Débat sur la situation des départements d'outre-mer
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat demandé par notre mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, qui a publié le 7 juillet dernier un rapport intitulé « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l'avenir ».
Le point de vue de la mission commune d'information
M. Serge Larcher, président de la mission commune. - Ce débat, qui vient couronner les travaux de la mission d'information créée au printemps dernier à l'initiative du président du Sénat, Gérard Larcher, figure parmi les toutes premières applications du nouveau calendrier parlementaire résultant de la réforme constitutionnelle.
Cette mission, dont j'ai conduit les travaux en étroite collaboration avec notre rapporteur, Éric Doligé, est exceptionnelle à plus d'un titre. Tout d'abord, alors que la création d'une mission d'information était jusque-là décidée par une commission permanente ou à l'initiative conjointe de plusieurs d'entre elles, cette fois la décision a été prise par la Conférence des Présidents, avec l'accord unanime des présidents de groupe. Ces derniers font partie des 36 sénateurs qui la composent, ce qui est inhabituel et souligne encore l'intérêt du Sénat pour les questions relatives aux outre-mer.
Notre mission est également exceptionnelle par l'ampleur de la tâche accomplie en un temps record. Sa réunion constitutive s'est tenue le 18 mars, ses travaux ont débuté le 2 avril et son rapport a été adopté en réunion plénière le 7 juillet, dans une atmosphère constructive et consensuelle. Ces travaux, d'une particulière densité, ont été menés tambour battant. Trente-et-une auditions ont été organisées au Sénat en avril et mai. Un premier déplacement a eu lieu à Bruxelles le 15 avril afin d'étudier la stratégie de l'Union européenne vis-à-vis des régions ultrapériphériques, l'avenir de la politique de cohésion, le régime de l'octroi de mer et la prise en compte des spécificités de ces territoires dans les accords de partenariat avec les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP). Notre délégation s'est entretenue avec des conseillers de la représentation permanente française et des différents services de la Commission européenne, ainsi qu'avec les représentants des autres régions ultra-périphériques -Canaries espagnoles, Madère et Açores portugaises. Nous avons ainsi pu mesurer l'urgente nécessité de renforcer notre représentation auprès de la Commission.
Nous avons passé trois jours dans chacun des départements d'outre-mer : du 26 au 30 avril, nous avons tenu dix-neuf réunions de travail et effectué sept visites de terrain à la Réunion, suivies du 10 au 21 mai de 54 réunions de travail et 22 visites de terrain en Guadeloupe, à la Martinique et en Guyane. Nous avons rencontré les responsables politiques locaux et les autorités administratives de l'État, ainsi que les représentants de la sphère économique et sociale, et les collectifs de lutte contre la vie chère. La mission a mené sa propre enquête sur le prix des produits de consommation courante, dont les constats ont été confirmés par l'Autorité de la concurrence le 8 septembre dernier. Nous avons entendu des représentants de la jeunesse locale et tenté d'identifier les domaines dont la promotion devrait assurer un développement endogène. Chaque déplacement s'est conclu par une table ronde avec les élus locaux pour débattre de la situation, très préoccupante, de ces collectivités territoriales.
Enfin, notre mission est doublement exceptionnelle par son objet. Tout d'abord, la situation des départements d'outre-mer est au coeur de la mission du Sénat, représentant des territoires. Surtout, forte de l'intérêt qu'elle a toujours porté aux collectivités ultramarines, notre assemblée a entendu le cri des sociétés d'outre-mer résonner d'un océan à l'autre. Né en octobre 2008 à la Réunion, le conflit a rebondi en Guyane avant de se structurer en Guadeloupe et à la Martinique en février 2009. Dans un climat quasi insurrectionnel, un mouvement de grève générale, amorcé en Guadeloupe le 20 janvier, y a duré 44 jours, jusqu'à la signature de l'accord Bino, et s'est propagé à la Martinique, à la Réunion et en Guyane.
Ces conflits ont cristallisé des exaspérations profondes et anciennes. L'outre-mer a clamé sa souffrance, son aspiration à la dignité et à davantage de responsabilités. Il a forcé la surdité d'une France hexagonale elle-même piégée par la crise mondiale. Ce séisme, encore latent aujourd'hui, a éprouvé des économies ultramarines vulnérables et gravement mis à mal les budgets locaux. Son principal mérite me semble résider dans son rôle d'« éveilleur de conscience », pour reprendre une expression chère à Aimé Césaire.
L'ampleur de ces mouvements sociaux et des initiatives qu'ils ont suscitées traduit un tournant historique. Puissent ces troubles avoir des vertus cathartiques conformes au dicton créole « sé en gwo désod ki ka mété lod » : il faut un bon désordre pour mettre en ordre !
Le temps n'est plus aux mesurettes colmatant des brèches, car il faut traiter chaque DOM dans sa globalité pour éradiquer les racines du mal. Telle était la tâche de notre mission d'information.
Face à un profond malaise pétri de revendications contre la vie chère et de réaction contre la bipolarisation de la société, le tout sur fond de crise identitaire, le Sénat voulut dresser sans concession l'état des lieux, cibler les responsabilités et tracer des pistes à même de sortir de l'ornière et de jeter les fondations d'un développement pérenne.
D'emblée, la mission a structuré ses travaux autour de cinq grands axes dont il est apparu ensuite qu'ils recoupaient largement les thèmes retenus par les états généraux de l'outre-mer : la situation financière des collectivités territoriales ; la continuité territoriale avec l'hexagone et l'Union européenne, en relation avec l'insertion régionale ; la jeunesse des populations ; la nécessité de mieux évaluer les politiques publiques ; l'environnement, priorité pour la valorisation des atouts naturels et pour un développement endogène.
Le rapport de la mission propose une analyse exhaustive des DOM et formule une centaine de propositions. Presque tous ses membres ont voté pour, seuls les représentants du groupe CRC-SPG observent une « abstention positive » selon leur expression. Ce beau consensus a été obtenu sans affaiblissement des constats ni affadissement des propositions fortes, concrètes et réalistes, qui traduisent la ferme volonté de restaurer des mécanismes économiques vertueux, de dynamiter des verrous et d'apporter un nouveau souffle aux sociétés ultramarines.
Notre rapporteur, M. Doligé, présentera nos travaux en détail. Je me limiterai donc à trois questions d'une actualité brûlante : le cadre institutionnel, le thème de la vie chère et le désastre des finances locales.
L'évolution institutionnelle agite actuellement la Martinique et la Guyane. La consultation des populations décidée par le Président de la République aura lieu les 17 et 24 janvier. Je constate que le questionnement correspond à la proposition formulée par M. Diémert, chargé de mission à votre ministère.
J'insiste sur l'impérieuse nécessité d'une campagne d'information exposant les enjeux de chaque cadre statutaire, car l'objectif n'est pas le statut, mais le développement des territoires ! Les questions posées à la population doivent tendre à ce que la consultation n'aboutisse pas à une impasse. Or, le débat est confus et passionnel, notamment en Martinique. Après celui de 2003, un nouvel échec serait particulièrement dommageable. La Guadeloupe s'étant donné le temps de la réflexion, je suis certain qu'elle saura tirer de précieux enseignements des expériences martiniquaise et guyanaise.
J'en viens mon deuxième sujet : la vie chère. La question du pouvoir d'achat a mis le feu aux poudres début 2009, car les prix sont excessifs outre-mer, notamment pour les produits de consommation courante. Dénoncer les abus et mener une lutte draconienne contre l'opacité doivent être des objectifs prioritaires pour les services de l'État. Mais restaurer une concurrence raisonnable suppose de parcourir un long chemin, car il faut vaincre l'étroitesse des marchés et trouver l'antidote aux poisons qui tirent les prix vers le haut. Je pense en particulier aux sur-rémunérations, dont nous proposons une réduction équilibrée.
A ce propos, ne sombrons pas dans la caricature et n'agitons pas le chiffon rouge ! Vous nous avez demandé, madame la ministre, d'être courageux : nous le sommes toujours au Sénat et nous le serons pour vous accompagner dans une démarche de vérité. Les sur-rémunérations forcent la bipolarisation de la société en bloquant l'embauche dans le secteur privé. Simultanément, elles rendent attractifs des emplois publics dont le développement grève les budgets locaux. Lors de la remise du rapport, de nombreux médias ont centré leur propos sur ce thème. Je tiens à rassurer mes compatriotes : il s'agit non de supprimer le mécanisme, mais d'ajuster la rémunération des nouveaux agents au coût réel de la vie dans chaque DOM. Bien sûr, ce coût devra être régulièrement actualisé.
Me voici parvenus au dernier point : l'état des finances locales. La mission a observé une situation alarmante, induite par la faiblesse des recettes fiscales, conjuguée à l'ampleur des charges de personnel.
La sévérité des difficultés financières éprouvées par les communes, notamment aux Antilles et en Guyane, leur interdit tout investissement, au point que la mission préconise d'effacer leurs dettes sociales.
L'avenir de l'octroi de mer est au coeur des préoccupations. La mission souhaite le pérenniser, faute de solution alternative apportant des garanties équivalentes en termes de rentrées fiscales et d'autonomie -je connais le sort que l'Etat réserve, in fine, aux dotations, qui n'évoluent pas toujours... Nous entendrons avec intérêt l'avis du Gouvernement.
Au terme de cette présentation, je rappelle que nos travaux ont été concomitants avec les états généraux de l'outre-mer, mais sans interférence entre les deux exercices. Pourtant, les analyses des conclusions frappent par une convergence dont je me félicite. Nos points de vue ont été concrètement confrontés le 1er octobre, lorsque les états généraux de l'outre-mer ont restitué leurs travaux, à l'occasion d'une séance à laquelle vous avez eu l'amabilité de nous convier. L'extrême densité des contributions des ateliers montre combien la France est riche de ses outre-mer et annonce un programme de travail pharaonique !
Nous serons toujours des interlocuteurs constructifs et vigilants. Nous ne doutons pas que le conseil interministériel du 6 novembre prendra largement en compte le rapport sénatorial, dont j'ai personnellement constaté qu'il recevait localement un accueil fervent. Il faudra désormais le mettre en oeuvre. Pour suivre cette application, le président de la Haute assemblée a annoncé la constitution d'un groupe de suivi chargé d'exercer une veille et de prendre des initiatives en lien avec les commissions permanentes. Alors que la publication de son rapport marque la disparition d'une mission d'information, la décision exceptionnelle que vient de prendre notre président manifeste le haut intérêt qu'il porte à l'outre-mer, avec tout le Sénat. Nous l'en remercions chaleureusement ! Cette structure de suivi exercera son rôle avec rigueur, mais aussi avec l'esprit d'ouverture dont nous ne nous sommes jamais départis. (Applaudissements sur tous les bancs)
M. Éric Doligé, rapporteur de la mission commune. - Je m'associe aux remerciements adressés par M. Serge Larcher, président de la mission, à M. Gérard Larcher, président du Sénat, pour avoir été à l'origine de la mission d'information, puis du suivi de ses préconisations. L'ampleur et la qualité du travail de la mission conduit notre assemblée à faire encore entendre sa voix sur ce sujet au coeur de ses attributions, puisque l'article 24 de la Constitution dispose que le Sénat représente les collectivités territoriales de la République.
Au-delà des travaux dont M. Serge Larcher a illustré la densité et le rythme, je souhaite mettre l'accent sur le caractère inédit de l'approche : alors que l'on traite habituellement de sujets ultramarins ciblés, nous devions examiner la situation des DOM dans sa globalité. Il faut parfois approfondir certaines questions particulières, mais dans le cadre d'une vision d'ensemble. Or, celle-ci faisait défaut. Les approches pointillistes et cloisonnées sont sans doute partiellement responsables de la situation extrêmement dégradée constatée au début de 2009.
La crise économique et sociale, exprimée sur fond de malaise identitaire, procède partiellement d'une incompréhension mutuelle : mal connu en métropole, le kaléidoscope ultramarin inspire des sentiments confus où se bousculent rêve, fierté, culpabilité refoulée, compassion et exaspération ; nos compatriotes des DOM, pas tous départis du poids tutélaire de l'histoire, sont écartelés entre leur attachement à la République et le ressentiment suscité par le désintérêt qu'ils peuvent subir, ajouté aux carcans qui brident leur développement.
L'époque des colmatages de brèches est révolue, car nous sommes arrivés au bout de l'exercice. Le président Gérard Larcher l'a bien compris, d'où notre mission d'information, dont la globalité du champ d'investigation rejoint la démarche gouvernementale engagée avec les états généraux de l'outre-mer.
Ces deux processus expriment la prise de conscience qu'il faut embrasser la situation des DOM dans sa globalité. Ils ont cheminé en parallèle, mais leurs conclusions convergent. A mon tour, je vous remercie d'avoir invité la mission sénatoriale à présenter ses travaux le 1er octobre.
La succession des témoignages illustre la diversité des situations et des tempéraments ainsi que les préoccupations communes : situation identitaire, désespérance des jeunes, demande de la préférence locale, filières professionnelles, lutte contre l'illettrisme et l'échec scolaire, création d'espaces régionaux, désenclavement, développement endogène et renforcement de la gouvernance économique.
Le traitement de la situation des départements d'outre-mer suppose une détermination sans faille ni tabou. Cette logique nous a conduits à un constat sans concession et à des solutions s'attaquant à la racine des problèmes. Le rapport présente cent solutions ; il propose un panorama et met chacun devant ses responsabilités. Il comporte trois grandes parties. La première traite de la gouvernance institutionnelle et administrative ; elle décrit l'impasse budgétaire de nombreuses collectivités et plante le décor de la dégradation des finances publiques. La seconde dresse un état des lieux et prône la restauration des grands équilibres par le renforcement des secteurs traditionnels et de ceux d'avenir ainsi que par le maintien du lien de continuité avec la métropole et l'Union européenne, sans négliger une meilleure insertion régionale. La troisième présente les défis à relever, qu'il s'agisse de la jeunesse de la population ou de la prise en compte des spécificités des DOM.
Deux dysfonctionnements se retrouvent dans tous les champs. Le premier tient à une évaluation insuffisante, voire inexistante ; c'est particulièrement vrai dans le domaine de la formation des prix : les outils de mesure font défaut et la dernière enquête générale remonte à 1992. Comment, alors, instruire les décisions publiques ? Le second réside dans une insuffisante prise en compte des spécificités. Le rapport conclut sur une panoplie de solutions. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut dégager de nombreux points communs et des propositions transversales s'imposent. Je me concentrerai sur celles qui nous tiennent particulièrement à coeur.
La plus médiatisée a été l'ajustement des sur-rémunérations au différentiel de coût de la vie. La presse, qui s'en est emparée, a parlé de la suppression des sur-rémunérations. Je veux donc expliciter un dispositif indûment caricaturé. Les sur-rémunérations, communes aux trois fonctions publiques, induisent des disparités entre la sphère publique et la sphère privée : le tissu économique des DOM, composé de petites entreprises, est vulnérable et ne peut soutenir la comparaison, d'où un frein à l'embauche. Face à un fort chômage, les collectivités recrutent, ce qui grève les budgets, freine les investissements, donc le développement économique -la boucle est bouclée et la situation verrouillée. Si elles ne sont pas la cause de tous les maux, les sur-rémunérations expliquent un processus infernal qui tire les prix à la hausse. Il faut rompre cet engrenage pour trouver une issue à la crise. Nous proposons une sortie encadrée par un ajustement au différentiel de coût de la vie, de manière fiable et compte tenu des modes de vie. Ce dispositif progressif s'appliquerait aux nouveaux entrants et, pour ne pas priver l'économie des DOM de ces sommes, elles seraient réinjectées par des aides au financement d'investissements structurants. Ce dispositif cohérent amorce un mécanisme vertueux.
L'emploi public, ce buvard social, fait le lien avec les finances locales. La chute du produit de l'octroi de mer sous l'effet de la crise a accentué la faiblesse des ressources des collectivités territoriales. Le poids des dépenses de personnel détermine un effet d'étau. Elles sont supérieures de 38 % à celles des communes de métropole, de 89 % pour les départements et de 333 % pour les régions. Il est urgent d'endiguer la dégradation des finances locales. Un plan devrait associer l'État et les collectivités pour une meilleure identification des bases et un apurement des dettes accumulées ; l'octroi de mer pourrait être pérennisé, à défaut de solution alternative viable -nous laissons la porte ouverte...
S'agissant du niveau des prix et des écarts avec la métropole, le développement de la concurrence se heurte à l'étroitesse des marchés. Comment faire la lumière sur les mécanismes de formation des prix ? Au-delà de l'avis de l'Autorité de la concurrence, il faut créer un véritable service public de surveillance et de contrôle et combattre le cloisonnement des administrations.
L'organisation et le fonctionnement des administrations déconcentrées souffrent d'une désaffection et d'absence aux postes à responsabilité de personnes originaires des départements d'outre-mer. Il faut inverser le processus, s'adapter aux spécificités et rendre ces postes plus attractifs en termes de carrière -et pas seulement indiciaire. En lieu et place d'augmentations uniformes, des primes aux fonctionnaires les plus exposés pourraient éviter la cristallisation d'avantages dont le bien-fondé irait s'effilochant.
Il convient en outre de renforcer l'impulsion stratégique de la Délégation générale à l'outre-mer en en faisant une véritable action interministérielle rattachée au Premier ministre -je n'ai pas changé sur ce point. Elle doit également voir renforcée sa fonction de mémoire des outre-mer ; or la RGPP a opéré plus de mal que de bien à cet égard.
La question identitaire est prédominante pour la question sociale comme pour une jeunesse dont la moitié est au chômage. Un travail gigantesque est à accomplir en matière d'enseignement et de formation ; la mission a formulé des propositions sur lesquelles nous serions heureux de vous entendre. Des signaux forts doivent être donnés, il faut mieux promouvoir la diversité, valoriser les atouts, reconnaître les différences, ce qui est consubstantiel à l'égalité de la devise républicaine. Tel est le sens profond du titre de ce rapport : « les DOM, défi pour la France, chance pour la République ». A défaut de savoir le dire en créole, je vous confierai le titre que j'aurais proposé : « on y croit ou on n'y croit pas » (Applaudissements à droite) J'étais en effet parti en y croyant à moitié et j'y croyais totalement en revenant. Je conclurai donc sur un proverbe : après la pluie, le beau temps, car, après ce rapport, il se passera beaucoup de choses. (Applaudissements à droite et sur de nombreux bancs au centre ainsi que sur certains bancs socialistes)
Le point de vue des groupes politiques
M. Jean-Paul Virapoullé. - (Applaudissements sur les bancs UMP) Voilà un grand moment pour l'outre-mer. Ce débat, qui intervient après les événements aux Antilles et le vote de la Lodeom, marque un instant solennel -n'éclairera-t-il pas le conseil interministériel pour l'outre-mer que le chef de l'État va tenir le 6 novembre ?- un événement sans précédent dans ma carrière de parlementaire. C'est dire qu'il faut que nos échanges soient dépassionnés mais expriment des convictions fortes, qu'ils permettent d'énoncer des orientations, de fixer un cap et d'affirmer des objectifs.
Quelles sont les conditions pour réussir le développement outre-mer ? Nous avons eu un accord sur les orientations qui ont été définies ; nous avons besoin d'une bonne gouvernance. Il faut une déconcentration car l'État n'est plus à même d'être l'interlocuteur. Il faut une jeunesse éduquée, c'est l'atout essentiel. Il faut avoir le courage -nous les élus, vous le pouvoir central, eux le pouvoir communautaire- de faire sauter les verrous qui bloquent l'économie. Faute de quoi, comme on dit chez nous, on versera de l'eau dans un tonneau percé, les récupérateurs habituels en profiteront, le peuple la regardera couler et le développement ne sera pas au rendez-vous.
Et puis nous devons réaliser une révolution culturelle qui nous fasse passer d'une économie de substitution aux importations à une économie d'exportation. Cela suppose un savoir-faire, une discipline, une compétitivité dont nous ne sommes pas aujourd'hui dotés.
Nous voulons une bonne gouvernance, donc on commence par les réformes statutaires. Mais le contexte n'est plus le même que dans les années soixante ou quatre-vingts. Mesurons le chemin parcouru ! La décentralisation a confié des masses de crédits et de responsabilités aux collectivités territoriales, à faire pâlir d'envie les assemblées autonomes de Polynésie ou de Nouvelle-Calédonie. Regardez les crédits décentralisés des conseils généraux, des conseils régionaux, regardez les fonds structurels : quand nous touchons 324 euros par habitant, les habitants des TOM n'en ont que 8 ! L'autonomie accorde moins en solidarité que le statut dont nous sommes bénéficiaires.
Les défenseurs de l'autonomie demandent celle-ci pour « respirer » afin de répondre aux contraintes du marché local. C'est vrai, mais qui nous empêche de respirer ? Nous avons des outils en main, à commencer par l'article 73 de la Constitution qui permet de bénéficier du droit d'adaptation local
M. Claude Lise. - C'est virtuel !
M. Jean-Paul Virapoullé. - Sans doute mais la cause en est la difficulté de déplacer la source du droit du national au local. N'oubliez pas le poids considérable des contraintes communautaires : plus de 70 % de nos textes ont une origine communautaire.
Mais nous pouvons utiliser les possibilités que nous offre l'article 48 de la Constitution et demander qu'au moins une fois par session nous ayons une loi de respiration législative qui, sans déplacer la source du droit, donne aux collectivités territoriales et aux acteurs économiques locaux les moyens de travailler. Ce que nous n'avions pas quand la revendication d'autonomie était juste, nous l'avons aujourd'hui, bien plus amplement, avec l'article 48, et aussi avec l'article 72-4 qui permet l'expérimentation.
J'aimerais que nous ayons de l'audace : pour expérimenter de nouvelles méthodes d'apprentissage du français à l'école, pour la transition du créole au français, pour que le collège réponde aux besoins, pour que l'orientation ne soit plus un échec. Au lieu de nous embringuer dans des réformes institutionnelles compliquées -c'est ma conviction intime- utilisons les outils constitutionnels qui sont maintenant à notre disposition, utilisons les moyens que nous offre l'intergroupe.
J'ai relu l'article 349 de l'ancien traité de Lisbonne. C'est un chef d'oeuvre que personne n'utilise ! Les Vingt-sept disent que nous sommes éloignés, petits, insulaires, et nous donnent le droit de déroger. Dérogeons ! Y compris pour les questions douanières. L'octroi de mer, cessons de nous faire des cheveux blancs avec ! Nous pouvons créer de grandes zones de coopération économique, nous pouvons avoir nos propres dispositions pour la pêche et j'en passe. Les Martiniquais mangent 16 000 tonnes de poisson et ils n'ont pas le droit d'en pêcher plus de 10 000 parce qu'on interdit de construire des bateaux pour protéger les poissons de l'Atlantique du nord ! (Exclamations à droite)
A la Réunion, nous avons compris cela et j'ai eu l'honneur de faire graver dans le marbre de la Constitution que la région et le département de la Réunion ne sont pas concernés par l'habilitation des adaptations législatives et lient leur destin institutionnel aux réformes faites en métropole ; pour toucher à la Réunion, il faudrait engager une réforme constitutionnelle : bien du plaisir !
Sur les verrous qui bloquent le développement économique à cause du fret, j'oserai dire qu'on nous a menés en bateau. (Sourires) On nous a raconté n'importe quoi. On nous a fait croire que c'était un exploit d'apporter un conteneur aux Antilles à une époque où la production industrielle est éclatée entre la Chine, l'Europe, l'Amérique. Le Gouvernement a eu le courage de demander des explications sur la formation des prix dans les grandes surfaces. Pourquoi y sont-ils de 50 à 70 % plus élevés qu'en métropole alors que le niveau de vie y est inférieur ? On pousse les gens à la révolte !
M. Christian Cointat. - Absolument !
M. Jean-Paul Virapoullé. - Il faut que le Président de la République dise que rien ne justifie cette économie de comptoir qui exploite les Domiens.
M. David Assouline. - Des mots ! Qui donc gouverne ?
M. Jean-Paul Virapoullé. - Nous avons les moyens d'avoir là-bas les mêmes conditions d'approvisionnement qu'ici.
On ne vote pas une loi sans en tirer les conséquences. Avec la Lodeom, nous avons le socle d'un modèle de développement. J'espère que, le 6 novembre, le Président de la République tirera les conséquences qui conviennent. Il est temps de franchir la dernière étape de la décolonisation. Ce serait le meilleur usage de l'argent public, au service du développement et de nos compatriotes ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Gélita Hoarau. - Les évènements qui ont secoué les DOM ont révélé le malaise qui affecte d'une part nos économies et d'autre part les populations les plus défavorisées, ainsi que celles qui ont un travail et, c'est plus récent, la classe moyenne. Deux constats sont unanimement partagés : la gravité de la crise et l'inefficacité des réponses apportées jusqu'à présent. C'est pourquoi le Chef de l'État a proposé la tenue d'états généraux pour l'outre-mer. Pour sa part, notre assemblée a eu raison d'organiser, au moment opportun une « Mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer ». J'ai été honorée d'en faire partie et je veux ici souligner la qualité du travail de la mission, principalement de son président, Serge Larcher et de son rapporteur Eric Doligé. Je me suis efforcée d'apporter ma modeste contribution à la mission et, d'autre part aux états généraux au nom de ma formation politique.
Il faut rappeler la gravité de la crise, notamment à la Réunion où le chômage ne cesse de croître chaque jour. A l'important chômage structurel s'ajoute la fin d'une série de grands travaux : des obstacles juridiques volontairement accumulés interdisent aujourd'hui que le relais soit pris par d'autres grands chantiers pourtant entièrement financés. Plus de la moitié des Réunionnais vivent avec moins de 817 euros mensuels, le seuil de pauvreté en métropole. Trente mille demandes de logements restent insatisfaites au moment même où les mises en chantier s'effondrent. Pour les huit premiers mois de 2009, la Chambre des métiers recense la liquidation de 900 entreprises dont 350 dans le secteur du bâtiment. Le nombre d'illettrés, environ 120 000, ne décroît pas.
Nous proposons donc d'abord des mesures immédiates en direction des plus démunis : création d'emplois, de logements, amélioration du niveau de vie. La création de deux grands services, l'un pour faire face aux risques environnementaux et pour sauvegarder la biodiversité, l'autre pour l'aide à la personne permettrait de créer rapidement des milliers d'emplois. Un plan d'urgence de constructions de logements doit être une priorité. Pour améliorer le niveau de vie, les conclusions de l'atelier des états généraux sur les prix ainsi que les propositions de la mission parlementaire doivent être mises en oeuvre. Mais nous n'obtiendrons une baisse significative et durable des prix qu'en nous orientant résolument vers des échanges Sud-Sud, en nous approvisionnant au plus près, en rompant avec le colbertisme qui a toujours marqué nos échanges commerciaux.
La politique de grands travaux -route du littoral, prolongement de la route des Tamarins vers le Sud, tram-train... - doit aboutir sans tarder, non seulement pour répondre aux besoins de transport et d'aménagement du territoire mais aussi pour créer des emplois. La route des Tamarins a mobilisé, pour sa construction, plus de 3 000 emplois directs et indirects et, avec la fin de ce chantier, le BTP est en crise.
Un projet de développement durable doit comporter un volet identitaire. Je me réjouis que les états généraux aient retenu, pour la Réunion, le projet de la MCUR (Maison des civilisations et de l'unité réunionnaise) et que l'Unesco ait inscrit au patrimoine immatériel de l'humanité le maloya -les chansons, danses et musiques des esclaves.
Face à la crise de nos économies traditionnelles ou aux menaces qui pèsent sur elles -l'échéance 2014 pour le règlement communautaire du sucre et de la banane, la diminution des aides européennes, le devenir de l'octroi de mer, etc.- il nous faut nous orienter résolument vers « l'économie de la connaissance », dans les domaines des énergies renouvelables, de la santé, de la formation, du numérique, des services aux entreprise et à l'administration. Telles doivent être nos priorités pour faire face à la crise et aux accords de partenariat économique que l'Union Européenne est en train de passer avec les pays ACP voisins de la Réunion.
Les collectivités connaissent une situation financière de plus en plus tendue et il faut appliquer les préconisations conjointes de la région et du département de la Réunion dans leur contribution aux états généraux : innover, faire émerger de nouvelles ressources et mieux utiliser les ressources existantes. Il faut réfléchir notamment aux possibilités de taxation des plus-values foncières et des jeux de hasard, à l'adaptation d'une « fiscalité verte » à la situation locale.
Que proposer pour que les Réunionnais mettent en application un plan qu'ils ont eux-mêmes élaboré ? Soit ils ne proposent rien et s'en remettent aux décisions que prendront les métropolitains pour les régions et départements de métropole, se repliant sur ce qu'on appelle le droit commun sans connaître exactement son contenu -tout en exigeant des dérogations multiples, qui vident ce droit commun de son sens. (M. Jean-Paul Virapoullé le conteste). Ce repli n'est qu'un refus de prendre ses responsabilités. Soit, au contraire, on se saisit de l'occasion offerte par ces états généraux pour tout mettre à plat et discuter entre nous sans tabou ni arrière-pensée, des moyens d'élaborer ensemble une tâche exaltante : le développement durable de la Réunion. C'est cette solution qui aurait ma préférence. C'est ainsi que nous apporterons nos multiples richesses à la France. (Applaudissements à gauche)
Mme Anne-Marie Payet. - La Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion ont connu au début de l'année une agitation sociale exceptionnelle, révélatrice du malaise et parfois du sentiment d'abandon que ressentent nos compatriotes d'outre-mer. C'est dans ce contexte que, sur l'initiative de Gérard Larcher, le Sénat a constitué une mission commune d'information sur la situation des DOM, composée de 36 Sénateurs et -fait unique- des présidents des groupes politiques ès-qualités. Après trois mois d'une activité intense elle a rendu ses conclusions en juillet. Le grand consensus dégagé à cette occasion montre l'implication et l'impressionnant travail de Serge Larcher, son président et d'Eric Doligé, son rapporteur. Je les remercie vivement d'avoir permis à notre mission de travailler dans d'aussi bonnes conditions et de présenter un rapport aussi dense que pertinent.
Notre mission d'information a adopté « Cent propositions pour fonder l'avenir » qui peuvent largement répondre à l'urgence sociale. La question des prix a été l'étincelle du conflit. Notre mission d'information, qui évoque longuement cette question dans son rapport, a procédé, dans chacun des quatre DOM, à un relevé de prix sur une cinquantaine de produits de consommation courante et a conclu que l'écart de prix entre les DOM et la métropole est réel. Elle a par exemple constaté que le prix d'un jus d'orange importé est quatre fois plus élevé à la Réunion qu'en métropole et celui d'un chocolat en poudre y est supérieur de 42 %.
M. Jean-Paul Virapoullé. - Et voilà !
Mme Anne-Marie Payet. - Le prix de l'eau de Javel est quatre fois plus élevé ! Au-delà des produits de grande consommation, le constat est valable pour beaucoup d'autres secteurs économiques essentiels et je me suis déjà fait l'écho dans cette assemblée des pratiques peu concurrentielles des secteurs bancaire, aérien `ou encore de celui des carburants. A la demande du secrétaire d'État à l'outre-mer, l'Autorité de la concurrence a rendu en septembre un avis relatif aux mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation dans les DOM. Cet avis précise qu'entre 1998 et 2008, les évolutions de l'indice général des prix à la consommation sont plus rapides en Martinique et à la Réunion que sur le territoire national. De plus, dans cette île, les prix sont supérieurs de 55 % à ceux de métropole pour plus de la moitié des produits.
M. Jean-Paul Virapoullé. - Scandaleux !
Mme Anne-Marie Payet. - Pour le café, le thé, le sucre, les prix sont 66 % supérieurs. Pour l'Autorité de la concurrence, les écarts de prix découlent pour partie des particularités géographiques et économiques des territoires -marchés étroits, isolés et largement dépendants de la métropole- mais les frais d'approche, et l'octroi de mer en particulier, n'expliquent pas l'intégralité des écarts de prix, conclusion qui rejoint celle de notre mission d'information : il n'existe pas de preuve des effets nocifs de l'octroi de mer sur le niveau des prix, alors que l'octroi de mer est une ressource indispensable pour les collectivités territoriales et qu'il n'existe pas aujourd'hui de recette qui peut s'y substituer.
Autre point intéressant : le rôle limité joué par les produits de marques de distributeur et par les « premiers prix » dans les grandes surfaces outre-mer : dans deux hypermarchés importants de la Réunion, ces produits représentent 7 % et 12 % du chiffre d'affaires, contre environ 25 % en moyenne en métropole. Face à la faible concurrence du marché de détail, quelles mesures le Gouvernement va-t-il prendre pour réduire les écarts de prix ? Vous avez, madame la ministre, déjà annoncé des propositions, sur l'organisation des services de l'État dans le domaine de la concurrence. Mais l'Autorité de la concurrence évoque aussi la mise en place d'une centrale d'approvisionnement et de stockage au niveau régional, afin de mutualiser les moyens et de réaliser des économies d'échelle. Qu'en pensez-vous, madame la ministre ?
La réponse à l'urgence sociale est multiple. La crise du logement est caractérisée par un grave déficit en logements sociaux, par l'insalubrité -qui concerne 26 % des logements contre 8 % en métropole-, par le prix élevé des biens. En Martinique, 200 logements ont été construis en 2007, alors qu'on compte 8 000 demandes insatisfaites ; la situation est critique en Guyane -pression démographique, constructions illicites, déficit du foncier, liquidation administrative annoncée de la société HLM de Guyane ; à la Réunion, le coût croissant de la construction a ralenti la production de logements -1 221 ont été livrés en 2007, tandis qu'on estime les besoins à 26 000. La géographie, le climat, les risques sismiques et cycloniques créent des contraintes et dégradent le bâti ; le foncier est limité et le coût des matières premières sans comparaison avec celui de la métropole. La Lodeom a apporté des réponses, mais leur équilibre global reste incertain. La ligne budgétaire unique doit demeurer le socle du financement du logement social outre-mer et de nouveaux dispositifs de défiscalisation dans le secteur du logement social ont vu le jour -il est urgent que les décrets d'application soient publiés. Nous avons besoin de construire massivement. A la Réunion, nous avons parlé de plan Marshall pour le logement ; cette expression est parfaitement adaptée à notre situation.
Il faut aussi une mobilisation totale contre le chômage, qui affecte la Réunion, région d'Europe la plus touchée, 25 % de la population et un jeune sur deux. Comment une société peut-elle vivre durablement avec un tel niveau d'inactivité ? Pour combattre ce fléau, il faut tout d'abord d'améliorer le niveau de formation de nos jeunes, notamment en développant la mobilité, vers la métropole bien sûr mais aussi vers les espaces qui nous sont proches -pour la Réunion, le continent africain, l'Océan indien et le Pacifique. Comme il importe d'être attentif à la fuite des compétences et des savoir-faire, il est impératif d'accompagner de manière personnalisée ceux qui suivent une formation ou un stage dans le cadre des programmes de mobilité.
Dans le même esprit, il faut développer une stratégie volontariste d'accès des habitants d'outre-mer aux postes d'encadrement. A la Réunion les postes de cadres dans les administrations sont presque exclusivement occupés par des métropolitains, situation néfaste pour l'emploi mais aussi pour la cohésion de notre société. Ne pourrait-on créer une antenne de l'Apec dans chaque département d'outre-mer et développer des dispositifs spécifiques de préparation aux emplois d'encadrement dans l'administration ? En s'inspirant de la politique développée depuis huit ans par l'IEP de Paris, on pourrait aider plus activement certains jeunes tout en conservant le principe républicain du concours.
Les dispositifs qui ont fait leurs preuves doivent aussi être confortés. Le service militaire adapté, dont le taux d'insertion est de 80 %, doit être renforcé. Si je salue la décision du Président de la République de doubler en trois ans le nombre de volontaires, la qualité de la formation ne doit pas en souffrir. Quant à l'apprentissage, il est particulièrement adapté à nos économies locales. Faisons de nos spécificités des atouts ! La Réunion souhaite par exemple créer un lycée professionnel dans le secteur forestier ; ce projet doit être soutenu, qui répond à un besoin économique et écologique évident.
Au-delà, réduire la vulnérabilité de notre économie passe par un développement endogène appuyé sur l'exploitation raisonnée et la valorisation des ressources naturelles, sur l'amélioration des débouchés locaux, le développement des exportations, l'organisation des filières et la formation professionnelle. Il est aberrant que si peu de produits locaux soient servis dans nos hôpitaux, nos cantines ou nos restaurants d'entreprises. Lors de son passage à la Réunion, le Premier ministre s'est engagé à ce que le code des marchés publics soit modifié pour permettre aux petits agriculteurs de répondre aux appels d'offres. Quelles suites le Gouvernement entend-il donner à cet engagement ? Mme la ministre peut-elle en outre m'éclairer sur les conditions de mise en oeuvre de l'article 53 de la Lodeom, qui doit faciliter la production d'électricité à partir de la bagasse ? Quand les décrets seront-ils publiés ? Le prix de rachat sera-t-il vraiment attractif ?
Il est indispensable que nos territoires s'ouvrent au monde ; nous vivons à proximité de pays qui, s'ils sont souvent dans de grandes difficultés, regorgent aussi de potentialités. Dans ce contexte se pose la question de l'appartenance des départements d'outre-mer à l'espace Schengen. A la Réunion la pression migratoire est faible ; son intégration ne présenterait pas de risque particulier.
La lutte pour l'emploi passe enfin par le développement des services à la personne. A la Réunion, la part des plus de 60 ans passerait de 10 % en 2001 à 24 % en 2030. Il est urgent de prendre cette évolution en compte pour conforter la logique intergénérationnelle et développer l'emploi dans le secteur médico-social. Tout en luttant contre le chômage, nous répondrions à un besoin social en pleine expansion -je pense à l'amélioration de la prise en charge à domicile des personnes dépendantes, à la formation des personnels et à l'augmentation du nombre de places en établissements. Comment le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre la disposition adoptée à mon initiative lors de l'examen de la Lodeom, étendant le dispositif de défiscalisation aux « logements spécialement adaptés à l'hébergement de personnes âgées de plus de 65 ans ou de personnes handicapées » ?
Je souhaite aussi évoquer l'illettrisme, phénomène de grande ampleur dans les départements d'outre-mer -il concerne 21 % de la population réunionnaise, contre 4 % en métropole. Priorité nationale depuis la loi de 1998 relative à la lutte contre l'exclusion, son niveau n'a guère diminué. Son diagnostic est souvent tardif et ses causes sont encore mal cernées. Si les acteurs associatifs locaux font un travail formidable, c'est d'abord à l'État de prendre ses responsabilités.
Je veux enfin revenir sur les discriminations que subissent parfois les habitants d'outre-mer. Elles ont certes diminué ces dernières années -alignement des prestations sociales ou encore, à mon initiative, du forfait charges pour l'allocation logement ; mais certaines inégalités sont encore inscrites dans la loi, dans les réglementations ou les pratiques administratives. J'ai déjà eu l'occasion d'interroger le Gouvernement sur la question de la mobilité des gendarmes ; je pense aussi à la date de versement des pensions. En matière de santé publique et de prévention, l'outre-mer est souvent délaissé sinon abandonné ; la récente loi de réforme de l'hôpital contient, à mon initiative, quelques avancées dans la lutte contre le tabagisme, mais des différences importantes subsistent avec la métropole qui ont un impact fort sur la santé publique. Ce sentiment diffus de discrimination est souvent refoulé, mais refait surface lors des crises et explique peut-être la violence des manifestations.
Au-delà des questions majeures que sont le logement, l'emploi, l'illettrisme, le développement d'une économie endogène ou l'insertion régionale, il est indispensable que l'État prenne en compte des considérations plus impalpables et parfois symboliques. Comme l'ont écrit MM. Larcher et Doligé, les DOM sont un défi pour la République, mais ils sont aussi une chance pour la France. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Pierre Bel. - Je n'ai que quelques minutes pour dire à mon tour que l'outre-mer est une chance pour la France. Les départements d'outre-mer, comme les autres territoires ultramarins, attachés à des valeurs communes, apportent leur diversité et leurs particularités à ce grand creuset qu'est notre République. C'est cette diversité et cet attachement qui font la spécificité de la France.
Je veux dire que nous sommes fiers de l'appartenance de ces territoires à la République, Je veux donner à tous les ultramarins des raisons de s'y sentir bien. Mais beaucoup de questions se posent, qui sont le fruit d'une histoire souvent douloureuse, le fruit de la géographie et de l'éloignement. Les territoires d'outre-mer connaissent d'autres climats, d'autres contraintes, d'autres opportunités, d'autres partenariats aussi que la métropole. Or ces spécificités ne sont pas suffisamment prises en compte. Beaucoup de questions sont aussi les conséquences de la crise économique et financière mondiale, mais encore des choix malheureux faits depuis 2002, choix fiscaux, industriels et sociaux que le Président de la République continue de défendre avec entêtement. La moitié des jeunes outre-mer sont au chômage : c'est dire l'ampleur de la crise sociale.
Les mouvements sociaux en Guadeloupe, Martinique, Réunion et Guyane ont agi comme des révélateurs. Il est plus que temps que le Gouvernement de la République apporte des réponses qui assurent l'avenir de ces territoires.
Je me réjouis que le Sénat ait lancé une mission sur ces sujets, à l'initiative des présidents de groupe, et que le débat se tienne dans cette institution qui représente tous les territoires de la République. La mission sénatoriale a revisité le lien entre ces territoires et la métropole, mis en lumière contraintes et atouts, préconisé un développement endogène. Je félicite son président et son rapporteur pour leur travail remarquable, ainsi que les douze membres du groupe socialiste qui y ont pris part.
Premier objectif identifié : une plus grande capacité d'action pour les collectivités territoriales. Parmi les propositions, l'évolution institutionnelle sur la base de l'article 73 de la Constitution, mais aussi l'évolution des services de l'État, ou l'augmentation des capacités d'investissement des collectivités. Second objectif : une meilleure prise en compte de l'environnement régional et de la spécificité géographique. La mission préconise de renforcer la coopération régionale sur des projets concrets et d'inciter l'Union européenne à lancer une politique de « grand voisinage ». Enfin, troisième objectif : mieux prendre en compte les spécificités de ces territoires. La formation des prix a été au coeur des conflits sociaux. Ce problème existe d'ailleurs également en métropole, notamment dans le secteur des fruits et légumes. Les politiques industrielles et économiques doivent prendre en compte les spécificités du tissu économique.
Il faut mettre en oeuvre les nombreuses propositions défendues avec talent par le président et le rapporteur. Les états généraux de l'outre-mer n'ont pas tout réglé, nous attendons toujours des avancées concrètes. Il y a urgence à agir. Je souhaite que les préconisations de la mission ne restent pas lettre morte, que le comité de suivi soit rapidement mis en place, et que l'on fasse confiance aux élus de la République. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Jean-Paul Virapoullé applaudit également)
M. Daniel Marsin. - La crise domienne du premier trimestre 2009 a surpris par son ampleur et sa profondeur. Pourtant, les indicateurs du malaise étaient au rouge depuis longtemps : cherté de la vie, chômage -frappant les jeunes à plus de 55 %- nombre de bénéficiaires des minimas sociaux, coût du transport de personnes et de marchandises, pénurie de logements sociaux, incertitudes sur les productions traditionnelles... Autant de sujets sur lesquels nous avions tiré la sonnette d'alarme, en vain, auprès des différents gouvernements. La hausse des prix du carburant a mis le feu aux poudres.
L'urgent, c'est l'important qui n'a pas été traité à temps ! II fallait éteindre le brasier social, et votre prédécesseur a dû prendre à chaud des engagements forts, notamment dans le cadre des accords Binot. Mais la situation reste instable.
Les décisions ponctuelles ne suffisent pas ; il faut des réformes structurelles et pérennes. Je salue la clairvoyance dont a fait preuve le Président de la République en convoquant les états généraux de l'outre-mer, ainsi que l'heureuse initiative du Président Larcher de lancer une mission d'information du Sénat sur les départements d'outre-mer. D'excellentes analyses et propositions en sont ressorties, et je félicite ceux qui ont conduit ces travaux complémentaires, alors que les tensions étaient encore vives.
A l'heure où se font les arbitrages en vue du Comité interministériel du 6 novembre prochain, certains sujets exigent des réponses fortes. Tout d'abord, la formation des prix et la cherté de la vie. Aucune baisse réelle des prix n'a encore été observée, ce qui entraîne une crise de confiance. Où en sont les travaux de l'Observatoire des prix ? Que comptez-vous faire pour accroître la transparence et rétablir la confiance ?
Pour répondre aux revendications en matière de revenu, on a inventé une usine à gaz pour faire travailler de concert État, conseils généraux, conseils régionaux et entreprises privées. Le revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) est prévu pour trois ans. Comment comptez-vous pérenniser le versement des 200 euros sachant que nombre d'entreprises n'ont pas signé l'accord Binot et que les conseils généraux et régionaux ne pourront indéfiniment financer les salaires du privé ? Ce dispositif bancal a creusé les inégalités en laissant sur le bord du chemin les bénéficiaires de minimas sociaux. Comment comptez-vous corriger une telle injustice ?
Le Président de la République, dans son discours du 29 septembre dernier, a affirmé qu'« aucun jeune en difficulté ne sera laissé seul à son sort, aucun jeune ne sera laissé sans emploi, sans formation, sans accompagnement ». Comment les mesures annoncées seront-elles adaptées au contexte ultramarin, où les besoins sont immenses en matière de formation initiale ou continue, mais aussi d'insertion ?
En matière de logements sociaux, les besoins sont énormes et les réalisations loin d'atteindre les objectifs fixés. Mme la ministre a insisté sur la capacité opérationnelle à produire concrètement des logements. Au-delà de l'aspect budgétaire, de nombreux blocages doivent encore être levés : coût des emprunts consentis aux opérateurs sociaux, impossibilité des communes à attribuer les subventions de surcharge foncière, Fonds régional d'aménagement foncier urbain (Frafu) inopérant... Il faut trouver des solutions si l'on ne veut pas en rester au stade de la pure incantation !
Les collectivités locales n'ont pas les moyens de soutenir la production de logements sociaux. Notre mission sénatoriale propose de leur redonner les marges de manoeuvre nécessaires, afin qu'elles participent notamment à la relance de la commande publique. J'espère que le Comité interministériel s'inspirera de ces propositions, et réajustera en conséquence le budget 2010 de l'outre-mer.
Le principe de la continuité territoriale a été réaffirmé dans la Lodeom. Il faut désormais s'attaquer aux monopoles, source de « pwofitasyon », en matière de transport de personnes et de marchandises.
Les îles du sud de la Guadeloupe connaissent une situation socio-économique préoccupante. Votre prédécesseur s'était engagé en mai dernier à mettre en place, dans les six mois, un Contrat pour l'emploi et les initiatives dans les îles du sud, dénommé Colibris. Les attentes sont grandes. Je compte sur vous, madame la ministre, pour qu'elles ne soient pas déçues !
Enfin, la question de la gouvernance a été traitée avec réalisme et prudence, tant dans le cadre des états généraux que par notre mission sénatoriale. Tout le monde juge aberrant la coexistence de deux assemblées sur un même territoire. Pour le reste, on ne peut que saluer l'esprit d'écoute et d'ouverture dont fait preuve le Président de la République pour la Martinique et la Guyane. S'agissant de la Guadeloupe, il est heureux que le débat sur la question institutionnelle soit reporté après les élections régionales.
Le temps du diagnostic et des mesures d'urgence est derrière nous ; nous devons désormais adopter des thérapies de fond pour en finir avec les maux qui rongent l'outre-mer. Espérons que les conclusions de notre mission seront une source d'inspiration pour les prochaines mesures en faveur du développement de nos territoires ultramarins et du bien-être de leurs habitants. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur certains bancs au centre et à droite)
M. Michel Magras. - Ce débat concerne les départements d'outre-mer et non l'outre-mer dans son ensemble. Saint-Barthélemy est passé du statut de commune de la Guadeloupe à celui de collectivité d'outre-mer dotée de l'autonomie. Mais loin de moi toute idée de prosélytisme ! Je n'ignore pas le processus institutionnel entamé par la Martinique et la Guyane, ni les réflexions en Guadeloupe. Mais si nous avons été ravis de recevoir des délégations de Martinique et Guyane, nous ne nous posons pas en donneurs de leçon. Le modèle de Saint-Barthélemy n'est pas transposable dans les départements qui ont une population beaucoup plus importante et un territoire plus vaste.
Le statut actuel de Saint-Barthélemy est l'aboutissement de plusieurs années d'une pratique : ce n'est pas un statut qui a trouvé une île, mais une île qui a trouvé son statut. Ce débat est donc pour moi plutôt l'occasion d'une réflexion sur les rapports de l'outre-mer et de l'État. En effet, au-delà des difficultés économiques des DOM, il y a une question centrale dans ce débat : jusqu'où la République accepte-t-elle l'adaptation pour répondre à des situations particulières ?
Le Grenelle est un « engagement national pour l'environnement », il concerne donc aussi les territoires insulaires de la France. La loi dite Grenelle I avait posé le principe d'un train de mesures pour tenir compte des particularités de l'outre-mer. Or dans le Grenelle II, il nous a fallu attendre l'article 62 puis le 102 pour que ces mesures d'adaptation soient évoquées. Mais de quelle manière ! Le texte renvoie à une ordonnance ! On déclare l'urgence, mais pour l'outre-mer, on ne craint pas d'imposer un délai supplémentaire de plus d'un an... Quel hiatus entre le principe posé et sa traduction ! Il aurait fallu introduire une disposition d'adaptation à chaque chapitre, lorsque nécessaire -car les départements d'outre-mer ne sont pas concernés par le transport ferroviaire ou fluvial ou le chauffage. Si l'on jugeait le procédé trop fastidieux, au moins pouvait-on ajouter un titre ou un chapitre réservé à l'adaptation de toutes les dispositions de la loi.
Mais il serait tout de même temps d'en sortir. C'est sans doute une des raisons qui ont conduit Saint-Barthélemy à changer de statut. Pendant des années, la commune a exercé en lieu et place du département, de la région voire de l'État, en bénéficiant d'un régime dérogatoire. Enfin la révision constitutionnelle de 2003, nous ouvrant la possibilité de définir un statut à la carte, nous a offert le moyen d'entériner la pratique dans un régime législatif stable. Durant toutes ces années, une question nous guidait : qui, de l'État ou de la collectivité, doit adapter ? Nous avions bien sûr conclu qu'il appartenait aux responsables locaux de définir leurs besoins et de les communiquer à l'État. Comme vous le voyez, je ne manie pas la langue de bois !
Pour répondre aux particularismes locaux, c'est à mon sens le partage des responsabilités entre l'État, le Parlement et les collectivités locales qu'il convient de redéfinir. Avec son nouveau statut, Saint-Barthélemy a tracé une frontière entre les missions régaliennes de l'État et les missions qui relèvent de son impulsion propre. Il n'y a là aucun rejet de l'État. Au contraire, celui-ci n'a jamais été aussi présent. Car il faut beaucoup de souplesse à un éléphant pour se pencher vers la souris ; mais il est plus facile pour la souris de lui grimper sur la trompe... (Sourires) Qui mieux que les responsables locaux peut indiquer à l'État ce qu'il est bon de faire ? Il est difficile d'adapter des dispositions nationales. L'Europe l'a bien compris, qui a défini le principe de subsidiarité. La Lodeom a été de même élaborée dans une logique de coopération, avec des réponses différentes selon les collectivités. Je salue la possibilité laissée aux COM de choisir les secteurs économiques qu'elles souhaiteront développer grâce aux investissements en défiscalisation.
Notre débat intervient après les états généraux de l'outre-mer et les travaux de la mission d'information du Sénat ; et avant un conseil interministériel sur l'outre-mer. A n'en pas douter, chacune de ces initiatives témoigne d'une volonté d'être attentifs aux aspirations locales, qui se sont exprimées fortement cette année. Saint-Barthélemy n'a pas souhaité s'associer aux états généraux mais a saisi l'occasion du prochain conseil interministériel pour demander officiellement au Gouvernement d'engager le processus de passage du statut de région ultra-périphérique (RUP) à celui de pays et territoires d'outre-mer (PTOM).
L'État ne pourra pas tout faire mais doit donner à l'outre-mer la place et l'attention qu'il mérite au sein de la République. A son tour, l'outre-mer doit prendre toute sa place et pas seulement celle que l'État lui accorde. (Applaudissements à droite)
Mme Odette Terrade. - On y croit ou on n'y croit pas, disait le président de la mission : en ce qui nous concerne, nous voulons y croire ! Mais la seule traduction du passionnant débat sur la loi Lodeom a été la tenue des états généraux, où sont apparues les divergences d'appréciation d'un territoire à l'autre. Certaines organisations, dont la légitimité est parfois l'acquis des luttes sociales et politiques, n'ont pas participé aux débats. Les différences d'approche sont manifestes ; le chef du gouvernement polynésien, M. Témaru mettait en garde la France contre un retour à des pratiques coloniales...
Mais surtout, les espoirs suscités par la Lodeom n'ont pas trouvé de concrétisation. Au 28 septembre dernier, aucune des mesures de la loi promulguée en mai dernier n'avait été appliquée. En revanche, dans le projet de loi de finances pour 2010, du fait de l'imputation du RSTA sur la prime pour l'emploi, l'État va récupérer 108 millions d'euros, somme à peine entamée par les 3 millions d'euros d'exonération du RSTA... Les prix ne sont pas encore contrôlés outre-mer, mais tout est déjà en place pour récupérer un peu d'argent sur le dos de nos compatriotes ultramarins ! Quant aux crédits de la Mission, ils n'échappent pas à la régulation budgétaire et leur augmentation est due seulement aux allègements du coût du travail, politique publique sans pertinence ni efficacité. Le soutien aux entreprises constitue désormais la part essentielle des crédits. La LBU logement stagne et la dotation de continuité territoriale est arbitrairement maîtrisée. Nous sommes loin d'une vraie réponse aux attentes fortes exprimées dans les mouvements sociaux ou dans les débats relatifs à la loi Lodeom ! Dans une conjoncture budgétaire déprimée, l'outre-mer doit prendre sa part de la réduction des dépenses publiques.
Le débat institutionnel intervient dans ce cadre. Les tensions sociales sont fortes, les expérimentations diverses et l'on ajoute à cela le problème de la mono-départementalisation. Je ne sais s'il faut transformer les conseillers généraux et des conseillers régionaux en conseillers territoriaux ; mais ce qui est certain, c'est que la loi Lodeom n'a pas trouvé sa pleine application et que de longues années de disette budgétaire attendent encore les élus de l'outre-mer aux prises avec la poudrière sociale et économique des territoires concernés ! (Applaudissements à gauche)
M. Claude Lise. - Je déplore depuis longtemps que la situation des départements d'outre-mer soit évoquée dans notre hémicycle uniquement lors de la discussion budgétaire ou à l'occasion de catastrophes naturelles ou de troubles sociaux graves. Je ne peux donc que me féliciter de l'initiative de ce débat, prise sans attendre de nouvelles explosions sociales -qui sont malheureusement à craindre compte tenu de l'état de dégradation du tissu économique aux Antilles et en Guyane.
Ce débat intervient après la mission sénatoriale, qui a pris la mesure des problèmes et a compris l'insuffisante exploitation des atouts ; et en amont des décisions qui seront arrêtées au Conseil interministériel du 6 novembre prochain. Je veux vous alerter sur la situation catastrophique en Martinique. Le nombre d'entreprises mise en redressement ou en liquidation ne cesse de croître : elles sont déjà près de 250 ! Le taux de chômage est monté à plus de 24 % et l'on peut craindre qu'il atteigne 26 à 28 % à la fin de l'année. Tous les secteurs économiques sont touchés. Le BTP traverse une crise aiguë. Le tourisme est également très touché : 12 % de nuitées d'hôtel en moins sur un an et la situation est bien pire pour les croisiéristes. L'industrie agro-alimentaire se porte mal, en particulier les entreprises de farine et de boulangerie.
L'agriculture connaît elle aussi de grandes difficultés, et les secteurs de la pêche et de l'élevage ne sont pas épargnés. Sur un an, les exportations ont chuté de 37,4 % et les importations de 32,7 %. On peut être tenté de faire porter la responsabilité au mouvement social de février, mais ce dernier n'a fait qu'aggraver une situation en voie de dégradation dont il a été un symptôme révélateur, telle une poussée de fièvre. La maladie était là avant février 2009, comme le montrent les indicateurs de 2008 : recul du PIB de 0,3 % et augmentation du nombre de demandeurs d'emploi de 6,4 %.
Les entreprises n'ont pas été les seules touchées ; pratiquement toutes les collectivités territoriales ont subi les conséquences de la conjoncture économique, et de l'effet conjugué d'une stagnation des ressources provenant de l'État et de transferts de compétences non compensés. Cette année, beaucoup de communes rencontrent des difficultés pour boucler leur budget. Or les collectivités territoriales ultra-marines ont un rôle moteur dans les économies locales avec 85 % de l'investissement public -contre 73 % pour celles de l'hexagone. Les conséquences sociales de cette situation sont désastreuses. Plus de 20 % des Martiniquais vivent en dessous d'un seuil de pauvreté fixé à 616 euros. Les plus touchés sont les personnes âgées et handicapées, et les jeunes sans emploi.
Un plan d'urgence de grande envergure est nécessaire. Les dispositifs successifs n'ont mobilisé que 56 millions d'euros de crédits d'État, au lieu des 300 millions évalués par les acteurs économiques pour financer un plan de sauvetage. Les collectivités territoriales n'ont jusqu'ici pas bénéficié des moyens de participer efficacement à une vraie relance. Madame la ministre, le Conseil général que je préside, et qui a longtemps été le premier donneur d'ordre public, pourrait lancer immédiatement pour 70 millions de travaux, mais les dossiers que j'ai fournis à cet effet restent sans réponse. Beaucoup d'investisseurs attendent depuis plus de cinq mois les décrets de la loi pour le développement économique en outre-mer, qui avait pourtant fait l'objet d'une procédure d'urgence et était censée promouvoir l'excellence outre-mer.
La Martinique reste en attente d'une grande politique de développement inspirée des axes stratégiques adoptés à l'unanimité par les élus réunis en congrès en décembre 2007. Il faudra à celle-ci, pour réussir, un cadre institutionnel donnant aux élus locaux les outils réglementaires pour adapter les dispositifs normatifs et exercer plus efficacement leurs compétences. Je me réjouis, à ce titre, de la consultation prévue en Martinique. Pour l'heure, il y a urgence, extrême urgence ! Parmi les propositions issues des états généraux et des travaux de notre mission sénatoriale, il faut choisir celles qui répondent à cette urgence. Et rien de sérieux ne se fera sans une implication financière conséquente de l'État. Ne laissons pas s'accumuler de nouvelles déceptions, ne poussons pas davantage au désespoir une jeunesse qui aspire encore à croire en l'avenir. (Applaudissements à gauche)
M. Gilbert Barbier. - La crise du début de l'année a révélé les aspirations profondes de nos compatriotes outre-mer, mais aussi une incompréhension mutuelle entre la métropole et ces territoires lointains, pourtant intimement liés à notre histoire. Nous aurions dû depuis longtemps repenser ce lien au-delà des évolutions statutaires dont la France a le record depuis 1945. A défaut, de fausses idées et des sentiments ambigus ont prospéré de part et d'autre, exacerbés par la crise mondiale.
L'État français a longtemps souhaité « ne pas faire de vagues » en outre-mer, et cette attitude est la cause et la conséquence de son déficit de légitimité dans ces territoires. Il est difficile d'échapper au couple culpabilité-réparation, et l'opinion publique hexagonale est partagée entre compassion et exaspération. L'évocation de l'outre-mer se fait trop souvent en termes de chômage, insécurité, échec scolaire, alcoolisme, drogues, catastrophes climatiques... Pour autant, ne laissons pas croire qu'il s'agit plus d'une charge que d'un profit. Les outre-mer ne sont pas des restes du passé, mais des acteurs du futur ; non pas des contingences de l'histoire, mais une ouverture au monde. Ils propulsent notre pays au troisième rang mondial des puissances maritimes, lui procurent l'essentiel de son patrimoine écologique, contribuent à sa puissance spatiale et nucléaire, lui assurent notoriété et sympathie dans les régions environnantes.
L'outre-mer est donc une chance pour la France, tout comme la France est une chance pour l'outre-mer. Les populations ultramarines éprouvent à l'égard de la République un ressentiment sans doute lié aux souffrances et à l'humiliation infligées par la colonisation, mais il est peut-être temps de sortir des vieux schémas qui exacerbent les tensions et divisent les peuples. Ce n'est pas en défiant la République française que la compassion et l'exaspération de certains se mueront en attention et respect. Quoi qu'il en soit, nous devons entendre le signal de détresse adressé par les Antilles à la France. Derrière la question du pouvoir d'achat, c'est la structuration de l'économie locale qui est en cause. Héritage de la période coloniale, elle se caractérise par la forte concentration de certains secteurs et une formation des prix qui manque de transparence. Il y a aussi la question identitaire, qui a ici une importance historique toute particulière.
Le Gouvernement n'est pas resté sourd à cet appel : une loi pour le développement économique des outre-mer a été adoptée et des états généraux lancés. Le rapport de notre mission commune d'information avance des propositions concrètes et intéressantes. Les leviers sont nombreux : réappropriation de l'économie, transparence des prix, continuité territoriale, égal accès aux soins, formation et insertion professionnelle des jeunes, etc. Il nous faut aussi travailler sur la mémoire et regarder en face cette histoire commune, faite de passions. Il y a là une superbe page à écrire : celle de la diversité culturelle, où l'État français doit tenir toute sa place, rien que sa place. (Applaudissements sur les bancs RDSE et Nouveau Centre)
Mme Catherine Procaccia. - Quand je suis devenue sénateur, il y a cinq ans, rien ne me destinait à intervenir dans un débat sur l'outre-mer. Je n'y ai aucune attache familiale et ne m'y avais alors jamais effectué de voyage professionnel. Comme pour beaucoup de métropolitains, ces départements n'étaient pour moi qu'une destination exotique qui présentait l'avantage d'être francophone. Mais la fonction de parlementaire permet de se pencher sur des dossiers auxquels on n'imaginait pas auparavant s'intéresser.
Aux côtés de Dominique Leclerc, j'ai étudié la question de l'indemnité temporaire des fonctionnaires affectés outre-mer, plus communément appelée « sur-retraite », et même « retraite cocotier » ! (Sourires) En 2007, nous avons réuni plus d'un tiers des sénateurs autour de notre proposition de loi. Si le texte déposé par votre prédécesseur, madame la ministre, en est encore assez éloigné, notre mobilisation a permis de faire un peu avancer la législation. J'espère que les décisions de l'an passé ne sont qu'une première étape, car prendre sa retraite à la Réunion, à Tahiti ou en Nouvelle-Calédonie n'est pas si épouvantable qu'il faille percevoir 35 à 75 % de plus qu'en France métropolitaine. Jusqu'à l'an passé, ce sujet était, tabou, tout comme l'incidence de la sur-rémunération des fonctionnaires sur la formation des coûts. J'ai donc apprécié que le rapport de la mission ne fasse pas l'impasse sur ce point.
Eric Doligé et Serge Larcher ont présenté avec brio et conviction les conclusions de ce rapport, qui a associé des sénateurs de toutes origines politiques et géographiques. Je souhaite, pour ma part, évoquer certaines imperfections institutionnelles découvertes à l'occasion du rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Jean-Yves Le Déaut et moi-même -un homme député socialiste et une femme sénateur UMP, pour une parité parfaite !- avons présenté il y a quelques mois un rapport sur les incidences de l'utilisation du chlordécone aux Antilles.
Ce pesticide, utilisé jusqu'en 1993 contre le charançon du bananier, s'est révélé être un véritable « alien chimique ». La population antillaise s'inquiète de sa persistance multiséculaire dans ses sols : non seulement les études concernant ses incidences sur la santé ne sont pas encore publiées, mais les chercheurs n'ont trouvé aucune méthode pour dépolluer les sols. En dehors de tout contenu scientifique, certains ont exploité et théâtralisé ces incertitudes.
J'évoque le chlordécone aussi parce qu'à l'occasion de nos 122 auditions et de nos deux déplacements aux Antilles, des imperfections institutionnelles nous sont apparues. J'en citerai trois.
La première concerne la verticalité totale des administrations, d'autant plus préjudiciable que le Gouvernement a lancé sur ces territoires restreints un plan d'action multidirectionnel. Or, chaque direction des services de l'État reste cantonnée à son domaine de compétence, les décisions coordonnées relevant de l'exception. J'approuve donc pleinement la réorganisation administrative suggérée dans le rapport.
La deuxième imperfection porte sur l'application indifférenciée de la législation européenne aux départements d'outre-mer, particulièrement en matière agricole. Imposer les mêmes normes aux Antilles, en Beauce et dans le Brabant est ridicule ! Il faut vivre à Bruxelles pour ignorer que le climat tropical ne connaît pas l'hiver qui permet à la terre de se reposer et qui tue les bio-agresseurs. Chaleur et pluies permanentes favorisent la multiplication des insectes et des mauvaises herbes, qui disparaîtront naturellement en Europe jusqu'au printemps. Les bonnes pratiques en matière de pesticides doivent donc être adaptées à la réalité climatique.
Lors de notre déplacement Bruxelles, j'ai mesuré combien les spécificités ultramarines étaient niées, même lorsqu'elles étaient connues. C'est pourquoi j'espère que les propositions de la mission seront concrétisées. J'espère surtout qu'alertés par nos soins les pays européens ayant massivement utilisé le chlordécone -avec 1 200 à 1 500 tonnes contre 300 aux Antilles- se lanceront aux côtés des scientifiques français dans des recherches sur cette molécule actuellement indestructible.
La troisième imperfection touche à l'insuffisante intégration dans l'environnement géographique. Les Antilles et la Guyane sont nos départements d'Amérique, mais les contraintes sociales, économiques et environnementales qui leur sont imposées méconnaissent cette proximité.
Le résultat est catastrophique pour la lutte contre certains bio-agresseurs comme la cercosporiose noire. Aucun plant résistant n'a été découvert par les dix chercheurs travaillant sur ce sujet dans le monde. Si les traitements pesticides autorisés dans l'arc caraïbe demeurent interdits aux Antilles, les 15 000 emplois de la production bananière vont y disparaître. La mission a examiné les causes d'une crise sociale. J'évoque ici une crise encore bien plus grave, qui se produira si tout un pan de l'économie s'effondre. Non pas que je souhaite voir produire dans nos départements des fruits et légumes poussés à grand renfort de pesticides comme chez nos voisins, mais j'ai été choquée d'apprendre que la France et l'Europe importaient de la zone américaine des produits cultivés avec des pesticides dont l'usage est interdit chez nous.
Bien d'autres éléments de convergence sont apparus entre mon rapport et celui de la mission sénatoriale, mais je voudrais achever mon intervention en abordant un autre aspect de la santé, puisque la commission des affaires sociales, dont je suis membre, va bientôt examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La mission d'information a souligné la situation sanitaire spécifique de l'outre-mer, où la géographie et le climat créent des contraintes qui pèsent sur l'accès aux soins. Les critères strictement démographiques ne suffisent pas pour déterminer les équipements nécessaires, ni l'implantation des établissements.
En juillet, le ministère de la santé a officiellement présenté un plan santé outre-mer, dont la mission d'information préconise la mise en place urgente afin de combler le retard et d'adapter la politique sanitaire aux spécificités locales.
Répondant au questionnaire budgétaire pour 2010, le secrétariat d'État a présenté une liste d'actions, assortie toutefois d'une phrase surprenante : « le montant des crédits qui seront inscrits au titre du plan santé outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2010 n'est pas encore déterminé ». Quand donc le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre son plan annoncé en juillet ? Quel crédits seront inscrits à ce titre au budget 2010 ?
D'ici juin 2010, l'Office parlementaire demandera d'inscrire à l'ordre du jour partagé une question sur l'application des préconisations du rapport réalisé par M. Le Déaut et moi-même.
Madame le ministre, vous trouverez en moi un parlementaire métropolitain qui s'intéresse à l'outre-mer sous tous ses aspects et qui tient à certaines spécificités de nos collectivités. (Applaudissements à droite.)
présidence de M. Gérard Larcher
M. Georges Patient. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Les populations des quatre DOM ont manifesté leur volonté de changer les choses. Le chef de l'État les a entendues et a lancé les états généraux dont les contributions ont été récemment restituées. De son côté, le Sénat a créé une mission d'information dont le rapport vient d'être présenté. Nous avons donc deux rapports qui, pour la Guyane, présentent une certaine similitude entre eux, mais aussi avec un document bien plus ancien : celui rédigé en 1997 par les états généraux de Guyane, qui avait associé les socioprofessionnels, des élus politiques et des autorités coutumières.
Ce dernier rapport n'a pas été pris en considération, si bien que douze ans ont été perdus, alors que le constat reste inchangé : la réalité de la Guyane est mal prise en compte ; pour y remédier, il faut un développement endogène réussi.
Au demeurant, les 100 propositions concrètes du rapport sénatorial apportent une caution nationale à des revendications locales. Le Gouvernement et le chef de l'État doivent désormais apporter des réponses concrètes.
Dans cet esprit, le Président de la République a accepté la consultation populaire demandée par le Congrès de Guyane, mais il devra persévérer sur des sujets sensibles et pressants, dès le conseil interministériel du 6 novembre.
La situation financière des collectivités territoriales de Guyane est un sujet crucial, car elles réalisent 72 % des investissements du secteur public. Or, leurs finances sont exsangues en raison de charges structurellement plus élevées qu'en métropole et de recettes fiscales bien plus faibles. Madame la ministre, vous avez reconnu cette situation dans un courrier du 2 octobre, où vous aviez souhaité que « cette spécificité guyanaise soit traitée par des mesures adaptées, qui pourraient allier un travail sur la base fiscale à une dotation particulière de l'État ». Le chef de l'État fit le même constat lorsqu'il vint en Guyane l'année dernière.
Vous savez qu'il faut adapter les dotations à la Guyane. Pourquoi ne pas le faire ? Dans leur rapport, les sénateurs ont formulé des propositions particulières pour ce département. Ils ont en particulier mentionné la dotation globale superficiaire, plafonnée uniquement en Guyane ! Cette iniquité surprend tout le monde. D'où vient la réticence à donner à la Guyane ce qui lui revient ? Sa superficie aurait-elle subitement été ramenée à 30 000 kilomètres carrés, si l'on examine la dotation à l'aune des 3 euros dévolus par hectare ? Quid des autres 60 000 kilomètres carrés ? Auraient-ils été cédés en catimini ? S'agissant du patrimoine privé de l'État, on ne sait jamais : après tout, il s'est arrogé le droit de ne pas payer d'impôts locaux à ce titre...
Les retombées financières de l'activité spatiale n'ont pas été oubliées par la mission, qui demande surtout des concours adaptés à la réalité des départements d'outre-mer.
La dotation globale de fonctionnement doit donc mieux prendre en compte les charges structurelles singularisant les collectivités du Guyane. J'en citerai quelques-unes : un niveau particulièrement bas du revenu moyen, un quart des habitants vivant sous le seuil de pauvreté ; une pyramide des âges dont la base est excessivement large ; l'enclavement ; le grand nombre d'élèves scolarisés ; des dépenses de scolarisation sans commune mesure avec le reste du pays, puisque le transport routier peut s'étaler sur 90 kilomètres ! Sur ce dernier point, le rapport du Sénat propose clairement « d'aider les collectivités concernées en élargissant les possibilités d'intervention financière de l'État ».
Tous ces éléments doivent être pris en compte pour déterminer avec justesse la dotation particulière mentionnée dans le courrier du 2 octobre.
Il nous faut également des réponses concrètes aux propositions concrètes formulées en matière d'éducation et de formation, car la Guyane ne doit plus détenir la palme du « plus mauvais résultat de France », selon l'expression du recteur. Une action urgente s'impose, dans le sens des propositions sénatoriales, qui visent notamment à mieux définir les qualités requises des enseignants.
De même, le chef de l'État peut apporter des réponses concrètes aux propositions concrètes faites pour notre développement endogène, pour la protection sociale et la santé.
Malheureusement, je ne peux que mentionner en passant ces sujets importants si je veux aussi mentionner la crise très aiguë que traverse le logement social. La mission sénatoriale a été frappée par son ampleur : alors que 80 % de la population peut prétendre à un logement social, on compte 11 000 demandes non satisfaites et l'unique société HLM fait l'objet d'une mesure de liquidation par l'État. Il faut au contraire la relancer et je tiens à votre disposition, madame la ministre, mes propositions à cet effet.
Les électeurs de Guyane se prononceront le 17 janvier prochain sur une évolution statutaire. Il importe que des informations objectives dissipent les craintes que certains nourrissent sur les liens avec l'Union européenne comme sur les lois sociales. La mission sénatoriale a rappelé que le changement de statut selon l'article 74 n'avait aucune incidence sur le statut européen des collectivités concernées. S'agissant des mesures sociales, la mission renvoie au cas de Saint-Martin et Saint-Barthélemy dont les habitants ont maintenu le principe de l'assimilation législative, comme l'a fait le Congrès de Guyane, le 2 septembre dernier. Le rapport de présentation est très clair à cet égard : « tout ce qui relève de la politique sociale demeure de la compétence de l'État » ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jacques Gillot. - Je salue le travail remarquable et très constructif de la commission. Les bouleversements qui ont marqué 2009 ont fait émerger une formidable espérance à laquelle les pouvoirs publics doivent donner un sens. Ce rapport donne des pistes à cet effet. Sans débattre de l'opportunité de telle ou telle proposition, il est fondamental, dans la perspective du prochain conseil interministériel sur l'outre-mer, de nous accorder sur quelques grands principes pour faire vivre les propositions de la mission et des états généraux -que d'espoirs déçus si ce travail de fond restait en l'état !
Nous devons établir une hiérarchie des priorités en fonction de la spécificité de chaque territoire. Le peuple de Guadeloupe aspire à habiter son destin au sein de la République, ce qui suppose d'en finir avec l'assistanat sans brandir le spectre de l'indépendance. Il faut de l'audace et de l'ambition. Cela vaut pour la fixation dans la transparence d'un prix du carburant garant de l'emploi local. C'est vrai aussi de la surveillance des prix et du contrôle des règles de la concurrence. Il faut de l'audace et de l'ambition dans la formulation d'un plan d'urgence pour la jeunesse, ces 56 % de la population frappés par la désespérance et le chômage, avec un contrat d'autonomie, l'application du RSA avant le 1er janvier 2011 étendu aux moins de 25 ans, comme le Président de la République l'a proposé pour la métropole. Audace et ambition, encore, face à la crise du logement, en prenant en compte le coût réel des opérations et une continuité territoriale comparable à celle dont bénéficie la Corse. Audace et ambition, toujours, pour les collectivités locales, ces pompiers sociaux dont l'action est minée par l'acte II de la décentralisation et des dotations qui n'augmentent pas plus vite que l'inflation. Ambition, enfin, dans le rattrapage de l'investissement structurel dans les secteurs porteurs en vue d'un développement endogène.
Si l'on peut ainsi jeter les bases d'un nouveau contrat social, seules l'audace et l'ambition dans la mise en oeuvre de ces propositions renforceront notre foi en la France. (Applaudissements sur les bancs socialistes ainsi que sur celui de la commission)
M. Jean-Etienne Antoinette. - Il revient au dernier orateur de mettre en évidence la question transversale de l'égalité entre les outre-mer et le reste du territoire national. La mission aura joué un rôle fondamental si l'on en vient à reconnaître les disparités qui persistent depuis la départementalisation. Produit d'une histoire souvent douloureuse, celles-ci semblent être au fondement même du contrat liant ces territoires à la République qui tantôt invoque leurs spécificités pour ignorer leurs droits et tantôt invoque l'uniformité pour les oublier. La notion d'équité doit s'imposer avec force, comme l'égalité, dans la prise en compte des différences. La dotation d'équipement est accordée aux communes de plus de 2 000 habitants en métropole mais de 7 500 habitants chez nous tandis que la DGF ne reconnaît pas le dynamisme démographique et que la sur-rémunération des fonctionnaires n'est pas compensée. En revanche, les mesures sociales sont mises en oeuvre avec retard. Je m'interroge d'ailleurs sur la déclinaison du RSA jeunes alors que le RSA s'appliquera avec un décalage de deux ans. De même, sous couvert de normes européennes, des dispositions réglementaires manquent au plus élémentaire bon sens. Le système actuel est structurellement pervers dans tous les domaines, y compris la santé, comme l'a mis en lumière le travail de la commission.
La notion d'égalité est à double tranchant. D'un côté, elle ampute des droits, comme avec le plafonnement de la dotation superficiaire pour les zones de montagne ; de l'autre, elle alourdit le traitement des déchets et éclaire le sort réservé à nos amendements sur le Grenelle. Un traitement égalitaire s'applique aveuglément, ce qui n'empêche pas de distribuer bons et mauvais points avec paternalisme mais dans l'ignorance des réalités locales, des écarts de gestion, des dépenses obligatoires, de la démographie ou de l'enclavement.
On comprend dès lors l'importance de l'évolution statutaire pour les états généraux ou la tentation que l'article 74 de la Constitution représente pour les élus. Le professeur Thierry Michalon a expliqué que les départements ultramarins sont partagés entre désirs d'émancipation et d'assimilation. Mais il a oublié l'attitude de l'État, partagé entre indifférence aux réalités et volonté de contrôle.
Oui, quand les débats législatifs restent marqués des mêmes réflexes de crispation de l'État -voyez le schéma minier- et que les logiques partisanes l'emportent sur le pragmatisme, on peut se demander ce qu'il peut advenir du consensus autour de ce rapport, adopté à l'unanimité moins une abstention.
Je n'aimerais pas que ce rapport ne soit qu'une manifestation de bonne conscience du Sénat après les mouvements sociaux de l'hiver dernier. Il y a un vrai problème, profond, grave, transversal. Le fonctionnement des institutions de la République est généralement évacué. C'est pourquoi je souhaite, madame la ministre, que vous nous expliquiez quelles propositions du rapport seront retenues pour donner de vraies chances aux collectivités locales d'outre-mer, et selon quel calendrier. Quelle organisation administrative l'État compte-t-il adopter pour mieux prendre en compte nos réalités dans l'élaboration et la mise en oeuvre des projets nationaux ? Aujourd'hui, les ministères techniques occultent l'outre-mer, et les parlementaires ultramarins sont peu écoutés... Quelles démarches seront menées auprès de l'Europe pour une adaptation de la réglementation en matière de relations internationales, permettant une intégration des départements d'outre-mer dans leur environnement régional ? Nous aimerions savoir ce qui ressort de la récente Conférence des Canaries. Quelle politique d'éducation permettra aux départements d'outre-mer de rattraper les standards métropolitains de la réussite scolaire ?
Des réponses concrètes à ces quatre questions sont indispensables pour engager une évolution positive de la situation des départements d'outre-mer, quelle que soit leur évolution statutaire, sans oublier l'effort considérable à faire pour la santé, la formation professionnelle ou le développement économique. La question des prix et de la cherté de la vie en outre-mer a été le détonateur d'une crise dont les racines sont bien plus profondes. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. le président. - Je vous prie d'excuser mon retard.
Non, ce rapport n'a pas vocation à être mis dans un placard ! Tous les présidents de groupe ont tenu à participer à ce débat. Nous voulons faire mentir Édouard Glissant lorsqu'il écrit qu'en France on pratique une espèce de refus fondamental de s'enrichir de la diversité. Tel est le sens des réponses que nous aurons à apporter. Ce rapport ne doit pas figurer dans les « riches heures » du Sénat, mais apporter une contribution à un territoire qui n'est pas qu'hexagonal. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer. - Les orateurs ont présenté de manière remarquable leurs analyses et leurs propositions. Cette mission, qui a un caractère exceptionnel, a fait la lumière sur les causes profondes du malaise de l'outre-mer. Il faut changer d'époque et nous sommes maintenant en mesure de bien préparer le prochain comité interministériel de l'outre-mer.
On a dit que cette consultation ne serait pas vraiment un succès. Mais la population s'est mobilisée, il y a eu 140 000 connexions au site internet et 10 000 contributions ! L'initiative du Président de la République était donc d'autant plus opportune que nous avons la volonté de refonder des relations sereines entre la métropole et l'outre-mer.
Les conclusions de votre mission exceptionnelle sont rigoureuses et ses propositions concrètes devraient faciliter une véritable évolution. Que vos analyses rejoignent celles des états généraux en montre la justesse. Sur l'agriculture, par exemple, les démarches sont parallèles ; des deux côtés, on parle restructuration des filières, soutien à la production locale, développement endogène. J'ai compris aussi que les questions de gouvernance occupaient une place importante dans vos réflexions et que vous souhaitiez une décentralisation des services et des moyens de l'État.
Je souhaite come vous que le plan annoncé par le Premier ministre en 2008 soit effectif. Mais la gouvernance passe aussi par une souplesse institutionnelle : chaque territoire doit pouvoir imaginer les solutions les plus propres à ses besoins particuliers. Il n'est pas question d?imposer à tous un même modèle. Ce qui est vrai pour la Réunion ne l'est pas forcément pour les autres départements d'outre-mer. Ni les histoires ni les aspirations ne sont les mêmes.
Il est vrai que nous n'avons pas assez utilisé l'article 299-2 du traité européen, qui permet de grandes adaptations. J'ai ressenti une demande très forte de votre mission d'utiliser bien davantage cette souplesse qu'offre la réglementation européenne. La Commission européenne est très ouverte sur l'application de cet article, en particulier pour l'octroi de mer. Mais il ne peut s'agir là de solutions pérennes.
La formation des prix ? L'autorité de la concurrence ira certainement plus loin : tous les abus de position dominante doivent cesser. L'Observatoire des prix doit jouer complètement son rôle. Des réponses vous seront apportées dans le cadre du comité interministériel de l'outre-mer.
Le logement social ? C'est mon ambition. J'ai dit dès ma prise de fonctions que les tensions sociales étaient souvent liées à des questions de logement. Nous avons outre-mer un habitat très dégradé et très insalubre. Je ne veux vraiment pas me contenter d'affichage !
Les ultramarins attendent de nous que, chaque année, nous leur présentions des résultats et j'ai déjà commencé à travailler avec Benoît Apparu pour y parvenir. Sur les décrets d'application, je vous rassure : ils sont en consultation auprès des collectivités locales et seront prêts rapidement. Sur l'utilisation des énergies renouvelables, je vous rassure aussi : le décret sur la bagasse est signé.
Sur l'emploi et la jeunesse, beaucoup de vos propositions alimenteront notre débat préparatoire au comité interministériel de l'outre-mer. Mais le Gouvernement a déjà pris des mesures avec le plan d'urgence pour l'emploi, le plan « Agir pour la jeunesse » et le plan « Santé pour l'outre-mer ».
Le RSTA pose le problème de sa pérennisation après trois ans. L'important est donc de nous préoccuper de préserver notre tissu économique, sans lequel il n'est pas d'emplois durables.
Oui, nous avons l'audace de répondre aux problèmes, non par des rapports sans suite mais par des propositions concrètes. Nous n'avons pas attendu le comité interministériel pour agir. Nous avons déjà engagé l'évolution institutionnelle de la Martinique et de la Guyane et, sur les carburants, nous avons pris des mesures, eh oui, monsieur Gillot ! Ce n'était pas facile et c'est ce gouvernement qui a entamé la démarche ! Nous apportons des réponses concrètes. Déjà en Guyane, l'État est prêt à céder du foncier pour réaliser des équipements publics. Et nous irons plus loin !
Vos réflexions seront essentielles pour les décisions qui seront prises prochainement. Vous êtes préoccupés par la situation financière des collectivités locales d'outre-mer. L'octroi de mer est une réponse. Mais il faudra aussi songer à un élargissement des bases, et à d'autres taxes peut-être...Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé nombre d'idées dans votre rapport. Vous avez même osé traiter du sujet tabou de la sur-rémunération, sujet difficile sur lequel le Premier ministre s'est dit disposé à lancer une réflexion. Vos propositions confortent celles des états généraux, c'est une autre approche encore pour le Comité interministériel. Je vous remercie et vous félicite de ce travail parlementaire. Nous en avons besoin. Votre rapport sera un document de référence pour la suite, il ne restera pas lettre morte. Non plus que le travail des ateliers des états généraux. Tout ne sera pas gardé mais l'ensemble constituera un cadre pour les débats futurs entre le Gouvernement et le Parlement. Votre travail a pour moi une grande force symbolique car il conforte le lien entre l'outre-mer et sa métropole. Les ultramarins aiment les moments comme cet après-midi car ils y voient que, pour le Gouvernement et le Parlement, ils sont des citoyens à part entière. (Applaudissements à droite et au centre)
Débat interactif et spontané
M. Gérard Longuet. - Tout d'abord je vous présente mes excuses pour n'avoir pas assisté à la totalité du débat : j'étais retenu à la présentation par le Président de la République de sa réforme des collectivités locales à Saint-Dizier. Je ne suis pas des plus compétents sur l'outre-mer mais mon groupe a jugé utile que son président interroge la ministre et je le ferai sur un point très technique. Le RSTA a permis de dénouer la crise du début de l'année mais il inquiète aussi, compte tenu de l'impact qu'il risque d'avoir sur la PPE. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Dès le départ, le RSTA a été présenté comme un complément de revenu et une prestation sociale. C'est un RSA adapté et, en tant que tel, il est aligné sur le régime fiscal et social de ce RSA. Le Gouvernement a fait de gros efforts pour le mettre en oeuvre et je suis personnellement allée dans les Caisses pour que, dès novembre, on soit en mesure de porter à 200 000 le nombre des prestataires. Compte tenu du taux particulier d'imposition outre-mer -abattements de 20 % et de 10 %-, il est difficile de connaître l'impact de la prime pour l'emploi sur le RSTA. Dans l'immédiat, les bénéficiaires toucheront leurs 200 euros, puis nous ferons un bilan et aviserons en conséquence.
M. Bernard Frimat. - Le président et le rapporteur de la Mission viennent d'être couverts de fleurs. A huit jours de la Toussaint, où les cimetières sont très fleuris, j'ose espérer que leur rapport n'y sera pas enterré...
Nous allons être saisis d'un projet de modification institutionnelle des collectivités locales. En même temps les Guyanais et Martiniquais seront saisis d'un référendum sur l'article 74, et éventuellement sur l'article 73. Ils vont donc voter dans la plus grande incertitude... On nous dit que l'adaptation législative sera faite par ordonnance. Le confirmez-vous ? C'est sans doute ainsi que vous entendez donner suite aux félicitations que vous venez d'adresser au travail parlementaire.... Toute modification institutionnelle doit passer par le Parlement, non par l'ordonnance !
Je me tourne maintenant vers mes collègues de la Réunion. Le pire n'est pas exclu : si d'aventure le conseiller territorial ...
M. Gérard Longuet. - Par bonheur !
M. Bernard Frimat. - ... est institué, ne conviendrait-il pas de consulter, en vertu de l'article 72-4 de la Constitution les populations de la Réunion et de la Guadeloupe, collectivités qui se retrouveraient avec une assemblée unique sur un territoire unique ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Comme à Paris !
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - La Réunion, comme l'a rappelé M. Virapoullé, est attachée au droit commun ; la réforme territoriale s'y appliquera. (M. Bernad Frimat s'étonne) Les élus n'ont pas délibéré en sens contraire. La Guadeloupe a demandé un délai de dix-huit mois. Guyane et Martinique ont, elles, souhaité une évolution institutionnelle. Si elle est acceptée par les populations, la question est réglée ; si elle ne l'est pas, la voie des ordonnances paraît la mieux adaptée pour inscrire ces collectivités dans le droit commun.
Il ne faut pas en outre faire la confusion entre collectivité unique et collectivité identique. L'article 72-4 n'a pas à s'appliquer en l'espèce.
M. Jean-Jacques Pignard. - La Lodeom a apporté certaines réponses au problème du logement social outre-mer, au travers notamment d'un nouveau mécanisme de défiscalisation ; où en sont les textes d'application ? Je note que les autorisations d'engagement sur la LBU régresseront en 2010 ; la baisse est limitée, 0,25 %, mais le signal est plutôt négatif, sachant que le législateur a voulu que la LBU demeure le socle de financement du logement social dans les départements d'outre-mer.
La mission d'information a dégagé quelques points à approfondir, dont les paramètres de la LBU et la question des normes qui pèsent inutilement sur les bailleurs et les promoteurs. Elle a fait une proposition innovante, la création d'une sorte de droit au foncier opposable, d'un droit de tirage des collectivités territoriales sur des terrains d'État. Que pensez-vous de cette idée, qui pousserait les services de l'État à se mobiliser davantage ? Quelles mesures concrètes le Gouvernement entend-il prendre enfin pour résorber l'habitat insalubre, dénoncé à juste titre dans le rapport de notre collègue député M. Letchimy ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Sans dévoiler les décisions qui seront prises lors du prochain comité interministériel pour l'outre-mer, je peux vous apporter quelques précisions. La gestion des dossiers de défiscalisation sera déconcentrée au niveau local ; les décrets seront publiés le mois prochain, de sorte que toutes les possibilités offertes par la Lodeom seront opérationnelles. Il faut d'autre part explorer la voie de l'habilitation pour l'évolution des normes techniques, qui permettrait de réduire les coûts -la Guadeloupe l'a déjà fait. Quant au foncier, l'essentiel est de le maîtriser. Je ne suis pas sûre que le droit opposable soit la solution. Plusieurs possibilités sont déjà ouvertes dans le cadre du plan de relance et des conventions d'action foncière sont mises en place, notamment à la Réunion et à la Guadeloupe, qui sont un succès.
M. Éric Doligé, rapporteur. - Les craintes sur le devenir de la LBU ne sont pas fondées ; si, dans le budget 2010, les autorisations d'engagement passent de 255,1 à 254,5 millions d'euros, les crédits de paiement augmentent de 2 %, à 210 millions d'euros.
M. Serge Larcher, président de la mission commune. - Outre la question des indivisions, ce n'est pas tant la disponibilité du foncier qui pose problème que sa viabilisation. Les communes sont financièrement exsangues et le Fonds régional d'aménagement foncier urbain est loin de faire l'affaire. Il faut une action plus vigoureuse.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - On peut aussi évoquer les établissements publics fonciers ...
Mme Gélita Hoarau. - Ne peut-on imaginer un dispositif de mise en débat et de suivi des propositions de la mission, assorti d'un calendrier, qui permettrait au Sénat et au Gouvernement de faire conjointement le point ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - La question du suivi des décisions est très importante. Dans chaque territoire, les ateliers mis en place lors des états généraux vont être transformés en comités de suivi. Je sais que le président du Sénat a souhaité un suivi des propositions de la mission d'information. Nous pourrions utilement travailler en parallèle.
M. Dominique Leclerc. - Je veux évoquer les sur-pensions des fonctionnaires d'État outre-mer. L'indemnité temporaire de résidence majore les pensions de 35 % à 75 %, situation que la Cour des comptes a dénoncée pour son caractère inégalitaire et les fraudes auxquelles elle donne lieu. Au terme de cinq ans de marathon législatif, une réforme complexe et très progressive a été décidée l'an dernier. Toutes les dispositions réglementaires ont-elles été prises ? Où en sont les mesures de contrôle que le législateur avait souhaitées ? Peut-on estimer l'impact financier de la réforme à court, moyen et long termes ? Dégagera-t-elle des moyens pour le développement des départements d'outre-mer ? Je suis dubitatif ; on lit en effet sur le site du ministère que 82 % des personnes concernées ne verront pas leur indemnité réduite par la réforme. Celle-ci n'aura-t-elle été qu'un coup d'épée dans l'eau ?
Le calendrier d'application est d'une lenteur désespérante : l'échéance de 2028 est bien trop lointaine. L'ITR est un avantage d'un autre temps, qui doit disparaître.
Le creusement des déficits sociaux rend impossible d'imaginer l'extension des sur-pensions aux territoires d'outre-mer qui n'en bénéficient pas. La réforme prévoit un rapport du Gouvernement sur ce sujet -j'espère qu'il donnera lieu à débat public. Si la réforme de l'ITR se révélait ne pas en être une, le sujet sera sur la table lors du rendez-vous de 2010 sur les retraites.
Comment demander à nos concitoyens de nouveaux sacrifices pour sauver notre pacte social si les sur-pensions perdurent ?
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - L'outre-mer a largement participé à la révision générale des politiques publiques. Cette réforme était difficile, elle concerne un nombre important d'ultramarins. Mon prédécesseur a eu le courage d'aller jusqu'au bout. Aujourd'hui, toutes les dispositions ont été prises. Toutefois, la réforme ne concerne que le flux, et non le stock : c'est pourquoi les effets ne seront pas visibles avant une vingtaine d'années. Mais l'objectif sera atteint. Sur l'accompagnement des retraites, M. Woerth rendra un rapport au Parlement, qui donnera bien entendu lieu à un échange.
M. Éric Doligé, rapporteur. - Cette réforme n'a abouti qu'après de nombreuses tentatives. Ce n'est que lors du collectif que le rapporteur général du budget a pu faire adopter un amendement qui enclenchait cette courageuse évolution. Les courbes indiquent effectivement une progression du coût -de 270 millions en 2006 à 350 en 2010- car la réforme n'a fait que plafonner les conditions d'entrée : ce n'est qu'en 2028 que l'on verra les courbes s'inverser.
M. Serge Larcher, président de la mission commune. - Les DOM d'Amérique n'ont jamais bénéficié de l'ITR. Est-ce parce que l'on y vit moins longtemps ?
M. Claude Lise. - Je reviens au problème du foncier. En Martinique, l'État participe au financement de la viabilisation du foncier dans le cadre du Frafru, mais le problème de la conditionnalité dans le partage entre État et collectivités locales demeure : les collectivités doivent assumer au moins 20 % de la différence entre la charge foncière réelle et la charge de référence. L'État doit faire plus : avec un effort de 7,7 millions entre 2000 et 2006, et 1,7 million pour les opérations en cours, le conseil général de Martinique est aux limites de ses possibilités. On parle beaucoup d'adaptation : le Gouvernement ne peut-il supprimer cette règle de la conditionnalité, ne serait-ce que pour une durée limitée, le temps de traverser la crise ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - La participation des collectivités locales est fixée à 20 %. Des efforts ont déjà été faits via le Frafru et les conventions d'action foncière qui réduit cette participation à 10 %. J'ai conscience que ce système est un frein pour les opérations. Je ne peux pas aller plus loin aujourd'hui car le débat aura lieu en amont du comité interministériel, mais soyez certain que le sujet sera abordé.
Mme Colette Giudicelli. - La réforme de l'hôpital vise à améliorer l'offre de santé, mais elle doit prendre en compte les spécificités de l'outre-mer : conséquences des risques naturels, insularité, pathologies propres aux zones tropicales... Madame la ministre, pouvez-vous nous rassurer sur la prise en compte des particularités sanitaires des départements d'outre-mer dans le plan Hôpital 2012 et le plan santé outre-mer ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - En présentant le plan santé outre-mer aux Antilles, Mme Bachelot-Narquin a souligné que les risques naturels seraient pris en compte. Le CHU de Pointe-à-Pitre sera reconstruit dans le cadre d'un programme de réhabilitation des établissements hospitaliers, avec une enveloppe non négligeable.
Les maladies spécifiques sont également prises en compte, avec notamment un plan drépanocytose. D'autres mesures seront confortées lors du comité interministériel, notamment en matière de formation et de recherche.
M. Daniel Raoul. - Parmi les propositions de la mission sénatoriale figure la création d'une Maison des richesses des outremers, afin de permettre une meilleure connaissance de la valeur ajoutée qu'apportent ces territoires. Or le 6 octobre dernier, le ministre de la culture a annoncé la création d'une mission visant à valoriser les richesses culturelles de l'outre-mer, confiée à Michel Colardelle, Conservateur général du patrimoine, qui doit rendre un rapport d'étape fin janvier 2010.
Je m'interroge sur le périmètre, la méthode et les moyens de cette mission. Pourquoi le secrétariat d'État à l'outre-mer n'en est-il pas le maître d'oeuvre ? Je crains qu'un conservateur du patrimoine n'ait une vision restrictive des valeurs « culturelles » de l'outre-mer, limitée au patrimoine et aux oeuvres littéraires, au détriment par exemple des lagons, de la faune et de la flore. Par ailleurs, comment cette mission va-t-elle travailler avec les élus ultramarins, qui connaissent bien les richesses de leurs territoires, et les assemblées parlementaires ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - La prise en compte de l'identité culturelle de l'outre-mer et la valorisation de ses atouts sont un sujet crucial, qui a été soulevé lors de la crise sociale. Cette dimension sera bien entendu retenue.
Je me félicite que le ministre de la culture s'approprie la question de l'outre-mer. Le secrétariat d'État n'a pas vocation à se substituer aux autres ministères : chacun a vocation à traiter de l'outre-mer à chaque fois qu'une question se pose au plan national.
La mission ne prendra pas en compte uniquement le patrimoine culturel, elle prendra le soin d'associer tous les ultramarins ainsi que mon secrétariat d'État. Mais l'implantation de centres culturels outre-mer exige l'implication du ministère de la culture et je me félicite de son intervention !
M. Alain Gournac. - Le chômage outre-mer est deux à trois fois supérieur à ce qu'il est en métropole : un quart de la population active environ, contre 7,5 %... La moitié des 15 à 24 ans sont touchés, contre 20 % au plan national. Une action de très grande ampleur s'impose contre ce fléau. L'État doit mobiliser des moyens pour s'attaquer aux causes profondes, l'absence de qualification en particulier. Les contrats aidés seront-ils maintenus en 2010 ? La situation particulièrement dégradée exige des réactions fortes pour aider les jeunes.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Il faut agir sur deux niveaux. Au plan économique d'abord, la Lodeom a entendu concentrer les efforts sur les secteurs d'activités les plus créateurs d'emplois, développement durable, nouvelles technologies... Nous encourageons l'embauche par des exonérations de charges, même s'il y a, sur ce point, un débat. Nous maintenons la défiscalisation qui, outre-mer, n'a rien d'une niche abusive mais soutient utilement l'activité. Il faut aussi favoriser le retour à l'emploi, les contrats aidés en sont un outil : leur enveloppe est maintenue mais ces contrats, dans le secteur public, se traduiront par des charges ultérieures en Assedic.
M. Alain Gournac. - Bien sûr !
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - L'autre niveau d'action touche la formation.
M. Alain Gournac. - Voilà !
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Les plans de formation doivent être cohérents avec les débouchés locaux car la formation pour la formation n'engendre que des frustrations. Mais nous sommes encore loin de cette démarche, que le Gouvernement entend encourager. Je souligne que l'illettrisme progresse fortement ; or il est source d'exclusion, partant, de tensions sociales...
M. Jean-Paul Virapoullé et M. Alain Gournac. - Très bien !
M. Éric Doligé, rapporteur. - Le recteur de la Réunion nous a indiqué que l'Éducation nationale procède à environ 1 000 embauches par an : mais 900 des 1 000 candidats retenus viennent de métropole, alors que le territoire ne manque pas de diplômés. Il est vrai que la sur-rémunération de 1,53 attire les métropolitains ; et les jeunes sur place, qui ont moins d'ancienneté, voient ces arrivants passer devant eux... Nous n'avons pas la solution miracle mais nous avons des pistes, exiger la maîtrise de la langue créole par exemple. (Sourires)
M. Georges Patient. - Madame la ministre, vous avez été muette sur les demandes de dotations de la Guyane et de déplafonnement de la dotation superficiaire...
Comment le secrétariat d'État compte-t-il améliorer la visibilité de l'outre-mer dans les médias ? Je songe au sort réservé à RFO, alors que le rattachement à France Télévision devait garantir son développement et sa pérennité. A ce jour, au sein de l'audiovisuel public, seule France Ô a les faveurs de la direction centrale. Pour les autres chaînes, le rattachement s'est traduit par une régression des cultures ultramarines et de la situation des salariés. Quid d'un budget affecté à la défense de l'identité culturelle de chaque territoire ? Les salariés auront-ils enfin les mêmes conditions de mobilité que les autres au sein du groupe ? Quand les cadres de nos régions accèderont-ils à des fonctions de direction ? Aucun ne siège au comité exécutif !
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Je n'ai pas été volontairement muette : j'ai dit que ce débat serait l'occasion d'aller plus loin et d'évoquer d'autres questions. La situation de la Guyane, pas plus que celle de Mayotte, n'est comparable à celle des autres départements d'outre-mer et la réflexion est en cours touchant un accompagnement particulier pour les collectivités guyanaises.
Quant à l'audiovisuel, une convention d'objectifs et de moyens a été signée avec le CSA afin que soit prise en compte la visibilité des territoires d'outre-mer. Mais les questions que vous évoquez à propos de RFO relèvent de la gestion interne de France Télévisions et sont donc à évoquer avec mon collègue M. Frédéric Mitterrand. Le ministre de l'outre-mer n'est pas le premier ministre de l'outre-mer !
M. Serge Larcher. - Je ne comptais pas poser cette question, mais les maires de Martinique nous regardent à la télévision et attendent votre réponse. L'octroi de mer est assis sur les importations et sur la production locale ; il finance les budgets des communes et des régions. Or, lors de notre passage à Bruxelles, les commissaires nous ont dit que le rapport adressé par la France à mi-étape pour démontrer la pertinence du dispositif était vide. Si un document plus probant n'est pas envoyé, il n'y a aucune chance que la Commission nous autorise à maintenir le dispositif après 2014. L'État entend-il envoyer un autre rapport ? A-t-il pensé à une autre solution de financement pour les collectivités ? Les autres RUP, Canaries, Madère et Açores, qui appliquent le même dispositif ont déposé des documents très complets...
La crise économique et les évènements du début d'année ont provoqué un affaissement de 35 à 40 % des recettes d'octroi, lequel finance à hauteur de 65 % les budgets de fonctionnement des communes. L'État envisage-t-il de soutenir celles-ci ? Le fonds de garantie, qui ne garantit rien, (sourires) alimenté quand les recettes augmentent, sera-t-il sollicité quand elles baissent ? Pouvons-nous espérer fêter la Noël ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - L'octroi de mer constitue une recette essentielle pour les collectivités. Nous devons réfléchir à ce que seront leurs ressources dans l'avenir. Quoi qu'il en soit, il faudra justifier auprès de Bruxelles un éventuel maintien de l'octroi de mer après 2014. Il faut en expliquer le bénéfice pour les collectivités, ce qui sera aisé, mais aussi pour la production locale. Or il est difficile d'établir un rapport de nature à convaincre Bruxelles ; c'est pourquoi je vous propose de lancer une étude conjointe avec les collectivités locales, car ce sont les régions qui fixent les taux et ce sont elles qui détiennent toutes les informations utiles sur le sujet.
Lors des évènements de cette année, les collectivités ont choisi de réduire l'octroi de mer pour améliorer le pouvoir d'achat et pour contrer le ralentissement économique.
Cela aura des effets désastreux sur les finances locales. Les dispositifs existants pourront soutenir les collectivités : le Contrat d'objectif communal d'aide à la restructuration et au développement, ou plan Cocarde, et la restructuration financière, en lien avec l'Agence française de développement (AFD). Le Gouvernement veillera à ce qu'ils fonctionnent dans cette période difficile.
André Villiers. - Ma première intervention dans cette prestigieuse enceinte laissera au nouveau sénateur que je suis un souvenir inoubliable -et, si j'ose dire, teinté d'exotisme. Cela vous donnera l'occasion, mes chers collègues, de vous rappeler votre première prise de parole sous les riches ors du Sénat.
M. Daniel Raoul. - Quelle est la question ?
André Villiers. - C'est donc un parlementaire métropolitain qui s'intéressera à un sujet hélas commun aux agriculteurs de l'Hexagone et de l'outre-mer : la régression des surfaces agricoles utiles. Dans les départements d'outre-mer, leur évolution est inquiétante, surtout aux Antilles avec une diminution de 25 % en quinze ans. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour lutter contre ce phénomène ? La loi de modernisation de l'agriculture, prévue pour 2010, permettra-t-elle de mener à bien un plan de restauration des espaces agricoles ?
présidence de M. Guy Fischer,vice-président
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Cette diminution des surfaces empêche la diversification et le maintien de l'activité agricole, que le Gouvernement soutient afin d'assurer le développement endogène outre-mer. Nous préparons, avec le ministère de l'agriculture, un texte permettant de limiter les déclassements responsables de la diminution des surfaces agricoles.
M. Éric Doligé, rapporteur. - Vous trouverez dans le rapport de la mission, page 160, les chiffres retraçant la diminution de la surface agricole utile dans les départements d'outre-mer. Nous proposons d'engager un véritable plan de restauration de l'espace agricole pour lutter contre cette érosion. Les personnalités locales avec lesquelles nous nous sommes entretenus nous ont indiqué que, dans bien des cas, il est possible d'augmenter considérablement les surfaces agricoles utiles qui représentent, dans chaque département, de 25 000 à 40 000 hectares. D'autant que l'État possède de nombreuses surfaces récupérables pour cet usage.
M. Jacques Gillot. - La mission a préconisé un « plan Marshall » pour faire face au drame du chômage des jeunes dans les départements d'outre-mer, où près de 50 % des actifs de 15 à 24 ans sont sans emploi, contre 20 % au niveau national. Le faible niveau de qualification est la première explication de ce phénomène. En 2007, de 26 % à 58 % des jeunes ont quitté le système scolaire sans diplôme. L'insertion des jeunes sur le marché du travail constitue donc bien pour ces départements un enjeu spécifique. Comment le « Plan jeune », annoncé le 2 septembre par le Président de la République, y sera-t-il décliné, notamment pour ce qui concerne le RSA jeunes ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Je l'ai déjà dit : cette question est essentielle. Le dispositif du service militaire adapté s'adresse déjà aux jeunes éloignés de l'emploi et de la société. Il devra être complété par d'autres mesures visant à améliorer la qualification et la formation.
Quant au RSA jeunes, il ne peut être cumulé avec le RSTA, qui constitue lui-même une adaptation du RSA. Le Gouvernement l'a clairement indiqué. En vertu des accords Bino, le RSTA s'appliquera pendant trois ans. Si le maintien du RSA s'avère la meilleure solution pour l'outre-mer, je vous soutiendrai, monsieur le sénateur, comme je l'ai indiqué lors de mon déplacement aux Antilles.
M. François-Noël Buffet. - Il me semble que le sujet de l'immigration clandestine n'a pas encore été abordé. L'actualité récente, notamment à Mayotte, nous a rappelé le drame que représente l'immigration clandestine. En 2006, j'ai été rapporteur d'une commission d'enquête sénatoriale sur ce sujet, qui a émis 45 recommandations dont certaines ont été reprises par le texte adopté en 2007. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer où en sont les moyens de contrôle de cette immigration par l'État et la lutte contre le travail illégal ? La coopération avec les pays voisins est-elle effective ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - L'immigration clandestine outre-mer est une préoccupation du Gouvernement. A Mayotte, les moyens de la police de l'air et des frontières (PAF) ont été augmentés de 290 %. Les effectifs de la PAF se sont accrus de 20 % en Guadeloupe et de 40 % en Guyane. A Mayotte, une cellule de coordination opérationnelle organise le travail de la gendarmerie, des douanes, de la PAF et de la marine, et un quatrième radar va être installé. En Guyane, la lutte contre l'immigration a été renforcée par l'opération Harpie. A Saint-Martin, un local de rétention administrative a été créé.
Le nombre des reconduites à la frontière est le même pour l'outre-mer que pour la métropole, soit 25 000 par an. Le RSA contribuera à lutter contre le travail clandestin, et donc l'immigration clandestine. Pour ce qui est du renforcement de la coopération, un groupe technique de haut niveau a été mis en place entre Mayotte et les Comores. Cette approche est au point mort du fait de la départementalisation, mais nous espérons la relancer.
Mme Michèle André. - Une des propositions du rapport sénatorial concerne la visibilité des outre-mer dans les média. Comment le secrétariat d'État compte-t-il agir pour accroître celle-ci ? Des contacts en ce sens ont-ils été pris avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel? Comptez-vous étudier la proposition de la mission de créer une agence nationale et des agences régionales pour la promotion des cultures ultramarines ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Une convention existe déjà avec le CSA. La création de cette agence fait partie des propositions actuellement à l'étude.
Mme Catherine Procaccia. - Dans le rapport que j'ai évoqué tout à l'heure, nous avons estimé que la pollution des eaux continentales et des milieux marins par le chlordécone représentait un risque avéré. Le ministère de l'agriculture a interdit récemment la pêche en Martinique et, je crois, en Guadeloupe. Cela semble signifier que notre rapport a été lu, mais si tel est le cas, il n'a pas été compris car nous préconisions de réaliser davantage de prélèvements avant de prendre une décision. En deux ans, seulement 144 poissons ont été étudiés en Guadeloupe, et 244 en Martinique, avec des résultats très contrastés. Si un seul tazar est contaminé, cela ne veut pas dire que tous les poissons de cette espèce le sont -et inversement.
Depuis avril, l'Ifremer ne peut avoir réalisé suffisamment de prélèvements pour aboutir à une certitude. Cette interdiction s'explique donc par la législation européenne, qui fixe la limite maximale résiduelle (LMR) à 20 microgrammes par kilo, contre 50 pour l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et 300 pour les États-Unis. Le principe de précaution appliqué aussi aveuglement ne peut qu'alarmer davantage la population. Interdire aux Antillais de manger du poisson local, c'est accroître les risques de diabète et les maladies cardiovasculaires. C'est aussi concourir à la création de circuits de commercialisation clandestins et encourager les importations de poissons, ce qui est contraire aux intérêts de l'économie locale.
Le Gouvernement compte-t-il intervenir sur ce dossier qui fragilise les pêcheurs et la population antillaise ? Pourrait-on prélever davantage de poissons pour affiner nos connaissances ?
M. Serge Larcher, président de la mission commune. - Une bonne partie de la zone côtière est entièrement interdite à a pêche. Il est bon d'appliquer le principe de précaution, mais cela va mieux en garantissant les revenus de ceux qui vivent des produits de la mer, dont nous sommes le deuxième consommateur au monde par habitant après le Japon. Les revenus qui disparaissent mettent des familles en difficulté. Que comptez-vous faire pour compenser les pertes considérables subies par les pêcheurs ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - N'oublions pas que le chlordécone pose en premier lieu un problème de santé publique. Le Premier ministre est venu en Martinique annoncer le plan de lutte. De nouveaux prélèvements seront effectués pour assurer la sécurité de nos compatriotes.
Il importe certes de préserver les revenus des pêcheurs, mais sans oublier que les Martiniquais et les Guyanais subissent un empoisonnement !
Au demeurant, l'arrêté de suspension ne porte que sur quelques espèces. Il a été pris dans l'attente des conclusions de l'Afssa, car le Gouvernement ne veut prendre aucun risque de santé publique.
M. Serge Larcher, président de la mission commune. - Et qu'est-ce qu'on dit aux pêcheurs ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Le plan chlordécone comporte une indemnisation. Les préfets de Martinique et de Guadeloupe feront le point sur la situation.
Mme Anne-Marie Payet. - Avec Mme Procaccia, nous avons posé des questions sur le plan santé outre-mer. Quels crédits lui seront-ils consacrés ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Ce plan a été repris par les états généraux. Sans énoncer l'ensemble des mesures à la place de ma collègue chargé de la santé, je mentionnerai la formation, le numerus clausus, la recherche-développement, le renforcement des établissements hospitaliers, la lutte contre les risques naturels et certaines maladies.
M. Éric Doligé, rapporteur. - Après les ministres de l'agriculture et de la culture, voici le tour de la santé !
Peut-être faudrait-il qu'une mission interministérielle vous permette d'avoir une vision globale. Nos propositions tiennent le coup !
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Joker ! (Sourires)
M. Antoine Lefèvre. - Les DOM ont vocation à exporter en métropole de la banane et de la canne à sucre.
La mission souhaite conforter ces secteurs traditionnels, qui assurent plus d'un tiers de la production agricole des DOM, soit 34 % à la Réunion, 36 % en Guadeloupe et 51 % à la Martinique. Sachant que les exploitations outre-mer n'atteignent pas assez souvent la taille critique, que compte faire le Gouvernement pour y développer la filière agricole ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Je remercie les membres de la mission, dont les suggestions dans ce domaine rejoignent les préoccupations du Gouvernement.
Pour diversifier les activités agricoles, nous misons sur la pêche et l'élevage. Nous recherchons l'essor de nouvelles activités agricoles tout en préservant la banane et la canne à sucre, dont la culture fait partie du patrimoine ultramarin. Nous recherchons la complémentarité.
J'ajoute que l'organisation de la filière bananière peut servir d'exemple pour d'autres cultures.
M. Jean-Etienne Antoinette. - Le rapporteur a proposé d'instituer une sorte de comité de suivi avec l'ensemble des ministres...
Quelles propositions retiendrez-vous parmi les 100 de la mission ?
Pour simplifier votre réponse, j'en prendrai trois au hasard.
Que pensez-vous de la proposition n°17 relative à la fiscalité des activités spatiales ? Le rapport demandé sur ce sujet devrait aborder le statut avantageux de grandes entreprises comme l'Agence spatiale européenne (ASE).
Retiendrez-vous la proposition n°20, qui préconise la remise sous condition des dettes sociales des communes guyanaises ?
Toujours en Guyane, deux communes rencontrent de graves difficultés financières : pourront-elles prétendre au plan cocarde ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - A l'évidence, je ne peux dévoiler aujourd'hui les propositions qui seront soumises au comité interministériel du 9 novembre. Toutefois, j'ai déjà mentionné le plan cocarde et la restructuration financière des collectivités, qu'il faut soutenir énergiquement. Il y a de fortes chances pour que les propositions sénatoriales, qui recoupent largement celle des états généraux, soient reprises par le Gouvernement.
En matière spatiale, les dirigeants des entreprises concernées se sont déjà engagés à accroître leur contribution, mais il faut prendre en compte le statut européen de l'ASE.
M. Jean-Paul Virapoullé. - Nous avons voté ici un amendement qui permet de défiscaliser l'investissement dans le logement social outre-mer. Le projet de décret ne nous a pas été communiqué, mais nous avons un bon service de renseignements... (Sourires) Le plafond de ressources retenu dans ce cadre serait inférieur à celui du Borloo populaire, ce qui rendrait ce dernier dispositif plus attractif. Plus de 5 000 personnes ont déjà été licenciées à la Réunion dans le secteur du bâtiment social, affaiblissant ainsi le premier secteur économique de l'île. Une mauvaise fixation du plafond coûterait plus cher à l'État qu'un niveau raisonnable.
Dans deux ans, les technologies de l'information et de la communication (TIC) auront remplacé le bâtiment à la première place des secteurs économiques de la Réunion. Là encore, nous avons eu le projet de décret. Les exclusions, qui portent sur des activités clés pour l'avenir comme le jeu électronique, le multimédia ou la production audiovisuelle, font que le décret ne concernera que 36 % des TIC. Au lieu de donner de l'oxygène à ce secteur, on l'étranglera !
Par ailleurs, il est possible d'adapter les dispositions européennes à l'outre-mer bien plus qu'il n'est fait à ce jour. Avec la cellule qui doit être placée auprès de vous-même, ou auprès du Premier ministre comme le propose la mission, envisagez-vous des directives communautaires sectorielles ou bien une directive globale permettant à l'outre-mer d'assurer son développement ?
J'achèterais en intervention avec le RSA. Nous avons eu sur ce sujet un débat dont vous pouvez consulter le compte rendu.
Vous verrez dans les débats que M. Hirsch avait clairement accepté que la non-application du RSA serait transitoire. Je m'accroche à cet engagement pour qu'on ne fasse pas deux poids deux mesures.
M. le président. - Vous avez explosé votre temps de parole.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Le projet de décret sur la loi Scellier d'abord. Lors du vote de l'amendement, le plafond devait se situer entre 8 et 10 euros le mètre carré ; on en est à 9 euros, ce qui reste entre le PLS et le LLS.
Le décret sur les NTIC n'est pas complètement finalisé. Nous examinerons la liste au cas par cas mais ne dénaturez pas le texte car il s'agit bien de définir un secteur prioritaire dans les NTIC.
Je crois que nous n'irons pas forcément vers une directive mais la Commission note que nous n'avons pas utilisé toutes les possibilités de l'article 299-2 du traité.
Il y a eu débat sur le RSA. Certains ont souhaité qu'il s'applique outre-mer en même temps qu'en métropole. Le Gouvernement l'a proposé afin de sortir de la crise mais il n'aurait pu s'agir d'un revenu complémentaire. Le Gouvernement a donc retenu le dispositif du RTSA, qui est un RSA adapté et qui ne saurait se cumuler avec lui.
M. André Dulait. - La mission a constaté combien les retombées financières du centre de Kourou étaient faibles pour les collectivités territoriales. Comment la réforme de la taxe professionnelle s'appliquera-t-elle et le centre s'insèrera-t-il parmi les grandes entreprises de réseau ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - J'ai déjà répondu que le centre spatial avait un statut européen. S'il ne paie pas la taxe professionnelle, il contribue à l'aménagement du territoire et apporte 23 millions sur cinq ans. On ne peut aborder la question dans ces termes car il faut être prudent s'agissant d'un secteur aussi concurrentiel.
M. Michel Magras. - Le 8 octobre, le conseil territorial de Saint-Barthélemy a adopté une délibération sur le statut de PTOM. Il s'agit d'une démarche de cohérence par rapport à notre statut au sein de la France car si nous restions en RUP, l'Europe nous imposerait des obligations dans des domaines dont la France nous a donné la compétence. La directive européenne sur l'essence a provoqué une augmentation du prix du litre de 22 centimes sur un an, de sorte que pour chaque euro qu'elle nous donne, l'Europe nous en prend deux. Enfin, le PIB par habitant de l'île étant supérieur à la moyenne européenne, nous perdrions accès aux fonds européens. Comment va s'opérer la jonction entre nos deux statuts ?
J'ai déposé une proposition de loi sur l'imposition par Saint-Barthélemy des revenus locaux des non-résidents. Quel est votre sentiment ?
M. Detcheverry attire l'attention du rapporteur sur le fait que certains problèmes sont communs aux départements et à d'autres collectivités d'outre-mer. La mission élargira-t-elle son objet ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Vos questions très techniques appellent des réponses précises. Il convient d'opérer un choix entre le statut de PTOM et celui de RUP. Saint-Barthélemy semble aller vers le statut de PTOM. Le Gouvernement accompagnera cette demande et j'en ai parlé hier au commissaire européen. Le droit transposé continuera à s'appliquer et votre collectivité pourra déroger au niveau des droits de douane.
M. Éric Doligé, rapporteur. - Voilà la meilleure question que l'on ait posée puisqu'il s'agit d'élargir le champ de la commission. Cependant cela ne relève pas de nous : le rapport a été rendu, la mission n'existe plus. Un groupe de travail va être mis en place. Si le président et le bureau le souhaitent, la qualité de nos travaux justifiera peut-être qu'on les prolonge et qu'on alimente ainsi la réflexion du Gouvernement. Il serait dommage de ne pas valoriser ces acquis. J'espère que le Sénat en tiendra compte.
M. Christian Cointat. - La crise sans précédent traversée par la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion en février dernier a posé la question du mode de développement et de société pour l'outre-mer français. Le Président de la République l'a souligné, un cycle historique s'achève, il faut apporter des réponses à long terme. Après les états généraux de l'outre-mer, après la mission, quelles décisions concrètes allez-vous prendre pour renouveler profondément la relation entre la métropole et ces territoires ? Pouvez-vous nous proposer une synthèse des leçons que vous tirez de tout cela ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Il y a une volonté de ne pas avoir un modèle unique : la situation des territoires n'est pas identique et chacun souhaite des relations différenciées au point que j'ai pu dire que nous pourrions avoir onze statuts pour onze territoires. C'est par du sur-mesure que nous répondra aux attentes des populations. Cela se traduira par plus d'État, un État plus présent, un État garant de l'intérêt général, des libertés et de la justice sociale. Cela impliquera une déconcentration et un renforcement des moyens de l'État dans ces territoires ainsi qu'une meilleure cohérence. Pour autant, il ne faudrait pas réduire les débats à la question de la gouvernance. Il y a d'autres attentes.
M. Serge Larcher. - La France est la première destination mondiale mais aux Antilles, des hôtels ferment ou licencient.
Ce constat est d'autant plus cruel quand on sait que l'ensemble des îles non francophones de la Caraïbe ont fait le choix du tourisme comme premier secteur de développement économique.
Une implication du Gouvernement est nécessaire pour la mise en oeuvre d'un plan vigoureux de soutien financier et de relance du secteur. Visitant le salon Top Résa en septembre dernier, vous avez, madame la ministre, affirmé vous impliquer fortement à côté des collectivités, appelant même à un électrochoc. Aussi je vous demande : quelle part l'État entend-il prendre dans la relance du tourisme aux Antilles françaises ? Avec quelles mesures d'accompagnement et quels outils financiers ? Quelles instructions sont données aux services de déconcentrés de l'État pour éviter la cascade de dépôts de bilans ? Pourquoi les services fiscaux, et avec eux Bercy, excluent-ils les destinations antillaises des lieux accueillant les séminaires de formation alors que ce potentiel de clientèle est indispensable notamment en basse saison ? Quelles mesures seront prises par votre ministère et celui du transport pour ouvrir le ciel des Antilles à partir de Roissy ?
Les Antilles veulent faire du tourisme le premier vecteur du développement. Le Gouvernement est-il prêt à les accompagner de manière durable ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - De fait, le tourisme est un secteur prioritaire parce qu'il recèle de grandes potentialités d'emploi. A court terme et compte tenu de la crise sociale, il faut relancer l'activité. Je suis disposée à accompagner cette démarche, dont on pourra mesurer les conséquences réelles sur le nombre de touristes qui peuvent être accueillis. Il faut aussi soutenir les entreprises pour éviter qu'elles ne licencient ou ferment. Cela peut passer par des mesures de défiscalisation, des exonérations de charges... Mais on ne pourra raviver le tourisme sans que soit rétablie la confiance, ce qui suppose que les tensions sociales s'apaisent. Cette condition est essentielle.
Il faut aussi que la Martinique et la Guadeloupe s'approprient ce secteur d'activité. Moi qui suis antillaise, je peux le dire : il faut que cesse cette idée que le tourisme est seulement une activité dans laquelle on vient chercher un emploi quand on n'en a pas trouvé ailleurs. Ce peut aussi être un ascenseur social.
Nous avons une histoire douloureuse ; il faut la dépasser.
M. Éric Doligé, rapporteur. - C'est mot pour mot ce que j'aurais voulu dire. Les Antilles ont tout ce qu'il faut pour réussir...
M. Daniel Laurent. - L'Autorité de la concurrence a souligné l'importance des écarts de prix entre l'outre-mer et la métropole ; plus de la moitié de ces écarts de prix dépassent 55 % ! Ce constat rejoint les données de la mission commune d'information. Que pensez-vous des propositions de l'autorité de la concurrence pour améliorer la concurrence et créer des centrales de stockage régional ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - La question est primordiale. S'il faut renforcer la législation, nous le ferons. S'agissant des plates-formes régionales, il ne faudrait pas que des mesures prises pour renforcer la concurrence aient pour effet la création de nouveaux monopoles.
Mme Lucienne Malovry. - La mission d'information a constaté les difficultés rencontrées dans l'identification des bases imposables de la fiscalité locale dans les DOM. Les services fiscaux mènent déjà des actions dans le sens d'une meilleure identification mais ces efforts semblent encore insuffisants. Quel renforcement des actions le Gouvernement envisage-t-il ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - De fait, les bases d'imposition doivent être élargies, ne serait-ce que pour fiabiliser les recettes des collectivités territoriales. L'État est prêt à les aider en renforçant les moyens. L'expérience menée en Guyane est concluante.
M. Marc Laménie. - La mission a aussi constaté un très mauvais taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu : 80 % contre 98 % en métropole. Il en est sûrement de même pour les impôts locaux. Quelles mesures précises compte prendre Bercy ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Il faut renforcer les moyens pour que le taux de recouvrement se rapproche de celui de la métropole et élargir les bases fiscales.
Mme Françoise Henneron. - Malgré la spécificité des DOM, l'organisation de l'administration déconcentrée de l'État n'est guère différente de celle de la métropole. Le schéma actuel n'est pas satisfaisant. Il faut mieux adapter les structures de l'administration locale aux besoins locaux. Les nouvelles structures qui se mettent en place peu à peu en métropole, dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, ne sauraient être appliquées telles dans les départements d'outre-mer.
Dans plusieurs domaines, les moyens de l'administration d'État ne suffisent pas pour faire face à des situations très particulières. C'est ainsi que les services chargés de la concurrence ne sont pas suffisamment proportionnés aux enjeux dans des économies naturellement oligopolistiques, sans parler de la déficience des services chargés du travail et de l'emploi face à des pratiques très développées de travail dissimulé.
Conjointement à leur désir d'une plus grande autonomie institutionnelle, les départements d'outre-mer demandent un renouvellement de la présence de l'État, ce qui ne veut pas dire moins d'État mais au contraire une meilleure reconnaissance de leur spécificité par l'administration déconcentrée.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - On ne peut pas modéliser : il faut regarder la situation territoire par territoire, peut-être en concentrant les services sur des missions précises. Nous voulons plutôt mieux d'État que plus d'État, plus d'efficacité, plus de cohérence. Des moyens, oui, mais surtout une meilleure organisation.
M. Georges Patient. - Vous n'avez pas répondu tout à l'heure à ma question sur les HLM. Je n'y reviens pas. Je voudrais cette fois vous interroger sur l'activité minière de la Guyane. Normalement, nous exportons quatre ou cinq tonnes d'or par an. L'exploitation légale est aujourd'hui arrêtée mais l'orpaillage continue et six tonnes d'or disparaissent chaque année de notre sol. Qu'en est-il donc de notre schéma minier ?
Le schéma minier est très décrié en Guyane mais nous n'en savons pas plus : il n'est toujours pas adopté et les autorisations d'exploitation ne sont toujours pas délivrées.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Vous savez, mieux que moi, comment a été décidée l'élaboration de ce schéma : un grand projet industriel avait capoté faute de documents d'aménagement du territoire. Aujourd'hui, ce schéma, objet d'une réflexion collective, est finalisé avec les orpailleurs et les collectivités locales. Ce schéma minier doit être cohérent avec le schéma d'aménagement régional et il viendra devant le conseil général et le conseil régional : à ce moment-là, on prendra en compte vos observations.
Nous voulons régler le dossier de la SAHLM : d'abord, pour préserver les finances des collectivités, il ne faut pas aller jusqu'à la liquidation, les garanties engagées n'étant pas négligeables ; ensuite parce que beaucoup de Guyanais attendent qu'on débloque une situation qui empêche de réhabiliter et de construire. Avec Benoît Apparu, nous cherchons une solution d'urgence pour la gouvernance de ce grand bailleur social.
M. Claude Lise. - Le conseil général de la Martinique participe au financement de l'aide à la balance, complément de rémunération de la tonne de canne livrée à la Saem du Galion, unique site de production de sucre. Cette aide est indispensable au maintien de la filière par la garantie des revenus qu'elle assure aux planteurs. Or, à la Guadeloupe et à la Réunion, c'est l'État qui prend totalement cette aide en charge. Mon conseil général ne cesse de demander qu'on mette fin à cette iniquité. A plusieurs reprises, j'ai appelé l'attention des ministres de l'agriculture successifs sur cette question. Dominique Bussereau, en 2005, avait émis un avis favorable à une telle prise en charge. Pourriez-vous intervenir auprès de votre collègue de l'agriculture pour qu'elle devienne réalité et, cela, avant la campagne 2010.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Je n'ai pas encore contacté mon collègue de l'agriculture à ce sujet mais je m'engage à le faire et à vous apporter une réponse.
Mlle Sophie Joissains. - La mission sénatoriale a préconisé la mise en place d'un « statut de l'étudiant ultramarin », comme l'avait fait le rapport des professeurs Hervé Baussart et Pascal Jan, remis au Gouvernement en mai dernier.
Quid des possibilités de continuité territoriale prévues par la Lodeom ? Quand des étudiants pourront-ils bénéficier d'un Erasmus régional spécifique pour faciliter leur mobilité géographique ?
Le projet de création de deux grandes universités francophones, l'une pour l'Océan indien et l'autre pour les Antilles et la Guyane, progresse-t-il ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. - Sur tous ces sujets nous sommes en phase de réflexion. Il faut en effet ouvrir l'université à son environnement de même qu'il faut élargir les mesures de continuité territoriale en ne se limitant pas aux relations entre l'outre-mer et la métropole. Pour l'instant, rien n'est arrêté, nous y réfléchissons.
Prochaine séance demain, mercredi 21 octobre 2009, à 14 h 30.
La séance est levée à 19 h 40.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mercredi 21 octobre 2009
Séance publique
À 14 HEURES 30 ET, ÉVENTUELLEMENT, LE SOIR,
Débat sur la réforme du lycée.
Question orale avec débat n° 48 de Mme Françoise Cartron à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité sur l'expérimentation des jardins d'éveil.
Mme Françoise CARTRON demande à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité de lui communiquer un bilan de la mise en oeuvre effective des jardins d'éveil. Alors que le Gouvernement avait annoncé la mise en place de 8 000 places payantes en jardin d'éveil à la rentrée 2009, les créations effectives de ce type de structures semblent, pour l'heure, tout à fait anecdotiques.
Les obstacles à la création de telles structures semblent être multiples : caractère flou du cahier des charges ; annonces contradictoires faites par le Gouvernement ne permettant pas de comprendre le mode d'organisation et la finalité de cette nouvelle structure destinée à la petite enfance (en termes d'articulation avec les structures existantes et notamment avec l'école maternelle, les classes passerelles et la crèche) ; qualification requise pour le personnel encadrant et animant ces structures ; taux d'encadrement ; vocation pédagogique ou non du projet ; coût de cette nouvelle structure pour les familles et les collectivités territoriales.
Le développement des jeunes enfants est un sujet majeur ; des solutions hasardeuses ne sauraient lui être apportées.
Ces interrogations appellent des réponses d'autant plus précises que le Gouvernement va, cette année encore, procéder à de nouvelles suppressions de postes dans le budget de l'enseignement scolaire, que la scolarité dès deux ans est de plus en plus menacée, que les charges incombant aux collectivités territoriales augmentent sans cesse davantage, qu'un nombre croissant de familles se trouve dans une situation financière extrêmement précaire.
Face à ces différents constats et face à la réticence des élus à s'investir dans les jardins d'éveil, ne serait-il pas préférable de renforcer les structures existantes, notamment en augmentant, de façon conséquente, les moyens consacrés à l'école maternelle ?
Débat sur les pôles d'excellence rurale.