Fonds stratégique d'investissement (Question orale avec débat)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat de Mme Nathalie Goulet à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur le contrôle parlementaire de l'action du Fonds stratégique d'investissement.
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - Vous avez aujourd'hui à cette tribune un parlementaire heureux, car nous débattons d'un sujet qui m'est cher. En février 2008, j'ai rencontré les collaborateurs de Christine Lagarde pour leur présenter un projet de fonds souverain à la française. L'accueil a été mitigé, sauf de la part du chef du service juridique. Quelques semaines plus tard, j'ai proposé le même projet au service politique du Président de la République. En vain. Le 18 mars 2008, j'ai publié un article sur ce thème dans La Tribune.
C'est donc avec intérêt que j'ai suivi la création, en novembre 2008, du Fonds stratégique d'investissement (FSI), avec une participation de 51 % de la Caisse des dépôts et de 49 % de l'État. Il a été abondé initialement par la loi de finances rectificative du 14 janvier 2009, puis en juillet 2009 par des participations à hauteur de 20 milliards d'euros. Il s'agit d'un excellent outil et je ne souhaite pas porter un jugement sur les compétences des responsables du Fonds ou leur intégrité. Je souhaite seulement qu'ensemble nous en améliorions le fonctionnement.
Car je suis un parlementaire heureux, mais aussi très inquiet parce que nous n'avons aucune information sur les critères de choix et la stratégie du Fonds. La participation de députés et de sénateurs au conseil de surveillance de la Caisse des dépôts devrait nous rassurer, mais elle n'est pas synonyme d'information du Parlement. Nous devrions être également rassurés par les nouvelles dispositions de la loi de modernisation de l'économie (LME) qui renforcent la gouvernance et le contrôle de la Caisse des dépôts. Mais rien de tel pour le FSI, auquel aucun parlementaire ne participe statutairement.
Dans la revue Société civile, en 2007, notre rapporteur général du budget s'est exprimé dans un article intitulé : « La Caisse des dépôts et consignations au service d'elle-même : des centaines de milliards d'argent public sans contrôle ». La Caisse des dépôts, établissement public sui generis, est une sorte de monarchie absolue, en tout cas avant le vote de la loi LME. Philippe Marini, qui siège à la commission de surveillance, a indiqué dans cet article : « Les ordres du jour sont pléthoriques. Je ne crois pas que la présence du Parlement dans l'organe de surveillance soit aussi efficace qu'on le dit. » Les réunions, interminables, durent quatre ou cinq heures. « C'est la stratégie de l'étouffement... Ce système est largement obsolète. »
Mme Nicole Bricq. - C'est pour cela que nous l'avons réformé.
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - Examinons les opérations engagées par le FSI depuis sa création. Valeo, sous-traitant automobile, a bénéficié d'une prise de participation de 24 millions d'euros. Il est normal d'aider un secteur en crise, mais immédiatement après cette opération le dirigeant de cette entreprise a reçu une indemnité de départ de 3,2 millions. Un concert d'indignations s'est fait entendre, mais il était impossible de récupérer cette somme. Ensuite, Valeo a amélioré son chiffre d'affaires de 3,5 % et sa marge brute est de 310 millions, mais l'aide du FSI n'a évité ni les licenciements ni le versement du parachute doré.
Farinia, un groupe hollandais de fonderies, a reçu 20 millions. Cela n'a pas empêché cette société de licencier ni de racheter des entreprises à la casse sans se soucier de l'emploi. Nexans, société qui fabrique des câbles dans l'Aisne et dont parlera Antoine Lefèvre, a bénéficié d'une prise de participation de 58 millions. Elle a annoncé des licenciements. Or, participe à son conseil d'administration un directeur de la Caisse des dépôts, qui est également censeur d'Oseo. N'y aurait-il pas là une consanguinité assez discutable ?
Le FSI a une participation de 5 % chez Technip, société active dans le secteur pétrolier, qui n'a pas pourtant pas besoin de soutien ! Le Figaro a annoncé ce matin une prise de participation de 75 millions dans Dailymotion : si Nadine Morano gagne son procès, elle saura où faire exécuter la décision...
Cet outil stratégique est destiné à soutenir les entreprises sur fond de patriotisme économique, mais il faudrait instaurer des procédures et des garde-fous, et leur adjoindre au moins un comité d'éthique. La crise que nous traversons est en partie due à un laxisme en matière de contrôle, de gouvernance et de transparence. Depuis l'affaire Kerviel jusqu'à Lehman Brothers, le too big to fail a vécu. Un contrôle extérieur des investissements et de l'emploi des fonds publics est indispensable.
Au Québec, sur les quinze membres du conseil d'administration de la Caisse des dépôts, dix sont considérés comme indépendants. Leur assiduité et leur rémunération sont contrôlées. La transparence de l'établissement est totale. Les comptes sont approuvés par le vérificateur général du Québec, qui dépend exclusivement de l'Assemblée nationale. En Norvège, le Fonds stratégique d'investissement est doté d'un comité technique, qui bénéficie de pouvoirs de contrainte et s'assure que les investissements sont écolo-compatibles. Rio Tinto a été exclu du Fonds car cette entreprise minière fait courir de graves risques à l'environnement. Le ministre des finances a demandé au Fonds de céder sa participation dans cette entreprise, ce qui a été fait dans les deux mois.
Vous aurez à coeur, monsieur le ministre, de comparer la position du ministère des finances norvégien avec celle de la France dans l'affaire du tramway de la honte à Jérusalem. Le ministère des finances a exclu la société israélienne Elbit Systems Ltd des cibles du fonds de pension du Gouvernement. Elbit fournit en effet aux autorités israéliennes un système de surveillance, qui est l'une des principales composantes du mur de séparation entre Jérusalem et la rive occidentale, et de son régime de contrôle. Le système de surveillance a été spécialement conçu en étroite collaboration avec l'acheteur et n'a pas d'autres applications.
Le Fonds norvégien a donc refusé de financer l'entreprise Elbit, non en raison de sa nationalité, mais parce qu'elle contribue directement à la violation de la Convention de Genève en participant de la construction du mur.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Très bien !
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - Ont été également exclues de ce Fonds des entreprises spécialisées dans la fabrication d'armes telles que EADS ou, pendant un temps, Thalès, en raison de sa filiale qui fabriquait des bombes à fragmentation. Bref, nous sommes loin de la gouvernance de notre FSI !
Quelles améliorations apporter ? Tout d'abord, mettre au point un code éthique dont le respect serait contrôlé par un organisme extérieur, doté de pouvoirs de sanctions, conformément à la préconisation du FMI dans son document n°32. Ensuite, introduire des conditionnalités. Puisqu'il s'agit d'entreprises qui ont reçu des fonds publics, il faut remettre l'emploi au coeur du FSI -car qu'une société bénéficiaire du Fonds licencie, telle Nexans, est inconcevable !- et encadrer les rémunérations des dirigeants. Le Président de la République a affirmé devant le monde entier qu'il fallait moraliser le capitalisme. Eh bien, qu'il commence par le Fonds qu'il a créé ! Enfin, prévoir des règles de fonctionnement différentes pour les actions de soutien aux entreprises stratégiques et les participations à but prospectif et spéculatif, comme celle de 75 millions dans Dailymotion. L'analyse des dossiers complexes -je pense, notamment, à un armateur à Marseille en difficulté- doit être contradictoire en interne comme en externe. Il faut y associer les salariés et contrôler en détail les comptes et les filiales éventuelles de façon à appliquer pleinement le principe de précaution à la gestion de l'argent public. Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, ne disait-il pas devant le Sénat que la CDC serait « plus sélective dans ses investissements » ? Réglementation des procédures, contrôles extérieurs, principes de gestion prudentielle et code éthique, telles sont les bases à construire pour que le FSI trouve sa place dans notre économie. Quant aux participations des Fonds d'Abu Dhabi ou de fonds souverain chinois, si décriées il y a à peine quelques mois, il faudrait que les conventions soient visées par une autorité extérieure et leurs utilisations fléchées. Pour défendre la compétitivité de nos entreprises, le Fonds doit aussi veiller à sa notation internationale, qui est fonction de critères objectifs de gouvernance. Ensemble, n'hésitons pas à innover dans la transparence !
Le Fonds doit soutenir nos entreprises stratégiques, notamment les Chantiers de l'Atlantique pour lesquels le ministre sait que j'ai les yeux de Chimène, mais aussi nos milliers de PME qui maillent notre territoire, sans parler de l'agriculture et de la filière laitière pour laquelle un plan d'urgence vient d'être lancé. En cette période de disette budgétaire, tout le monde à froid... Veillons donc à ce que l'argent du contribuable soit bien employé. Nous avons tous à y gagner et la compétitivité de notre pays en sortira renforcée ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Aymeri de Montesquiou. - Le Président de la République a réagi efficacement à la tornade de la crise et à son cortège de craintes irrationnelles en lançant le plan de relance équivalent à 1,3 % du PIB. Dans ce contexte, est née l'idée du FSI, pour disposer d'une force de frappe souple et rapide. Sa dotation de 20 milliards, dont 14 en fonds propres et 6 en dotation numéraire, est à la fois modeste, quant aux besoins, et très importante au regard de nos capacités. C'est une première dans l'histoire économique de la France.
Son volume annuel est estimé à 2,5 milliards. Les deux actionnaires, la CDC et l'État, ont pour objectif de soutenir le développement des grandes entreprises dans les secteurs sensibles et des PME prometteuses ainsi qu'à sécuriser le capital d'entreprises stratégiques. Ce Fonds procède de l'émergence d'un nouvel équilibre mondial entre, d'une part, des pays dotés d'importantes ressources tels que les pays pétroliers et certains grands pays émergents en position offensive et, d'autre part, les principaux pays industrialisés qui disposent de groupes puissants et d'un savoir-faire reconnu. Son rôle est donc déterminant pour nos entreprises dans un marché international très concurrentiel. La gouvernance du Fonds met en pratique le conseil de David Ogilvy, le père de la publicité : « Encouragez l'innovation. Le changement est notre force vitale, la stagnation notre glas ».
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. - Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. - Le FSI ne prête pas, il investit. Ce Fonds est jeune : il a déjà investi 450 millions dans treize entreprises, dont six PME ; ce chiffre pourrait être doublé d'ici la fin de l'année.
Il est indispensable d'apporter des modifications à ce Fonds pour renforcer son efficacité envers les PME. Celles-ci représentent, en effet, le plus grand bassin d'emplois et un tissu vital pour la France, mais sont structurellement sous-capitalisées, ce qui les empêche de développer les technologies qu'elles ébauchent. Avec la crise, leur situation économique est devenue dangereusement critique. Le FSI cible aujourd'hui les PME avec un potentiel de croissance et d'innovation et refuse d'être la voiture-balai des entreprises en difficulté. Faut-il privilégier certains secteurs innovants comme l'ont fait les Japonais dans les années 1960 en se concentrant sur les appareils-photos, les télévisions et les caméras avec succès, ou considérer l'économie de façon horizontale en investissant dans les entreprises déterminantes pour le futur ? Puisque nous avons choisi de soutenir une politique industrielle, il faut privilégier les entreprises stratégiques. Les PME jouent un rôle clé dans l'innovation, mais manquent de fonds propres pour se consacrer à une coûteuse prospection et se protéger par des brevets mondiaux ou, même, européens. Ces entreprises ont besoin d'investisseurs de confiance, stables. La solution alternative de sécurisation que propose le FSI pour les entreprises stratégiques est donc une excellente initiative. Mais ne faudrait-il pas, pour les dossiers errants qui ne trouvent pas de guichet et présentent, selon le président Arthuis, un risque systémique, créer un fonds spécifique ? Les très petites et moyennes entreprises ont de grandes difficultés à accéder au crédit : selon une étude récente, 15 000 ont saisi le Médiateur du crédit ces neuf derniers mois.
La baisse de 10,8 % depuis juillet 2008 du crédit de trésorerie aux entreprises est inquiétante.
Le plan FSI-PME, lancé le 5 octobre 2008 par le Président de la République, prévoit de renforcer les investissements en faveur des PME. Ce programme équilibré comprend quatre outils : l'apport en fonds propres en direct, l'intervention via les fonds habituels, le Fonds de consolidation des PME et, surtout, la création d'obligations convertibles. Un an après, un premier bilan vous est demandé, monsieur le ministre.
Comment associer le Parlement à la gouvernance et au contrôle des choix du FSI ? Le Président de la République s'est engagé à ce que les parlementaires membres du conseil de surveillance suivent de près l'action de ce Fonds et participent à son orientation. Je pense que ce contrôle parlementaire peut être renforcé. Le Parlement n'a été associé ni à l'organisation, ni à la gouvernance de ce Fonds. La commission de surveillance de la CDC compte bien sûr des membres des deux assemblées mais le rapport remis au Parlement est une information a posteriori. Davantage de contrôle et de transparence sont nécessaires dans l'action même du FSI : l'importance des montants engagés, le caractère stratégique de son intervention et son entière responsabilité dans la gestion de ses actifs imposent que le Parlement soit pleinement associé à la gouvernance et au contrôle du FSI. Je partage la demande de Mme Goulet d'une réflexion commune sur l'opportunité de mettre en place un pilotage spécifique des actions du Fonds. En conclusion, je citerai Sir Winston Churchill « Que la stratégie soit belle est un fait, mais n'oubliez pas de regarder le résultat ». C'est le rôle du Parlement. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Pierre Fourcade. - Je remercie Nathalie Goulet d'avoir attiré notre attention sur ce problème. Ce Fonds stratégique d'investissement était une bonne idée mais son fonctionnement pose quelques questions.
Comme rien n'est simple en France, les modalités de contrôle de ce Fonds sont compliquées. Elles débutent par la Caisse des dépôts et consignation (CDC) et sa commission de surveillance, elles continuent par le contrôle parlementaire pour finir avec l'Agence des participations de l'État (APE). Moi-même, en tant que rapporteur spécial de cette agence, j'ai regardé de plus près le fonctionnement de ce Fonds stratégique.
En revanche, et contrairement à Mme Goulet, je ne suis pas partisan d'une participation parlementaire à la gouvernance de ce Fonds et, d'une façon générale, je récuse toute association de parlementaires à quelque gouvernance que ce soit : ce n'est pas leur rôle et c'est inefficace. Le droit de contrôle des parlementaires américains ou britanniques est total, bien plus grand que celui des parlementaires français, mais ils s'en tiennent là et ne sont impliqués dans aucun mécanisme de gouvernance.
Comment le FSI gèrera-t-il les 14 milliards de participations qui lui ont été transférés ? Est-il outillé pour le faire, les fera-t-il fructifier en en conférant la gestion à la Caisse des dépôts, actionnaire majoritaire ?
Autre question : le ciblage des investissements. Le Fonds n'a pas vocation à aider les entreprises en difficulté. J'avais dans le temps créé à cet effet le Comité interministériel de restructuration industrielle le Ciri, et il n'est pas bon de multiplier ce genre d'organismes. Au contraire, le Fonds doit se concentrer sur les entreprises capables de se développer, de créer des emplois et d'accroître la compétitivité globale du pays qui manque d'entreprises moyennes -jusqu'à 5 000 salariés- jouant un rôle à l'international.
Le Fonds peut-il aider les entreprises en restructuration ? A cette question, il faut répondre sans tabou et sans réglementation préétablie : si une entreprise est capable de se développer, même au prix d'un plan social et d'un plan de restructuration, il faut l'aider ; le Fonds ne peut se contenter d'investir dans les entreprises qui font la splendeur du CAC 40.
Le grand emprunt servira-t-il à augmenter la masse des crédits du FSI ? Quel rôle peut-il jouer compte tenu des orientations déterminées par la commission savante ?
Je m'interroge aussi sur la cohérence de l'action publique en faveur de notre compétitivité. Après les annonces du Président de la République, quatre organismes -plus leurs filiales- sont concernés : le Fonds stratégique, Oséo, l'Agence des participations de l'État, la CDC et sa filiale CDC-Entreprises. Comment le chef d'entreprise de base s'y retrouverait-il ? Le président d'Oséo a expliqué à notre commission des finances qu'il dispose des prêts participatifs et les obligations convertibles seraient réservées au Fonds stratégique... Chacun défend sa paroisse et il serait bon de décloisonner un peu. D'un autre côté, le guichet unique ne serait pas la solution car les interventions du FSI respectent les règles du marché.
Un parlementaire fait partie du Comité d'orientation du Fonds : ce n'est pas bon ; le rôle du FSI est d'investir, celui du Parlement est de contrôler ! Et si, avec 20 milliards de dotations, ce Fonds parvient à développer des PME capables de doper notre commerce extérieur, nous aurons tout gagné. Dans un premier temps, la France cessera de reculer, puis elle regagnera des parts de marché. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Thierry Foucaud. - Les parlementaires du groupe CRC-SPG ont pour eux de s'être interrogés, lors de la création du Fonds stratégique d'investissement, sur les missions de ce qui nous était présenté comme un fonds souverain à la française.
Un rappel : sans doute inspiré par le Fonds norvégien Statoil, qui gère le produit des investissements gagés sur les ressources énergétiques afin de financer la protection sociale, le Président de la République a souhaité mettre en place un fonds français pour répondre aux défis de la désindustrialisation. Vingt milliards d'euros ont été mis sur la table, moitié par l'État et moitié par la Caisse des dépôts. Certains ont à l'époque qualifié de colbertiste cette réponse à l'hémorragie d'emplois et d'activités industrielles. Le Fonds stratégique d'investissement est donc une filiale de la Caisse des dépôts, elle-même placée sous le contrôle du Parlement, mais son existence juridique est ténue, son acte de naissance se limitant à l'article 5 de la loi de finances rectificative de février dernier. Nous avions à l'époque relevé que sa gestion était conjointement confiée à Augustin de Romanet de Beaune et au président de PSA, qui sortait d'un plan social massif à Rennes. « Avec une telle carte de visite, ça promet », constations-nous. La Caisse des dépôts avait apporté 3 milliards de cash. Comment ? En cédant 35 000 logements sociaux, principalement en proche banlieue : pour financer des prises de participation prétendument publiques, on commence par dilapider le logement social ! Qui plus est, non content d'avoir fait appel à un cadre dirigeant de PSA, on choisit pour directeur général le fils du ministre de la relance...
La priorité à l'emploi et aux activités industrielles est la raison d'être de ce Fonds, mais quelques salariés d'entreprises recapitalisées par ses soins n'ont pas la même lecture. Il y a loin de la coupe aux lèvres, et des intentions aux faits. En voici un exemple. Certes, je l'ai tiré de L'Humanité mais les faits sont les faits, et Mme Goulet avait cité Le Figaro.
« L'État boursicote, les salariés trinquent » a titré le journal. Le Fonds stratégique d'investissement était « l'arme anti-crise » de Sarkozy ; il s'est transformé en bombe contre l'emploi. Dans l'Aisne, la société Nexans va raser un de ses berceaux avec l'aide de l'argent public. Et de résumer le scandale en deux chiffres, 60 millions d'aide, 387 chômeurs.
Depuis 1922, Chauny vit au rythme de ses usines de câbles, de la Compagnie générale d'électricité jusqu'à Nexans. Cette multinationale à base française emploie 22 400 salariés dans le monde dont 3 000 en France ; elle dégage une marge opérationnelle et a bénéficié de 60 millions de la part du Fonds stratégique d'investissement tant vanté par Nicolas Sarkozy. Trois mois plus tard, ces largesses permettent à Nexans de saccager l'emploi et de réduire ses effectifs de 14 % au motif qu'on ne peut investir dans des unités déficitaires. Le vacarme monte. Un délégué syndical CGT réclame une entrevue avec Gilles Michel, le directeur général du Fonds, qui devait servir à défendre les fleurons de l'industrie et l'emploi en France, pas à préparer les restructurations et les délocalisations.
A Paris, au Conseil d'orientation stratégique, les syndicats sont en colère. Ils n'avaient aucune information sur le projet -ils n'ont que celles qu'on veut bien leur donner. Le patron de Nexans se sert du Fonds stratégique d'investissement pour améliorer ses fonds propres, mais circulez, il n'y a rien à voir...
L'installation de Chauny est la plus performante coulée de cuivre en Europe et la plus productive. Tout est doublé, c'est unique au monde. La direction, pourtant, n'en a cure : la valeur ajoutée n'est pas suffisante. Quant aux as de la finance du Fonds stratégique d'investissement, ils se défendent de s'immiscer dans la stratégie de Nexans au motif que les entreprises n'accepteraient pas qu'il entre à leur capital si elles ne gardaient la main. Opacité totale pour les salariés, transparence totale pour les patrons ! Fin juillet, lors de l'entrée du Fonds stratégique d'investissement à son capital, le patron de Nexans se félicitait bruyamment : « le Fonds connaît les enjeux auquel un groupe doit faire face ». Il connaît d'autant mieux la situation que le président de CDC entreprises siège à son conseil -un détail à la limite du conflit d'intérêt. Et Nexans provisionne pour les restructurations, reçoit 60 millions du Fonds et distribue... 50 millions à ses actionnaires. Le Fonds stratégique d'investissement est un fonds d'investissement comme les autres et, aussi rapace qu'eux, il ne crache pas sur les licenciements boursiers.
Cela détermine le sens à donner à la réponse à la question de Mme Goulet. Le Fonds doit être placé sous la responsabilité de la Caisse des dépôts et de sa commission de surveillance, où siègent des parlementaires. L'argent public est une denrée trop précieuse et trop rare pour financer des externalisations et des plans sociaux dont souffrent les salariés, leurs familles et les territoires.
Au-delà des étranges choix stratégiques, il faut souligner l'absence d'information des salariés. On ne peut faire le bonheur des gens contre leur gré ainsi qu'on s'y efforce depuis 2007. Les salariés de ce pays s'intéressent à la gestion de l'entreprise où ils travaillent. Nexans tirera pleinement profit de la réforme de la taxe professionnelle, cette mesure phare du budget 2010 et qui servira à financer son plan social. Si le Fonds stratégique d'investissement doit être le complice des plans sociaux, comme c'est aussi le cas chez Technip ou Valeo, si des aventuriers promettent monts et merveilles ainsi qu'ils l'ont fait chez Thomé Genot, alors il y a purement et simplement détournement des fonds publics. Il est grand temps que le Fonds stratégique d'investissement soit soumis au contrôle parlementaire, qu'il réponde à une éthique et associe pleinement les salariés à l'évaluation de son efficacité. Nous nous attacherons à faire valoir cette exigence. (Applaudissements à gauche)
M. Claude Biwer. - Je serai moins pessimiste que mon prédécesseur. Je remercie Nathalie Goulet dont la question nous donne l'occasion de traiter du financement de nos entreprises. La création du Fonds stratégique d'investissement procède de la volonté du Président de la République de les aider à financer leurs projets de développement d'une manière stable.
Ce Fonds a pour mission de soutenir le développement des PME prometteuses qui rencontrent des problèmes de financement, de sécuriser le capital d'entreprises stratégiques et d'aider temporairement des entreprises à fort potentiel et des projets industriels novateurs.
Pour être efficace, le FSI doit investir dans des projets rentables, ne prendre qu'une part minoritaire dans le capital des entreprises, collaborer avec des investisseurs privés et éviter de placer des fonds à long terme : il lui faut faire tourner son portefeuille afin de disposer des liquidités nécessaires pour agir vite.
En créant ce Fonds stratégique, le Président de la République avait sans doute en tête le rôle de plus en plus important des grands fonds souverains du Moyen-Orient, de Chine, de Russie et de Norvège. Mais ceux-ci ont adopté une stratégie offensive, alors que celle du FSI est défensive, à cause de sa faible capitalisation -20 milliards d'euros, dont 14 milliards de participations déjà détenues par la CDC et l'État dans de très grandes entreprises- qui le situe seulement au vingtième rang mondial des fonds souverains.
A la tête du FSI, on trouve un conseil d'administration présidé par le directeur général de la CDC, un directeur général, ainsi qu'un comité d'investissement et un comité d'orientation composé de représentants des entreprises et des syndicats auxquels s'ajoutent des personnalités qualifiées. Comment se fait-il que le Parlement n'y soit pas représenté ? M. Fourcade ne le souhaite pas mais la circulation de l'information nécessite que le Parlement soit associé aux travaux du Fonds d'une manière ou d'une autre.
Quant aux syndicats, représentés au sein du comité d'orientation, ils ne sont pas vraiment informés de ce qui s'y passe : près de chez moi, une entreprise ardennaise a été aidée alors qu'elle licencie une partie de son personnel.
Les parlementaires sont informés des choix d'investissement du Fonds par voie de presse, qu'il s'agisse des aides consenties à Valeo, Farinia, Daher ou au groupe Heuliez pour développer son véhicule électrique. Ces choix, il faut le reconnaître, sont cohérents avec les politiques définies ici.
Nombreuses sont les PME qui continuent à souffrir de la frilosité des banques. Le Président de la République et le Gouvernement l'ont bien compris, qui ont décidé de lancer un plan d'aide aux PME : le FSI a annoncé ce mois-ci un programme FSI-PME doté, je crois, d'1,5 milliard d'euros.
Ce programme, qui est destiné aux secteurs stratégiques, devrait aussi servir à venir en aide aux entreprises agricoles et agro-alimentaires, qui souffrent d'une grave crise. Les productions agricoles sont d'un intérêt stratégique au niveau mondial : la Chine et l'Inde l'ont bien compris, qui ont décidé d'acquérir plusieurs milliers d'hectares de terres cultivables en Afrique pour y développer de nouvelles cultures.
La France est dotée d'un potentiel agricole parmi les plus importants du monde. Mais aujourd'hui, la crise touche les producteurs de lait, de fruits et légumes, de céréales, comme l'ensemble des éleveurs. Le groupe de l'Union centriste estime qu'il faudrait un plan de 675 millions d'euros pour la filière laitière, sous forme de prêts consentis par le FSI, sur le modèle des prêts accordés aux banques mais avec de faibles taux d'intérêt.
Nous espérons que le Gouvernement sera sensible au désarroi des chefs d'entreprise et fera en sorte que le FSI serve à tous les secteurs économiques qui en ont besoin. L'amélioration de notre politique d'investissement doit se poursuivre et une meilleure communication est nécessaire pour qu'aucune entreprise ne reste sur le bord du chemin. Quant aux élus, souvent sollicités, ils doivent pouvoir relayer l'information et accompagner votre démarche. (Applaudissements au centre et à droite ; M. Martial Bourquin applaudit également)
Mme Nicole Bricq. - A travers son interrogation sur l'organisation, la gouvernance et les choix du Fonds stratégique d'investissement, Mme Goulet soulève la question du rôle de la Caisse des dépôts et consignations et celui du contrôle parlementaire sur cette institution. Depuis la loi de modernisation de l'économie, la CDC est placée sous la garde d'une commission de surveillance dont je fais partie, en tant que représentante de l'opposition sénatoriale. C'est donc avec grand plaisir que je participe à ce débat.
Le FSI est né de la volonté du Président de la République. Dans un langage qui n'appartient qu'à lui, celui-ci exposait en ces termes sa conception du fonds : « Je veux que l'on arrête le processus de délocalisation. L'État est là et, naturellement, quand la situation sera meilleure, on revendra notre part. S'il le faut, on prendra un bénéfice, tant mieux pour le contribuable ! ». Vision simplificatrice ? Peut-être. Vision circonstancielle, certainement, qui fait du FSI un pompier dans la crise.
La commission des finances a auditionné, le 20 avril dernier, M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la CDC, M. Augustin de Romanet, son directeur général, et M. Gilles Michel, directeur général du FSI. Celui-ci a déclaré que « la mission du FSI est d'investir dans les entreprises françaises afin de renforcer la compétitivité de notre pays. A cet égard, le Fonds prend en compte la rentabilité de l'opération et le retour sur investissement, qui sont des conditions de la pérennité du FSI, et le projet économique de l'entreprise ». Entre ces deux conceptions, il y a plus qu'une nuance. L'incertitude sur les critères présidant aux choix d'investissement du Fonds suscite donc l'inquiétude des élus.
Ce qui intéresse la commission de surveillance, c'est le « S » du FSI : la stratégie. Elle s'interroge avec opiniâtreté sur les choix stratégiques de l'institution, sur sa politique, destinée à muscler notre appareil productif pendant la crise et en vue de la sortie de crise. Elle auditionne régulièrement le directeur général et fait le point tous les quinze jours. M. Bouvard est d'ailleurs l'invité permanent du comité d'investissement.
Le Parlement pose la seule question qui vaille : la France a-t-elle une politique industrielle ? Une société, fût-elle constituée par des fonds publics, peut-elle être le seul lieu de définition d'une stratégie industrielle ? Certainement pas. Après l'éphémère Agence pour l'investissement industriel de M. Chirac, nous doutons de l'efficacité du Fonds stratégique d'investissement de M. Sarkozy. Notre appareil productif était déjà bien faible avant la crise : il souffrait, comme l'a dit M. Fourcade, du manque de grosses PME capables d'être offensives sur les marchés mondiaux. La crise a tout bouleversé. Les nouvelles puissances industrielles, Brésil, Russie Inde, Chine, ont vu leur production repartir, tandis qu'en Europe elle s'est tout juste arrêtée de chuter, mais les investissements sont gelés. L'Union européenne a besoin d'une politique industrielle coopérative, qui privilégie l'innovation et l'écologie. Le FSI est loin de traduire cette ambition.
Les états généraux de l'industrie annoncés par le Gouvernement suffiront-ils à guérir notre industrie malade ? Le grand emprunt saura-t-il préparer l'avenir ? Nous aurons l'occasion de revenir sur ces questions lors de la discussion de la loi de finances initiale, et surtout de la loi de finances rectificative d'ores et déjà prévue pour faire suite aux recommandations de la commission « savante », selon le mot de M. Fourcade, présidée par MM. Rocard et Juppé.
En revanche, les parlementaires siégeant à la commission de surveillance doivent contrôler les investissements du FSI mais aussi, le moment venu, les cessions éventuelles des actifs qui lui ont été transférés par l'État et par la Caisse des dépôts, qui est son actionnaire principal. Face à l'autonomie d'initiative et de décision dans la gestion de ces actifs, telle qu'elle a été revendiquée par le directeur général du FSI, la marge est étroite.
La croissance du FSI est un défi pour la Caisse des dépôts et consignations. Il lui faudra concilier sa présence au FSI avec son rôle d'investisseur de long terme que la loi de modernisation de l'économie (LME) lui a confié. En outre, durant cette période, la Caisse des dépôts a été sur tous les fronts : elle a joué son rôle d'actionnaire historique chez Dexia, elle a transféré des actifs et des crédits au FSI, assuré la gestion des fonds d'épargne après la banalisation du livret A, veillé au respect du niveau des ressources fixé par la loi LME, accru ses financements en faveur du logement social, contribué au plan Université, assuré la trésorerie de l'Acoss et, enfin, versé sa contribution de 900 millions au budget de l'État. En même temps, les sollicitations multiples faites à la Caisse durant la crise ont mis en lumière la nécessité de redéfinir ses relations financières avec l'État. Ce travail est en cours à l'initiative de la commission de surveillance et de son président.
Depuis la loi LME, la commission bancaire, via la commission de surveillance, examine les activités bancaires et financières, et donc les ratios de fonds propres. Un comité des investissements vise toutes les cessions et acquisitions : lors de la loi de finances rectificative portant plan de relance, le groupe socialiste a soutenu M. Arthuis avec le groupe centriste quand il a voulu encadrer le décret en Conseil d'État du Gouvernement sur les bonus, les retraites « chapeau » et les rémunérations variables. Nous avons ainsi précisé les conditions dans lesquelles les actions gratuites, les stock-options et les bonus ne seront plus attribués durant la durée de la crise aux dirigeants et mandataires sociaux de toute entreprise, directement « ou indirectement » aidée par l'État. Le FSI fait partie de cette dernière catégorie. Le contrôle du Parlement peut donc être effectif : il suffit que les parlementaires se saisissent de leurs droits.
Puisque la Caisse des dépôts est placée sous notre contrôle, il faudrait que le Sénat, qui a beaucoup travaillé sur la loi LME, en fasse l'évaluation complète. J'invite le groupe centriste à appuyer la demande que nous faisons à chaque Conférence des Présidents. A ce moment-là, nous exercerons pleinement nos droits et nos attributions. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. André Trillard. - Notre collègue Nathalie Goulet appelle notre attention sur l'importance du contrôle parlementaire de l'action du Fonds stratégique d'investissement, dont la création a été décidée en 2008 par le Président de la République et qui fonctionne depuis le début de cette année. Doté aujourd'hui de 20 milliards, le FSI a investi depuis sa création 450 millions dans treize entreprises. Ce montant aura doublé d'ici la fin de l'année.
Le Parlement doit encourager tout investissement du FSI portant sur des entreprises stratégiques ou d'avenir, pas seulement dans les technologies ou l'économie verte mais aussi dans tous les secteurs de pointe ainsi que dans les transferts de technologies entre militaire et civil. Le FSI doit se concentrer sur les investissements d'avenir hautement technologiques. Certes, nous aurons ce débat lors du collectif budgétaire de janvier 2010 sur le grand emprunt mais la problématique reste la même : l'État doit concentrer ses dépenses et ses investissements dans ces domaines stratégiques ou à fort potentiel de croissance. C'est pourquoi je me félicite de certains investissements réalisés par le FSI cette année. Ainsi en est-il des 160 millions dans l'entreprise Gemalto, leader mondial dans les technologies numériques stratégiques. Cet investissement a permis de sécuriser 8 % des actions mises en vente par le deuxième actionnaire américain. Citons également les 2 millions investis par le FSI pour financer la croissance de Led To Lite, une petite entreprise très innovante dans le domaine de l'éclairage à base de Led haute luminosité.
Concernant les domaines des technologies militaires et civiles stratégiques, je me félicite que le FSI ait investi plus de 65 millions dans l'entreprise Daher, qui fournit des équipements et des services pour l'aéronautique, le nucléaire et la défense et dont la structure capitalistique familiale limitait la capacité de développement, ce qui posait des problèmes de partenariat à Airbus et au groupe EADS. Daher a repris Socata à Airbus et vient de lancer la construction d'une nouvelle usine à Nantes pour la fabrication d'aérostructures de pointe. Je n'y suis pas insensible, étant sénateur de Loire-Atlantique. L'investissement du FSI dans Daher a permis de soutenir le programme d'investissements de l'entreprise et de financer l'implantation dans mon département d'une nouvelle usine qui produira des composants pour l'A350 et le futur A400M.
Aujourd'hui, le FSI intervient directement dans le financement du secteur aéronautique par l'intermédiaire des fonds public-privé Aerofund 1 et Aerofund 2 qu'il abonde à hauteur de 20 à 30 % chacun. Le niveau d'investissement des entreprises dans la recherche et développement figure parmi les principaux critères d'investissement du FSI, quel que soit le secteur.
D'une manière plus générale, l'orientation stratégique du Fonds doit reposer sur l'amélioration de la compétitivité et de la position concurrentielle des entreprises, afin de dynamiser l'emploi, la recherche et les exportations. Le critère essentiel doit être la rentabilité des capitaux investis. Le rendement du capital en France demeure en effet encore largement inférieur à la moyenne de nos concurrents. Il n'y a aucune raison de s'en glorifier. L'objectif fixé par le président du FSI d'un retour sur investissements de 10 %, doit être tenu. Le rôle du Parlement est d'y veiller. (Applaudissements à droite)
M. Martial Bourquin. - Je remercie Nathalie Goulet d'avoir demandé l'inscription à l'ordre du jour de cette question déterminante pour notre politique industrielle : le FSI dispose en effet de 20 milliards de fonds propres dont 14 en participations. Ces sommes considérables impliquent que nous soyons étroitement associés à un contrôle financier en temps réel mais surtout à la destination de ces fonds.
Quand la Caisse des dépôts a été créée en 1816, après l'épisode des Cent jours, sa devise était « de restaurer la confiance du citoyen dans le crédit d'État ». Cette exigence est d'une saisissante actualité. Quand l'État intervient massivement pour aider Valéo, et qu'ensuite on apprend l'existence d'un parachute doré, comment ne pas s'indigner ? La confiance suppose que nos concitoyens sachent que les investissements publics sont transparents, efficaces et stratégiques. Or, je ne suis pas persuadé que tous ces objectifs soient atteints.
Cette après-midi, des milliers de salariés vont manifester contre les licenciements dans l'industrie : un point sur le fonctionnement du FSI s'imposait donc. J'appartiens au pays de l'automobile, à Sochaux : aujourd'hui, de nombreuses PME et TPE de ce secteur connaissent des difficultés financières. Elles sont souvent innovantes, ont beaucoup investi dans l'ingénierie, mais sont confrontées à des difficultés financières majeures. En même temps, de grands constructeurs continuent à confondre compétitivité nationale et stratégie low cost qui n'aboutit, en définitive, qu'à retarder les innovations. Chercher à tout prix la baisse des standards sociaux, délocaliser systématiquement est à l'opposé d'une stratégie innovante. En externalisant au-delà de nos frontières certaines productions, ces entreprises empêchent notre pays d'être à la pointe de l'innovation.
J'ai demandé qu'une commission d'enquête parlementaire se constitue sur les aides et les prêts dédiés à la filière automobile : le FSI a en effet prêté 200 millions au Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) et plusieurs dizaines de millions supplémentaires vont suivre pour créer un fonds pour les sous-traitants automobiles de deuxième rang. Or, nous ne connaissons toujours pas les critères industriels et économiques qui conduisent à rendre éligibles telle ou telle entreprise. Cette situation n'est pas normale. Pourquoi une telle obscurité ? Pourquoi le Parlement ne ferait-il pas régulièrement le point sur ces aides ? Le FSI a publié une liste de huit entreprises qui ont été aidées dans le cadre du FMEA. Combien se sont heurtées au front du refus, et pour quelles raisons ?
Je souhaite que les parlementaires soient davantage associés sur le terrain, (Mme Nicole Bricq approuve) comme d'ailleurs les salariés et leurs représentants. Nous ne pouvons pas ici nous pencher sur le cas de milliers d'entreprises, mais nous pouvons le faire dans nos départements au sein des cellules de veille. Je suis membre du groupe sénatorial sur l'automobile, je n'ai jamais eu l'occasion de débattre des modalités d'attribution des aides à ce secteur. C'est regrettable. Les collectivités locales, très engagées dans le soutien à l'économie, ont le plus grand mal à comprendre les rouages des décisions, notamment celles du FSI. Le Fonds gagnerait à plus de transparence. En Europe du nord, les salariés sont systématiquement associés aux décisions, ils siègent dans les conseils d'administration ; pourquoi n'est-ce pas le cas en France ? Nous voulons, ils veulent faire valoir leur connaissance du terrain.
D'après les informations dont nous disposons, le FSI sélectionne les dossiers selon des critères strictement économiques, auxquels nous ne souscrivons pas toujours. Nous vivons une crise sans précédent ; ce n'est pas parce que les banques, qui ont reçu des aides d'État impressionnantes, se sont refait une santé sur le dos de leurs clients que l'économie va mieux.
M. René-Pierre Signé. - En effet !
M. Martial Bourquin. - L'année 2010 sera très difficile. Il faut repenser le fonctionnement du FSI dans ce cadre. Le problème le plus prégnant, pour les PME, c'est l'insuffisance de fonds propres et le manque de cash. Si nous laissons faire le marché, nous allons perdre beaucoup d'entre elles, qui pourtant investissent et innovent. Les banques hier au bord de la faillite ont retrouvé de confortables marges de manoeuvre, elles veulent vite rembourser l'État pour pouvoir se voter des bonus, (marques d'approbation sur les bancs socialistes) mais le crédit aux entreprises et aux particuliers a régressé d'un quart en 2009. Vous ne pouvez laisser faire cela, monsieur le ministre.
Les aides du FSI doivent être réorientées en fonction de critères plus pertinents : au premier chef la création d'emplois, l'environnement, l'aménagement du territoire, le maintien des filières, le développement industriel, l'innovation. Les deux grands constructeurs automobiles nationaux ont reçu des aides très importantes ; nous en étions d'accord. Mais tandis que PSA relocalise à Sochaux un centre d'ingénierie, Renault continue de délocaliser et M. Ghosn, aux états généraux de l'automobile, ne parle que du coût de la main-d'oeuvre en France... L'entreprise Trèves, qui a reçu 55 millions d'euros du FSI, a un projet de délocalisation en Afrique du nord ; il y a certes des marchés à prendre, mais on ne peut se contenter de mettre les salariés d'ici et de là-bas en concurrence -ce qui se traduit par la fermeture d'unités de production en France. (Mme Nathalie Goulet approuve)
Nos compatriotes ne supportent plus ces façons de faire. Le FSI doit pouvoir attribuer des primes à la relocalisation et à l'innovation afin d'encourager les entreprises, non à faire régresser les standards sociaux et à licencier chez nous, mais à y recréer de la dynamique industrielle. Quand l'État met de tels moyens sur la table, il doit agir dans la transparence, avec le souci d'en faire les vrais leviers d'une politique industrielle digne de notre pays.
J'attends, monsieur le ministre, des réponses précises. Le temps presse, nous ne voulons pas que 2010 voie une explosion d'un chômage qui a déjà atteint les limites du supportable. Préservons ces joyaux de notre tissu économique que sont les PME. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Antoine Lefèvre. - La question de Mme Goulet me permet d'évoquer la situation dans mon département de l'Aisne. La ville de Chauny accueille deux des sites du fabricant français de câbles électriques Nexans, leader mondial dans ce domaine, qui emploie 24 000 salariés dans le monde, dont 3 000 en France. Cette entreprise, qui exerce son activité dans un secteur sensible et de haute technologie, maîtrise toute la chaîne de production, depuis le minerai de cuivre jusqu'aux produits finis. Son action en bourse n'a cessé de progresser ces derniers mois, au point que les marchés évoquent « une situation financière parmi les plus saines de son secteur lui permettant de se développer sur des segments à forte valeur ajoutée ». Nexans vient de signer des contrats de 3,3 millions d'euros en Turquie et de 2 millions en Arabie Saoudite, un autre pour équiper l'aéroport international du Caire.
Mais elle vient d'annoncer la fermeture de l'unité de Chauny, qui compte 220 salariés -soit 14 % des effectifs sur le territoire français ; 53 emplois vont aussi disparaître à Fumay, dans les Ardennes, après 123 en 2003. Or, Nexans a bénéficié de 58 millions d'aides du FSI. Le Président de la République avait assigné au Fonds l'objectif de contribuer à maintenir sur le territoire national une industrie et des services, pour ne pas faire de la France « une simple réserve pour touristes ». Nexans semble avoir un bel avenir et a distribué 56 millions d'euros à ses actionnaires ; son carnet de commandes ne justifie pas ces importantes suppressions d'emplois et fermeture de sites. (Mme Nathalie Goulet approuve) Les acteurs locaux ne peuvent le comprendre, au moment où l'Observatoire économique des Urssaf de Picardie relève que l'Aisne a perdu 7 % de son emploi salarié au deuxième trimestre.
Or le FSI connaît d'autant mieux la stratégie de Nexans qu'un des membres de son comité exécutif siège au conseil d'administration de l'entreprise depuis 2007.... Tout comme Mme Goulet, je m'interroge sur les choix et la gouvernance du FSI. Je vous remercie, monsieur le ministre, des éclaircissements que vous voudrez bien m'apporter ; je souhaite que vous restiez attentif à la situation des salariés de Nexans, qui rencontreront demain le préfet et les élus. (Applaudissements)
M. Jean-Paul Virapoullé. - Je remercie à mon tour Mme Goulet d'avoir permis ce débat. Je partage les analyses et les interrogations que M. Bourquin a formulées avec émotion car en d'autres temps et dans d'autres secteurs économiques j'ai connu des crises semblables, faites de délocalisations et de fermetures de sites.
Le Président de la République a eu le courage de créer le FSI. Je représente ici une autre facette de la France, une de ces régions ultrapériphériques que l'Europe considérait hier comme une charge mais aujourd'hui, je m'en félicite, comme une chance pour l'Europe.
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - Enfin !
M. Jean-Paul Virapoullé. - Puisqu'il en est désormais ainsi, puisqu'un fonds largement doté a été créé, nous en voulons notre part. Nous sommes les représentants de la puissance maritime de la France, nous participons à la conquête spatiale, des Kerguelen à Saint-Pierre-et-Miquelon nous possédons la plus grande diversité marine du monde, nous sommes au coeur de la problématique du changement climatique. Nous apportons tous ces atouts.
L'intervention du Fonds stratégique permettrait de valoriser la forêt non en abattant ses arbres, mais en développant la pharmacopée.
Il n'y a en outre aucune raison que nous soyons les laissés-pour-compte des nouvelles technologies.
Je propose donc de créer un Fonds d'intervention de proximité (FIP) dédié aux DOM pour y soutenir l'essor des nouvelles technologies de l'information et de communication, mais aussi les énergies renouvelables. Sur ces deux points, la Réunion sera une région de pointe : nous visons l'autonomie énergétique ; pour certaines nouvelles technologies, nous portons déjà les couleurs de la France ! Il reste à réduire la fracture numérique avec l'accès au haut débit, voire au très haut débit.
Je partage les inquiétudes formulées par les collègues de métropole et je fais miennes leurs légitimes interrogations.
Vous voulez faire de l'outre-mer une chance ? Alors, donnez-nous un coup de main pour que nous soyons, avec vous, un fleuron de la France ! (Applaudissements à droite et au centre ; M. Martial Bourquin applaudit aussi)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. - Le FSI s'inscrit dans l'action de l'État face à une crise majeure sans précédent, dont les conséquences affectent l'emploi et les entreprises sur l'ensemble du territoire national, en métropole et outre-mer. Le Président de la République, le Gouvernement et le Parlement affrontent cette crise au lieu de la subir.
Pour tous les pays, notamment pour ceux du G20, stabiliser le système financier a constitué l'objectif prioritaire. Mais dès le mois d'octobre 2008, la France a décidé de soutenir le financement de ses PME. Cette attention particulière caractérise notre politique.
Le Gouvernement a donc bâti un véritable arsenal, en affectant 27 milliards d'euros au soutien financier des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), notion reconnue par la loi du 4 août 2008. Certains orateurs ont rappelé qu'elles étaient deux fois plus nombreuses en Allemagne qu'en France. Simultanément, nous avons créé la médiation du crédit, une instance innovante pérennisée au moins jusqu'à la fin 2010, qui a joué un grand rôle pour accompagner localement les PME. Les compléments d'assurance-crédit publics ont été mis au point.
Bien sûr, le Fonds stratégique d'investissement a été créé. Doté de 20 milliards d'euros, il doit renforcer les fonds propres d'entreprises françaises.
Avec le plan de relance, jamais autant de moyens n'avaient été mobilisés en faveur des PME et des ETI.
Tout cela suffit-il ? Non, car de nombreux orateurs ont mentionné des difficultés persistantes.
Le financement bancaire est globalement meilleur en France que dans les autres pays.
M. René-Pierre Signé. - Il reste insuffisant.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Faut-il s'en satisfaire ? Non.
Nous avons agi au plan local, puisque les comités de financement de l'économie et la médiation du crédit existent dans tous les départements.
Oseo occupe désormais une place centrale dans le financement des PME, qu'il s'agisse de la trésorerie, de cofinancement, de garanties ou d'interventions en fonds propres.
M. René-Pierre Signé. - Les PME n'ont pas cette impression.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Nous n'avons pas entendu la même chose.
M. Thierry Foucaud. - Des exemples ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - J'en ai, qui valident la politique mise en place.
Je tiens à souligner un point qui n'a guère été abordé : le succès du dispositif ISF-PME a drainé plus d'un milliard d'euros vers leurs fonds propres.
Le 5 octobre, le Président de la République a dévoilé un plan doté de 2 milliards d'euros destinés à renforcer encore les fonds propres : un milliard parviendra aux entreprises via le FSI, un milliard passera par Oseo.
Monsieur Fourcade, nous avons au moins clarifié le système de financement avec la création d'Oseo, par fusion de plusieurs agences et organismes.
Je précise que le milliard supplémentaire d'euros attribué au FSI permettra d'abonder plusieurs fonds. Vient en premier lieu le Fonds de consolidation des entreprises, doté de 200 millions d'euros, dont 95 proviennent du FSI et 105 des banques et assureurs. Il est destiné aux entreprises en médiation du crédit. S'ajouteront 300 millions d'euros destinés à l'achat d'obligations convertibles. Ce quasi-apport en fonds propres est assorti d'un engagement de réponse sous quatre semaines. Il satisfait un besoin majeur, car la crise sous-estime évidemment la valeur des entreprises.
Mme Goulet et M. Fourcade se sont interrogés sur la coordination des instruments de l'action publique. Il est vrai, que les Français ont une propension naturelle à concevoir des systèmes complexes, mais nous avons simplifié l'ensemble.
Ainsi, Oseo est la banque publique de financement des PME. L'Agence des participations de l'État (APE) gère un portefeuille regroupant les participations historiques de l'État, souvent majoritaires. Créé pour renforcer les fonds propres d'entreprises françaises stratégiques, le FSI réalise par vocation des investissements minoritaires, pour une période limitée même si elle n'est pas brève. Il peut prendre des participations dans des PME de croissance, dans des entreprises prometteuses de taille intermédiaire disposant de technologies innovantes ou d'une position concurrentielle favorable. Il intervient aussi dans de grandes sociétés ayant besoin de consolider leur capital.
Parmi les actionnaires minoritaires du FSI, on trouve l'APE, dont le directeur général contribue à exprimer au conseil d'administration la vision industrielle de l'État.
Mme Goulet a fait allusion à la gouvernance de la Caisse des dépôts. En ce domaine, il y a un avant loi de modernisation de l'économie et un après, car ce texte a renforcé les prérogatives de la commission de surveillance pour toutes les décisions stratégiques. Il a en outre créé un comité des investissements.
La composition de la commission de surveillance a été élargie et sa capacité de contrôle renforcée.
Grâce à l'attention particulière des deux actionnaires du FSI, son mode de gouvernance le situe au niveau des meilleurs standards actuels. Il est administré par un conseil d'administration restreint de sept membres, équilibré entre les représentants de la CDC et de l'État, et trois personnalités qualifiées : Patricia Barbizet, Xavier Fontanet et Denis Kessler. Ses travaux sont préparés par des comités spécialisés. Aux trois comités permanents consacrés à l'investissement, à l'audit et aux risques, et aux rémunérations et nominations, s'ajoute un comité d'orientation stratégique présidé par Jean-François Dehecq, qui veille à la cohérence et aux équilibres de la doctrine d'investissement, et aux grandes orientations stratégiques.
Le FSI exerce ses activités sous le contrôle de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts présidée par Michel Bouvard, où siègent deux sénateurs et deux députés. Il y est auditionné tous les quinze jours. Michel Bouvard est l'invité permanent des réunions du comité d'investissement du FSI. Pour ce dernier, qui s'exprime dans La Tribune de ce matin, notre débat sur la gouvernance du FSI ne serait pas fondé. « Pendant ses sept premiers mois d'existence, le FSI a fait des rapports tous les quinze jours à la commission de surveillance, laquelle n'a jamais rassemblé autant de parlementaires. » Il affirme n'avoir jamais eu de point de désaccord sur les investissements réalisés par le Fonds. Jean-Pierre Fourcade a, avec raison, rappelé qu'il revient aux parlementaires de contrôler, et non de gérer. A défaut d'une distinction claire, des dérives pourraient se produire car les parlementaires seraient à la fois juges et parties, contrôleurs et contrôlés.
C'est dans ce cadre que les parlementaires pourront contrôler la stratégie et les investissements du FSI, comme l'indique la commission des finances du Sénat. Celle-ci a examiné l'organisation et la stratégie du Fonds à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui a ouvert des crédits à hauteur de 3 milliards d'euros afin de permettre à l'État de remplir ses engagements envers le FSI. Le Parlement peut également interroger le Gouvernement à l'occasion de questions écrites ou orales, comme le fait aujourd'hui Nathalie Goulet. Il peut auditionner directement le FSI, comme l'ont fait les commissions des finances pour l'évaluation du plan de relance. Enfin, le député Bernard Carayon siège au comité d'orientation stratégique du Fonds en vertu de ses compétences en matière d'intelligence économique.
Le Parlement dispose donc bien des moyens de contrôler le FSI. Certains ont mentionné l'exemple norvégien, mais à ma connaissance aucun investissement de ce Fonds n'est approuvé par le Parlement. La gouvernance resserrée doit assurer au FSI une grande réactivité ainsi que la confidentialité nécessaire à l'exercice de sa mission. Le Fonds doit être pleinement responsable de ses actifs : il ne faudrait pas substituer un système de pilotage spécifique à ses instances de direction.
Monsieur Biwer, le FSI peut investir dans des activités agricoles et des entreprises agroalimentaires. Madame Bricq, sa doctrine d'investissement a été affinée grâce à de multiples échanges avec son comité d'orientation stratégique. Le Fonds respecte sa mission d'investisseur avisé tout en tenant compte des difficultés économiques actuelles. Les principes d'investissement sont publics et s'inscrivent dans la politique industrielle nationale.
Madame Goulet, l'investissement dans Dailymotion est de 7,5 millions d'euros, et non 75 ! Le FSI a participé à la création de fonds dédiés, tel le Fonds automobile sur lequel Martial Bourquin a insisté, avec raison. Dans ce domaine, il n'a pas agi seul mais conjointement avec des constructeurs. Il intervient également pour le bois, les biotechnologies ou la consolidation, par exemple. Jean-Paul Virapoullé a demandé une action spécifique en faveur des départements d'outre-mer. Je m'y rendrai à la mi-novembre avec la secrétaire d'État, Marie-Luce Penchard, dans le cadre de mes fonctions pour le tourisme. Le besoin en fonds propres des entreprises ultramarines a été souligné lors des états généraux de l'outre-mer. Le FSI et l'Agence française de développement vont créer un fonds commun de placement à risques pour les Antilles pour compléter les dispositifs existants.
Thierry Foucaud et Antoine Lefèvre ont évoqué le cas de Nexans, où des investissements importants ont été faits alors qu'était mené un plan de restructuration. Les 58 millions investis ont consisté en rachats de titres sur les marchés, et non en une injection d'argent frais. Il ne s'agissait pas de financer les plans sociaux mais d'aider au développement de l'entreprise. Les restructurations font partie de la vie des entreprises. Le FSI s'assurera que les ajustements effectués ne sont réalisés qu'en dernier recours et sont assortis de mesures d'accompagnement exemplaires -à Chauny ou à Fumay, notamment.
Le FSI doit-il davantage intervenir pour sauvegarder l'emploi ? La réalité économique fait qu'aucune entreprise ne pourrait renoncer à toute restructuration. Geler ses facultés d'adaptation face à des situations mouvantes la fragiliserait davantage.
En revanche, le Fonds veille plus que des investisseurs privés à la motivation réelle et la qualité des plans sociaux. Ce sujet est systématiquement abordé lors de l'entrée au capital. En fait, exclure du Fonds les entreprises qui licencient reviendrait à les exposer à des actionnaires moins responsables, ce qui aurait des conséquences plus négatives sur l'emploi.
Concernant l'apport de l'État au FSI en date du 15 juillet 2009, il est constitué de participations minoritaires dans trois entreprises : France Télécom pour 13,5 % du capital, Aéroports de Paris pour 8 % du capital et STX France pour 33,34 % du capital. Cette opération, réalisée en accord avec la CDC, constitue un reclassement de titres au sein de la sphère publique et l'État a reçu une juste rémunération de cet effort sous la forme d'actions du FSI. Concernant les apports de la CDC, je tiens, monsieur Fourcade, la liste à votre disposition.
En moins d'un an d'existence, le FSI a déjà réalisé 450 millions d'investissements directs et s'est engagé à hauteur de 650 millions dans des fonds spécifiques. Demain, avec la reprise que nous appelons tous de nos voeux, il sera plus que jamais nécessaire pour accroître la compétitivité de la France ! (Applaudissements à droite et au centre)
Le débat est clos.
M. le président. - En application de l'article 82 du Règlement, chaque orateur peut répondre au Gouvernement.
Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. - Monsieur le ministre, merci de vos explications. En fait, comme Mme Bricq l'a souligné, les hésitations et les questionnements sur ce Fonds proviennent du hiatus entre sa présentation initiale comme un fonds de soutien pour nos entreprises nationales et sa forme actuelle qui s'apparente à un fonds souverain. Nous devons donc être pleinement rassurés sur sa gouvernance, quoique je reste sur ma faim concernant le comité d'éthique et la conditionnalité de certains investissements. Soit, nous avons besoin d'un outil d'investissement souple et réactif et les investissements doivent produire des intérêts financiers mais, peut-être par péché de jeunesse, il me semblait que les fonds publics doivent protéger l'emploi. En tout cas, nous veillerons lors de la discussion des lois de finances à ce que ces investissements contribuent vraiment à l'attractivité de nos entreprises et à leur meilleur positionnement international -notre commerce extérieur en a bien besoin. Personne, donc, ne conteste l'utilité de ce Fonds. Ce débat nous aura permis d'en préciser les contours et la gouvernance. Chacun a donc fait sa part de chemin et nous pourrons ainsi rassurer nos populations qui s'interrogent sur la manipulation de ces sommes très importantes. Nous suivrons avec intérêt les investissements de ce Fonds qui doit rester, encore une fois, souple et réactif ! (Applaudissements au centre)
M. Aymeri de Montesquiou. - Monsieur le ministre, puisqu'il s'agit d'un fonds stratégique, pouvez-vous préciser votre stratégie ?
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. - Allez-vous comme le Japon cibler des secteurs ou, au contraire, privilégier certaines entreprises ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Tout le problème est celui de l'articulation du FSI avec notre politique industrielle...
Mme Nicole Bricq. - Je ne vous le fais pas dire !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Le comité Rocard-Juppé sur le grand emprunt doit définir des secteurs d'avenir...
Mme Nicole Bricq. - Il n'en est pas capable !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Nous nous appuierons sur ses recommandations pour orienter les investissements stratégiques du FSI.
M. Martial Bourquin. - Monsieur le ministre, les parlementaires seront-ils associés à ces fameuses réunions hebdomadaires et aux réunions convoquées en urgence lorsqu'une entreprise est en difficulté ? Ensuite, évitons de verser des aides publiques à des entreprises qui veulent délocaliser et créons une prime à la relocalisation, sans quoi nos compatriotes ne comprendront pas l'utilité de ce Fonds.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - La décision d'associer ou non les parlementaires relève du préfet.
Mme Nicole Bricq. - Donnez-leur une instruction !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Non, car les parlementaires sont diversement impliqués et la réalité varie selon les territoires. J'ai suffisamment accompagné de comités locaux pour le savoir. Ne diabolisons pas les délocalisations ! La création d'une activité sur le sol étranger peut être bénéfique pour l'entreprise dans un schéma d'internationalisation bien compris. En revanche, il faut éviter les suppressions d'activités recréées ensuite à l'identique ailleurs.
M. André Trillard. - En tant que parlementaire de Loire-Atlantique, je me réjouis, avec tous les habitants de ce territoire, de l'intérêt de l'État pour les filières aéronautique et navale.
Gardons-nous d'associer étroitement les parlementaires à la politique industrielle. Depuis le plan Cap 21, les chantiers de l'Atlantique construisent trois bateaux par an, contre 0,80 du temps où les parlementaires venaient y promettre un bateau par an, puis un bateau tous les deux ans, ce qui était coûteux pour l'État... Je préfère une dynamique industrielle initiée par l'État à une économie dirigée !
M. le président. - A titre tout à fait exceptionnel, je donne la parole à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis. - Le discours officiel a trop tendance à gommer le phénomène des délocalisations ou, pour être plus exact, des non-localisations. Car aujourd'hui lorsqu'une ligne de production arrive en fin de cycle, l'entreprise ne la remplace pas, elle en crée une autre hors du territoire national dans les nouveaux marchés. Autre exemple, les grandes firmes externalisent aujourd'hui leurs travaux de recherche pour les confier à des cabinets d'ingénieurs. Un ingénieur me confiait cet été, mal à l'aise car il craignait d'y perdre des marchés, que les donneurs d'ordre les poussent à établir leur cabinet en Europe de l'Est, car c'est moins cher. Telle est la réalité et nous sortirons de la crise avec une perte de potentiel de croissance. Il est donc urgent de prendre conscience des facteurs de compétitivité. J'apprécie la réforme de la taxe professionnelle, mais je m'étonne que l'on intègre dans son assiette la valeur ajoutée et, donc, les salaires... Nous avons de vraies réformes à entreprendre pour améliorer notre compétitivité. Les délocalisations sont le miroir de nos hésitations et de notre retard à nous adapter. Résultat : aujourd'hui, certains pays ont des fonds souverains, d'autres une dette souveraine ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Les délocalisations révèlent en effet nos handicaps de compétitivité... Mais au-delà de la taxe professionnelle, il faut considérer que la mise en place de notre crédit-impôt-recherche -le plus important des pays de l'OCDE- est un moteur puissant pour l'innovation et, donc, pour notre compétitivité. Ce serait là l'objet d'un autre débat....
Mme Nicole Bricq. - On en reparlera en effet !
La séance est suspendue à midi.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance est reprise à 15 heures.