Débat sur les prélèvements obligatoires
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur les prélèvements obligatoires.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. - Comme chaque année, le Sénat a tenu à organiser un débat sur les prélèvements obligatoires. Il permet d'illustrer la cohérence de la politique économique du Gouvernement et aussi de prendre un peu de hauteur.
Notre politique en la matière n'a pas varié depuis trois ans : nous voulons une France plus compétitive, plus écologique et plus juste. La crise n'a rien changé à ces priorités ; elle ne pousse pas à reporter les réformes mais à les mener à leur terme pour préparer le retour de la croissance. Nous sommes pour la réforme fiscale là où d'autres plaident pour la pression fiscale. Le projet de loi de finances pour 2010 comporte ainsi des réformes très ambitieuses.
La crise a aussi été un test pour les capacités de réaction du Gouvernement, qui a fait des outils fiscaux le coeur de son plan de relance. On ne peut oublier le rôle d'amortisseur qu'ont joué à cette occasion les prélèvements obligatoires. Nous avons d'abord choisi de laisser jouer librement les stabilisateurs économiques, conformément aux recommandations de toutes les institutions internationales -il faut savoir qu'en 2009 les prélèvements obligatoires ont baisé de 3,6 points de PIB, le seul impôt sur les sociétés perdant 30 milliards d'euros. Face à la crise nous avons mis en place des mesures fiscales ciblées et réversibles, parmi lesquelles le remboursement anticipé du crédit impôt recherche, soit au total 15 milliards d'euros de soutien à la trésorerie des entreprises, mesures qui ont permis à nombre d'entre elles de survivre. Contrairement à ce que dit l'opposition, nous avons aussi protégé nos concitoyens les plus exposés, avec les 5,5 milliards d'euros d'allégements des premières tranches de l'impôt sur le revenu.
Voilà pour la réactivité et l'urgence. Et les résultats sont au rendez-vous : grâce à un plan de relance équilibré entre soutien à la trésorerie, à l'investissement et à la consommation, la récession est deux fois moins forte en France que la moyenne de la zone euro. L'année 2010 ne verra cependant pas le retour à des niveaux normaux de croissance ; c'est pour cela que le remboursement anticipé du crédit impôt recherche est prolongé, c'est pour cela que nous supprimons la taxe professionnelle, ce qui aura des effets structurels et dégagera 7 milliards d'euros de plus l'année prochaine au bénéfice des entreprises.
La stratégie du Gouvernement est la maîtrise des dépenses. Mardi dernier encore, M. Migaud tentait de me convaincre qu'il fallait augmenter immédiatement les impôts de 10 milliards d'euros pour relancer la croissance. Ce n'est pas notre politique ; comme l'a dit le Président de la République, nous n'avons pas été élus pour augmenter les impôts. Le rétablissement de niveaux de recettes fiscales et sociales cohérentes avec notre modèle passe par davantage de croissance et davantage d'activité, non par une pression fiscale accrue. Je rappelle que nous sommes déjà au cinquième rang mondial pour le niveau des prélèvements obligatoires.
L'opposition accuse volontiers le Gouvernement, non sans contradiction, d'avoir augmenté les impôts. C'est faux et archi-faux. Depuis 2007, ils ont baissé de 16 milliards d'euros, 10 au bénéfice des ménages et 6 à celui des entreprises ; je fais cette distinction pour plus de clarté, et pour montrer que nous nous soucions des Français, mais elle est artificielle, nous sommes tous sur le même bateau.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Ce sont toujours les ménages qui paient à la fin !
M. Éric Woerth, ministre. - Dans un monde compétitif, nous devons soutenir les entreprises parce que ce sont elles qui créent richesse et emplois. C'est sans doute un propos banal, mais c'est la réalité. Et que je sache, l'opposition n'a pas considéré entre 1997 et 2002 que sa réforme de la taxe professionnelle ou la baisse de l'impôt sur les sociétés allaient contre les ménages ...
On nous dit que nous avons créé des taxes ; c'est vrai, des taxes ciblées afin de modifier les comportements et de financer les réformes. Surtout, nous en avons supprimé d'autres bien plus lourdes. Quoi de commun entre la taxe sur l'orpaillage en Guyane, que nous avons créée, et la taxe professionnelle que nous supprimons ? Le Gouvernement ne soutiendra aucune mesure qui irait dans le sens d'une hausse générale des prélèvements, qu'il s'agisse de la création d'une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu, d'un coup de rabot un peu magique sur les niches fiscales ou le détricotage du bouclier fiscal. Ne nous y trompons pas : si un verrou saute, sautera demain celui du refus de la hausse des impôts pour tous. Nous assumons notre politique : ce sont la relance de l'activité et la réduction des dépenses qui permettront d'améliorer notre situation financière, non la hausse des impôts. Le débat doit aussi s'ouvrir au niveau local. L'emploi public local, hors charges de décentralisation, augmente, comme la pression fiscale locale. Cette stratégie n'est pas viable.
Le Gouvernement s'est engagé dans une réforme profonde de la fiscalité pour plus de compétitivité, plus de respect de l'environnement, plus de justice. Nous allégeons la charge fiscale qui pèse sur les dépenses d'avenir, l'investissement et la recherche, en proposant de supprimer la taxe professionnelle. Nous lutterons ainsi contre les délocalisations tout en améliorant l'attractivité du territoire. L'autonomie financière et la stabilité des ressources seront garanties aux collectivités territoriales. L'engagement du Gouvernement est clair : aucune collectivité territoriale ou EPCI ne verra ses ressources diminuer. Il est faux de dire que la réforme est menée pour les entreprises et contre les collectivités ; comme l'a dit le Premier ministre devant le conseil national des exécutifs, il n'y a qu'une République au fonctionnement de laquelle elles concourent ensemble.
Qui peut nier que la suppression de la taxe professionnelle est nécessaire ? Qui peut nier qu'elle sera bénéfique pour l'économie française ? Des personnalités éminentes de gauche en sont conscientes. Cette réforme complexe bouscule les habitudes ; notre rôle sera de surmonter les obstacles pour la faire aboutir.
Notre fiscalité doit, d'autre part, être davantage écologique, en cohérence avec les objectifs du Grenelle de l'environnement.
Pour encourager les comportements écologiques, nous devons déplacer la fiscalité de la production vers la pollution. Tel est l'objet notamment de la taxe carbone, qui affecte un prix à ce qui n'était auparavant qu'un coût pour l'environnement. Rien ne sert d'être écologiste uniquement pour les élections ! C'est pourquoi nous agissons en adressant aux entreprises et aux ménages ce signal indispensable et cohérent avec nos engagements. Il en va de même de sa restitution aux contribuables, mais nul ne s'y trompe : nous engageons un bouleversement fiscal.
Enfin, la fiscalité doit être plus juste. Il est aisé de caricaturer les niches fiscales, mais nous avons progressé conjointement avec le président et le rapporteur général de votre commission des finances. Le Gouvernement poursuit dans cette voie. Deux méthodes sont envisageables : on peut examiner chaque niche -comme nous l'avons fait jusqu'à présent- ou prendre un rabot. J'observe que le rabot fait bien des détours pour contourner certains dispositifs comme la prime pour l'emploi, les avantages fiscaux dont bénéficient les personnes handicapées ou les incitations aux emplois familiaux. Un rabot manié ainsi, avec tant de précautions, ne servirait pas à grand-chose. C'est pourquoi je propose de travailler en profondeur à partir du rapport que j'ai demandé l'an dernier à l'inspection des finances au sujet des 469 niches fiscales existantes. D'ici l'été 2010, nous disposerons d'un bilan des principales, ce qui facilitera une discussion approfondie.
J'ai longtemps considéré qu'en nous focalisant sur les règles fiscales et sociales nous risquions de négliger l'action, mais je pense aujourd'hui que l'examen de la loi de programmation des finances publiques au printemps prochain pourrait être utilement mis à profit pour définir de nouvelles règles éclairant le chemin conduisant à des finances publiques assainies. Le Gouvernement formulera des propositions en ce sens ; votre commission des finances aura sans doute beaucoup d'idées.
J'ajoute que la lutte contre la fraude relève de la simple honnêteté des prélèvements obligatoires. (Applaudissements à droite)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Ce rendez-vous portant sur la loi de financement de la sécurité sociale et sur la loi de finances ouvre la saison budgétaire, conformément à ce que notre assemblée avait voulu en votant la loi organique sur les lois de finances. Mais la crise nous met cette année en état d'apesanteur financière, car elle fait perdre nos repères.
Un paradoxe extraordinaire apparaît pour nous, qui avions plaidé depuis si longtemps pour une réduction des prélèvements obligatoires, en proclamant qu'il fallait les faire refluer à 40 % du PIB. C'est fait ! Nous sommes redescendus à 40 %, au lieu de 46 %, mais pas en empruntant le chemin escompté : tout résulte des enchaînements dus à la crise. Notre pays n'avait jamais connu de taux si bas depuis 1981 !
Ce n'est pas un petit phénomène, car il influencera durablement nos structures économiques et nos finances publiques. En fait, la réduction provient d'un effondrement de certaines recettes de l'État. Ainsi, l'impôt sur les sociétés a diminué de quelque 30 milliards d'euros : au lieu des 45 à 50 milliards habituels, il ne rapportera que 15 à 20 milliards fin 2009 et environ 30 milliards en 2010. Ces chiffres sont à méditer, car, après les transformations apportées à notre économie par la crise, la machine ne recommencera pas à tourner comme avant. Et nous ignorons à quel niveau elle redémarrera.
Avant le choc financier, notre taux de croissance potentiel était estimé à 2 % par an. Qu'en sera-t-il demain ? Toute l'équation des finances publiques en dépend, de même que la distinction majeure entre déficit conjoncturel et déficit structurel : plus le taux de croissance potentiel sera bas, plus le déficit deviendra structurel et intègrera ce qui aurait été autrement considéré comme un déficit conjoncturel. Converger vers l'équilibre exigera un effort accru. Voilà ce que nous entendons cet automne tous, dans les réunions des économistes, en France et en Europe. Nous ne pouvons nous émanciper de la réalité !
Il n'en est que plus utile de saisir l'opportunité que vous avez évoquée pour fixer la gouvernance à venir de nos finances publiques. Notre réflexion peut s'appuyer sur la loi de programmation des finances publiques. La crise a rendu les chiffres obsolètes, mais les articles normatifs demeurent. Ainsi, l'article 11 impose de compenser toute création de niche fiscale ou sociale par la suppression d'au moins une autre. L'article 12 impose d'avoir évalué les niches fiscales au plus tard le 30 juin 2011. Vous en avez parlé. La création de nouvelles niches doit évidemment être gagée année par année, mais l'administration semble pencher pour une évaluation en rythme de croisière. Or, tout porte à croire que les nouvelles niches fiscales coûteront 2,2 milliards d'euros en 2010 au lieu de 200 millions !
Un autre dispositif interdit de réduire les impôts si les recettes sont inférieures à un certain montant. Pour 2011, il faudrait en conséquence accroître les ressources de 6,5 milliards d'euros. C'est ce que nous avons voté.
Pour obtenir la confiance des opérateurs internationaux, nous devons tracer des perspectives crédibles et fixer des principes à respecter coûte que coûte.
Vous avez évoqué la taxe carbone, en fait un signal-prix censé modifier les comportements. Le dispositif lui-même doit être biodégradable.
Cela suppose un très délicat réglage dans la loi de finances pour 2010.
Pour ce qui est de la réforme de la taxe professionnelle, j'ai pu en mesurer la difficulté en participant aux travaux de la commission Fouquet. Beaucoup des solutions actuellement proposées en sont d'ailleurs issues. Cette réforme pourra se faire car nous sommes en période de crise : ce sera le deuxième acte du plan de relance et nous allons, pour la deuxième année consécutive, soutenir la trésorerie des entreprises avec une dizaine de milliards d'euros supplémentaires. Pour limiter les inquiétudes que cette réforme ne manquera pas de susciter, il faudra en voter tous les volets en même temps dans la loi de finances pour 2010.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Ah !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Nous devrons distinguer entre ce qui a un impact sur le solde budgétaire et ce qui n'a pas vocation à s'appliquer en 2010. Mais si nous ne votons pas l'ensemble de la réforme, les inquiétudes et les anxiétés continueront à être instrumentalisées par pure politique politicienne.
Mme Nicole Bricq. - Ah bon ?
Mme Raymonde Le Texier. - Vous savez de quoi vous parlez !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Nous devrons mettre en oeuvre une « trilogie », qui comprend la suppression de l'ISF et du bouclier fiscal, et l'ajustement à due concurrence de l'impôt sur le revenu par la création d'une tranche imposée à 50 %. Il faudra aussi ajuster la taxation de la plus-value, pour les valeurs mobilières notamment. C'est possible et raisonnable, même si l'on ne peut le réaliser dans le contexte actuel. De plus en plus de bons esprits approuvent cette solution en trois points pour sortir d'une contradiction inextricable.
Jean Arthuis a eu l'idée, pour tirer les conséquences de la crise financière, de redéployer la fiscalité sur le secteur financier. La taxe sur les salaires, d'un montant de 2 milliards d'euros pour ce secteur, qui n'a plus de sens, pourrait être remplacée par une prime d'assurance systémique, contrepartie de la garantie accordée par l'État au système financier.
Par ailleurs, la commission des finances étudie l'impact du développement d'internet sur les ressources fiscales. (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, approuve) Les bases des assiettes fiscales risquent d'être rongées par l'essor des nouvelles technologies. Nous devons y réfléchir pour l'avenir, avec les services du ministère, car il n'est pas possible d'apporter à ce problème des réponses immédiatement opératoires. Il nous faut cependant éviter une dématérialisation des recettes fiscales.
Enfin, si la dette est à peu près gratuite aujourd'hui, du fait des taux d'intérêts négatifs, cela ne saurait durer. Une hausse est inéluctable et vous savez mieux que personne, monsieur le ministre, ce que représenterait pour le budget une tension sur les taux d'intérêts et ses répercussions sur les dépenses de l'État. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Aymeri de Montesquiou. - Hélas !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Tout d'abord, le budget de la sécurité sociale, qui représente 54 % des prélèvements obligatoires, ne semble pas faire partie des préoccupations du Gouvernement puisque le ministre n'a pas évoqué cette question dans son intervention. Cela laisse donc toute latitude à la commission des affaires sociales ! Ensuite, je partage le diagnostic de Philippe Marini quant aux déficits du budget de l'État et de la sécurité sociale, ainsi que pour ce qui concerne sa référence à la loi de programmation des finances publiques : il faut en tenir compte. Enfin, j'ai lu dans la presse que la commission des finances propose de supprimer la taxe sur les salaires et de la remplacer par une nouvelle taxe.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Qui alimenterait le budget de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Il ne vous aura pas échappé que la taxe sur les salaires alimente le panier qui compense les allègements de cotisations. Vous avez certainement imaginé une solution de remplacement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous le ferons par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - Nous devons anticiper la crise, ne pas reporter à demain ce que nous pouvons faire aujourd'hui et proposer dès à présent les mesures nécessaires. J'ai deux certitudes : notre système de protection sociale est au bout de sa logique et sa pérennité est menacée ; nous ne pouvons continuer à reporter les déficits sur les générations futures. M. le ministre partage ce point de vue.
Si nous retrouvons une croissance comparable à celle d'avant la crise, nous ne pourrons que stabiliser le déficit de la sécurité sociale au niveau d'après-crise, soit 30 milliards d'euros. Si la sécurité sociale a pu supporter des déficits annuels de l'ordre de 10 milliards d'euros, elle ne résistera pas à plusieurs années d'un tel déficit. Nous devons donc réagir avec vigueur.
Les prélèvements sociaux se stabilisent autour de 22 % du PIB, pour une valeur d'environ 430 milliards d'euros. Pour la première fois, la masse salariale a baissé deux années de suite, de 2 % en 2009 et 0,4 % en 2010, ce qui représente plus de 21 milliards de pertes de recettes pour 2009 et 2010 liées aux seuls revenus d'activité. Les prélèvements sur les revenus du capital chutent d'environ 20 %, soit une perte de 3,4 milliards d'euros. Seules quelques recettes résistent assez bien a la crise, telles les taxes dites comportementales liées au tabac ou à l'alcool, ainsi que la TVA sur les produits pharmaceutiques.
Le ratio de couverture des dépenses pour le régime général passe de près de 97 % en 2008 à moins de 90 % en 2010, avec pour corollaire l'aggravation de la dette sociale. Pour l'instant, cette dette est portée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) et le restera en 2010. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit à ce titre un plafond d'emprunt de 65 milliards d'euros, mais le simple report du traitement de la dette risque d'être plus coûteux et douloureux.
Conformément à la règle organique, tout transfert de dettes à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) doit s'accompagner d'un transfert de ressources. La reprise par la caisse au 1er janvier 2011 des déficits de 2009 et 2010 exigera donc une augmentation de la CRDS, qui doublerait pour passer de 0,5 à 1,04 %. Si l'on attend un an de plus, la reprise de dette avoisinerait les 100 milliards et il faudra alors porter la CRDS à 1,44 %.
Il faut donc, sans plus tarder, envisager le traitement de la dette sociale afin de ne pas transférer aux générations futures des prélèvements obligatoires que nous n'aurons pas acquittés nous-mêmes. Vous êtes, monsieur le ministre, un des ministres des comptes publics qui aura connu la situation la plus difficile. A moins qu'une reprise de dette par la Cades soit d'ores et déjà mise en oeuvre et que les ressources nécessaires lui soient transférées, ce qui serait une solution pertinente. La hausse de la CRDS pourrait être atténuée -ce qui ne me conviendrait guère- en desserrant légèrement la contrainte liée à la durée de vie de la Cades, ce qui suppose de modifier la loi organique et un engagement fort du Gouvernement de ne pas reporter la dette sur les générations suivantes.
Comment réduire le déficit dans les années à venir ? Il faudra tenir compte du niveau élevé des prélèvements obligatoires et du problème de la compétitivité de nos entreprises. Relever encore les prélèvements obligatoires supposerait de trouver une compensation liée à la réduction des dépense. Mais comment trouver 10 milliards dans les dépenses sociales ? Une option consisterait à revoir les périmètres respectifs du régime obligatoire et des régimes complémentaires. Débat qui provoquera la houle chez les partenaires sociaux et parmi nos concitoyens, mais dont on ne pourra pas faire l'économie.
Sur le plan des recettes, aucun observateur, aucune institution, aucun expert avisé n'exclut aujourd'hui une hausse des prélèvements pour faire face aux dépenses supplémentaires. La priorité de sortie de crise et d'après-crise sera de poursuivre l'élargissement de l'assiette des prélèvements fiscaux. La Cour des comptes relève que plus l'assiette est large, plus les taux sont bas. (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, approuve) J'avais, en 2008, proposé une « flat tax » sur l'ensemble des niches sociales, sans être suivi par le Gouvernement. Mais ma proposition ne fut pas sans effet puisque vous avez, en 2009, taxé, notamment, les stock-options.
Il faut réduire les niches et élargir l'assiette du forfait social. La taxation des stock-options pourrait apporter des marges de manoeuvre supplémentaires, de même qu'un alignement partiel de l'assiette de la CSG sur celle de la CRDS, en incluant les jeux, la vente de métaux précieux, bijoux, oeuvres d'art.
Pour mobiliser de nouvelles ressources, il faudrait réfléchir à un meilleur ciblage des allégements de charges sociales, dont le coût approche les 28 milliards. D'autres propositions ont été avancées, comme la baisse du seuil de 1,6 Smic...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - ...la limitation aux petites et moyennes entreprises, aux entreprises respectant certains critères environnementaux...
L'annualisation du calcul des allégements apporterait une économie de 2 à 3 milliards. (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, le confirme)
Autre piste, le développement des taxes comportementales. On sait que la plupart des alcools forts sont importés et que leur consommation progresse chez les jeunes, ce qui pose un vrai problème de santé publique.
J'avais proposé une taxe nutritionnelle, d'une grande utilité pour la prévention du diabète et d'autres pathologies, mais vous l'avez écartée d'un revers de main. Elle aurait cependant un rendement appréciable.
J'insiste, pour conclure, sur deux points. Nous devons nous interdire de continuer à transférer une dette dont nous portons la responsabilité aux générations futures. Nous devons, sans tarder, exploiter toutes les pistes pour mobiliser les prélèvements d'après-crise. Je ne manquerai pas de le faire dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Je voudrais concentrer mon propos sur la question cruciale du déficit de la sécurité sociale.
La situation est inédite. Jamais encore les déficits n'ont atteint une telle ampleur : 25 milliards pour le régime général en 2009, 31 milliards en 2010, à quoi s'ajoute le déficit du fonds de solidarité vieillesse, 7,5 milliards cumulés à la fin de 2010.
Craignons que par un regrettable phénomène d'accoutumance, nous ne soyons plus capables de faire la différence entre un solde négatif de quelques milliards et un déficit de plusieurs dizaines de milliards. Car c'est ce changement d'échelle qui menace sérieusement l'ensemble de notre système de protection sociale.
Il y a un an seulement, alors que nous envisagions déjà un environnement économique difficile, les projections pluriannuelles de l'annexe B prévoyaient un retour à l'équilibre progressif et un déficit limité à 3 milliards en 2012. Cette année, on se contente de prévoir une stabilisation du déficit aux alentours de 30 milliards en 2011, 2012 et 2013 : c'est dix fois plus ! Et ces prévisions reposent sur des hypothèses économiques extrêmement ambitieuses : une croissance annuelle du Pib de 2,5 % et une progression de la masse salariale de 5 % à partir de 2011. Or, si l'on compare ces hypothèses avec les résultats très favorables observés au cours des années 1997-2006, où la masse salariale a progressé de 4,1 % par an, on peut légitimement s'interroger sur le caractère réaliste de ces prévisions.
Or 30 à 40 milliards d'euros de déficit chaque année, cela représente plus de trois points de CSG et au moins six points de cotisations sociales, ou encore l'équivalent de l'ensemble des exonérations de charges sociales accordées aux entreprises.
Nous devons, dès les prochains mois, prendre des décisions à la hauteur des enjeux. M. Vasselle a ouvert de nombreuses pistes. Je souhaite qu'elles soient, sinon retenues, du moins étudiées avec attention ; je pense par exemple à la question des allégements généraux de charges sociales sur laquelle notre commission, comme la Cour des comptes, ont déjà fait des propositions.
Loin de nous l'idée d'empêcher la sortie de crise, mais nous ne pouvons nous permettre de prendre le moindre retard, alors que notre pays peut espérer renouer avec la croissance. Nombre de nos partenaires sont engagés dans de telles réflexions et certains prennent les mesures, souvent difficiles et impopulaires, que la hausse des déficits et de la dette impose.
Le ton de mon intervention est un peu grave, monsieur le ministre, mais la situation l'exige, comme nous l'ordonne aussi le souci de ne pas transmettre nos difficultés d'aujourd'hui à nos enfants et petits-enfants. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Raymonde Le Texier. - C'est déjà fait.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Je veux vous dire, monsieur le ministre, combien j'estime le choix que vous avez fait d'accomplir une tâche ô combien difficile. Mais si j'ai bien entendu votre distinction entre impôts des ménages et impôts des entreprises, je pense qu'il faudra bien un jour expliquer aux Français, sereinement, que ce sont eux qui payent l'impôt. Il est trop commode d'accréditer l'idée que certains impôts sont payés par les entreprises. Mais en est-il un seul qui ne se retrouve, in fine, dans le prix imposé au consommateur ?
Tant que nous n'étions pas dans une économie mondialisée, cela allait très bien. Mais aujourd'hui, il est tellement facile à une entreprise d'aller produire ailleurs pour échapper à l'impôt.
Je fonde beaucoup d'espoir dans nos débats à venir pour ouvrir les voies d'une fiscalité rénovée, contribuant à notre compétitivité, et qui permette le retour à la croissance sans lequel l'espoir de réduire les déficits public resterait vain.
Le temps est court, aussi je ciblerai mon propos sur la suppression de la taxe professionnelle et la réorganisation des finances publiques qu'elle implique.
La réforme est d'ampleur et sa justification n'est pas en cause. En abrogeant la taxe professionnelle, nous mettrons fin à un impôt unique en Europe qui, en frappant l'outil de production avant même qu'il ait commencé à produire de la valeur, pénalise notre industrie, et pénalisera bientôt nos services.
Le schéma proposé pour remplacer la taxe professionnelle, avec la création de la contribution économique territoriale, mérite une analyse de détail. Je perçois, à ce stade, trois difficultés majeures.
Tout d'abord, la réforme n'est pas précédée d'une révision des bases des taxes foncières. La cotisation sera donc calculée sur des valeurs locatives dont nous savons tous qu'elles sont obsolètes et injustes. Le Président de la République et le Gouvernement semblent prêts à prendre en compte cette objection. Je souhaite que vous me le confirmiez, monsieur le ministre, car il ne pourra pas y avoir de réforme de l'impôt économique dévolu aux collectivités territoriales sans révision préalable et intégrale des bases taxables. Une révision au fil de l'eau me paraît exclue, (Mme Nicole Bricq approuve) elle serait contraire au principe d'égalité devant l'impôt.
Deuxième difficulté, la cotisation complémentaire sera assise sur la valeur ajoutée. C'est réintroduire, dans l'assiette d'imposition les salaires qui en avaient été exclus en 1999, avec le même objectif que l'on poursuit aujourd'hui de défense de la compétitivité de l'économie française.
Le prélèvement de 1,5 % se traduira par une nouvelle cotisation de près de 2,5 % s'ajoutant aux charges sociales déjà acquittées par les entreprises. Ce paradoxe ne peut être en partie surmonté que par l'allègement net de 4,3 milliards des prélèvements obligatoires dont bénéficieront globalement les entreprises et par l'aggravation en conséquence du déficit public. Bref, cette cotisation ressemble beaucoup à la taxe professionnelle d'avant 1999.
Troisième difficulté : le risque d'optimisation, et dieu sait que nous comptons en France des champions ! L'Assemblée nationale devrait cependant y pourvoir en imposant que la valeur ajoutée soit calculée au niveau de la structure mère et non pas des filiales.
Le second volet de la réforme concerne les finances locales. Les collectivités vont, ensemble, perdre 20 milliards d'euros par an. Elles s'inquiètent d'autant plus que les simulations tardent à être diffusées ; les premières sont peu lisibles et peu probantes, elles reposent sur les hypothèses du seul texte initial et laissent de côté les propositions de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Comment, dans ces conditions, prendre une décision dans un délai si bref ? Le Gouvernement donne l'impression de vouloir décider d'abord, procéder aux réglages ensuite, l'an prochain. Or 2010 sera une année de transition : profitons-en pour élaborer une organisation des finances locales sur une base consensuelle ; dans la réforme, dissocions le volet « entreprises » du volet « collectivités territoriales », qui a vocation à s'appliquer en 2011 seulement.
Employons utilement les premiers mois de 2010 à affiner les mesures afin de ne laisser subsister aucun doute, aucun soupçon. Il faut à la fois préserver un certain degré d'autonomie de décision pour chaque type de collectivité et rechercher une péréquation plus efficace. Concilier ces deux objectifs exigera des réglages subtils.
Les élus locaux ne sont pas prêts à accepter une forte réduction de leur pouvoir fiscal. Il convient de restituer une partie des impôts ménages aux collectivités, la commission des finances de l'Assemblée a fait des propositions à ce sujet, qui me semblent pouvoir être approfondies. J'approuve le principe de la contribution complémentaire à condition que la répartition des ressources entre les collectivités se fasse sur des critères pondérés et non en fonction de la valeur ajoutée produite sur le territoire de chaque collectivité. Sinon, avec une taxation à partir de 500 000 euros de chiffre d'affaires, la réforme se fera au détriment des territoires qui comptent essentiellement des PME et au seul avantage de l'Ile-de-France, de Rhône-Alpes et de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il faudrait alors des écrêtements et des mécanismes péréquateurs à l'infini : mieux vaut un prélèvement national, la meilleure péréquation qui soit...
M. Aymeri de Montesquiou. - Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Il est de notre responsabilité de ne pas céder à la précipitation. Tenons-nous en à la feuille de route que je vous propose. C'est une réforme majeure, évitons de donner l'impression que tout bouge pour que rien ne change. (Applaudissements à droite)
M. Thierry Foucaud. - En dépit des apparences, ce débat n'est pas technique mais de société car tout système de prélèvements obligatoires traduit des choix politiques et idéologiques. Notre société est profondément marquée par les inégalités de revenus, de ressources, de patrimoine. Depuis 2002 et encore plus depuis l'adoption du paquet fiscal de la loi Tepa à l'été 2007, l'égalité, cette valeur républicaine, est orientée à la baisse. Suppression de la surtaxe de l'impôt sur les sociétés, aménagements de l'imposition des plus-values, allégement sensible de la contribution des revenus et patrimoines les plus importants... Et de manière presque caricaturale, le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 accentuent encore les choix antérieurs. On réévalue au minimum l'impôt sur le revenu et on supprime la taxe professionnelle. Pour faire bonne mesure, au nom de la protection de l'environnement, on invente la taxe carbone. Mais elle s'annonce plus comme une recette destinée à compenser de futurs cadeaux fiscaux que comme une arme de lutte contre le réchauffement climatique ! Quand on prétend faire la chasse aux niches fiscales, on s'attaque à celles qui bénéficient aux plus modestes, je songe à l'acquisition de l'habitation principale. Certains de nos collègues ont même caressé l'espoir de rendre imposables les indemnités journalières « accident du travail »... Chaque année, on envisage de plafonner les niches mais jamais le débat ne débouche sur la moindre mesure pertinente.
Niche pour niche, il en est une dont le montant va être singulièrement réduit en 2010 : c'est la prime pour l'emploi parce que les revenus distribués sur les fonds des collectivités locales aux allocataires du RSA vont être imputés sur la prime, permettant à l'État de récupérer 1 milliard d'euros sur le dos des travailleurs précarisés. Le système a été inventé par Martin Hirsch à la demande du Président de la République. Pendant ce temps, on s'empresse de rembourser des acomptes prétendument excédentaires sur l'impôt sur les sociétés ; et les crédits d'impôt recherche remontent aux holdings à la tête des groupes aussi vite qu'ils sont distribués ! Fiscalité des donations, des successions, impôt de solidarité sur la fortune, imposition des revenus mobiliers : toujours, ce sont les plus gros patrimoines qui profitent des mesures.
Dans le même temps, on consolide les droits et impôts indirects, qui pèsent plus en proportion sur les ménages modestes. Au fil des réformes récentes, la part des droits indirects perçus par l'État n'a cessé de croître, ajoutant l'iniquité fiscale aux inégalités sociales grandissantes. On se garde d'augmenter les impôts, on crée chaque année un florilège de nouvelles taxes : et pour quel résultat ? La croissance se porte-t-elle mieux ? Ou la création d'emplois ? La responsabilité citoyenne des entreprises est un voeu pieux ; les aides du FSI sont aujourd'hui distribuées sans exigence de maintien de l'activité et de l'emploi. En 2001, l'industrie française a créé 32 600 emplois ; elle en a perdu 85 300 en 2002 ; et de 2003 à 2005, 274 300. La liquidation d'emplois n'avait pas attendu la crise financière... Depuis 2005, 166 000 emplois industriels salariés auront été détruits tandis que l'emploi intérimaire se contractait -il a servi, en 2008 et 2009, de variable d'ajustement.
Malgré les cadeaux fiscaux, malgré les allégements de cotisations sociales, le rythme de créations d'emplois demeure faible. Selon l'Insee, la baisse du nombre d'emplois s'est prolongée au second semestre 2009, avec une chute de près de 114 000 dans le secteur marchand. La variable d'ajustement, désormais, ce sont les emplois durables. On ne remplace plus les départs en retraite ni les démissions, on délocalise, on restructure... Notre pays compte aujourd'hui moins d'emplois industriels qu'en 1970 ! Magnifique résultat de votre politique, laquelle consiste surtout à satisfaire les revendications les plus antiéconomiques et antisociales du Medef.
Le poids des prélèvements obligatoires n'a pas été réduit depuis 2002, contrairement aux promesses d'alors. La baisse constatée cette année est liée à la crise, pas à votre action. Et le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes ne s'est pas amélioré. La structure de nos prélèvements a changé : plus de droits indirects, plus de prélèvements sociaux et plus de prélèvements de substitution aux obligations fiscales et sociales des entreprises.
Nos concitoyens peuvent avoir une impression détestable quand ils paient plus de TIPP, plus de TVA, plus d'impôts locaux, plus de cotisations sociales et ont moins de services publics locaux, moins de présence de l'État, moins de pensions. Cette rupture du pacte républicain consacre la perversion accélérée de notre système quand certains poussent toujours plus les feux de la réduction des dépenses publiques. Contrairement à d'autres pays du G8, la France a opté pour une socialisation des dépenses de santé comme des infrastructures, si bien que notre pays a moins mal supporté la crise. Ce n'est pas dû à la politique de l'actuel gouvernement mais aux amortisseurs de notre système. Dès lors, la comparaison des taux de prélèvements obligatoires n'a guère de sens.
Mme Nicole Bricq. - C'est vrai !
M. Thierry Foucaud. - Aux États-Unis, la dépense de santé prise en charge par l'impôt correspond à notre CMU -une couverture que veut renforcer le président Obama. L'escroquerie intellectuelle du taux des prélèvements obligatoires est utilisée de longue date par les libéraux pour faire accepter un vrai recul de civilisation ! Pour nombre d'entre vous, la dépense publique cumule tous les défauts, et c'est pourquoi la loi de finances pour 2010, qui invente la taxe-carbone, supprime 35 000 emplois de la fonction publique. Mais le gâchis par les entreprises de la richesse créée par les salariés ne provoque pas la même indignation. A part soumettre à cotisation sociale l'intéressement des salariés, vous ne faites pas grand-chose pour réduire les déficits, pas plus que la pénibilité du travail n'est prise en compte pour les droits à pension.
Nous entendons redonner tout son sens à l'action publique, à une fiscalité juste tout en créant les conditions d'un financement équilibré de la protection sociale. La taxe carbone, présentée comme une innovation exceptionnelle, serait le premier élément d'une fiscalité écologique. A y bien regarder, nous disposons déjà de la TIPP, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, des redevances sur l'eau ou d'assainissement. Il y en a pour plus de 30 milliards d'euros. La fiscalité écologique est loin d'être une nouveauté. Sauf qu'elle ne sert pas l'environnement : la TIPP rapporte plus que l'impôt sur les sociétés et si l'on comprend ce qu'il en est pour les redevances sur l'eau, ou de l'enlèvement des ordures ménagères, une part de la TIPP tend à compenser des charges transférées aux départements lors de la création du RSA. Elle ne sert pas aux enjeux environnementaux. Pourquoi ne pas l'affecter au financement des transports en commun ? Pourquoi la loi de finances qui inscrit avec la taxe carbone une TVA sociale, laisse-t-elle les régions se substituer à l'État pour réaliser ces infrastructures ? Nous sommes opposés à ce qu'une fois de plus, une fois de trop, l'iniquité fiscale conduise à une baisse d'impôt pour les entreprises. Nous sommes partisans d'alternatives au tout routier mais la fiscalité ne répond pas à cette exigence. (Applaudissements à gauche)
M. Charles Guené. - Une crise économique sans précédent à creusé le déficit budgétaire et social. D'un point de vue économique, il faut relativiser ce déficit, dont une part disparaîtra quand la croissance reviendra. On estime que 96 milliards de déficit sont dus à la crise. Les recettes ont diminué de 30 milliards pour l'impôt sur les sociétés, de 12 milliards pour la TVA et de 4 milliards pour l'impôt sur le revenu. Le déficit structurel, 45 milliards, pose davantage de problèmes.
Le choix du Gouvernement, que soutient le groupe UMP, est de ne pas jouer sur l'inflation et de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires. Le projet de loi de finances pour 2010 les maintient à 40,7 % du PIB, comme en 2009, soit le point le plus bas depuis 1981. Augmenter les impôts serait une fausse bonne idée dans un contexte de sortie de crise. Notre croissance reste fragile. Taxer davantage les ménages ou les entreprises serait contreproductif et risquerait de compromettre la reprise. Ne rajoutons pas la crise à la crise, a dit le rapporteur général. Le retour à la croissance, la diminution du chômage, le rétablissement de la confiance et la diminution du taux d'épargne permettront de diminuer les déficits publics.
Les collectivités doivent prendre leur part de l'effort, maîtriser le nombre des fonctionnaires territoriaux, réaliser des économies, simplifier, rationaliser, éviter les doublons. La mutualisation des services doit continuer.
S'il semble inopportun d'augmenter les prélèvements obligatoires, il importe de compenser toute diminution de recette par une augmentation équivalente. Toute création de niche fiscale sera compensée. Le rapporteur général de la commission des finances l'a rappelé en commission le 15 octobre. La loi de programmation des finances publiques pour 2009-2012, qui prévoit une telle compensation, n'est pas toujours appliquée. On dénombre 500 niches. Nous avons voté leur plafonnement l'an dernier, c'est un premier pas.
Mme Nicole Bricq. - C'est cosmétique !
M. Charles Guené. - M. Vasselle propose de mieux cibler les allègements de charges sociales. Sécuriser les prélèvements obligatoires sans les augmenter mais en les répartissant mieux est un enjeu majeur. Afin de moderniser notre politique fiscale, le Gouvernement la réoriente du travail vers des secteurs moins pénalisants, de la production vers les flux. La taxe carbone frappe la pollution et la réforme de la taxe professionnelle touche les activités non délocalisables, ainsi, avec l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau. La taxe professionnelle pesait sur les investissements ; le groupe UMP approuve sa suppression.
La nouvelle formule proposée, la cotisation économique territoriale, nous satisfait car elle maintient un lien économique entre les collectivités territoriales et les entreprises. La cotisation locale d'activité correspondra à la part foncière résiduelle de la taxe professionnelle et la cotisation complémentaire à l'actuelle cotisation minimale de taxe professionnelle, assise sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires.
Le débat portant sur la compensation de la perte de ressources des collectivités aura lieu à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010. Gageons que nous saurons trouver un mode de répartition des ressources qui satisfera chaque niveau de collectivités. La spécialisation des impôts par niveau de collectivités était sans doute une fausse bonne idée.
Le nouveau système proposé ouvre en outre le champ d'une nouvelle gouvernance, permettant aux collectivités de passer d'une autonomie fiscale intenable à une responsabilité fiscale.
Il convient de concilier la tradition de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales avec les exigences de la péréquation. Cet équilibre est essentiel : je ne doute pas que chacun en percevra l'enjeu le moment venu, comme vient de la rappeler le président Arthuis.
Enfin, j'en viens au bouclier fiscal. Le groupe UMP ne souhaite pas son abrogation, ni même son ébrèchement.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Très bien !
M. Charles Guené. - Notre position n'a pas changé : il n'est pas concevable de travailler au-delà de six mois par an pour payer ses impôts. (Mme Nicole Bricq s'exclame) Je souhaiterais qu'on m'explique par quel miracle économique l'on espère créer des richesses en France en stigmatisant et surtaxant la richesse et en la poussant à s'exiler.
Mme Nicole Bricq. - Par le travail !
M. Charles Guené. - La richesse crée la richesse. Les entrepreneurs créent l'emploi. Cette stigmatisation de la réussite sociale propre à la France est archaïque. Un niveau de prélèvements sur la richesse supérieur à 50 % est en outre contre-productif économiquement : son coût est supérieur à ce qu'il rapporte. Selon l'Institut Montaigne, 130 milliards ont quitté la France pour éviter l'ISF entre 1997 et 2006.
Notre politique fiscale reposera en 2010 sur le triptyque non-augmentation, sécurisation et nouvelle répartition des prélèvements obligatoires, afin de permettre à notre fiscalité de servir au mieux le retour vers la croissance et la répartition de ses fruits. (Applaudissements à droite ; M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, applaudit aussi)
M. Aymeri de Montesquiou. - Si je me trouvais ailleurs qu'à cette tribune, je resterais sans voix car le constat du président de la mission d'optimisation de la dépense publique, Jean-Luc Warsmann, sur l'état de nos finances est saisissant : la moitié des dépenses de l'État sera financée à crédit, la dette de la France, passée en 30 ans de 21 à 74 % du PIB, représente 1 414 milliards en 2009, chaque Français naît avec une dette de près de 24 000 euros, la charge d'intérêt sur la dette publique de 2,8 % du PIB en 2008 a été multipliée par quatre en 25 ans, la dette publique explose : 65 % du PIB en 2004, 77 % en 2009 et la Cour des comptes l'estime à 84 % en 2010, 88 % en 2012, 100 % sans doute en 2018. Halte au feu !
L'unique vertu de la crise est de faire mieux comprendre à nos concitoyens l'état déplorable de nos finances publiques. Notre crédibilité internationale et surtout européenne est fragilisée. Tous nos partenaires de l'Union stigmatisent nos déficits, qui désormais ignorent les critères de Maastricht. Ils nous demandent un retour à la discipline budgétaire dès 2011.
Le déficit conjoncturel tient à trois raisons principales. D'abord l'effondrement du produit de l'impôt sur les sociétés Son produit s'élevait à 2,95 milliards en septembre 2009 contre 27,43 milliards en septembre dernier ! Deuxième raison : la baisse de la TVA à 5,5 % dans la restauration qui a pour conséquence un manque à gagner de 3 milliards en année pleine...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. - C'est une catastrophe en période de crise : le calendrier ne pouvait être plus inapproprié.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. - Enfin, la suppression de la taxe professionnelle.
De plus, le plan de relance de l'économie, nécessaire et même vital, et qui a insufflé 26 milliards pour venir en aide aux banques et aux entreprises, creuse les déficits pour le moyen terme. La croissance qu'il va générer n'aura hélas pas d'incidence sur le déficit structurel.
Monsieur le Ministre, vous voulez alléger la fiscalité des entreprises, qui est une des plus élevées d'Europe, par la suppression de la taxe professionnelle, qui peut amener les entreprises à délocaliser et à licencier. Mais, si la compétitivité de notre économie est pénalisée par des taux de prélèvements obligatoires excessif, ceux-ci sont insuffisants pour financer l'ensemble des dépenses publiques. Quel paradoxe ! De plus, augmenter le déficit et donc emprunter, nous rend dramatiquement dépendants d'une hausse des taux et des prêteurs.
Quelles sont donc les solutions ?
La suppression de l'ISF, seul impôt de ce type dans l'Union européenne et au bilan global négatif, celle du bouclier fiscal, son fils adultérin... (Sourires)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. - ...et la création d'une tranche supplémentaire d'impôt pour les plus hauts revenus forment un triptyque idéal, que le président Arthuis et M. le rapporteur général défendent.
M. Eric Woerth, ministre. - Je me méfie des mariages à trois !
M. Aymeri de Montesquiou. - Ce serait un signal fort...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. - ...pour notre économie et donc pour nos finances. La finalité du bouclier fiscal se comprend en période de croissance, pour éviter que notre fiscalité ne constitue un « vol légalisé » selon les termes du Président Coolidge et n'entraîne l'exil des plus forts revenus sous des cieux fiscaux plus accueillants.
Pour compenser l'éventuelle perte de recettes, notre rapporteur général a proposé ce triptyque, en intégrant des recettes annexes, comme la suppression de la déductibilité de la CSG sur les revenus du capital et l'augmentation de l'imposition des plus-values mobilières et immobilières.
Pour autant, le bouclier fiscal devient inéquitable en temps de crise.
Mme Nicole Bricq. - Quand même !
M. Aymeri de Montesquiou. - Si on demande au pays un effort fiscal, ceux qui sont protégés par le bouclier n'y participeront pas : ce n'est pas admissible car c'est injuste. Regardons la vérité en face : pour rembourser une partie de notre dette, on ne pourra que faire appel à la solidarité nationale en augmentant, après la reprise, les prélèvements obligatoires. Certes, nous n'avons pas été élus pour augmenter les impôts, mais pouvez-vous affirmer, monsieur le ministre, qu'il sera possible par les seuls fruits d'une croissance aléatoire, de résorber la dette sans y procéder ? Même les Britanniques, européens les plus libéraux, n'imaginent pas que cela soit évitable. Nous devrions nous inspirer de Sir Winston Churchill qui a su mobiliser toutes les forces du Royaume-Uni, et qui estimait que « les difficultés surmontées sont des opportunités qui se présentent ». Les difficultés ne pourront être surmontées par la seule croissance quand elle surviendra.
Il convient également de revenir sur les niches fiscales, dont le cumul atteint des montants qui déséquilibrent notre budget. Si chaque niche peut avoir sa justification, leur cumul n'est pas équitable. Il est indispensable de plafonner globalement le cumul des avantages fiscaux. A l'Assemblée, il a été envisagé de ramener à 20 000 euros de plafond cumulé
La taxe Tobin a été évoquée à plusieurs reprises, mais jamais retenue. Dans le prolongement du G20 de Pittsburg, où tous les pays, sièges de places financières, étaient représentés, cette taxe connaît un nouvel engouement. Il serait opportun de mettre en place une taxe indolore et non discriminante entre les diverses places sur les transactions financières afin de faire face à cet endettement considérable. Proposée au taux de 0,05 %, cette taxe pourrait être appliquée dans tous les pays du G20 et permettrait de financer une grande partie de la dette.
La taxe carbone est un impôt d'avenir, adapté à la mise en oeuvre d'une stratégie globale de basculement de la pression fiscale du travail et de la production vers la consommation ; elle procurera des ressources stables à l'État. Mais il faudra rationaliser les nombreuses niches fiscales environnementales, vertes et grises.
Enfin, devant la gravité de la situation de nos finances publiques, je ne peux que souscrire à la proposition du Président Warsmann sur la tenue d'un sommet national de la dette publique, au-delà des clivages politiques et syndicaux. Car, comme il l'a rappelé, « la France est à l'aube d'un choc budgétaire et financier sans précédent ».
Monsieur le ministre, soyez Robin des Bois dans la forêt de Sherwood, et non le Sheriff de Nottingham, (rires et exclamations amusées) pour donner à chacun le sentiment que sa contribution est proportionnelle à ses facultés et que l'impôt est équitablement réparti. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Eric Woerth, ministre. - Je vais essayer !
Mme Nicole Bricq. - Le débat sur les prélèvements obligatoires est le préambule à la discussion budgétaire et, pour filer la métaphore sportive, il s'agit de l'échauffement avant l'épreuve.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Voilà !
Mme Nicole Bricq. - On nous promet que le débat budgétaire sera riche en péripéties du fait de l'introduction de la taxe carbone, de la suppression de la taxe professionnelle et du sort réservé à une fiscalité des revenus et des patrimoines que le groupe socialiste juge de plus en plus injuste.
Je crains qu'à l'avenir, ce débat ne relève de la pure rhétorique dans la mesure où l'emballement de la dette provoquera un choc sans précédent sur les finances publiques. Les perspectives macroéconomiques ne sont guère réjouissantes : nous ne retrouverons pas des niveaux de croissance propres à abonder les recettes de l'État et à autofinancer l'emprunt annoncé qui, grand ou petit, obérera davantage les finances de l'État.
Quoi qu'il en soit, le groupe socialiste entend donner son point de vue sur l'évolution des prélèvements obligatoires au regard des principes de justice fiscale et d'efficacité économique. Or, depuis 2002 et plus encore depuis 2007, les gouvernements successifs ne répondent ni à l'un, ni à l'autre. Nous assistons à une baisse des recettes de l'État sans précédent. Irresponsable, le Gouvernement accorde en pleine crise des cadeaux fiscaux comme la baisse de la TVA dans la restauration sans contrepartie mais il exigera des contribuables du milieu et du bas de l'échelle des revenus des efforts et des sacrifices. En outre, la suppression de la taxe professionnelle fait fi des intérêts des collectivités territoriales et le coût sera supporté, à terme, par les mêmes.
Dans le même temps, au-delà de toute raison, le Président, le Gouvernement et sa majorité refusent la remise en cause du bouclier fiscal et des dépenses fiscales dont l'efficacité économique et l'utilité sociale ne sont pas avérées.
Il est intéressant de comparer l'évolution des prélèvements obligatoires de l'État et celui des collectivités locales.
L'exercice est utile. En 2008, le poids de l'État dans les prélèvements obligatoires a baissé de 0,7 point, soit de 8 milliards d'euros, à la suite des choix politiques faits dans la loi Tepa ; s'y ajoutent les transferts vers la sécurité sociale et les collectivités locales. Sans ces mesures -je rejoins le rapporteur général lorsqu'il évoque une baisse en trompe-l'oeil-...
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Merci de votre lecture vigilante ! (Sourires)
Mme Nicole Bricq. - ...les prélèvements obligatoires auraient augmenté spontanément davantage que la croissance. Cette même année, les prélèvements obligatoires des collectivités territoriales ont augmenté de 0,1 % du fait du transfert d'impôts d'État. C'est dire qu'elles ont maîtrisé leur fiscalité. En 2009, le taux des prélèvements obligatoires d'État baissera de 2,1 %, du fait de la crise, certes, mais aussi des effets supplémentaires des exonérations Tepa, tandis que celui des collectivités locales augmentera de 0,2 %, du fait des transferts d'impôts d'État et de la hausse des taux pour compenser les pertes de recettes.
En 2010, le taux se stabilisera à 40,7 %, exclusivement à cause de la suppression de la taxe professionnelle. Ce sera une année de transition pour l'État comme pour les collectivités locales, au terme de laquelle, mécaniquement, les prélèvements obligatoires des collectivités auront baissé et ceux de l'État augmenté. L'effet inverse sera constaté en 2011 du fait de la fin du plan de relance et, on peut l'espérer, d'une reprise de la croissance. Entre 2008 et 2010, l'augmentation souvent vilipendée des impôts « ménages » des collectivités locales s'explique par la contrainte exercée par l'État sur leurs dotations, leur effort soutenu d'investissement et la sous-compensation des transferts de charges.
Les entreprises seront gagnantes, qui se verront délestées de 7 milliards d'euros de taxe professionnelle et en recevront 2 au titre de la taxe carbone. Seront-elles plus compétitives pour autant ? Aucune étude d'impact ne vient le démontrer. A Saint-Dizier, le Président de la République a fait porter à la taxe professionnelle tout le poids des pertes d'emplois et des délocalisations. Ce n'est plus une ficelle, c'est une corde de marine ! J'aurais aimé qu'il en apportât la preuve ! Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans le rapport transmis à la commission des finances, remet en cause pour le passé l'argument selon lequel les allégements fiscaux accordés aux entreprises améliorent leur compétitivité ; il rejoint en cela d'autres études qui mettent en avant des facteurs d'attractivité tel que la qualité des infrastructures, de la formation et de la main-d'oeuvre. Le poids des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises baisse année après année sans que leur compétitivité s'améliore, compétitivité qui a davantage son origine dans leur capacité à investir, à innover et à exporter.
Les arguments mis en avant pour justifier la suppression de la taxe professionnelle ne sont pas recevables ; les secteurs qui en tireront le meilleur bénéfice sont la construction, l'agriculture et les services à la personne -qui, par définition ne sont pas délocalisables. L'industrie ne vient qu'après. Je rejoins en outre le président Arthuis : on peut d'autant plus douter de l'efficacité de la mesure si l'assiette des valeurs foncières n'est pas révisée.
Mme Lagarde s'insurge à l'Assemblée nationale contre les propositions de surtaxation de l'impôt sur les sociétés payé par les banques, au prétexte que le taux de celui-ci est déjà trop élevé. Mais l'assiette de l'impôt sur les sociétés est en France un véritable gruyère : son taux effectif y est plus bas qu'en Allemagne.
L'impôt sur les sociétés comme l'impôt sur le revenu sont minés par les dépenses fiscales. Leur plafonnement en 2009 aura été cosmétique, et son effet près de dix fois moindre qu'attendu. M. Woerth s'est récemment déclaré ouvert à un plafonnement global des niches fiscales, mais opposé à un coup de rabot ; il préfère attendre le rapport de l'IGF. Attentisme contestable dans la période actuelle, tant la question est majeure. La persistance de ces dépenses vide en effet l'impôt de son caractère progressif ; combinée avec le bouclier fiscal, elle permet aux plus aisés de se soustraire à leur devoir fiscal. Ce n'est plus tenable. Les exilés fiscaux devaient se précipiter à Bercy : on ne les a pas vus. Faudra-t-il attendre alors la date butoir fixée par la loi de programmation, le 30 juin 2011 ? J'en doute : nous serons alors en campagne électorale... Il est vrai que l'objurgation élyséenne de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires contredit le remise en cause des niches ; je comprends l'embarras du Gouvernement et la reddition en rase campagne des députés de la majorité.
Cette même majorité devra ingurgiter aussi la baisse de la TVA dans la restauration, dont on ne sait comment elle sera gagée conformément à l'article 11 de la loi de programmation.
Le pire est devant nous, il faudra payer la charge de la dette, financer les dépenses liées au vieillissement de la population et supporter durablement un niveau de chômage élevé. Dans ce contexte, le recours à l'emprunt est une très mauvaise idée, qui est l'aveu de la disparition des marges de manoeuvre budgétaires. La compression des dépenses est à sa limite, reconnaît le rapporteur général. Nous avons si je puis dire atteint l'os budgétaire. L'objectif de cet emprunt est en réalité de permettre au Président de la République d'accoster aux rivages de 2012 sans trop d'encombre. Mais les Français ne se font plus d'illusion. Ils savent que la France qui travaille, celle qu'on met si souvent en exergue, paiera lourdement les entêtements idéologiques du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Nicolas About. - Moins d'un mois avant l'examen du projet de loi de finances, ce débat -plutôt confidentiel- intervient dans un contexte extrêmement délicat. En 2010, les prélèvements obligatoires devront encourager la sortie de crise alors que nos finances publiques subiront pleinement les effets de celle-ci. Nos marges de manoeuvre sont étroites : il serait irresponsable d'augmenter les prélèvements obligatoires puisque l'urgence est à la relance, mais il le serait tout autant de ne pas envisager leur hausse dans un futur proche, si l'on veut contenir la dérive des déficits et de la dette.
Le taux de prélèvements obligatoires serait d'environ 40 % en 2009 et en 2010. Il n'y a pas lieu de se réjouir de la faiblesse de ce niveau, puisqu'elle est largement subie et qu'elle consacre notre incapacité à satisfaire nos besoins collectifs autrement que par l'emprunt. Si le niveau des prélèvements obligatoires est subi, leur structure est le fruit de choix qui ne sont pas tous adaptés à la situation économique actuelle. Les dépenses fiscales n'ont pas toutes démontré leur avantage. L'examen du projet de loi de finances pour 2010 doit être l'occasion d'en tirer toutes les conséquences et d'apporter les modifications nécessaires.
Nos travaux seront guidés par des lignes directrices claires. Nous chercherons systématiquement à améliorer la simplicité et la lisibilité de nos prélèvements obligatoires. Condition essentielle du consentement à l'impôt, c'est aussi un critère de compétitivité. Cet effort de simplification doit aller de pair avec la lutte contre l'optimisation fiscale qui profite essentiellement aux grandes entreprises et met en péril l'équilibre des finances publiques.
Il serait bon d'étudier la suggestion formulée par le Premier président de la Cour des comptes, consistant à imposer l'obligation de dévoiler les schémas d'optimisation utilisés par les entreprises, pour mieux connaître ces pratiques et circonscrire les excès.
Nous nous efforcerons aussi de formuler des propositions durables car l'instabilité fiscale pénalise les entreprises et freine l'initiative.
Enfin, nous procéderons à l'examen systématique des prélèvements obligatoires et des dépenses fiscales. Dans ce dernier domaine, des marges d'amélioration existent. L'obligation de justifier chaque euro dépensé s'applique aussi aux dépenses fiscales. On ne peut donc exclure a priori toute révision de certains dispositifs.
Je pense bien sûr au bouclier fiscal, censé garantir que nul ne consacrerait aux impôts plus de la moitié de ses revenus. Nous partageons l'objectif, car la fiscalité ne doit pas être confiscatoire, mais le dispositif actuel est insatisfaisant. Premièrement, les déductions appliquées aux revenus réels réduisent le taux effectif d'imposition à moins de 50 %. Deuxièmement, la situation a profondément évolué depuis la loi de finances pour 2006. Il faut donc adapter les dispositifs fiscaux avec lucidité, sans dogmatisme. Troisièmement, notre groupe n'accepte que difficilement que les efforts à venir, destinés à redresser les finances publiques, épargnent ceux que le bouclier fiscal protège. La situation qui s'est présentée il y a quelques mois avec le financement du RSA et la création d'une taxe sur les revenus fonciers immobiliers se présentera de nouveau. Ce n'est pas la révision du bouclier fiscal qui induira des hausses d'impôts, c'est la crise, l'aggravation des déficits publics et l'emballement de la dette. (Mme Nicole Bricq approuve)
Pour ces raisons, il faudra examiner de près ce dispositif et toutes les améliorations envisageables. Proposée par M. Arthuis, président de la commission des finances, la plus ambitieuse abrogerait conjointement l'ISF et le bouclier fiscal, en compensant le manque à gagner grâce à une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu. Notre fiscalité y gagnerait en simplicité, mais surtout en équité puisqu'elle assurerait une meilleure corrélation entre les impôts et les facultés contributives réelles.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Absolument !
M. Nicolas About. - L'examen du projet de loi de finances offrira de même l'occasion d'examiner la pertinence de niches fiscales et sociales comme la réduction à 5,5 % de la TVA sur la restauration. Dès son adoption, nous avions émis de vives réserves quant au bénéfice de cette mesure, notamment en matière d'embauche. En 2010, elle sera la cinquième niche la plus coûteuse, alors que les doutes persistent sur ses effets.
Enfin, le projet de loi de finances comporte une profonde réforme de la fiscalité locale. Sans anticiper sur les débats nourris à venir, je voudrais formuler quelques observations.
D'abord, la révision des bases locatives est un préalable indispensable.
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
M. Nicolas About. - C'est une question d'équité. Pour éviter les inégalités liées à une révision au fil de l'eau, les bases locatives devront être révisées simultanément. La réforme doit assurer la justice entre contribuables, mais aussi entre collectivités. Il faudra donc instituer une péréquation fondée sur une fraction de la valeur ajoutée variant en fonction du chiffre d'affaires.
Ensuite, les recettes compensant la suppression de la taxe professionnelle devront apporter des ressources suffisantes, prévisibles et dynamiques pour chaque collectivité territoriale. Il faut donc repousser toute spécialisation fiscale par niveau de collectivités, mais surtout assurer la cohérence entre compétences et ressources, tout en garantissant l'autonomie financière des collectivités. Notre débat porte sur les prélèvements obligatoires, mais l'autonomie financière concerne aussi les dépenses, dont la part contrainte ne cesse de croître, notamment pour les charges sociales des départements. Les collectivités ont besoin de ressources dont la progression soit au moins en phase avec l'évolution spontanée de leurs dépenses. Elles ont aussi besoin que le Gouvernement et le Parlement ne renchérissent pas l'exercice de leurs compétences sans les financer à l'euro près.
Nous veillerons attentivement aux ressources des collectivités territoriales, mais aussi à leurs marges de manoeuvre en matière de dépenses.
L'Europe est le cadre naturel de notre avenir. Je rappelle donc l'attachement de notre groupe à l'harmonisation des impôts dans cet espace. A terme, nous souhaitons la mise en place d'une assiette fiscale consolidée au niveau européen : elle aurait un effet majeur en matière de concurrence fiscale et serait un puissant levier d'intégration communautaire. L'Union européenne et l'euro protègent la France. La relance et le redressement de nos comptes publics devront être opérés avec nos partenaires européens. La construction européenne est un projet vivant que nous continuerons à soutenir dans tous les domaines ! (Applaudissements au banc des commissions.)
Mme Raymonde Le Texier. - D'hypothèses économiques irréalistes en dépenses sous-estimées, cette majorité n'aura établi que des budgets insincères. Le principe de réalité prévalant toujours sur les bidouillages comptables, ce gouvernement porte les déficits à des niveaux historiques.
Les recettes fiscales se sont effondrées, portant à 40,7 % le taux des prélèvements obligatoires. Sont en cause la crise et ses conséquences pour l'emploi, mais aussi les baisses de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés, les réductions de TVA et l'extension des allégements de charges.
La masse salariale subit une dégradation sans précédent qui réduit les recettes de 8 milliards d'euros. Cette évolution résulte du chômage, de la diminution des heures supplémentaires et de l'extension du chômage partiel.
Voilà pourquoi le déficit de l'État devrait atteindre 141 milliards d'euros en 2009, soit deux fois et demi le niveau constaté en 2008. L'an prochain, il devrait s'établir à 116 milliards d'euros. Hors plan de relance, vos mesures fiscales devraient induire un manque à gagner supérieur à 14 milliards d'euros !
A ce niveau record s'ajoute le trou sans précédent du régime général, qui excédera 23 milliards d'euros cette année. Mais 2010 devrait reléguer ce record aux oubliettes, puisque la barre des 30 milliards d'euros sera franchie. Au mieux, ce niveau restera stable par la suite.
Conséquence : la dette de l'État et de la sécurité sociale explosera pour atteindre 84 % du PIB l'année prochaine, bien sûr sans prendre en compte le « grand emprunt » dont le montant et le calendrier restent flous. L'avenir de nos enfants et la pérennité de notre protection sociale sont compromis.
La situation est d'autant plus grave que les projets du Gouvernement reposent sur des hypothèses irréalistes, avec une croissance de 2,5 % et une masse salariale augmentant de 5 % à partir de 2011 ! Le Premier président de la Cour des comptes a critiqué en ces termes votre propension à défier les lois du réel : « il ne saurait y avoir de démarche crédible de rétablissement des comptes sans un effort accru de vérité sur l'état de la finance ». Mais il risque de prêcher dans le désert, tant l'irréalisme est indispensable pour justifier le refus pathologique d'augmenter les prélèvements obligatoires. Peu importe que les équilibres sociaux soient menacés ; peu importe si la situation critique de la protection sociale ne sert que les intérêts de ceux qui n'ont pas besoin de la solidarité nationale ! Voilà sans doute la droite décomplexée promise par Nicolas Sarkozy pendant sa campagne !
En matière sociale, les litanies annuelles sur le « trou de la sécu » ont émoussé les consciences. Pourtant, les niveaux sans précédent de 2009 et 2010, auxquels s'ajoutent ceux du fonds de solidarité vieillesse, ajoutent 64 milliards d'euros à la dette sociale. Pour mémoire, la loi Douste-Blazy annonçait l'équilibre de l'assurance-maladie pour 2007 et la réforme Fillon de 2003 devait garantir l'équilibre des retraites jusqu'en 2020 !
Mais le cruel démenti infligé à vos prévisions ne nous réjouit pas, car les assurés sociaux supportent une charge croissante : ils voient reculer l'âge de la retraite, cependant que les pensions baissent alors que les franchises augmentent, tout comme les médicaments non remboursés. Ils savent que ce gouvernement s'attaquera derechef à leur protection en creusant encore les inégalités.
Assurer à la sécurité sociale des recettes stables et pérennes est indispensable, car la crise vient de montrer encore une fois combien ce filet de protection participe à la cohésion sociale et détermine la capacité à rebondir.
Faute d'avoir été à la hauteur, les PLFSS successifs ont reporté leurs déficits sur la Cades, donc sur les générations futures. Atteignant 91,9 milliards d'euros, la dette à amortir devrait s'éteindre en 2025, mais l'échéancier s'arrêtait en 2023 il y a deux ans !
Le fait que la Cades soit principalement abondée par la CRDS rend particulièrement choquante l'inclusion des contributions sociales dans le bouclier fiscal, décidée par Nicolas Sarkozy. La gauche s'est insurgée contre ce déni de solidarité exemptant les plus riches. Même le président UMP de la commission des lois de l'Assemblée nationale estime que la CRDS devrait sortir du bouclier fiscal !
Je le cite : « Lutter contre cette dette est une cause nationale qui suppose la solidarité de tous. La CRDS se distingue de l'impôt. Sa seule raison d'être est le remboursement de la dette sociale. » Cet impératif moral est d'autant plus d'actualité qu'il a été décidé de ne plus transférer de charges sans ressource équivalente. Face à l'explosion des déficits actuels et futurs, une augmentation de la CRDS est devenue inévitable. C'est l'avis de tous les spécialistes et des parlementaires, Nicolas Sarkozy le sait mais, au pied du mur, il choisit de compter les briques.
Pourtant, l'enjeu est de taille. Que va-t-il advenir des déficits annoncés si de nouvelles recettes ne sont pas trouvées ? La poussière étant déjà plus épaisse que le tapis, qui va porter les nouvelles dettes ? Le Gouvernement a décidé que ce sera l'Acoss, qui a relevé son plafond d'emprunt de 65 milliards d'euros. Celle-ci n'étant censée supporter que les décalages de trésorerie, lui faire assumer un déficit de 64 milliards et de futurs déficits annuels de 30 milliards est une solution aussi dépourvue de sens que d'avenir.
Cela pourrait peut-être se justifier si les difficultés étaient conjoncturelles, mais le déséquilibre de nos finances est ancien et structurel. Un hypothétique retour de la croissance ne promet pas la baisse des déficits, seulement leur stabilisation. A 30 milliards d'euros annuels, c'est à l'entrée en soins palliatifs de notre système que nous risquons d'être rapidement confrontés.
Le débat sur les allégements de charges et de cotisations n'est pas une bataille technique car ces politiques pèsent lourd sur les comptes sociaux. Avec plus de 30 milliards consacrés aux allégements généraux et plus de 46 milliards d'exemption d'assiette, les exonérations sociales représentent près de 76 milliards par an. Ces dispositifs n'ont cessé de se multiplier : de 46 dans le projet de loi de finances pour 2006, ils sont passés à 65 dans celui de 2009.
Selon le rapport d'Alain Vasselle, à l'intitulé évocateur -Finances sociales : arrêté de péril-, « cette progression témoigne du recours sans cesse croissant au mécanisme d'allégement des charges pour des raisons qui ne tiennent pas uniquement à la politique de l'emploi mais parfois à la simple commodité ou à l'affichage ». Il estime que l'État choisit délibérément de mettre à la charge de la sécurité sociale des politiques qui sont de sa responsabilité.
Le dernier rapport de la Cour des comptes souligne le caractère coûteux, comme les effets hasardeux, voire contre-productifs de ces allégements. Un quotidien titrait récemment : « L'invendable bilan de la loi Tepa, un excellent prétexte pour ne pas embaucher ». Ces exonérations sont devenues un élément de la politique salariale des entreprises, qui figent l'échelle des salaires pour privilégier d'autres formes de rémunération. La perte pour les finances publiques est supérieure aux gains de pouvoir d'achat obtenus par les salariés.
Ces allégements ne s'accompagnent pas de contreparties salariales, et le simulacre de conditionnalité annoncé par Nicolas Sarkozy ne change rien. Les entreprises de plus de 50 salariés devraient restituer 10 % des allègements accordés l'année précédente si aucune négociation salariale n'est engagée. Cette mesure ne devrait guère produire qu'un effet d'annonce. Non seulement l'ouverture de telles négociations est déjà obligatoire, mais il suffira de les engager sans obtenir de résultats pour se passer de restitution.
Il n'est pas question de supprimer les dispositifs d'exonérations, mais d'en limiter le nombre et d'en conditionner le bénéfice à une obligation de résultats. Cette remise à plat est impérative, mais elle n'est pas encore pour cette année ! Pourtant, la baisse du seuil de 1,6 Smic au-dessous duquel certains allègements s'appliquent, la limitation aux petites et moyennes entreprises ou l'instauration de critères sociaux et environnementaux pourraient faire l'objet d'un consensus, tout comme le développement des taxes comportementales ou la création d'une taxe nutritionnelle sont approuvés par des parlementaires de droite comme de gauche. Que faut-il de plus pour que ces propositions soient entendues ?
Les stocks-options, retraites chapeaux ou golden parachutes, formes de rémunérations alternatives bénéficiant à un nombre restreint de salariés ou de mandataires sociaux, devraient faire l'objet d'une imposition spécifique. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoit l'accroissement de la contributivité des retraites chapeaux, le doublement du forfait social sur l'épargne salariale, la suppression de certaines exonérations sur les assurances vie, mais avec un tact et une mesure fort éloignés de la manière dont on taxe les salariés lambda. Selon le rapporteur de la commission des affaires sociales lui-même, « des marges de manoeuvre peuvent être mobilisées dans la taxation des stocks options ».
Alors que la crise devrait obliger à concevoir un projet de loi de financement de la sécurité sociale ambitieux, celui de 2010 ne comprend que quelques aménagements fiscaux destinés à offrir une rampe de communication au Gouvernement. Un buisson d'équité au moindre coût pour protéger une forêt de privilèges... La France détient le record en matière de niches fiscales : plus de 470 pour un coût budgétaire de plus de 110 milliards d'euros. Elles réduisent considérablement le taux réel d'imposition des ménages les plus aisés. Ainsi, 100 contribuables ont, en 2008, économisé en moyenne 1,5 million d'euros chacun.
Jamais les plus aisés n'ont aussi peu contribué à l'effort commun. Les entreprises ont elles aussi vu leur contribution baisser notablement, ce qui n'a jamais tempéré leurs récriminations. Ce n'est pas le niveau de participation à la solidarité nationale qui semble en cause, mais le principe même. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, la part des entreprises dans le financement de la protection sociale est passée de 40 à 34 % tandis que celle des ménages progressait de 31,1 à 46,6 %. Entre 1983 et 2006, la part des cotisations sociales dans les recettes du régime général a baissé de 92 à 55 %.
Dans le contexte actuel, le Gouvernement continue à faire de la redistribution à l'envers, avec le seul souci de favoriser les siens. Le groupe socialiste juge cette attitude indécente. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Eric Woerth, ministre. - Comme l'a souligné Philippe Marini, il faut analyser l'impact de la crise sur la croissance potentielle. La Grande-Bretagne a revu ce chiffre à la baisse. En France, nous l'avons estimée à 1,75 % pour 2010. Mais la question est loin d'être tranchée car personne ne sait comment nous sortirons de la crise. Nos prévisions de finances publiques se situent au-dessus de cette croissance potentielle, tels les 2,5 % prévus par la loi de finances pour 2011-2012. A n'en pas douter, 2010 est une année charnière. Cette préoccupation est partagée par de nombreux autres pays.
Nous avons respecté la règle de gage pour les niches sociales : pour 2009, le rapport entre ce qui a été créé et supprimé nous place à 29 millions d'euros au-dessus du gage. Pour 2010, l'excès de gage s'élève à 303 millions d'euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous respectons la règle à l'horizon 2013. La TVA de la restauration -en admettant qu'il s'agisse d'une niche, soit 2,5 milliards-, comme les décisions prises pour les biocarburants, les parents isolés ou la PPE, par exemple, sont gagées. Nous ne pouvons respecter la règle de gage tout de suite car nous devons tenir compte de la montée en puissance de certaines mesures.
Philippe Marini, Nicolas About, Jean Arthuis ont largement évoqué la trilogie, notion chère à votre Haute assemblée. Nous en reparlerons bientôt. La suppression de l'ISF est une sorte de marqueur politique, au-delà de la décision technique. (M. Nicolas About approuve)
Mme Nicole Bricq. - C'est une décision fiscale.
M. Eric Woerth, ministre. - C'est une décision compliquée, que le Gouvernement ne souhaite pas prendre. Nous ne voulons pas supprimer l'ISF. Nous ne voulons pas non plus supprimer le bouclier fiscal. Et quant à la création d'une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu, nous ne voulons pas augmenter les impôts. (Rires et exclamations sur les bancs socialistes)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Il faut considérer l'ensemble.
M. Eric Woerth, ministre. - Mme Bricq reproche à notre fiscalité d'être peu progressive ; si elle ne l'a pas dit, elle le pense ! (Rires) Je lui rappelle que 1 % des contribuables acquittent 39 % de l'impôt sur le revenu. N'oublions pas non plus que nous sommes dans un pays qui répartit beaucoup, à travers un système généreux de prestations sociales.
Nos prévisions sur les comptes sociaux, monsieur Vasselle, madame Dini, sont sincères. Mme Le Texier nous reproche des chiffres inexacts. Ils le deviennent en même temps que les prévisions. En 2009, nous avons systématiquement, et cela nous a valu bien des critiques sur ces bancs, engagé des collectifs pour rectifier à mesure, dans un environnement chahuté. Mais il n'y a rien « sous le tapis ». Peut-être est-il usé, peut-être faudra-t-il un jour le changer, mais nous ne cachons rien.
Vous avez raison de souligner, madame Dini, que la dégradation des soldes est éminemment préoccupante. Avec 5 % de masse salariale après la crise, ce qui est une hypothèse optimiste, nous aurons bien des difficultés à rééquilibrer, parce que nous sommes descendus très bas. Les années qui viennent restent complexes, bien que nous réduisions, grâce à un pilotage très fin, les dépenses d'assurance maladie. Avec un niveau normal de recette, nous serions à un déficit de 3 milliards. C'est bien la crise qui est responsable de la dégradation. En 2012, la révision de la masse salariale pèse pour 17 milliards ! Pour l'assurance vieillesse, nous avions prévu des financements par transfert de cotisations Unedic. Nous ne pourrons pas y compter dans les années qui viennent : ce sont 6 milliards de recettes en moins. A cela s'ajoutent les dépenses liées à l'endettement, augmenté par le déficit, de la sécurité sociale.
Le défi est lourd, il faut le relever, et 2010 sera une année charnière. Nous ne savons pas ce que sera le rythme de la reprise, la réaction de la masse salariale. Nous n'avons pas de visibilité sur les recettes. Ce n'est donc pas le moment d'augmenter la CRDS. La solution que nous proposons est une solution d'attente, peu onéreuse.
Oui, monsieur Vasselle, il faut élargir l'assiette des prélèvements. Nous continuons à le faire. Mais sur les allègements de charges, il faut agir avec prudence. N'oublions pas que nous parlons d'un montant de 22 milliards. Revenir sur les allègements, c'est augmenter le prix du travail, particulièrement des bas salaires. Je ne veux pas jouer avec le feu, au risque d'aggraver le chômage. J'ai demandé à mon directeur de cabinet de réfléchir au problème.
Les taxes comportementales sont déjà très productives. Sur les alcools forts, elles étaient de 22 % l'an dernier. Sur le tabac, qui produit 13,5 milliards, le poids des taxes est déjà de 80 %. L'augmentation sera de 6 %, elle répond à la demande des fabricants : 6 % sont déjà beaucoup en l'absence d'inflation. Le plan cancer, annoncé par le Président de la République, ne pourra qu'en bénéficier.
Je n'entrerai pas dans le débat sur la taxe professionnelle. (Assentiment) Nos débats à venir nous conduiront à y revenir largement, mais je prends note des excellentes remarques du rapporteur général. Nous sommes prêts à nous engager, le Président de la République l'a dit, dans la réforme des valeurs locatives. Elle se justifie pour les locaux commerciaux, et il faudra définir un calendrier pour les impôts sur les ménages. On n'y échappera pas.
La prime pour l'emploi, monsieur Foucault, ne peut plus se juger sans le RSA, qui représente 1,5 milliard de plus que ce qu'il remplace. Quant à réviser les assiettes des taxes, vous ne vous en êtes pas privés : la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle ne vous a pas choqué en son temps.
Merci à M. Guené de partager notre stratégie, merci à M. de Montesquiou de ses encouragements. (Rires)
Nous aurons, madame Bricq, un débat sur les collectivités locales. L'État leur transfère 90 milliards, tout compris. Il ne s'agit pas de se lancer des chiffres, mais d'avoir une conscience sereine de la logique qui articule l'effort de l'État et celui des collectivités. M. About s'est inquiété des dépenses contraintes des collectivités. Le problème est le même pour l'État. La rigidité des dépenses est préoccupante. Lorsque je demande à la direction du budget de remettre en chantier le dossier des dépenses, on commence toujours par me fournir des graphiques de rigidité...
Mme Le Texier a soulevé le problème de la Cades : le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous donnera l'occasion d'y revenir.
Prochaine séance mardi 27 octobre 2009, à 9 h 30.
La séance est levée à 20 h 45.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 27 octobre 2009
Séance publique
A 9 HEURES 30
1. Questions orales.
A 14 HEURES 30
2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009.
DE 17 HEURES A 17 HEURES 45
3. Questions cribles thématiques sur l'immigration.
A 17 HEURES 45 ET, ÉVENTUELLEMENT, LE SOIR
4. Proposition de loi relative au service civique, présentée par M. Yvon Collin et les membres du groupe du RDSE (n°612 rectifié, 2008-2009).
Rapport de M. Christian Demuynck, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°36, 2009-2010).
Texte de la commission (n°37, 2009-2010).