Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.
Logement social dans les petites communes
Mme Nicole Bonnefoy. - Je souhaite attirer l'attention de M. le secrétaire d'État chargé du logement sur les difficultés que connaissent aujourd'hui certaines communes à faible potentiel fiscal en raison de pertes de recettes liées à la construction de logements sociaux. Pour exemple, la petite commune de Cellettes dans mon département de la Charente s'est fortement engagée dans les politiques d'aide aux plus démunis : elle a racheté d'anciennes maisons d'habitation en ruine que leurs futurs occupants ont réhabilitées dans le cadre d'un chantier de réinsertion par le travail et le logement. Cette commune eut ainsi l'honneur d'être la première à mettre en oeuvre la loi Besson en Poitou-Charentes. Elle compte aujourd'hui 21 logements sociaux, dont 12 logements dits « Besson » pour une population de 445 habitants. Les revenus apportés par ces logements ne sont pas source d'enrichissement : les loyers, dont le prix a été fixé dans les conventions signées avec l'État, permettent à la commune d'entretenir les logements et de rembourser ses emprunts. Or, à cause de la crise économique, certains occupants, frappés par le chômage, ne peuvent plus acquitter leurs loyers. Résultat, Cellettes est pour la première fois dans l'obligation d'inscrire en créances irrécouvrables une somme de 10 000 euros en effacement des dettes des différents foyers surendettés. Face à cette situation préoccupante, qui fragilise la crédibilité des politiques sociales menées par les collectivités, le Gouvernement ne peut-il pas envisager des mesures compensatoires ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - M. Benoist Apparu, dont je vous prie d'excuser l'absence, salue l'engagement de la commune de Cellettes et sa contribution aux politiques sociales. La crise économique, qui atteint certains de nos concitoyens de plein fouet, montre toute l'importance des « filets sociaux » tels que les aides personnelles au logement, qui sont revalorisées dès que le bénéficiaire est au chômage, et les garanties accordées par Action logement, qui peut prendre en charge jusqu'à 18 mois de loyers impayés, ou celles octroyées par les fonds de solidarité pour le logement. En tant que bailleur social, Cellettes a intérêt à mobiliser ces aides publiques pour garantir ses revenus locatifs. Enfin, si la garantie n'existe pas ou est épuisée, les FSL, sous la responsabilité des conseils généraux depuis 2005, peuvent également être sollicités. Bénéficiaires d'une compensation annuelle de l'État de 93,5 millions, ces fonds aident chaque année 500 000 ménages, dont 60 000 au titre des impayés locatifs. Faut-il prévoir un dispositif supplémentaire ? Compte tenu de l'ensemble de ces aides, le Gouvernement ne le pense pas d'autant que ce dispositif, lié à la personnalité du bailleur poserait un problème de justice sociale et de validité constitutionnelle. Il serait plus judicieux d'informer la commune de toutes les aides existantes. Madame la sénatrice, je sais que vous vous y emploierez et M. Apparu a également demandé au préfet et aux services locaux du ministère d'accompagner le maire dans ses démarches. Il serait vraiment dommage que cette commune soit pénalisée alors qu'elle a fourni un travail remarquable !
Mme Nicole Bonnefoy. - Cellettes connaît ces dispositifs : la garantie est déjà épuisée... Reste le problème des pertes de recettes. J'espère que le préfet veillera à ce que l'endettement de la commune ne s'accentue pas. C'est une question de justice au regard de la politique sociale volontariste de cette petite commune !
Transformation du lac de Beaumont-sur-Oise en décharge
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je regrette l'absence de M. Borloo car la transformation du lac de Beaumont-sur-Oise en une décharge concerne directement son domaine : l'écologie. De nombreux habitants du Val-d'Oise ne comprennent pas que le préfet ait autorisé la transformation de ce site en une décharge, gérée par une société privée, qui accueillera des déchets de gravats et déblais des bâtiments et travaux publics. En effet, ce lac de 27 ha est un site d'exception : on y dénombre 700 espèces, dont 180 classées « remarquables » et une soixantaine d'espèces d'oiseaux protégées, la présence de trois habitats relevant de la directive Natura 2000 sans compter son fort intérêt floristique. Au reste, une partie du site est classée en zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique. En dépit de ces éléments qui militent pour une protection renforcée du site, le préfet du Val-d'Oise a autorisé la transformation de ce site en décharge.
Le 1er août 2008, une ordonnance de suspension de l'arrêté préfectoral qui avait autorisé la mise en décharge du lac est prise par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Soutenu par le ministère de l'écologie, le préfet du Val-d'Oise et la société Calcia, bénéficiaire de la décision, ont formé un pourvoi devant le Conseil d'État, qui a confirmé, le 29 juin 2009, la suspension de cet arrêté, reconnaissant la réalité des espèces protégées et des habitats d'intérêt communautaire.
La pugnacité des associations a permis, jusqu'à présent, la suspension du projet. Mais pourquoi le ministre soutient-il celui-ci, qui n'est pas grenello-compatible, contre le jugement de la plus haute juridiction ? Quelles mesures entend-il prendre pour protéger ce patrimoine naturel ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Je vous prie d'abord d'excuser le ministre d'État qui m'a transmis sa réponse.
La société Ciments Calcia a exploité le terrain de ce lac à partir de 1913 pour extraire la craie destinée à la cimenterie de Beaumont-sur-Oise. En 1968, cette carrière a été fermée conformément à la réglementation en vigueur qui ne prévoyait pas, à l'époque, de remise en état du site. Au fil du temps, un lac artificiel s'est donc créé et la nature a progressivement enrichi la faune et la flore de ce milieu sans toutefois donner au lac un caractère exceptionnel.
En 2004, Ciments Calcia a vendu ce terrain à la société Valoise sous réserve qu'elle remette le site en état, et qu'elle dispose donc des autorisations nécessaires au remblaiement. Cette société a déposé, au titre de la police de l'eau, une demande d'autorisation qui a été considérée comme complète le 11 septembre 2006.
S'agissant d'une procédure de réhabilitation d'un ancien site industriel, le projet a consisté à garantir le maintien de la faune et la flore présentes sur le site et à améliorer la sécurité de ce dernier où se sont produits plusieurs accidents mortels ces dernières années. La zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique située à proximité a également été prise en compte notamment pour éviter son enclavement et sa dégradation actuels.
L'instruction du dossier au titre de la police de l'eau visait à apporter des garanties notamment sur l'impact du projet sur les nappes phréatiques et les eaux superficielles. Plusieurs études ont été réalisées pour mieux prendre en compte le fonctionnement hydrologique du lac et des captages les plus proches. L'instruction du dossier a aussi apporté des garanties sur le milieu aquatique et son éco-système -un inventaire faunistique et floristique a été demandé avant tout commencement du remblaiement- et sur la prise en compte du lac dans les phénomènes de crues, celui-ci n'étant pas inscrit dans le plan de prévention des risques d'inondation.
Aussi, l'arrêté d'autorisation au titre de la police de l'eau prévoit des prescriptions obligatoires afin de limiter l'incidence du projet. Cette autorisation ayant été annulée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, les services de l'État ont récemment fait appel et se pourvoient en cassation car ils estiment que le projet présenté par la société Valoise respecte la réglementation en vigueur et permet la mise en sécurité du site tout en préservant la biodiversité locale. Ces services d'État interviennent ici pour faire respecter le droit et non pour favoriser telle ou telle opération.
Toutefois, le ministère reste ouvert à l'examen de tout projet alternatif que porteraient les collectivités locales en accord avec le propriétaire du site et qui garantirait la mise en sécurité et la préservation du site.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - La remise en état proposée à la société privée n'a pas été faite : le site a plutôt été détruit avant sa transformation en décharge. Le Conseil d'État a dénoncé « l'insuffisance des études d'impact » et notamment l'absence de diagnostic sur l'état du fond du lac. Et on ne peut invoquer les atteintes à l'économie locale, s'agissant d'un projet qui n'est pas encore réalisé.
Conseil de prud'hommes de Fougères
Mme Virginie Klès. - Ma question s'adresse à Mme la ministre d'État, garde des sceaux et concerne le présent et l'avenir du conseil des prud'hommes de Fougères en Ille-et-Vilaine.
Dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire mise en oeuvre par Mme Dati, ce conseil a été supprimé par décret du 29 mai 2008. Au motif d'un vice de forme relatif à une irrégularité dans la concertation préalable à la décision, le Conseil d'État a annulé ce décret le 8 juillet 2009.
Cet arrêt a contribué à installer une situation absurde pour les justiciables de Fougères et Vitré : la juridiction de Fougères, dont la suppression est effective depuis le 1er janvier 2009, se retrouve sans juge puisqu'aucun conseiller prud'homal n'y a été élu lors du dernier renouvellement, privant ainsi d'accès à la justice les salariés qui travaillent sur son territoire. La juridiction rennaise devient de fait incompétente et les salariés ne peuvent pas la saisir puisque le Conseil d'État considère que le conseil des prud'hommes de Fougères est la juridiction compétente. Ce vide juridique est un avantage certain pour les employeurs dont les avocats ne manquent pas d'invoquer systématiquement l'incompétence territoriale pour faire obstacle aux dossiers fougerais plaidés devant le conseil des prud'hommes de Rennes.
Face à une telle impossibilité de fonctionner, la cour d'appel peut prendre une ordonnance pour désigner, le temps de régulariser la situation, la juridiction compétente : le tribunal d'instance ou bien le conseil des prud'hommes le plus proche. Or, toujours dans le cadre de cette même réforme de la carte judiciaire, le tribunal d'instance de Fougères a aussi été supprimé, rayant du coup totalement la ville, pourtant sous-préfecture, de la carte judiciaire et imposant de fait la compétence de Rennes.
Devant une telle confusion et une telle incohérence, je voudrais connaître les raisons qui ont présidé à de tels choix dans la réforme de la carte judiciaire. Quelles dispositions ont été et seront prises pour clarifier la situation née de la suppression du conseil des prud'hommes et du tribunal d'instance de Fougères, et pour restaurer le droit fondamental d'accès à la justice ? En tout état de cause, je me permets de rappeler que la meilleure solution reste la justice de proximité.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. - L'annulation du décret du 29 mai 2008 portant sur une question de forme et non sur le fond, un nouveau projet de décret, est actuellement soumis pour avis aux instances consultatives. Le conseil de prud'hommes de Fougères, tout comme le tribunal d'instance, a une activité insuffisante pour être maintenu. Son activité -92 affaires nouvelles hors référés, soit moins de trois dossiers par an par conseiller- ne permet pas de maintenir la technicité et la spécialisation requises pour une justice de qualité. Ce conseil de prud'hommes n'étant pas en état de fonctionner, puisqu'aucun conseiller n'y a été élu lors du dernier renouvellement général, Mme la garde des sceaux a demandé aux chefs de la cour d'appel de Rennes d'appliquer l'article L. 1423-8 du code du travail afin d'assurer la continuité de la justice prud'homale. Le Premier président de la cour d'appel de Rennes a désigné, par ordonnance, le conseil de prud'hommes de Rennes pour connaître du contentieux relevant de la compétence de celui de Fougères.
Le tribunal d'instance de Fougères avec moins de 500 affaires par an, ne peut employer un magistrat à temps plein. Et c'est pourquoi cette juridiction, comme le conseil de prud'hommes, a vocation à être regroupée avec celle de même nature siégeant à Rennes.
La réforme de la carte judiciaire vise à améliorer le fonctionnement des juridictions et à moderniser la justice dans l'intérêt du justiciable. Les implantations judiciaires doivent avoir une activité suffisante pour garantir la qualité de la réponse judiciaire, tout en assurant dans des conditions optimales la continuité du service public de la justice, et la sécurité des personnels et des justiciables.
Mme Virginie Klès. - L'intérêt des justiciables n'est pas préservé puisqu'il leur faut désormais parcourir 50 kilomètres pour atteindre la juridiction compétente et, cela, en l'absence de transports publics aux heures d'audience. Alors qu'on ne parle que de développement durable, ils sont obligés d'utiliser leurs voitures particulières. Le nombre d'affaires traitées n'est pas synonyme de qualité puisque 90 % des décisions prises à Fougères étaient confirmées en appel.
Votre réponse ne me satisfait donc pas. L'accès à la justice doit être un droit pour tous qu'il faut défendre, ainsi que, dans un avenir proche, l'indépendance de la justice qui, avec la démocratie, est de plus en plus mise à mal.
Gratification des stagiaires en formation et recherche en travail social
Mme Christiane Demontès. - Le secteur du travail social a été confronté l'année dernière à d'importantes difficultés budgétaires puisque, en application de la loi du 31 mars 2006 sur l'égalité des chances, les établissements et services sociaux et médico-sociaux de droit privé doivent verser une gratification aux étudiants qui y effectuent un stage de plus de trois mois.
Si personne ne conteste cette disposition -et je pense notamment à Jean-Pierre Godefroy qui a déposé une proposition de loi très progressiste sur l'importante question des stages- son application a été rendue extrêmement difficile puisque l'État, malgré les engagements réitérés du ministre des affaires sociales d'alors, n'a jamais daigné verser les montants correspondant à cette gratification. Si certains conseils généraux ont subventionné ces établissements, d'autres ont choisi de ne pas le faire. Si la responsabilité de la gratification devait revenir aux organismes de formation, cela ne ferait que déplacer le problème vers les conseils régionaux qui ont la responsabilité, depuis 2004, d'organiser les formations sanitaires et sociales. Il devrait donc revenir à l'État d'abonder leur financement en conséquence, mais une telle proposition serait tombée sous le coup de l'article 40...
La situation devient inquiétante : le 24 avril, le Président de la République a présenté un plan d'urgence visant à favoriser la formation et l'accès à l'emploi de 500 000 jeunes d'ici à 2010 et il a fait part de sa volonté de voir les stagiaires désormais gratifiés dès deux mois de stage. Lors des débats sur l'article 8 bis de la proposition de loi visant à « faciliter le maintien et la création d'emplois » adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 9 juin, la question de ce financement a été soulevée à de nombreuses reprises.
Nous ne pouvons nous satisfaire d'une position gouvernementale qui renvoie la responsabilité de ce financement aux seuls organismes de formation ou, à défaut, aux collectivités territoriales.
Je rappelle que cela concerne la formation de conseiller en économie et social, d'éducateur spécialisé, d'éducateur technique spécialisé, d'éducateur de jeunes enfants, d'assistant de service social. L'Association française des organismes de formation et de recherche en travail social a chiffré le coût de cette gratification dès deux mois de stage pour plus de 28 320 ayants droit à 25 millions d'euros par an. Gageons que si les difficultés ont pesé pour la gratification des stages de trois mois, il en sera de même pour ceux de deux mois.
Aussi, je vous demande quelles dispositions vous comptez prendre afin que les organismes accueillant les stagiaires les gratifient et que l'État ne procède pas à un nouveau transfert de charges sur les collectivités territoriales.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. - La loi du 31 mars 2006 a en effet prévu la gratification obligatoire des stages étudiants en entreprise d'une durée supérieure à trois mois et le décret du 31 janvier 2008 a fixé le montant de cette gratification. Le Gouvernement a veillé à faciliter les stages dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux et dans les structures d'accueil collectif de la petite enfance.
La gratification obligatoire est une dépense qui s'impose aux structures d'accueil et qui a vocation à être couverte par les tarifs. C'est pourquoi le Gouvernement a fait en sorte de neutraliser, pour les financements relevant de l'État, de l'assurance maladie ou de la branche famille, le coût de la gratification obligatoire à la charge des structures accueillant des étudiants en stage. Il a sensibilisé les conseils généraux à l'importance d'adopter une position similaire pour que l'accueil de stagiaires ne se heurte pas à un obstacle financier, fût-il minime.
Les départements sont chefs de file de l'action sociale et médico-sociale ; ils sont associés à l'élaboration des schémas régionaux des formations sociales. Il leur revient de faire en sorte que les formations conduisant à ces métiers s'effectuent dans de bonnes conditions.
Mme Christiane Demontès. - Je n'ai pas dit que nous étions hostiles à cette gratification. Il y a effectivement eu des abus, dont il faudra tenir compte.
Mais les organismes sociaux qui accueillent des personnes âgées ou des jeunes en difficulté judiciaire ou sociale sont financés uniquement par de l'argent public. A suivre votre raisonnement, les gratifications devraient donc être payées par la tutelle, c'est-à-dire les conseils généraux. C'est le chat qui se mord la queue ! Les conseils généraux ont eux-mêmes de grandes difficultés financières dont ils ne sont pas prêts de sortir, si bien que ce sont les formations mêmes au travail social qui risquent d'être mis en cause.
Tarification des établissements pour personnes âgées
M. Yves Daudigny. - La mission d'information du Sénat sur la prise en charge de la dépendance fait apparaître que 80 % des personnes hébergées en institution disposent d'un revenu inférieur au coût de leur séjour. Dans l'Aisne, je vois un phénomène inquiétant : certaines personnes âgées, qui ne peuvent pas payer les 1 600 euros par mois que représente en moyenne l'hébergement dans le département, renoncent à entrer en établissement et certains lits sont inoccupés.
Selon l'Insee, le nombre des plus de 75 ans devrait passer de 8 à 16 % d'ici 2050. En 2015, près de 2 millions de personnes auront plus de 85 ans. La progression du nombre de personnes âgées dépendantes devrait connaître un premier pic d'ici 2012. Nombre de ces personnes ne disposeront pas des moyens nécessaires pour financer leur hébergement en établissement spécialisé. Quel niveau d'équipement et de protection sociale la société sera-t-elle en mesure de leur apporter ? Aborder la question de la tarification, c'est aborder ce sujet majeur.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoit qu'au 1er janvier 2010 les tarifs d'hébergement fixés par le président du conseil général ne seront opposables qu'aux bénéficiaires de l'aide sociale. Pour les autres résidents, le tarif à l'entrée en établissement sera fixé librement par le gestionnaire et augmentera ensuite annuellement en appliquant un taux d'évolution arrêté par Bercy. Le premier projet de décret d'application a suscité de très vives réactions. Le ministre du travail l'a retiré en septembre et vient d'en présenter une nouvelle mouture. Si l'on ne peut qu'approuver votre volonté d'atténuer les prix de journée, ce nouveau texte ravive l'inquiétude. La question du coût réel des charges de fonctionnement et de leur financement reste posée, ces coûts dépasseront vraisemblablement les enveloppes forfaitaires du soin et de la dépendance que vous avancez et se répercuteront inévitablement sur la section d'hébergement. La convergence tarifaire que vous proposez pourrait aussi accentuer cette tendance.
Ni les conseils généraux, ni les résidents ne peuvent à eux seuls supporter cette prise en charge. Dans ce nouveau décret, le président du conseil général fixe un prix de journée « au seul flux des nouveaux entrants ». Comment ne pas s'inquiéter de cette inégalité de traitement entre anciens et nouveaux résidents ? Ne faut-il pas y voir une sélection à l'entrée en établissement ? La question de la modernisation des établissements reste posée, sachant que tout investissement est répercuté sur le prix de l'hébergement. Ne va-t-on pas freiner le développement d'un hébergement de qualité, au risque de voir se multiplier les établissements vétustes ?
Des enjeux fondamentaux de politique sociale sont posés par cette question de la tarification, enjeux humains, enjeux financiers, enjeux économiques. Les conséquences peuvent être dramatiques pour les personnes âgées dont les revenus ne dépassent pas le minimum vieillesse. Elles concernent tout autant leurs obligés alimentaires. Quelle est exactement l'intention du Gouvernement en matière de tarification des établissements ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État, secrétaire d'État chargée des aînés. - L'article 63 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 réforme en profondeur la tarification des établissements et services pour personnes âgées afin d'introduire à la fois plus d'efficacité et plus d'équité. Je souhaite lever vos craintes, exprimées également par certaines associations, sur la possible libéralisation des tarifs d'hébergement pour les résidents qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide sociale. Il n'a jamais été dans l'intention du Gouvernement de libéraliser ces tarifs. Ce texte prévoit, lorsqu'un établissement est habilité à l'aide sociale, que l'ensemble de ses places bénéficient de tarifs hébergement fixés par les conseils généraux dans le cadre de la convention d'aide sociale. Ce sont donc les conseils généraux qui ont la maitrise des tarifs acquittés par les usagers.
Vous craignez que le tarif hébergement devienne la variable d'ajustement des autres forfaits relatifs au soin et à la dépendance. Là aussi, je souhaite vous rassurer : le forfait global soin continuera à financer les prestations relatives au soin, le forfait global dépendance à financer les prestations relatives à la dépendance et le tarif hébergement les prestations d'hébergement. Les mécanismes d'approbation initiale des budgets et d'allocation des ressources aux établissements vont évoluer vers une tarification à la ressource, plus simple et plus lisible. Cependant chaque tarif continuera à ne couvrir que les prestations qui lui correspondent. Les ARS continueront à contrôler les budgets des établissements pour veiller à la bonne application de ces règles.
Nous effectuons cette réforme pour que les crédits qu'accorde l'assurance maladie soient répartis équitablement, en fonction des soins requis par l'état des personnes accueillies. Vous pouvez compter sur moi pour être particulièrement attentive à ce que ni les résidents, ni leurs familles, ni les gestionnaires d'établissements ne soient pénalisés par son application.
M. Yves Daudigny. - Vous pouvez compter sur la vigilance des conseils généraux pour que ces engagements soient tenus. J'insiste sur la situation des départements, qui financent l'action sociale : ils sont confrontés à une crise de ciseaux entre des recettes qui diminuent et des besoins d'aide sociale qui augmentent. Le Gouvernement doit en être conscient.
Variations dans l'interprétation d'une loi
Mme Nicole Bricq. - Le maire d'une des plus grandes villes de mon département, Chelles, m'a saisie sur l'iniquité qui résulte d'un vide juridique.
Les lois du 6 février 1992 et du 27 février 2002 ont apporté des avancées significatives en rendant obligatoire la création de comités consultatifs ou de conseils de quartiers dans les communes. Mais elles n'ont pas prévu l'ouverture des commissions municipales aux citoyens. Malgré ce vide juridique, des communes de toute la France ont pris le parti d'ouvrir leurs commissions municipales à leurs habitants sans que les autorités préfectorales de leur département ne s'en émeuvent. C'est par exemple le cas à Ercé, en Ile-et-Vilaine, à Ouzouer-sur-Loire et aux Ifs, dans le Loiret ou à Yvré l'Evêque, dans la Sarthe.
En revanche, le représentant de l'État a demandé le retrait d'une délibération du conseil municipal de Chelles visant à ouvrir aux habitants les commissions municipales. Devant ce refus de renforcer la démocratie locale, le maire a transformé les commissions municipales en comités consultatifs afin de créer une coexistence paritaire entre les élus et les citoyens ; cela l'a contraint à supprimer les commissions municipales.
Cette situation absurde ne peut pas durer. Le Gouvernement compte-t-il adapter le droit existant et entend-il le faire par voie législative ou réglementaire ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - Vous évoquez de prétendus freins à la démocratie locale. Mais le conseil municipal, lorsqu'il crée des groupes de travail, peut choisir la forme de la commission municipale, qui ne comprend que des élus, ou celle du comité consultatif, ouvert à des non élus, par exemple à des représentants d'associations. C'est le conseil municipal qui fixe, sur proposition du maire, la composition du comité, lequel est présidé par un membre du conseil municipal. La jurisprudence interdit qu'un comité consultatif soit instauré en lieu et place d'une commission municipale, mais rien ne s'oppose à ce qu'un maire propose de transformer une commission en comité par intégration de membres extérieurs. Il n'y a donc pas lieu de modifier le droit existant, qui distingue clairement les groupes de travail selon qu'ils sont composés exclusivement d'élus ou non.
Mme Nicole Bricq. - Je ne suis pas certaine que cette réponse comble le vide juridique, pourtant manifeste... Elle n'explique pas la différence de traitement d'un département à l'autre. La loi ne règle pas le problème et nous serons donc obligés de déposer une proposition de loi, si le Gouvernement ne veut pas recourir à un véhicule réglementaire.
Sécurité en Seine-Saint-Denis
Mme Éliane Assassi. - Après les incidents dramatiques de Saint-Ouen qui ont causé la mort de deux jeunes gens, les élus de la Seine-Saint-Denis ont tiré la sonnette d'alarme. Ils demandent que soient revus les moyens et les missions des forces de police, face à l'échec de la politique de sécurité menée ces dernières années, essentiellement axée sur la répression, sans aucun moyen pour la prévention. Plus de vingt lois sur la justice et la sécurité depuis 2002 ont réussi à stigmatiser certaines catégories de la population mais n'ont eu aucune efficacité contre les trafiquants de drogues et d'armes ; ceux-ci profitent des zones de relégation, ces quartiers populaires délaissés par l'État. Politique du chiffre et culture du résultat ne sont pas ce qu'attendent les habitants -ni les policiers du reste, qui voudraient pouvoir remplir leur mission.
Lors de la réunion qui a eu lieu entre les élus et le préfet de la région Ile-de-France, des pistes ont été exposées : assurer une meilleure répartition des effectifs de police, généraliser les unités territoriales de quartiers (Uteq) pour retisser les liens entre population et police, ouvrir des moyens d'investigation hors du commun et associer les différentes composantes de la police, notamment la brigade financière, pour en finir avec les trafics et les « gros bonnets ». Il faut aussi allouer des moyens ambitieux à la prévention, en particulier à l'éducation nationale, à la brigade des mineurs, à la PJJ et à la Ddass. Au-delà, l'État doit garantir le maintien et le développement des ressources des collectivités locales. A ce jour, la réunion n'a pas été suivie d'effets. Monsieur le ministre, que pensez-vous de ces propositions ? Le Gouvernement compte-t-il doter la police nationale de moyens importants et redéfinir ses missions de service public, afin de lutter efficacement contre l'insécurité et les trafics de drogues et d'armes en Seine-Saint-Denis ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. - Le Président de la République a annoncé d'importantes mesures pour renforcer la lutte contre la délinquance et garantir l'autorité de l'État et la sécurité de tous les citoyens, notamment dans les quartiers sensibles. Il a demandé que 200 fonctionnaires de police supplémentaires soient affectés dans votre département -ils sont presque tous en place, depuis le mois de septembre. Le ministre de l'intérieur, M. Brice Hortefeux, suit la situation de votre département avec attention. Le 29 septembre, à l'occasion d'une rencontre avec les élus de Saint-Ouen, suite aux dramatiques événements survenus dans cette commune, il a fermement réaffirmé qu'il ne saurait y avoir de territoire oublié ou négligé. L'État déploie des moyens très importants dans la Seine-Saint-Denis. Les effectifs de police y ont augmenté de 15 % depuis 2002 et s'élèvent à 4 700. Des modes d'actions nouveaux sont mis en oeuvre : les premières Uteq ont été créées à Saint- Denis, Clichy-sous-Bois, Montfermeil et La Courneuve ; c'est dans ce département que la première compagnie de sécurisation a été installée en octobre dernier. Le groupe d'intervention régional (GIR) lutte contre les trafics de stupéfiants et l'économie souterraine. Les chiffres témoignent de la mobilisation des forces de police : la délinquance générale a diminué en 2008, elle est contenue également cette année.
Cependant, certains faits très graves exigent une réponse énergique. Nous avons donc mis en place une police d'agglomération unifiée à l'échelle de Paris et des départements de la petite couronne. D'importants renforts parisiens peuvent désormais être employés. La gare de Saint-Denis fait l'objet d'une sécurisation renforcée, objectif prioritaire et permanent du programme de lutte contre les stupéfiants. Le plan drogue de Paris est étendu, depuis le 2 octobre, à la Seine-Saint-Denis. D'autres actions ont été décidées pour renforcer la sécurité des établissements scolaires, la lutte contre les bandes, contre les cambriolages. Nous entendons aussi créer de nouveaux rapports entre les habitants -notamment les jeunes- et leur police.
Cette mobilisation de l'État ne doit pas faire oublier que les collectivités territoriales ont un rôle fondamental à jouer dans la sécurité, notamment en investissant dans la vidéo-protection, qui a fait ses preuves partout. L'État apporte une aide à cette fin.
Mme Éliane Assassi. - Je connais les chiffes. Mais la réalité est là aussi : sur le terrain, rien n'est visible et si la police d'agglomération mutualise du moins et du moins, cela ne fera jamais que du moins. Les élus de Seine-Saint-Denis, toutes appartenances confondues, sont fort préoccupés. Ensemble ils ont tiré la sonnette d'alarme, ensemble ils espèrent des réponses.
Publicité pour le tabac
Mme Jacqueline Gourault. - Mme Payet souhaite interroger le Gouvernement sur les méthodes publicitaires douteuses utilisées pour promouvoir le tabac. L'article 13 de la convention cadre de l'OMS interdit toute publicité, promotion et parrainage en faveur du tabac et la loi Évin interdit la publicité en France. Mais une publicité indirecte très efficace a été orchestrée par l'industrie du tabac pour contourner cette interdiction. Le paquet de cigarettes est le premier agent publicitaire ! Présentation, couleur, logo jouent un rôle important. Les données scientifiques montrent l'intérêt d'une standardisation : les paquets génériques seraient tous de même couleur, sans logo, les noms de marque inscrits en caractères identiques. Cette présentation uniforme permettrait aussi d'identifier immédiatement les paquets provenant d'un autre pays.
Avant qu'on atteigne cet objectif, il faudrait réduire l'effet incitatif des paquets grâce à des avertissements textuels qui occuperaient plus de la moitié de la surface du paquet dans sa partie supérieure. De plus, il faudrait envisager une vente sous le comptoir, comme l'ont fait l'Irlande ou l'Australie.
L'article 13 de la convention cadre de l'OMS interdit la publicité sur les lieux de vente ; la loi Evin autorise des affichettes mais selon un format qui n'est pas respecté chez les buralistes.
La politique de santé publique ne doit pas être influencée par les intérêts commerciaux, d'où l'interdiction du mécénat. Tout cofinancement public - industrie du tabac est interdit ; toutefois, le soutien de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière par un industriel du tabac est un exemple flagrant de violation de cette règle.
Les films et la télévision constituent un puissant outil de promotion du tabac. Or certains films sont cofinancés par l'État. Le CSA doit créer un logo qu'on apposerait sur les films trop enfumés et faire diffuser un message anti-tabac quand une marque ou un produit du tabac apparaît. Il est également indispensable de mettre en garde producteurs et réalisateurs. Tout financement direct ou indirect d'une production par un industriel du tabac doit être proscrit. Voir un acteur fumer est une promotion très efficace alors qu'il faudrait donner du fumeur l'image d'un faible qui ne résiste pas à la tentation et s'est enfermé dans un esclavage coûteux.
La propagande pour le tabac est omniprésente sur le net. Or plus de la moitié des jeunes Français y surfent chaque jour. Ils peuvent ainsi voir des formules 1 sponsorisées par des industriels du tabac. Il importe de sensibiliser les fournisseurs d'accès et les hébergeurs de site. Il est enfin nécessaire d'utiliser toutes les possibilités de communication en diffusant des messages anti-tabac sur des sites sociaux comme Facebook et en mettant en place des campagnes de marketing viral.
Alors que l'industrie entretient l'image positive du tabac, il est essentiel de faire respecter la loi Evin et la convention cadre de l'OMS afin d'empêcher la manipulation de l'opinion. Toutes ces mesures sont préconisées dans le rapport Tubiana. Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Je vous remercie d'avoir relayé la question de Mme Payet dont nous connaissons l'engagement pour les grandes causes de santé publique. Nous ne restons pas les bras ballants devant le tabac car il représente 60 000 morts par an : nous agissons contre la tabagie comme nous le faisons contre les accidents de la route. J'ai moi-même institué l'interdiction de fumer dans les lieux de convivialité et cette mesure qui avait fait tant couler d'encre est maintenant bien acceptée. De même, la loi Hôpital, santé, patients, territoires comporte en son titre III d'importantes mesures. Et nous allons poursuivre cette lutte.
La publicité est faite pour inciter à la consommation. Son interdiction a prouvé son efficacité. L'article L. 35-11 du code de la santé publique interdit toute publicité et, sauf quelques exceptions très encadrées, toute opération de parrainage. Sa rédaction très large permet une jurisprudence protectrice des plus jeunes. Pour autant, la suppression de la cigarette sur des portraits d'acteurs ou de personnages relève d'une conception par trop intégriste.
Le paquet de cigarettes constitue le dernier socle de la communication pour des industriels soucieux de fidéliser les jeunes. Toute mesure réduisant son attractivité doit donc être évaluée. Nous envisageons la mise en place d'avertissements graphiques, les photos-chocs, de paquets neutres, de la vente sous le comptoir, l'interdiction de publicité sur les lieux de vente. Il faut souligner le rôle des associations de lutte contre le tabac qui font condamner les infractions. Nous expertisons l'ensemble de ces mesures ; soyez sûrs de notre engagement pour la santé publique.
Mme Jacqueline Gourault. - Je vous remercie de cette réponse. Mme Payet y sera très sensible.
Assistants de vie scolaire
M. Jacques Mézard. - Mme Escoffier m'a prié de vous interroger sur l'accompagnement des élèves handicapés. En effet, une collaboration constructive s'était développée de puis 2005 entre l'Éducation nationale et les fédérations de parents et d'assistants. Le nombre d'enfants accueillis a augmenté avec le concours d'assistants de vie scolaire (AVS). Malgré des résultats incontestables, le décret du 20 août dernier a annihilé l'engagement pris en 2005 d'un plan des métiers pour les AVS et créé une insécurité juridique et sociale : comment garantir l'équilibre contractuel de la relation entre l'association et le personnel mis à la disposition de l'Éducation nationale et comment concrétiserez-vous le plan des métiers que Mme Létard a réaffirmé le 20 juin dernier ? Enfin, comment rembourserez-vous aux associations les avances de trésorerie qu'elles ont consenties ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - M. Chatel, retenu à l'Assemblée nationale par une audition budgétaire, m'a prié de vous transmettre la réponse qu'il a préparée à l'intention de Mme Escoffier. La scolarisation des élèves handicapés répond à un engagement pris par le Président de la République et à une priorité du Gouvernement. A la rentrée 2009, on en a accueilli à l'école 185 000, soit 10 000 de plus qu'à la rentrée précédente et 40 % de plus qu'il y a cinq ans. On a recours, pour les accompagner, à des AVS. Nous créons 5 000 postes supplémentaires : le nombre total des AVS atteint désormais 22 000.
Dès son arrivée, M. Chatel a fait introduire un amendement à la loi sur la mobilité des fonctionnaires : les AVS en fin de contrat peuvent être recrutés par les associations ayant conclu une convention avec le ministère. Le 1er septembre, trois fédérations ont signé une convention cadre permettant le recrutement de 1 500 AVS. L'Éducation versera à ces associations une subvention égale au salaire brut majoré de 10 %.
La collaboration avec les associations est une préoccupation constante de l'Éducation nationale, d'où la convention destinée à assurer la professionnalisation des AVS. Un suivi personnalisé leur permettra d'accéder à une qualification reconnue et la convention cadre entre l'Éducation nationale et le Centre national de formation de la fonction publique territoriale leur offrira des perspectives de carrière.
Mais il faut aller plus loin. L'article 79 de la loi de 2005 impose au Gouvernement de présenter un plan des métiers, avec pour ambition de « favoriser la complémentarité des interventions médicales, sociales, scolaires au bénéfice de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte présentant un handicap ». Les ministères de l'éducation nationale et du travail ont donc choisi de favoriser la professionnalisation des métiers de l'accompagnement : il s'agit de définir les contours d'un nouveau métier d'accompagnant de vie scolaire et sociale, pour assister les enfants handicapés pendant le temps scolaire et en dehors de celui-ci, mais aussi les personnes âgées ou dépendantes. Un groupe de travail commun au ministère de l'éducation nationale et au secrétariat d'État à la famille et à la solidarité a été mis en place en septembre, avec pour objectif de créer d'ici septembre 2010 un nouveau métier offrant des perspectives de carrière et de mobilité. M. le ministre de l'éducation nationale y veille personnellement.
M. Jacques Mézard. - Merci de ces éclaircissements, que je communiquerai à ceux qui m'ont exprimé leurs inquiétudes. La réussite scolaire des enfants handicapés dépendait jusqu'à présent de la présence des auxiliaires de vie. Espérons que la création d'ici 2010 d'un nouveau métier ira dans le bon sens.
Éducation civique
Mme Catherine Troendle. - Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur l'opportunité d'instaurer un cours d'enseignement civique donnant lieu à une épreuve au baccalauréat. Nous sommes nombreux à constater que la notion de citoyenneté a perdu de sa signification auprès d'un grand nombre de Français. Combien sont-ils à connaître ne serait-ce que les rudiments du fonctionnement de nos institutions, les valeurs fondamentales de notre République ou les paroles de notre hymne national ?
M. Besson veut lancer un vaste débat sur l'identité nationale. Il compte organiser à titre expérimental dans quelques départements une opération consistant à offrir à tout adulte qui le souhaite quatorze séances d'instruction civique, ce qui témoigne de l'inefficacité des cours dispensés depuis de nombreuses années dans les écoles primaires et les collèges.
On ne naît pas citoyen, on le devient. Je suis convaincue que c'est pendant l'éducation, et avant tout à l'école, que se joue l'acquisition de la citoyenneté et du sentiment d'appartenance à une Nation. Les cours d'éducation civique, juridique et sociale (ECJS) doivent être l'occasion pour des élèves prêts à exercer leur droit de vote d'apprendre quelles sont les institutions politiques françaises et européennes, ainsi que les droits et les devoirs inhérents à la citoyenneté. Cet enseignement ne devrait-il pas être sanctionné par une épreuve écrite ou orale au baccalauréat ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Je vous prie une nouvelle fois d'excuser l'absence de M. Chatel. L'éducation civique est au coeur des programmes scolaires. La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 a réaffirmé qu'« outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République », et précisé que « la scolarité obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun constitué d'un ensemble de connaissances et de compétences qu'il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et professionnel et réussir sa vie en société ».
L'instruction civique et morale apparaît en tant que telle dans les programmes de l'école élémentaire entrés en vigueur à la rentrée 2008, ce qui est récent, j'en conviens. Les élèves apprennent la responsabilité de leurs actes et de leur comportement, le respect des valeurs partagées, l'importance de la politesse et du respect d'autrui. Ils apprennent aussi à reconnaître et à respecter les symboles de la République française. Au collège, on leur enseigne un comportement responsable dans la classe et l'établissement et dans la vie quotidienne et on exerce leur esprit critique. Le diplôme national du brevet validera lors de la session 2011 « les compétences sociales et civiques », considérées comme une partie intégrante du socle commun. Au lycée, les cours d'éducation civique, juridique et sociale visent à favoriser l'apprentissage du débat et de la capacité à argumenter.
La responsabilisation des lycéens est aussi l'un des axes de la future réforme du lycée. Il s'agit de favoriser l'engagement et l'esprit d'initiative chez les jeunes et de renforcer le rôle des instances représentatives de la vie lycéenne.
Mais le Gouvernement n'envisage pas d'introduire de nouvelles épreuves au baccalauréat, ce serait aller à l'encontre des recommandations formulées en 2005 par les inspections générales missionnées sur le sujet. C'est plutôt dans le cadre du futur livret de compétences expérimenté par le ministère en collaboration avec le Haut commissariat à la jeunesse que ces compétences pourraient être validées.
Mme Catherine Troendle. - Merci infiniment. J'ai voulu apporter ma modeste contribution, au moment où M. Besson lance un débat sur l'identité nationale. Il est vrai que le nombre d'épreuves au baccalauréat augmente presque chaque année ; l'éducation civique pourrait sans doute être sanctionnée par le livret de compétences. Mais je souhaite que MM. Chatel et Hirsch ne se contentent pas de bonnes intentions : cet enseignement est fondamental dans la construction d'un être humain et d'un citoyen.
Enseignement du créole réunionnais
Mme Gélita Hoarau. - Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le problème de l'enseignement de la langue et de la culture réunionnaises. Jusqu'en juin dernier, les compléments au programme étaient élaborés par un groupe de travail de l'académie de La Réunion. Le dernier programme a été présenté à la rentrée 2008 et validé pour deux années scolaires. Mais les travaux du groupe pour l'année 2009-2010 ont été interrompus, parce qu'un « programme de créole » doit être établi par les services du ministère de l'éducation nationale.
Selon les enseignants, cette évolution pourrait menacer l'enseignement de la langue et de la culture réunionnaises si certaines précautions n'étaient pas prises. Tout d'abord, employer le mot « créole » au singulier laisse penser qu'il n'existe qu'une seule langue créole. C'est une fiction dont l'absurdité au plan scientifique est dénoncée par bon nombre de linguistes, parmi lesquels Robert Chaudenson, Marie-Christine Hazaël-Massieux et Lambert-Félix Prudent. Les créoles atlantique et réunionnais ont pris naissance en des lieux séparés par l'étendue des océans ; entre deux créolophones unilingues de ces deux régions la communication est impossible, même si ces langues ont une origine commune, le français. Ces idiomes sont enseignés dans le cadre de cours de langues et de cultures régionales, ce qui témoigne du fait que chaque créole est porteur de son histoire et de sa culture : c'est un ciment identitaire réductible à nul autre. Ce singulier pourrait empêcher l'élaboration d'un programme spécifique de langue et de culture réunionnaises, adapté à nos besoins.
En outre, les niveaux de langue exigés des élèves -niveaux A1 et A2 fixés en référence au cadre européen commun- ne sont pas adaptés à la réalité linguistique de l'île. On demanderait ainsi aux élèves de 14 ans ou plus de savoir donner des informations simples sur leur famille et faire des achats en créole, alors qu'ils en sont presque tous capables aujourd'hui dès le cours préparatoire ! Cela assimilerait le créole réunionnais à une langue étrangère, dans une société qui est pourtant créolophone à 90 %, et n'inciterait pas les jeunes à suivre cette option. Pourtant l'enseignement du créole est indispensable, car il s'agit d'une langue à part entière, dotée d'une grammaire propre et dont la survie doit être assurée.
Est-il envisageable que le programme académique provisoire de langue et de culture réunionnaises soit prorogé pour les cinq années à venir, ou du moins que lors de la rédaction du programme ministériel les éléments que j'ai mis en évidence soient pris en considération ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - L'enseignement de la langue et de la culture réunionnaises n'est pas menacé, bien au contraire. Le nombre d'enseignants habilités bilingues dans le premier degré est passé de sept en 2002 à 110 en 2009, celui des classes maternelles bilingues de zéro en 2007 à seize en 2009 ! Les enseignants du second degré étaient vingt-et-un à la rentrée 2009, et les élèves 2 139 contre 1 206 en 2008 : leur nombre a presque doublé ! L'Académie s'est d'ailleurs dotée d'un Conseil académique de langue et culture réunionnaises.
Le singulier de l'expression « programme créole » ne menace nullement l'enseignement du créole réunionnais : chaque académie habilite ses propres enseignants.
Chaque candidat au Capes de créole expose dans la langue de son département.
Par ailleurs, la mise en place d'un programme national est un appréciable témoignage de reconnaissance. La réflexion menée ces deux dernières années à La Réunion sera utile pour la nouvelle rédaction nationale.
Enfin, toutes les langues sont traitées de la même manière au plan national, mais on peut aller au-delà du niveau A1 si les élèves peuvent suivre, comme c'est le cas pour l'oral à La Réunion.
Le groupe de travail chargé de préparer les programmes de 2010 prend donc en compte la spécificité du créole réunionnais.
Mme Gélita Hoarau. - Je suis bien d'accord sur ces statistiques mais cette année, tous ces programmes ont été interrompus : il y a ce qui est annoncé et ce qui est fait sur le terrain, d'où l'angoisse des enseignants, que j'ai relayée ici.
Centre de tri postal de Limoges
M. Jean-Pierre Demerliat. - A l'heure où le changement de statut à venir de La Poste suscite de graves craintes pour ses missions de service public, je souhaite évoquer la situation incertaine du centre de tri postal de Limoges.
Il n'existe actuellement aucun projet de « plate-forme industrielle courrier » en Limousin, ce qui menace la pérennité du centre de tri de Limoges. Sa fermeture mettrait fin à la distribution du courrier dite « à J + 1 ». Elle dégraderait les conditions de travail et la qualité du service rendu, un comble pour une entreprise mettant en oeuvre un programme intitulé « Cap qualité courrier » !
Le personnel, les usagers et les élus sont inquiets. Je souhaite donc avoir l'assurance qu'une « plate-forme industrielle courrier » sera créée en Limousin, comme dans toutes les autres régions de l'Hexagone. Cette région ne doit pas être la seule dépourvue de structures modernes pour la distribution du courrier. Pourquoi est-elle la seule tenue à l'écart du programme « Cap qualité courrier » ou pourquoi sera-t-elle la dernière à l'intégrer ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation. - Vos inquiétudes sont légitimes, mais infondées.
Pour faire face à la libéralisation totale de ses marchés en 2011, La Poste a lancé un important programme de modernisation « Cap qualité courrier ». Lancé en 2004 sur l'ensemble du territoire, il conduit l'entreprise à investir 3,4 milliards d'euros d'ici 2010. La région du Limousin verra son service modernisé dans ce cadre. Il n'a jamais été question de fermer le centre de tri de Limoges !
Plusieurs actions de modernisation ont été conduites par La Poste dans cette région. Ainsi, une plate-forme de préparation et de distribution du courrier a été créée en Corrèze, à Ussac. Des plates-formes de distribution de courrier ont été créées dans les trois départements de la région, complétées par un nouveau centre de tri numérique à Guéret et par la modernisation des établissements qui le nécessitaient. A chaque fois, les agents ont été équipés avec du matériel plus ergonomique. Le Limousin a donc bénéficié d'améliorations significatives du dispositif, tout en modernisant le site de Limoges.
Tous les projets de La Poste conjuguent l'amélioration du service rendu, la qualité des conditions de travail et la maîtrise des coûts.
Engagée en étroite concertation avec les élus, cette démarche doit prendre en compte les évolutions rapides du marché du courrier. En effet, La Poste a accusé une baisse de 3 % du volume du courrier en 2008, et de plus de 6 % depuis le début de cette année. Ces évolutions rendent les réorganisations d'autant plus nécessaires.
Enfin, l'importance des services de proximité quotidiennement rendus par les facteurs dans le Limousin conduit la direction du courrier à envisager le test de nouveaux services dans cette région, ce qui en ferait un pionnier dans ce domaine.
M. Jean-Pierre Demerliat. - Vous ne m'avez pas rassuré.
Des améliorations sont intervenues au cours des cinq dernières années ? C'est la moindre des choses ! A défaut, vous auriez honte de vous présenter ici.
J'avais interrogé votre collègue sur l'absence de « plate-forme industrielle courrier » dans ma région. (L'orateur montre une carte de France) Sur cette carte des plates-formes, mise en ligne le 24 septembre, une tache blanche est visible : c'est le Limousin. Peut-être qu'elle apparaîtra bientôt en gris, mais vous ne m'avez pas répondu.
Restructuration de Sanofi-Aventis à Montpellier
M. Robert Navarro. - Premier groupe pharmaceutique européen, le groupe Sanofi-Aventis a engagé un important plan de restructuration pour économiser 2 milliards d'euros d'ici 2013, alors même que le deuxième trimestre 2009 a dégagé un résultat net atteignant 2 milliards d'euros, en progression de 30 %.
Aujourd'hui, des sites sont menacés de fermeture en France et ailleurs, avec des suppressions de postes, des départs anticipés à la retraite et ce qu'une ironie de mauvais goût fait appeler « départs volontaires ». Prétextant une simplification, l'entreprise supprime.
Par exemple, le site de Montpellier est menacé malgré ses bons résultats. Un département devrait y être fermé, conduisant à 80 mutations et 200 retraites anticipées. Parmi les salariés qui resteront, 90 % n'auraient du travail garanti que pour deux à trois ans.
Avec 1 325 salariés à durée indéterminée, Sanofi-Aventis est le premier employeur privé de l'agglomération. Son plan aurait donc des conséquences catastrophiques. Parallèlement, le groupe va externaliser certaines activités. La mise en concurrence des chercheurs dans de petites unités perturbera la recherche. Ne risque-t-on pas d'aggraver ainsi la fuite des cerveaux ?
Que restera-t-il de la recherche et développement en France ? Cette activité donne à l'économie française sa place dans le monde et offre des débouchés à nos diplômés. J'ajoute qu'avant d'être des marchandises, les médicaments doivent soigner. Leur raison d'être n'est pas d'enrichir les dirigeants et les actionnaires des laboratoires.
Face à ces projets, que compte faire le Gouvernement ? Il a commandé à Sanofi-Aventis 28 millions de doses de vaccin contre le virus de la grippe A H1N1. Voilà qui lui confère un droit de regard sur une entreprise qui intéresse directement la France. Enfin, il a été question de découper la société en holdings dont les sièges sociaux seraient transférés à l'étranger. L'information n'a pas été confirmée, mais je crains une délocalisation fiscale, particulièrement grave dans le contexte actuel.
Il est indigne que des entreprises bénéficiaires lancent tranquillement pareille restructuration ; il est inadmissible que les salariés soient ballottés au gré d'objectifs financiers !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation. - Avec 1 325 personnes en CDI, le site Sanofi-Aventis recherche et développement de Montpellier est l'un des plus importants du groupe, qui aura investi sur place 217 millions d'euros entre 2008 et 2010.
Il est vrai qu'un projet réorganisant la recherche et développement a été présenté le 30 juin au comité central d'entreprise. Il s'accompagne d'un plan d'adaptation exclusivement fondé sur le volontariat, combinant des cessations anticipées d'activité prises en charge par l'entreprise et des départs volontaires pour projets personnels. Au maximum, 170 personnes seraient concernées à Montpellier.
Le projet prévoit aussi de regrouper certaines activités. Ainsi, les équipes de recherches en oncologie actuellement basées à Montpellier seraient à terme localisées à Vitry-sur-Seine, ce qui pourrait concerner 80 personnes. Cependant, la direction de la recherche et développement s'est engagée à repositionner sur place les salariés qui ne seraient pas mobiles vers la région parisienne, visiblement la majorité d'entre eux.
Les autres départements du site trouveront leur place dans la nouvelle organisation en conservant leur localisation actuelle.
Ces précisions doivent vous rassurer sur la pérennité du site, qui n'est en aucune façon menacé et comptera, à terme, plus de 1 100 salariés et sera donc l'un des sites les plus importants de Sanofi Aventis.
M. Robert Navarro. - Je prends acte de ces précisions. Nous resterons cependant vigilants.
Logements de fonction
M. Yannick Bodin. - Ma question s'adresse à M. le ministre du budget. Elle porte sur la décision de réduire la liste des fonctionnaires qui pourront prétendre à un logement de fonction et de relever la redevance acquittée.
Il existe actuellement deux types de logements de fonction : ceux dont bénéficient les agents occupant une « fonction de nécessité absolue de service », et ceux dont bénéficient les agents occupant une « fonction d'utilité de service ».
Par amendement au projet de loi de finances pour 2010, vous limitez la liste des fonctionnaires de la première catégorie, et augmentez le loyer acquitté par ceux de la seconde catégorie. Tous seront donc pénalisés. C'est rompre le contrat par lequel l'État s'était engagé lors de la titularisation de ces fonctionnaires.
Alors que le point de la fonction publique n'augmentera que de 0,5 % pour 1,2 % d'inflation et que la baisse du pouvoir d'achat des fonctionnaires est évaluée entre 6 % et 7,3 % depuis 2000, ces agents, que l'État s'était engagé à loger, seront inévitablement confrontés à de sérieuses difficultés. Quelles compensations financières entendez-vous leur accorder ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation. - Vous voudrez bien excuser M. Woerth, pris par l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement a en effet décidé de réformer, enfin, le dispositif des logements de fonction. A l'heure actuelle, 95 000 sont affectés aux fonctionnaires logés par « nécessité absolue de service », tandis que 7 000, logés par « utilité de service », acquittent, en contrepartie, une redevance devenue obsolète.
Nous souhaitons préserver la première catégorie, celle des fonctionnaires dont l'exercice requiert réellement d'être logés. En revanche, tous les logements occupés sans réelle obligation de résidence ont vocation à disparaître. Ceux qui appartiennent aux domaines seront vendus, et pour les autres, les baux seront résiliés. Pour les logements qui n'auront pu être vendus, les occupants désireux de s'y maintenir paieront le loyer du marché réduit de 15 % pour tenir compte de la précarité de l'occupation.
Ces principes ont été présentés aux organisations syndicales. Leur mise en oeuvre fera l'objet d'une nouvelle information lorsque la liste des fonctionnaires pouvant bénéficier d'un droit au logement sera clairement établie.
Ces dispositions s'appliqueront aux prochains changements des titulaires de postes, si bien qu'aucun fonctionnaire ne sera affecté financièrement dans le cadre de ses fonctions actuelles, tandis que les nouveaux titulaires accepteront leurs fonctions en toute connaissance de cause.
Je précise enfin que ces dispositions concernent les logements mis à disposition par l'État, non par les collectivités territoriales ou les bailleurs sociaux. Elles ne concernent pas non plus les fonctionnaires qui bénéficient d'un logement tout au long de leur carrière, à titre statutaire, comme les gendarmes.
Pour le reste, je rappelle que les logements de fonction doivent rester un instrument de travail et ne sauraient en aucun cas être considérés comme des avantages en nature.
M. Yannick Bodin. - Je vous remercie de ces précisions, dont certaines pourront rassurer, mais nous serons très vigilants sur l'application de ces nouvelles dispositions. L'État ne saurait renier ses engagements. Si le logement était prévu dans le contrat, fût-il considéré comme un avantage en nature, il ne saurait s'en dédire.
Application des nouvelles BCAE herbe
M. René-Pierre Signé. - L'application brutale des nouvelles BCAE (bonnes conditions agro-environnementales) pour la gestion des surfaces en herbe pourrait avoir de fâcheuses conséquences. Ces nouvelles normes sont de nature à modifier le mode de régénération des prairies tel que pratiqué dans le Massif Central, donc dans la Nièvre.
Elles impliquent en effet un chargement minimal de 0,2 unité de gros bétail (UGB) à l'hectare; l'interdiction de retourner les prairies permanentes, toutes celles inscrites dans la référence 2008-2009 étant ainsi figées ; le remplacement hectare par hectare des prairies temporaires de plus de cinq ans qui seraient cultivées. La surface de prairie temporaire de référence ne devra pas être réduite de plus de 30 % et en cas de non-observance des contrôles, sévères et précis, les aides de la PAC pourraient être supprimées.
Outre que ces mesures pérennisent les prairies permanentes et limitent les possibilités de retournement des prairies temporaires, cette immixtion dans leur fonctionnement sera très mal ressentie par des agriculteurs qui pratiquent différemment la régénération des prairies sur ces territoires où l'élevage est essentiellement extensif. Ils se convertiront mal à ces nouvelles pratiques, beaucoup plus contraignantes, les enfermant dans un carcan réglementaire sans souplesse, peu rationnel et contre-productif.
Ces dispositions ne pourraient-elles être appliquées avec plus de discernement, aménagées et adaptées à chaque région ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation. - Je vous prie de bien vouloir excuser M. Lemaire, retenu auprès du Président de la République pour des annonces importantes en matière d'agriculture.
Le bilan de santé de la PAC a été ouvert il y a plus d'un an et conclu le 20 novembre 2008, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne. Un accord a été obtenu à l'issue d'une longue négociation ; il consolide la PAC à court terme et permet à chaque État membre d'orienter une partie des aides en fonction de choix nationaux. Les mesures annoncées le 23 février 2009, conformément aux orientations souhaitées par le chef de l'État et sous l'autorité du Premier ministre, conduisent à réorienter en 2010 près de 1,4 milliard d'euros, soit 18 % des aides directes reçues par les agriculteurs.
Parmi les quatre objectifs poursuivis, l'instauration d'un nouveau mode de soutien pour l'élevage à l'herbe mobilisera 700 millions afin d'attribuer des droits à paiement unique (DPU) aux agriculteurs ayant déclaré de l'herbe productive pendant une période de référence à définir. A la suite des travaux avec les organisations professionnelles agricoles, il a été décidé que l'octroi de cette dotation spécifique pour les surfaces en herbe devait s'accompagner du maintien de leur mise en valeur.
Ainsi, à partir de 2010, une nouvelle norme BCAE sera mise en oeuvre. Elle se compose des deux exigences : productivité minimale des surfaces herbagères ; maintien global des surfaces en herbe s'appliquant au niveau de l'exploitation.
Les exploitants agricoles, en particulier les éleveurs du Massif Central et de la Nièvre, ont fait part au ministre de l'agriculture des difficultés qu'ils rencontrent dans la mise en oeuvre des ces mesures. Vous avez raison de vous inquiéter du caractère trop rigoureux de ces exigences. Une souplesse sera donc introduite au niveau départemental, tout en restant en conformité avec les ratios européens, faute de quoi, en cas de détérioration par rapport à la référence 2005, pourraient s'imposer des obligations de réimplantation.
Le dispositif sera donc assoupli pour les jeunes agriculteurs qui s'installent et les exploitants qui ont engagé une reconversion de leur activité. Il sera de même tenu compte de la réalité du travail des agriculteurs sur le terrain, comme par exemple la gestion des prairies temporaires de plus de cinq ans.
Afin qu'elle ne conduise pas à une diminution systématique de ces prairies, la dérogation sera évaluée chaque année au niveau départemental avant toute reconduction de la dérogation départementale ; les surfaces qui étaient déclarées en prairies temporaires l'année de référence alors qu'elles étaient en gel l'année précédente ne seront pas retenues dans la référence ; les surfaces en prairies temporaires engagées dans une mesure agro-environnementale de reconversion des terres arables ne seront pas non plus comptabilisées.
Les souplesses que vous souhaitiez, monsieur Signé, existent donc et sont de nature à répondre aux attentes des agriculteurs.
M. René-Pierre Signé. - Merci d'avoir admis que le caractère rigoureux de ces règles nécessite des adaptations. S'il peut y avoir des assouplissements à ces règles imposées parfois brutalement, les agriculteurs en seront satisfaits. D'autant que les BCAE ne concernent pas les seules prairies, mais comprennent également des règles en matière de gestion et de protection de l'eau, de maintien et d'élargissement des particularités topographiques si bien qu'il ne sera bientôt plus possible de toucher à une haie, un étang, un fossé ou à un arbre... Je remercie le Gouvernement d'avoir entrouvert une porte et souhaite que ces normes puissent être aménagées selon chaque région.
Avenir du haras national d'Aurillac
M. Jacques Mézard. - Ma question porte sur le haras national d'Aurillac. Totalement reconstruit en 1985, ses installations consacrées à l'étalonnage trait ont été détruites le 29 juillet 2008 par un incendie. M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture, a annoncé le lendemain sa décision de les reconstruire et le directeur des haras nationaux, dans une lettre du 5 novembre suivant, a confirmé cette décision et son attachement au site d'Aurillac. Les collectivités territoriales soutiennent ce projet. Hélas, le dossier stagne et, autre motif d'inquiétude pour les personnels, les élus et les utilisateurs, la directrice des haras nationaux lors du CTP a indiqué qu'elle annulait une réunion avec les élus parce qu'elle « ne savait pas si le dépôt d'Aurillac serait encore là demain ». Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer le calendrier des travaux de reconstruction et nous confirmer que les engagements de M. Barnier seront tenus ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme, des services et de la consommation. - Outre la question de l'incendie survenu en 2008 sur lequel vous avez insisté avec raison, il faut envisager la situation du haras national d'Aurillac en tenant compte de la décision du comité de modernisation des politiques publiques de juin 2008 de recentrer les haras sur leurs missions de service public et de l'objectif de leur regroupement le 1er janvier 2010, soit demain, avec l'École nationale d'équitation. Serait ainsi créé en sus d'un établissement public, regroupant les missions de service public des haras nationaux et de l'école, un autre établissement reprenant les missions des haras nationaux relevant du champ concurrentiel en association étroite, j'y insiste, avec les acteurs socioprofessionnels. Dans ces conditions, il est nécessaire d'élaborer un schéma territorial cohérent avec la mission de ces deux établissements. D'où le délai pour clarifier la situation du haras national d'Aurillac. Les installations d'Aurillac feront l'objet d'une concertation à laquelle seront associés les élus locaux et les acteurs socioprofessionnels, réflexion qui devra prendre place dans le cadre d'une réflexion plus globale sur la nécessité d'une juste répartition des haras et de l'école sur le territoire.
M. Jacques Mézard. - Monsieur le ministre, vous venez d'annoncer l'enterrement du haras national d'Aurillac, quoique vous évitiez de le dire aussi précisément en raison des prochaines échéances électorales... Je déplore profondément que la parole du précédent ministre de l'agriculture soit ainsi remise en cause dans des conditions tout à fait inacceptables !
La séance, suspendue à 11 h 35, reprend à 11 h 55.
Directive européenne et profession d'architecte
M. Francis Grignon. - J'appelle votre attention, monsieur le ministre de la culture et de la communication sur les risques de la transposition de la directive « services » de l'Union européenne pour les architectes. Cette transposition pourrait conduire à la constitution de sociétés dans lesquelles les architectes seraient des actionnaires minoritaires. Or, la déontologie de la profession lui impose d'être indépendante dans l'exercice de ses fonctions. L'ouverture du capital des sociétés d'architecture à des personnes morales n'appartenant pas à cette profession risque de générer d'importants conflits d'intérêts et de faire disparaître sa spécificité, des logiques purement économiques et des considérations conjoncturelles risquant de briser l'équilibre entre l'intérêt de l'usager et celui du maître d'ouvrage dont l'architecte est le garant. Le Gouvernement entend-il défendre l'indépendance et la capacité d'exercice des architectes en faveur d'un développement urbain durable au service de tous ? Je pose cette question non pas pour des raisons financières mais par souci de morale publique et d'équité.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Je suis particulièrement sensible à cette inspiration.
La directive « services » est un texte important dont l'un des objectifs est de dynamiser le marché intérieur européen. Sa transposition doit prendre en compte la spécificité du secteur de la culture, qui n'est pas un secteur comme les autres, et elle doit être particulièrement attentive à l'intérêt des usagers.
A cet égard, la loi de janvier 1977 consacre une approche, à laquelle le Gouvernement est attaché, selon laquelle l'architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le cadre de vie constituent la dimension culturelle de notre environnement et sont, par ailleurs, d'intérêt public puisqu'elles participent directement à l'aménagement durable de nos territoires. L'indépendance, la capacité d'exercice et la responsabilité des architectes et des sociétés d'architecture, principes fondamentaux posés par la loi de 1977, sont donc essentielles.
Pour transposer la directive relative aux services, le Gouvernement, prenant en compte la spécificité de la culture, a exclu une loi unique de transposition et il a laissé à chaque secteur, dans le cadre d'une réflexion générale, le soin de proposer les adaptations nécessaires aux corpus législatif et réglementaire propres à chaque activité. Soyez assuré que, dans le cadre de cette transposition, je suis attentif au respect des enjeux culturels et des principes fondamentaux de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture.
M. Francis Grignon. - Merci de cette position très claire. J'ai vécu des transpositions analogues et je ne doute pas que vous saurez cette fois encore tenir compte de la diversité des cas.
Visas de court séjour des titulaires d'un Pacs
M. Richard Yung. - Ma question porte sur les conditions de délivrance du visa de court séjour aux ressortissants d'États tiers signataires d'un partenariat civil de solidarité (Pacs) avec un ressortissant français ou communautaire et résidant dans un État membre de l'Union européenne. Les personnes qui n'ont pas la nationalité française et qui sont mariées à un Français ou un ressortissant d'un État membre de l'Union sont exemptées de l'obligation obtenir un visa si elles possèdent une carte de séjour d'un autre État membre. En revanche, les ressortissants d'États tiers pacsés à un ressortissant français ou communautaire qui résident légalement dans un des 26 autres États membres de l'Union ne bénéficient pas d'un droit automatique d'entrée et de séjour en France car ils ne sont pas assimilés à un « conjoint » ou à un « membre de la famille » au sens de la directive de 2004. Pour cette même raison, ils ne sont pas exemptés des frais de visa.
Pour le Conseil d'État, le Pacs est un élément de la situation personnelle du demandeur de visa dont les autorités consulaires doivent tenir compte pour apprécier si le refus d'accorder un visa n'entraîne pas une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée du demandeur. Néanmoins, l'article 3 de la directive stipule que l'État d'accueil favorise l'entrée et le séjour du partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a une relation durable, dûment attestée. L'État est tenu d'entreprendre un examen approfondi de la situation personnelle et doit motiver tout refus d'entrée ou de séjour visant le partenaire du ressortissant communautaire. Or, dans les consulats français, la durée de traitement des demandes de visa est très longue. N'y a-t-il pas lieu d'améliorer les conditions d'attribution d'un visa de court séjour aux titulaires de Pacs, voire de les aligner sur les conditions d'octroi aux conjoints mariés ou aux membres de la famille ? Ce serait aller dans le sens d'une reconnaissance de tous les droits attachés au Pacs.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Les ressortissants résidant dans un État appliquant intégralement « I'acquis de Schengen », à savoir les États de l'Union européenne sauf le Royaume-Uni, l'Irlande, la Roumanie, la Bulgarie et Chypre, ainsi que la Suisse, l'Islande et la Norvège, peuvent entrer et séjourner en France sans visa pendant des périodes n'excédant pas trois mois par période de six mois. Cette disposition s'applique aux signataires d'un Pacs. Quant aux ressortissants d'État tiers qui résident au Royaume-Uni, en Irlande, en Roumanie, en Bulgarie et à Chypre et dont la nationalité est inscrite sur la « liste 1 » européenne, ils sont soumis à un visa de court séjour.
La France favorise l'entrée et le séjour du partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a une relation durable, dûment attestée. Mais les partenariats ne sont pas assimilés par la législation française aux mariages. Les consuls ne peuvent traiter les demandes des titulaires de Pacs comme celles des conjoints. Néanmoins, ils procèdent à un examen attentif et diligent de la situation personnelle de chaque demandeur et prennent leur décision -sauf difficultés relatives à l'authenticité des actes produits- dans un délai de deux semaines, rarement plus.
Enfin, un arrêt récent du Conseil d'État a précisé que les partenaires liés par un Pacs ne relèvent pas des catégories d'étrangers à l'encontre desquelles un refus de visa doit être motivé.
M. Richard Yung. - Je reste sur ma faim, car cette réponse botte en touche. Pourquoi traiter différemment les partenaires d'un Pacs et les conjoints mariés ? Nous continuerons à faire pression dans le sens d'une égalité. Les consulats instruisent les demandes parfois rapidement, parfois très lentement. Je connais plusieurs cas récents où des difficultés majeures sont survenues.