'émancipation culturelle et le lien social, pour qu'ils s'ouvrent à tous et sortent de l'élitisme où ils sont trop souvent confinés.
Le rapport d'information a montré que les réponses dépendaient bien souvent de l'État, mais je crois que la démocratisation des enseignements et leur inscription dans un projet territorial cohérent est insuffisamment abordée.
D'accord avec Mme Morin-Desailly, je constate l'échec de la loi du 13 août 2004, qui attribua aux régions l'organisation du cycle d'enseignement professionnel initial (Cepi). Les articles 101 et 102 de la loi sur les libertés et responsabilités locales ont attribué à chaque niveau de collectivité une compétence spécifique pour les enseignements artistiques. Les lois de 1983 avaient déjà transféré les compétences en ce domaine, sans préciser de répartition. En pratique, les écoles et conservatoires ont pour l'essentiel été pris en charge par les communes. La loi de 2004 a amorcé des projets territoriaux cohérents, dépassant l'horizon communal pour organiser des espaces de projets à l'échelle départementale ou régionale.
Ainsi, les départements devaient mettre en place dans les deux ans des schémas départementaux des enseignements artistiques. La nomenclature des établissements a été modifiée en conséquence, avec la création de conservatoires à rayonnement régional, départemental et communal. Cette réorganisation était accompagnée par un projet pédagogique ambitieux.
En effet, la loi confie aux régions la mission d'organiser et de financer les Cepi, sanctionnés par un diplôme national d'orientation professionnelle. Substitué aux anciens diplômés d'écoles, ce dispositif a une vocation nationale et pré-professionnalisante. Ainsi, l'État conserve le contrôle des enseignements, la définition du cursus et des cahiers des charge, enfin la labellisation des établissements. Le nouveau diplôme national ouvre l'accès aux centres d'études supérieures et permet de se présenter à certains concours de la fonction publique territoriale. Enfin, les régions percevront désormais en lieu et place des communes les crédits versés par l'État au titre de cette compétence.
Le blocage de la décentralisation des Cepi provient précisément de l'ambition pédagogique du cycle, puisque tout en renforçant les exigences et les coûts des formations, l'État n'a pas compensé la charge supplémentaire. D'où la réticence des régions, dont la grande majorité estime que l'État s'est indûment déchargé sur elles. Résultat : seulement deux d'entre elles ont mis en place des Cepi. La Commission consultative d'évaluation des charges a été saisie à plusieurs reprises mais l'État resté figé sur sa position malgré le coût induit par ses exigences pédagogiques.
Les régions ont fait un pas en avant, puisque l'ARF accepte de participer à l'organisation de ces cycles, notamment sur la base du conventionnement. Toutefois, elles demandent que les crédits alloués à ce titre continuent à être versés aux communes et aux groupements intercommunaux. La rédaction de Mme Morin-Desailly devrait satisfaire cette demande légitime puisque son article premier dispose que les régions organisent les Cepi et contribuent à leur financement. En outre, il dote les régions d'un outil de pilotage, avec la création d'une commission régionale des enseignements artistiques, lieu de concertation entre l'État et l'ensemble des collectivités territoriales, le rôle de chef de file revenant à la région qui devrait établir le schéma régional des enseignements professionnels. Cet outil de pilotage essentiel mettrait fin à une aberration : les départements élaborent un schéma sans le financer alors que la région finance sans pouvoir influencer la cohérence des enseignements artistiques sur son territoire. Il faudrait toutefois préciser le rôle et le fonctionnement de cette commission régionale.
La proposition de notre collègue reste en revanche imparfaite en matière de financement car les régions redoutent que les communes ne se désengagent totalement des Cepi, ce qui laisserait à la charge exclusive des régions la mise aux normes des conservatoires à rayonnement régional et départemental. Suggérant, à l'article 2, que les crédits soient versés aux régions conformément à l'article 102 de la loi de 2004, la proposition de notre collègue ignore la position de l'ARF, qui plaide pour un financement régional complétant la participation des communes et intercommunalités. Surtout, cette proposition de loi n'apporte rien quant à la compensation financière par l'État de ses ambitions pédagogiques.
L'incertitude totale sur les compétences et le financement des collectivités territoriales explique peut-être l'inscription à l'ordre du jour de la question orale au lieu de la discussion de la proposition de loi.
Enfin, il est paradoxal que l'État confie cette compétence coûteuse à des collectivités dont les dépenses sont déjà excessives à en croire le Président de la République.
La proposition de loi est digne d'intérêt mais il faut aller plus loin car l'excessive ambition du projet pédagogique ayant inspiré la loi de 2004 est au coeur du blocage actuel. Il faut donc s'interroger sur l'utilité des Cepi. On peut y voir un prolongement des études qui retarderaient de deux à trois ans l'entrée dans le métier des candidats à même de le faire. Pour les amateurs, l'intérêt du cycle reste à démontrer.
En outre, le diplôme délivré est purement franco-français, loin du standard LMD qui s'impose en Europe. Depuis la rentrée 2008, l'université publique développe des véritables diplômes professionnels au sein des pôles universitaires en musique-danse-théâtre. Pourquoi conditionner l'entrée dans ses pôles à l'obtention d'un diplôme intermédiaire extrêmement coûteux pour les collectivités mais dont la valeur serait exclusivement hexagonale ?
Réaliser le projet pédagogique des Cepi suppose de mobiliser des moyens humains. En 2004, le ministère de la culture n'a nullement pris en compte la situation précaire des enseignants dans les conservatoires et écoles de musique : ils sont trop souvent des vacataires perpétuels dont l'activité pourtant régulière est assurée par une succession de contrats à durée déterminée.
De nombreux enseignants sont contraints à être itinérants pour pouvoir gagner un salaire décent. Ce morcellement du travail, parfois entre deux départements, nuit à l'efficacité des enseignants et fait obstacle à leur implication. A cette précarité s'ajoute l'absence d'une formation continue de qualité, tant pour les enseignants que pour les directeurs d'établissements. Il arrive qu'on demande à des personnes formées sur le tas, qui n'ont reçu aucune formation pédagogique, de mettre en oeuvre un projet très exigeant.
Le projet pédagogique des Cepi a ceci de bon qu'il fait sortir les conservatoires d'une culture de la médaille d'or, qui privilégie la formation d'excellents praticiens au détriment de la transmission et du développement culturel par les arts pour le plus grand nombre. Enseigner les arts, ce ne doit pas être former des petits prodiges, c'est former de futurs médiateurs, des amateurs de haut niveau, qui formeront demain le terreau de la vie culturelle locale. Il faut donc sortir de cette culture du don et du talent que cultivent trop souvent nos conservatoires.
Toutefois, les Cepi n'apportent pas de réponse satisfaisante au manque de démocratisation des enseignements culturels. Avant de créer ces cycles intermédiaires, la loi de 2004 aurait dû renforcer les obligations de l'État et des collectivités en matière d'éducation artistique pour tous. La sensibilisation de tous les enfants aux différentes formes d'art est en effet le meilleur facteur de démocratisation des pratiques artistiques. Les crédits alloués par l'État et les collectivités aux enseignements artistiques méritent d'être réévalués à la hausse, mais pas uniquement pour créer des Cepi. L'enseignement musical reste un luxe, financier et aussi culturel, même si les communes prennent un charge une partie de la dépense. Vous avez évoqué l'expérience vénézuélienne ; j'ai pensé à ce que j'avais vu au Chili pour faciliter l'accès des jeunes aux pratiques artistiques.
La question de l'irrigation de nos territoires ruraux en enseignements artistiques de qualité a été trop mal abordée par la loi de 2004 et elle est absente de la proposition de loi de notre collègue. Nous devrons impérativement traiter ces problèmes et mettre en place des incitations réelles, sans quoi certains territoires resteront des déserts culturels. La décentralisation des enseignements artistiques est un enjeu politique majeur pour le développement culturel de nos territoires, un enjeu d'égalité des chances avec la démocratisation de cette transmission de la culture ; un enjeu économique enfin, puisque de très nombreux emplois, souvent précaires, sont concernés.
La proposition de notre collègue est un premier pas, qu'il faudra prolonger par d'autres, afin de mieux définir le rôle de l'État et de créer davantage de liens entre les différentes formations supérieures artistiques. Pour sortir réellement de l'impasse, il faut remettre tout l'ouvrage sur le métier, et repenser l'organisation de ces enseignements, en concertation avec les collectivités. C'est justement cette absence de concertation préalable, qui a été la cause de l'échec, à la fois administratif et pédagogique de la loi de 2004. Ne renouvelons pas cette erreur, si nous voulons être les conquérants de la culture dont parlait Malraux. (Applaudissements à gauche)
Mme Françoise Laborde. - Les enseignements artistiques participent de l'aménagement du territoire. Ils contribuent à la richesse de l'offre d'accès à la culture. Les bases de la réforme ont été lancées par la loi de 2004, qui en confiait la responsabilité aux collectivités territoriales sans pour autant en définir précisément les tenants et les aboutissants. Collectivités locales, régions, associations, professionnels ont fait part de leur vive inquiétude à propos de la définition du périmètre des compétences et des destinataires des crédits de l'État.
La réforme de l'organisation des collectivités territoriales est au coeur de nos préoccupations et avec elle, la problématique des transferts de compétences. Les transferts de crédits sont malheureusement rarement proportionnés aux besoins, il en est de même dans le secteur des enseignements artistiques. Depuis 2004, de l'eau a coulé sous les ponts, sans que la situation se clarifie ou que les décrets soient publiés. Seules deux régions ont procédé à des expérimentations. Les autres ont réalisé des études d'impact, exprimé haut et fort leur refus de financer en totalité le Cepi et surtout demandé une concertation préalable avec l'État. En vain.
Cela a motivé le rapport d'information de notre collègue Catherine Morin-Desailly, publié en juillet 2008. Pour tracer des pistes de sortie de crise, les raisons du blocage y sont exposées sans périphrase et l'exigence que l'État donne un coup de pouce financier est réaffirmée. L'éducation et les enseignements artistiques y sont présentés dans toute leur noblesse en termes de choix de société et d'aménagement territorial. Les objectifs de ce bilan d'étape sont louables : démocratiser la culture à titre amateur autant que professionnel, en valorisant l'orientation vers les métiers de la culture et en favorisant le partenariat entre collectivités publiques et acteurs privés.
Les conditions du succès de la réforme envisagée sont essentiellement d'ordre financier et méthodologique : expérimentations régionales, clarification des débouchés professionnels des formations artistiques, gouvernance régionale des enseignements, coopération intercommunale.
J'insiste sur la nécessaire coordination des actions artistiques et culturelles au sein de nos territoires. Respecter les équilibres entre privé et public, c'est renforcer les partenariats entre conservatoires et secteur associatif, multiplier l'effort de formation et assurer la représentation des acteurs du secteur privé dans la commission régionale des enseignements artistiques.
Depuis 2008, les questions du pilotage et du transfert des crédits restent sans réponse. Qui, des régions ou des communes, exercera la compétence en matière d'enseignement artistique ? L'Association des régions de France accepte un pilotage au niveau régional, avec un transfert de la mise en oeuvre aux communes et aux EPCI. C'est pour trancher cette question, madame Morin-Dessailly, que vous avez déposé votre proposition de loi, laquelle mérite mieux que les réticences du Gouvernement.
Vos recommandations sur l'éducation artistique et l'orientation professionnelle sont précieuses. La question de l'orientation est fondamentale pour la formation des futurs artistes et enseignants. Jusqu'à présent, seuls les élèves les plus doués ou bénéficiant d'un environnement familial favorable, pouvaient envisager de faire profession de leur passion et de leur talent. Demain, chacun aura droit d'être orienté dans son parcours artistique et de choisir en connaissance de cause entre la pratique en amateur et le cadre professionnel. Poser la question de l'orientation, c'est aussi s'intéresser aux métiers culturels dans toute leur diversité, rompant ainsi avec le mythe du jeune virtuose. Pourquoi un jeune pianiste ne pourrait-il pas se réaliser professionnellement en tant que programmateur de festival, disquaire ou administrateur d'orchestre ?
L'harmonisation des diplômes pourrait contribuer à rétablir l'égalité des chances, dans un secteur qui se complaît trop souvent dans l'élitisme. Actuellement, chaque conservatoire classé par l'État délivre son propre diplôme, dont la valeur est principalement liée à la réputation de l'établissement. Chacun sait qu'il vaut mieux apprendre la musique à Lyon qu'à Toulouse ! A quoi bon restructurer l'enseignement artistique supérieur si l'on ne crée pas un diplôme ouvrant la voie aux nouveaux cursus ?
La création d'une commission régionale des enseignements artistiques doit absolument être cadrée par la loi. Dans la négociation pour déterminer l'organisation du COP, l'État réapparaît comme acteur, alors que dans le texte initial, les régions devaient s'arranger seules. Il reste assurément le mieux placé pour prendre les initiatives de certifications.
Pour les départements, les communes et les EPCI, la proposition de loi de notre collègue ne présente que des avantages. Pour les régions, même si la transformation du Cepi en COP est susceptible de simplifier les choses, il faudra être vigilant quant à l'augmentation des volumes horaires prévus initialement. L'actuelle évaluation des coûts devra être ajustée pour que les crédits transférés couvrent effectivement les dépenses nécessitées par le pilotage et l'organisation du diplôme. L'inquiétude des régions est d'autant plus justifiée que cette réforme est une fausse décentralisation, l'État n'ayant jamais exercé cette compétence : s'il contrôle les schémas pédagogiques et le classement des conservatoires, ce sont bien les collectivités gestionnaires qui en assurent la bonne marche et en supportent l'essentiel des dépenses.
Si cette proposition de loi est mise à l'ordre du jour du Sénat et adoptée, elle lèvera les blocages, dans la mesure où les régions ne seront plus contraintes à l'action mais engagées à piloter la concertation et à conventionner avec les autres collectivités. Une ombre au tableau persistera pourtant : seules les régions volontaires avanceront et financeront au-delà des crédits transférés. Les autres pourront se contenter de reverser ces crédits aux conservatoires. De fait, les collectivités gestionnaires continueront d'agir selon leurs possibilités et les disparités territoriales que la loi était censée résoudre subsisteront. Restons optimistes...
Le statu quo conduirait à une profonde régression et mettrait les collectivités en grande difficulté face à l'opinion publique. Passer en force pour imposer une réforme à des collectivités récalcitrantes accentuerait le gâchis. La sortie de crise est attendue depuis cinq ans. Le rapport a été rendu il y a quinze mois... Après avril 2010, la proposition de loi de Mme Morin-Desailly pourra être étudiée par le Parlement pour ce qu'elle est et non pas exploitée à des fins politiciennes voire électoralistes.
Monsieur le ministre, pouvez-vous en prendre l'engagement devant nous ? (Applaudissements au centre)
Mme Maryvonne Blondin. - La loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales posait, dans ses articles 101 et 102, les principes de la répartition des responsabilités en matière d'enseignements artistiques, mais elle est restée au milieu du gué, ce qui a entraîné les blocages que l'on sait et c'est pourquoi je remercie Mme Morin-Desailly d'avoir relancé le débat. Je voudrais illustrer les rôles respectifs de l'État et des collectivités locales en ce domaine avec l'exemple de mon département, le Finistère, et de ma région, la Bretagne.
L'éducation nationale est le premier acteur concerné. A cet égard, je citerai -je ne le fais pas souvent- le Président de la République...
Mme Françoise Laborde. - Surprenant ! (MM. Jean-Luc Fichet et Jacky Le Menn le confirment)
Mme Maryvonne Blondin. - ...dans son discours sur la réforme des lycées. « Dans le lycée de demain, l'art et la culture feront partie de la vie quotidienne des élèves (...) La part faite aux enseignements culturels et artistiques est scandaleuse. Nous accordons très peu de considération à ces matières enseignées la plupart du temps en fin de journée ». Il a par ailleurs souhaité la désignation dans chaque lycée « d'un référent culture » choisi parmi les professeurs et chargé des relations de l'établissement avec le monde culturel environnant. On ne peut qu'approuver ces engagements, mais qu'en est-il des moyens qui y sont liés ? Comment créer de nouvelles responsabilités au sein du lycée, si le nombre d'enseignants diminue constamment ? L'éducation nationale subit en effet, à chaque rentrée, suppressions de postes et diminutions de places au Capes.
Pour étayer mes craintes, je continue de citer le Président qui, prenant appui sur son ministre de l'éducation nationale, Luc Châtel, précise que l'État financera les projections de films dans les lycées professionnels « s'il le faut ». C'est ce « s'il le faut » qui m'inquiète. Il n'est pas concevable de se contenter d'une telle approximation ! D'autant plus que le projet de loi de finances prévoit une baisse, de 50 % dans le premier degré et de 14 % dans le second, des moyens destinés aux actions pédagogiques et partenariats dans les domaines artistique et culturel.
Mais « ce n'est pas une affaire, d'argent, on va donner le matériel à tout le monde, c'est une affaire de volonté ». Les paroles sont belles mais l'air est trop connu et la chanson est bien triste... Or cette question est capitale car c'est en milieu scolaire que les inégalités sociales face à l'accès à la culture doivent être corrigées. Nous venons de travailler sur un rapport d'information établi dans le cadre de la mission jeunes qui fait apparaître la nécessité « de prendre en compte toutes les compétences des élèves pour mettre un terme aux sorties du système éducatif sans aucun diplôme, certification ou attestation ». Or, l'éducation artistique fait partie de ces compétences capables de révéler des élèves qui ne s'illustrent pas dans les cours traditionnels. Il faut sortir de la culture du diplôme et permettre aux élèves les moins scolaires d'acquérir d'autres compétences. Ce point a d'ailleurs été largement repris dans l'allocution du Président de la République, le 13 octobre, où il demande de valoriser non seulement les savoirs mais aussi les savoir-faire et le savoir-être. « C'est l'éducation culturelle qui apprend à travailler efficacement ensemble dans le respect et la compréhension. L'éducation artistique donne aux jeunes le courage de franchir les frontières et de développer pleinement leur personnalité et pas seulement leurs talents intellectuels ». Ce n'est pas un ministre de l'éducation ni un chef d'État qui dit cela mais une femme, chef d'entreprise, directrice de Technologies Austria : Monika Kirschner Kohl. Dans le rapport de juillet 2009 établi par la commission Culture du Conseil de l'Europe, Christine Muttonen rappelle que « les établissements d'enseignement doivent mettre sur pied des projets internationaux de coopération dans le domaine de l'éducation culturelle. Les États membres doivent soutenir les établissements dans ces projets par des actions de sensibilisation ou l'octroi de financements ». La recommandation au Pisa -Programme international de suivi des acquis élèves mené par l'OCDE- demande d'inclure « le sens civique et les compétences créatives » dans le champ d'évaluation des élèves.
La mission d'éducation culturelle et artistique relève de la responsabilité de l'État mais l'efficacité de son action sera d'autant mieux garantie qu'il pourra compter sur le relais des collectivités territoriales dont la proximité est un atout. Mais ce relais ne peut s'effectuer que si les moyens adéquats sont alloués. Les collectivités territoriales s'impliquent fortement dans l'enseignement artistique, comme le souligne notre collègue : « la politique nationale est relayée et portée par les collectivités territoriales (...) ce sont les communes ou leurs groupements qui assument une part prépondérante du financement ». Il est donc incompréhensible que la loi de 2004 se soit contentée d'affirmer le rôle respectif des régions, des départements et des communes sans préciser les clés de répartition des financements entre collectivités.
Le Finistère a choisi de s'impliquer fortement dans ce domaine de compétence -non obligatoire pour un département. Mais, par sa connaissance du territoire, par sa proximité, il est seul à même d'assurer la cohérence d'une pratique culturelle adaptée et de garantir l'accès de tous à la culture. Cette cohérence, c'est l'ambition même du schéma de développement des enseignements artistiques mis en place dans le Finistère. Un état des lieux des enseignements artistiques a été réalisé en 2007 et une définition des différents niveaux d'écoles établie avec, bien entendu, des modalités d'attribution financières spécifiques et des primes données au regroupement intercommunal. Trois niveaux ont été distingués : écoles de musique et de danse de rayonnement local, de rayonnement intercommunal, introduction du volet art dramatique et arts du cirque. Ce schéma, bien accepté, commence à remplir son objectif : garantir l'accessibilité des enseignements artistiques au plus grand nombre, en améliorant la complémentarité des offres, en dynamisant le secteur et en fédérant l'ensemble des acteurs locaux. Avec ce schéma, le département a aussi l'ambition de confirmer le rôle des pratiques artistiques amateurs dans le développement culturel et local. L'enjeu est important car il s'agit de toucher le public le plus large possible et de favoriser les passerelles entre les pratiques amateurs et l'enseignement académique. En décembre 2008, alors que de nombreuses associations s'inquiétaient d'un projet de réglementation des pratiques amateurs au regard du code du travail, j'ai interpellé la ministre de la culture sur les risques d'une telle mesure ! J'ai rappelé l'importance de notre culture bretonne, dont les pratiques amateurs sont le terreau. Pour le seul secteur musique, chant et danse de Bretagne, 40 à 50 000 personnes se mobilisent régulièrement, professionnels et amateurs bénévoles mélangés ! La ministre m'a répondu qu'une réglementation par voie législative n'apparaissait pas adaptée à la diversité des situations et que ce sont des pistes alternatives, de nature contractuelle, qui seront explorées en concertation avec les collectivités territoriales, les professionnels et les artistes amateurs. Donc j'attends !
Pour donner la mesure de l'enjeu, je citerai les deux grandes fédérations de la culture bretonne qui assurent, par convention avec le conseil général, des actions de sensibilisation ou qui accompagnent la création, la diffusion et la transmission des savoirs par la formation dispensée aux jeunes aux quatre coins du département. De plus, « Musique et danse en Finistère » propose un plan de formation continue non diplômante, à destination des enseignants, artistes amateurs et animateurs culturels.
Voilà un exemple de collaboration réussie, fruit de l'initiative locale. Maintenant, permettez-moi d'évoquer le niveau de quatre écoles d'art plastique à rayonnement régional, dont deux dans le Finistère. Elles ont décidé, à titre expérimental, de se réunir en un seul établissement public de coopération culturelle (EPCC), représenté par quatre pôles. Nous en sommes à la mise en place de la structure. Le décret fixant les conditions dans lesquelles les établissements d'enseignement supérieur d'arts plastiques sont autorisés à délivrer les diplômes nationaux étant toujours en préparation, ces établissements, lassés d'attendre, ont pris les devants. Le projet est soutenu par la Drac mais aussi par le conseil régional qui avait déjà affiché sa volonté de considérer les écoles supérieures d'art de Bretagne comme une des priorités de la politique culturelle régionale. Cet EPCC prendra en charge, avec l'appui des ministères de la culture et de l'enseignement supérieur, les cycles d'enseignement supérieur licence-maîtrise-doctorat. Le projet pédagogique retenu par l'établissement de coopération repose ainsi sur le travail en réseau mené depuis plusieurs années par les directeurs de chacune des écoles. La réforme de l'enseignement supérieur amène tous les établissements d'enseignement supérieur artistique et culturel à acquérir leur autonomie juridique. La coopération entre collectivités territoriales a constitué, avec l'appui de l'État, la seule solution envisageable pour la survie des filières culturelles et artistiques supérieures dans les territoires où elles sont implantées. La région apparaît ici comme un échelon de coordination pertinent car c'est sur le libre arbitre de chaque collectivité que s'articule le projet. Une région « chef de file » me paraît tout à fait concevable dans ces circonstances.
Le débat d'aujourd'hui va se heurter, comme tant de projets de loi, à la réforme des collectivités et de la fiscalité locale. Qui, demain, aura la compétence dans ce domaine ? Tout ce réseau de coopération, de formation et de transmission risque de s'écrouler comme un château de cartes si les différentes collectivités ne sont plus en mesure de le financer. Leur capacité financière étant dramatiquement réduite par la suppression de la taxe professionnelle, apparaîtra alors le recentrage sur les compétences qui leur seront exclusivement dévolues. Nous espérons, monsieur le ministre, que les transferts seront correctement compensés. (Applaudissements à gauche)
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - « Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends » : cette maxime de Benjamin Franklin me semble emblématique de la question qui nous occupe aujourd'hui, celle des enseignements artistiques dispensés dans nos conservatoires, sur tous nos territoires.
Tout art nécessite une initiation pour être saisi dans ses beautés, ses nuances, sa profondeur, mais aussi pour être pratiqué dans les règles de l'art. C'est sur cette évidence qui, comme toute évidence, a besoin d'être répétée, ou en tout cas rajeunie, que je fonde ma volonté de faire de la transmission une priorité de mon action. L'idéal de la transmission doit devenir une réalité non seulement pour l'accès aux oeuvres et la mise en perspective historique, mais aussi pour l'initiation aux pratiques artistiques. Ces trois exigences de l'accès aux oeuvres, de la culture générale et de la pratique artistique sont étroitement liées car la pratique, pour reprendre le mot de Benjamin Franklin, est sans doute ce qui implique le mieux l'élève. Quand bien même celui-ci ne deviendra pas un Mozart ou un Gérard Philipe, elle est le premier pas vers la connaissance. La pratique est un peu, toutes choses égales, à l'image des approches comportementales prônées par certains psychologues, une manière d'entrer pleinement dans un sujet. Après le célèbre « mettez-vous à genoux et vous croirez » de Pascal, j'ai envie de dire « pratiquez un art et vous deviendrez un amateur respectueux des vrais talents ». L'initiation à la danse, à la musique ou encore au jeu scénique, outre qu'elle est la garantie d'un épanouissement personnel, élève le niveau d'attention aux arts de toute la société. Cette disponibilité aux arts est indissociable de la santé d'une démocratie parce que les arts aident chacun à se ménager un espace de réflexion et, donc, de liberté. Loin d'une société du spectacle fondée sur un consumérisme passif, les arts et leur pratique nous aident à bâtir une démocratie ouverte et civilisée, une République dont l'un des piliers, moins visible que d'autres mais tout aussi nécessaire, est la culture, littéralement le fait de ne pas laisser ses talents en friche. Ces principes répondent à la volonté du Président de la République d'accorder une nouvelle place à la culture, notamment dans le cadre de la réforme du lycée présentée le 13 octobre, qui se traduira par la mise en place ambitieuse et tellement attendue d'une histoire des arts à l'école, à laquelle je travaille assidûment avec M. Chatel.
Aujourd'hui, le débat porte sur l'apprentissage des pratiques artistiques dans les conservatoires à la suite des travaux si judicieux de Mme Morin-Desailly. Ma politique de transmission doit reposer sur un partenariat solide et clarifié avec les collectivités territoriales. Vous connaissez, en effet, l'importance acquise par ce réseau depuis l'impulsion donnée par Marcel Landowski en 1967. Aujourd'hui, 150 000 élèves sont accueillis dans quelque 500 établissements, dont 283 conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal, 106 conservatoires à rayonnement départemental et 42 conservatoires à rayonnement régional. Ce réseau témoigne de l'ambition de l'État et des collectivités de favoriser l'accès du plus grand nombre à une pratique artistique, notamment musicale. Plus de vingt ans après la loi de 1983 qui a transféré l'enseignement artistique aux collectivités, de nouveaux besoins se sont fait sentir. Tout d'abord, une clarification d'un système devenu trop complexe. Ensuite, la volonté d'une meilleure répartition d'un service. Enfin, la nécessité d'assurer la transition entre la pratique amateur et la formation professionnelle et de distinguer les cursus selon les finalités. Il s'agit tout à la fois de maintenir un enseignement pour amateurs tout au long de la vie et de dessiner une voie sinon royale, du moins praticable, pour les futurs professionnels. La loi du 13 août 2004 cherchait à répondre à ces besoins avec la configuration suivante. Tout d'abord, les communes se chargeraient du gros oeuvre de l'initiation et des pratiques amateurs, travail forcément très variable mis en cohérence au sein des schémas départementaux de développement des enseignements artistiques. L'État, pour sa part, devait se charger de l'enseignement supérieur -soit des établissements tels que le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris et celui de Lyon- et du contrôle pédagogique de l'ensemble des établissements. Enfin, les régions, désormais pourvues de la compétence de la formation professionnelle, prenaient en charge le chaînon manquant entre la simple initiation et la carrière professionnelle : le cycle d'enseignement professionnel initial ou Cepi, cycle de deux ans au cours duquel la motivation et les qualités artistiques des élèves sont mises à l'épreuve avant le grand saut dans la carrière professionnelle. Tel était le schéma idéal dessiné par la loi. Or les plus belles constructions de l'esprit, de La république de Platon au Télémaque de Fénelon, ne trouvent pas toujours une parfaite application dans la réalité... En l'occurrence, les régions ont parfois hésité à se saisir pleinement de cette nouvelle compétence, la situation a connu une forme indéniable de blocage. Et, enfin !, Mme Catherine Morin-Desailly vint...
L'immense travail que Mme Morin-Desailly a conduit sur le terrain, sans oeillères et sans préjugés, a abouti à un rapport remis le 24 juillet 2008. Ce texte d'une grande sagacité pose les bases d'une nouvelle réflexion entre tous les acteurs. Pour répondre à la demande des collectivités, l'État, dès le 10 juillet 2008, a mis en place un groupe de travail consacré aux enseignements artistiques au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Le rapport sans concession de Mme Morin-Desailly met en évidence ce qui manquait à la loi de 2004 : un consensus autour du caractère prioritaire des enseignements artistiques en France et une implication des élus dans une réforme fortement portée par les professionnels. Les travaux du Conseil des collectivités et notre débat d'aujourd'hui montrent que le message a été entendu. A nous de faire en sorte que cette prise de conscience se traduise par des décisions.
L'enjeu, Mme Morin-Desailly l'a rappelé, est de briser la glace de l'intimidation sociale -thème cher à mon coeur- qui éloigne encore trop souvent nos concitoyens des arts et de la culture. Le développement de la pratique amateur doit être clairement la première mission des conservatoires. Le débat sur les Cepi a confirmé, s'il en était besoin, que la tendance naturelle de ces établissements est de se concentrer sur le repérage des futurs professionnels, qui ne représentent qu'une minorité des élèves. L'objectif des conservatoires doit être d'accueillir le maximum d'élèves, notamment les plus éloignés de la culture, d'aider à l'avènement de cette « culture pour chacun » que j'appelle de mes voeux. Nous devons sortir de ce mal français de la voie royale dont l'étroitesse étouffe trop de vocations et empêche l'épanouissement artistique et culturel.
Catherine Morin-Desailly souhaite à juste titre que l'on passe d'un système pyramidal, fondé sur l'idée d'une destination professionnelle obligée, à une logique d'aiguillage -de la pensée unique de la professionnalisation à la liberté et à la souplesse de l'orientation. Cette exigence est d'ailleurs plus généralement celle du Gouvernement en matière d'enseignement et elle correspond aux compétences professionnelles des régions. Le Cepi sera changé en COP : il ne s'agit pas d'argot américain mais simplement d'un « cycle d'orientation professionnelle ». Cela répond à une préoccupation essentielle et à une responsabilité collective, celle de mieux maîtriser le flux des jeunes qui se dirigent vers les métiers du spectacle et de mieux former ceux qui choisissent ces parcours d'exception.
Catherine Morin-Desailly a indiqué les principales causes du blocage, dont l'estimation erronée des coûts de la réforme. Les expérimentations menées dans le Nord-Pas-de-Calais et en Poitou-Charentes ont permis de rectifier les erreurs et de dépassionner le débat. Beaucoup de points ont fait l'objet d'un accord, notamment au Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Toutefois, une question cruciale reste en suspens : les crédits de fonctionnement, d'environ 30 millions d'euros, soit 9 % du budget global des enseignements artistiques spécialisés que l'État verse aux communes pour les conservatoires. Alors que l'État n'est plus compétent dans ce domaine depuis plus de vingt cinq ans, il détient encore les crédits correspondants, qui ne sont pas directement mis à la disposition des collectivités territoriales compétentes.
La loi de 2004 prévoyait un transfert de ces crédits aux régions et aux départements, selon des clés de répartition fixées par les Drac. D'après le rapport de Catherine Morin-Desailly et les débats du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, une solution plus simple et plus lisible est préférable. Aucun consensus n'a toutefois pu se dégager sur ce sujet. Trois possibilités s'offrent à nous. Tout d'abord, nous pouvons élargir aux communes la liste des collectivités attributaires des crédits de l'État qui transitent par les Drac, et ainsi mettre fin à une situation où la loi n'est pas appliquée car trop restrictive. Chaque Drac attribuerait les crédits de l'État aux différentes collectivités en fonction de leur implication réelle. Ensuite, nous pouvons transférer l'ensemble de ces crédits aux communes, qui créent et financent les conservatoires. Enfin, nous pouvons faire bénéficier les régions de ce transfert, dans l'esprit de loi de 2004, et ainsi accompagner la mise en place des COP. Dans ces deux derniers cas, les départements recevraient une contribution unique et forfaitaire correspondant à l'élaboration des schémas départementaux.
La première solution présente l'avantage d'une grande souplesse mais elle risque de créer des inégalités entre nos territoires. Le transfert aux communes s'adapterait à l'existant et renforcerait les opérateurs mais il serait sans doute moins efficace pour maîtriser le développement des COP. L'Association des régions de France (ARF) s'est prononcée pour cette solution par une lettre adressée au ministre de la culture le 30 juin dernier. Quant au transfert aux régions, plus ambitieux, il est défendu par la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), par l'Association des maires des grandes villes de France (AMGVF) et par Catherine Morin-Desailly. Il permettrait de mieux répartir et coordonner l'offre et correspond aux compétences des régions en matière de formation professionnelle et d'emploi.
Quelle que soit l'issue de cette réforme, nous serons passés d'une vision pyramidale de l'enseignement spécialisé, de l'amateur au grand interprète, aux parcours diversifiés des amateurs, pour qui la pratique d'un art est un vecteur d'épanouissement, et des artistes, dont il faut accompagner l'entrée dans une carrière difficile et exigeante. Grâce à ce travail de décryptage, nous pouvons clairement envisager les trois solutions possibles. Elles impliquent une modification législative, et parfois une modification de la répartition des compétences des collectivités territoriales par rapport à la loi de 2004. Elles ne peuvent être isolées du chantier de réforme des collectivités territoriales qui nous attend, dont un premier projet a été présenté au conseil des ministres le 21 octobre. Nous devons tenir compte de la mutation prochaine de la carte des territoires avant de choisir une des solutions proposées. Le temps de l'harmonisation et de l'ajustement s'impose -et ce n'est en aucune manière un procédé dilatoire. Il peut être employé à débattre de cette alternative complexe et à tirer le meilleur parti du travail remarquable de Catherine Morin-Desailly.
Soyez assurés de ma volonté de régler ces questions, en lien étroit avec Brice Hortefeux, dans le cadre de la réflexion d'ensemble sur les compétences des collectivités territoriales. Je souhaite que nous trouvions rapidement la solution la plus adaptée, sans perdre l'acquis des travaux et des échanges qui se sont tenus durant ces derniers mois. Dans cette attente, l'État continuera à verser ces crédits aux établissements en 2010. A brève échéance, nous mettrons en place un système d'enseignement spécialisé satisfaisant pour les amateurs comme pour les professionnels, et respectueux des prérogatives et des ambitions des collectivités territoriales. Pour cela, nous aurons besoin de la sagesse pragmatique de Franklin, c'est-à-dire de savoir impliquer et nous impliquer. (Applaudissements à droite et au centre)
La séance, suspendue à 16 h 55, reprend à 17 heures.
Recherches sur la personne
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux recherches sur la personne.
Discussion générale
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Madame la présidente de séance, madame la présidente de la commission, madame la rapportrice, la ministre de la santé vous salue et espère que ces messieurs ne se sentent pas trop seuls... (Rires)
Je sais gré à votre commission des affaires sociales de son analyse pertinente du texte et des améliorations qu'elle y a apportées. La recherche médicale, en particulier la recherche sur la personne, est l'une des priorités de mon ministère. L'ambition de la proposition est d'accroître la protection des personnes tout en simplifiant une réglementation actuelle confuse, parfois inapplicable. Elle élargit le périmètre de la loi, valable aujourd'hui pour les recherches interventionnelles et qui s'étendra demain aux recherches observationnelles. Elle établit pour toutes les recherches sur la personne un socle réglementaire commun : avis obligatoire d'un comité d'éthique, le comité de protection des personnes (CPP) et désignation d'un responsable de la recherche, le promoteur. Trois catégories de recherche ont été identifiées en fonction du risque encouru par le patient : les recherches interventionnelles comportant un risque certain, même s'il n'est que potentiel ; les recherches comportant un risque négligeable ; enfin, les recherches non interventionnelles.
Votre commission a apporté des améliorations substantielles à la petite loi ; elle en a accru les ambitions. Elle instaure notamment une commission nationale des recherches impliquant la personne, instance d'appel pour les projets ayant reçu un avis négatif en première analyse par un comité de protection des personnes (CPP). L'indépendance de l'avis devra être garantie. Cette commission sera également en charge de l'harmonisation des pratiques des comités : c'était une demande du sénateur Huriet en 2001 et de l'Igas en 2006. Le périmètre d'intervention de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a été étendu à l'ensemble des recherches sur les personnes : l'agence exercera pleinement son pouvoir de police sanitaire. Vous étendez aux CPP la possibilité de donner un avis sur des recherches dont le promoteur est français mais qui se déroulent hors de l'Union européenne : vous répondez ainsi aux préoccupations du Conseil de l'Europe ou de l'Unesco.
Toutefois, j'ai déposé plusieurs amendements apportant des ajustements dans votre texte. Vous rattachez la nouvelle commission nationale à la Haute autorité de santé. Ce choix ne me paraît pas le meilleur. La Haute autorité n'a ni l'expérience ni la culture de la recherche et ne souhaite pas exercer cette tutelle. C'est le rattachement au ministre de la santé, responsable de la politique de recherche clinique et garant de la protection des personnes, qui est légitime.
Un autre amendement concerne les modalités d'autorisation, car il ne saurait y avoir de recherche sur la personne humaine sans garanties fortes. Aujourd'hui, toute une catégorie de recherche en santé publique, dans le domaine de la prévention, se trouve dans une zone grise. L'avis d'un comité de protection de personnes sera un progrès majeur. Pour autant, le recueil du consentement des personnes doit être adapté aux risques encourus. Personne ne comprendrait que des contraintes disproportionnées rendent matériellement impossible la réalisation de recherches présentant un intérêt de santé publique. Pour comparer l'efficacité de deux campagnes de prévention menées dans deux villes différentes, faudra-t-il recueillir le consentement individuel et écrit de tous les habitants de ces deux villes ? Renoncera-t-on à cette étude s'il en manque un ? Je proposerai donc, lorsqu'une recherche présente un intérêt de santé publique et un risque minime, voire nul, et lorsque le recueil du consentement est excessivement lourd, que le CPP puisse donner son autorisation dès lors que les personnes concernées reçoivent une information collective et conservent la possibilité de ne pas participer.
Nous sommes tout près d'adopter un grand texte législatif, qui marquera une date, comme le fit la loi Huriet-Sérusclat.
M. François Autain. - Il ne faut pas exagérer.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - La proposition fixe le cadre de toutes les recherches sur la personne et les entoure de garanties très fortes. (Applaudissements à droite)
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur de la commission des affaires sociales. - La proposition de loi de M. Olivier Jardé est enfin soumise à notre examen, différé du fait de la discussion de la loi Hôpital, santé, patient, territoire. Nous avons donc eu le temps de la réflexion, c'est utile. En revanche, je ne comprends pas qu'un texte d'une telle portée soit inscrit à l'ordre du jour à la veille du week-end de la Toussaint et que l'on y consacre seulement deux heures, contre trois semaines pour un texte sur les OGM. Il s'agit ici rien moins que de décider quel doit être l'équilibre entre développement de la recherche et protection des personnes qui s'y prêtent.
La recherche médicale est porteuse de mieux-être, mesuré à l'aune de l'espérance de vie. Entraver la recherche, c'est entraver le progrès social et la lutte contre les grandes menaces sanitaires. Une société qui se défie de sa science se destine à la paralysie et à l'obscurantisme.
Mais quel prix sommes-nous collectivement prêts à payer pour quelques années de plus ? Les malades qui participent à un protocole expérimental sont-ils traités au mieux de leur intérêt ? La recherche clinique ne leur profite pas toujours directement, elle est faite de tâtonnements, d'erreurs, d'approximations. La finalité est collective, non individuelle. Il ne s'agit pas de sauver une vie mais d'étudier une problématique ; le sujet malade est objet de recherche. La relation médecin-patient relève du colloque singulier, celle qui lie le chercheur et le malade est régie par les impératifs du protocole. La personne qui s'engage le fait pour elle-même et pour les autres mais elle supporte seule le risque. Nous ne pouvons nous contenter de cueillir les fruits sans examiner ce qui est consenti par le patient. Le risque doit être limité au maximum. Mais jusqu'où aller sans aboutir à l'interdiction pratique de la recherche ?
Après le sommet de l'horreur atteint durant la seconde guerre mondiale, la justice internationale a dégagé, à l'occasion du procès des médecins nazis, les dix principes de Nuremberg, fixant les conditions d'une recherche qui ne porte pas atteinte à la dignité de la personne. Il y a eu ensuite la déclaration d'Helsinki, élaborée par l'Association médicale mondiale en 1964 et la convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée par la France dans le cadre du Conseil de l'Europe en 1997. Ces textes n'ont pas encore force contraignante dans notre droit mais leur contenu y est intégré depuis longtemps.
La loi du 20 décembre 1988 sur la protection des personnes, dite loi Huriet-Sérusclat, encadre la recherche biomédicale sur la personne. Elle a été modifiée par la loi de 2004 sur la politique de santé publique. Ces textes offrent aux chercheurs un cadre juridique clair, des garanties en termes de responsabilité ; et aux personnes, une assurance que leur intérêt primera toujours sur celui de la science. Les comités de protection des personnes réunissent à parité des scientifiques et des personnes qualifiées issues de la société civile. Ils contrôlent les protocoles de recherche médicale.
La commission des affaires sociales est restée fidèle aux principes posés par MM. Huriet et Sérusclat. Nous avons reconnu l'apport d'un examen unifié de l'ensemble des protocoles par les CPP et accepté la distinction entre recherche interventionnelle et recherche observationnelle. Mais elle a refusé, dans la recherche interventionnelle impliquant des soins, de graduer le consentement en fonction du risque.
Un risque, même supposé minime, quand il y a soin, change la nature de la relation entre le médecin et le patient. Dès que l'on passe du soin à la recherche, la personne doit en être consciente et accepter le protocole. Lorsque la recherche est interventionnelle, le consentement libre et éclairé ne suffit plus, il faut qu'il soit écrit. Les critiques qui arguent de la lourdeur du recueil du consentement sont bien inférieures aux enjeux, comme si le temps des chercheurs était trop important pour qu'ils le perdent auprès des patients...
La commission a allégé les contraintes administratives qui pèsent sur les chercheurs ; elle a, par exemple, amorcé la simplification de l'examen des protocoles de recherche par la Commission nationale informatique et libertés. Il vous appartiendra, madame la ministre, de la conduire à son terme avec les lois bioéthiques. Avec le même pragmatisme, un amendement prévoit que les comités de protection des personnes pourront qualifier de manière différente les étapes d'une recherche et distinguer ce qui relève de l'observationnel, qui ne requiert pas de consentement écrit, et ce qui procède de l'interventionnel, pour lequel il est nécessaire.
La commission des affaires sociales a entendu les chercheurs dont le travail ne sera pas entravé inutilement. Les comités de protection des personnes sauront faire une application judicieuse de ces dispositions. Au demeurant, les chercheurs qui participent à des protocoles européens sont déjà contraints de recueillir le consentement écrit du patient.
Faisons confiance aux chercheurs qui composent la moitié des comités de protection des personnes. Ils préserveront l'éthique sans interdiction idéologique mais en veillant au consentement des personnes. Je rends hommage à leur action : la commission souhaite d'ailleurs renforcer les comités par une distribution aléatoire des protocoles. Une commission nationale harmonisera les pratiques. Pour préserver les finances publiques, nous l'avons rattachée à la Haute autorité de santé mais il faudra un jour en faire une autorité indépendante.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Très bien !
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Le rôle du ministère de la santé est d'orienter la recherche et de permettre la mise en oeuvre de ses résultats ; la Haute autorité garantit l'éthique de la recherche. Ce sont deux fonctions distinctes.
Nous avons essayé d'être les plus pragmatiques possible tout en nous plaçant au plus haut niveau d'éthique. Recherche et protection des personnes sont deux aspects de la dignité de la personne, préservée dans sa santé et dans l'intégrité de son corps, confiante dans les soins qu'elle reçoit et libre de ses choix. Tel est le sens du texte et de nos amendements sur cet enjeu fondamental. (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs bancs à gauche)
Mme la présidente. - La Conférence des Présidents avait décidé d'arrêter nos travaux à 19 h 30. Je serai donc obligée de lever la séance à 20 heures. J'invite chacun à respecter strictement son temps de parole.
M. François Autain. - Nous sommes quelques-uns à nous étonner que M. Olivier Jardé nous ait ainsi infligé toutes affaires cessantes une septième modification de la loi Huriet-Sérusclat promulguée en 1988, après celle de 2008, les deux de 2006, celles de 2004.... Je déplore qu'on n'ait pas attendu les lois bioéthiques d'autant que, pour lui donner une justification a posteriori, les députés ont érigé la recherche sur la personne en priorité nationale. Je suis en total désaccord avec cette initiative malencontreuse. Ce type de recherche ne saurait que servir la personne ; un projet réduisant celle-ci à l'état d'objet serait contraire à la déclaration d'Helsinki ratifiée par la France et qui dispose que dans la recherche médicale sur les sujets humains, les intérêts de la science et de la société ne doivent jamais prévaloir sur le bien-être des sujets. Cette proposition pousse à s'abstraire du cadre contraignant des recherches sur l'homme. Je suis heureux de constater que notre commission a sagement rectifié le tir.
Le texte clarifie les différentes étapes de la recherche sur le patient ; il précise les règles pour la recherche non interventionnelle qui avait subi des dérives. Cependant, le travail amorcé au Sénat a été entrepris dans de mauvaises conditions ; nous n'avons pas disposé de temps pour les auditions sur ces sujets pointus soulevant des questions d'éthique fort compliquées, subtiles et ardues. Je souligne néanmoins l'ouverture dont a fait preuve Mme Hermange, qui a accepté certains de nos amendements. La commission a corrigé la proposition sur la recherche interventionnelle, laquelle ne peut être menée sur les personnes ne bénéficiant pas de l'assurance maladie, non plus que sur les enfants si le double consentement n'est pas réuni.
Une commission nationale coordonnera et évaluera l'action des comités de protection des personnes. Madame la ministre, je ne peux qu'être opposé à votre amendement qui la retirerait à la Haute autorité de santé pour la placer sous votre tutelle directe. La répartition aléatoire des projets de protocoles est la seule garantie d'équilibre entre comités. Or depuis 2004, on n'a pas mis en place l'évaluation des comités dont devait dépendre leur agrément. En l'absence de publication de l'arrêté ministériel fixant leur règlement interne, le groupe de travail constitué en 2006 a été suspendu en 2008 sans avoir élaboré de référentiel. Vous disposerez, grâce à la commission, du référentiel qui vous faisait défaut.
Même si certaines dérives ont été contenues, l'article 2 reste en l'état, faute de temps pour une réflexion approfondie. Il s'agit pourtant d'un changement fondamental du financement de la recherche interventionnelle. Il est inacceptable qu'il incombe à l'assurance maladie et que celle-ci ne soit remboursée, quelle générosité !, qu'en cas de commercialisation -encore faut-il que le remboursement soit total.
Or il ne semble pas que toutes les garanties soient offertes sur ce point. L'assurance maladie devient ainsi une sorte de « capital-risqueur », un mécène indifférent au retour sur investissement. J'aurais préféré un mécanisme inverse permettant le remboursement total a posteriori des recherches à finalité non commerciale dont le contenu est rendu public pour toute la communauté scientifique.
Même si je me réjouis que notre commission ait rendu ce texte éthiquement plus acceptable, je ne peux le voter en l'état ; il pervertit en effet l'idée que j'ai de la finalité de la recherche biomédicale et de sa prise en charge. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Morin-Desailly. - La présente proposition de loi est un texte important, le premier intégralement consacré aux recherches sur la personne. Il doit permettre de concilier protection de la personne et encouragement de la recherche dans un domaine très porteur d'espoir. Tout l'enjeu est de savoir où placer le curseur entre intérêt scientifique et exigence éthique.
Ce texte entend faire évoluer le cadre légal des recherches appliquées sur l'homme en matière médicale. Comme l'a judicieusement précisé notre rapporteur, il ne traite que de deux catégories de recherches, la recherche clinique et la recherche non interventionnelle ou observationnelle, et unifie leur régime de contrôle éthique. La loi Huriet-Sérusclat de 1988 distinguait les recherches avec ou sans bénéfice individuel direct ; trop complexe en pratique, cette classification a été remplacée par une classification selon le double critère de l'objet et du degré de contrainte, elle-même considérée au fil du temps comme rompant avec la pratique scientifique. La proposition de loi retient le risque auquel seront exposés les participants et distingue recherche interventionnelle et recherche observationnelle. Les recherches relèveront de régimes juridiques distincts, avec un degré de contrainte proportionné au risque dont ils seront porteurs. Mais elles seront toutes soumises aux comités de protection des personnes chargés de les autoriser ; ce contrôle permettra éventuellement leur requalification d'un régime dans l'autre.
Dans le même temps, le texte renforce les droits et garanties accordés aux participants des recherches les moins encadrées. Les personnes participant à des recherches interventionnelles ne comportant que « des risques et des contraintes minimes », autrefois désignées comme les « recherches en soins courants », bénéficieront d'une information plus complète, d'un régime d'expression du consentement plus protecteur, de plus grandes exigences de compétences concernant l'équipe de recherche, de la publication de guides de bonnes pratiques et de l'établissement d'un répertoire national.
L'un des apports majeurs du texte est en outre de donner un cadre législatif aux recherches non interventionnelles, autrefois appelées « recherches observationnelles ». Définies aujourd'hui de manière incidente dans le code de la santé publique, elles seront désormais pleinement reconnues et l'encadrement de leur déroulement offrira de nombreuses garanties : les participants recevront une information préalable et pourront s'opposer à la recherche ; les projets seront soumis à l'autorisation préalable d'un comité de protection des personnes ; des recommandations de bonne pratique seront publiées par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
Le grand intérêt de ce texte est de parvenir à encourager la recherche tout en améliorant la protection des personnes. La création d'un droit commun des recherches sur la personne est un acte fondateur. En donnant aux recherches observationnelles un cadre juridique, le texte en garantit la qualité et, par là, en assure la promotion. L'absence d'un répertoire national nuisait aux professionnels de santé comme à l'information du public.
Pour faciliter la recherche sur la personne, le texte substitue à un droit complexe et incomplet un dispositif exhaustif et transparent, dans lequel les procédures de déclaration sont allégées.
La commission a effectué un travail remarquable, et d'abord de classification. Il est en effet plus rationnel de ne distinguer que deux catégories de recherches sur la personne, interventionnelles et non interventionnelles, quitte à identifier parmi les premières celles pour lesquelles les risques encourus sont faibles. Elle a opportunément remplacé la notion floue de « risques et contraintes négligeables » par celle de « risques et contraintes minimes ». Elle a encore amélioré la protection des personnes, en prévoyant que les recherches ne comportant que des risques et des contraintes minimes feraient l'objet d'une liste fixée par voie réglementaire et en exigeant que toute recherche interventionnelle fasse l'objet d'un consentement écrit et non plus seulement « libre et éclairé ».
La commission a renforcé l'efficacité des comités de protection des personnes en les coiffant d'une commission nationale susceptible d'unifier leur jurisprudence -nous l'avions nous-mêmes proposé. Le groupe de l'Union centriste s'enorgueillit d'avoir apporté sa pierre à l'édifice puisque, fait rare, tous ses amendements ont été adoptés ou satisfaits en commission. Certains ont infléchi le texte sur des points d'importance : création d'une autorité de coordination des comités de protection des personnes, pouvoir de police sanitaire de l'Afssaps sur toutes les recherches sur la personne, avis des comités de protection des personnes sur les projets de recherche que les promoteurs français envisagent de conduire hors de l'Union européenne. Nous nous félicitons tout particulièrement de l'adoption de l'amendement porté par le président About visant à interdire le test de la dose maximum tolérée d'un médicament administré sans lien avec la pathologie de la personne lors des essais dits de phase I. Nous demanderons en séance la suppression de l'obligation de fourniture gratuite des dispositifs médicaux utilisés dans le cadre des recherches interventionnelles à risques minimes, dispositifs qui, dans le cadre de ces protocoles, sont utilisés par les patients observés même en dehors de toute recherche. Nous entendons d'autre part, pour plus de cohérence, assouplir les règles de vigilance médico-sanitaire pour les recherches interventionnelles à risques minimes.
Reste à trancher la question des modalités d'expression du consentement aux recherches interventionnelles. Si nous comprenons les préoccupations éthiques ayant conduit la commission à durcir le texte, nous souhaitons mieux concilier éthique et développement de la recherche.
Je salue en conclusion l'excellent travail de la commission, de sa présidente Mme Dini et de son rapporteur, Mme Hermange. Le groupe de l'Union centriste est très favorable à ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous étions très inquiets à l'arrivée de cette proposition de loi. Ce texte court mais dense, présenté dans l'exposé des motifs comme une simplification, procède en réalité à une refonte complète du domaine. Déposé à l'Assemblée nationale par notre collègue M. Jardé, il est issu de l'avant-projet de la loi HPST. Si l'on peut comprendre la volonté d'alléger un texte lourd, il est curieux d'utiliser la réforme du travail parlementaire pour faire inscrire à l'ordre du jour un texte d'initiative gouvernementale. Ce qui nous a aussi inquiétés, c'est la vitesse avec laquelle l'autre chambre l'a examiné : moins de trois semaines entre le dépôt et le vote, 50 minutes en commission. Quelle efficacité ! Là, la perplexité cède devant la suspicion...
Compte tenu de la matière, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas fait le choix d'insérer ces dispositions dans le futur projet de loi de révision des lois bioéthiques ? On peut certes envisager une évolution de la loi fondatrice Huriet-Sérusclat qui ne la dénature pas, mais le présent texte confirme le glissement initié par la loi de 2004 ; tandis que la loi précitée protège les personnes, il fait de la recherche sur la personne un moyen de développement de la connaissance scientifique. Il était significatif à cet égard que soit affirmé dès le début du texte le caractère de priorité nationale du développement de la recherche sur la personne. La commission a heureusement jugé que cette rédaction était mal venue.
Nous doutons qu'une nouvelle évolution législative soit nécessaire. M. Jardé, dans l'exposé des motifs, évoque un dispositif actuel complexe et incomplet, ce qui peut sembler paradoxal ; surtout, il relève la difficulté qu'ont les chercheurs français à publier dans les grandes revues scientifiques internationales. Est-ce le cas ? Nous manquons d'éléments pour répondre. Je me suis livré à quelques recherches ; j'ai notamment consulté le rapport de l'Observatoire des sciences et des techniques.
Or, des critères quantitatifs ne permettent pas toujours de comparer des pays différents. Ainsi, les Britanniques font la course en tête pour la part des publications médicales mais leur système de santé occupe la dernière place dans le classement établi par l'OMS.
Cela dit, la proportion des publications françaises a effectivement décru dans le monde. Le rapport de l'OST rappelle qu'en 2006, la France réalisait 4,4 % des publications mondiales en sciences de la matière et de la vie, soit un point en moins que dix ans plus tôt. Encore faut-il préciser que la part des pays développés a simultanément décru de huit points. Même la Suède, la Finlande, Israël et le Japon peinent à conserver leur position mondiale.
Il faut en outre prendre en compte l'indice d'impact de ces publications, c'est-à-dire le ratio de la part mondiale de citations sur la part mondiale de publications. Dans ce domaine, la France a nettement progressé, passant de 0,91 en 1993 à 0,97 en 2006.
M. François Autain. - De quoi se plaint-on ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - De même, il faut considérer les situations par discipline : en 2006, la France a publié en mathématiques bien plus qu'en biologie appliquée-écologie. Quant à la visibilité de ses publications, le rapport de l'OST relève que la part de la contribution française à la production mondiale en sciences de la matière a certes fléchi entre 2000 à 2006 mais que « c'est en biologie appliquée-écologie que les publications françaises ont la plus grande visibilité internationale ».
M. François Autain. - Jardé nous ment !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ce rapport montre également que la France publie beaucoup en coopération avec ses voisins européens et avec les États-Unis, ses premiers partenaires en 2006, notamment dans le domaine de la recherche médicale.
Enfin, le rapport illustre la corrélation entre le nombre de publications et l'argent investi dans la recherche académique. Ainsi, la France occupe la quatorzième place pour la dépense intérieure de recherche et de développement rapportée au produit intérieur brut et le seizième rang si l'on considère les dépenses de recherche par habitant. Depuis 1995, le premier indicateur a reculé de 7,4 %. Le vrai problème est donc le financement de la recherche, non la réglementation prétendument complexe et incomplète.
Dès lors, créer un cadre unique pour l'ensemble des recherches sur la personne soulèverait de nouvelles questions au lieu de les résoudre. Pourquoi réunir sous un cadre législatif unique trois types de recherches fort différentes ? En utilisant un même terme pour l'innovation et l'évaluation, ne risque-t-on pas de banaliser la recherche biomédicale, aux dépens des personnes qui s'y prêtent ? Si les CPP examinent tous les projets de recherche, le surcroît quantitatif de travail ne risque-t-il pas d'avoir un effet qualitatif regrettable ? Ces comités pourront-ils vérifier la qualification des projets de recherche ? Plus généralement, comment définir en amont la catégorie de la recherche et apprécier son risque ? En l'absence de risque, pourquoi saisir des comités chargés de protéger les personnes ?
Les termes choisis nous laissent perplexes. Pourquoi retenir l'expression « recherche interventionnelles » sachant que la réglementation européenne mentionne le « clinical trial » ? Le protocole additionnel à la convention d'Oviedo vise de façon expresse les recherches biomédicales. Pourquoi vouloir créer une catégorie intermédiaire de recherche dite « interventionnelle à risques et contraintes négligeables » alors que la législation européenne n'envisage qu'une seule catégorie d'essais cliniques ? Comment apprécier objectivement un risque « négligeable » ? Toute recherche biomédicale comportant une intervention sur l'être humain doit offrir le même respect des droits et libertés fondamentales. La création d'une catégorie intermédiaire rendrait plus complexe la qualification des protocoles et retarderait leur mise en place, tout en isolant la France au plan international et en dénaturant la mission des CPP.
Enfin, le rapport définit les recherches observationnelles comme celles n'exigeant aucune procédure inhabituelle de diagnostic ou de surveillance. Il s'agit en fait simplement de collecter des informations et des données personnelles de santé. Toute intervention sur la personne étant exclue, pourquoi saisir les CPP ? Contrairement à ce que prétend l'auteur du texte, ces études existent aujourd'hui. Elles sont conduites conformément à la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 : la Cnil s'assure que la recherche ne porte atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. Elle autorise les investigations après avis du comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé. Les CPP n'ont aucune compétence en matière de vie privée ni de liberté individuelle des personnes dont les données font l'objet de traitements.
Loin de simplifier le dispositif, la création de trois types de recherche en fonction du risque encouru par les personnes qui s'y prêtent peut être source de confusion, voire favoriser en recherches interventionnelles des glissements vers les procédures allégées. La commission a perçu la difficulté puisque son texte ne comporte que deux catégories de recherche. C'est un progrès notable mais insuffisant. Nous y reviendrons en discutant les articles.
Depuis 1988, les CPP sont au coeur du dispositif législatif protégeant les personnes se prêtant à des recherches biomédicales. Au service de l'intérêt général, ils ne peuvent se mettre au service particulier des chercheurs. Leur mission originelle était claire : vérifier le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables aux expérimentations humaines. Une part croissante de la communauté scientifique souhaite transformer les CPP en comités scientifique bis ou en comités d'éthique bis. De nombreuses mutations en ce sens ont déjà été observées.
Devons-nous pour autant accepter cette évolution ? Je préfère recentrer les CPP sur leur mission initiale et favoriser parallèlement la création de comités d'éthique de la recherche au sein des CHU, pour informer les chercheurs sur la législation et l'éthique de leur activité, les orienter lors de la qualification de programmes et formuler un avis sur les projets d'études non interventionnelles. Leur mise en place figure à l'article L. 1412-1 du code de la santé publique. Il suffit que le ministre de la santé publie un arrêté après avis du Comité consultatif national d'éthique.
Un autre sujet d'importance abordé par ce texte concerne la participation de personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale. Il s'agit pour l'essentiel de migrants ou d'individus en situation irrégulière, parfois porteurs de « maladies graves et contagieuses », comme il est écrit dans le rapport, mais ce sont surtout des personnes à protéger en raison de leur grande vulnérabilité sociale. D'où leur exclusion des protocoles de recherche depuis 1988.
Quelles que soient les précautions prises par le texte, déroger à cette interdiction, même sous conditions, réduit la protection de ces personnes vulnérables. Faut-il rappeler que le consentement d'un affilié à un régime d'assurance maladie ne peut pas être dû à la possibilité ainsi offerte de bénéficier de soins impossibles à obtenir autrement ? A un moment où l'aide médicale d'État se réduit comme peau de chagrin, on voit les risques d'introduire en France une problématique bien connue dans les pays pauvres !
Mme Patricia Schillinger reviendra plus longuement sur un autre sujet qui me tient à coeur : la recherche sur les enfants. En recul par rapport au code civil pour ce qui est de l'autorité parentale, le texte initial de la proposition de loi risquait en outre d'introduire un nouveau motif de désaccord entre les parents. J'estime impératif de recueillir l'avis des deux détenteurs de l'autorité parentale avant toute recherche sur un mineur.
La commission a profondément modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale. Nous y avons contribué. Je tiens à saluer l'écoute dont nous avons bénéficié. Les aspects les plus négatifs du texte initial ont été rectifiés mais il reste encore des sujets qui font débat et des dispositions à améliorer. D'où les treize amendements déposés par le groupe socialiste.
Enfin, je regrette vivement que la commission des finances ait déclarée irrecevable notre amendement n°16 en application de l'article 40 de la Constitution. Je reviendrai ultérieurement sur l'application contestable de cette disposition qui rend plus difficile un accord unanime conforme à l'esprit de la loi Huriet-Sérusclat.
Les membres de la commission des affaires sociales n'ayant pu prendre connaissance de cet amendement, je vais en dire quelques mots. Nous voulions conforter la commission créée pour améliorer le fonctionnement des CPP et mieux protéger les personnes. A cette fin, nous voulions élargir ses attributions et l'ériger en autorité indépendante. Malheureusement, l'application de l'article 40 nous en empêche. Une fois de plus, elle restreint fortement l'initiative parlementaire. Je suggérerais volontiers au Gouvernement de reprendre l'amendement à son compte afin de permettre le débat, mais le fera-t-il pour une évolution qu'il refuse ?
Nous pourrions au demeurant demander pourquoi la proposition de loi n'a pas subi dès le départ les foudres de l'article 40, alors qu'elle crée incontestablement des charges supplémentaires. Nous réservons notre vote. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Anne-Marie Escoffier. - Adoptée le 29 janvier par l'Assemblée nationale, cette proposition de loi exige une certaine hauteur de vue, puisqu'elle porte sur l'être humain, ce qui impose au législateur d'instaurer les meilleures garanties éthiques.
Nul ne saurait nier que « l'intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche biomédicale prime toujours sur les seuls intérêts de la science et de la société ». Nous devons être guidés par ce principe, inscrit dans le code de la santé publique. Mme Hermange l'a fort bien dit en rappelant l'inviolabilité de la personne humaine. Voilà ce que nous devons avoir à l'esprit en examinant cette nouvelle variation du dispositif Huriet-Sérusclat, une décennie après son adoption, pour unifier le cadre des recherches médicales et simplifier la démarche des chercheurs tout en renforçant l'attractivité de la France dans ce domaine.
Un souci légitime, s'il en est, dans la patrie d'Ambroise Paré, de René Laennec, de Claude Bernard, d'Albert Schweitzer ! Leur exemple nous rappelle, si besoin était, qu'il ne saurait y avoir d'avancées scientifiques sans garde-fou déontologique.
Trois types de recherches sont aujourd'hui distingués, selon le niveau de risque pour les personnes : les recherches interventionnelles avec risques, les recherches interventionnelles visant à évaluer les soins courants et ne comportant que des risques négligeables ; les recherches non interventionnelles ou observationnelles. En vertu de la loi du 9 août 2004, ces recherches sont soumises à l'autorisation d'un comité de protection des personnes. La proposition de loi modifie seulement ce qui encadre les deuxième et troisième types de recherche.
Aucune recherche ne doit pouvoir être effectuée sur l'être humain si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante, si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l'intérêt de cette recherche, si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l'être humain et les moyens susceptibles d'améliorer sa condition.
Cette proposition de loi a deux objectifs : sécuriser les médecins qui réalisent des recherches sur l'homme en permettant, sous certaines conditions, une atteinte à l'intégrité des personnes ; protéger les personnes participant aux recherches biomédicales. Ces objectifs ne sauraient être contestés par la représentation nationale, dont la mission élémentaire est d'affirmer toujours les règles de l'humanisme, la première de ces règles étant le respect le plus absolu de l'intégrité des personnes physiques.
La commission, je m'en félicite, s'est montrée très réservée sur la gradation des procédures de consentement, d'où l'adoption de nombreux amendements destinés à corriger un texte imparfait. On ne prend jamais assez de précautions dans ce domaine ; on n'est jamais assez attentif aux dérives possibles ; on ne veille jamais assez à empêcher toute forme d'arbitraire scientifique, lequel peut être aussi excessif que l'arbitraire politique ou religieux.
Je me demande toutefois pourquoi le Gouvernement n'a pas choisi d'aborder cette problématique dans le cadre de la révision des lois bioéthiques. En la dissociant du vaste ensemble de réflexions relatives à la bioéthique, auxquelles certains d'entre nous se livrent depuis plusieurs années, on risque de précipiter la réponse législative sans que nul n'en voie l'urgence. A moins, mais je ne saurais le croire, que le Gouvernement souhaite s'affranchir de certaines contraintes comme l'avis du Conseil d'État et les études d'impact.
A-t-on bien mesuré la portée des mesures contenues dans cette proposition de loi, en particulier en matière de transparence ? N''est-on pas en train de banaliser les recherches biomédicales, avec un mélange des genres préjudiciable à la protection des personnes et à l'essence même du droit, puisque ces recherches ne sont pas toujours de même nature, donc très difficiles à contrôler ? La question des contentieux, toujours possibles et parfois inévitables, n'a pas été véritablement prise en compte. Enfin, n'eût-il pas été judicieux de généraliser, au sein des CHU, les comités consultatifs d'éthique qui répondraient mieux que les comités de protection des personnes aux questions que nous nous posons ?
Tout cela me conduit à me demander si cette proposition de loi est applicable. Elle comporte trop de zones d'ombre pour emporter l'adhésion sans réserve de tous ceux qui se réclament des valeurs de l'humanisme, à l'heure où la rapidité fulgurante des progrès de la science empêche trop souvent le législateur de mesurer pleinement les conséquences de ses choix, en particulier en ce qui concerne la surveillance du respect absolu que la loi doit aux personnes physiques. Il y a en effet dans ce texte trop de questions sans réponse, trop de flou, trop d'ambiguïtés, même s'il comporte d'incontestables avancées.
C'est pourquoi, avec la majorité de mes collègues du RDSE, j'ai choisi de m'abstenir, tout en demeurant attentive aux réponses du Gouvernement et à la future application de ce texte, sachant qu'il sera inévitable de revenir sur un certain nombre de ses points dans le cadre des lois sur la bioéthique, que nous étudierons dans un avenir proche. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Jean-Claude Etienne. - Les recherches sur la personne, c'est une grande affaire ! Elle mérite d'être étudiée comme vous l'avez fait. L'espoir est dans l'expérimentation et l'esprit de libre innovation du chercheur mais l'expérimentation doit respecter l'homme qui s'y prête et se doit de ne pas en faire une victime. L'expérimentation animale ne suffit pas toujours. Je crois beaucoup aux grands espoirs qu'ouvre la modélisation mathématique mais il restera des cas incontournables où le recours aux personnes humaines sera indispensable. D'où la nécessité de ce texte.
Il n'est guère de séance de l'Agence de biomédecine où l'on n'aborde pas cette question. Le travail accompli par nos collègues nous a apporté les réponses dont nous avions besoin ; je remercie ceux qui se sont impliqués dans ce texte.
La santé se trouve de plus en plus souvent, elle aussi, offerte en pâture à la judiciarisation. Nous avons donc besoin d'être protégés beaucoup mieux qu'actuellement : le progrès scientifique appelle un encadrement juridique qui protège à la fois le chercheur et celui qui accepte de se prêter à la recherche. Il y avait de grandes zones d'ombre ; ce texte y projette de la lumière.
La loi Huriet-Sérusclat de 1988 a représenté une avancée fondamentale, fondée sur l'idée qu'aucune recherche ne peut être effectuée sur l'être humain si elle ne se fonde sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante. Je me rappelle avoir dit aux auteurs de cette loi que le mot « expérimentation » n'était pas bien choisi : mieux vaudrait parler de « recueil préclinique » à ce stade de la séquence de recherche. La loi de 1988 posait aussi en principe que le risque prévisible encouru par ceux qui se prêtaient à la recherche devait être proportionné au bénéfice escompté pour eux ou à l'intérêt de cette recherche ; enfin, il faut que cette expérimentation vise à étendre la connaissance scientifique de l'être humain et les moyens susceptibles d'améliorer sa condition.
Il y a deux types d'expérimentation sur la personne : l'interventionnelle et l'observationnelle. Celle-ci est en relation existentielle avec l'épidémiologie.
M. François Autain. - Nous manquons d'épidémiologistes.
M. Jean-Claude Etienne. - Exactement ! La communauté scientifique nous reproche une trop grande complexité des circuits administratifs : en matière de recherche observationnelle, on doit s'adresser jusqu'à cinq guichets ! Et paradoxalement, cette recherche observationnelle à forte connotation épidémiologique, alors qu'elle implique la participation de quelques centaines, voire plusieurs milliers de personnes, suivant les cas, ne dispose, elle, d'aucun cadre législatif.
C'est ainsi que ces recherches sont dispensées de faire appel à un professionnel de santé ! Elles ne disposent d'aucune garantie de qualité et de fiabilité. Pire encore, ces recherches ne sont pas non plus soumises à une autorisation préalable ! Par ailleurs, elles ne sont mentionnées dans aucun répertoire national et pas toujours reprises dans les grandes revues scientifiques. Ces manques, entre autres, ont conduit récemment l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques à reprendre, avec l'Académie de médecine, une étude pour un développement nouveau de l'épidémiologie.
La proposition de loi de notre collègue député, Olivier Jardé, telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale, crée un socle juridique commun, englobant l'ensemble des recherches sur la personne, qu'elles soient interventionnelles ou observationnelles. Ainsi, la définition de la recherche se fondera sur le critère du degré de contrainte qu'elle impose aux participants et sera à proprement dit fondée sur la personne, en incluant les recherches observationnelles. En ce sens, la notion de promoteur sera étendue à l'ensemble des recherches afin de rendre opérant sur un plan juridique et scientifique chaque projet. Une autorisation préalable émanant d'un comité de protection des personnes conditionnera le lancement de toute recherche. C'est là un des apports majeurs de cette proposition de loi. Les comités de protection seront saisis systématiquement sur l'ensemble des recherches, qu'elles soient interventionnelles ou observationnelles. Les CPP pourront requalifier les recherches et, donc, leur appliquer le régime juridique le plus adapté. Un répertoire national des autorisations, accessible tant aux professionnels de santé qu'au public, répondra à l'exigence d'une meilleure visibilité de la recherche française.
Je salue le travail de la commission des affaires sociales, et plus particulièrement l'engagement de Mme le rapporteur, Marie-Thérèse Hermange. Par sa volonté de protéger la dignité des personnes, la commission a apporté des modifications et des contributions essentielles au texte.
Elle a estimé que la distinction reposant sur « les risques et contraintes négligeables » ne trouvait pas de justification. En effet, la difficulté de définir en matière de risque, c'est-à-dire dans un avenir supposé, ce qui pouvait être négligé de ce qui pouvait ne pas l'être n'était pas aisément codifiable. Pourquoi faire des distinctions plus qu'approximatives dont on tire des conclusions aberrantes ?
Nous approuvons pleinement la nécessité d'un consentement écrit et, cela, quel que soit le niveau de risque encouru par le participant. Il y a en effet la réalité des choses et l'idée que l'on peut en avoir, et l'on adhère ou non à un protocole selon l'idée que l'on s'en fait à partir des informations dont on est rendu dépositaire. C'est dire que « à chacun son idée du risque » à partir d'une même réalité objective. On peut néanmoins concevoir, dans certaines situations, notamment lors d'enquêtes épidémiologiques concernant des populations étendues, que le risque apprécié statistiquement prenne alors une dimension mesurable et exprimée en chiffres. Eu égard à l'importance de la population concernée, il peut être matériellement difficile de recueillir un consentement individuel écrit.
Le Comité national des recherches sur la personne doit être une instance indépendante et spécifique, pour ne pas être automatiquement assimilable à d'autres organismes spécialisés dans l'évaluation des pratiques médicales ou l'accréditation.
Autre apport clef du texte, les recherches non interventionnelles bénéficieront désormais d'une méthodologie de référence de la part de la Cnil afin de garantir le contrôle de l'utilisation des données personnelles.
Le texte de la commission réalise un certain équilibre entre la liberté scientifique et la régulation juridique qui s'impose. Il constitue une démarche responsable, orientée vers la protection des personnes. Le groupe UMP y adhère totalement et le votera. (Applaudissements à droite)
M. Jacky Le Menn. - Je me bornerai à poser des questions que se posent également de nombreux membres des comités de protection des personnes. Tout d'abord, les évolutions de notre société et celles de la recherche imposaient-elles de modifier, toutes affaires cessantes, le cadre législatif dans lequel celle-ci s'inscrit ? Quels avantages apporte cette nouvelle loi ? En particulier, quelle protection pour les patients et quelles responsabilités nouvelles pour les acteurs de la recherche ? Enfin, pour tout dire, quelles valeurs défend ce texte ?
Face à cette proposition de loi, nous demeurons très perplexes. En ce domaine, le législateur ne devrait jamais oublier une des maximes kantiennes posée dans les Fondements de la métaphysique des moeurs : « Agis de façon à traiter autrui toujours comme une fin, jamais simplement comme un moyen ». Mais nous sommes déjà là dans le champ de l'éthique qui ne semble pas la préoccupation centrale des auteurs de cette proposition de loi. Pourtant, le législateur, dans ce qu'il est convenu d'appeler sa sagesse, n'avait écarté, ni en 1988 avec la loi Huriet-Serusclat ni en 2004 avec la loi de santé publique, cette préoccupation centrale. Oublier la place centrale de l'éthique prépare à la banalisation des objets de la recherche et cette banalisation est l'antichambre, d'atteintes potentielles aux libertés fondamentales, ce qui, j'en suis persuadé, est totalement inadmissible pour l'immense majorité d'entre nous. Donc, avec cette proposition de loi, restons très attentifs à ne pas nous situer à rebours de la doctrine internationale en la matière : convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, convention d'Oviédo adoptée par le Conseil de l'Europe ou encore déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale, amendée à l'occasion de sa 50e assemblée générale tenue à Séoul en 2008. J'ajouterai que l'objectif premier de toute recherche impliquant des êtres humains est de comprendre -dans le respect qui est dû à l'homme, à sa santé et à ses droits- les causes, le développement des maladies et d'améliorer les interventions préventives, diagnostiques et thérapeutiques. Ces principes se suffisent à eux-mêmes et rendent accessoire toute autre considération. J'ai cru comprendre que Mme le rapporteur, dans son exposé en commission des affaires sociales, se tenait sur cette position et je m'en félicite.
Cela dit, il sera tout de même nécessaire de rester vigilant et de « ciseler » les articles de cette proposition de loi pour obtenir un équilibre le moins fragile possible entre la protection renforcée des personnes et l'assouplissement souhaitée par les chercheurs.
Dans la loi de santé publique d'août 2004, le législateur a modifié la composition des comités de protection des personnes afin de bien marquer sa prise en considération de la « réflexion éthique », le « contrôle du consentement » ayant progressivement pris le pas sur la simple protection de l'intégrité physique des personnes qui était historiquement la première mission de ces comités.
Le pragmatisme des chercheurs conduit certains, plus souvent qu'on ne le suppose, à ne pas exclure a priori -voire même à privilégier- certaines formes de mercantilisme. Évidemment, je ne parle pas de la recherche fondamentale qui oeuvre à accroître les connaissances et le champ du savoir théorique, mais bien de la recherche clinique et de la recherche biomédicale. Mercantilisme qui conduit à vouloir gommer toutes les contraintes dites administratives, parmi lesquelles, évidemment, toutes les dispositions visant la protection des personnes. Mercantilisme qui pousse à accélérer le retour sur investissement le plus rapide possible, afin de faire breveter prestement, après validation et éventuellement publication scientifique, les « produits » ou « résultats » de cette recherche, avec la perspective, si possible, de les commercialiser. Cela renvoie à deux conceptions de la recherche : celle basée sur le bien-être de l'individu, la dignité de la personne et la solidarité humaine -c'est celle à laquelle nous adhérons ; l'autre privilégiant l'aspect commercial de la recherche, notamment lorsque ses promoteurs dépendent de laboratoires organisés en grands groupes internationaux. La priorité est alors donnée au profit, l'individu risquant fort de n'être plus qu'un maillon dans une chaîne commerciale plus préoccupée de sa rentabilité que de la vie humaine.
Il faut rester vigilant sur les dérives potentielles, par exemple, des recherches épidémiologiques sur des populations vulnérables, ou encore sur les conditions d'autorisation de recherche sur les mineurs. N'oublions pas le caractère différé des conséquences d'un dommage subi par l'enfant.
Nos concitoyens nous observent, inquiets et attentifs, et ils ne manqueront pas de nous juger sévèrement si nous décevons leurs attentes exigeantes en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur les bancs du RDSE)
Mme Patricia Schillinger. - La recherche biomédicale est non seulement nécessaire face à l'apparition de nouvelles maladies et à la persistance des maladies non guérissables mais elle est aussi essentielle pour l'amélioration des techniques d'exploration et de soins. Pour tenir compte des avancées de la science, la loi de bioéthique est régulièrement révisée. Elle cherche à répondre, le mieux possible, aux questions soulevées par le progrès scientifique et technique, ainsi qu'à garantir le respect de la dignité humaine et la protection des personnes les plus vulnérables contre toute forme d'exploitation.
Ce texte, bien qu'il comporte quelques avancées, suscite de nombreuses questions. Tout d'abord, pourquoi recourir au véhicule d'une proposition de loi quand ces dispositions auraient pu être discutées dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique ? Faut-il y voir une manière d'éviter le passage devant le Conseil d'État et l'étude d'impact ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous n'allez tout de même pas vous plaindre de l'initiative parlementaire !
Mme Patricia Schillinger. - Ensuite, question au coeur des derniers états généraux de la bioéthique, comment faire en sorte que notre pays soit à la pointe des sciences biomédicales tout en faisant prévaloir une conception du progrès au service de l'humain ? Avec la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme adoptée en octobre 2005 lors de la conférence générale de l'Unesco, les États membres se sont engagés, pour la première fois, à respecter les principes fondamentaux de la bioéthique. Reste qu'il existe une tension constante entre l'intérêt du malade et certaines préoccupations économiques, politiques ou même académiques de nature plus égoïste. Face aux risques de dérives, il convient de veiller à la protection des personnes et, plus particulièrement, des mineurs. Avec sagesse, la commission a rétabli l'obligation du consentement des deux titulaires de l'autorité parentale pour la participation d'un mineur à une recherche, posée dans le code de la santé publique. Dans le texte initial, seul le consentement d'un titulaire de l'autorité parentale était nécessaire. Cela risquait de placer l'enfant au coeur de conflits familiaux en cas de désaccord entre les parents. Comment cette disposition se serait-elle articulée avec le code civil ? De fait, la minorité légale entraîne une incapacité juridique et un besoin de protection, protection assurée par les parents. S'il est indispensable que des mineurs participent à des recherches pour améliorer les traitements, il est nécessaire de protéger cette population vulnérable. En outre, aux termes de la directive européenne de 2001, « un essai clinique sur des mineurs ne peut être entrepris que si le consentement éclairé des parents ou du représentant légal a été obtenu ; ce consentement doit exprimer la volonté présumée du mineur et peut être annulé à tout moment sans que ce dernier en pâtisse ». Je me réjouis que la commission soit revenue sur cette disposition introduite dans le seul but de faciliter la recherche médicale. Nous serons également vigilants à ce que le projet de loi créant un statut pour les beaux-parents ne remette pas en cause l'autorité parentale dans le domaine de la recherche sur le mineur. Ce nouveau partage d'autorité parentale ne doit pas se faire dans le domaine de la recherche et de la santé.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Resituons notre débat. L'objectif du Président de la République est de faire de notre pays un leader mondial de la recherche biomédicale. L'enjeu est considérable en termes socio-sanitaires -améliorer les soins à nos concitoyens- mais aussi en termes économiques. Des débats animés sur le grand emprunt s'est en effet dégagé un consensus : la recherche biomédicale représente un investissement d'avenir. Avec Mmes Pécresse et Lagarde, nous avons réfléchi aux éléments qui permettraient effectivement à la France de prendre la tête de la recherche biomédicale, parmi lesquels il y a certes la notion d'e-santé, de bio-informatique, mais aussi la notion épidémiologique de grande cohorte. De fait, cette notion est indispensable pour bâtir la médecine personnalisée qu'attendent nos concitoyens.
Ces dispositions, dit-on, ne trouveraient-elles pas mieux leur place dans la loi de bioéthique ? Là encore, la confusion fait rage. Si toute démarche législative est, par définition, éthique, on ne peut pas tout mettre dans la loi de bioéthique au risque de la surcharger, de lui faire perdre sa substance, comme l'a excellemment montré Mme Hermange dans son rapport. Ne mélangeons pas les choses ! D'autant que, le professeur Etienne l'a souligné, la recherche souffre d'un manque de visibilité législative.
Merci de la qualité de cette discussion générale, je répondrai à chacun des intervenants lors de la discussion des amendements.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
I. - L'intitulé du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Recherches clinique ou non-interventionnelle impliquant la personne humaine ».
II. - Le même titre est ainsi modifié :
1° L'article L. 1121-1 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Les deuxième à quatrième alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Il existe deux catégories de recherches sur la personne :
« 1° Les recherches interventionnelles, qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle.
« Parmi les recherches interventionnelles, on distingue celles qui ne portent pas sur des médicaments et ne comportent que des risques et des contraintes minimes dont la liste est fixée par voie réglementaire ;
« 2° Les recherches non-interventionnelles, qui ne comportent aucune procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance, les actes étant pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle. » ;
c) La première phrase du cinquième alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée :
« La personne physique ou la personne morale qui est responsable d'une recherche impliquant la personne humaine, en assure la gestion et vérifie que son financement est prévu est dénommée le promoteur. » ;
d) Au dernier alinéa, les mots : « , sur un même lieu ou » sont supprimés ;
e) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Si, sur un site, la recherche est réalisée par une équipe, l'investigateur est le responsable de l'équipe et peut être appelé investigateur principal. » ;
2° L'article L. 1121-3 est ainsi modifié :
a) Le sixième alinéa est ainsi rédigé :
« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 et qui n'ont aucune influence sur la prise en charge médicale de la personne qui s'y prête peuvent être effectuées sous la direction et la surveillance d'une personne qualifiée. Le comité de protection des personnes s'assure de l'adéquation entre la qualification du ou des investigateurs et les caractéristiques de la recherche. Les recherches non-interventionnelles peuvent être effectuées sous la direction et la surveillance d'une personne qualifiée en matière de recherche. » ;
b) À la deuxième phrase du septième alinéa, après les mots : « autres recherches », est inséré le mot : « interventionnelles » ;
c) Le septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 et les recherches non-interventionnelles, des recommandations de bonnes pratiques sont fixées par voie réglementaire. » ;
d) Au dernier alinéa, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine » ;
3° L'article L. 1121-4 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 et les recherches non-interventionnelles ne peuvent être mises en oeuvre qu'après avis favorable du comité de protection des personnes mentionné à l'article L. 1123-1.
« Lorsque les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur proposition du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, le comité de protection des personnes s'assure auprès de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé que l'utilisation des produits sur lesquels porte la recherche ne présente que des risques négligeables.
« En cas de doute sérieux sur la qualification d'une recherche au regard des deux catégories de recherches impliquant la personne humaine définies à l'article L. 1121-1, le comité de protection des personnes peut saisir pour avis l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Le comité n'est pas tenu par l'avis rendu. » ;
4° Après l'article L. 1121-8, il est inséré un article L. 1121-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1121-8-1. - Les personnes qui ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale ou bénéficiaires d'un tel régime peuvent être sollicitées pour se prêter à des recherches impliquant la personne humaine si ces recherches sont non-interventionnelles. » ;
5° Le cinquième alinéa de l'article L. 1121-11 est supprimé ;
5° bis (nouveau) L'article L. 1121-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À titre dérogatoire, le comité de protection des personnes peut autoriser une personne qui n'est pas affiliée à un régime de sécurité sociale ou bénéficiaire d'un tel régime à se prêter à des recherches interventionnelles impliquant la personne humaine. Cette autorisation est motivée. » ;
6° À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1121-13, après les mots : « pour une durée déterminée, lorsqu'il s'agit de recherches », sont insérés les mots : « interventionnelles à l'exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 » ;
7° L'article L. 1121-15 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 et les recherches non-interventionnelles sont inscrites dans un répertoire rendu public dans des conditions définies par voie réglementaire.
« Les résultats des recherches impliquant la personne humaine sont rendus publics dans un délai raisonnable, dans des conditions définies par voie réglementaire. » ;
8° Au premier alinéa de l'article L. 1121-16, après les mots : « fichier national », sont insérés les mots : « consultable par tout investigateur » ;
9° L'article L. 1123-6 est ainsi rédigé :
« Avant de réaliser une recherche impliquant la personne humaine, le promoteur est tenu d'en soumettre le projet à l'avis du comité de protection des personnes désigné de manière aléatoire par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
« Toutefois, en cas d'avis défavorable du comité, le promoteur peut demander un second examen du dossier à la commission mentionnée à l'article L. 1123-1-1. » ;
9° bis (nouveau) Il est inséré un article L. 1123-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 1123-7. - Tout promoteur ayant son siège en France, envisageant de réaliser une recherche sur la personne dans un pays tiers à l'Union européenne, peut soumettre son projet à un comité de protection des personnes.
« Le comité de protection des personnes rend son avis sur les conditions de validité de la recherche au regard des principes énoncés à l'article L. 1121-2. » ;
10° À l'article L. 1123-9, après les mots : « du comité et », sont insérés les mots : « , dans le cas de recherches interventionnelles à l'exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1, », et sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la demande de modification substantielle engendre un doute sérieux sur la qualification d'une recherche au regard des trois catégories de recherches impliquant la personne humaine définies à l'article L. 1121-1, le comité de protection des personnes saisit l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
« En cas d'avis défavorable du comité, le promoteur peut demander au ministre chargé de la santé de soumettre le projet de recherche, pour un second examen, à un autre comité désigné par le ministre, dans les conditions définies par voie réglementaire. » ;
11° Au 1° de l'article L. 1126-5, après les mots : « personnes et », sont insérés les mots : « , dans le cas de recherches mentionnées au premier alinéa du 1° de l'article L. 1121-1, » ;
12° L'article L. 1126-10 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1126-10. - Dans le cadre d'une recherche interventionnelle, le fait pour le promoteur de ne pas fournir gratuitement aux investigateurs les médicaments expérimentaux et, le cas échéant, les dispositifs utilisés pour les administrer ainsi que, pour les recherches portant sur des produits autres que les médicaments, les produits faisant l'objet de la recherche est puni de 30 000 € d'amende. » ;
13° L'intitulé du chapitre II est ainsi rédigé : « Information de la personne qui se prête à une recherche impliquant la personne humaine et recueil de son consentement » ;
14° L'article L. 1122-1 est ainsi modifié :
a) Au 2°, après le mot : « attendus », sont insérés les mots : « et, dans le cas de recherches interventionnelles » ;
b) Au début des 3° et 4°, sont insérés les mots : « Dans le cas de recherches interventionnelles, » ;
c) Au 5°, après les mots : « mentionné à l'article L. 1123-1 et », sont insérés les mots : « , dans le cas de recherches interventionnelles à l'exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1, » ;
d) Le huitième alinéa est ainsi rédigé :
« Il informe la personne dont la participation est sollicitée ou, le cas échéant, les personnes, organes ou autorités chargés de l'assister, de la représenter ou d'autoriser la recherche, de son droit de refuser de participer à la recherche ou de retirer son consentement ou, le cas échéant, son autorisation à tout moment, sans encourir aucune responsabilité ni aucun préjudice de ce fait. » ;
e) À la première phrase du neuvième alinéa, les mots : « ne porte que sur des volontaires sains et » sont supprimés ;
f) (nouveau) La deuxième phrase du dernier alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée : « À l'issue de la recherche, la personne qui s'y est prêtée est informée de la date effective de la fin de recherche et de la date limite de recevabilité d'une première réclamation éventuelle ; son droit de recevoir les résultats globaux de cette recherche et les modalités correspondantes lui sont rappelées. » ;
g) (nouveau) Au premier alinéa, les mots : « ou un médecin qui le représente, » sont remplacés par les mots : « un médecin qui le représente ou, lorsque l'investigateur est un professionnel de santé qualifié ou une personne qualifiée en matière de recherche, le professionnel de santé qualifié ou la personne qualifiée en matière de recherche qui le représente » ;
15° L'article L. 1122-1-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1122-1-1. - Aucune recherche interventionnelle ne peut être pratiquée sur une personne sans son consentement libre et éclairé, recueilli par écrit ou, en cas d'impossibilité, attesté par un tiers, après que lui a été délivrée l'information prévue à l'article L. 1122-1. Ce dernier doit être totalement indépendant de l'investigateur et du promoteur.
« Aucune recherche non-interventionnelle ne peut être pratiquée sur une personne lorsqu'elle s'y est opposée. » ;
16° L'article L. 1122-1-2 est ainsi modifié :
a) Dans la première phrase, le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine » et, après les mots : « qui y sera soumise, », sont insérés les mots : « lorsqu'il est requis, » ;
b) (nouveau) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Le protocole peut prévoir une dérogation à cette obligation en cas d'urgence vitale immédiate laissée à l'appréciation de ce comité. » ;
17° L'article L. 1122-2 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
a bis) (nouveau) Après le quatrième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'une personne mineure se prêtant à une recherche devient majeure dans le cours de sa participation, la confirmation de son consentement est requise après délivrance d'une information appropriée. » ;
a ter) (nouveau) Après le dernier alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'au moment de la date de la fin de la recherche la personne mineure qui s'y est prêtée a acquis la capacité juridique, elle devient personnellement destinataire de toute information communiquée par l'instigateur ou le promoteur. » ;
b) Le III est ainsi rédigé :
« III. - Le consentement prévu au huitième alinéa du II est donné dans les formes de l'article L. 1122-1-1. Les autorisations prévues aux premier, sixième, huitième et neuvième alinéas du même II sont données par écrit. » ;
18° (nouveau) La dernière phrase du cinquième alinéa de l'article L. 1521-5 et la dernière phrase du seizième alinéa de l'article L. 1541-4 du code de la santé publique sont supprimées.
III. - Le titre II du livre Ier de la première partie du même code est ainsi modifié :
1° Aux articles L. 1121-1, L. 1121-2, L. 1122-1, L. 1122-2, L. 1123-6, L. 1126-3, L. 1126-5 et L. 1126-7 et au premier alinéa des articles L. 1121-10 et L. 1121-11, les mots : « recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « recherche impliquant la personne humaine » ;
2° Au premier alinéa des articles L. 1121-2 et L. 1123-6, les mots : « sur l'être humain » sont supprimés ;
3° Au troisième alinéa de l'article L. 1121-3, les mots : « l'essai » sont remplacés par les mots : « la recherche » ;
4° Aux premier et cinquième alinéas de l'article L. 1121-3, au deuxième alinéa de l'article L. 1121-11, au premier alinéa de l'article L. 1121-13 et au 12° de l'article L. 1123-14, le mot : « biomédicales » est supprimé ;
4° bis Au premier alinéa de l'article L. 1121-14, le mot : « biomédicale » est supprimé ;
5° À la première phrase du septième alinéa de l'article L. 1121-3 et du troisième alinéa de l'article L. 1121-11, aux articles L. 1121-15, L. 1121-16, L. 1125-2 et L. 1125-3, le mot : « biomédicales » est remplacé par le mot : « interventionnelles » ;
6° Aux articles L. 1121-4, L. 1121-12, L. 1123-8, L. 1123-11 et L. 1125-1, le mot : « biomédicale » est remplacé par le mot : « interventionnelle » ;
7° Aux articles L. 1121-5, L. 1121-6, L. 1121-7 et L. 1121-8 le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « interventionnelles » ;
8° À l'article L. 1121-9 et au quatrième alinéa de l'article L. 1121-10, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « interventionnelle » ;
8° bis (nouveau) Le quatrième alinéa de l'article L. 1121-10 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cas où la personne qui s'est prêtée à la recherche est âgée de moins de dix-huit ans au moment de la fin de celle-ci, ce délai minimum court à partir de la date de son dix-huitième anniversaire. » ;
9° (Supprimé)
10° À la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 1121-10, les mots : « La recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « Toute recherche interventionnelle » ;
11° a) (Supprimé)
b) Au deuxième alinéa de l'article L. 1123-11, le mot : « administrative » est supprimé ;
c) Le quatrième alinéa de l'article L. 1123-11 est ainsi rédigé :
« Le promoteur avise le comité de protection des personnes compétent et l'autorité compétente mentionnée à l'article L. 1123-12 du début et de la fin de la recherche impliquant la personne humaine et indique les raisons qui motivent l'arrêt de cette recherche quand celui-ci est anticipé. » ;
12° Le quatrième alinéa de l'article L. 1121-11 est supprimé ;
13° À la première phrase de l'article L. 1123-2, le mot : « biomédical » est remplacé par les mots : « de la recherche impliquant la personne humaine » ;
14° À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 1121-13 et au dernier alinéa de l'article L. 1125-1, le mot : « biomédicales » est supprimé et, à l'article L. 1126-10, le mot : « biomédicale » est supprimé ;
15° À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 1123-10, après le mot : « recherche », sont insérés les mots : « impliquant la personne humaine » et, à la première phrase du second alinéa du même article, après la référence : « L. 1123-9 », sont insérés les mots : « et pour toutes recherches impliquant la personne humaine » ;
16° Le dernier alinéa de l'article L. 1123-12 est supprimé ;
16° bis (nouveau) L'article L. 1122-1-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine » ;
b) À la première phrase, après les mots : « personne qui y sera soumise », sont insérés les mots : « lorsqu'il est requis » ;
c) Dans l'avant-dernière phrase, après les mots : « L'intéressé est informé dès que possible et son consentement », sont insérés les mots : « lorsqu'il est requis » ;
17° Au 9° de l'article L. 1123-14, les mots : « l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé » sont remplacés par les mots : « la Haute Autorité de santé », et le même article est complété par un 13° ainsi rédigé :
« 13° Le champ des recherches interventionnelles. »
IV. - L'article L. 1221-8-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « biomédicale, », la fin de la deuxième phrase et la troisième phrase sont remplacées par les mots : « soit dans le cadre d'une recherche impliquant la personne humaine. » et, à la dernière phrase, les mots : « lorsque le sang ou ses composants sont prélevés ou utilisés dans le cadre d'une activité de recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « relatives aux recherches impliquant la personne humaine » ;
2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.
IV bis. - Au dernier alinéa de l'article L. 1333-4 du même code, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine ».
IV ter. - Le 2° de l'article L. 1521-5 du même code est ainsi rédigé :
« 2° À l'article L. 1121-11, le dernier alinéa n'est pas applicable ; ».
V. - (Supprimé)
VI. - Les deux premiers alinéas de l'article 223-8 du code pénal sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche interventionnelle sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et, le cas échéant, écrit de l'intéressé, des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur ou d'autres personnes, autorités ou organes désignés pour consentir à la recherche ou pour l'autoriser, dans les cas prévus par le code de la santé publique, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.
« Les mêmes peines sont applicables lorsque la recherche interventionnelle est pratiquée alors que le consentement a été retiré.
« Les mêmes peines sont applicables lorsqu'une recherche non-interventionnelle est pratiquée alors que la personne s'y est opposée. »
VII. - Dans l'ensemble des autres dispositions législatives, les mots : « recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « recherche impliquant la personne humaine », et les mots : « recherches biomédicales » sont remplacés par les mots : « recherches impliquant la personne humaine ».
VIII. - (nouveau) Les types de tests de produits cosmétiques ou alimentaires non soumis à l'examen des comités de protection des personnes sont déterminés par arrêté du ministre en charge de la santé pris après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Inutile de rappeler dans quelles conditions étranges nous examinons ce texte. Pourquoi tout à coup l'urgence quand il a fallu attendre neuf mois avant que ce texte ne soit inscrit à l'ordre du jour ? C'est sans doute cela l'hyper-parlementarisme... Mais nous avons désormais l'habitude de ne pas être conviés aux auditions, de ne disposer des éléments importants qu'au dernier moment. Sans compter que certaines propositions de loi ne sont que des projets de loi habilement déguisés. Un conseiller technique aurait travaillé de main de maître sur ce texte -les termes sont choisi. En outre, madame la ministre, nous nous sommes familiarisés depuis la loi Hôpital avec la pratique hyper-parlementaire qui consiste à sortir du chapeau un amendement gouvernemental au milieu de la séance ! Un ministre y a encore recouru ce matin...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Et alors ? C'est son droit !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Ce texte procède d'une confusion entre la mission régalienne de protection de la personne et l'objectif de compétitivité de la recherche, ce qui confine à la manipulation alors qu'un texte sur la bioéthique se penchera sur la question dans quelques mois.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Et ça recommence !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Protection des personnes et santé publique ne doivent pas être mélangées. La distinction que vous opérez entre phases observationnelles et interventionnelles n'est pas pertinente puisque seules les phases interventionnelles soulèvent des questions éthiques. En fait, le but est de déverrouiller la protection de la personne, sous couvert de santé publique et de priorité nationale, pour que les laboratoires s'inscrivent en pointe sur un segment de haute compétitivité. Si la recherche constitue une priorité nationale, la protection de la personne est principielle dans notre République et doit le rester.
Vous tentez de faire passer une priorité nationale, conjoncturelle, économique... devant un principe républicain. Au mieux, c'est balourd ; au pire, c'est mal intentionné.
En outre, vous venez de nous informer du dépôt de nouveaux amendements, ce que nous dénonçons. Après avoir reconnu que la recherche fonctionne en zone grise -voire en zone d'ombre, pour reprendre l'expression du professeur Etienne-, vous allez nous proposer de faire tomber « les contraintes disproportionnées au recueil du consentement des personnes ». Dans ce cadre, nous ne pouvons que douter de l'orientation de la recherche et de la protection de la personne en France.
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéas 5 à 9
Supprimer ces alinéas.
Mme Patricia Schillinger. - Ce texte vise à donner un cadre unique, moins complexe et plus complet, aux recherches sur la personne. En fait, il confirme le glissement opéré depuis 2004 entre une loi fondatrice, destinée à protéger les personnes participant à des recherches biomédicales, et l'intention de faire de ces recherches un moyen de développer les connaissances scientifiques. L'inscription dans le texte initial du principe selon lequel « le développement de la recherche sur la personne constitue une priorité nationale » est à cet égard évocatrice.
En modifiant la proposition de loi, la commission s'est préoccupée de la protection des personnes, mais l'article premier, même modifié, tend à banaliser la recherche biomédicale. La suppression de cette notion au profit des recherches interventionnelles -terme méconnu dans la réglementation européenne et internationale- n'est certainement pas fortuite. En outre, la création d'une troisième catégorie de recherches ne mène pas à une simplification -bien au contraire. Le rapporteur a en partie répondu aux difficultés de catégorisation entre les recherches interventionnelles et les recherches interventionnelles à risques négligeables. Toutefois, elle a choisi de conserver les recherches non interventionnelles, obtenues en collectant des informations et données personnelles de santé, sans intervention sur la personne.
Il nous semble opportun de maintenir les recherches non interventionnelles hors du cadre législatif garantissant la protection des personnes. Pour ce qui concerne le consentement, indispensable en cas d'observations comparatives, nous disposons déjà de la loi Kouchner de 2002. Cette proposition de loi a pour objet de faire de la recherche une priorité nationale et de transformer les CPP en instruments au service des chercheurs. Elle accroît le travail de ces comités sans se préoccuper de moderniser leur fonctionnement.
Actuellement, la recherche médicale n'est pas conduite dans un vide juridique mais dans le respect de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. C'est à la Cnil de s'assurer qu'elle ne porte atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits et libertés individuelles ou publiques, et d'autoriser ces traitements après avis du Comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS). Ce dernier fonctionne parfaitement, depuis de nombreuses années. A contrario, les CPP n'ont pas de compétences particulières pour garantir la vie privée et les libertés individuelles.
En réunissant sous une même appellation les recherches relevant de l'innovation et l'évaluation, ou observation, on risque de créer une confusion entre elles et de dénaturer les CPP, qui risquent de se transformer en comités de lecture ou devoir renoncer à la qualité de leur examen.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Patricia Schillinger. - Cette proposition de loi vise à faire de la recherche un instrument au service des chercheurs afin d'accroître le nombre des publications.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Cet amendement propose de revenir au texte de 2004. Or non seulement ce dernier n'était pas satisfaisant mais cette proposition de loi enrichit l'éthique de la recherche et unifie le contrôle de l'ensemble des protocoles, ce qui améliorera la transparence et la protection des personnes. La commission a supprimé la notion de priorité nationale et a clarifié la question du consentement. Elle a adopté un texte qui concilie les progrès de la science et l'éthique de la recherche. Retrait ou avis défavorable.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Avis défavorable. Ce texte permet de faire rentrer dans le champ de la loi des recherches sur la personne des publics qui lui échappaient jusqu'ici et d'accroître les garanties offertes. Actuellement, les recherches non interventionnelles ne sont pas encadrées et l'avis d'un CPP n'est pas requis. En outre, ces recherches feront désormais partie du champ de compétences de l'Afssaps.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Les recherches non interventionnelles bénéficient de la protection de la Cnil : vous ne pouvez pas dire, madame la ministre, qu'il n'y a actuellement aucune protection -ou alors il faut modifier le fonctionnement de cet organisme !
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Alinéa 23
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 ne peuvent être mises en oeuvre qu'après avis favorable du comité de protection des personnes mentionné à l'article L. 1123-1. Les recherches non-interventionnelles sont mises en oeuvre après avis favorable des espaces de réflexion éthique mentionnés à l'article L.1412-6 du présent code. »
II. - En conséquence, alinéa 25
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Cette proposition de loi reflète le désir croissant de la communauté scientifique de transformer les CPP pour en faire des instruments à son service. Elle dénature la mission essentielle de ces comités, qui deviendraient des sortes de comités d'éthique de la recherche.
Les CPP ont été créés pour protéger les personnes se prêtant à des recherches biomédicales. Plutôt que de les transformer en comités de lecture, il conviendrait de laisser le soin aux instances existantes d'assurer les missions complémentaires aux protocoles de recherche : formation et information sur la législation et l'éthique, aide lors de la qualification des programmes, orientation du responsable de la recherche vers un CPP, délivrance d'avis sur des projets d'études non interventionnelles, etc. Afin de moderniser la recherche clinique française et de garantir un même niveau d'exigence, il faudrait développer des comités consultatifs d'éthique de la recherche au sein des CHU et accroître la légitimité des espaces de réflexion éthique. Cet amendement vise à apporter une réponse satisfaisante aux chercheurs tout en recentrant les CPP sur leur mission exclusive : la garantie des droits et libertés fondamentales des personnes.
Madame la ministre, vous nous avez davantage parlé de recherche que de protection des personnes. Or la loi Huriet-Sérusclat porte sur la protection des personnes. Si nous débattons de la recherche, la ministre concernée doit participer à nos travaux. Nous traitons aujourd'hui de la protection des personnes dans le cadre de la recherche.
Mme Patricia Schillinger. - Très bien.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Le Gouvernement nous a communiqué ses amendements il y a quelques heures seulement : la commission n'a pu les examiner. Nous demandons une suspension de séance de 30 minutes pour nous réunir.
Mme la présidente. - Nous suspendons la séance jusqu'à 19 h 15.
La séance, suspendue à 18h 55, reprend à 19 h 20.
Mme la présidente. - Amendement n°37, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 23
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Le promoteur adresse une copie de cet avis et un résumé de la recherche à l'autorité compétente. Sur demande, le comité de protection de personne concerné transmet sans délai toutes les informations utiles concernant ces recherches à l'autorité compétente.
II. - Après l'alinéa 25
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« A tout moment, le comité de protection de personne concerné informe sans délai l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de tout problème de sécurité présenté par une recherche mentionnée au 2° ou 3° de l'article L. 1121-1. »
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il s'agit d'obliger les promoteurs à transmettre à l'agence les éléments essentiels concernant leurs recherches et de mettre en place un système d'alerte entre les CPP et l'Afssaps pour toute la recherche sur la personne. Ce sont là des garanties supplémentaires pour que l'agence puisse exercer pleinement ses nouvelles fonctions de police sanitaire.
Mme la présidente. - Amendement n°8, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 25, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Vous savez quelle est notre position sur les CPP. Il nous semble au moins indispensable que les comités qui, aux prises avec un doute sérieux, saisissent l'Afssaps suivent ensuite l'avis donné par l'agence.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Défavorable au n°7 par cohérence. Les espaces éthiques ne sont pas les mieux à même de conduire ce travail. Qui connaît leur fonctionnement sait qu'il est exclu de le leur confier. L'amendement du Gouvernement tend à compléter l'information de l'Afssaps : nous y sommes tout à fait favorables. Avis favorable également au n°8.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je partage l'avis de Mme Hermange sur l'amendement n°7 : ces espaces éthiques sont des lieux d'échange, de réflexion, de formation, mais ils ne sont pas faits pour ce genre de mission ! Avis favorable sur le n°8.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
L'amendement n°37 est adopté, ainsi que l'amendement n°8.
Mme la présidente. - Amendement n°25, présenté par Mme Hermange, au nom de la commission.
Après l'alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité peut qualifier de manière différente les phases successives d'un même protocole de recherche.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Certains chercheurs craignent que les exigences en matière de consentement écrit ne bloquent toute la recherche épidémiologique, qui porte parfois sur une vaste population. Cette inquiétude est infondée puisque les recherches épidémiologiques sont observationnelles. Toutefois, afin de ne pas entraver des recherches à la fois épidémiologiques et interventionnelles, nous offrons aux CPP la possibilité de distinguer au sein d'un protocole des phases observationnelles et des phases interventionnelles. Pour les premières, l'information des personnes suffit, pour les autres un consentement écrit est nécessaire.
Étudier l'impact des affiches de l'Inpes contre le risque alcool est observationnel ; créer ensuite une consultation spécifique en alcoologie est interventionnel. La France participe avec onze autres pays en Europe à une vaste campagne, à la fois observationnelle et interventionnelle, en alcoologie. Nous appliquons déjà dans ce cadre les règles de consentement écrit qui ont cours en Europe.
Nous avons entendu les craintes des chercheurs et, tout en restant fermes sur le consentement écrit, nous avons le souci d'une conciliation.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je partage ce souci d'équilibre et nous serons d'accord pour placer d'abord la protection de la personne. Tout en levant une polémique qui n'a pas lieu d'être, je veux souligner qu'il est indispensable que les conditions de recueil du consentement soient adaptées. La plupart des recherches épidémiologiques sont observationnelles mais certaines sont interventionnelles. Prenons l'exemple d'une campagne de sensibilisation sur l'alcoolisme dans plusieurs communes. A l'évidence, on ne peut recueillir le consentement écrit de tous les habitants alors même qu'il s'agit de modifier les comportements. Devrions-nous faire signer toutes les personnes qui assistent à une conférence ou exposer les chercheurs à trois ans de prison ? Il y a des recherches strictement observationnelles et des recherches épidémiologiques à une échelle telle qu'il n'est ni souhaitable ni possible de recueillir le consentement écrit. Je présenterai d'ailleurs un amendement sur les recherches épidémiologiques interventionnelles de nature à lever des restrictions.
M. Jean-Pierre Godefroy. - On voit bien qu'il y a un vrai problème. Dans notre logique, nous gardons un avis négatif. Mme le rapporteur cherche une solution mais, loin de simplifier, on va vers plus de complexité et on mélange les genres avec une qualification différente des phases d'un protocole de recherche.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - L'exemple pris par la ministre montre la nécessité de distinguer entre les phases de la recherche selon qu'elles sont observationnelles ou interventionnelles. On n'a pas besoin de donner son consentement pour assister à une conférence, c'est nécessaire pour une recherche interventionnelle, s'il y a soin, consultation dédiée ou intervention sur la personne. Un protocole peut comporter une phase observationnelle puis une phase interventionnelle, d'où leur qualification différente par le Comité de protection de la personne.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Certains considèrent qu'une recherche interventionnelle comporte l'administration de médicaments ou de soins mais, dans une démarche de santé, si vous testez un processus modifiant le comportement des personnes, il y a recherche interventionnelle. Voilà la difficulté sémantique : cette question de définition est capitale.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Il me semble impossible de retirer l'amendement voté par la commission.
M. Robert del Picchia. - J'ai entendu les deux arguments et je n'arrive pas à me décider. J'ai été convaincu par la ministre et par le rapporteur. Je ne peux pas tirer à pile ou face et plaire à l'une en vexant l'autre : je m'abstiendrai et me rallierai à la majorité.
L'amendement n°25 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Alinéa 27
Avant les mots :
Les personnes
insérer les mots :
A titre dérogatoire,
II. - En conséquence, alinéas 29 et 30
Supprimer ces alinéas.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous demandons des explications. La proposition revient sur le choix opéré depuis 1988 de ne pas admettre à des recherches des personnes privées de protection sociale parce que leur consentement pourrait être dicté par le besoin d'accéder aux soins. Certes, ces migrants en situation irrégulière sont parfois porteurs de maladies graves mais ils forment une population particulièrement vulnérable et on ne peut diminuer leur protection sans introduire en France une problématique bien connue des pays pauvres. Les intentions de Mme la rapporteur sont plus louables qu'efficaces.
Mme la présidente. - Amendement n°26, présenté par Mme Hermange au nom de la commission.
Alinéa 30
Compléter cet alinéa par une phrase et deux alinéas ainsi rédigés :
Elle doit se fonder au moins sur l'une des conditions suivantes :
« - l'importance du bénéfice escompté pour ces personnes est de nature à justifier le risque prévisible encouru ;
« - ces recherches se justifient au regard du bénéfice escompté pour d'autres personnes se trouvant dans la même situation juridique. Dans ce cas, le risque prévisible et les contraintes que comporte la recherche doivent présenter un caractère minime. »
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Nous encadrons plus strictement les dérogations mais sommes défavorables à l'amendement n°9, le président About ayant fait valoir qu'on ne peut priver ces personnes de la chance de bénéficier de soins impossibles dans un autre cadre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - L'amendement n°9 procède d'une vision manichéenne : il y aurait d'un côté le bon législateur et de l'autre les chercheurs qui auraient décidé de faire du mal aux personnes. Je caricature sans doute mais protéger les personnes, c'est aussi les admettre à des programmes de recherche. Je connais des malades du cancer en phase terminale qui me téléphonent pour me supplier de les admettre à un protocole de recherche.
Il est aussi des maladies, telle la tuberculose multirésistante, qu'on ne rencontre que chez des personnes non affiliées ; et vous voudriez les priver de participer à une recherche qui permettrait peut-être de trouver un médicament qui les guérirait ? Il faut, bien entendu, des protections renforcées ; c'est le sens de l'amendement de la commission auquel je suis favorable.
M. François Autain. - Je rejoins d'autant plus facilement le Gouvernement et le rapporteur que cette rédaction est issue d'un de mes amendements. Je ne voterai pas l'amendement n°9 mais celui de la commission. L'avis motivé du CPP évitera les dérives.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'amendement n°26 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°10, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Alinéa 37
Remplacer les mots :
l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
par les mots :
la commission mentionnée à l'article L. 1124-1 du présent code
II. - Alinéa 38
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En cas d'avis défavorable du comité, le promoteur peut demander un second examen du dossier à la commission mentionnée à l'article L. 1124-1. »
Mme Patricia Schillinger. - Cet amendement est de coordination avec un amendement que nous avions déposé à l'article 4 quinquies qui s'est perdu dans les sables de l'article 40. Tout le dispositif que nous avions élaboré a ainsi disparu. Nous entendions créer une autorité indépendante chargée notamment de la répartition des financements et de la distribution aléatoire des dossiers dans les CPP, instance qu'il faudra pourtant mettre en place si nous voulons atteindre les objectifs affichés.
Mme la présidente. - Amendement n°18, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 38
Remplacer les mots :
la commission mentionnée à l'article L. 1123-1-1. »,
par les mots :
un comité désigné de manière aléatoire par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé autre que celui ayant procédé au premier examen du projet
M. François Autain. - Une commission nationale est crée à l'article 4 quinquies, dont les attributions comportent l'examen en appel des projets de recherche. Lui confier cet examen en introduisant de fait une hiérarchie entre ses décisions et celles des CPP compromet sa mission d'élaboration d'un référentiel de bonnes pratiques. Notre amendement confie donc le second examen du dossier à un CPP désigné aléatoirement, à l'exclusion, bien sûr, de celui qui a procédé au premier.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - La solution de l'amendement n°10 n'est pas plus pratique que celle du texte. Avis défavorable. Ne pas unifier l'appel, c'est se priver d'un moyen important d'harmoniser les pratiques, au moment où on donne aux CPP une nouvelle impulsion et où on leur confie de nouvelles missions. Avis défavorable à l'amendement n°18.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Mêmes avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°10 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°18.
Mme la présidente. - Amendement n°11, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéas 39 à 41
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
9° bis Le chapitre V du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 1125-5 - Les protocoles de recherches financés ou menés dans les pays hors Union européenne par un promoteur français ou une personne morale de droit français sont soumis à l'avis de la commission nationale de protection des personnes qui examine les conditions de validité de la recherche conformément aux dispositions de l'article L. 1123-7 du présent code.
« Ces projets doivent également et indépendamment être étudiés par un comité d'éthique du pays ou de la région où doit se dérouler l'étude projetée. Une liste de ces comités d'éthique locaux ou régionaux, ainsi que des comités de défense des droits de l'homme existants, doit être établie, publiée, et remise à jour annuellement. En l'absence de comité d'éthique ou des droits de l'homme local ou national, des instances régionales fonctionnant sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé, de l'Unesco ou du Centre international de l'enfance peuvent être sollicitées.
« Les analyses et avis de la commission nationale de protection des personnes et des comités locaux, nationaux ou régionaux seront soumis aux autorités assurant le financement du projet et autorisant sa mise en oeuvre avant qu'il ne soit entrepris. »
M. Jean-Pierre Godefroy. - Peut-on encadrer les recherches menées sur notre territoire et ne rien faire pour celles menées par des promoteurs français hors de l'Union européenne ? Notre positionnement éthique dépend de la réponse à cette question. Nous proposons une procédure conforme aux recommandations du Conseil d'État et à l'avis du Conseil consultatif national d'éthique du 17 décembre 1993. Lorsque des recherches sont menées par des personnes morales de droit français hors de nos frontières, notre responsabilité est engagée.
Mme la présidente. - Amendement n°27 rectifié, présenté par Mme Hermange au nom de la commission.
I. - Alinéas 39 et 40
Remplacer la référence :
L. 1123-7
par la référence :
L. 1123-7-1
II. - Alinéa 41
Après les mots :
au regard
insérer les mots :
des deuxième à dixième alinéas de l'article L. 1123-7 et
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Nous rectifions une erreur de référence : le contrôle du CPP doit être de même précision que pour les recherches menées en France. Sagesse sur l'amendement n°11, étant entendu que la rédaction de la commission me semble plus pragmatique.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Avis favorable à l'amendement n°27 rectifié. Si la première partie de l'amendement n°11 semble judicieuse, la seconde nous fait sortir de notre champ de compétences. L'avis donné en France est fondé sur des procédures et des structures qui nous sont familières.
Mme la présidente. - J'indique au Sénat que l'adoption de l'amendement n°11 ferait tomber le 27 rectifié...
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - J'ai bien entendu le Gouvernement. J'émets un avis défavorable à l'amendement n°11.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
L'amendement n°27 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°12, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéas 42, 43 et 44
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
10° À l'article L. 1123-9, après les mots : « du comité et », sont insérés les mots : « , dans le cas de recherches interventionnelles à l'exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1, », et est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'avis défavorable du comité, le promoteur peut demander un second examen du dossier à la commission mentionnée à l'article L. 1124-1. »
Mme Patricia Schillinger. - Il s'agit encore de coordination avec celui de nos amendements qui est désormais considéré comme n'ayant jamais existé... Nous demandons d'abord la suppression du deuxième alinéa du 10° du paragraphe II : comme nous considérons que les CPP doivent se concentrer exclusivement sur les recherches interventionnelles, il ne peut plus y avoir de doute sur la qualification d'une recherche. Nous réécrivons ensuite le dernier alinéa de ce même point 10°, afin qu'en cas d'avis défavorable d'un comité, le projet de recherche puisse être soumis en appel non à un autre comité mais à la commission nationale de protection des personnes dont nous proposions la création à l'article 4 quinquies.
Mme la présidente. - Amendement n°28, présenté par Mme Hermange, au nom de la commission.
Alinéa 44
Après les mots :
le promoteur peut demander
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
un second examen du dossier à la commission mentionnée à l'article L. 1123-1-1.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Amendement de coordination, qui satisfait en partie l'amendement n°12.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je suis favorable à l'amendement n°28.
Sur le principe, la deuxième partie de l'amendement n°12 est digne d'intérêt car la solution consiste en effet à saisir la commission nationale pour demander un second examen du dossier. Je souhaite que cette disposition soit reprise. (Mme le rapporteur confirme que tel sera le cas)
En revanche, je repousse la première partie de cet amendement car les difficultés que les CPP pourraient rencontrer proviennent tout simplement du caractère hétérogène de la recherche.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous allons retirer l'amendement, qui servait à alerter sur l'application de l'article 40.
Par défaut, nous voterons l'amendement de la commission.
L'amendement n°12 est retiré.
L'amendement n°28 est adopté.
Mme la présidente. - Nous allons interrompre nos travaux et il appartiendra à la Conférence des Présidents de fixer une date pour la suite du débat.
Prochaine séance, lundi 2 novembre 2009 à 16 heures.
La séance est levée à 20 h 5.
Compte renduanalytique officiel
Jeudi 29 octobre 2009
Ici un titre3
Ici un autre titre4
Sommaire
Dépôt de rapports1
Fonds propres (Proposition de résolution européenne)1
Discussion générale1
Vote sur l'ensemble4
Assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale4
Discussion générale4
Discussion des articles4
Article premier4
Article 24
Article 34
Article 44
Article 54
Vote sur l'ensemble4
Procédure accélérée4
Dépôt de rapports4
Décentralisation des enseignements artistiques (Question orale avec débat)4
Recherches sur la personne4
Discussion générale4
Discussion des articles4
Article premier4
SÉANCE
du jeudi 29 octobre 2009
13e séance de la session ordinaire 2009-2010
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président
Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Marc Massion.
La séance est ouverte à 9 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Dépôt de rapports
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en oeuvre de la franchise sur les médicaments, les actes des auxiliaires médicaux et les transports sanitaires, établi en application de l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que le rapport sur le bilan d'avancement du processus de convergence tarifaire établi en application du l'article L. 162-22-10 du même code.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Fonds propres (Proposition de résolution européenne)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne sur l'exigence de fonds propres pour le portefeuille de négociation et pour les retitrisations et la surveillance prudentielle des rémunérations, présentée par M. Simon Sutour, Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Discussion générale
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - La proposition de résolution du groupe socialiste porte sur la proposition de directive du 13 juillet dernier sur les fonds propres. Nous l'avons déposée le 24 septembre, avant le G20 de Pittsburgh, car le sujet est au coeur de la négociation internationale et européenne et parce que la déclaration finale est rédigée en termes assez vagues pour que les États gardent la liberté d'agir. Cette proposition pose des principes, envoie un message au Gouvernement et donne de la visibilité aux travaux parlementaires. Elle valide l'idée communément admise selon laquelle les politiques doivent s'approprier le champ de la régulation financière, trop souvent délaissée à des organismes sans légitimité démocratique.
Le sauvetage du système financier n'a été possible que grâce à l'intervention des États. Ceux-ci peuvent-ils, après avoir joué les pompiers, laisser le feu repartir ? Les sauvetages financiers sans contrepartie n'ont pas modifié les mauvaises habitudes : les banques s'empressent de rembourser les aides pour faire leur marché ou distribuer des bonus... Peut-on accepter que tout reparte comme avant ? Nous avions tous dit non. Il convient donc de combattre l'hypertrophie de marchés financiers, fondée sur la recherche de la rentabilité maximale en un minimum de temps, et dénouer le lien entre les prises de risque irresponsables et les rémunérations déraisonnables, qui a alimenté les bulles financières. Il nous faut promouvoir efficacement des pratiques responsables afin que le risque final ne retombe pas sur les contribuables.
Le rapporteur général a pointé des convergences entre nos propositions et celles de la commission des finances comme du groupe de travail commun aux députés et aux sénateurs. J'y vois la promesse d'une discussion au fond. Celle-ci est souhaitable et nécessaire.
Sécurité, transparence et responsabilité, voilà nos objectifs. Nous voulons que la prévention des risques et la responsabilisation du secteur financier et bancaire passent par l'augmentation des fonds propres ; nous proposons en effet des contreparties assurantielles grâce à un fonds de garantie alimenté par une taxe. MM. Arthuis et Marini veulent l'assortir d'un allégement de la taxe sur les salaires, faisant ainsi droit à une très ancienne revendication des banques. Ils lancent ainsi un ballon d'essai en déplaçant le débat sur le terrain fiscal. Cet habile contrefeu à une mesure de fond fera-t-il oublier les cafouillages de la majorité observés sur la mesure exceptionnelle proposée par les députés socialistes ? Ponctuel et a posteriori, l'amendement de ces derniers n'est pas contradictoire avec notre proposition pérenne et a priori.
Demain, la concentration bancaire fera planer le risque que les États ne puissent plus intervenir en cas de nouvelle crise financière. Il faut nous assurer pour l'avenir d'une garantie. L'échelon européen est le plus pertinent mais rien n'empêche d'agir au niveau français grâce à l'autorité unique qu'on nous a promise pour la fin de l'année. Assortie d'un dispositif fiscal, la mesure perdrait tout effet dissuasif.
Nos propositions sur les rémunérations font débat. Nous exerçons une forme de droit de suite de notre proposition de loi du 4 novembre 2008 car il y a un lien consubstantiel entre prise de risque et rémunération. Nous souhaitons que les rémunérations soient mises sous le contrôle de toutes les parties prenantes, les dirigeants, les actionnaires lors des assemblées générales ainsi que les salariés au sein du comité d'entreprise. Ce n'est pas parce que le G20 s'est limité au bonus des traders qu'il ne faut pas traiter des autres sujets, ce n'est pas parce que la proposition de directive n'en fait pas mention que la France ne saurait promouvoir une telle proposition. Le forum de stabilité financière propose d'ailleurs un encadrement des rémunérations des administrateurs et la Commission européenne, en recommandant un plafonnement de la composante variable des rémunérations et leur adossement à des objectifs de performance, nous invite à prendre des mesures. Or, jusqu'à ce jour, le Gouvernement s'est contenté de rappels à la morale et à l'autorégulation. Selon le cabinet Ernst & Young, pourtant, seulement 37 % des entreprises cotées ont une bonne gouvernance.
M. François Marc. - Eh oui !
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Et toutes les autres ? La question est ainsi devenue d'ordre public. Il est trop facile de crier à la démagogie quand on veut mettre le sujet à l'ordre du jour du Parlement, comme l'a fait Philippe Houillon à l'Assemblée nationale ou comme nous, il y a un an. On nous avait alors demandé d'attendre six mois l'application effective du code de bonne conduite du Medef ; on nous demande maintenant d'attendre jusqu'à décembre. La majorité est au pied du mur et le Gouvernement ne peut faire moins que d'autres États européens, il peut même faire plus.
Mme Lagarde a promis un arrêté sur les bonus des opérateurs de marché.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. - Oui !
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Fera-t-on moins que les Américains ? Moins que ce que réclament les conservateurs britanniques par la voix du futur Chancelier de l'Échiquier du shadow cabinet conservateur, George Osborne, très allant sur les bonus qu'il veut limiter à 2 000 euros ? Si les uns et les autres font ce qu'ils ont dit, on ne pourra plus évoquer en France le risque d'évasion des capitaux vers des places financières plus favorables.
Il n'est donc ni déplacé ni irréaliste que le Parlement se saisisse de ces sujets. Si la finance repart, l'économie réelle continue de se traîner avec son cortège de chômeurs et de défaillances d'entreprises. Ne rien faire ou en faire trop peu, tandis que les contribuables seront amenés in fine à payer, c'est prendre le risque d'accroître le ressentiment déjà grand de nos concitoyens.
Nous défendons l'idée d'un superviseur européen doté du pouvoir de sanction, de même que celle d'un médiateur européen qui veillerait aux intérêts des usagers des banques.
La crise est trop grave pour qu'on entretienne des clivages politiques artificiels. Nous reconnaissons les apports positifs de la position française en matière de lutte contre les paradis fiscaux ; on aura plus fait en un an qu'en douze. Mais nous voyons aussi que Gouvernement et majorité sont prompts à défendre les intérêts acquis... (M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, ironise) Si nous nous contentons d'une réforme des normes comptables, une autre crise ne nous sera pas épargnée ; plus grave encore : nous ruinerons définitivement la confiance de nos compatriotes dans l'action politique -ce dont nous ne voulons ni les uns ni les autres. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances. - Je rejoins les propos de Mme Bricq au moins sur un point : les sujets dont nous débattons ce matin, sous leur apparence technique, sont éminemment politiques. Il est clair que le Parlement doit se réapproprier des matières trop volontiers laissées à des instances d'expertise sans vraie légitimité. L'initiative du groupe socialiste nous permet de mesurer tant nos convergences transpartisanes que les lignes de clivage qui sont indispensables à toute vie politique organisée.
A l'initiative des présidents Larcher et Accoyer, un groupe de travail de 24 parlementaires s'est réuni à de nombreuses reprises et a formulé, à la demande du Président de la République, des propositions préalables à chacune des sessions du G20. Sous la houlette bienveillante des présidents Arthuis et Migaud, un consensus a pu se dégager. Le groupe de travail constitué au sein de notre commission des finances vient, de son côté, de faire 57 propositions qui entendent toutes -c'est en quelque sorte notre patrimoine commun- renforcer la supervision, limiter la procyclicité et les risques systémiques et réintroduire la responsabilité et le prix du risque.
En avril dernier, sur le fondement du rapport de M. de Larosière, Bruxelles a annoncé le lancement d'un programme de réformes du système financier, dont un projet de directive sur lequel s'appuie la proposition de résolution dont nous débattons. La commission des finances s'est saisie, le 7 octobre, de cinq autres textes européens qui tendent notamment à mettre sur pied trois autorités européennes de surveillance du risque. Ces textes vont suivre leur cheminement de codécision au sein des instances communautaires.
Le projet de directive vise à intégrer au droit communautaire les dernières préconisations de réglementation dites de Bâle II, qui concernent les fonds propres des banques et des institutions financières. Aujourd'hui, on applique le ratio Cook, qui est généralement de 8 % du risque pondéré. Mais la crise a révélé l'insuffisance des règles prudentielles en vigueur. La réglementation est d'abord procyclique : en période d'euphorie, les banques se contentent d'un minimum de fonds propres tandis qu'en période de crise, elles ont besoin de les augmenter massivement, alors que le capital est devenu rare et cher. D'où l'entrée dans un cercle vicieux aux conséquences potentiellement dramatiques. Les règles actuelles ont en outre l'inconvénient de ne pas prendre en compte les produits les plus complexes, donc les plus risqués. Au total, les fonds propres des banques sont en inadéquation avec la réalité du risque auquel elles sont exposées.
La future directive fixe de nouvelles exigences en matière de fonds propres pour les opérations de retritrisation. La crise a en effet montré que ces montages financiers à étages étaient particulièrement risqués. Le texte européen permet aux autorités nationales de régulation d'imposer une pondération du risque allant de 20 % à 1 250 % -niveau évidemment dissuasif. La directive encadre en outre le recours aux modèles internes des banques qui aujourd'hui sous-estiment les pertes potentielles en situation de crise, s'agissant des portefeuilles de négociation ou trading books ; avec les nouvelles règles, les établissements financiers seront incités à augmenter leurs fonds propres. La directive imposera enfin de nouvelles règles de publicité sur les risques de titrisation.
L'approche du texte européen est ainsi strictement prudentielle. Le contrôle des rémunérations des seuls établissements financiers est abordé sous ce seul angle.
Il est exclu d'imposer aux États membres des politiques de rémunérations applicables à l'ensemble des entreprises. Certaines pratiques bancaires en ce domaine ont notoirement poussé au crime quant à la prise de risques, sans avoir toutefois joué un rôle prépondérant dans le déclenchement de la crise actuelle. Le système financier doit se défendre contre ces effets pervers.
Pour mettre au premier plan les véritables performances des entreprises constatées à moyen et long terme, une intervention législative communautaire ou nationale est légitime.
Les préconisations du rapport Larosière sont limpides : les primes versées à certains salariés d'établissements financiers doivent correspondre à des performances réelles, ce qui exclut de les garantir ; les performances doivent être évaluées dans un cadre pluriannuel afin de ne pas récompenser à tort un résultat instantané susceptible d'être inversé par un autre enchaînement purement technique ; le paiement des primes doit être échelonné dans le temps afin de lisser leur incidence sur les comptes de résultat et les ratios financiers tout en écartant les effets d'aubaine. Ce rapport préconise en outre d'augmenter les obligations de fonds propres imposés aux établissements dont la politique de rémunération serait inadéquate. La proposition de directive traduit ces orientations.
J'en viens à un bref commentaire sur la proposition de résolution qui nous est soumise. Ses préconisations me semblent de portée et de pertinence inégales, selon la formule que j'ai utilisée en commission.
Certaines suggestions de nos collègues reprennent les conclusions du groupe de travail commun constitué par l'Assemblée nationale et le Sénat sur la crise financière internationale. Il n'y a là rien d'étonnant puisqu'ils ont participé activement à ce groupe. Je n'ai trouvé là rien de choquant sur le plan du contenu mais ces préconisations n'ont pas nécessairement leur place dans une résolution européenne puisqu'elles n'ont avec la proposition de directive qu'un lien ténu, pour utiliser un terme bienveillant. Ainsi, la fiscalité relève principalement du domaine national.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution - Vos suggestions aussi !
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances. - Je ne les ai pas présentées à propos d'une directive européenne. Pour un même contenu, vous auriez pu choisir un autre vecteur législatif.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Ça viendra !
M. Philippe Marini, rapporteur. - J'analyse votre proposition de résolution européenne sous le regard sourcilleux de notre maître du droit communautaire, M. Haenel.
M. François Marc. - Pendant ce temps, la maison brûle !
M. Philippe Marini, rapporteur. - D'autre part, certaines de vos propositions sont satisfaites ou en phase de l'être. D'autres, bien qu'européennes et légitimes, sont irréalistes vu les orientations de la Commission européenne.
Enfin, vos suggestions portant sur la rémunération des dirigeants de sociétés cotées ne sont pas conformes aux travaux conduits jusqu'ici par la commission des finances. (Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution, en convient) Au demeurant, elles relèvent presque intégralement du droit national.
La commission des finances reconnaît votre droit à introduire un débat.
M. François Marc. - C'est déjà ça !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Appliquant de manière scrupuleuse l'accord passé entre les groupes politiques de notre assemblée, elle a laissé la proposition initiale dans sa pureté originelle. Mais l'absence de lien suffisant avec le droit communautaire et les préconisations distinctes de celles de la majorité en matière de rémunérations me conduisent à prendre acte de nos divergences en recommandant au Sénat de repousser le texte présenté, après en avoir suffisamment débattu.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Dommage !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Oui : comme vous, je regrette que nous n'ayons pu aboutir à un texte commun pour prolonger un dialogue constructif. Hélas, vous n'avez pas voulu transiger. (Exclamations sur les bancs socialistes) Adopter une position commune suppose des sacrifices partagés ! Je conclus donc au rejet de cette proposition. (Applaudissements à droite)
M. Simon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des affaires européennes. - Mon avis sera quelque peu différent.
Cette initiative constitue la première opportunité de mettre en oeuvre les nouvelles dispositions de notre Règlement relatives aux propositions de résolution européenne. Conformément à l'article 73 quinquies le texte a été transmis à la commission des affaires européennes, qui s'en est saisie pour avis. Sa compétence est certes généraliste mais elle doit examiner aussi les sujets dont le caractère technique manifeste ne doit pas dissimuler la portée politique.
Une proposition de directive a donc été adoptée le 13 juillet par la Commission européenne pour modifier les directives « fonds propres » rédigées en 2006 en application de l'accord Bâle II de 2004 -un dispositif prudentiel destiné à mieux appréhender les risques de crédit et les exigences en fonds propres. Les ajustements opérés par le comité de Bâle sur le contrôle bancaire avaient déjà fait revoir les directives.
La Commission européenne propose toutefois de renforcer les exigences de fonds propres et d'étendre le champ de la surveillance prudentielle aux régimes de rémunération des établissements financiers. Ces modifications reprennent des orientations largement débattues, que ce soit dans le rapport Larosière sur la supervision du système financier, dans les travaux de la Commission européenne ou au cours des sommets du G20.
La proposition de directive tend à renforcer les exigences dans quatre domaines : le portefeuille de négociation ; la retitrisation ; la publicité relative aux risques de titrisation ; la surveillance prudentielle des politiques de rémunération. Les États membres devraient transposer le dispositif avant le 31 décembre 2010.
Selon les auteurs de la proposition, le secteur bancaire ne tient pas les engagements pris en matière de financement de l'économie et de rémunération des opérateurs de marché. Ils ont donc saisi l'opportunité offerte par la proposition de directive pour inciter notre assemblée à demander au Gouvernement de prendre en compte leurs préoccupations, qui portent sur les exigences de fonds propres, sur la rémunération des dirigeants des entreprises cotées, sur l'encadrement des rémunérations variables des opérateurs financiers, enfin sur la supervision européenne et le système de sanctions.
La commission des affaires européennes a noté que plusieurs mesures avancées par la proposition de résolution européenne visent à mettre en oeuvre des propositions du groupe de travail commun Assemblée nationale-Sénat mis en place le 28 octobre 2008. C'est ainsi que nos collègues proposent un relèvement de 5 à 10 puis 25 % du taux de rétention dans le bilan des actifs titrisés ; l'établissement par les entreprises du secteur financier et bancaire d'un rapport annuel rendant compte de leur méthodologie de quantification du risque et de leur niveau d'exposition au risque par classe d'actifs ; l'exigence que la part variable de la rémunération des opérateurs financiers et de marchés ne soit versée qu'en fonction des gains réels dégagés et qu'au moins une fraction égale aux deux tiers soit étalée sur au moins trois ans avec une clause de retenue ou de restitution en cas de résultats négatifs ultérieurs.
Sur d'autres points, nos collègues ne reprennent pas à la lettre les propositions du groupe de travail commun. Tel est le cas de la proposition visant à ce que la part variable de la rémunération des opérateurs financiers et de marchés fasse l'objet d'un paiement en titres de l'établissement employeur ou à propos de la possibilité pour les autorités de surveillance de réaliser des tests de résistance semestriels du système financier et bancaire, dont les auteurs de la proposition de résolution souhaitent la publication des résultats.
Sur plusieurs points, la proposition de résolution va au-delà des préconisations du groupe de travail commun. Ses auteurs ont estimé que, compte tenu de l'ampleur de la crise ainsi que de la nécessité de ne pas succomber à la tentation du business as usual, il convenait de proposer au Conseil la mise en place de mesures contraignantes au niveau européen. En effet, les engagements souscrits par le G20 sont formulés en termes très généraux et ne revêtent pas de caractère contraignant. Ces pays sont très hétérogènes, avec des situations économiques fort différentes. Malgré leur signature et leur engagement, les États-Unis refusent d'appliquer les normes Bâle II sur les fonds propres...
Même si ces propositions vont plus loin que celles du groupe de travail commun, elles peuvent donner l'occasion d'engager un débat sur la manière d'éviter qu'une telle crise financière ne se reproduise et sur les moyens d'améliorer la régulation, la supervision et la moralisation de la sphère financière.
La Commission européenne avait annoncé son intention de présenter, en principe ce mois-ci, de nouvelles modifications aux « directives fonds propres ». Or le commissaire en charge du marché intérieur, M. Charlie Mc Creevy, qui est partisan d'une régulation financière a minima, vient d'y renoncer. Si les services de la Commission ont souhaité attendre que le comité de Bâle conclue son cycle pour prendre en compte les recommandations de ce dernier, la pression du secteur bancaire européen s'est-elle, sans doute, fait aussi sentir. Il est donc bon que la proposition de résolution comporte des propositions plus substantielles, en matière de rémunérations ou sur la mise en place d'un système de sanctions.
Sur ce point, les termes du débat ont évolué depuis le dépôt du texte de la proposition : le 23 septembre, la Commission européenne a présenté un paquet sur la supervision financière en Europe, créant trois autorités de surveillance européennes, pour les banques, pour les assurances et pour les marchés financiers. Les mesures suggérées par la proposition de résolution trouveront leur place dans le débat à venir sur ce paquet législatif.
Prenant en compte ces différents éléments, la commission des affaires européennes a décidé de ne pas modifier cette proposition de résolution. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. - Les auteurs de cette proposition de résolution ont effectué un important travail d'une grande technicité, qui mérite d'être salué. La question est de savoir s'il intervient au bon moment. Or il faut bien constater qu'il n'intègre pas les travaux de Pittsburgh : certaines mesures qu'il suggère sont désormais décidées. Si cette proposition de résolution intervient trop tard sur certains points, elle arrive trop tôt pour d'autres.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution - Bref, ce n'est jamais le bon moment !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Eh oui, il faut être capable d'intervenir au bon moment !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ce texte nous donne l'occasion d'aborder un véritable sujet ; celui de la solidité de notre secteur bancaire et des leçons que nous avons tirées de la crise en vue de le rendre plus transparent, plus responsable et mieux régulé. On connaît les raisons de cette crise ; le diagnostic est partagé. Cette crise a d'abord été celle du secteur immobilier américain et des pratiques de prêts, parfois tout simplement immorales, qui avaient cours. L'Europe, la France n'ont jamais connu de tels excès mais ces dérives ont eu des effets bien au-delà de ce secteur.
Il s'agit aujourd'hui de rétablir la confiance des ménages et des entreprises dans notre système financier. Pour cela, nous devons créer un cadre de supervision et de régulation qui rende au secteur financier sa solidité. C'est toute l'action du Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République.
Ce projet de résolution reflète une analyse approfondie des questions prudentielles. Mais il apporte parfois de mauvaises réponses : s'engager sur cette voie reviendrait à imposer des contraintes telles aux banques françaises qu'elles seraient incapables de financer notre économie et seraient gravement handicapées dans la compétition internationale.
M. Philippe Marini, rapporteur. - C'est clair !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Le Gouvernement croit, à l'inverse, qu'il faut répondre aux excès du passé non pas par de nouveaux excès mais par des mesures bien ciblées. Faute de ce discernement, nous parviendrons juste à étouffer la reprise économique.
La crise a révélé les faiblesses de la réglementation actuelle en matière de fonds propres. Le Gouvernement est à l'initiative au sein du G20 et au niveau de l'Union européenne pour renforcer nos règles prudentielles. Il s'agit d'abord de réformer la titrisation. Aux États-Unis, personne ne contrôlait si les ménages qui empruntaient étaient en mesure de rembourser. Ce contrôle, c'est le rôle des banques. Mais pourquoi contrôleraient-elles si, grâce au miracle de la titrisation, elles transfèrent les mauvais risques à d'autres et ne subissent pas les conséquences des crédits qu'elles accordent ? La présidence française de l'Union a mis fin à cette pratique. L'Europe a décidé d'imposer aux banques de garder à leur bilan 5 % des produits qu'elles titrisent.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Ce n'est pas adapté !
M. Richard Yung. - C'est beaucoup trop peu !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Les banques subiront ainsi les conséquences de leurs décisions de crédit, ce qui les incite à vraiment contrôler. Avec cette mesure, c'est, je crois, une des propositions de votre projet de résolution qui est déjà satisfaite. (On le conteste sur les bancs socialistes)
Deuxième direction : renforcer les exigences de fonds propres pour les activités risquées. Vous proposez de porter de 8 à 10 % l'exigence minimum de fonds propres des banques, et pour toutes les activités. Ce serait une erreur car on pénaliserait ainsi le financement des ménages et des entreprises. Le Gouvernement, lui, veut exiger plus de fonds propres en face des activités de trading et de titrisation mais moins en face du crédit aux ménages et aux entreprises. Il soutient un triplement des exigences de fonds propres en face des activités de trading pour compte propre.
Les règles prudentielles et comptables actuelles peuvent contribuer à l'apparition des crises et à leur aggravation. Le Gouvernement souhaite introduire des stabilisateurs : nous voulons que les banques aient l'obligation de constituer des réserves quand les choses vont bien et qu'elles puissent y avoir recours quand les choses vont mal. La Commission européenne fera, début 2010, une proposition législative en ce sens.
Sur la supervision, je répondrai tout à l'heure plus en détail mais je peux déjà dire notre accord pour aller plus loin, d'autant que le Conseil européen du 18 juin a entériné le rapport Larosière.
Il faut en second lieu renforcer la transparence et la responsabilité des politiques de rémunérations inadéquates ayant encouragé la prise de risques excessifs. Nous voyons aujourd'hui des raisons d'espérer une sortie de crise prochaine et de penser que le pire est derrière nous. Mais nous devons éviter que des comportements nuisibles resurgissent dans la finance internationale. Les banques, dont certaines n'ont dû leur salut qu'à un soutien public massif, profitent de bons résultats au premier semestre pour prétendre que cette crise n'était qu'un incident de parcours et que les agissements d'hier peuvent reprendre comme si rien ne s'était passé. Le sommet du G20 de Pittsburgh l'a clairement indiqué : « Les rémunérations excessives dans le secteur financier ont à la fois reflété et favorisé une prise de risques excessive ». Nous devons mettre fin à des systèmes de rémunération qui incitent à une gestion de court terme et à une « rémunération de l'échec ». A la veille du sommet de Londres, la France et l'Allemagne avaient fait part de leur volonté d'obtenir de nouvelles avancées en matière de régulation financière face au risque d'un retour rapide aux habitudes du passé. Les bonus, par exemple, apparaissaient comme des tests de la volonté collective. Au G20 et sous l'impulsion du Président de la République, les chefs d'État ont adopté des règles encadrant les rémunérations des opérateurs de marché avec une interdiction des bonus garantis, un paiement différé d'une partie substantielle de la rémunération et la création d'un malus quand la performance n'est pas au rendez-vous. La France s'est battue pour que le projet de directive européenne intègre l'ensemble des règles décidées par le G20 à Pittsburgh, si bien que celui-ci satisfait déjà les propositions du groupe socialiste en matière d'encadrement des rémunérations variables des opérateurs financiers. Nous n'attendrons pas l'application de la directive et un prochain arrêté appliquera les décisions du G20 à notre droit bancaire.
Vous proposez également d'encadrer la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, sujet qui dépasse la seule réglementation bancaire et qui n'aurait, avec une directive européenne refondant les exigences de fonds propres des banques, qu'un lien ténu.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Tant il est ténu qu'à la fin il se casse...
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - C'est un vrai sujet, mais à traiter dans un autre cadre. Le Gouvernement a pris des mesures d'encadrement de ces rémunérations. Dans la loi « Travail, emploi, pouvoir d'achat », nous avons encadré les indemnités de départ pour interdire les rémunérations qui ne sont pas la contrepartie d'une performance réelle. Mais la rémunération, ce n'est pas seulement la performance, c'est aussi le respect de règles éthiques. A la demande des pouvoirs publics, I'Afep et le Medef ont adopté un code de bonne conduite imposant le plafonnement des indemnités de départ, l'interdiction du cumul contrat de travail-mandat social et une transparence accrue sur les rémunérations. Le Gouvernement a demandé à l'Autorité des marchés financiers de faire un rapport fin 2009 sur l'application de ce code et, au vu de ce rapport, le Gouvernement décidera si des mesures législatives sont nécessaires.
Le Gouvernement a également encadré les rémunérations dans les entreprises qui bénéficient d'un soutien de l'État, les banques, notamment, ou les constructeurs automobiles. Les décrets des 30 mars et 20 avril, pris en application de la loi de finances rectificative d'avril 2009, prévoient des mesures empêchant les abus : interdiction d'attribuer des stock-options et des actions gratuites aux dirigeants des entreprises soutenues par l'État, interdiction de verser des rémunérations variables quand elles ne sont pas la contrepartie de performances réelles -et le décret précise qu'il ne peut pas s'agir de performances boursières-, interdiction de verser des rémunérations variables ou des indemnités de départ quand l'entreprise procède à des licenciements de forte ampleur, interdiction enfin de créer de nouveaux régimes de retraite chapeau, d'accueillir de nouveaux dirigeants dans les régimes existants ou d'améliorer les droits des dirigeants au titre des régimes existants.
Un mot, pour conclure, sur le rôle de l'Europe. II est de bon ton de faire preuve de scepticisme face à notre capacité à mettre des idées sur la table et à les mettre en oeuvre. Au contraire, nous agissons, nous impulsons, nous influençons. La France a pris des initiatives pour renforcer la régulation du secteur financier et elle a été entendue. Christine Lagarde est mobilisée et elle fera des propositions ambitieuses au G20 de Saint-Andrews la semaine prochaine. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Vera. - Nous discutons aujourd'hui d'une proposition de résolution dont notre commission des affaires européennes a jugé utile qu'elle soit débattue et que la commission des finances recommande de rejeter et, cela, alors même que, comme toute proposition de résolution européenne, son adoption n'entraînerait, notamment dans le cadre du prochain Conseil, aucune obligation pour le gouvernement français. L'adoption d'une proposition relevant du voeu pieux ne préempte d'aucune manière l'attitude du Gouvernement, notre Constitution n'envisageant pas de mandat impératif en la matière.
Au-delà de cette question de forme, qui désincarne encore un peu plus le débat parlementaire, se pose évidemment la question de fond, c'est-à-dire le comportement des établissements de crédit et la manière d'éviter, à l'avenir, ce que nous avons connu depuis l'été 2008. La commission des finances, en tout cas sa majorité, confirme sa position constante en matière financière et bancaire, celle du maintien des pratiques en cours. Pas question de toucher, ne serait-ce que du bout du doigt, aux comportements des banques, des opérateurs de marché, des spécialistes du boursicotage, des fonds d'investissement ou des spécialistes du LBO. Toucher à cela, c'est s'attaquer à une sorte de zone interdite -comme si la République devait s'arrêter devant le mur de l'argent- où seule compterait la loi du marché. Pourtant, demander aux banques de respecter les faibles contreparties qui ont été établies en regard de l'aide publique à leur refinancement et à leur recapitalisation serait une exigence minimale si l'on voulait réellement replacer le politique et la puissance publique au centre du jeu financier. Il est temps de prendre des mesures concrètes en faveur de l'intérêt général et que les décisions politiques priment sur les forces de l'argent !
Nous n'en prenons pas le chemin. Alors que les sommets du G20 et les déclarations péremptoires, au plus haut niveau de l'État, laissaient penser que les règles du jeu allaient changer, voici que la plupart des établissements de crédit, en France comme à l'étranger, s'apprêteraient à verser à leurs dirigeants comme à leurs opérateurs de marché des gratifications d'un montant inégalé. En rejetant le texte de cette proposition de résolution qui n'a pourtant aucune portée impérative, la commission des finances renonce à l'encadrement des bonus, aux obligations de distribution de crédit et à la nécessité de rendre des comptes pour les établissements de crédit.
Vous avez sûrement entendu, ces derniers temps, le discours de M. Baudouin Prot, PDG de BNP-Paribas et dirigeant de la Fédération bancaire. Alors que les banques françaises ont tiré parti de la baisse des taux de refinancement interbancaire pour reconstituer leurs marges d'intermédiation, voici que M. Prot théorise sur le « crédit responsable ». Dans son esprit, il s'agit d'éviter que la crise ne se reproduise en entourant tout crédit accordé du plus de garanties possibles. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est entendu. La contraction des crédits atteint un niveau inégalé cette année et BNP Paribas vient pourtant d'annoncer un résultat, pour le premier semestre 2009, aussi élevé que le résultat annuel de l'exercice 2008 ! Aujourd'hui, on prête moins, pas vraiment à moins cher, et on réalise un produit net bancaire particulièrement remarquable. Rien que pour cette raison, nous devrions adopter cette proposition de résolution.
Mais entre notre commission des finances et le Gouvernement, qui s'est empressé, cette semaine, de retirer du texte de la loi de finances un amendement instaurant une taxation exceptionnelle des établissements de crédit, nous nous trouvons décidément face à des gardiens vigilants du sanctuaire de la finance et de la spéculation. On évoque ainsi l'idée d'une petite taxe destinée à financer la régulation des activités de marché. En échange de quoi, les entreprises du secteur, au motif qu'il ne faudrait pas accroître les prélèvements obligatoires, se verraient exonérées de la taxe sur les salaires ! C'est beaucoup de sollicitude pour un secteur d'activité qui, pourtant, non seulement n'a pas créé beaucoup d'emplois ces derniers temps mais qui, en plus, conditionne l'existence de milliers d'autres ! La France se retrouve ainsi, une fois de plus, en décalage par rapport à la plupart des pays développés, lesquels envisagent sérieusement des mesures fiscales en direction de leurs banques.
Il est grand temps de ne plus laisser les affaires bancaires aux seules mains des banquiers. Le pays a déjà payé au prix fort leur aventurisme et leur inconséquence. Il faut passer à autre chose !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Au pilori !
M. Bernard Vera. - Sans résoudre tous les problèmes, cette proposition de résolution allait dans le bon sens.
La rejeter équivaut, encore une fois, à démontrer l'impuissance du politique (M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, s'exclame), doublée en la matière d'une coupable bienveillance... (Applaudissements à gauche)
M. Richard Yung. - Permettez-moi tout d'abord de répondre aux objections soulevées par le ministre et le rapporteur. Cette proposition de résolution européenne ne viendrait pas à point, nous dit-on. Au contraire, c'est le moment de mettre en avant nos propositions quand est prévue, demain, une réunion du Conseil européen, sur cette question entre autres, et que sont programmés d'autres sommets du G20 et diverses rencontres au niveau communautaire. Selon le rapporteur, le sujet des rémunérations des dirigeants de société n'aurait pas été abordé lors des précédents sommets du G20 et réunions communautaires. Il relèverait d'une préoccupation purement nationale et, donc, ne trouverait pas sa place dans une proposition de résolution européenne.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Eh oui ! A moins de vouloir une Europe fédérale, mais nous n'en sommes pas là !
M. Richard Yung. - Je l'appelle de mes voeux !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Pas moi !
M. Richard Yung. - La question de la rémunération des dirigeants de société a été abordée au sein du G20 sous l'angle de la partie variable des bonus. Il est de la responsabilité du Conseil européen de traduire ses conclusions dans la réglementation européenne et de la nôtre de transposer cette réglementation européenne dans notre législation nationale. Autrement dit, nous respectons parfaitement le scénario des matriochkas : le G20, puis l'Europe, puis la France.
Certes, nous proposons d'aller plus loin. Mais c'est le rôle de la France de faire avancer la réflexion et de donner l'exemple, d'autant que cette proposition de résolution européenne correspond au souhait que formule M. Marini dans son rapport de réintroduire de la responsabilité et de limiter la prise de risques. M. le ministre craint que notre proposition ne conduise à alourdir les fonds propres des banques et, en conséquence, à restreindre l'accès au crédit des PME et des particuliers. Mais c'est déjà le cas !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Soit, mais inutile d'aggraver la situation !
M. Richard Yung. - Dans ma belle Touraine, à Noizay, un homme, qui a besoin de 80 000 euros seulement pour créer une scierie, est en discussion depuis trois mois avec la banque : on exige une hypothèque sur la maison, une hypothèque sur le matériel et même sur la bague de la grand-mère...
M. Philippe Marini, rapporteur. - Le médiateur du crédit a-t-il été sollicité ?
M. Alain Gournac. - D'autres entrepreneurs ont obtenu des crédits !
M. Richard Yung. - Les Anglo-saxons ont une approche différente en matière de rémunérations, on y observe d'importantes résistances idéologiques et une poussée très forte de Wall Street et de la City où l'on prévoit des bonus majorés de 30 à 40 %. Mais certains se font entendre pour dénoncer cette folie. Le « tsar des rémunérations » -le tsar, j'y insiste, et non « le Staline des rémunérations » (sourires)-, Kenneth Feinberg, propose de diminuer de 90 % les rémunérations des dirigeants des grandes banques. Incroyable ! Tellement incroyable, d'ailleurs, que l'on peut douter de la réalité de la chose... Les Américains veulent prendre des mesures comme le futur chancelier de l'échiquier, si tout au moins les réactionnaires reviennent au pouvoir en Grande-Bretagne...
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - On dit « conservateurs », pas réactionnaires !
M. Richard Yung. - Bref, le sujet n'est pas débattu qu'en France...
Pourquoi encadrer les rémunérations fixes et variables des dirigeants de société cotées ? C'est une loi bien connue : plus on est proche du marché, plus on en tire d'avantages. Or banquiers et opérateurs financiers sont proches d'un marché qui a explosé et montré une extraordinaire ingéniosité depuis vingt ans et ne s'autorégule pas. D'où les risques inconsidérés et déraisonnables que prennent certains financiers. Puisque l'État, c'est-à-dire le contribuable, est l'assureur de dernier ressort, il en va de notre responsabilité de remettre un peu de raison et de bon sens dans le marché. Soit, il y a le code de déontologie des entreprises conçu par le Medef. Il est plein de bonnes intentions mais son application est limitée. Nous en ferons un bilan (M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, le confirme), mais je crains qu'il ne soit maigre.
S'agissant des rémunérations des dirigeants d'entreprise, la situation a été aggravée en France au lendemain des privatisations et de la constitution de grands groupes. S'est alors mis en place un pacte d'initiés par lequel les actionnaires ont accepté de laisser s'envoler les rémunérations des dirigeants contre des dividendes de 10 à 15 % -le fameux retour sur investissement-, exigence impossible à satisfaire quand la croissance est faible à moins de recourir aux pratiques actuelles que nous connaissons : découpages, licenciements, démantèlement. Quel crédit accorder au comité de rémunération quand Mme Bettencourt préside celui de l'Oréal dont elle est l'actionnaire principale et que le PDG de Saint-Gobain siège dans celui de BNP Paribas et réciproquement ? Je pourrais multiplier ces exemples significatifs d'une certaine endogamie...
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Comme au PS !
M. Richard Yung. - En 2005, l'ancien PDG de Carrefour, M. Bernard, remercié par son actionnaire, a obtenu 29 millions de retraite complémentaire et 9 millions d'indemnité de départ.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous sommes loin de la crise financière !
M. Richard Yung. - C'est en partie à cause de ces comportements que nous connaissons la crise...
M. Philippe Marini, rapporteur. - Les salaires de boutiquiers, c'est autre chose !
M. Richard Yung. - En 2006, l'ancien PDG de Vinci, M. Zacharias, a reçu en tout 250 millions, soit 21 000 fois le Smic annuel ! Les grands oubliés sont les salariés qui travaillent aujourd'hui près de six semaines par an pour les seuls actionnaires contre deux semaines au début des années 1980 ! Il y a peu, M. Sarkozy parlait de refonder capitalisme, partager la valeur ajoutée entre les actionnaires, le capital et les dirigeants. Aujourd'hui, plus un mot !
Dans ce texte, nous suggérons d'associer les salariés à la définition de la politique de rémunération des dirigeants d'entreprise via les comités d'entreprise qui, contrairement à ce que semble penser le rapporteur, ne sont pas des associations caritatives ou culturelles mais l'organe représentant les salariés. Nous proposons également de préciser les modalités de versement des bonus, de fixer les règles de calcul des rémunérations fixes et variables des dirigeants et d'encadrer et de taxer les rémunérations de départ. S'agissant des rémunérations variables des opérateurs de marché, nous souhaitons exclure le versement automatique des bonus et interdire leur paiement sous forme numéraire. Nous nous retrouvons avec la commission sur la plupart des points. Quel dommage que le dialogue ne soit pas instauré pour aboutir à une position commune !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Il aurait fallu que vous acceptiez de transiger !
M. Richard Yung. - Nous sommes prêts à dialoguer !
M. Joël Bourdin. - Trop tard !
M. Richard Yung. - J'en viens à la supervision financière. Sur ce point, nos propositions vont plus loin que la commission car nous souhaitons la renforcer en créant une autorité unique de contrôle pour les trois secteurs -banques, assurances et marchés financiers- dotée de réels pouvoirs de sanctions. Nous demandons au Gouvernement de ne pas se laisser impressionner par les Britanniques qui cherchent toujours à botter en touche sur ce point. Nous proposons également un superviseur unique en France -ce point relève, certes, du niveau national, mais il découle de la logique d'un superviseur européen unique.
Fusionner Commission bancaire et Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (Acam) en une seule autorité de supervision, parallèle à l'AMF, n'est pas de bonne méthode. M. Jouyet lui-même dit ne pas voir la relation entre les deux institutions. S'il y a une autorité unique au niveau européen, il faut la même chose au niveau français.
M. Philippe Marini, rapporteur. - C'est vrai.
M. Richard Yung. - Il faut rouvrir le débat sur la distinction entre les activités qui financent l'économie réelle et les activités de spéculation. Certes, les États-Unis ont abrogé le Glass-Steagall Act en 1999 -mais ce n'est pas ce qu'ils ont fait de mieux ! Lord Myners, le secrétaire d'État britannique aux services financiers, estime d'ailleurs qu'il faut réfléchir à une telle séparation.
Nous demandons également la mise en place d'un médiateur européen chargé de défendre les intérêts des consommateurs en matière de crédit et de taux d'intérêt et de gérer le fonds européen qui serait alimenté par la prime d'assurance supplémentaire que nous proposons. Enfin, il faudrait exclure le marché financier du champ de la direction générale Marché intérieur pour sortir d'une stricte logique de concurrence.
Nos propositions visent à renforcer les mécanismes de régulation et de supervision afin de mieux encadrer la prise de risques. Nous souhaitons qu'elles soient reprises lors de la discussion de la proposition de directive relative aux exigences prudentielles. Nous souhaiterions également connaître le calendrier des discussions au Conseil européen. (Applaudissements à gauche)
M. Joël Bourdin. - La proposition de résolution du groupe socialiste reprend plusieurs mesures préconisées par le groupe de travail du Sénat et de l'Assemblée nationale sur la crise financière ainsi que par notre commission des Finances, ou s'en inspire largement : encadrement des opérations de retitrisation, établissement d'un rapport annuel sur le niveau d'exposition au risque, encadrement des rémunérations des opérateurs de marché, publication semestrielle de tests de résistance imposés aux établissements financiers.
Le groupe UMP salue la qualité de l'analyse et la pertinence des propositions présentées par le groupe de travail de la commission des finances, et en particulier son rapporteur, Philippe Marini, contribution très utile à la fois pour la compréhension des origines de la crise financière actuelle et pour la prévention des crises futures.
Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de renforcer la supervision bancaire et financière, de limiter la procyclicité et les effets du risque systémique, de réintroduire la responsabilité et le prix du risque. A cet égard, il aurait mieux valu soutenir la démarche consensuelle du groupe de travail au lieu de chercher un bénéfice politique en formulant des propositions parfois excessives, dont certaines n'ont qu'un lien ténu avec le texte de la directive visée, voire avec le droit communautaire... Vos préconisations relatives aux rémunérations des dirigeants font fi de la concurrence internationale. Proposer de proportionner la rémunération des dirigeants à la rémunération la plus faible versée par l'entreprise relève plus de la démagogie que de l'économie, comme le dit M. Marini, et aurait des effets désastreux sur la compétitivité !
Le groupe UMP est favorable à un encadrement des dispositions relatives aux rémunérations des dirigeants d'établissements financiers.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Vous le dites, mais vous ne faites jamais rien !
M. Jean-Marc Todeschini. - Rien ne change !
M. Joël Bourdin. - II se félicite du consensus sur cette question et soutient les mesures prises au plan national...
M. Jean-Marc Todeschini. - « Parole, parole... » !
M. Joël Bourdin. - ...dans la ligne des préconisations du rapport de Larosière. Il faut toutefois éviter toute surenchère qui pénaliserait notre pays par rapports à ses concurrents. (Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution, s'exclame)
Notre groupe n'a pas souhaité rejeter ou modifier la proposition de résolution initiale en commission afin qu'elle puisse être examinée en l'état en séance publique, conformément aux accords entre les groupes. Il votera néanmoins contre. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Marc Todeschini. - « Tout va très bien, madame la marquise ! ».
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Mme Bricq propose que les banques alimentent un fonds public européen de garantie. Sans attendre une directive européenne, le Gouvernement propose, lui, que les banques payent le contrôle et la supervision du secteur bancaire, et non plus les contribuables. C'est l'objet de l'amendement qui vient d'être adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - C'est très insuffisant.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Cela représente 100 à 150 millions. Nous voulons que les banques payent pour le renforcement de la garantie de dépôt, qui passera de 80 000 à 100 000 euros ; Mme Lagarde fera des propositions dans le cadre du projet de loi de régulation bancaire et financière.
S'agissant de la supervision européenne, l'Union a mandaté, sous présidence française, un groupe de haut niveau, présidé par M. de Larosière, dont les conclusions, rendues en mai 2009, constituent le fondement de l'accord politique obtenu lors du Conseil de juin 2009. Elles comprennent la création d'un Conseil européen des risques systémiques et la mise en place de trois autorités européennes de supervision. A la demande du Conseil, la Commission a fait une proposition de directive en septembre 2009. Ces propositions satisfaisantes seront mises en oeuvre dès 2010. La réforme de la supervision que vous appelez de vos voeux est en marche !
S'agissant de l'arrêté « Bonus », je rappelle que c'est sous l'impulsion de la France que le G20 a adopté des règles pour encadrer les rémunérations des opérateurs de marché.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Depuis le temps !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Sans attendre la directive, le Gouvernement va mettre toutes ces règles en oeuvre : un arrêté sera publié dans les prochains jours.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - J'attends de voir !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Nous irons plus loin en demandant au Conseil de stabilité financière de contrôler la mise en oeuvre effective de ces règles dans tous les pays du G20.
Si nous sommes d'accord pour renforcer les exigences en matière de fonds propres des banques, il est inconcevable d'étendre cette exigence à toutes les activités, y compris le crédit aux ménages et aux entreprises, comme vous le proposez !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Le résultat serait moins de prêts !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ce serait étouffer le crédit. Il faut se concentrer sur le seul segment du trading, où les exigences seront multipliées par trois. Nous en attendons moins de risque, plus de crédit aux ménages et aux entreprises, un système plus solide.
Les stress tests menés au cours de l'été par le comité européen des superviseurs bancaires sur vingt-deux groupes bancaires transfrontaliers ont démontré la bonne résistance des banques européennes.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - La publicité !
M. Jean Arthuis. - Puis-je vous interrompre ? Sur les capitaux propres des banques, il faudrait que le Gouvernement use de toute son autorité pour que les choses soient claires. En 2007, deux grandes banques nationales ont racheté l'une pour 2,5 milliards, l'autre pour 1,5 milliard de leurs propres actions.
Dans ce domaine, le Gouvernement doit fermement rappeler à l'ordre les dirigeants des banques.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Votre remarque est tout à fait pertinente
Monsieur Sutour, vous souhaitez que les règles du G20 deviennent contraignantes au plan européen. La France les appliquera d'ici quelques jours et elle a soutenu leur intégration dans la directive bancaire. Le Gouvernement a donc devancé vos souhaits.
Monsieur Vera, ce que vous qualifiez de sollicitude du Gouvernement vis-à-vis des banques coûte très cher à ces dernières ! Elles ont réglé 1,4 milliard d'euros en 2009 pour la garantie de l'État à la Société de financement de l'économie et elles verseront 713 millions lors du remboursement des 13 milliards apportés par la Société de prise de participation. Et nous demandons le triplement des exigences de fonds propres pour les activités de trading, ce qui réduira significativement la rentabilité de ces opérations pour les banques. Enfin, le Gouvernement propose que ces dernières financent, à la place des contribuables, le contrôle du secteur bancaire, soit 100 à 150 millions.
J'estime que cette proposition de résolution vient à contretemps : Richard Yung le conteste. Or ce que vous proposez a déjà été mis en oeuvre ou figurera dans la prochaine directive. Ainsi des règles d'encadrement des rémunérations des opérateurs de marché : les pays du G20 se sont ralliés à la position du Gouvernement pour les bonus et les rémunérations et ont approuvé les propositions en ce sens du Conseil de stabilité financière. Au plan national, un arrêté sera publié dans les prochains jours...
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Ah !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Il inscrira dans notre droit les règles adoptées par le G20.
Richard Yung suggère de séparer les activités de spéculation des activités de crédit. Mais rien, dans cette proposition de résolution, ne reflète cette orientation. C'est même l'inverse ! De notre côté, nous appliquons cette distinction en augmentant les exigences de fonds propres pour les activités risquées afin de ne pas restreindre l'accès au crédit des entreprises et des ménages.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Vous avez repris nos propositions !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Les propos de Joël Bourdin...
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Il n'a rien dit.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - ...reflètent très largement la position du Gouvernement. Cela prouve la solidité de la majorité et le soutien qu'elle apporte au Gouvernement.
Je remercie le rapporteur général pour la finesse de ses analyses : il a clairement exposé les raisons qui justifient de rejeter cette proposition. (Applaudissements sur les bancs UMP)
La discussion générale est close.
Vote sur l'ensemble
Mme Nicole Bricq. - La réforme de la Constitution était censée donner au Parlement un droit d'initiative, une plus grande possibilité de débattre et de dialoguer. Or, chaque fois que les groupes socialiste ou CRC présentent une proposition, les bancs de la majorité sont quasi déserts. (MM. Robert del Picchia, Joël Bourdin et Alain Gournac protestent) Le sujet dont nous discutons ce matin est essentiel pour la société française : il est dommage de l'inscrire à l'ordre du jour, puis de refuser d'en débattre. La prestation du groupe UMP n'a rien apporté sur le fond.
Le groupe socialiste s'interrogera sur l'utilité de participer à ces séances. Vous nous dites que notre proposition ne vient pas au bon moment : nous pouvons apprécier différemment son opportunité mais il nous faut en discuter au fond. A défaut, cette réforme est vide de sens. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Je transmettrai vos observations au Président du Sénat pour nourrir une réflexion plus globale sur l'organisation des semaines de contrôle et d'initiative parlementaire.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Il est de notre devoir de bien utiliser le temps parlementaire : il en va de la crédibilité du Parlement et de la responsabilité des groupes politiques. Nous avons le choix entre deux comportements. Soit nous utilisons ce temps pour élaborer des textes qui s'inscriront dans le droit positif, ce qui suppose de trouver des compromis, de nous atteler à un vrai travail de rédaction -ce que nous faisons dans l'obscurité lorsque nous légiférons à partir d'un projet ou d'une proposition de loi, travail ingrat qui suppose des sacrifices de part et d'autre. Soit nous affichons des thèses en direction de l'extérieur : c'est ce que vous faites ce matin. Votre initiative est légitime mais il ne s'agit pas, dans ce cas, d'élaborer le droit positif mais de débattre en vue d'une évolution structurelle. Tout compromis affaiblirait alors votre démarche ; quant à nous, nous ne pouvons nous y rallier sans contredire nos principes et notre vision de l'économie.
En partant du système financier et des règles prudentielles, vous souhaitez définir un nouveau droit des rémunérations. J'ai bien écouté Richard Yung et j'ai compris votre logique politique.
M. Alain Gournac. - Ce n'est pas la nôtre.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous ne pouvons nous retrouver sur cette logique car nous considérons qu'il ne revient pas à l'État de définir une échelle des rémunérations dans les entreprises privées. Vous n'avez pas la même vision des choses. Dans certaines organisations sociales, le conducteur de tracteur était payé comme un professeur d'université : je ne vous ferai pas l'injure de penser que c'est votre objectif. Ce système avait certes le mérite de la clarté et on peut lui trouver des héritiers dans certains pays...
Vous avez refusé, en commission, de vous livrer à un travail d'amendements qui aurait permis d'aboutir à un texte de synthèse. Nous aurions pu trouver un consensus sur vos propositions et sur certaines mesures déjà prises par le Gouvernement. Nous étions prêts à élaborer un texte commun.
Mme Nicole Bricq, co-auteur de la proposition de résolution. - Nous aussi !
M. Philippe Marini, rapporteur. - Vous avez préféré arriver en séance sous le feu des projecteurs et devant une assistance fournie... (Rires à droite)
M. le président. - Vous avez épuisé les cinq minutes dévolues à chaque explication de vote.
M. Philippe Marini, rapporteur. - La commission maintient la position qu'elle a présentée tout à l'heure et demande un scrutin public, avec l'accord du président Arthuis.
M. Jean Arthuis. - Je m'exprime au nom du groupe Union Centriste, dont la majorité suivra la position de la commission des finances -mes collègues de la commission des affaires européennes se ralliant à l'avis de leur commission.
Pour ce qui est de ces exercices nouveaux dans la vie sénatoriale, je rejoins le point de vue de M. Marini. Il y a un choix fondamental à faire. Soit, dans ces fenêtres d'initiative parlementaire, nous exprimons la position de fond des groupes : dans ce cas, acceptons les règles qui régissent le vote.
Ou bien nous essayons de nous extraire de nos visions quelquefois dogmatiques et de nos tabous pour amorcer une démarche législative qui dépasse les considérations partisanes. Car si chacun s'en tient à la pureté de son texte, nous connaîtrons ces difficultés. Il convient que nous commencions à évaluer nos nouvelles pratiques pendant ces semaines parlementaires d'initiative et de contrôle et que nous les adaptions pour les rendre plus constructives.
On peut enfin se demander si les retraites chapeau ont véritablement un lien avec la performance des entreprises et si un retraité est véritablement en phase avec les résultats. Cela devrait conduire à les prohiber.
M. Dominique Leclerc. - Très bien !
M. Jean-Marc Todeschini. - Le groupe socialiste votera cette proposition. Depuis la réforme de la Constitution, on nous occupe mais le travail parlementaire ne s'est pas amélioré. Oui, on peut facilement trouver des compromis sans compromission mais cela n'empêche pas de présenter d'abord la pureté de ses idées. Si c'est « vous pouvez toujours causer, la majorité vote contre par scrutin public », cela ne sert à rien.
M. Jean Arthuis. - Il faut alors remettre en cause le scrutin public !
M. le président. - Pour avoir participé à la rédaction du règlement, je crois pouvoir rappeler que la volonté était que certains aient la faculté de présenter des textes exprimant des positions sans qu'elles soient dénaturées, ce qui n'empêchait pas un débat dans un deuxième temps : il peut y avoir un texte dans sa cohérence et des amendements en séance.
A la demande de la commission des finances et du groupe UMP, la proposition de résolution européenne est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l'adoption | 155 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au financement des régimes d'assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale, présentée par M. Claude Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Discussion générale
M. Claude Domeizel, auteur de la proposition de loi. - Trente-cinq régimes obligatoires forment un paysage des retraites dans lequel nos concitoyens ont parfois du mal à se retrouver. Avec 930 000 pensionnés, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) représente le troisième régime après le régime général et celui des fonctionnaires. Avec 2 036 000 cotisants pour 932 000 retraités, elle présente un ratio toujours favorable de 2,18 actifs pour un retraité. Cependant, comme tous les régimes, elle connaît une lente dégradation depuis les 4,5 atteints dans les années 1980. Les transferts de personnels de l'État avec la décentralisation, la compensation entre régimes spéciaux et des exonérations de contributions ont eu sur les comptes un impact que cette proposition de loi tend à neutraliser tout en clarifiant les relations avec l'État. Le groupe socialiste considère que c'est indispensable : dès 2018, l'équilibre financier de la caisse sera rompu.
Le système des retraites par répartition est basé sur la solidarité entre actifs et retraités et cette solidarité doit s'exercer entre régimes par répartition au sein d'un groupe socioprofessionnel. Les évolutions intervenues depuis la guerre ont bouleversé le paysage et certains régimes, tels que celui des mines, ont éprouvé de plus en plus de difficultés à établir un équilibre de gestion. La loi du 24 décembre 1974 a donc institué, dans le respect de l'autonomie de chacun, une compensation financière entre les régimes d'assurance vieillesse des salariés ainsi qu'entre salariés et non-salariés. Basée sur les pensions les plus basses, cette compensation générale s'est traduite, pour la CNRACL, par un prélèvement allant jusqu'à 1,5 milliard l'an, soit 34 milliards depuis 1974.
La célèbre et décriée surcompensation constitue le deuxième étage de la fusée. Au prétexte de renforcer la solidarité entre régimes, la loi de finances pour 1986 a puisé 4 milliards de francs dans les réserves de la CNRACL. Des calculs complexes ayant abouti à des résultats nettement supérieurs, ils furent pondérés par un coefficient réducteur de 22 %.
Depuis, c'est un simple décret qui fait varier ce coefficient, qui est monté jusqu'à 38 %. La surcompensation est une sorte de pompe dont un décret ajuste la puissance d'aspiration ; 27 milliards d'euros ont ainsi été prélevés depuis 1986. Si l'on ajoute la compensation généralisée, la CNRACL a contribué depuis 1975 pour 61 milliards à la solidarité entre régimes. Par nécessité plus que par générosité, la loi du 21 août 2003 a programmé la disparition de la surcompensation. Si un décret doit en fixer la progressivité, aucune étape chiffrée n'a été prévue. La proposition de loi précise que la baisse du taux ne pourra être inférieure à 5 % pour les années 2010 et 2011.
Au moment où la surcompensation va disparaître, il m'est apparu utile de rappeler ce qu'était ce système injuste et opaque qui a conduit, via la cotisation employeur, à une augmentation de l'impôt local et a été, pendant vingt cinq ans, vainement combattu par les élus locaux. Le comble aura été que la CNRACL, pourtant excédentaire, a dû emprunter pour y faire face.
J'en viens au transfert des fonctionnaires d'État vers les collectivités territoriales. La question n'a pas vraiment été traitée par la loi du 13 août 2004. A ce jour, un peu plus de 102 000 fonctionnaires ont été transférés, dont 79 000 ont choisi l'intégration. Pour la CNRACL, ce n'est pas marginal : ils représentent 6,5 % des fonctionnaires territoriaux et 4 % de ses actifs. Les 23 000 autres conservent leurs droits à la retraite au service des pensions de l'État. La moyenne d'âge des 79 000 intégrés étant en moyenne de 47 ans, on peut s'attendre à des départs à la retraite en nombre vers 2018, et même plus tôt au regard du taux de féminisation de ces agents. Les pouvoirs publics ont quatre solutions. Le rétablissement des charges revenant aux deux régimes à chaque départ à la retraite serait très difficile ; le versement par l'État d'une soulte à la CNRACL serait possible, mais cette soulte risquerait de disparaître des comptes de la caisse par le biais de la compensation ; ne rien faire conduirait à long terme à pénaliser de nouveau la CNRACL. C'est la quatrième solution que nous proposons : assurer la neutralité financière des transferts entre le compte d'affectation spéciale des pensions de l'État et la caisse. Pour ce groupe fermé de fonctionnaires intégrés, et jusqu'au départ à la retraite du dernier de ceux-ci, cette solution se traduira d'une part par un reversement à l'État des cotisations perçues par la CNRACL pour ces fonctionnaires et de l'autre par un remboursement par l'État des pensions de droit direct et dérivé versées par la CNRACL. Ces transferts seront, dans un premier temps, favorables à l'État ; mais les flux s'inverseront lorsque la caisse atteindra son équilibre financier, sans doute dans les dix ou quinze ans à venir. Les modalités d'application de ce dispositif sont renvoyées à une convention entre État et CNRACL.
Pour les fonctionnaires en position de détachement, le taux de la contribution employeur est celui du régime des pensions civiles des fonctionnaires de l'État, soit 60,14 % depuis le 1er janvier 2009 -il était encore de 39,5 % en 2007. Nous proposons de le limiter à celui applicable à la CNRACL, soit 27,3 %. Cela parait logique : lorsqu'une collectivité accueille dans les conditions de droit commun des fonctionnaires d'État en détachement, elle s'engage en toute connaissance de cause, et notamment à verser à l'État une contribution patronale au taux le plus fort. Mais dans le cas qui nous occupe, ce n'est pas elle qui choisit mais le fonctionnaire.
Je veux aborder également la question des centres communaux et intercommunaux d'action sociale qui bénéficient, depuis 1999, d'une exonération de la cotisation patronale d'assurance vieillesse. Cette exonération concerne certains de leurs fonctionnaires en contrepartie des tâches qu'ils effectuent au domicile de personnes bénéficiaires de prestations d'aide ménagère. Nous proposons de préciser que l'exonération n'est possible qu'au titre des seuls fonctionnaires relevant du cadre d'emplois des agents sociaux. Je rappelle que le montant des cotisations vieillesse ainsi exonérées au détriment de la CNRACL s'est élevé à plus de 154 millions d'euros depuis 1999. La proposition de loi instaure en outre une compensation intégrale de cette exonération au profit de la CNRACL.
J'attire enfin votre attention sur deux points connexes. La loi sur La Poste vient en discussion la semaine prochaine, qui aura des conséquences désastreuses pour l'Ircantec si les agents sont transférés vers l'Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés(Arrco). Le groupe socialiste présentera un amendement pour préserver l'avenir de l'Ircantec. Le deuxième concerne trois décrets pris le 26 août 2009, relatifs à l'organisation du service des retraités de l'État, à la création d'un service spécifique et à l'institution d'un comité de coordination stratégique. Ces décrets préfigurent-ils la création d'un véritable régime de retraite des fonctionnaires de l'État ? A plus ou moins long terme, le Gouvernement a-t-il l'intention de créer un seul régime de retraite pour tous les fonctionnaires ? Votre réponse, madame la secrétaire d'État, intéressera les fonctionnaires, comme les collectivités territoriales et les hôpitaux...
Vous l'aurez compris : notre proposition de loi tend à clarifier les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. (Applaudissements à gauche)
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. - La CNRACL est un des principaux régimes spéciaux de la sécurité sociale. Elle a reçu, en 2008, les cotisations de plus de 2 millions d'actifs et versé des prestations à 900 000 pensionnés, 480 000 de la fonction publique territoriale et 420 000 de la fonction publique hospitalière.
La proposition de loi tend à préserver son équilibre financier à l'heure où elle est confrontée à deux évolutions qui affectent durablement ses comptes. La première est la dégradation du ratio démographique sous l'effet du vieillissement de la population : les charges de prestations ont crû de 8 % en 2008 tandis que le produit des cotisations ne progressait que de 5 %. La seconde est le transfert de personnels dans le cadre de l'acte II de la décentralisation. D'où un afflux de nouveaux affiliés à la CNRACL, des cotisants aujourd'hui pensionnés demain.
Les projections financières sont donc particulièrement inquiétantes, avec une dégradation permanente du solde, négatif à partir de 2020 pour atteindre un déficit de 11,3 milliards d'euros en 2050, si l'on en croit les prévisions établies par le Conseil d'orientation des retraites en 2007 à partir d'hypothèses optimistes rendues caduques par la crise économique.
Fortement menacé à moyen et long termes, l'équilibre des comptes de la CNRACL subit dans l'immédiat l'incidence financière de la surcompensation entre régimes spéciaux, à laquelle s'ajoutent les exonérations de cotisations patronales dont bénéficient les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale (CCAS et Cias).
La proposition de loi tend à surmonter ces difficultés en neutralisant les incidences financières de ces mesures et en assurant la compensation financière des transferts de fonctionnaires liés à la deuxième vague de décentralisation.
Connaissant l'équilibre financier précaire de la caisse, notre commission souscrit à ces objectifs. Elle soutient particulièrement trois mesures : la poursuite de la diminution du taux de la surcompensation, qui devrait disparaître fin 2012 conformément à la loi de 2003 réformant les retraites ; le rétablissement de l'exonération initiale dont bénéficiaient les CCAS et les Cias sur les rémunérations des aides à domicile, une mesure inscrite à l'article 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ; la neutralisation financière des transferts entre l'État et les collectivités territoriales, selon un mécanisme repris par l'article 27 du projet de loi finances pour 2010.
Bien qu'il traduise des préoccupations justifiées, le texte qui nous est soumis ne reçoit pas l'entier assentiment de notre commission sur trois points : inscrite à l'article premier, la diminution du taux de recouvrement de la surcompensation n'est pas de nature législative ; la mise en cause des modalités de compensation des agents détachés, figurant à l'article 2, serait à terme préjudiciable aux employeurs locaux ; l'exonération intégrale de cotisations patronales au bénéfice des CCAS et Cias, instituée à l'article 3, n'est pas opportune dans le contexte actuel des finances de l'État.
La commission n'a toutefois pas modifié la rédaction de notre collègue, pour respecter son souhait de voir la séance publique discuter le texte initial et pour montrer que nous partageons son diagnostic, à défaut de soutenir toutes ses propositions.
La commission s'en remet au vote du Sénat pour les amendements. (Applaudissements à droite)
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. - Il n'est pas neutre que cette proposition de loi soit présentée par le sénateur qui préside la CNRACL, puisque ce texte marque la conclusion des échanges constructifs qu'il a eus ès qualités, en 2009, avec le Gouvernement pour trouver une solution consensuelle pour deux points majeurs. Monsieur le sénateur, M. Woerth vous a écrit début octobre une lettre à ce propos.
Le premier point porte sur les conséquences de l'acte II de la décentralisation pour les finances de la CNRACL.
En effet, les trois quarts des 110 000 fonctionnaires transférés ont choisi d'intégrer la fonction publique territoriale. La CNRACL perçoit donc leur cotisation et devra verser leur pension de retraite, mais elle juge ce dispositif préjudiciable à long terme. De son côté, l'État estimait que l'obligation de servir le paiement des pensions en cours tout en perdant les cotisations de certains fonctionnaires opérait à son préjudice une rupture avec le principe d'un régime de retraite par répartition. Les experts s'affrontent depuis plusieurs années dans une bataille de chiffres dont le Gouvernement et vous-même, monsieur le sénateur, ont souhaité sortir par le haut.
Une solution a naturellement émergé : plutôt que de se lancer dans un débat sans fin pour déterminer les perdants, rétablissons le statu quo ante sur le plan financier. Ainsi, l'État versera les pensions de retraite des fonctionnaires ayant opté pour la fonction publique territoriale ; la CNRACL lui reversera le produit de leurs cotisations, tout en conservant leur gestion. Le dispositif s'éteindra avec le décès du dernier ayant droit d'un fonctionnaire décentralisé. Ce retour à la situation d'avant 2004 est évidemment neutre pour les agents, pour les employeurs territoriaux, pour la CNRACL et l'État.
Concrètement, la CNRACL établira chaque année le solde des cotisations perçues et des prestations versées. En fonction du résultat, elle reversera l'excédent au compte d'affectation spéciale de pension de l'État ou en percevra une subvention d'équilibre, selon des modalités incontestables, transparentes et vérifiables, qui devront être fixées d'ici la fin de l'année. Le Gouvernement souhaite les intégrer dans la loi de finances pour 2010.
Le deuxième point résolu concerne la suppression de la compensation spécifique, communément appelée « surcompensation ».
Fortement attendue par la CNRACL, cette mesure figure dans la loi de 2003 réformant les retraites mais sa suppression induit une charge élevée pour l'État, qui devra majorer les subventions d'équilibre versées à plusieurs régimes spéciaux. C'est pourquoi les difficultés budgétaires de l'exercice 2009, conjuguées aux effets de la décentralisation, ont maintenu à 12 % le taux de la cotisation perçue cette année. Monsieur le président de la CNRACL, le Gouvernement vous est reconnaissant d'avoir accepté cette stabilisation mais il souhaite mettre fin au dispositif. Conformément à la volonté du législateur, le processus reprendra en 2010 pour s'achever en 2012 après une baisse linéaire de 4 points par an, rythme maximum que l'État puisse atteindre, bien que vous souhaitiez l'accélérer. Il est vrai que la CNRACL pourrait être en déficit l'année prochaine, comme la plupart des régimes de sécurité sociale... Nous pourrons clore ainsi un dispositif qui a suscité, depuis sa création en 1987, une large opposition des instances du régime que vous présidez.
Ainsi, les discussions positives ont permis de trouver ensemble une solution à de grands dossiers pendants depuis plusieurs années. Nous devons désormais assurer collectivement la pérennité du système de retraite. Le rendez-vous de 2010 sera déterminant.
J'en viens à deux interrogations qui ont été formulées.
La première concerne l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec), plus précisément l'affiliation des agents contractuels de La Poste après le changement de statut de l'entreprise publique. Le Gouvernement ne souhaite pas déstabiliser l'Ircantec, réformée il y a un an. En outre, le changement de statut ne doit pas être préjudiciable aux salariés. Les régimes complémentaires concernés ont donc été priés de réfléchir aux modalités évitant ces écueils.
La deuxième interrogation porte sur le service des pensions de l'État. La révision générale des politiques publiques a conclu que le service rendu aux fonctionnaires n'atteignait pas celui dont bénéficiaient les affiliés des régimes privés.
Le Gouvernement a décidé de créer à Bercy un service à compétence nationale pour la gestion des retraites de l'État. Il s'éteindra en 2012. (Applaudissements à droite)
Mme Françoise Laborde. - Je souhaite tout d'abord exprimer mon étonnement quant aux reproches adressés à la commission des affaires sociales pour n'avoir pas amendé ce texte avant son passage en séance publique. La commission a voulu permettre le débat en séance publique sur la base de la proposition de loi initiale. Il aurait été facile d'écourter l'examen d'une proposition de loi composée seulement de cinq articles ! La commission en a décidé autrement, ce que certains ont jugé contraire à l'esprit de la révision constitutionnelle du 21 juillet 2008. Je considère que ce choix, empreint de sagesse, est conforme à l'esprit de la Constitution. Je n'étais pas encore sur ces bancs mais j'ai bien entendu à l'époque que la réforme visait globalement à revaloriser le rôle du Parlement et, dans le détail, à améliorer la place des groupes minoritaires et d'opposition. En permettant l'examen en séance publique de la proposition de loi de notre collègue Domeizel, la commission respecte l'initiative parlementaire, d'autant plus que celle-ci émane de l'opposition. Cette attitude est bien conforme à l'esprit de la Constitution révisée.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Merci.
Mme Françoise Laborde. - La proposition de loi que nous avons donc la chance d'examiner est destinée à préserver l'équilibre financier de la Caisse nationale des agents de retraite des collectivités locales (CNRACL), permettre à ce régime spécial de survivre avec un cadre financier de plus en plus contraint. Comme pour tous les régimes de la sécurité sociale, la dégradation du ratio démographique laisse entrevoir un déficit abyssal de 11,3 milliards en 2050. Certes, aujourd'hui, la caisse est en équilibre, grâce au plan de redressement élaboré en 1992. Malheureusement, le retour à l'équilibre amorcé en 2003 avec un excédent de 320 millions, ne va pas durer. La CNRACL bénéficie actuellement de l'essor des effectifs des collectivités locales mais ces cotisants sont de futurs pensionnés qu'il faudra assumer, en tenant compte de dispositifs très pesants pour l'équilibre de cette caisse.
C'est sur ces dispositifs que la proposition de loi entend agir. Il s'agit tout d'abord de revoir la surcompensation, qui permet de compenser les disparités démographiques entre les régimes spéciaux et de résorber les inégalités de capacité contributive entre les assurés de ces régimes. La surcompensation répond à une bonne intention mais, conduite à dose excessive, elle se retourne contre les caisses qui ont la chance d'avoir le meilleur ratio démographique. Le taux de la surcompensation a atteint des sommets pour la CNARCL : 38 % en 1993. Depuis, le législateur a heureusement poussé à la baisse.
La proposition de loi veut y mettre fin, prolongeant en cela l'article 9 de la loi portant réforme des retraites, adoptée en 2003. Il est en effet nécessaire d'interrompre un dispositif trop pénalisant et de se pencher sur la question de la contribution employeur due par les collectivités territoriales pour la couverture des charges de pension des fonctionnaires de l'État détachés sans limitation de durée dans ces collectivités. Avons-nous des projections permettant de trouver le juste équilibre entre ce qui est bon pour la CNAACL et ce qui est bon pour les collectivités locales ?
Le premier alinéa de l'article 3 est plutôt consensuel, puisqu'il est proposé par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. L'article 4 prévoit la compensation par l'État des charges dues au transfert de certains de ses agents vers les collectivités locales. Il corrige la fâcheuse tendance de l'État de profiter de la décentralisation pour se délester de charges financières. Les collectivités locales en savent quelque chose, la CNRACL aussi !
Ce régime spécial a connu une période faste ; elle est bien finie. Puisqu'il a maintenant les mêmes difficultés que les autres régimes, il est normal de neutraliser les incidences financières de dispositifs qu'il supporte difficilement aujourd'hui. Le RDSE est donc très favorable à la proposition de loi.
Ce débat renvoie à celui, plus général, sur l'avenir très préoccupant de l'ensemble de notre protection sociale. Le déficit du régime général atteindra 30,6 milliards en 2010. Que va proposer le Gouvernement ? Un autre grand emprunt ? Les radicaux de gauche seront très vigilants pour que les réponses apportées ne mettent pas en péril le principe fondateur de la sécurité sociale : la solidarité. (Applaudissements à gauche)
M. François Autain. - La CNRACL gère la retraite des agents des collectivités locales et territoriales, ainsi que celles des fonctionnaires hospitaliers. Cette gestion est assise sur un principe fondamental à nos yeux, celui de la retraite par répartition. La situation excédentaire de la CNRACL prouve que le système solidaire de retraites par répartition est économiquement efficace : avec 2 millions de cotisants pour 950 000 retraités, la caisse connaît une situation confortable, qui permet d'ailleurs au Gouvernement de lui imposer la surcompensation.
Outre ses bons résultats, la CNRACL présente la caractéristique d'être la seule caisse de retraite dont le conseil d'administration comporte en son sein des représentants des employeurs et des salariés élus, tout comme est élu son président, notre collègue Domeizel. Cette spécificité n'est peut-être pas sans incidence sur la bonne santé de la caisse, non plus que sur cette proposition de loi dont j'ai cru comprendre qu'elle avait fait l'objet, la semaine dernière, d'une présentation et d'une discussion en conseil d'administration.
Comment ne pas souscrire aux quatre articles de ce texte ? A la suite d'un bilan qu'avait demandé la CGT sur les conséquences de l'application des lois de 2003 à la CNRACL, le conseil d'administration de la caisse a formulé des propositions très proches de celles dont nous discutons aujourd'hui. Lors des premières lois de décentralisation, notre groupe s'était déjà inquiété d'un risque de transfert massif de dépenses publiques de l'État vers les collectivités locales. Nous voyons aujourd'hui que la compensation n'est pas effective pour ce qui relève des cotisations dues au titre des pensions civiles des fonctionnaires en détachement n'ayant pas opté pour l'intégration.
Le taux de contribution dû par l'employeur pour ces fonctionnaires, dont les collectivités ne demandaient pas le transfert, est de 60,14 %, alors qu'il n'est que de 27,3 % pour les fonctionnaires détachés ayant opté pour l'intégration. Bref, on fait payer aux collectivités locales à qui ce transfert a été imposé le même taux qu'à celles qui ont manifesté leur volonté d'accueillir des fonctionnaires en détachement. Il ne s'agit pas de stigmatiser des agents qui n'ont pas demandé à être intégrés dans la collectivité locale où ils sont en détachement. Il s'agit de ne pas faire peser sur les collectivités des dépenses importantes découlant de la seule volonté de l'État.
C'est pourquoi nous soutenons la proposition d'établir un taux de contribution employeur unique pour l'ensemble des fonctionnaires relevant de la CNRACL.
L'article premier de cette proposition de loi permet l'application de l'article 9 de la loi du 21 août 2003, qui avait prévu une baisse progressive du taux de surcompensation qui pèse sur les régimes spéciaux, jusqu'à l'extinction prévue théoriquement en 2012. Je dis « théoriquement » car il n'y a pas eu, en 2009, de diminution du taux. Cette surcompensation n'est pas légitime car les régimes spéciaux -et la CNRACL en est un parfait exemple- sont en équilibre et dégagent même des bénéfices. Cette vérité, le Gouvernement ne veut pas l'entendre, comme il n'a pas voulu l'entendre en 2007 quand il a été question de la réforme des régimes spéciaux de retraites. Les régimes spéciaux participent à hauteur de 47 % à la compensation, quand le régime général ne participe que pour 46 %. Cette compensation importante va pour 70 % aux exploitants agricoles, pour 24 % aux commerçants et artisans, les régimes spéciaux ne recevant que 7 %. C'est pourquoi nous soutenons cet article premier : la surcompensation fait peser d'importantes dépenses sur la CNRACL.
Ces dépenses, si elles ne mettent pas en cause -à court terme- l'équilibre de la caisse, pourraient toutefois la fragiliser dans l'avenir, particulièrement si l'on s'en tient aux estimations du Conseil d'orientation des retraites, estimations assises sur un principe simple, la diminution du nombre de cotisants. Pour notre part, nous contestons cette analyse qui entérine par avance des choix politiques -car c'est bien de cela dont il s'agit- dogmatiques, destinés à réduire les dépenses publiques, qu'elles soient nationales ou locales. Cela prend par exemple la forme du recours massif aux agents contractuels en lieu et place de titulaires et au non-remplacement de fonctionnaires, au bénéfice d'une externalisation des services. L'urgence est à l'accroissement des ressources et l'on voit bien comment, à l'occasion de cette proposition de loi, la question de l'emploi est étroitement liée à celle des retraites. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacky Le Menn. - Cette proposition de loi vise à conforter la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et à améliorer les finances des collectivités locales mises à mal ces dernières années, notamment par les transferts de charges de toutes natures en provenance de l'État, transferts dont les compensations n'ont pas suivi, nonobstant les engagements qui avaient été pris. Je pense notamment à l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour laquelle l'État avait promis une compensation de 50 %, alors qu'elle est aujourd'hui, en moyenne, de 28 à 30 % et que l'état de dépendance lié au vieillissement de la population s'accroît. Cette dépense touche les départements dont les recettes diminuent -par exemple celles liées aux droits de mutation-, ce sera pire dans un avenir proche avec les modifications annoncées des impôts locaux et la disparition de la taxe professionnelle...
Cette proposition de loi soulagera également les budgets hospitaliers dont la situation est extrêmement difficile, voire catastrophique dans le cas de nombreux CHU. Malgré la loi Hôpital, cette situation des hôpitaux n'est pas près de s'améliorer compte tenu du niveau de l'Ondam prévu pour 2010 et de diverses mesures prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La CNRACL est confrontée à une double évolution qui fragilise ses comptes à moyen et long termes. D'abord, comme l'ensemble des régimes de retraite, celui des fonctionnaires territoriaux mais aussi des hospitaliers connaît une dégradation continue de son ratio démographique sous l'effet du vieillissement de la population. Cela entraine une progression de plus en plus rapide de ses charges alors que ses ressources -ou produits de cotisations- stagnent. La seconde évolution tient aux transferts de personnels, notamment les plus récents opérés dans le cadre de l'acte II de la décentralisation. Nous touchons ici au taux de contribution employeur des collectivités au régime des pensions civiles pour les fonctionnaires de l'État en détachement.
Cette proposition de loi vise donc à neutraliser les effets financiers, sur la CNRACL, de certaines mesures -comme la surcompensation entre régimes spéciaux ou les exonérations de cotisations pour les personnels des centres communaux et intercommunaux d'action sociale. Elle vise aussi à régler la question de la compensation financière des transferts de personnels. Les mesures qu'elle avance sont plus que nécessaires : la programmation de la suppression progressive du taux de surcompensation en 2012 ; un conventionnement entre l'État et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales afin de neutraliser les effets du transfert de personnels de l'État vers les conseils généraux et les conseils régionaux -il s'agit des personnels techniciens, ouvriers et de service des collèges et lycées, relevant antérieurement de l'éducation nationale ainsi que du personnel venant des directions départementales de l'équipement-, cela pour ne pas pénaliser les finances des collectivités locales qui n'ont pas choisi d'accueillir ces agents. Cette proposition de loi institue aussi une compensation de l'exonération de contributions pour les centres communaux et intercommunaux d'action sociale. Enfin, il est proposé de compenser les conséquences financières du présent texte pour l'État et pour les organismes de sécurité sociale par des taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cette proposition de loi, claire et nécessaire, garantit l'équilibre financier de ce régime spécial à moyen et à long terme et étaye les finances des collectivités locales et des établissements hospitaliers, ce qui est urgent. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
M. Alain Gournac. - Ce texte propose des solutions aux difficultés financières de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, affectée par une double contrainte. D'abord, le vieillissement de la population qui provoque un déséquilibre entre le nombre des cotisants et celui des pensionnés, problème commun à tous les régimes de retraite mais particulièrement aigu pour la CNRACL au vu des projections du Conseil d'orientation des retraites. Ensuite, l'afflux massif de cotisants à la suite des transferts de personnels liés à l'acte Il de la décentralisation.
Nous comprenons la préoccupation des auteurs de la proposition de loi, et plus particulièrement celle de son premier signataire, président de cette caisse de retraite. Mais, si nous sommes d'accord sur la nécessité de préserver l'équilibre financier de cette dernière, nous ne pouvons adopter le texte en l'état et c'est pourquoi je présenterai, au nom du groupe UMP, deux amendements.
L'article premier répond au problème de la surcompensation, c'est-à-dire la compensation spécifique due aux disparités démographiques et financières entre les régimes spéciaux de retraite. Cependant, la proposition de baisser le taux de recouvrement de cette surcompensation relève du règlement. De plus, le Gouvernement a déjà prévu, dans le projet de loi de finances pour 2010, une baisse de 4 points et a confirmé la disparition de ce mécanisme pour 2012.
L'article 2 propose de plafonner le taux de cotisation au régime des pensions de l'État lorsqu'un agent choisit le détachement sans limitation de durée. Or, les collectivités territoriales sont gagnantes avec le système actuel qui ne prévoit pas de révision du niveau de la compensation au titre de la cotisation retraite employeur, que le choix de l'agent soit de rester fonctionnaire de l'État ou d'intégrer la fonction publique territoriale. En effet, la proportion des agents intégrant la fonction publique territoriale est d'environ 75 % des fonctionnaires transférés et le taux de cotisation versé à la Caisse nationale est toujours sensiblement plus faible que celui compensé par l'État. Il n'est donc pas souhaitable de modifier les modalités de compensation alors même que l'article 4 de la proposition de loi apporte une solution pour clore le débat entre la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales et l'État sur les modalités de compensation des charges dues au transfert de personnels.
Le rendez-vous sur les retraites, l'année prochaine, devra être l'occasion d'aller au-delà de l'examen des flux financiers entre les régimes de retraite. Ceux-ci étant tous en difficulté financière, il est urgent d'aborder la question de fond des modalités qui permettront d'assurer, dans une logique d'équité intergénérationnelle, la pérennité de l'ensemble de notre système de retraite.
M. Christian Cambon. - Il semble indispensable, avant de décider toute nouvelle mesure, d'alléger les charges de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales de certaines dispositions législatives qui affectent lourdement son équilibre financier. Même si la situation démographique et financière de la CNRACL est aujourd'hui relativement meilleure que celle de nombreux autres régimes, en raison du dynamisme du recrutement dans la fonction publique territoriale, d'ici à 2012, près de 40 % des fonctionnaires territoriaux partiront à la retraite.
A réglementation constante, les dernières projections du Conseil d'orientation des retraites anticipent un déséquilibre financier de la CNRACL en 2018. Outre que son rapport démographique brut est passé de 4,53 cotisants pour un retraité en 1980 à 2,21 cotisants pour un retraité en 2008, la caisse, de par les mécanismes de compensation généralisée et de surcompensation, a pris une part essentielle dans le financement de certains régimes de retraite déficitaires, si bien que sa trésorerie a fini par être menacée. En effet, dès la création du système de compensation en 1974 et de surcompensation en 1985, la bonne santé financière de la caisse et son rapport démographique favorable l'ont placée largement en tête des contributeurs. Entre 1974 et 2007, 56 milliards ont été ainsi prélevés sur les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, mais également sur leurs employeurs ! En clair, c'est l'impôt local qui finance les retraites versées par les régimes déficitaires. Cette situation ne correspond à aucune logique économique ou sociale, ni même aux principes fixés par les lois de décentralisation depuis 1982. La hausse tant décriée de la fiscalité locale est en fait liée, pour partie, à des paramètres que les élus locaux ne maîtrisent aucunement. Il en va de même de la politique de développement des emplois de service ou familiaux : son financement doit relever du budget de l'État et non de celui des collectivités locales ou des hôpitaux.
M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Christian Cambon. - Après avoir évoqué la santé financière des employeurs publics locaux, rappelons que 32 % des pensionnés de la caisse perçoivent des retraites comprises entre 800 et 1 099,99 euros (M. Alain Gournac le confirme) à un âge où ils sont pourtant en droit de mener une vie décente, à l'abri de tout souci pécuniaire. En outre, toutes les études le montrent, les Français sont prêts à cotiser plus et plus longtemps dès lors que le niveau de leur retraite est préservé. Il nous faudra prendre en compte cette attente lors de la réforme des retraites prévue pour 2010.
Concernant la proposition de loi, je suivrai la position défendue précédemment par M. Gournac au nom du groupe UMP. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
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L'article 9 de la loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, est complété par une phrase ainsi rédigée :
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« Pour les exercices 2010 et 2011, cette réduction est au moins égale à 5 points. »
M. Claude Domeizel. - La commission, a souligné le rapporteur, a choisi de proposer en discussion le texte de l'auteur de la proposition de loi. Mais si elle avait apporté des modifications, cela n'aurait rien changé au débat... Dans mon intervention, j'ai souligné le lien entre la disparition de la surcompensation, l'article premier et les dispositions concernant les personnels transférés dans le cadre de la décentralisation. Je n'ignore pas que l'évolution du taux relève du niveau réglementaire...
M. Alain Gournac. - Ah !
M. Claude Domeizel. - Mais le législateur doit encadrer les décrets du Gouvernement. Nous sommes dans notre rôle ! Cette année, le taux de la surcompensation est de 12 %, comme en 2008. Qui me dit qu'il sera effectivement réduit entre 2010 et 2012 ?
M. François Autain. - Exact !
M. Claude Domeizel. - Vous me répondrez qu'il n'y a pas une grande différence entre ma proposition et celle du Gouvernement : je demande une baisse de 5 % et lui de 4 %. C'est vrai, mais ce 1 % est symbolique car, avec un taux de 7 %, la caisse pourrait revenir à l'équilibre en 2010. Il est, en outre, surprenant que la caisse de retraite qui va verser 450 millions en 2010 au titre des agents transférés refuse un taux de 7 %. L'État est pingre... D'autant plus surprenant que la contribution de la CNRACL s'élève à 61,6 milliard depuis 1974. Bref, nous avons tout intérêt à accepter le dispositif relatif aux agents transférés et, symboliquement, à rechercher l'équilibre financier de la CNRACL. Pour toutes ces raisons, supprimer l'article premier serait fort regrettable.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Alain Gournac. - Remarque liminaire, l'État n'est pas pingre, il est économe ! (Exclamations amusées) J'ai écouté avec attention M. Domeizel car il est un expert, mais il ne m'a pas convaincu... La fixation du taux de compensation et son évolution, comme pour l'ensemble des dispositifs de compensation existant entre les régimes sociaux, relèvent du pouvoir réglementaire. Dans le projet de loi de finances pour 2010, il est prévu de réduire le taux de surcompensation de 12 à 8 % à partir du 1er janvier 2010. Un nouveau décret sera donc pris avant la fin de l'année.
M. Claude Domeizel. - Et après ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Après, c'est prévu !
M. Alain Gournac. - De fait, le Gouvernement a confirmé la suppression de la surcompensation en 2012, conformément à la loi de 2003, avec une nouvelle baisse en 2011. D'où cet amendement de suppression.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Il est bon de débattre de nouveau de ces questions en séance après les premiers échanges que nous avions eus en commission. Pour revenir à l'article premier, les contributions de la CNRACL étaient très fortes. Heureusement, un gouvernement, en 2003, a décidé d'organiser l'extinction de la surcompensation. Que ne l'a-t-on fait plus tôt ! Soit, le coup d'arrêt porté à la réduction du taux de surcompensation en 2008 est regrettable...
M. Alain Gournac. - En effet !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - La question relève du domaine réglementaire, donc rejet. En revanche, l'engagement du ministre du budget de procéder à l'extinction complète de la surcompensation d'ici deux ans est très attendu.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - J'ajoute que M. Woerth a indiqué, dans une lettre, que le taux de surcompensation serait de 4 % en 2011, puis nul en 2012. Favorable.
M. François Autain. - Je voterai contre l'amendement de suppression. Certes, l'État est économe mais il ne tient pas toujours ses promesses ! Nous sommes bien placés pour le savoir. Il nous avait promis un retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale en 2003, en 2007, en 2009, en 2011 et, enfin, en 2012... Cette année, le Gouvernement ne s'est pas engagé sur une date en faisant preuve de prudence.
M. Robert del Picchia. - Avec raison !
M. François Autain. - Inscrire l'extinction de la surcompensation dans la loi apporterait une garantie supplémentaire dont nous avons bien besoin. Nous ne voterons pas cet amendement.
M. Jacky Le Menn. - Le diagnostic est partagé. Nous avions accepté le principe de la surcompensation à l'époque où l'avenir financier du régime n'était pas menacé, mais la situation a changé. La loi de 2003 avait prévu une extinction de la surcompensation en 2012, avec un calendrier précis. Je m'étonne que l'étape prévue en 2009 n'ait pas été respectée...
La mesure est d'ordre réglementaire, certes, mais pour rattraper le retard, il faudrait une diminution supérieure à 5 points. A défaut, le résultat financier sera déficitaire. Nous voterons contre l'amendement.
L'amendement n°1 est adopté et l'article premier est supprimé.
Article 2
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L'avant-dernier alinéa de l'article 46 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État est complété par une phrase ainsi rédigée :
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« Toutefois, dans le cas où un fonctionnaire est détaché auprès d'une collectivité locale ou d'un de ses établissements publics dans le cadre de l'article 109 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et de l'article x de la loi x du x relative au transfert aux départements des parcs de l'équipement et à l'évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers, ce taux ne peut être supérieur à celui fixé pour la contribution de ces collectivités et établissements à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. »
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.
Supprimer cet article.
M. Alain Gournac. - L'article 119 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu une compensation financière de l'État aux collectivités locales pour les compétences transférées sur une base non révisable.
Ainsi, l'État compense aux collectivités locales le coût salarial des agents qui choisissent de conserver leur statut de fonctionnaire de l'État ou qui sont détachés d'office, y compris les charges employeur au titre du régime de retraite de l'État de l'année de transfert. Ultérieurement, l'employeur territorial cotise au taux de droit commun du régime de l'État auquel est resté affilié le fonctionnaire sans que le niveau de la compensation soit révisé.
Si ces agents intègrent ensuite la fonction publique territoriale, la compensation financière de l'État n'est pas réduite alors que le taux de cotisation de l'employeur baisse : 27,30 % pour la CNRACL contre 39,5 %, 50 % ou 55 %, selon l'année du transfert, pour l'État.
En pratique, les agents déjà transférés choisissent à 70 % l'intégration dans la fonction publique territoriale, immédiatement ou à terme. La loi du 13 août 2004 est donc protectrice des intérêts financiers des collectivités locales. La modification apportée par la proposition de loi aurait des conséquences défavorables pour les employeurs locaux.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - On peut imaginer qu'à terme, les collectivités locales seront gagnantes, sachant que les deux tiers des agents déjà transférés optent pour la fonction publique territoriale. Avis favorable.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - L'article 2 serait préjudiciable aux collectivités locales. Avis favorable.
M. Claude Domeizel. - J'ai écouté M. Gournac avec attention. Son amendement a été proposé par des présidents de conseils généraux, qui craignent d'être perdants. Nous nous abstiendrons, pour éventuellement déposer un amendement lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale, car il faudra sans doute réécrire la loi de 2004.
L'amendement n°2 est adopté et l'article 2 est supprimé
Article 3
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L'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
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1° Le début du dernier alinéa du III est ainsi rédigé :
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« Les rémunérations des fonctionnaires relevant du cadre d'emploi des agents sociaux d'un centre ... (le reste sans changement) » ;
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2° Dans le IV, après la référence : « au III » sont insérés les mots : « , à l'exception de celles visées par son dernier alinéa. »
M. le président. - Amendement n°3, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
Au dernier alinéa du III de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, les mots : « d'un » sont remplacés par les mots : « relevant du cadre d'emplois des agents sociaux territoriaux en fonction dans un ».
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - La CNRACL est confrontée à une lecture extensive du champ des exonérations de charges patronales pour les CCAS. Les décisions de justice élargissent le champ des catégories de personnel concernées.
Cet amendement reprend une mesure prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale mais écarte une compensation par l'État, qui n'est pas prévue pour le régime général et que la situation des finances publiques ne permet pas.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Il faut revenir au champ d'application initiale de cette exonération, pour éviter les dérives. Dans un contexte budgétaire difficile, il est en outre impensable de prévoir une compensation intégrale. Avis favorable.
M. Jacky Le Menn. - Notre désaccord porte sur le refus du principe d'une compensation par l'État. Depuis 2004, la plupart des exonérations et niches sociales ne sont pas compensées, ce qui signifie, comme le dit très bien Alain Vasselle, que « l'État fait le choix délibéré de mettre à la charge de la sécurité sociale des politiques qui sont de sa responsabilité ». Nous ne partageons pas ce choix et voterons donc contre cet amendement.
M. Alain Gournac. - Le groupe UMP votera cet amendement et regrette de ne l'avoir pas proposé lui-même !
M. François Autain. - Nous voterons contre l'amendement.
Depuis 1999, les CCAS bénéficient, pour certains de leurs agents, d'une exonération de la part patronale de cotisation vieillesse, ce qui coûte 154 millions à la CNRACL. Ce poids financier risque d'augmenter avec le temps, car de très nombreux CCAS entendent étendre cette exonération à l'ensemble de leurs agents, preuve des difficultés qu'ils rencontrent pour parvenir à l'équilibre, faute de financements. Les départements refusent en effet de financer des activités ne relevant pas de leurs compétences obligatoires. Certains, souvent gérés par la majorité présidentielle, refusent même de financer des activités relevant de leur compétence obligatoire ! Ainsi, le conseil général des Hauts-de-Seine refuse de prendre en charge le traitement des dossiers Handicap gérés par les CCAS, au motif qu'il existe, à l'autre bout du département, une Maison départementale du handicap...
La CNRACL n'a pas à compenser les dépenses que l'État et les départements refusent d'assumer !
L'amendement n°3 est adopté et devient l'article 3.
Article 4
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L'article 108 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est ainsi modifié :
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1° La dernière phrase est ainsi rédigée :
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« Les effets de cette intégration sont neutralisés jusqu'à l'extinction des droits directs et dérivés nés de l'affiliation de ces fonctionnaires à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales par des transferts financiers entre ce régime et le compte d'affectation spéciale Pensions visé à l'article 51 de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 portant loi de finances pour 2006. » ;
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2° Il est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
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« II. - Les dispositions du présent article dont les modalités d'application sont précisées par une convention conclue entre la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et l'État entrent en vigueur à compter du 1er janvier qui suit la promulgation de la présente loi. »
M. le président. - Amendement n°4, présenté par le Gouvernement.
Rédiger ainsi cet article :
I. - La dernière phrase de l'article 108 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales reverse à l'État, pour ces fonctionnaires, les cotisations perçues. En contrepartie, l'État rembourse à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales le montant brut des pensions versées à ces agents ainsi que les charges supplémentaires afférentes dues au titre des dispositions de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale. Les modalités de mise en oeuvre de ce reversement et de ce remboursement sont précisées par un décret pris après avis du conseil d'administration de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. »
II. - L'article 51 de la loi n°2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :
1° Après le e) 1° du A du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Les versements de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales effectués en application de l'article 108 de la loi n°2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ; » ;
2° Après le c) du 2° du A du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Les versements à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales effectués en application de l'article 108 de la loi du 13 août 2004 précitée ; ».
III. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2010. »
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Cet article a le même objet que l'article 27 du projet de loi de finances pour 2010 et instaure les mêmes modalités. Nous proposons de reprendre la rédaction du projet de loi de finances, qui a bénéficié de l'analyse du Conseil d'État et précise les modalités de suivi des flux financiers entre les régimes.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Cette rédaction, qui sera reprise par la loi de finances pour 2010, est plus conforme aux objectifs de l'article 4 : avis favorable.
M. Jacky Le Menn. - Nous voterons cet amendement.
M. Claude Domeizel. - Effectivement, puisque cette rédaction est préférable à celle de l'auteur de l'amendement et n'en modifie pas le sens, nous ne pouvons voter contre...
M. Christian Cointat. - Je ne comprends pas pourquoi nous devrions voter un texte que nous allons adopter dans le cadre de la loi de finances. Cette dernière se suffit à elle-même : pourquoi multiplier des textes rédigés de la même façon ?
L'amendement n°4 est adopté et devient l'article 4.
Article 5
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I. - Les conséquences financières résultant pour l'État de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
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II. - Les conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par le Gouvernement.
Supprimer cet article.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. - Le Gouvernement lève le gage.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Nous n'avons pu examiner cet amendement en commission mais cette suppression est logique : avis favorable.
L'amendement n°5 est adopté et l'article 5 est supprimé.
Vote sur l'ensemble
M. Claude Domeizel. - La version modifiée de ce texte en préserve l'essentiel, pour ce qui est notamment des CCAS et du périmètre des personnels concernés par l'article 3. L'article 4 est quasiment identique. Toutefois, la suppression de l'article premier, de l'article 2 et d'une partie de l'article 3 dénature l'objectif recherché par la proposition de loi. Nous ne nous opposerons cependant pas au texte ainsi amendé. A titre personnel, j'aurais voté pour mais je me rallie à mon groupe, qui s'abstiendra.
M. François Autain. - Le texte que nous allons voter n'est pas le même que celui sur lequel nous nous sommes exprimés durant la discussion générale.
M. Robert del Picchia. - Vous pouvez voter pour, maintenant. (Sourires)
M. François Autain. - Les amendements du Gouvernement vont plutôt dans le bon sens mais j'étais opposé à la suppression de certains articles. Tout bien pesé, nous nous abstiendrons en raison de la façon dont ce texte a été élaboré.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. - Pour la première fois depuis la réforme de la Constitution, notre commission a examiné une proposition de loi. Nous avons tenu à ce que ce texte soit examiné intégralement en séance publique après avoir entendu les points de vue de chacun en commission. Dans l'esprit de la réforme, les membres de l'opposition ont pu exprimer leur volonté politique sur un sujet précis, comme ils l'ont fait lors de la précédente discussion au sujet d'une directive européenne. Chacun a exprimé sa position et son appréciation de l'action du Gouvernement : nous arrivons à un vote en toute logique.
M. le président. - Effectivement, les droits de l'opposition ont été respectés et le texte présenté n'était pas dénaturé. Le vote respecte les positions de chacun et chacun a pu s'exprimer.
M. Alain Gournac. - C'est une bonne chose.
M. Christian Cointat. - C'est un progrès.
La proposition de loi est adoptée, les groupes socialistes et CRC s'abstenant.
La séance est suspendue à midi cinquante-cinq.
La séance reprend à 15 heures.
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
Procédure accélérée
Mme la présidente. - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale.
Dépôt de rapports
Mme la présidente. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la tarification à l'activité des établissements de santé et ses conséquences sur l'activité et l'équilibre financier des établissements publics et privés, le rapport sur les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) retraçant l'évolution de la dotation nationale et des dotations régionales affectées à ces missions, enfin, le rapport sur la mise en oeuvre de la loi de programmation du 3 août 2009 (Grenelle I). Acte est donné du dépôt de ces rapports. Les deux premiers ont été transmis à la commission des affaires sociales, le troisième à la commission de l'économie.
Décentralisation des enseignements artistiques (Question orale avec débat)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle une question orale avec débat de Mme Morin-Desailly à M. le ministre de la culture sur la décentralisation des enseignements artistiques.
M. Legendre, président de la commission, qui assiste en ce moment à des obsèques, m'a demandé d'excuser son absence.
Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question. - Le groupe centriste accorde une grande importance à la décentralisation des enseignements artistiques, outil de démocratisation culturelle. Cette politique publique atteint aujourd'hui un point charnière. L'éducation artistique est confiée aux établissements scolaires afin que tous les élèves aient accès à des connaissances et à une pratique artistique ; l'enseignement artistique, lui, est dispensé dans les conservatoires et les écoles de musique, danse ou théâtre, réseau qui s'est développé d'abord à l'initiative de l'État, puis des collectivités territoriales, en particulier les communes. L'impulsion a été donnée en 1967 par André Malraux et son directeur de la musique, Marcel Landowski ; le réseau est devenu sans équivalent en Europe. Le plan en faveur de l'enseignement musical accompagnait le mouvement de décentralisation culturelle et de démocratisation de l'accès à la culture. Cette forte volonté de l'État, qui s'est appuyée sur les structures municipales existantes, s'est traduite dans un soutien financier sans précédent.
Le réseau a pour mission à la fois de former les futurs musiciens professionnels et de développer la pratique amateur. Seuls 2 % des élèves font de la musique, de la danse ou du théâtre leur métier ; mais pour tous les autres, quel bénéfice dans leur vie d'adulte, pour pratiquer un art en liberté, y trouver une source d'épanouissement et pour devenir un spectateur exigeant et averti ! La commission de la culture a adopté, il y a quinze mois, mon rapport sur la décentralisation des enseignements artistiques, liée à la réforme prévue par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Je constatais que la réforme était au milieu du gué et bien difficile à orchestrer. J'avais avancé des préconisations pour sortir de l'impasse. L'heure est venue de faire le point.
La loi de 2004 n'a pas opéré un nouveau transfert de compétences mais a clarifié le rôle de chaque niveau de collectivités publiques. Elle a confié aux communes et à leurs groupements l'organisation et le financement de l'enseignement initial et l'éducation artistique dispensée par les établissements spécialisés. Les départements ont mission d'élaborer un schéma départemental de développement des enseignements artistiques destiné à en améliorer les conditions d'accès. Les régions organisent et financent le cycle d'enseignement professionnel initial (Cepi), désormais sanctionné par un diplôme national d'orientation professionnelle (Dnop) et intégré au plan régional de développement des formations professionnelles (Prof). Enfin, l'État conserve ses prérogatives, classement et contrôle pédagogique des établissements, définition des qualifications des enseignants et tutelle des établissements d'enseignement supérieur artistique. Cette répartition n'a pas été imposée mais résulte d'un travail de fond engagé depuis des années. La loi a prévu le transfert aux départements et régions des crédits que l'État apporte à ces établissements. L'objectif était de rééquilibrer une charge financière pesant à près de 80 % sur les communes.
Cette loi, qui traduisait une ambition louable en faveur des enseignements artistiques, a suscité de très fortes attentes. Hélas, cinq ans après, sa mise en oeuvre est toujours en panne. Mal engagée, la réforme a souffert, au-delà des problèmes financiers, d'un évident déficit de méthodologie. Derrière ses aspects techniques, le sujet est éminemment politique et je regrette l'intérêt trop limité que lui portent nombre d'élus, laissant aux milieux passionnés des professionnels le soin de mettre en musique une politique pas toujours clairement définie ni assumée. Il y va pourtant de la démocratisation culturelle et du développement de nos territoires ! Où en sommes-nous, quinze mois après l'adoption de notre rapport d'information ? Tous les acteurs concernés ont partagé mon diagnostic et la plupart ont soutenu mes propositions. Pour autant, nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes ! La concertation s'est poursuivie entre l'État et les différents niveaux de collectivités territoriales, mais le blocage a persisté. Je dois dire, sans esprit de polémique, que la position évolutive, et parfois sibylline, de l'Association des régions de France a entretenu la confusion. Je me réjouis néanmoins que tout le monde souhaite une sortie par le haut et je salue l'esprit constructif et équilibré qui anime la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), laquelle représente toutes les sensibilités politiques et tous les échelons territoriaux.
Nos concitoyens ne doivent pas être les otages de cette difficulté à parvenir à un accord. Ils attendent de leurs élus, nationaux et locaux, qu'ils prennent en considération l'intérêt général. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi en juillet 2009, prenant en compte les hypothèses de travail avancées par les associations d'élus et les travaux conduits par des professionnels -je pense notamment au rapport de M. René Rizzardo. Un premier point de convergence consiste à reconnaître le rôle de l'échelon régional en matière d'aménagement du territoire et de planification : élaboration d'un schéma régional des formations artistiques à vocation professionnelle, création d'une commission régionale des enseignements artistiques, qui réunirait l'État et toutes les collectivités concernées. Elle veillerait à encourager les partenariats y compris avec le privé et elle prendrait en considération toutes les formes de chaque discipline, je pense par exemple aux musiques actuelles. Un « chef de filat » régional ne saurait être perçu comme une prééminence mais plutôt comme une force d'impulsion et de coordination, de cohérence dans l'offre de formation, voire de mutualisation des moyens.
Il paraît nécessaire également de préciser les modalités d'application de la loi. Si les communes doivent assumer seules le financement de l'enseignement professionnel initial, elles se désengageront, estimant ne pas avoir à supporter la charge d'un enseignement qui bénéficie à une population implantée sur un plus vaste territoire que le leur.
Certaines menaces ont vu le jour, ainsi pour le conservatoire de Versailles ou les Beaux-Arts de Rueil-Malmaison : pourquoi ces villes assureraient-elles seules des formations de troisième cycle ?
La très grande hétérogénéité des situations régionales complique la donne, même si la plupart des régions comprennent que la formation des jeunes artistes, plus précoce, relève de leur compétence. Certaines sont historiquement plus impliquées. L'Association des régions de France s'est exprimée en faveur d'un engagement facultatif, ce qui n'exclut pas le pilotage du réseau. Cela suppose une contribution des communes, qui gardent vocation à financer l'éducation artistique des jeunes et les actions de sensibilisation. Ont-elles pour autant vocation à financer tous les échelons de la formation ?
Les récentes concertations ont permis d'évaluer avec plus de précision le cycle d'orientation professionnelle. Comme je le supposais, le surcoût induit par le Dnop, sur la base de l'expérimentation dans certaines régions, se limite à 5 % alors qu'on avait parlé de 400 %.
La question des transferts de crédits reste en suspens en raison d'une situation de blocage. Quelle collectivité, de la commune ou de la région, en sera-t-elle bénéficiaire ? La logique et l'ambition semblent conduire à la première solution, à charge pour les régions de les reverser aux communes gestionnaires -il faudra revoir ma proposition de loi pour le garantir. Les régions s'impliqueront ensuite à leur rythme. Tel était l'esprit de la loi de 2004, et tel doit rester le cas pour éviter un retour en arrière. Si l'on ne peut trancher rapidement la question, laissons à l'État le soin de verser les 5 à 10 % de crédits destinés aux écoles spécialisées plutôt que de les apporter aux communes comme l'a envisagé la direction de la musique : ce serait un retour en arrière en théorie et, en pratique, le maintien du statu quo.
Dans les régions qui sont allées de l'avant, et ce sont les plus nombreuses, les attentes des professionnels sont fortes. Il convient de poursuivre la structuration intercommunale des établissements grâce à l'adoption du statut d'établissement public de coopération culturelle. L'intercommunalité constitue en effet l'échelle de référence et elle offre les moyens de la mutualisation. Des primes régionales à l'intercommunalité pourraient aider les établissements ressources, de même qu'un coup de pouce financier de l'État serait le bienvenu pour soutenir les efforts des départements. Je tiens à souligner leur implication : ils se sont dotés de schémas départementaux des enseignements artistiques avec le concours de professionnels de grande qualité.
Il est urgent de trouver une issue. Les professionnels, les enfants et leurs parents attendent des réponses claires. Ne laissons plus peser la menace que résume le fait qu'on ne sait plus comment appeler le troisième cycle.
C'est pourquoi j'avais déposé cette proposition de loi en juillet dernier. Mes récentes consultations me laissent supposer que rien ne s'oppose à son adoption sous réserve de certaines amodiations. Les professionnels du secteur soutiennent la pertinence d'une telle répartition des missions. Elle s'inscrit en outre dans le projet de réforme de collectivités territoriales qui valorise le couple communes-intercommunalités et respecte le principe de la clause générale de compétences. L'examen de ce projet a conduit à demander l'organisation de ce débat mais rien ne s'opposerait à l'inscription de ma proposition à l'ordre du jour si un consensus se dégageait rapidement.
Quelle est votre analyse, monsieur le ministre, et quelle est votre stratégie pour sortir de l'impasse ? Le sujet est essentiel car la demande sociale est très forte : la musique rythme la vie de cinq millions de Français ! Réjouissons-nous du renouveau des pratiques amateurs et affirmons une volonté politique.
L'une des ambitions affichées de la réforme du lycée est que la série L forme aussi aux métiers des arts et de la culture. Il serait donc utile de lier les deux réformes, comme mon rapport le préconisait. Il est dommage que les établissements scolaires s'appuient aussi peu sur les pôles ressources qui devraient être leurs référents naturels. La mission d'information du Sénat et le Gouvernement ont pourtant insisté sur la nécessaire ouverture. Rapprochez-vous, monsieur le ministre, de votre homologue de l'éducation nationale pour jouer cette partition commune au service d'une telle ambition. Donnons aux jeunes les meilleures chances d'accéder à ces métiers nobles et exigeants tout en développant la sensibilisation.
Il faut clarifier rapidement le paysage des enseignements artistiques et informer les acteurs des critères selon lesquels les dossiers seront instruits. Je vous remercie de nous apporter des réponses claires, précises et porteuses d'une vraie ambition. Je veux croire que vous souscrivez à ce propos de M. Sefcovic, le commissaire européen à l'éducation : « le renforcement des arts doit constituer l'élément moteur de toute politique d'éducation visant à améliorer la compétitivité économique, la cohésion et le bien-être ». Je forme le voeu qu'il soit entendu. (Applaudissements)
M. Laurent Béteille. - Je remercie et félicite Mme Morin-Desailly. Un an après le rapport qu'elle avait présenté au nom de la commission des affaires culturelles, sa question nous permet de faire le point des responsabilités de l'État et des collectivités territoriales dans le domaine des enseignements artistiques.
L'éducation artistique et culturelle est une composante essentielle de la formation des jeunes. Contribuant au développement de leur personnalité, de leur sensibilité et de leur compréhension du monde, elle doit permettre une véritable démocratisation de l'accès à la culture.
Historiquement, elle s'est développée par l'action des communes et forme aujourd'hui le réseau le plus dense en Europe. La loi de décentralisation de 1983 a confié la responsabilité de ces établissements aux communes, aux départements et aux régions, mais il est difficile d'identifier les prérogatives de chacune et les financements croisés accentuent la complexité. La loi du 13 août 2004 a organisé les responsabilités de chaque niveau : les communes ou leurs groupements organisent et financent les établissements initiaux ; les départements établissent des schémas et participent au financement des établissements ; les régions organisent et financent les cycles d'enseignement professionnel initial ; l'État conserve le classement, le contrôle et le suivi des établissements ainsi que la responsabilité et l'initiative de l'enseignement supérieur professionnel.
En bref, un parfait jardin à la française comme nous les aimons... jusqu'à la caricature. Les objectifs des schémas départementaux sont de corriger les déséquilibres territoriaux, d'assurer une meilleure répartition des différentes disciplines et de démocratiser l'accès aux enseignements, aujourd'hui plus aisé aux jeunes des milieux favorisés qu'aux autres.
M. Alain Gournac. - C'est vrai !
M. Laurent Béteille. - Cette clarification s'accompagne d'une réorganisation des financements, l'article 101 prévoyant le transfert aux départements et aux régions des concours antérieurement accordés par l'État aux communes.
Comme l'a relevé le rapport d'information, la réforme est en panne. Le contenu des schémas départementaux est inégal et les régions se sont plus ou moins impliquées, plutôt moins que plus d'ailleurs. Le lancement des nouveaux cycles d'enseignement professionnel est suspendu. Les élus craignent l'impact financier de la réforme ; le transfert des crédits est reporté, freinant la dynamique du terrain et suscitant l'inquiétude des directeurs de conservatoires. Tandis que les élus dénoncent un déficit méthodologique et d'accompagnement de la part de l'État, les agents de celui-ci regrettent leur faible mobilisation. La concertation se poursuit. Où en est-on, monsieur le ministre ?
J'aimerais également avoir votre sentiment sur certaines propositions du rapport d'information, notamment l'idée d'une expérimentation dans les régions volontaires, la gouvernance du dispositif, le développement de coopérations aux niveaux régional et intercommunal, les partenariats.
Je veux enfin évoquer la place de l'enseignement artistique dans l'éducation nationale. Le 14 octobre, le Président de la République a présenté les lignes directrices de la réforme du lycée, où l'enseignement de disciplines artistiques retrouve toute sa place. Il a évoqué un enseignement transversal de l'histoire de l'art évalué au baccalauréat et la désignation au sein de chaque établissement d'un référent « culture ». Il faut, a-t-il dit, modifier nos manières de penser et considérer l'enseignement artistique et culturel comme une des missions fondamentales de l'éducation nationale, et non comme un corpus de disciplines relégué à la marge des emplois du temps. Je me réjouis que cet enseignement soit enfin considéré comme une nécessité pour nos enfants, tous nos enfants. L'État comme les collectivités locales ont le devoir de permettre son essor. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Ivan Renar. - Enseignement artistique, éducation artistique, tout est dans tout et le reste dans Télémaque... (On apprécie) L'enseignement artistique est essentiel à la vie culturelle et sociale, c'est une des clés de voûte de la nécessaire relance de la démocratisation culturelle. Si la première mission du réseau des conservatoires et des écoles de musique, de théâtre et de danse est de former les amateurs, il ne faut pas oublier leur rôle d'éducation culturelle et artistique. D'où la nécessité de passerelles entre ces écoles spécialisées et les établissements scolaires pour remédier à l'insuffisante démocratisation des enseignements artistiques. Le non-partage de l'art est comme une bombe anti-personnel, la cause de mutilations terribles. L'art est le champ de tous les possibles : chaque enfant doit disposer d'une piste d'envol pour développer ses potentialités.
L'enseignement artistique reste le parent pauvre des politiques publiques. L'article de la loi de 2004 relatif à l'enseignement artistique spécialisé est le seul qui n'ait pas été appliqué. La concertation avec les collectivités locales n'ayant pas abouti, la réforme est en panne, comme l'a relevé Mme Morin-Desailly. Comment s'en étonner dès lors qu'on demande aux collectivités d'assumer une charge que l'État n'a pas financée ? Les crédits d'État dédiés aux enseignements artistiques n'ont cessé de régresser ces dernières années ; aujourd'hui, les communes assurent 80 % du fonctionnement et sont bien seules pour financer les investissements dans les écoles de musique, de théâtre et de danse. Les grandes villes ont tendance à réduire les charges de centralité qu'elles supportent pour les cycles préprofessionnels afin de continuer à financer l'enseignement initial et les actions d'éducation artistique. Le transfert du financement des écoles supérieures d'art plastique vers les communes est d'autant plus désagréable que l'enseignement supérieur relève de l'État.
Il est logique de donner à la région un rôle majeur dans l'organisation du schéma régional des formations artistiques mais je comprends l'Association des régions de France qui rechigne à un transfert dépourvu des financements appropriés -qui plus est dans un contexte marqué par la suppression de la taxe professionnelle, la perte de l'autonomie fiscale et le poids des transferts non compensés. L'État est de plus incapable d'évaluer le coût du cycle d'enseignement professionnel initial (Cepi) ; procéder à une évaluation concertée aurait été bienvenu. On ne peut reprocher aux élus régionaux de ne pas s'être aventurés dans une réforme dont ils ignoraient l'impact financier ; et il est normal qu'ils veuillent définir eux-mêmes la hauteur de leur engagement, même si j'ai la conviction que le financement de l'art et de la culture est un investissement d'avenir.
La situation actuelle pénalise les régions les plus volontaristes, comme le Nord-Pas-de-Calais, la seule à avoir expérimenté le protocole de décentralisation sur les enseignements artistiques. Directeurs et enseignants ont la fervente volonté d'apporter le meilleur pour tous et les agents de l'État ont fait un excellent travail malgré le manque de crédits.
Parallèlement au Cepi, il faut veiller à ce que les élèves qui ne souhaitent pas s'engager dans la voie de la professionnalisation puissent continuer à s'épanouir. Les amateurs sont essentiels à la vie musicale. Si solfège et technique sont importants, le plaisir de la pratique l'est tout autant et doit être valorisé dès l'enfance. Il est à cet égard fondamental de promouvoir les pratiques collectives très gratifiantes mais trop souvent délaissées. Le plaisir de jouer ensemble, l'écoute de l'autre et le partage sont de puissantes motivations ; pouvoir se produire face à un public est le meilleur des encouragements. Il importe aussi de développer les disciplines insuffisamment représentées, musiques actuelles, musiques improvisées ou non européennes. Il est crucial d'élever le niveau de qualification des enseignants et d'ouvrir davantage les conservatoires et écoles sur la vie de la cité, les associations, la diffusion du spectacle vivant, les établissements scolaires ; de favoriser aussi les rencontres entre amateurs et professionnels.
Le rôle des « dumistes » est encore méconnu. Recrutés par les communes ou leur groupement, possédant un diplôme universitaire de musicien intervenant, les « dumistes » -je préside le centre de formation de Lille III- permettent chaque année à plus de 2 millions d'enfants de s'ouvrir à la musique, à la pratique instrumentale ou au chant. « Les enfants, là est la clé du trésor ! » disait André Malraux. La mission des « dumistes » doit être davantage valorisée auprès des écoles maternelles et primaires -ce qui suppose un engagement plus résolu de l'éducation nationale. Il faut permettre aux enfants de vivre une expérience où la pratique artistique s'allie à une approche culturelle ; c'est pourquoi la formation artistique et culturelle devrait être dispensée dans le cadre scolaire par des maîtres spécialisés, comme c'est le cas dans de nombreux pays étrangers. Chez nous, l'éducation artistique et culturelle semble condamnée à n'être que la variable d'ajustement des politiques éducatives, alors qu'elle est au centre de la vie et de l'humain. L'enseignement de la danse et de l'art dramatique est souvent inexistant alors qu'il existe une forte demande. Les départements souhaitent des mesures de rattrapage de l'État.
Le processus de Bologne impose un alignement de l'enseignement artistique supérieur sur le cursus universitaire européen licence-mastère-doctorat. Cette convergence des diplômes facilitera la reconversion des artistes ; mais prenons garde à ce qu'elle ne conduise pas à une uniformisation. Les écoles supérieures d'art ont chacune une histoire singulière ; véritables laboratoires, elles ne doivent pas perdre leur âme dans ce processus. La pratique artistique est une recherche permanente : ces écoles et les universités peuvent s'enrichir mutuellement. Les écoles supérieures d'art plastique jouent un rôle majeur dans la diffusion de l'art contemporain et la sensibilisation, qui permettent à chacun de s'approprier la création contemporaine. L'apprentissage du sensible ne doit plus être considéré comme facultatif et secondaire, c'est au contraire l'une des plus belles aventures humaines. L'enjeu de la démocratisation culturelle ne peut être abandonné au seul marché ; le rôle du service public de la culture est déterminant pour former sans formater. Il faut également relancer l'éducation populaire, alors que tant de nos concitoyens s'adonnent à une pratique artistique en amateur.
Si ce débat est bienvenu, il est en décalage avec la réforme territoriale qu'on nous annonce.
Comment ne pas relayer l'inquiétude des élus et du monde de la culture face à la mise en cause des cofinancements et de la clause de compétence générale des collectivités ?
Comme les Droits de l'Homme, la culture doit demeurer une responsabilité partagée. C'est bien l'engagement des collectivités locales qui a transformé le paysage artistique et culturel du pays en rapprochant partout l'offre du citoyen.
Cela dit, la démocratisation culturelle suppose l'éducation. Il est donc urgent que les deux ministères agissent de concert ! C'est une question de justice sociale, d'égalité des citoyens et de droit à la culture pour tous. Repris par la Constitution de 1958, le Préambule de 1946 proclamait déjà : « La nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation et à la culture. » L'enjeu de la culture pour tous est celui de la démocratie.
Plus que jamais, face à la montée des intégrismes, nous devons combattre tous les analphabétismes. Il faut apprendre l'art comme on apprend à lire et à compter. L'enseignement artistique et culturel ne doit pas être optionnel si l'on souhaite n'écarter personne. C'est à l'épreuve du feu qu'on se brûle, c'est à l'épreuve de l'art que l'on suscite le désir.
Trop tôt disparu, l'auteur et metteur en scène Jean-Luc Lagarce avait rappelé qu'une civilisation qui renonce à l'art, que la fainéantise inavouée et le recul sur soi poussent à s'endormir sur elle-même en renonçant au patrimoine en devenir pour se contenter bêtement des valeurs qu'elle croit s'être forgées et dont elle se contenta hériter, cette société-là oublie par avance de se construire un avenir et ne dit plus rien aux autres ni à elle-même. Les enseignements artistiques constituent le passage de témoin de la mémoire pour mieux inventer demain.
Je souhaite donc un engagement financier plus résolu de l'État non « pour diriger l'art mais pour mieux le servir » comme l'a si bien formulé André Malraux. Il importe que l'enseignement artistique soit diffusé sur l'ensemble du territoire à une époque où la culture conditionne la civilisation. N'oublions pas que l'intelligence est la première ressource de notre planète ! (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Françoise Cartron. - Je remercie Mme Morin-Desailly pour la grande qualité de son rapport d'information et pour sa proposition de loi destinée à sortir les enseignements artistiques de l'impasse où ils se trouvent actuellement. Faute d'engagement clair de l'État, il était indispensable d'engager le débat.
Je m'interroge cependant sur le sort de sa proposition de loi, qui n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour. Nous ne pouvons accepter le statu quo. Le législateur doit se pencher à nouveau sur l'organisation des enseignements artistiques. Sous une apparence technique se cache un enjeu politique majeur. Sur le plan national, nous devons définir l'enseignement dont bénéficieront nos enfants. Au niveau local, il faut ouvrir la voie à l'aménagement culturel du territoire et organiser ces enseignements pour qu'ils assurent l'émancipation culturelle et le lien social, pour qu'ils s'ouvrent à tous et sortent de l'élitisme où ils sont trop souvent confinés.
Le rapport d'information a montré que les réponses dépendaient bien souvent de l'État, mais je crois que la démocratisation des enseignements et leur inscription dans un projet territorial cohérent est insuffisamment abordée.
D'accord avec Mme Morin-Desailly, je constate l'échec de la loi du 13 août 2004, qui attribua aux régions l'organisation du cycle d'enseignement professionnel initial (Cepi). Les articles 101 et 102 de la loi sur les libertés et responsabilités locales ont attribué à chaque niveau de collectivité une compétence spécifique pour les enseignements artistiques. Les lois de 1983 avaient déjà transféré les compétences en ce domaine, sans préciser de répartition. En pratique, les écoles et conservatoires ont pour l'essentiel été pris en charge par les communes. La loi de 2004 a amorcé des projets territoriaux cohérents, dépassant l'horizon communal pour organiser des espaces de projets à l'échelle départementale ou régionale.
Ainsi, les départements devaient mettre en place dans les deux ans des schémas départementaux des enseignements artistiques. La nomenclature des établissements a été modifiée en conséquence, avec la création de conservatoires à rayonnement régional, départemental et communal. Cette réorganisation était accompagnée par un projet pédagogique ambitieux.
En effet, la loi confie aux régions la mission d'organiser et de financer les Cepi, sanctionnés par un diplôme national d'orientation professionnelle. Substitué aux anciens diplômés d'écoles, ce dispositif a une vocation nationale et pré-professionnalisante. Ainsi, l'État conserve le contrôle des enseignements, la définition du cursus et des cahiers des charge, enfin la labellisation des établissements. Le nouveau diplôme national ouvre l'accès aux centres d'études supérieures et permet de se présenter à certains concours de la fonction publique territoriale. Enfin, les régions percevront désormais en lieu et place des communes les crédits versés par l'État au titre de cette compétence.
Le blocage de la décentralisation des Cepi provient précisément de l'ambition pédagogique du cycle, puisque tout en renforçant les exigences et les coûts des formations, l'État n'a pas compensé la charge supplémentaire. D'où la réticence des régions, dont la grande majorité estime que l'État s'est indûment déchargé sur elles. Résultat : seulement deux d'entre elles ont mis en place des Cepi. La Commission consultative d'évaluation des charges a été saisie à plusieurs reprises mais l'État resté figé sur sa position malgré le coût induit par ses exigences pédagogiques.
Les régions ont fait un pas en avant, puisque l'ARF accepte de participer à l'organisation de ces cycles, notamment sur la base du conventionnement. Toutefois, elles demandent que les crédits alloués à ce titre continuent à être versés aux communes et aux groupements intercommunaux. La rédaction de Mme Morin-Desailly devrait satisfaire cette demande légitime puisque son article premier dispose que les régions organisent les Cepi et contribuent à leur financement. En outre, il dote les régions d'un outil de pilotage, avec la création d'une commission régionale des enseignements artistiques, lieu de concertation entre l'État et l'ensemble des collectivités territoriales, le rôle de chef de file revenant à la région qui devrait établir le schéma régional des enseignements professionnels. Cet outil de pilotage essentiel mettrait fin à une aberration : les départements élaborent un schéma sans le financer alors que la région finance sans pouvoir influencer la cohérence des enseignements artistiques sur son territoire. Il faudrait toutefois préciser le rôle et le fonctionnement de cette commission régionale.
La proposition de notre collègue reste en revanche imparfaite en matière de financement car les régions redoutent que les communes ne se désengagent totalement des Cepi, ce qui laisserait à la charge exclusive des régions la mise aux normes des conservatoires à rayonnement régional et départemental. Suggérant, à l'article 2, que les crédits soient versés aux régions conformément à l'article 102 de la loi de 2004, la proposition de notre collègue ignore la position de l'ARF, qui plaide pour un financement régional complétant la participation des communes et intercommunalités. Surtout, cette proposition de loi n'apporte rien quant à la compensation financière par l'État de ses ambitions pédagogiques.
L'incertitude totale sur les compétences et le financement des collectivités territoriales explique peut-être l'inscription à l'ordre du jour de la question orale au lieu de la discussion de la proposition de loi.
Enfin, il est paradoxal que l'État confie cette compétence coûteuse à des collectivités dont les dépenses sont déjà excessives à en croire le Président de la République.
La proposition de loi est digne d'intérêt mais il faut aller plus loin car l'excessive ambition du projet pédagogique ayant inspiré la loi de 2004 est au coeur du blocage actuel. Il faut donc s'interroger sur l'utilité des Cepi. On peut y voir un prolongement des études qui retarderaient de deux à trois ans l'entrée dans le métier des candidats à même de le faire. Pour les amateurs, l'intérêt du cycle reste à démontrer.
En outre, le diplôme délivré est purement franco-français, loin du standard LMD qui s'impose en Europe. Depuis la rentrée 2008, l'université publique développe des véritables diplômes professionnels au sein des pôles universitaires en musique-danse-théâtre. Pourquoi conditionner l'entrée dans ses pôles à l'obtention d'un diplôme intermédiaire extrêmement coûteux pour les collectivités mais dont la valeur serait exclusivement hexagonale ?
Réaliser le projet pédagogique des Cepi suppose de mobiliser des moyens humains. En 2004, le ministère de la culture n'a nullement pris en compte la situation précaire des enseignants dans les conservatoires et écoles de musique : ils sont trop souvent des vacataires perpétuels dont l'activité pourtant régulière est assurée par une succession de contrats à durée déterminée.
De nombreux enseignants sont contraints à être itinérants pour pouvoir gagner un salaire décent. Ce morcellement du travail, parfois entre deux départements, nuit à l'efficacité des enseignants et fait obstacle à leur implication. A cette précarité s'ajoute l'absence d'une formation continue de qualité, tant pour les enseignants que pour les directeurs d'établissements. Il arrive qu'on demande à des personnes formées sur le tas, qui n'ont reçu aucune formation pédagogique, de mettre en oeuvre un projet très exigeant.
Le projet pédagogique des Cepi a ceci de bon qu'il fait sortir les conservatoires d'une culture de la médaille d'or, qui privilégie la formation d'excellents praticiens au détriment de la transmission et du développement culturel par les arts pour le plus grand nombre. Enseigner les arts, ce ne doit pas être former des petits prodiges, c'est former de futurs médiateurs, des amateurs de haut niveau, qui formeront demain le terreau de la vie culturelle locale. Il faut donc sortir de cette culture du don et du talent que cultivent trop souvent nos conservatoires.
Toutefois, les Cepi n'apportent pas de réponse satisfaisante au manque de démocratisation des enseignements culturels. Avant de créer ces cycles intermédiaires, la loi de 2004 aurait dû renforcer les obligations de l'État et des collectivités en matière d'éducation artistique pour tous. La sensibilisation de tous les enfants aux différentes formes d'art est en effet le meilleur facteur de démocratisation des pratiques artistiques. Les crédits alloués par l'État et les collectivités aux enseignements artistiques méritent d'être réévalués à la hausse, mais pas uniquement pour créer des Cepi. L'enseignement musical reste un luxe, financier et aussi culturel, même si les communes prennent un charge une partie de la dépense. Vous avez évoqué l'expérience vénézuélienne ; j'ai pensé à ce que j'avais vu au Chili pour faciliter l'accès des jeunes aux pratiques artistiques.
La question de l'irrigation de nos territoires ruraux en enseignements artistiques de qualité a été trop mal abordée par la loi de 2004 et elle est absente de la proposition de loi de notre collègue. Nous devrons impérativement traiter ces problèmes et mettre en place des incitations réelles, sans quoi certains territoires resteront des déserts culturels. La décentralisation des enseignements artistiques est un enjeu politique majeur pour le développement culturel de nos territoires, un enjeu d'égalité des chances avec la démocratisation de cette transmission de la culture ; un enjeu économique enfin, puisque de très nombreux emplois, souvent précaires, sont concernés.
La proposition de notre collègue est un premier pas, qu'il faudra prolonger par d'autres, afin de mieux définir le rôle de l'État et de créer davantage de liens entre les différentes formations supérieures artistiques. Pour sortir réellement de l'impasse, il faut remettre tout l'ouvrage sur le métier, et repenser l'organisation de ces enseignements, en concertation avec les collectivités. C'est justement cette absence de concertation préalable, qui a été la cause de l'échec, à la fois administratif et pédagogique de la loi de 2004. Ne renouvelons pas cette erreur, si nous voulons être les conquérants de la culture dont parlait Malraux. (Applaudissements à gauche)
Mme Françoise Laborde. - Les enseignements artistiques participent de l'aménagement du territoire. Ils contribuent à la richesse de l'offre d'accès à la culture. Les bases de la réforme ont été lancées par la loi de 2004, qui en confiait la responsabilité aux collectivités territoriales sans pour autant en définir précisément les tenants et les aboutissants. Collectivités locales, régions, associations, professionnels ont fait part de leur vive inquiétude à propos de la définition du périmètre des compétences et des destinataires des crédits de l'État.
La réforme de l'organisation des collectivités territoriales est au coeur de nos préoccupations et avec elle, la problématique des transferts de compétences. Les transferts de crédits sont malheureusement rarement proportionnés aux besoins, il en est de même dans le secteur des enseignements artistiques. Depuis 2004, de l'eau a coulé sous les ponts, sans que la situation se clarifie ou que les décrets soient publiés. Seules deux régions ont procédé à des expérimentations. Les autres ont réalisé des études d'impact, exprimé haut et fort leur refus de financer en totalité le Cepi et surtout demandé une concertation préalable avec l'État. En vain.
Cela a motivé le rapport d'information de notre collègue Catherine Morin-Desailly, publié en juillet 2008. Pour tracer des pistes de sortie de crise, les raisons du blocage y sont exposées sans périphrase et l'exigence que l'État donne un coup de pouce financier est réaffirmée. L'éducation et les enseignements artistiques y sont présentés dans toute leur noblesse en termes de choix de société et d'aménagement territorial. Les objectifs de ce bilan d'étape sont louables : démocratiser la culture à titre amateur autant que professionnel, en valorisant l'orientation vers les métiers de la culture et en favorisant le partenariat entre collectivités publiques et acteurs privés.
Les conditions du succès de la réforme envisagée sont essentiellement d'ordre financier et méthodologique : expérimentations régionales, clarification des débouchés professionnels des formations artistiques, gouvernance régionale des enseignements, coopération intercommunale.
J'insiste sur la nécessaire coordination des actions artistiques et culturelles au sein de nos territoires. Respecter les équilibres entre privé et public, c'est renforcer les partenariats entre conservatoires et secteur associatif, multiplier l'effort de formation et assurer la représentation des acteurs du secteur privé dans la commission régionale des enseignements artistiques.
Depuis 2008, les questions du pilotage et du transfert des crédits restent sans réponse. Qui, des régions ou des communes, exercera la compétence en matière d'enseignement artistique ? L'Association des régions de France accepte un pilotage au niveau régional, avec un transfert de la mise en oeuvre aux communes et aux EPCI. C'est pour trancher cette question, madame Morin-Dessailly, que vous avez déposé votre proposition de loi, laquelle mérite mieux que les réticences du Gouvernement.
Vos recommandations sur l'éducation artistique et l'orientation professionnelle sont précieuses. La question de l'orientation est fondamentale pour la formation des futurs artistes et enseignants. Jusqu'à présent, seuls les élèves les plus doués ou bénéficiant d'un environnement familial favorable, pouvaient envisager de faire profession de leur passion et de leur talent. Demain, chacun aura droit d'être orienté dans son parcours artistique et de choisir en connaissance de cause entre la pratique en amateur et le cadre professionnel. Poser la question de l'orientation, c'est aussi s'intéresser aux métiers culturels dans toute leur diversité, rompant ainsi avec le mythe du jeune virtuose. Pourquoi un jeune pianiste ne pourrait-il pas se réaliser professionnellement en tant que programmateur de festival, disquaire ou administrateur d'orchestre ?
L'harmonisation des diplômes pourrait contribuer à rétablir l'égalité des chances, dans un secteur qui se complaît trop souvent dans l'élitisme. Actuellement, chaque conservatoire classé par l'État délivre son propre diplôme, dont la valeur est principalement liée à la réputation de l'établissement. Chacun sait qu'il vaut mieux apprendre la musique à Lyon qu'à Toulouse ! A quoi bon restructurer l'enseignement artistique supérieur si l'on ne crée pas un diplôme ouvrant la voie aux nouveaux cursus ?
La création d'une commission régionale des enseignements artistiques doit absolument être cadrée par la loi. Dans la négociation pour déterminer l'organisation du COP, l'État réapparaît comme acteur, alors que dans le texte initial, les régions devaient s'arranger seules. Il reste assurément le mieux placé pour prendre les initiatives de certifications.
Pour les départements, les communes et les EPCI, la proposition de loi de notre collègue ne présente que des avantages. Pour les régions, même si la transformation du Cepi en COP est susceptible de simplifier les choses, il faudra être vigilant quant à l'augmentation des volumes horaires prévus initialement. L'actuelle évaluation des coûts devra être ajustée pour que les crédits transférés couvrent effectivement les dépenses nécessitées par le pilotage et l'organisation du diplôme. L'inquiétude des régions est d'autant plus justifiée que cette réforme est une fausse décentralisation, l'État n'ayant jamais exercé cette compétence : s'il contrôle les schémas pédagogiques et le classement des conservatoires, ce sont bien les collectivités gestionnaires qui en assurent la bonne marche et en supportent l'essentiel des dépenses.
Si cette proposition de loi est mise à l'ordre du jour du Sénat et adoptée, elle lèvera les blocages, dans la mesure où les régions ne seront plus contraintes à l'action mais engagées à piloter la concertation et à conventionner avec les autres collectivités. Une ombre au tableau persistera pourtant : seules les régions volontaires avanceront et financeront au-delà des crédits transférés. Les autres pourront se contenter de reverser ces crédits aux conservatoires. De fait, les collectivités gestionnaires continueront d'agir selon leurs possibilités et les disparités territoriales que la loi était censée résoudre subsisteront. Restons optimistes...
Le statu quo conduirait à une profonde régression et mettrait les collectivités en grande difficulté face à l'opinion publique. Passer en force pour imposer une réforme à des collectivités récalcitrantes accentuerait le gâchis. La sortie de crise est attendue depuis cinq ans. Le rapport a été rendu il y a quinze mois... Après avril 2010, la proposition de loi de Mme Morin-Desailly pourra être étudiée par le Parlement pour ce qu'elle est et non pas exploitée à des fins politiciennes voire électoralistes.
Monsieur le ministre, pouvez-vous en prendre l'engagement devant nous ? (Applaudissements au centre)
Mme Maryvonne Blondin. - La loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales posait, dans ses articles 101 et 102, les principes de la répartition des responsabilités en matière d'enseignements artistiques, mais elle est restée au milieu du gué, ce qui a entraîné les blocages que l'on sait et c'est pourquoi je remercie Mme Morin-Desailly d'avoir relancé le débat. Je voudrais illustrer les rôles respectifs de l'État et des collectivités locales en ce domaine avec l'exemple de mon département, le Finistère, et de ma région, la Bretagne.
L'éducation nationale est le premier acteur concerné. A cet égard, je citerai -je ne le fais pas souvent- le Président de la République...
Mme Françoise Laborde. - Surprenant ! (MM. Jean-Luc Fichet et Jacky Le Menn le confirment)
Mme Maryvonne Blondin. - ...dans son discours sur la réforme des lycées. « Dans le lycée de demain, l'art et la culture feront partie de la vie quotidienne des élèves (...) La part faite aux enseignements culturels et artistiques est scandaleuse. Nous accordons très peu de considération à ces matières enseignées la plupart du temps en fin de journée ». Il a par ailleurs souhaité la désignation dans chaque lycée « d'un référent culture » choisi parmi les professeurs et chargé des relations de l'établissement avec le monde culturel environnant. On ne peut qu'approuver ces engagements, mais qu'en est-il des moyens qui y sont liés ? Comment créer de nouvelles responsabilités au sein du lycée, si le nombre d'enseignants diminue constamment ? L'éducation nationale subit en effet, à chaque rentrée, suppressions de postes et diminutions de places au Capes.
Pour étayer mes craintes, je continue de citer le Président qui, prenant appui sur son ministre de l'éducation nationale, Luc Châtel, précise que l'État financera les projections de films dans les lycées professionnels « s'il le faut ». C'est ce « s'il le faut » qui m'inquiète. Il n'est pas concevable de se contenter d'une telle approximation ! D'autant plus que le projet de loi de finances prévoit une baisse, de 50 % dans le premier degré et de 14 % dans le second, des moyens destinés aux actions pédagogiques et partenariats dans les domaines artistique et culturel.
Mais « ce n'est pas une affaire, d'argent, on va donner le matériel à tout le monde, c'est une affaire de volonté ». Les paroles sont belles mais l'air est trop connu et la chanson est bien triste... Or cette question est capitale car c'est en milieu scolaire que les inégalités sociales face à l'accès à la culture doivent être corrigées. Nous venons de travailler sur un rapport d'information établi dans le cadre de la mission jeunes qui fait apparaître la nécessité « de prendre en compte toutes les compétences des élèves pour mettre un terme aux sorties du système éducatif sans aucun diplôme, certification ou attestation ». Or, l'éducation artistique fait partie de ces compétences capables de révéler des élèves qui ne s'illustrent pas dans les cours traditionnels. Il faut sortir de la culture du diplôme et permettre aux élèves les moins scolaires d'acquérir d'autres compétences. Ce point a d'ailleurs été largement repris dans l'allocution du Président de la République, le 13 octobre, où il demande de valoriser non seulement les savoirs mais aussi les savoir-faire et le savoir-être. « C'est l'éducation culturelle qui apprend à travailler efficacement ensemble dans le respect et la compréhension. L'éducation artistique donne aux jeunes le courage de franchir les frontières et de développer pleinement leur personnalité et pas seulement leurs talents intellectuels ». Ce n'est pas un ministre de l'éducation ni un chef d'État qui dit cela mais une femme, chef d'entreprise, directrice de Technologies Austria : Monika Kirschner Kohl. Dans le rapport de juillet 2009 établi par la commission Culture du Conseil de l'Europe, Christine Muttonen rappelle que « les établissements d'enseignement doivent mettre sur pied des projets internationaux de coopération dans le domaine de l'éducation culturelle. Les États membres doivent soutenir les établissements dans ces projets par des actions de sensibilisation ou l'octroi de financements ». La recommandation au Pisa -Programme international de suivi des acquis élèves mené par l'OCDE- demande d'inclure « le sens civique et les compétences créatives » dans le champ d'évaluation des élèves.
La mission d'éducation culturelle et artistique relève de la responsabilité de l'État mais l'efficacité de son action sera d'autant mieux garantie qu'il pourra compter sur le relais des collectivités territoriales dont la proximité est un atout. Mais ce relais ne peut s'effectuer que si les moyens adéquats sont alloués. Les collectivités territoriales s'impliquent fortement dans l'enseignement artistique, comme le souligne notre collègue : « la politique nationale est relayée et portée par les collectivités territoriales (...) ce sont les communes ou leurs groupements qui assument une part prépondérante du financement ». Il est donc incompréhensible que la loi de 2004 se soit contentée d'affirmer le rôle respectif des régions, des départements et des communes sans préciser les clés de répartition des financements entre collectivités.
Le Finistère a choisi de s'impliquer fortement dans ce domaine de compétence -non obligatoire pour un département. Mais, par sa connaissance du territoire, par sa proximité, il est seul à même d'assurer la cohérence d'une pratique culturelle adaptée et de garantir l'accès de tous à la culture. Cette cohérence, c'est l'ambition même du schéma de développement des enseignements artistiques mis en place dans le Finistère. Un état des lieux des enseignements artistiques a été réalisé en 2007 et une définition des différents niveaux d'écoles établie avec, bien entendu, des modalités d'attribution financières spécifiques et des primes données au regroupement intercommunal. Trois niveaux ont été distingués : écoles de musique et de danse de rayonnement local, de rayonnement intercommunal, introduction du volet art dramatique et arts du cirque. Ce schéma, bien accepté, commence à remplir son objectif : garantir l'accessibilité des enseignements artistiques au plus grand nombre, en améliorant la complémentarité des offres, en dynamisant le secteur et en fédérant l'ensemble des acteurs locaux. Avec ce schéma, le département a aussi l'ambition de confirmer le rôle des pratiques artistiques amateurs dans le développement culturel et local. L'enjeu est important car il s'agit de toucher le public le plus large possible et de favoriser les passerelles entre les pratiques amateurs et l'enseignement académique. En décembre 2008, alors que de nombreuses associations s'inquiétaient d'un projet de réglementation des pratiques amateurs au regard du code du travail, j'ai interpellé la ministre de la culture sur les risques d'une telle mesure ! J'ai rappelé l'importance de notre culture bretonne, dont les pratiques amateurs sont le terreau. Pour le seul secteur musique, chant et danse de Bretagne, 40 à 50 000 personnes se mobilisent régulièrement, professionnels et amateurs bénévoles mélangés ! La ministre m'a répondu qu'une réglementation par voie législative n'apparaissait pas adaptée à la diversité des situations et que ce sont des pistes alternatives, de nature contractuelle, qui seront explorées en concertation avec les collectivités territoriales, les professionnels et les artistes amateurs. Donc j'attends !
Pour donner la mesure de l'enjeu, je citerai les deux grandes fédérations de la culture bretonne qui assurent, par convention avec le conseil général, des actions de sensibilisation ou qui accompagnent la création, la diffusion et la transmission des savoirs par la formation dispensée aux jeunes aux quatre coins du département. De plus, « Musique et danse en Finistère » propose un plan de formation continue non diplômante, à destination des enseignants, artistes amateurs et animateurs culturels.
Voilà un exemple de collaboration réussie, fruit de l'initiative locale. Maintenant, permettez-moi d'évoquer le niveau de quatre écoles d'art plastique à rayonnement régional, dont deux dans le Finistère. Elles ont décidé, à titre expérimental, de se réunir en un seul établissement public de coopération culturelle (EPCC), représenté par quatre pôles. Nous en sommes à la mise en place de la structure. Le décret fixant les conditions dans lesquelles les établissements d'enseignement supérieur d'arts plastiques sont autorisés à délivrer les diplômes nationaux étant toujours en préparation, ces établissements, lassés d'attendre, ont pris les devants. Le projet est soutenu par la Drac mais aussi par le conseil régional qui avait déjà affiché sa volonté de considérer les écoles supérieures d'art de Bretagne comme une des priorités de la politique culturelle régionale. Cet EPCC prendra en charge, avec l'appui des ministères de la culture et de l'enseignement supérieur, les cycles d'enseignement supérieur licence-maîtrise-doctorat. Le projet pédagogique retenu par l'établissement de coopération repose ainsi sur le travail en réseau mené depuis plusieurs années par les directeurs de chacune des écoles. La réforme de l'enseignement supérieur amène tous les établissements d'enseignement supérieur artistique et culturel à acquérir leur autonomie juridique. La coopération entre collectivités territoriales a constitué, avec l'appui de l'État, la seule solution envisageable pour la survie des filières culturelles et artistiques supérieures dans les territoires où elles sont implantées. La région apparaît ici comme un échelon de coordination pertinent car c'est sur le libre arbitre de chaque collectivité que s'articule le projet. Une région « chef de file » me paraît tout à fait concevable dans ces circonstances.
Le débat d'aujourd'hui va se heurter, comme tant de projets de loi, à la réforme des collectivités et de la fiscalité locale. Qui, demain, aura la compétence dans ce domaine ? Tout ce réseau de coopération, de formation et de transmission risque de s'écrouler comme un château de cartes si les différentes collectivités ne sont plus en mesure de le financer. Leur capacité financière étant dramatiquement réduite par la suppression de la taxe professionnelle, apparaîtra alors le recentrage sur les compétences qui leur seront exclusivement dévolues. Nous espérons, monsieur le ministre, que les transferts seront correctement compensés. (Applaudissements à gauche)
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - « Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends » : cette maxime de Benjamin Franklin me semble emblématique de la question qui nous occupe aujourd'hui, celle des enseignements artistiques dispensés dans nos conservatoires, sur tous nos territoires.
Tout art nécessite une initiation pour être saisi dans ses beautés, ses nuances, sa profondeur, mais aussi pour être pratiqué dans les règles de l'art. C'est sur cette évidence qui, comme toute évidence, a besoin d'être répétée, ou en tout cas rajeunie, que je fonde ma volonté de faire de la transmission une priorité de mon action. L'idéal de la transmission doit devenir une réalité non seulement pour l'accès aux oeuvres et la mise en perspective historique, mais aussi pour l'initiation aux pratiques artistiques. Ces trois exigences de l'accès aux oeuvres, de la culture générale et de la pratique artistique sont étroitement liées car la pratique, pour reprendre le mot de Benjamin Franklin, est sans doute ce qui implique le mieux l'élève. Quand bien même celui-ci ne deviendra pas un Mozart ou un Gérard Philipe, elle est le premier pas vers la connaissance. La pratique est un peu, toutes choses égales, à l'image des approches comportementales prônées par certains psychologues, une manière d'entrer pleinement dans un sujet. Après le célèbre « mettez-vous à genoux et vous croirez » de Pascal, j'ai envie de dire « pratiquez un art et vous deviendrez un amateur respectueux des vrais talents ». L'initiation à la danse, à la musique ou encore au jeu scénique, outre qu'elle est la garantie d'un épanouissement personnel, élève le niveau d'attention aux arts de toute la société. Cette disponibilité aux arts est indissociable de la santé d'une démocratie parce que les arts aident chacun à se ménager un espace de réflexion et, donc, de liberté. Loin d'une société du spectacle fondée sur un consumérisme passif, les arts et leur pratique nous aident à bâtir une démocratie ouverte et civilisée, une République dont l'un des piliers, moins visible que d'autres mais tout aussi nécessaire, est la culture, littéralement le fait de ne pas laisser ses talents en friche. Ces principes répondent à la volonté du Président de la République d'accorder une nouvelle place à la culture, notamment dans le cadre de la réforme du lycée présentée le 13 octobre, qui se traduira par la mise en place ambitieuse et tellement attendue d'une histoire des arts à l'école, à laquelle je travaille assidûment avec M. Chatel.
Aujourd'hui, le débat porte sur l'apprentissage des pratiques artistiques dans les conservatoires à la suite des travaux si judicieux de Mme Morin-Desailly. Ma politique de transmission doit reposer sur un partenariat solide et clarifié avec les collectivités territoriales. Vous connaissez, en effet, l'importance acquise par ce réseau depuis l'impulsion donnée par Marcel Landowski en 1967. Aujourd'hui, 150 000 élèves sont accueillis dans quelque 500 établissements, dont 283 conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal, 106 conservatoires à rayonnement départemental et 42 conservatoires à rayonnement régional. Ce réseau témoigne de l'ambition de l'État et des collectivités de favoriser l'accès du plus grand nombre à une pratique artistique, notamment musicale. Plus de vingt ans après la loi de 1983 qui a transféré l'enseignement artistique aux collectivités, de nouveaux besoins se sont fait sentir. Tout d'abord, une clarification d'un système devenu trop complexe. Ensuite, la volonté d'une meilleure répartition d'un service. Enfin, la nécessité d'assurer la transition entre la pratique amateur et la formation professionnelle et de distinguer les cursus selon les finalités. Il s'agit tout à la fois de maintenir un enseignement pour amateurs tout au long de la vie et de dessiner une voie sinon royale, du moins praticable, pour les futurs professionnels. La loi du 13 août 2004 cherchait à répondre à ces besoins avec la configuration suivante. Tout d'abord, les communes se chargeraient du gros oeuvre de l'initiation et des pratiques amateurs, travail forcément très variable mis en cohérence au sein des schémas départementaux de développement des enseignements artistiques. L'État, pour sa part, devait se charger de l'enseignement supérieur -soit des établissements tels que le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris et celui de Lyon- et du contrôle pédagogique de l'ensemble des établissements. Enfin, les régions, désormais pourvues de la compétence de la formation professionnelle, prenaient en charge le chaînon manquant entre la simple initiation et la carrière professionnelle : le cycle d'enseignement professionnel initial ou Cepi, cycle de deux ans au cours duquel la motivation et les qualités artistiques des élèves sont mises à l'épreuve avant le grand saut dans la carrière professionnelle. Tel était le schéma idéal dessiné par la loi. Or les plus belles constructions de l'esprit, de La république de Platon au Télémaque de Fénelon, ne trouvent pas toujours une parfaite application dans la réalité... En l'occurrence, les régions ont parfois hésité à se saisir pleinement de cette nouvelle compétence, la situation a connu une forme indéniable de blocage. Et, enfin !, Mme Catherine Morin-Desailly vint...
L'immense travail que Mme Morin-Desailly a conduit sur le terrain, sans oeillères et sans préjugés, a abouti à un rapport remis le 24 juillet 2008. Ce texte d'une grande sagacité pose les bases d'une nouvelle réflexion entre tous les acteurs. Pour répondre à la demande des collectivités, l'État, dès le 10 juillet 2008, a mis en place un groupe de travail consacré aux enseignements artistiques au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Le rapport sans concession de Mme Morin-Desailly met en évidence ce qui manquait à la loi de 2004 : un consensus autour du caractère prioritaire des enseignements artistiques en France et une implication des élus dans une réforme fortement portée par les professionnels. Les travaux du Conseil des collectivités et notre débat d'aujourd'hui montrent que le message a été entendu. A nous de faire en sorte que cette prise de conscience se traduise par des décisions.
L'enjeu, Mme Morin-Desailly l'a rappelé, est de briser la glace de l'intimidation sociale -thème cher à mon coeur- qui éloigne encore trop souvent nos concitoyens des arts et de la culture. Le développement de la pratique amateur doit être clairement la première mission des conservatoires. Le débat sur les Cepi a confirmé, s'il en était besoin, que la tendance naturelle de ces établissements est de se concentrer sur le repérage des futurs professionnels, qui ne représentent qu'une minorité des élèves. L'objectif des conservatoires doit être d'accueillir le maximum d'élèves, notamment les plus éloignés de la culture, d'aider à l'avènement de cette « culture pour chacun » que j'appelle de mes voeux. Nous devons sortir de ce mal français de la voie royale dont l'étroitesse étouffe trop de vocations et empêche l'épanouissement artistique et culturel.
Catherine Morin-Desailly souhaite à juste titre que l'on passe d'un système pyramidal, fondé sur l'idée d'une destination professionnelle obligée, à une logique d'aiguillage -de la pensée unique de la professionnalisation à la liberté et à la souplesse de l'orientation. Cette exigence est d'ailleurs plus généralement celle du Gouvernement en matière d'enseignement et elle correspond aux compétences professionnelles des régions. Le Cepi sera changé en COP : il ne s'agit pas d'argot américain mais simplement d'un « cycle d'orientation professionnelle ». Cela répond à une préoccupation essentielle et à une responsabilité collective, celle de mieux maîtriser le flux des jeunes qui se dirigent vers les métiers du spectacle et de mieux former ceux qui choisissent ces parcours d'exception.
Catherine Morin-Desailly a indiqué les principales causes du blocage, dont l'estimation erronée des coûts de la réforme. Les expérimentations menées dans le Nord-Pas-de-Calais et en Poitou-Charentes ont permis de rectifier les erreurs et de dépassionner le débat. Beaucoup de points ont fait l'objet d'un accord, notamment au Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. Toutefois, une question cruciale reste en suspens : les crédits de fonctionnement, d'environ 30 millions d'euros, soit 9 % du budget global des enseignements artistiques spécialisés que l'État verse aux communes pour les conservatoires. Alors que l'État n'est plus compétent dans ce domaine depuis plus de vingt cinq ans, il détient encore les crédits correspondants, qui ne sont pas directement mis à la disposition des collectivités territoriales compétentes.
La loi de 2004 prévoyait un transfert de ces crédits aux régions et aux départements, selon des clés de répartition fixées par les Drac. D'après le rapport de Catherine Morin-Desailly et les débats du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, une solution plus simple et plus lisible est préférable. Aucun consensus n'a toutefois pu se dégager sur ce sujet. Trois possibilités s'offrent à nous. Tout d'abord, nous pouvons élargir aux communes la liste des collectivités attributaires des crédits de l'État qui transitent par les Drac, et ainsi mettre fin à une situation où la loi n'est pas appliquée car trop restrictive. Chaque Drac attribuerait les crédits de l'État aux différentes collectivités en fonction de leur implication réelle. Ensuite, nous pouvons transférer l'ensemble de ces crédits aux communes, qui créent et financent les conservatoires. Enfin, nous pouvons faire bénéficier les régions de ce transfert, dans l'esprit de loi de 2004, et ainsi accompagner la mise en place des COP. Dans ces deux derniers cas, les départements recevraient une contribution unique et forfaitaire correspondant à l'élaboration des schémas départementaux.
La première solution présente l'avantage d'une grande souplesse mais elle risque de créer des inégalités entre nos territoires. Le transfert aux communes s'adapterait à l'existant et renforcerait les opérateurs mais il serait sans doute moins efficace pour maîtriser le développement des COP. L'Association des régions de France (ARF) s'est prononcée pour cette solution par une lettre adressée au ministre de la culture le 30 juin dernier. Quant au transfert aux régions, plus ambitieux, il est défendu par la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), par l'Association des maires des grandes villes de France (AMGVF) et par Catherine Morin-Desailly. Il permettrait de mieux répartir et coordonner l'offre et correspond aux compétences des régions en matière de formation professionnelle et d'emploi.
Quelle que soit l'issue de cette réforme, nous serons passés d'une vision pyramidale de l'enseignement spécialisé, de l'amateur au grand interprète, aux parcours diversifiés des amateurs, pour qui la pratique d'un art est un vecteur d'épanouissement, et des artistes, dont il faut accompagner l'entrée dans une carrière difficile et exigeante. Grâce à ce travail de décryptage, nous pouvons clairement envisager les trois solutions possibles. Elles impliquent une modification législative, et parfois une modification de la répartition des compétences des collectivités territoriales par rapport à la loi de 2004. Elles ne peuvent être isolées du chantier de réforme des collectivités territoriales qui nous attend, dont un premier projet a été présenté au conseil des ministres le 21 octobre. Nous devons tenir compte de la mutation prochaine de la carte des territoires avant de choisir une des solutions proposées. Le temps de l'harmonisation et de l'ajustement s'impose -et ce n'est en aucune manière un procédé dilatoire. Il peut être employé à débattre de cette alternative complexe et à tirer le meilleur parti du travail remarquable de Catherine Morin-Desailly.
Soyez assurés de ma volonté de régler ces questions, en lien étroit avec Brice Hortefeux, dans le cadre de la réflexion d'ensemble sur les compétences des collectivités territoriales. Je souhaite que nous trouvions rapidement la solution la plus adaptée, sans perdre l'acquis des travaux et des échanges qui se sont tenus durant ces derniers mois. Dans cette attente, l'État continuera à verser ces crédits aux établissements en 2010. A brève échéance, nous mettrons en place un système d'enseignement spécialisé satisfaisant pour les amateurs comme pour les professionnels, et respectueux des prérogatives et des ambitions des collectivités territoriales. Pour cela, nous aurons besoin de la sagesse pragmatique de Franklin, c'est-à-dire de savoir impliquer et nous impliquer. (Applaudissements à droite et au centre)
La séance, suspendue à 16 h 55, reprend à 17 heures.
Recherches sur la personne
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux recherches sur la personne.
Discussion générale
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Madame la présidente de séance, madame la présidente de la commission, madame la rapportrice, la ministre de la santé vous salue et espère que ces messieurs ne se sentent pas trop seuls... (Rires)
Je sais gré à votre commission des affaires sociales de son analyse pertinente du texte et des améliorations qu'elle y a apportées. La recherche médicale, en particulier la recherche sur la personne, est l'une des priorités de mon ministère. L'ambition de la proposition est d'accroître la protection des personnes tout en simplifiant une réglementation actuelle confuse, parfois inapplicable. Elle élargit le périmètre de la loi, valable aujourd'hui pour les recherches interventionnelles et qui s'étendra demain aux recherches observationnelles. Elle établit pour toutes les recherches sur la personne un socle réglementaire commun : avis obligatoire d'un comité d'éthique, le comité de protection des personnes (CPP) et désignation d'un responsable de la recherche, le promoteur. Trois catégories de recherche ont été identifiées en fonction du risque encouru par le patient : les recherches interventionnelles comportant un risque certain, même s'il n'est que potentiel ; les recherches comportant un risque négligeable ; enfin, les recherches non interventionnelles.
Votre commission a apporté des améliorations substantielles à la petite loi ; elle en a accru les ambitions. Elle instaure notamment une commission nationale des recherches impliquant la personne, instance d'appel pour les projets ayant reçu un avis négatif en première analyse par un comité de protection des personnes (CPP). L'indépendance de l'avis devra être garantie. Cette commission sera également en charge de l'harmonisation des pratiques des comités : c'était une demande du sénateur Huriet en 2001 et de l'Igas en 2006. Le périmètre d'intervention de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a été étendu à l'ensemble des recherches sur les personnes : l'agence exercera pleinement son pouvoir de police sanitaire. Vous étendez aux CPP la possibilité de donner un avis sur des recherches dont le promoteur est français mais qui se déroulent hors de l'Union européenne : vous répondez ainsi aux préoccupations du Conseil de l'Europe ou de l'Unesco.
Toutefois, j'ai déposé plusieurs amendements apportant des ajustements dans votre texte. Vous rattachez la nouvelle commission nationale à la Haute autorité de santé. Ce choix ne me paraît pas le meilleur. La Haute autorité n'a ni l'expérience ni la culture de la recherche et ne souhaite pas exercer cette tutelle. C'est le rattachement au ministre de la santé, responsable de la politique de recherche clinique et garant de la protection des personnes, qui est légitime.
Un autre amendement concerne les modalités d'autorisation, car il ne saurait y avoir de recherche sur la personne humaine sans garanties fortes. Aujourd'hui, toute une catégorie de recherche en santé publique, dans le domaine de la prévention, se trouve dans une zone grise. L'avis d'un comité de protection de personnes sera un progrès majeur. Pour autant, le recueil du consentement des personnes doit être adapté aux risques encourus. Personne ne comprendrait que des contraintes disproportionnées rendent matériellement impossible la réalisation de recherches présentant un intérêt de santé publique. Pour comparer l'efficacité de deux campagnes de prévention menées dans deux villes différentes, faudra-t-il recueillir le consentement individuel et écrit de tous les habitants de ces deux villes ? Renoncera-t-on à cette étude s'il en manque un ? Je proposerai donc, lorsqu'une recherche présente un intérêt de santé publique et un risque minime, voire nul, et lorsque le recueil du consentement est excessivement lourd, que le CPP puisse donner son autorisation dès lors que les personnes concernées reçoivent une information collective et conservent la possibilité de ne pas participer.
Nous sommes tout près d'adopter un grand texte législatif, qui marquera une date, comme le fit la loi Huriet-Sérusclat.
M. François Autain. - Il ne faut pas exagérer.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - La proposition fixe le cadre de toutes les recherches sur la personne et les entoure de garanties très fortes. (Applaudissements à droite)
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur de la commission des affaires sociales. - La proposition de loi de M. Olivier Jardé est enfin soumise à notre examen, différé du fait de la discussion de la loi Hôpital, santé, patient, territoire. Nous avons donc eu le temps de la réflexion, c'est utile. En revanche, je ne comprends pas qu'un texte d'une telle portée soit inscrit à l'ordre du jour à la veille du week-end de la Toussaint et que l'on y consacre seulement deux heures, contre trois semaines pour un texte sur les OGM. Il s'agit ici rien moins que de décider quel doit être l'équilibre entre développement de la recherche et protection des personnes qui s'y prêtent.
La recherche médicale est porteuse de mieux-être, mesuré à l'aune de l'espérance de vie. Entraver la recherche, c'est entraver le progrès social et la lutte contre les grandes menaces sanitaires. Une société qui se défie de sa science se destine à la paralysie et à l'obscurantisme.
Mais quel prix sommes-nous collectivement prêts à payer pour quelques années de plus ? Les malades qui participent à un protocole expérimental sont-ils traités au mieux de leur intérêt ? La recherche clinique ne leur profite pas toujours directement, elle est faite de tâtonnements, d'erreurs, d'approximations. La finalité est collective, non individuelle. Il ne s'agit pas de sauver une vie mais d'étudier une problématique ; le sujet malade est objet de recherche. La relation médecin-patient relève du colloque singulier, celle qui lie le chercheur et le malade est régie par les impératifs du protocole. La personne qui s'engage le fait pour elle-même et pour les autres mais elle supporte seule le risque. Nous ne pouvons nous contenter de cueillir les fruits sans examiner ce qui est consenti par le patient. Le risque doit être limité au maximum. Mais jusqu'où aller sans aboutir à l'interdiction pratique de la recherche ?
Après le sommet de l'horreur atteint durant la seconde guerre mondiale, la justice internationale a dégagé, à l'occasion du procès des médecins nazis, les dix principes de Nuremberg, fixant les conditions d'une recherche qui ne porte pas atteinte à la dignité de la personne. Il y a eu ensuite la déclaration d'Helsinki, élaborée par l'Association médicale mondiale en 1964 et la convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée par la France dans le cadre du Conseil de l'Europe en 1997. Ces textes n'ont pas encore force contraignante dans notre droit mais leur contenu y est intégré depuis longtemps.
La loi du 20 décembre 1988 sur la protection des personnes, dite loi Huriet-Sérusclat, encadre la recherche biomédicale sur la personne. Elle a été modifiée par la loi de 2004 sur la politique de santé publique. Ces textes offrent aux chercheurs un cadre juridique clair, des garanties en termes de responsabilité ; et aux personnes, une assurance que leur intérêt primera toujours sur celui de la science. Les comités de protection des personnes réunissent à parité des scientifiques et des personnes qualifiées issues de la société civile. Ils contrôlent les protocoles de recherche médicale.
La commission des affaires sociales est restée fidèle aux principes posés par MM. Huriet et Sérusclat. Nous avons reconnu l'apport d'un examen unifié de l'ensemble des protocoles par les CPP et accepté la distinction entre recherche interventionnelle et recherche observationnelle. Mais elle a refusé, dans la recherche interventionnelle impliquant des soins, de graduer le consentement en fonction du risque.
Un risque, même supposé minime, quand il y a soin, change la nature de la relation entre le médecin et le patient. Dès que l'on passe du soin à la recherche, la personne doit en être consciente et accepter le protocole. Lorsque la recherche est interventionnelle, le consentement libre et éclairé ne suffit plus, il faut qu'il soit écrit. Les critiques qui arguent de la lourdeur du recueil du consentement sont bien inférieures aux enjeux, comme si le temps des chercheurs était trop important pour qu'ils le perdent auprès des patients...
La commission a allégé les contraintes administratives qui pèsent sur les chercheurs ; elle a, par exemple, amorcé la simplification de l'examen des protocoles de recherche par la Commission nationale informatique et libertés. Il vous appartiendra, madame la ministre, de la conduire à son terme avec les lois bioéthiques. Avec le même pragmatisme, un amendement prévoit que les comités de protection des personnes pourront qualifier de manière différente les étapes d'une recherche et distinguer ce qui relève de l'observationnel, qui ne requiert pas de consentement écrit, et ce qui procède de l'interventionnel, pour lequel il est nécessaire.
La commission des affaires sociales a entendu les chercheurs dont le travail ne sera pas entravé inutilement. Les comités de protection des personnes sauront faire une application judicieuse de ces dispositions. Au demeurant, les chercheurs qui participent à des protocoles européens sont déjà contraints de recueillir le consentement écrit du patient.
Faisons confiance aux chercheurs qui composent la moitié des comités de protection des personnes. Ils préserveront l'éthique sans interdiction idéologique mais en veillant au consentement des personnes. Je rends hommage à leur action : la commission souhaite d'ailleurs renforcer les comités par une distribution aléatoire des protocoles. Une commission nationale harmonisera les pratiques. Pour préserver les finances publiques, nous l'avons rattachée à la Haute autorité de santé mais il faudra un jour en faire une autorité indépendante.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Très bien !
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Le rôle du ministère de la santé est d'orienter la recherche et de permettre la mise en oeuvre de ses résultats ; la Haute autorité garantit l'éthique de la recherche. Ce sont deux fonctions distinctes.
Nous avons essayé d'être les plus pragmatiques possible tout en nous plaçant au plus haut niveau d'éthique. Recherche et protection des personnes sont deux aspects de la dignité de la personne, préservée dans sa santé et dans l'intégrité de son corps, confiante dans les soins qu'elle reçoit et libre de ses choix. Tel est le sens du texte et de nos amendements sur cet enjeu fondamental. (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs bancs à gauche)
Mme la présidente. - La Conférence des Présidents avait décidé d'arrêter nos travaux à 19 h 30. Je serai donc obligée de lever la séance à 20 heures. J'invite chacun à respecter strictement son temps de parole.
M. François Autain. - Nous sommes quelques-uns à nous étonner que M. Olivier Jardé nous ait ainsi infligé toutes affaires cessantes une septième modification de la loi Huriet-Sérusclat promulguée en 1988, après celle de 2008, les deux de 2006, celles de 2004.... Je déplore qu'on n'ait pas attendu les lois bioéthiques d'autant que, pour lui donner une justification a posteriori, les députés ont érigé la recherche sur la personne en priorité nationale. Je suis en total désaccord avec cette initiative malencontreuse. Ce type de recherche ne saurait que servir la personne ; un projet réduisant celle-ci à l'état d'objet serait contraire à la déclaration d'Helsinki ratifiée par la France et qui dispose que dans la recherche médicale sur les sujets humains, les intérêts de la science et de la société ne doivent jamais prévaloir sur le bien-être des sujets. Cette proposition pousse à s'abstraire du cadre contraignant des recherches sur l'homme. Je suis heureux de constater que notre commission a sagement rectifié le tir.
Le texte clarifie les différentes étapes de la recherche sur le patient ; il précise les règles pour la recherche non interventionnelle qui avait subi des dérives. Cependant, le travail amorcé au Sénat a été entrepris dans de mauvaises conditions ; nous n'avons pas disposé de temps pour les auditions sur ces sujets pointus soulevant des questions d'éthique fort compliquées, subtiles et ardues. Je souligne néanmoins l'ouverture dont a fait preuve Mme Hermange, qui a accepté certains de nos amendements. La commission a corrigé la proposition sur la recherche interventionnelle, laquelle ne peut être menée sur les personnes ne bénéficiant pas de l'assurance maladie, non plus que sur les enfants si le double consentement n'est pas réuni.
Une commission nationale coordonnera et évaluera l'action des comités de protection des personnes. Madame la ministre, je ne peux qu'être opposé à votre amendement qui la retirerait à la Haute autorité de santé pour la placer sous votre tutelle directe. La répartition aléatoire des projets de protocoles est la seule garantie d'équilibre entre comités. Or depuis 2004, on n'a pas mis en place l'évaluation des comités dont devait dépendre leur agrément. En l'absence de publication de l'arrêté ministériel fixant leur règlement interne, le groupe de travail constitué en 2006 a été suspendu en 2008 sans avoir élaboré de référentiel. Vous disposerez, grâce à la commission, du référentiel qui vous faisait défaut.
Même si certaines dérives ont été contenues, l'article 2 reste en l'état, faute de temps pour une réflexion approfondie. Il s'agit pourtant d'un changement fondamental du financement de la recherche interventionnelle. Il est inacceptable qu'il incombe à l'assurance maladie et que celle-ci ne soit remboursée, quelle générosité !, qu'en cas de commercialisation -encore faut-il que le remboursement soit total.
Or il ne semble pas que toutes les garanties soient offertes sur ce point. L'assurance maladie devient ainsi une sorte de « capital-risqueur », un mécène indifférent au retour sur investissement. J'aurais préféré un mécanisme inverse permettant le remboursement total a posteriori des recherches à finalité non commerciale dont le contenu est rendu public pour toute la communauté scientifique.
Même si je me réjouis que notre commission ait rendu ce texte éthiquement plus acceptable, je ne peux le voter en l'état ; il pervertit en effet l'idée que j'ai de la finalité de la recherche biomédicale et de sa prise en charge. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Morin-Desailly. - La présente proposition de loi est un texte important, le premier intégralement consacré aux recherches sur la personne. Il doit permettre de concilier protection de la personne et encouragement de la recherche dans un domaine très porteur d'espoir. Tout l'enjeu est de savoir où placer le curseur entre intérêt scientifique et exigence éthique.
Ce texte entend faire évoluer le cadre légal des recherches appliquées sur l'homme en matière médicale. Comme l'a judicieusement précisé notre rapporteur, il ne traite que de deux catégories de recherches, la recherche clinique et la recherche non interventionnelle ou observationnelle, et unifie leur régime de contrôle éthique. La loi Huriet-Sérusclat de 1988 distinguait les recherches avec ou sans bénéfice individuel direct ; trop complexe en pratique, cette classification a été remplacée par une classification selon le double critère de l'objet et du degré de contrainte, elle-même considérée au fil du temps comme rompant avec la pratique scientifique. La proposition de loi retient le risque auquel seront exposés les participants et distingue recherche interventionnelle et recherche observationnelle. Les recherches relèveront de régimes juridiques distincts, avec un degré de contrainte proportionné au risque dont ils seront porteurs. Mais elles seront toutes soumises aux comités de protection des personnes chargés de les autoriser ; ce contrôle permettra éventuellement leur requalification d'un régime dans l'autre.
Dans le même temps, le texte renforce les droits et garanties accordés aux participants des recherches les moins encadrées. Les personnes participant à des recherches interventionnelles ne comportant que « des risques et des contraintes minimes », autrefois désignées comme les « recherches en soins courants », bénéficieront d'une information plus complète, d'un régime d'expression du consentement plus protecteur, de plus grandes exigences de compétences concernant l'équipe de recherche, de la publication de guides de bonnes pratiques et de l'établissement d'un répertoire national.
L'un des apports majeurs du texte est en outre de donner un cadre législatif aux recherches non interventionnelles, autrefois appelées « recherches observationnelles ». Définies aujourd'hui de manière incidente dans le code de la santé publique, elles seront désormais pleinement reconnues et l'encadrement de leur déroulement offrira de nombreuses garanties : les participants recevront une information préalable et pourront s'opposer à la recherche ; les projets seront soumis à l'autorisation préalable d'un comité de protection des personnes ; des recommandations de bonne pratique seront publiées par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
Le grand intérêt de ce texte est de parvenir à encourager la recherche tout en améliorant la protection des personnes. La création d'un droit commun des recherches sur la personne est un acte fondateur. En donnant aux recherches observationnelles un cadre juridique, le texte en garantit la qualité et, par là, en assure la promotion. L'absence d'un répertoire national nuisait aux professionnels de santé comme à l'information du public.
Pour faciliter la recherche sur la personne, le texte substitue à un droit complexe et incomplet un dispositif exhaustif et transparent, dans lequel les procédures de déclaration sont allégées.
La commission a effectué un travail remarquable, et d'abord de classification. Il est en effet plus rationnel de ne distinguer que deux catégories de recherches sur la personne, interventionnelles et non interventionnelles, quitte à identifier parmi les premières celles pour lesquelles les risques encourus sont faibles. Elle a opportunément remplacé la notion floue de « risques et contraintes négligeables » par celle de « risques et contraintes minimes ». Elle a encore amélioré la protection des personnes, en prévoyant que les recherches ne comportant que des risques et des contraintes minimes feraient l'objet d'une liste fixée par voie réglementaire et en exigeant que toute recherche interventionnelle fasse l'objet d'un consentement écrit et non plus seulement « libre et éclairé ».
La commission a renforcé l'efficacité des comités de protection des personnes en les coiffant d'une commission nationale susceptible d'unifier leur jurisprudence -nous l'avions nous-mêmes proposé. Le groupe de l'Union centriste s'enorgueillit d'avoir apporté sa pierre à l'édifice puisque, fait rare, tous ses amendements ont été adoptés ou satisfaits en commission. Certains ont infléchi le texte sur des points d'importance : création d'une autorité de coordination des comités de protection des personnes, pouvoir de police sanitaire de l'Afssaps sur toutes les recherches sur la personne, avis des comités de protection des personnes sur les projets de recherche que les promoteurs français envisagent de conduire hors de l'Union européenne. Nous nous félicitons tout particulièrement de l'adoption de l'amendement porté par le président About visant à interdire le test de la dose maximum tolérée d'un médicament administré sans lien avec la pathologie de la personne lors des essais dits de phase I. Nous demanderons en séance la suppression de l'obligation de fourniture gratuite des dispositifs médicaux utilisés dans le cadre des recherches interventionnelles à risques minimes, dispositifs qui, dans le cadre de ces protocoles, sont utilisés par les patients observés même en dehors de toute recherche. Nous entendons d'autre part, pour plus de cohérence, assouplir les règles de vigilance médico-sanitaire pour les recherches interventionnelles à risques minimes.
Reste à trancher la question des modalités d'expression du consentement aux recherches interventionnelles. Si nous comprenons les préoccupations éthiques ayant conduit la commission à durcir le texte, nous souhaitons mieux concilier éthique et développement de la recherche.
Je salue en conclusion l'excellent travail de la commission, de sa présidente Mme Dini et de son rapporteur, Mme Hermange. Le groupe de l'Union centriste est très favorable à ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous étions très inquiets à l'arrivée de cette proposition de loi. Ce texte court mais dense, présenté dans l'exposé des motifs comme une simplification, procède en réalité à une refonte complète du domaine. Déposé à l'Assemblée nationale par notre collègue M. Jardé, il est issu de l'avant-projet de la loi HPST. Si l'on peut comprendre la volonté d'alléger un texte lourd, il est curieux d'utiliser la réforme du travail parlementaire pour faire inscrire à l'ordre du jour un texte d'initiative gouvernementale. Ce qui nous a aussi inquiétés, c'est la vitesse avec laquelle l'autre chambre l'a examiné : moins de trois semaines entre le dépôt et le vote, 50 minutes en commission. Quelle efficacité ! Là, la perplexité cède devant la suspicion...
Compte tenu de la matière, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas fait le choix d'insérer ces dispositions dans le futur projet de loi de révision des lois bioéthiques ? On peut certes envisager une évolution de la loi fondatrice Huriet-Sérusclat qui ne la dénature pas, mais le présent texte confirme le glissement initié par la loi de 2004 ; tandis que la loi précitée protège les personnes, il fait de la recherche sur la personne un moyen de développement de la connaissance scientifique. Il était significatif à cet égard que soit affirmé dès le début du texte le caractère de priorité nationale du développement de la recherche sur la personne. La commission a heureusement jugé que cette rédaction était mal venue.
Nous doutons qu'une nouvelle évolution législative soit nécessaire. M. Jardé, dans l'exposé des motifs, évoque un dispositif actuel complexe et incomplet, ce qui peut sembler paradoxal ; surtout, il relève la difficulté qu'ont les chercheurs français à publier dans les grandes revues scientifiques internationales. Est-ce le cas ? Nous manquons d'éléments pour répondre. Je me suis livré à quelques recherches ; j'ai notamment consulté le rapport de l'Observatoire des sciences et des techniques.
Or, des critères quantitatifs ne permettent pas toujours de comparer des pays différents. Ainsi, les Britanniques font la course en tête pour la part des publications médicales mais leur système de santé occupe la dernière place dans le classement établi par l'OMS.
Cela dit, la proportion des publications françaises a effectivement décru dans le monde. Le rapport de l'OST rappelle qu'en 2006, la France réalisait 4,4 % des publications mondiales en sciences de la matière et de la vie, soit un point en moins que dix ans plus tôt. Encore faut-il préciser que la part des pays développés a simultanément décru de huit points. Même la Suède, la Finlande, Israël et le Japon peinent à conserver leur position mondiale.
Il faut en outre prendre en compte l'indice d'impact de ces publications, c'est-à-dire le ratio de la part mondiale de citations sur la part mondiale de publications. Dans ce domaine, la France a nettement progressé, passant de 0,91 en 1993 à 0,97 en 2006.
M. François Autain. - De quoi se plaint-on ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - De même, il faut considérer les situations par discipline : en 2006, la France a publié en mathématiques bien plus qu'en biologie appliquée-écologie. Quant à la visibilité de ses publications, le rapport de l'OST relève que la part de la contribution française à la production mondiale en sciences de la matière a certes fléchi entre 2000 à 2006 mais que « c'est en biologie appliquée-écologie que les publications françaises ont la plus grande visibilité internationale ».
M. François Autain. - Jardé nous ment !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ce rapport montre également que la France publie beaucoup en coopération avec ses voisins européens et avec les États-Unis, ses premiers partenaires en 2006, notamment dans le domaine de la recherche médicale.
Enfin, le rapport illustre la corrélation entre le nombre de publications et l'argent investi dans la recherche académique. Ainsi, la France occupe la quatorzième place pour la dépense intérieure de recherche et de développement rapportée au produit intérieur brut et le seizième rang si l'on considère les dépenses de recherche par habitant. Depuis 1995, le premier indicateur a reculé de 7,4 %. Le vrai problème est donc le financement de la recherche, non la réglementation prétendument complexe et incomplète.
Dès lors, créer un cadre unique pour l'ensemble des recherches sur la personne soulèverait de nouvelles questions au lieu de les résoudre. Pourquoi réunir sous un cadre législatif unique trois types de recherches fort différentes ? En utilisant un même terme pour l'innovation et l'évaluation, ne risque-t-on pas de banaliser la recherche biomédicale, aux dépens des personnes qui s'y prêtent ? Si les CPP examinent tous les projets de recherche, le surcroît quantitatif de travail ne risque-t-il pas d'avoir un effet qualitatif regrettable ? Ces comités pourront-ils vérifier la qualification des projets de recherche ? Plus généralement, comment définir en amont la catégorie de la recherche et apprécier son risque ? En l'absence de risque, pourquoi saisir des comités chargés de protéger les personnes ?
Les termes choisis nous laissent perplexes. Pourquoi retenir l'expression « recherche interventionnelles » sachant que la réglementation européenne mentionne le « clinical trial » ? Le protocole additionnel à la convention d'Oviedo vise de façon expresse les recherches biomédicales. Pourquoi vouloir créer une catégorie intermédiaire de recherche dite « interventionnelle à risques et contraintes négligeables » alors que la législation européenne n'envisage qu'une seule catégorie d'essais cliniques ? Comment apprécier objectivement un risque « négligeable » ? Toute recherche biomédicale comportant une intervention sur l'être humain doit offrir le même respect des droits et libertés fondamentales. La création d'une catégorie intermédiaire rendrait plus complexe la qualification des protocoles et retarderait leur mise en place, tout en isolant la France au plan international et en dénaturant la mission des CPP.
Enfin, le rapport définit les recherches observationnelles comme celles n'exigeant aucune procédure inhabituelle de diagnostic ou de surveillance. Il s'agit en fait simplement de collecter des informations et des données personnelles de santé. Toute intervention sur la personne étant exclue, pourquoi saisir les CPP ? Contrairement à ce que prétend l'auteur du texte, ces études existent aujourd'hui. Elles sont conduites conformément à la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 : la Cnil s'assure que la recherche ne porte atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. Elle autorise les investigations après avis du comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé. Les CPP n'ont aucune compétence en matière de vie privée ni de liberté individuelle des personnes dont les données font l'objet de traitements.
Loin de simplifier le dispositif, la création de trois types de recherche en fonction du risque encouru par les personnes qui s'y prêtent peut être source de confusion, voire favoriser en recherches interventionnelles des glissements vers les procédures allégées. La commission a perçu la difficulté puisque son texte ne comporte que deux catégories de recherche. C'est un progrès notable mais insuffisant. Nous y reviendrons en discutant les articles.
Depuis 1988, les CPP sont au coeur du dispositif législatif protégeant les personnes se prêtant à des recherches biomédicales. Au service de l'intérêt général, ils ne peuvent se mettre au service particulier des chercheurs. Leur mission originelle était claire : vérifier le respect des dispositions législatives et réglementaires applicables aux expérimentations humaines. Une part croissante de la communauté scientifique souhaite transformer les CPP en comités scientifique bis ou en comités d'éthique bis. De nombreuses mutations en ce sens ont déjà été observées.
Devons-nous pour autant accepter cette évolution ? Je préfère recentrer les CPP sur leur mission initiale et favoriser parallèlement la création de comités d'éthique de la recherche au sein des CHU, pour informer les chercheurs sur la législation et l'éthique de leur activité, les orienter lors de la qualification de programmes et formuler un avis sur les projets d'études non interventionnelles. Leur mise en place figure à l'article L. 1412-1 du code de la santé publique. Il suffit que le ministre de la santé publie un arrêté après avis du Comité consultatif national d'éthique.
Un autre sujet d'importance abordé par ce texte concerne la participation de personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale. Il s'agit pour l'essentiel de migrants ou d'individus en situation irrégulière, parfois porteurs de « maladies graves et contagieuses », comme il est écrit dans le rapport, mais ce sont surtout des personnes à protéger en raison de leur grande vulnérabilité sociale. D'où leur exclusion des protocoles de recherche depuis 1988.
Quelles que soient les précautions prises par le texte, déroger à cette interdiction, même sous conditions, réduit la protection de ces personnes vulnérables. Faut-il rappeler que le consentement d'un affilié à un régime d'assurance maladie ne peut pas être dû à la possibilité ainsi offerte de bénéficier de soins impossibles à obtenir autrement ? A un moment où l'aide médicale d'État se réduit comme peau de chagrin, on voit les risques d'introduire en France une problématique bien connue dans les pays pauvres !
Mme Patricia Schillinger reviendra plus longuement sur un autre sujet qui me tient à coeur : la recherche sur les enfants. En recul par rapport au code civil pour ce qui est de l'autorité parentale, le texte initial de la proposition de loi risquait en outre d'introduire un nouveau motif de désaccord entre les parents. J'estime impératif de recueillir l'avis des deux détenteurs de l'autorité parentale avant toute recherche sur un mineur.
La commission a profondément modifié le texte adopté par l'Assemblée nationale. Nous y avons contribué. Je tiens à saluer l'écoute dont nous avons bénéficié. Les aspects les plus négatifs du texte initial ont été rectifiés mais il reste encore des sujets qui font débat et des dispositions à améliorer. D'où les treize amendements déposés par le groupe socialiste.
Enfin, je regrette vivement que la commission des finances ait déclarée irrecevable notre amendement n°16 en application de l'article 40 de la Constitution. Je reviendrai ultérieurement sur l'application contestable de cette disposition qui rend plus difficile un accord unanime conforme à l'esprit de la loi Huriet-Sérusclat.
Les membres de la commission des affaires sociales n'ayant pu prendre connaissance de cet amendement, je vais en dire quelques mots. Nous voulions conforter la commission créée pour améliorer le fonctionnement des CPP et mieux protéger les personnes. A cette fin, nous voulions élargir ses attributions et l'ériger en autorité indépendante. Malheureusement, l'application de l'article 40 nous en empêche. Une fois de plus, elle restreint fortement l'initiative parlementaire. Je suggérerais volontiers au Gouvernement de reprendre l'amendement à son compte afin de permettre le débat, mais le fera-t-il pour une évolution qu'il refuse ?
Nous pourrions au demeurant demander pourquoi la proposition de loi n'a pas subi dès le départ les foudres de l'article 40, alors qu'elle crée incontestablement des charges supplémentaires. Nous réservons notre vote. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Anne-Marie Escoffier. - Adoptée le 29 janvier par l'Assemblée nationale, cette proposition de loi exige une certaine hauteur de vue, puisqu'elle porte sur l'être humain, ce qui impose au législateur d'instaurer les meilleures garanties éthiques.
Nul ne saurait nier que « l'intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche biomédicale prime toujours sur les seuls intérêts de la science et de la société ». Nous devons être guidés par ce principe, inscrit dans le code de la santé publique. Mme Hermange l'a fort bien dit en rappelant l'inviolabilité de la personne humaine. Voilà ce que nous devons avoir à l'esprit en examinant cette nouvelle variation du dispositif Huriet-Sérusclat, une décennie après son adoption, pour unifier le cadre des recherches médicales et simplifier la démarche des chercheurs tout en renforçant l'attractivité de la France dans ce domaine.
Un souci légitime, s'il en est, dans la patrie d'Ambroise Paré, de René Laennec, de Claude Bernard, d'Albert Schweitzer ! Leur exemple nous rappelle, si besoin était, qu'il ne saurait y avoir d'avancées scientifiques sans garde-fou déontologique.
Trois types de recherches sont aujourd'hui distingués, selon le niveau de risque pour les personnes : les recherches interventionnelles avec risques, les recherches interventionnelles visant à évaluer les soins courants et ne comportant que des risques négligeables ; les recherches non interventionnelles ou observationnelles. En vertu de la loi du 9 août 2004, ces recherches sont soumises à l'autorisation d'un comité de protection des personnes. La proposition de loi modifie seulement ce qui encadre les deuxième et troisième types de recherche.
Aucune recherche ne doit pouvoir être effectuée sur l'être humain si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante, si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l'intérêt de cette recherche, si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l'être humain et les moyens susceptibles d'améliorer sa condition.
Cette proposition de loi a deux objectifs : sécuriser les médecins qui réalisent des recherches sur l'homme en permettant, sous certaines conditions, une atteinte à l'intégrité des personnes ; protéger les personnes participant aux recherches biomédicales. Ces objectifs ne sauraient être contestés par la représentation nationale, dont la mission élémentaire est d'affirmer toujours les règles de l'humanisme, la première de ces règles étant le respect le plus absolu de l'intégrité des personnes physiques.
La commission, je m'en félicite, s'est montrée très réservée sur la gradation des procédures de consentement, d'où l'adoption de nombreux amendements destinés à corriger un texte imparfait. On ne prend jamais assez de précautions dans ce domaine ; on n'est jamais assez attentif aux dérives possibles ; on ne veille jamais assez à empêcher toute forme d'arbitraire scientifique, lequel peut être aussi excessif que l'arbitraire politique ou religieux.
Je me demande toutefois pourquoi le Gouvernement n'a pas choisi d'aborder cette problématique dans le cadre de la révision des lois bioéthiques. En la dissociant du vaste ensemble de réflexions relatives à la bioéthique, auxquelles certains d'entre nous se livrent depuis plusieurs années, on risque de précipiter la réponse législative sans que nul n'en voie l'urgence. A moins, mais je ne saurais le croire, que le Gouvernement souhaite s'affranchir de certaines contraintes comme l'avis du Conseil d'État et les études d'impact.
A-t-on bien mesuré la portée des mesures contenues dans cette proposition de loi, en particulier en matière de transparence ? N''est-on pas en train de banaliser les recherches biomédicales, avec un mélange des genres préjudiciable à la protection des personnes et à l'essence même du droit, puisque ces recherches ne sont pas toujours de même nature, donc très difficiles à contrôler ? La question des contentieux, toujours possibles et parfois inévitables, n'a pas été véritablement prise en compte. Enfin, n'eût-il pas été judicieux de généraliser, au sein des CHU, les comités consultatifs d'éthique qui répondraient mieux que les comités de protection des personnes aux questions que nous nous posons ?
Tout cela me conduit à me demander si cette proposition de loi est applicable. Elle comporte trop de zones d'ombre pour emporter l'adhésion sans réserve de tous ceux qui se réclament des valeurs de l'humanisme, à l'heure où la rapidité fulgurante des progrès de la science empêche trop souvent le législateur de mesurer pleinement les conséquences de ses choix, en particulier en ce qui concerne la surveillance du respect absolu que la loi doit aux personnes physiques. Il y a en effet dans ce texte trop de questions sans réponse, trop de flou, trop d'ambiguïtés, même s'il comporte d'incontestables avancées.
C'est pourquoi, avec la majorité de mes collègues du RDSE, j'ai choisi de m'abstenir, tout en demeurant attentive aux réponses du Gouvernement et à la future application de ce texte, sachant qu'il sera inévitable de revenir sur un certain nombre de ses points dans le cadre des lois sur la bioéthique, que nous étudierons dans un avenir proche. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)
M. Jean-Claude Etienne. - Les recherches sur la personne, c'est une grande affaire ! Elle mérite d'être étudiée comme vous l'avez fait. L'espoir est dans l'expérimentation et l'esprit de libre innovation du chercheur mais l'expérimentation doit respecter l'homme qui s'y prête et se doit de ne pas en faire une victime. L'expérimentation animale ne suffit pas toujours. Je crois beaucoup aux grands espoirs qu'ouvre la modélisation mathématique mais il restera des cas incontournables où le recours aux personnes humaines sera indispensable. D'où la nécessité de ce texte.
Il n'est guère de séance de l'Agence de biomédecine où l'on n'aborde pas cette question. Le travail accompli par nos collègues nous a apporté les réponses dont nous avions besoin ; je remercie ceux qui se sont impliqués dans ce texte.
La santé se trouve de plus en plus souvent, elle aussi, offerte en pâture à la judiciarisation. Nous avons donc besoin d'être protégés beaucoup mieux qu'actuellement : le progrès scientifique appelle un encadrement juridique qui protège à la fois le chercheur et celui qui accepte de se prêter à la recherche. Il y avait de grandes zones d'ombre ; ce texte y projette de la lumière.
La loi Huriet-Sérusclat de 1988 a représenté une avancée fondamentale, fondée sur l'idée qu'aucune recherche ne peut être effectuée sur l'être humain si elle ne se fonde sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante. Je me rappelle avoir dit aux auteurs de cette loi que le mot « expérimentation » n'était pas bien choisi : mieux vaudrait parler de « recueil préclinique » à ce stade de la séquence de recherche. La loi de 1988 posait aussi en principe que le risque prévisible encouru par ceux qui se prêtaient à la recherche devait être proportionné au bénéfice escompté pour eux ou à l'intérêt de cette recherche ; enfin, il faut que cette expérimentation vise à étendre la connaissance scientifique de l'être humain et les moyens susceptibles d'améliorer sa condition.
Il y a deux types d'expérimentation sur la personne : l'interventionnelle et l'observationnelle. Celle-ci est en relation existentielle avec l'épidémiologie.
M. François Autain. - Nous manquons d'épidémiologistes.
M. Jean-Claude Etienne. - Exactement ! La communauté scientifique nous reproche une trop grande complexité des circuits administratifs : en matière de recherche observationnelle, on doit s'adresser jusqu'à cinq guichets ! Et paradoxalement, cette recherche observationnelle à forte connotation épidémiologique, alors qu'elle implique la participation de quelques centaines, voire plusieurs milliers de personnes, suivant les cas, ne dispose, elle, d'aucun cadre législatif.
C'est ainsi que ces recherches sont dispensées de faire appel à un professionnel de santé ! Elles ne disposent d'aucune garantie de qualité et de fiabilité. Pire encore, ces recherches ne sont pas non plus soumises à une autorisation préalable ! Par ailleurs, elles ne sont mentionnées dans aucun répertoire national et pas toujours reprises dans les grandes revues scientifiques. Ces manques, entre autres, ont conduit récemment l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques à reprendre, avec l'Académie de médecine, une étude pour un développement nouveau de l'épidémiologie.
La proposition de loi de notre collègue député, Olivier Jardé, telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale, crée un socle juridique commun, englobant l'ensemble des recherches sur la personne, qu'elles soient interventionnelles ou observationnelles. Ainsi, la définition de la recherche se fondera sur le critère du degré de contrainte qu'elle impose aux participants et sera à proprement dit fondée sur la personne, en incluant les recherches observationnelles. En ce sens, la notion de promoteur sera étendue à l'ensemble des recherches afin de rendre opérant sur un plan juridique et scientifique chaque projet. Une autorisation préalable émanant d'un comité de protection des personnes conditionnera le lancement de toute recherche. C'est là un des apports majeurs de cette proposition de loi. Les comités de protection seront saisis systématiquement sur l'ensemble des recherches, qu'elles soient interventionnelles ou observationnelles. Les CPP pourront requalifier les recherches et, donc, leur appliquer le régime juridique le plus adapté. Un répertoire national des autorisations, accessible tant aux professionnels de santé qu'au public, répondra à l'exigence d'une meilleure visibilité de la recherche française.
Je salue le travail de la commission des affaires sociales, et plus particulièrement l'engagement de Mme le rapporteur, Marie-Thérèse Hermange. Par sa volonté de protéger la dignité des personnes, la commission a apporté des modifications et des contributions essentielles au texte.
Elle a estimé que la distinction reposant sur « les risques et contraintes négligeables » ne trouvait pas de justification. En effet, la difficulté de définir en matière de risque, c'est-à-dire dans un avenir supposé, ce qui pouvait être négligé de ce qui pouvait ne pas l'être n'était pas aisément codifiable. Pourquoi faire des distinctions plus qu'approximatives dont on tire des conclusions aberrantes ?
Nous approuvons pleinement la nécessité d'un consentement écrit et, cela, quel que soit le niveau de risque encouru par le participant. Il y a en effet la réalité des choses et l'idée que l'on peut en avoir, et l'on adhère ou non à un protocole selon l'idée que l'on s'en fait à partir des informations dont on est rendu dépositaire. C'est dire que « à chacun son idée du risque » à partir d'une même réalité objective. On peut néanmoins concevoir, dans certaines situations, notamment lors d'enquêtes épidémiologiques concernant des populations étendues, que le risque apprécié statistiquement prenne alors une dimension mesurable et exprimée en chiffres. Eu égard à l'importance de la population concernée, il peut être matériellement difficile de recueillir un consentement individuel écrit.
Le Comité national des recherches sur la personne doit être une instance indépendante et spécifique, pour ne pas être automatiquement assimilable à d'autres organismes spécialisés dans l'évaluation des pratiques médicales ou l'accréditation.
Autre apport clef du texte, les recherches non interventionnelles bénéficieront désormais d'une méthodologie de référence de la part de la Cnil afin de garantir le contrôle de l'utilisation des données personnelles.
Le texte de la commission réalise un certain équilibre entre la liberté scientifique et la régulation juridique qui s'impose. Il constitue une démarche responsable, orientée vers la protection des personnes. Le groupe UMP y adhère totalement et le votera. (Applaudissements à droite)
M. Jacky Le Menn. - Je me bornerai à poser des questions que se posent également de nombreux membres des comités de protection des personnes. Tout d'abord, les évolutions de notre société et celles de la recherche imposaient-elles de modifier, toutes affaires cessantes, le cadre législatif dans lequel celle-ci s'inscrit ? Quels avantages apporte cette nouvelle loi ? En particulier, quelle protection pour les patients et quelles responsabilités nouvelles pour les acteurs de la recherche ? Enfin, pour tout dire, quelles valeurs défend ce texte ?
Face à cette proposition de loi, nous demeurons très perplexes. En ce domaine, le législateur ne devrait jamais oublier une des maximes kantiennes posée dans les Fondements de la métaphysique des moeurs : « Agis de façon à traiter autrui toujours comme une fin, jamais simplement comme un moyen ». Mais nous sommes déjà là dans le champ de l'éthique qui ne semble pas la préoccupation centrale des auteurs de cette proposition de loi. Pourtant, le législateur, dans ce qu'il est convenu d'appeler sa sagesse, n'avait écarté, ni en 1988 avec la loi Huriet-Serusclat ni en 2004 avec la loi de santé publique, cette préoccupation centrale. Oublier la place centrale de l'éthique prépare à la banalisation des objets de la recherche et cette banalisation est l'antichambre, d'atteintes potentielles aux libertés fondamentales, ce qui, j'en suis persuadé, est totalement inadmissible pour l'immense majorité d'entre nous. Donc, avec cette proposition de loi, restons très attentifs à ne pas nous situer à rebours de la doctrine internationale en la matière : convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, convention d'Oviédo adoptée par le Conseil de l'Europe ou encore déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale, amendée à l'occasion de sa 50e assemblée générale tenue à Séoul en 2008. J'ajouterai que l'objectif premier de toute recherche impliquant des êtres humains est de comprendre -dans le respect qui est dû à l'homme, à sa santé et à ses droits- les causes, le développement des maladies et d'améliorer les interventions préventives, diagnostiques et thérapeutiques. Ces principes se suffisent à eux-mêmes et rendent accessoire toute autre considération. J'ai cru comprendre que Mme le rapporteur, dans son exposé en commission des affaires sociales, se tenait sur cette position et je m'en félicite.
Cela dit, il sera tout de même nécessaire de rester vigilant et de « ciseler » les articles de cette proposition de loi pour obtenir un équilibre le moins fragile possible entre la protection renforcée des personnes et l'assouplissement souhaitée par les chercheurs.
Dans la loi de santé publique d'août 2004, le législateur a modifié la composition des comités de protection des personnes afin de bien marquer sa prise en considération de la « réflexion éthique », le « contrôle du consentement » ayant progressivement pris le pas sur la simple protection de l'intégrité physique des personnes qui était historiquement la première mission de ces comités.
Le pragmatisme des chercheurs conduit certains, plus souvent qu'on ne le suppose, à ne pas exclure a priori -voire même à privilégier- certaines formes de mercantilisme. Évidemment, je ne parle pas de la recherche fondamentale qui oeuvre à accroître les connaissances et le champ du savoir théorique, mais bien de la recherche clinique et de la recherche biomédicale. Mercantilisme qui conduit à vouloir gommer toutes les contraintes dites administratives, parmi lesquelles, évidemment, toutes les dispositions visant la protection des personnes. Mercantilisme qui pousse à accélérer le retour sur investissement le plus rapide possible, afin de faire breveter prestement, après validation et éventuellement publication scientifique, les « produits » ou « résultats » de cette recherche, avec la perspective, si possible, de les commercialiser. Cela renvoie à deux conceptions de la recherche : celle basée sur le bien-être de l'individu, la dignité de la personne et la solidarité humaine -c'est celle à laquelle nous adhérons ; l'autre privilégiant l'aspect commercial de la recherche, notamment lorsque ses promoteurs dépendent de laboratoires organisés en grands groupes internationaux. La priorité est alors donnée au profit, l'individu risquant fort de n'être plus qu'un maillon dans une chaîne commerciale plus préoccupée de sa rentabilité que de la vie humaine.
Il faut rester vigilant sur les dérives potentielles, par exemple, des recherches épidémiologiques sur des populations vulnérables, ou encore sur les conditions d'autorisation de recherche sur les mineurs. N'oublions pas le caractère différé des conséquences d'un dommage subi par l'enfant.
Nos concitoyens nous observent, inquiets et attentifs, et ils ne manqueront pas de nous juger sévèrement si nous décevons leurs attentes exigeantes en ce domaine. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur les bancs du RDSE)
Mme Patricia Schillinger. - La recherche biomédicale est non seulement nécessaire face à l'apparition de nouvelles maladies et à la persistance des maladies non guérissables mais elle est aussi essentielle pour l'amélioration des techniques d'exploration et de soins. Pour tenir compte des avancées de la science, la loi de bioéthique est régulièrement révisée. Elle cherche à répondre, le mieux possible, aux questions soulevées par le progrès scientifique et technique, ainsi qu'à garantir le respect de la dignité humaine et la protection des personnes les plus vulnérables contre toute forme d'exploitation.
Ce texte, bien qu'il comporte quelques avancées, suscite de nombreuses questions. Tout d'abord, pourquoi recourir au véhicule d'une proposition de loi quand ces dispositions auraient pu être discutées dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique ? Faut-il y voir une manière d'éviter le passage devant le Conseil d'État et l'étude d'impact ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous n'allez tout de même pas vous plaindre de l'initiative parlementaire !
Mme Patricia Schillinger. - Ensuite, question au coeur des derniers états généraux de la bioéthique, comment faire en sorte que notre pays soit à la pointe des sciences biomédicales tout en faisant prévaloir une conception du progrès au service de l'humain ? Avec la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme adoptée en octobre 2005 lors de la conférence générale de l'Unesco, les États membres se sont engagés, pour la première fois, à respecter les principes fondamentaux de la bioéthique. Reste qu'il existe une tension constante entre l'intérêt du malade et certaines préoccupations économiques, politiques ou même académiques de nature plus égoïste. Face aux risques de dérives, il convient de veiller à la protection des personnes et, plus particulièrement, des mineurs. Avec sagesse, la commission a rétabli l'obligation du consentement des deux titulaires de l'autorité parentale pour la participation d'un mineur à une recherche, posée dans le code de la santé publique. Dans le texte initial, seul le consentement d'un titulaire de l'autorité parentale était nécessaire. Cela risquait de placer l'enfant au coeur de conflits familiaux en cas de désaccord entre les parents. Comment cette disposition se serait-elle articulée avec le code civil ? De fait, la minorité légale entraîne une incapacité juridique et un besoin de protection, protection assurée par les parents. S'il est indispensable que des mineurs participent à des recherches pour améliorer les traitements, il est nécessaire de protéger cette population vulnérable. En outre, aux termes de la directive européenne de 2001, « un essai clinique sur des mineurs ne peut être entrepris que si le consentement éclairé des parents ou du représentant légal a été obtenu ; ce consentement doit exprimer la volonté présumée du mineur et peut être annulé à tout moment sans que ce dernier en pâtisse ». Je me réjouis que la commission soit revenue sur cette disposition introduite dans le seul but de faciliter la recherche médicale. Nous serons également vigilants à ce que le projet de loi créant un statut pour les beaux-parents ne remette pas en cause l'autorité parentale dans le domaine de la recherche sur le mineur. Ce nouveau partage d'autorité parentale ne doit pas se faire dans le domaine de la recherche et de la santé.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Resituons notre débat. L'objectif du Président de la République est de faire de notre pays un leader mondial de la recherche biomédicale. L'enjeu est considérable en termes socio-sanitaires -améliorer les soins à nos concitoyens- mais aussi en termes économiques. Des débats animés sur le grand emprunt s'est en effet dégagé un consensus : la recherche biomédicale représente un investissement d'avenir. Avec Mmes Pécresse et Lagarde, nous avons réfléchi aux éléments qui permettraient effectivement à la France de prendre la tête de la recherche biomédicale, parmi lesquels il y a certes la notion d'e-santé, de bio-informatique, mais aussi la notion épidémiologique de grande cohorte. De fait, cette notion est indispensable pour bâtir la médecine personnalisée qu'attendent nos concitoyens.
Ces dispositions, dit-on, ne trouveraient-elles pas mieux leur place dans la loi de bioéthique ? Là encore, la confusion fait rage. Si toute démarche législative est, par définition, éthique, on ne peut pas tout mettre dans la loi de bioéthique au risque de la surcharger, de lui faire perdre sa substance, comme l'a excellemment montré Mme Hermange dans son rapport. Ne mélangeons pas les choses ! D'autant que, le professeur Etienne l'a souligné, la recherche souffre d'un manque de visibilité législative.
Merci de la qualité de cette discussion générale, je répondrai à chacun des intervenants lors de la discussion des amendements.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
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I. - L'intitulé du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Recherches clinique ou non-interventionnelle impliquant la personne humaine ».
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II. - Le même titre est ainsi modifié :
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1° L'article L. 1121-1 est ainsi modifié :
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a) (Supprimé)
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b) Les deuxième à quatrième alinéas sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
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« Il existe deux catégories de recherches sur la personne :
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« 1° Les recherches interventionnelles, qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle.
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« Parmi les recherches interventionnelles, on distingue celles qui ne portent pas sur des médicaments et ne comportent que des risques et des contraintes minimes dont la liste est fixée par voie réglementaire ;
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« 2° Les recherches non-interventionnelles, qui ne comportent aucune procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance, les actes étant pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle. » ;
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c) La première phrase du cinquième alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée :
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« La personne physique ou la personne morale qui est responsable d'une recherche impliquant la personne humaine, en assure la gestion et vérifie que son financement est prévu est dénommée le promoteur. » ;
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d) Au dernier alinéa, les mots : « , sur un même lieu ou » sont supprimés ;
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e) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
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« Si, sur un site, la recherche est réalisée par une équipe, l'investigateur est le responsable de l'équipe et peut être appelé investigateur principal. » ;
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2° L'article L. 1121-3 est ainsi modifié :
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a) Le sixième alinéa est ainsi rédigé :
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« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 et qui n'ont aucune influence sur la prise en charge médicale de la personne qui s'y prête peuvent être effectuées sous la direction et la surveillance d'une personne qualifiée. Le comité de protection des personnes s'assure de l'adéquation entre la qualification du ou des investigateurs et les caractéristiques de la recherche. Les recherches non-interventionnelles peuvent être effectuées sous la direction et la surveillance d'une personne qualifiée en matière de recherche. » ;
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b) À la deuxième phrase du septième alinéa, après les mots : « autres recherches », est inséré le mot : « interventionnelles » ;
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c) Le septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
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« Pour les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 et les recherches non-interventionnelles, des recommandations de bonnes pratiques sont fixées par voie réglementaire. » ;
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d) Au dernier alinéa, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine » ;
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3° L'article L. 1121-4 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
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« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 et les recherches non-interventionnelles ne peuvent être mises en oeuvre qu'après avis favorable du comité de protection des personnes mentionné à l'article L. 1123-1.
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« Lorsque les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 figurent sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur proposition du directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, le comité de protection des personnes s'assure auprès de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé que l'utilisation des produits sur lesquels porte la recherche ne présente que des risques négligeables.
??
« En cas de doute sérieux sur la qualification d'une recherche au regard des deux catégories de recherches impliquant la personne humaine définies à l'article L. 1121-1, le comité de protection des personnes peut saisir pour avis l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Le comité n'est pas tenu par l'avis rendu. » ;
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4° Après l'article L. 1121-8, il est inséré un article L. 1121-8-1 ainsi rédigé :
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« Art. L. 1121-8-1. - Les personnes qui ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale ou bénéficiaires d'un tel régime peuvent être sollicitées pour se prêter à des recherches impliquant la personne humaine si ces recherches sont non-interventionnelles. » ;
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5° Le cinquième alinéa de l'article L. 1121-11 est supprimé ;
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5° bis (nouveau) L'article L. 1121-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
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« À titre dérogatoire, le comité de protection des personnes peut autoriser une personne qui n'est pas affiliée à un régime de sécurité sociale ou bénéficiaire d'un tel régime à se prêter à des recherches interventionnelles impliquant la personne humaine. Cette autorisation est motivée. » ;
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6° À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 1121-13, après les mots : « pour une durée déterminée, lorsqu'il s'agit de recherches », sont insérés les mots : « interventionnelles à l'exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 » ;
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7° L'article L. 1121-15 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
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« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 et les recherches non-interventionnelles sont inscrites dans un répertoire rendu public dans des conditions définies par voie réglementaire.
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« Les résultats des recherches impliquant la personne humaine sont rendus publics dans un délai raisonnable, dans des conditions définies par voie réglementaire. » ;
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8° Au premier alinéa de l'article L. 1121-16, après les mots : « fichier national », sont insérés les mots : « consultable par tout investigateur » ;
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9° L'article L. 1123-6 est ainsi rédigé :
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« Avant de réaliser une recherche impliquant la personne humaine, le promoteur est tenu d'en soumettre le projet à l'avis du comité de protection des personnes désigné de manière aléatoire par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
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« Toutefois, en cas d'avis défavorable du comité, le promoteur peut demander un second examen du dossier à la commission mentionnée à l'article L. 1123-1-1. » ;
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9° bis (nouveau) Il est inséré un article L. 1123-7 ainsi rédigé :
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« Art. L. 1123-7. - Tout promoteur ayant son siège en France, envisageant de réaliser une recherche sur la personne dans un pays tiers à l'Union européenne, peut soumettre son projet à un comité de protection des personnes.
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« Le comité de protection des personnes rend son avis sur les conditions de validité de la recherche au regard des principes énoncés à l'article L. 1121-2. » ;
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10° À l'article L. 1123-9, après les mots : « du comité et », sont insérés les mots : « , dans le cas de recherches interventionnelles à l'exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1, », et sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
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« Lorsque la demande de modification substantielle engendre un doute sérieux sur la qualification d'une recherche au regard des trois catégories de recherches impliquant la personne humaine définies à l'article L. 1121-1, le comité de protection des personnes saisit l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
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« En cas d'avis défavorable du comité, le promoteur peut demander au ministre chargé de la santé de soumettre le projet de recherche, pour un second examen, à un autre comité désigné par le ministre, dans les conditions définies par voie réglementaire. » ;
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11° Au 1° de l'article L. 1126-5, après les mots : « personnes et », sont insérés les mots : « , dans le cas de recherches mentionnées au premier alinéa du 1° de l'article L. 1121-1, » ;
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12° L'article L. 1126-10 est ainsi rédigé :
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« Art. L. 1126-10. - Dans le cadre d'une recherche interventionnelle, le fait pour le promoteur de ne pas fournir gratuitement aux investigateurs les médicaments expérimentaux et, le cas échéant, les dispositifs utilisés pour les administrer ainsi que, pour les recherches portant sur des produits autres que les médicaments, les produits faisant l'objet de la recherche est puni de 30 000 € d'amende. » ;
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13° L'intitulé du chapitre II est ainsi rédigé : « Information de la personne qui se prête à une recherche impliquant la personne humaine et recueil de son consentement » ;
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14° L'article L. 1122-1 est ainsi modifié :
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a) Au 2°, après le mot : « attendus », sont insérés les mots : « et, dans le cas de recherches interventionnelles » ;
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b) Au début des 3° et 4°, sont insérés les mots : « Dans le cas de recherches interventionnelles, » ;
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c) Au 5°, après les mots : « mentionné à l'article L. 1123-1 et », sont insérés les mots : « , dans le cas de recherches interventionnelles à l'exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1, » ;
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d) Le huitième alinéa est ainsi rédigé :
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« Il informe la personne dont la participation est sollicitée ou, le cas échéant, les personnes, organes ou autorités chargés de l'assister, de la représenter ou d'autoriser la recherche, de son droit de refuser de participer à la recherche ou de retirer son consentement ou, le cas échéant, son autorisation à tout moment, sans encourir aucune responsabilité ni aucun préjudice de ce fait. » ;
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e) À la première phrase du neuvième alinéa, les mots : « ne porte que sur des volontaires sains et » sont supprimés ;
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f) (nouveau) La deuxième phrase du dernier alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée : « À l'issue de la recherche, la personne qui s'y est prêtée est informée de la date effective de la fin de recherche et de la date limite de recevabilité d'une première réclamation éventuelle ; son droit de recevoir les résultats globaux de cette recherche et les modalités correspondantes lui sont rappelées. » ;
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g) (nouveau) Au premier alinéa, les mots : « ou un médecin qui le représente, » sont remplacés par les mots : « un médecin qui le représente ou, lorsque l'investigateur est un professionnel de santé qualifié ou une personne qualifiée en matière de recherche, le professionnel de santé qualifié ou la personne qualifiée en matière de recherche qui le représente » ;
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15° L'article L. 1122-1-1 est ainsi rédigé :
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« Art. L. 1122-1-1. - Aucune recherche interventionnelle ne peut être pratiquée sur une personne sans son consentement libre et éclairé, recueilli par écrit ou, en cas d'impossibilité, attesté par un tiers, après que lui a été délivrée l'information prévue à l'article L. 1122-1. Ce dernier doit être totalement indépendant de l'investigateur et du promoteur.
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« Aucune recherche non-interventionnelle ne peut être pratiquée sur une personne lorsqu'elle s'y est opposée. » ;
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16° L'article L. 1122-1-2 est ainsi modifié :
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a) Dans la première phrase, le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine » et, après les mots : « qui y sera soumise, », sont insérés les mots : « lorsqu'il est requis, » ;
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b) (nouveau) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Le protocole peut prévoir une dérogation à cette obligation en cas d'urgence vitale immédiate laissée à l'appréciation de ce comité. » ;
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17° L'article L. 1122-2 est ainsi modifié :
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a) (Supprimé)
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a bis) (nouveau) Après le quatrième alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
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« Lorsqu'une personne mineure se prêtant à une recherche devient majeure dans le cours de sa participation, la confirmation de son consentement est requise après délivrance d'une information appropriée. » ;
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a ter) (nouveau) Après le dernier alinéa du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
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« Lorsqu'au moment de la date de la fin de la recherche la personne mineure qui s'y est prêtée a acquis la capacité juridique, elle devient personnellement destinataire de toute information communiquée par l'instigateur ou le promoteur. » ;
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b) Le III est ainsi rédigé :
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« III. - Le consentement prévu au huitième alinéa du II est donné dans les formes de l'article L. 1122-1-1. Les autorisations prévues aux premier, sixième, huitième et neuvième alinéas du même II sont données par écrit. » ;
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18° (nouveau) La dernière phrase du cinquième alinéa de l'article L. 1521-5 et la dernière phrase du seizième alinéa de l'article L. 1541-4 du code de la santé publique sont supprimées.
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III. - Le titre II du livre Ier de la première partie du même code est ainsi modifié :
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1° Aux articles L. 1121-1, L. 1121-2, L. 1122-1, L. 1122-2, L. 1123-6, L. 1126-3, L. 1126-5 et L. 1126-7 et au premier alinéa des articles L. 1121-10 et L. 1121-11, les mots : « recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « recherche impliquant la personne humaine » ;
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2° Au premier alinéa des articles L. 1121-2 et L. 1123-6, les mots : « sur l'être humain » sont supprimés ;
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3° Au troisième alinéa de l'article L. 1121-3, les mots : « l'essai » sont remplacés par les mots : « la recherche » ;
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4° Aux premier et cinquième alinéas de l'article L. 1121-3, au deuxième alinéa de l'article L. 1121-11, au premier alinéa de l'article L. 1121-13 et au 12° de l'article L. 1123-14, le mot : « biomédicales » est supprimé ;
??
4° bis Au premier alinéa de l'article L. 1121-14, le mot : « biomédicale » est supprimé ;
??
5° À la première phrase du septième alinéa de l'article L. 1121-3 et du troisième alinéa de l'article L. 1121-11, aux articles L. 1121-15, L. 1121-16, L. 1125-2 et L. 1125-3, le mot : « biomédicales » est remplacé par le mot : « interventionnelles » ;
??
6° Aux articles L. 1121-4, L. 1121-12, L. 1123-8, L. 1123-11 et L. 1125-1, le mot : « biomédicale » est remplacé par le mot : « interventionnelle » ;
??
7° Aux articles L. 1121-5, L. 1121-6, L. 1121-7 et L. 1121-8 le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « interventionnelles » ;
??
8° À l'article L. 1121-9 et au quatrième alinéa de l'article L. 1121-10, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « interventionnelle » ;
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8° bis (nouveau) Le quatrième alinéa de l'article L. 1121-10 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cas où la personne qui s'est prêtée à la recherche est âgée de moins de dix-huit ans au moment de la fin de celle-ci, ce délai minimum court à partir de la date de son dix-huitième anniversaire. » ;
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9° (Supprimé)
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10° À la première phrase du troisième alinéa de l'article L. 1121-10, les mots : « La recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « Toute recherche interventionnelle » ;
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11° a) (Supprimé)
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b) Au deuxième alinéa de l'article L. 1123-11, le mot : « administrative » est supprimé ;
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c) Le quatrième alinéa de l'article L. 1123-11 est ainsi rédigé :
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« Le promoteur avise le comité de protection des personnes compétent et l'autorité compétente mentionnée à l'article L. 1123-12 du début et de la fin de la recherche impliquant la personne humaine et indique les raisons qui motivent l'arrêt de cette recherche quand celui-ci est anticipé. » ;
??
12° Le quatrième alinéa de l'article L. 1121-11 est supprimé ;
??
13° À la première phrase de l'article L. 1123-2, le mot : « biomédical » est remplacé par les mots : « de la recherche impliquant la personne humaine » ;
??
14° À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 1121-13 et au dernier alinéa de l'article L. 1125-1, le mot : « biomédicales » est supprimé et, à l'article L. 1126-10, le mot : « biomédicale » est supprimé ;
??
15° À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 1123-10, après le mot : « recherche », sont insérés les mots : « impliquant la personne humaine » et, à la première phrase du second alinéa du même article, après la référence : « L. 1123-9 », sont insérés les mots : « et pour toutes recherches impliquant la personne humaine » ;
??
16° Le dernier alinéa de l'article L. 1123-12 est supprimé ;
??
16° bis (nouveau) L'article L. 1122-1-2 est ainsi modifié :
??
a) À la première phrase, le mot : « biomédicales » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine » ;
??
b) À la première phrase, après les mots : « personne qui y sera soumise », sont insérés les mots : « lorsqu'il est requis » ;
??
c) Dans l'avant-dernière phrase, après les mots : « L'intéressé est informé dès que possible et son consentement », sont insérés les mots : « lorsqu'il est requis » ;
??
17° Au 9° de l'article L. 1123-14, les mots : « l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé » sont remplacés par les mots : « la Haute Autorité de santé », et le même article est complété par un 13° ainsi rédigé :
???
« 13° Le champ des recherches interventionnelles. »
???
IV. - L'article L. 1221-8-1 du même code est ainsi modifié :
???
1° Au premier alinéa, après le mot : « biomédicale, », la fin de la deuxième phrase et la troisième phrase sont remplacées par les mots : « soit dans le cadre d'une recherche impliquant la personne humaine. » et, à la dernière phrase, les mots : « lorsque le sang ou ses composants sont prélevés ou utilisés dans le cadre d'une activité de recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « relatives aux recherches impliquant la personne humaine » ;
???
2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.
???
IV bis. - Au dernier alinéa de l'article L. 1333-4 du même code, le mot : « biomédicale » est remplacé par les mots : « impliquant la personne humaine ».
???
IV ter. - Le 2° de l'article L. 1521-5 du même code est ainsi rédigé :
???
« 2° À l'article L. 1121-11, le dernier alinéa n'est pas applicable ; ».
???
V. - (Supprimé)
???
VI. - Les deux premiers alinéas de l'article 223-8 du code pénal sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
???
« Le fait de pratiquer ou de faire pratiquer sur une personne une recherche interventionnelle sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et, le cas échéant, écrit de l'intéressé, des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur ou d'autres personnes, autorités ou organes désignés pour consentir à la recherche ou pour l'autoriser, dans les cas prévus par le code de la santé publique, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende.
???
« Les mêmes peines sont applicables lorsque la recherche interventionnelle est pratiquée alors que le consentement a été retiré.
???
« Les mêmes peines sont applicables lorsqu'une recherche non-interventionnelle est pratiquée alors que la personne s'y est opposée. »
???
VII. - Dans l'ensemble des autres dispositions législatives, les mots : « recherche biomédicale » sont remplacés par les mots : « recherche impliquant la personne humaine », et les mots : « recherches biomédicales » sont remplacés par les mots : « recherches impliquant la personne humaine ».
???
VIII. - (nouveau) Les types de tests de produits cosmétiques ou alimentaires non soumis à l'examen des comités de protection des personnes sont déterminés par arrêté du ministre en charge de la santé pris après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Inutile de rappeler dans quelles conditions étranges nous examinons ce texte. Pourquoi tout à coup l'urgence quand il a fallu attendre neuf mois avant que ce texte ne soit inscrit à l'ordre du jour ? C'est sans doute cela l'hyper-parlementarisme... Mais nous avons désormais l'habitude de ne pas être conviés aux auditions, de ne disposer des éléments importants qu'au dernier moment. Sans compter que certaines propositions de loi ne sont que des projets de loi habilement déguisés. Un conseiller technique aurait travaillé de main de maître sur ce texte -les termes sont choisi. En outre, madame la ministre, nous nous sommes familiarisés depuis la loi Hôpital avec la pratique hyper-parlementaire qui consiste à sortir du chapeau un amendement gouvernemental au milieu de la séance ! Un ministre y a encore recouru ce matin...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Et alors ? C'est son droit !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Ce texte procède d'une confusion entre la mission régalienne de protection de la personne et l'objectif de compétitivité de la recherche, ce qui confine à la manipulation alors qu'un texte sur la bioéthique se penchera sur la question dans quelques mois.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Et ça recommence !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Protection des personnes et santé publique ne doivent pas être mélangées. La distinction que vous opérez entre phases observationnelles et interventionnelles n'est pas pertinente puisque seules les phases interventionnelles soulèvent des questions éthiques. En fait, le but est de déverrouiller la protection de la personne, sous couvert de santé publique et de priorité nationale, pour que les laboratoires s'inscrivent en pointe sur un segment de haute compétitivité. Si la recherche constitue une priorité nationale, la protection de la personne est principielle dans notre République et doit le rester.
Vous tentez de faire passer une priorité nationale, conjoncturelle, économique... devant un principe républicain. Au mieux, c'est balourd ; au pire, c'est mal intentionné.
En outre, vous venez de nous informer du dépôt de nouveaux amendements, ce que nous dénonçons. Après avoir reconnu que la recherche fonctionne en zone grise -voire en zone d'ombre, pour reprendre l'expression du professeur Etienne-, vous allez nous proposer de faire tomber « les contraintes disproportionnées au recueil du consentement des personnes ». Dans ce cadre, nous ne pouvons que douter de l'orientation de la recherche et de la protection de la personne en France.
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéas 5 à 9
Supprimer ces alinéas.
Mme Patricia Schillinger. - Ce texte vise à donner un cadre unique, moins complexe et plus complet, aux recherches sur la personne. En fait, il confirme le glissement opéré depuis 2004 entre une loi fondatrice, destinée à protéger les personnes participant à des recherches biomédicales, et l'intention de faire de ces recherches un moyen de développer les connaissances scientifiques. L'inscription dans le texte initial du principe selon lequel « le développement de la recherche sur la personne constitue une priorité nationale » est à cet égard évocatrice.
En modifiant la proposition de loi, la commission s'est préoccupée de la protection des personnes, mais l'article premier, même modifié, tend à banaliser la recherche biomédicale. La suppression de cette notion au profit des recherches interventionnelles -terme méconnu dans la réglementation européenne et internationale- n'est certainement pas fortuite. En outre, la création d'une troisième catégorie de recherches ne mène pas à une simplification -bien au contraire. Le rapporteur a en partie répondu aux difficultés de catégorisation entre les recherches interventionnelles et les recherches interventionnelles à risques négligeables. Toutefois, elle a choisi de conserver les recherches non interventionnelles, obtenues en collectant des informations et données personnelles de santé, sans intervention sur la personne.
Il nous semble opportun de maintenir les recherches non interventionnelles hors du cadre législatif garantissant la protection des personnes. Pour ce qui concerne le consentement, indispensable en cas d'observations comparatives, nous disposons déjà de la loi Kouchner de 2002. Cette proposition de loi a pour objet de faire de la recherche une priorité nationale et de transformer les CPP en instruments au service des chercheurs. Elle accroît le travail de ces comités sans se préoccuper de moderniser leur fonctionnement.
Actuellement, la recherche médicale n'est pas conduite dans un vide juridique mais dans le respect de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. C'est à la Cnil de s'assurer qu'elle ne porte atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits et libertés individuelles ou publiques, et d'autoriser ces traitements après avis du Comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé (CCTIRS). Ce dernier fonctionne parfaitement, depuis de nombreuses années. A contrario, les CPP n'ont pas de compétences particulières pour garantir la vie privée et les libertés individuelles.
En réunissant sous une même appellation les recherches relevant de l'innovation et l'évaluation, ou observation, on risque de créer une confusion entre elles et de dénaturer les CPP, qui risquent de se transformer en comités de lecture ou devoir renoncer à la qualité de leur examen.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Patricia Schillinger. - Cette proposition de loi vise à faire de la recherche un instrument au service des chercheurs afin d'accroître le nombre des publications.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Cet amendement propose de revenir au texte de 2004. Or non seulement ce dernier n'était pas satisfaisant mais cette proposition de loi enrichit l'éthique de la recherche et unifie le contrôle de l'ensemble des protocoles, ce qui améliorera la transparence et la protection des personnes. La commission a supprimé la notion de priorité nationale et a clarifié la question du consentement. Elle a adopté un texte qui concilie les progrès de la science et l'éthique de la recherche. Retrait ou avis défavorable.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Avis défavorable. Ce texte permet de faire rentrer dans le champ de la loi des recherches sur la personne des publics qui lui échappaient jusqu'ici et d'accroître les garanties offertes. Actuellement, les recherches non interventionnelles ne sont pas encadrées et l'avis d'un CPP n'est pas requis. En outre, ces recherches feront désormais partie du champ de compétences de l'Afssaps.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Les recherches non interventionnelles bénéficient de la protection de la Cnil : vous ne pouvez pas dire, madame la ministre, qu'il n'y a actuellement aucune protection -ou alors il faut modifier le fonctionnement de cet organisme !
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Alinéa 23
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les recherches mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1 ne peuvent être mises en oeuvre qu'après avis favorable du comité de protection des personnes mentionné à l'article L. 1123-1. Les recherches non-interventionnelles sont mises en oeuvre après avis favorable des espaces de réflexion éthique mentionnés à l'article L.1412-6 du présent code. »
II. - En conséquence, alinéa 25
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Cette proposition de loi reflète le désir croissant de la communauté scientifique de transformer les CPP pour en faire des instruments à son service. Elle dénature la mission essentielle de ces comités, qui deviendraient des sortes de comités d'éthique de la recherche.
Les CPP ont été créés pour protéger les personnes se prêtant à des recherches biomédicales. Plutôt que de les transformer en comités de lecture, il conviendrait de laisser le soin aux instances existantes d'assurer les missions complémentaires aux protocoles de recherche : formation et information sur la législation et l'éthique, aide lors de la qualification des programmes, orientation du responsable de la recherche vers un CPP, délivrance d'avis sur des projets d'études non interventionnelles, etc. Afin de moderniser la recherche clinique française et de garantir un même niveau d'exigence, il faudrait développer des comités consultatifs d'éthique de la recherche au sein des CHU et accroître la légitimité des espaces de réflexion éthique. Cet amendement vise à apporter une réponse satisfaisante aux chercheurs tout en recentrant les CPP sur leur mission exclusive : la garantie des droits et libertés fondamentales des personnes.
Madame la ministre, vous nous avez davantage parlé de recherche que de protection des personnes. Or la loi Huriet-Sérusclat porte sur la protection des personnes. Si nous débattons de la recherche, la ministre concernée doit participer à nos travaux. Nous traitons aujourd'hui de la protection des personnes dans le cadre de la recherche.
Mme Patricia Schillinger. - Très bien.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Le Gouvernement nous a communiqué ses amendements il y a quelques heures seulement : la commission n'a pu les examiner. Nous demandons une suspension de séance de 30 minutes pour nous réunir.
Mme la présidente. - Nous suspendons la séance jusqu'à 19 h 15.
La séance, suspendue à 18h 55, reprend à 19 h 20.
Mme la présidente. - Amendement n°37, présenté par le Gouvernement.
I. - Alinéa 23
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Le promoteur adresse une copie de cet avis et un résumé de la recherche à l'autorité compétente. Sur demande, le comité de protection de personne concerné transmet sans délai toutes les informations utiles concernant ces recherches à l'autorité compétente.
II. - Après l'alinéa 25
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« A tout moment, le comité de protection de personne concerné informe sans délai l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de tout problème de sécurité présenté par une recherche mentionnée au 2° ou 3° de l'article L. 1121-1. »
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il s'agit d'obliger les promoteurs à transmettre à l'agence les éléments essentiels concernant leurs recherches et de mettre en place un système d'alerte entre les CPP et l'Afssaps pour toute la recherche sur la personne. Ce sont là des garanties supplémentaires pour que l'agence puisse exercer pleinement ses nouvelles fonctions de police sanitaire.
Mme la présidente. - Amendement n°8, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéa 25, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Vous savez quelle est notre position sur les CPP. Il nous semble au moins indispensable que les comités qui, aux prises avec un doute sérieux, saisissent l'Afssaps suivent ensuite l'avis donné par l'agence.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Défavorable au n°7 par cohérence. Les espaces éthiques ne sont pas les mieux à même de conduire ce travail. Qui connaît leur fonctionnement sait qu'il est exclu de le leur confier. L'amendement du Gouvernement tend à compléter l'information de l'Afssaps : nous y sommes tout à fait favorables. Avis favorable également au n°8.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je partage l'avis de Mme Hermange sur l'amendement n°7 : ces espaces éthiques sont des lieux d'échange, de réflexion, de formation, mais ils ne sont pas faits pour ce genre de mission ! Avis favorable sur le n°8.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
L'amendement n°37 est adopté, ainsi que l'amendement n°8.
Mme la présidente. - Amendement n°25, présenté par Mme Hermange, au nom de la commission.
Après l'alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité peut qualifier de manière différente les phases successives d'un même protocole de recherche.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Certains chercheurs craignent que les exigences en matière de consentement écrit ne bloquent toute la recherche épidémiologique, qui porte parfois sur une vaste population. Cette inquiétude est infondée puisque les recherches épidémiologiques sont observationnelles. Toutefois, afin de ne pas entraver des recherches à la fois épidémiologiques et interventionnelles, nous offrons aux CPP la possibilité de distinguer au sein d'un protocole des phases observationnelles et des phases interventionnelles. Pour les premières, l'information des personnes suffit, pour les autres un consentement écrit est nécessaire.
Étudier l'impact des affiches de l'Inpes contre le risque alcool est observationnel ; créer ensuite une consultation spécifique en alcoologie est interventionnel. La France participe avec onze autres pays en Europe à une vaste campagne, à la fois observationnelle et interventionnelle, en alcoologie. Nous appliquons déjà dans ce cadre les règles de consentement écrit qui ont cours en Europe.
Nous avons entendu les craintes des chercheurs et, tout en restant fermes sur le consentement écrit, nous avons le souci d'une conciliation.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je partage ce souci d'équilibre et nous serons d'accord pour placer d'abord la protection de la personne. Tout en levant une polémique qui n'a pas lieu d'être, je veux souligner qu'il est indispensable que les conditions de recueil du consentement soient adaptées. La plupart des recherches épidémiologiques sont observationnelles mais certaines sont interventionnelles. Prenons l'exemple d'une campagne de sensibilisation sur l'alcoolisme dans plusieurs communes. A l'évidence, on ne peut recueillir le consentement écrit de tous les habitants alors même qu'il s'agit de modifier les comportements. Devrions-nous faire signer toutes les personnes qui assistent à une conférence ou exposer les chercheurs à trois ans de prison ? Il y a des recherches strictement observationnelles et des recherches épidémiologiques à une échelle telle qu'il n'est ni souhaitable ni possible de recueillir le consentement écrit. Je présenterai d'ailleurs un amendement sur les recherches épidémiologiques interventionnelles de nature à lever des restrictions.
M. Jean-Pierre Godefroy. - On voit bien qu'il y a un vrai problème. Dans notre logique, nous gardons un avis négatif. Mme le rapporteur cherche une solution mais, loin de simplifier, on va vers plus de complexité et on mélange les genres avec une qualification différente des phases d'un protocole de recherche.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - L'exemple pris par la ministre montre la nécessité de distinguer entre les phases de la recherche selon qu'elles sont observationnelles ou interventionnelles. On n'a pas besoin de donner son consentement pour assister à une conférence, c'est nécessaire pour une recherche interventionnelle, s'il y a soin, consultation dédiée ou intervention sur la personne. Un protocole peut comporter une phase observationnelle puis une phase interventionnelle, d'où leur qualification différente par le Comité de protection de la personne.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Certains considèrent qu'une recherche interventionnelle comporte l'administration de médicaments ou de soins mais, dans une démarche de santé, si vous testez un processus modifiant le comportement des personnes, il y a recherche interventionnelle. Voilà la difficulté sémantique : cette question de définition est capitale.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission. - Il me semble impossible de retirer l'amendement voté par la commission.
M. Robert del Picchia. - J'ai entendu les deux arguments et je n'arrive pas à me décider. J'ai été convaincu par la ministre et par le rapporteur. Je ne peux pas tirer à pile ou face et plaire à l'une en vexant l'autre : je m'abstiendrai et me rallierai à la majorité.
L'amendement n°25 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Alinéa 27
Avant les mots :
Les personnes
insérer les mots :
A titre dérogatoire,
II. - En conséquence, alinéas 29 et 30
Supprimer ces alinéas.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous demandons des explications. La proposition revient sur le choix opéré depuis 1988 de ne pas admettre à des recherches des personnes privées de protection sociale parce que leur consentement pourrait être dicté par le besoin d'accéder aux soins. Certes, ces migrants en situation irrégulière sont parfois porteurs de maladies graves mais ils forment une population particulièrement vulnérable et on ne peut diminuer leur protection sans introduire en France une problématique bien connue des pays pauvres. Les intentions de Mme la rapporteur sont plus louables qu'efficaces.
Mme la présidente. - Amendement n°26, présenté par Mme Hermange au nom de la commission.
Alinéa 30
Compléter cet alinéa par une phrase et deux alinéas ainsi rédigés :
Elle doit se fonder au moins sur l'une des conditions suivantes :
« - l'importance du bénéfice escompté pour ces personnes est de nature à justifier le risque prévisible encouru ;
« - ces recherches se justifient au regard du bénéfice escompté pour d'autres personnes se trouvant dans la même situation juridique. Dans ce cas, le risque prévisible et les contraintes que comporte la recherche doivent présenter un caractère minime. »
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Nous encadrons plus strictement les dérogations mais sommes défavorables à l'amendement n°9, le président About ayant fait valoir qu'on ne peut priver ces personnes de la chance de bénéficier de soins impossibles dans un autre cadre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - L'amendement n°9 procède d'une vision manichéenne : il y aurait d'un côté le bon législateur et de l'autre les chercheurs qui auraient décidé de faire du mal aux personnes. Je caricature sans doute mais protéger les personnes, c'est aussi les admettre à des programmes de recherche. Je connais des malades du cancer en phase terminale qui me téléphonent pour me supplier de les admettre à un protocole de recherche.
Il est aussi des maladies, telle la tuberculose multirésistante, qu'on ne rencontre que chez des personnes non affiliées ; et vous voudriez les priver de participer à une recherche qui permettrait peut-être de trouver un médicament qui les guérirait ? Il faut, bien entendu, des protections renforcées ; c'est le sens de l'amendement de la commission auquel je suis favorable.
M. François Autain. - Je rejoins d'autant plus facilement le Gouvernement et le rapporteur que cette rédaction est issue d'un de mes amendements. Je ne voterai pas l'amendement n°9 mais celui de la commission. L'avis motivé du CPP évitera les dérives.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'amendement n°26 est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°10, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Alinéa 37
Remplacer les mots :
l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
par les mots :
la commission mentionnée à l'article L. 1124-1 du présent code
II. - Alinéa 38
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En cas d'avis défavorable du comité, le promoteur peut demander un second examen du dossier à la commission mentionnée à l'article L. 1124-1. »
Mme Patricia Schillinger. - Cet amendement est de coordination avec un amendement que nous avions déposé à l'article 4 quinquies qui s'est perdu dans les sables de l'article 40. Tout le dispositif que nous avions élaboré a ainsi disparu. Nous entendions créer une autorité indépendante chargée notamment de la répartition des financements et de la distribution aléatoire des dossiers dans les CPP, instance qu'il faudra pourtant mettre en place si nous voulons atteindre les objectifs affichés.
Mme la présidente. - Amendement n°18, présenté par M. Autain et les membres du groupe CRC-SPG.
Alinéa 38
Remplacer les mots :
la commission mentionnée à l'article L. 1123-1-1. »,
par les mots :
un comité désigné de manière aléatoire par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé autre que celui ayant procédé au premier examen du projet
M. François Autain. - Une commission nationale est crée à l'article 4 quinquies, dont les attributions comportent l'examen en appel des projets de recherche. Lui confier cet examen en introduisant de fait une hiérarchie entre ses décisions et celles des CPP compromet sa mission d'élaboration d'un référentiel de bonnes pratiques. Notre amendement confie donc le second examen du dossier à un CPP désigné aléatoirement, à l'exclusion, bien sûr, de celui qui a procédé au premier.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - La solution de l'amendement n°10 n'est pas plus pratique que celle du texte. Avis défavorable. Ne pas unifier l'appel, c'est se priver d'un moyen important d'harmoniser les pratiques, au moment où on donne aux CPP une nouvelle impulsion et où on leur confie de nouvelles missions. Avis défavorable à l'amendement n°18.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Mêmes avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°10 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°18.
Mme la présidente. - Amendement n°11, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéas 39 à 41
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
9° bis Le chapitre V du titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 1125-5 - Les protocoles de recherches financés ou menés dans les pays hors Union européenne par un promoteur français ou une personne morale de droit français sont soumis à l'avis de la commission nationale de protection des personnes qui examine les conditions de validité de la recherche conformément aux dispositions de l'article L. 1123-7 du présent code.
« Ces projets doivent également et indépendamment être étudiés par un comité d'éthique du pays ou de la région où doit se dérouler l'étude projetée. Une liste de ces comités d'éthique locaux ou régionaux, ainsi que des comités de défense des droits de l'homme existants, doit être établie, publiée, et remise à jour annuellement. En l'absence de comité d'éthique ou des droits de l'homme local ou national, des instances régionales fonctionnant sous l'égide de l'Organisation mondiale de la santé, de l'Unesco ou du Centre international de l'enfance peuvent être sollicitées.
« Les analyses et avis de la commission nationale de protection des personnes et des comités locaux, nationaux ou régionaux seront soumis aux autorités assurant le financement du projet et autorisant sa mise en oeuvre avant qu'il ne soit entrepris. »
M. Jean-Pierre Godefroy. - Peut-on encadrer les recherches menées sur notre territoire et ne rien faire pour celles menées par des promoteurs français hors de l'Union européenne ? Notre positionnement éthique dépend de la réponse à cette question. Nous proposons une procédure conforme aux recommandations du Conseil d'État et à l'avis du Conseil consultatif national d'éthique du 17 décembre 1993. Lorsque des recherches sont menées par des personnes morales de droit français hors de nos frontières, notre responsabilité est engagée.
Mme la présidente. - Amendement n°27 rectifié, présenté par Mme Hermange au nom de la commission.
I. - Alinéas 39 et 40
Remplacer la référence :
L. 1123-7
par la référence :
L. 1123-7-1
II. - Alinéa 41
Après les mots :
au regard
insérer les mots :
des deuxième à dixième alinéas de l'article L. 1123-7 et
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Nous rectifions une erreur de référence : le contrôle du CPP doit être de même précision que pour les recherches menées en France. Sagesse sur l'amendement n°11, étant entendu que la rédaction de la commission me semble plus pragmatique.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Avis favorable à l'amendement n°27 rectifié. Si la première partie de l'amendement n°11 semble judicieuse, la seconde nous fait sortir de notre champ de compétences. L'avis donné en France est fondé sur des procédures et des structures qui nous sont familières.
Mme la présidente. - J'indique au Sénat que l'adoption de l'amendement n°11 ferait tomber le 27 rectifié...
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - J'ai bien entendu le Gouvernement. J'émets un avis défavorable à l'amendement n°11.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
L'amendement n°27 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°12, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Alinéas 42, 43 et 44
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
10° À l'article L. 1123-9, après les mots : « du comité et », sont insérés les mots : « , dans le cas de recherches interventionnelles à l'exception de celles mentionnées au second alinéa du 1° de l'article L. 1121-1, », et est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'avis défavorable du comité, le promoteur peut demander un second examen du dossier à la commission mentionnée à l'article L. 1124-1. »
Mme Patricia Schillinger. - Il s'agit encore de coordination avec celui de nos amendements qui est désormais considéré comme n'ayant jamais existé... Nous demandons d'abord la suppression du deuxième alinéa du 10° du paragraphe II : comme nous considérons que les CPP doivent se concentrer exclusivement sur les recherches interventionnelles, il ne peut plus y avoir de doute sur la qualification d'une recherche. Nous réécrivons ensuite le dernier alinéa de ce même point 10°, afin qu'en cas d'avis défavorable d'un comité, le projet de recherche puisse être soumis en appel non à un autre comité mais à la commission nationale de protection des personnes dont nous proposions la création à l'article 4 quinquies.
Mme la présidente. - Amendement n°28, présenté par Mme Hermange, au nom de la commission.
Alinéa 44
Après les mots :
le promoteur peut demander
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
un second examen du dossier à la commission mentionnée à l'article L. 1123-1-1.
Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur. - Amendement de coordination, qui satisfait en partie l'amendement n°12.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je suis favorable à l'amendement n°28.
Sur le principe, la deuxième partie de l'amendement n°12 est digne d'intérêt car la solution consiste en effet à saisir la commission nationale pour demander un second examen du dossier. Je souhaite que cette disposition soit reprise. (Mme le rapporteur confirme que tel sera le cas)
En revanche, je repousse la première partie de cet amendement car les difficultés que les CPP pourraient rencontrer proviennent tout simplement du caractère hétérogène de la recherche.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous allons retirer l'amendement, qui servait à alerter sur l'application de l'article 40.
Par défaut, nous voterons l'amendement de la commission.
L'amendement n°12 est retiré.
L'amendement n°28 est adopté.
Mme la présidente. - Nous allons interrompre nos travaux et il appartiendra à la Conférence des Présidents de fixer une date pour la suite du débat.
Prochaine séance, lundi 2 novembre 2009 à 16 heures.
La séance est levée à 20 h 5.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du lundi 2 novembre 2009
Séance publique
A 16 HEURES ET LE SOIR
1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (n°68, 2009-2010).
Rapport de M. Francis Grignon, rapporteur pour le Sénat.
2. Projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée - n°599 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°50, 2009-2010).
Texte de la commission (n°51, 2009-2010).
52
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du lundi 2 novembre 2009
Séance publique
A 16 HEURES ET LE SOIR
1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (n°68, 2009-2010).
Rapport de M. Francis Grignon, rapporteur pour le Sénat.
2. Projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée - n°599 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°50, 2009-2010).
Texte de la commission (n°51, 2009-2010).