Formation professionnelle (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.
Rappel au règlement
Mme Annie David. - La rentrée parlementaire augure mal de nos conditions de travail. La commission spéciale, dont la création a été une bonne chose, avait commencé ses auditions à la toute fin de la session. Elles ont repris ou, plus exactement, le rapporteur a repris avant fin août les auditions qu'il a ouvertes. Malgré cela, il n'est plus acceptable de travailler dans une telle précipitation, alors que la réforme constitutionnelle est censée avoir revalorisé les droits du Parlement et de l'opposition. Cette précipitation, vous l'accroissez avec la procédure accélérée, dont les effets sont identiques à ceux qu'avait l'urgence : accélérer les débats et nous priver des quelques avancées obtenues lors de la révision de la Constitution, rendre nos droits virtuels.
Il n'y a eu que deux jours entre la mise en ligne d'un texte profondément réécrit et la date limite du dépôt des amendements. Quant à la commission, elle a été suspendue cinq heures pour permettre à certains d'assister à un événement élyséen, de sorte que nous avons dû reprendre à 21 heures pour s'interrompre à une heure du matin et recommencer à l'heure du déjeuner...
M. Guy Fischer. - On ne peut pas travailler comme ça !
Mme Annie David. - En effet, ces conditions ne sont pas acceptables ; elles ne permettent pas un travail serein et de qualité. Le président de la commission explique qu'il n'en est pas responsable, n'étant pas maître de l'emploi du temps. Mais qui l'est ?
La précipitation que l'on nous impose fait écho aux pressions imposées aux partenaires sociaux pour l'accord interprofessionnel. Pression et urgence sont les méthodes dont le Gouvernement use pour imposer ses contre-réformes. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement.
Discussion générale
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. - (Applaudissements à droite) Je suis heureux que s'ouvre aujourd'hui la dernière étape de ce projet de loi. La discussion en commission spéciale a été riche et le texte a fait l'objet de nombreuses améliorations, souvent à l'initiative du rapporteur. Je salue donc cette commission qui a travaillé dans des délais contraints.
La formation professionnelle intéresse les sénateurs depuis longtemps et je pense en particulier au rapport remarquable de votre mission d'information présidée par Jean-Claude Carle, rapport considéré comme une référence par les spécialistes de la formation.
Des sommes considérables sont en jeu : 27 milliards environ dont 12 proviennent des entreprises, près de 10 de l'État, si l'on inclut la formation de ses propres agents, et 4 des régions. Compte tenu de l'importance de ces budgets, des conservatismes et des lobbies en place, la réforme était indispensable mais difficile... Il fallait donner un « coup de jeune » à un système à bout de souffle qui n'était plus ni juste, ni transparent, ni efficace. Il fallait le dépoussiérer, et d'urgence. Rarement un projet de loi a porté sur de telles sommes d'argent...
Il faut réformer notre système de formation professionnelle, d'abord, parce qu'il est l'héritier d'une conception du travail obsolète, celle de l'après-guerre où l'on restait dans la même branche, la même entreprise et le même métier tout au long de sa carrière, si bien que les financements de la formation n'ont jamais été concentrés sur les exigences de la mobilité professionnelle. Cette formation, purement défensive, se contentait de maintenir les salariés dans la même branche et la même entreprise.
Il nous faut remédier de toute urgence à trois insuffisances principales. La première, et c'est un comble, c'est que notre système, incapable de corriger les inégalités, a au contraire contribué à les renforcer. Nous ne pouvons plus continuer à accepter que l'argent de la formation professionnelle des salariés faiblement qualifiés finance la formation des cadres, que l'argent des PME finance celle des grands groupes et que l'argent des demandeurs d'emplois finance celle des salariés. Si vous êtes ouvrier, vous avez une chance sur sept d'accéder à la formation, contre une sur deux si vous êtes cadre ; si vous travaillez dans une entreprise de moins de dix salariés, vous avez cinq fois moins de chances de vous former que si vous êtes dans un grand groupe. Si vous avez plus de 50 ans, vous avez deux fois moins de chances d'accéder à la formation... Autrement dit, plus vous avez besoin de formation, moins vous avez de chances d'en bénéficier ! Or, plus que jamais, l'ascenseur social a besoin de cette formation cat toute inégalité dans la formation creuse le fossé entre les salariés bien formés et bien informés, et les autres, condamnés à vivoter en passant d'un petit boulot précaire à un autre.
Deuxième défaut du système : il manque de transparence, de lisibilité et pâtit de l'absence de toute évaluation. Le terreau est donc favorable aux dérives sectaires -coachings divers et stages comportementaux... Des règles éthiques élémentaires sont ignorées, telle celle voulant que ce ne soit pas la même personne qui paye et qui encaisse. D'énormes sommes destinées à la formation des salariés s'évaporent ainsi entre 20 à 30 000 organismes de formation totalement fictifs.
Dernier défaut du système : trop cloisonné, il est incapable d'accompagner les transitions entre les différentes branches et les différents métiers. C'est inacceptable quand on sait que, via le Contrat de transition professionnelle (CTP), il suffit souvent de formations courtes pour passer d'un secteur en perte de vitesse à un secteur qui recrute, par exemple de la vente à distance au travail en centre d'appels. Le président Legendre et les élus du Pas-de-Calais en savent quelque chose !
A partir de ce diagnostic partagé, les priorités de la réforme ont émergé clairement. Il faut cibler des objectifs précis et opérer des frappes chirurgicales sur les points névralgiques du système.
Première ligne de force : la justice et l'équité. Le but, c'est d'orienter les financements vers les plus fragiles et vers ceux qui en ont le plus besoin : les demandeurs d'emplois, les salariés faiblement qualifiés, les PME et les branches qui ne disposent pas de moyens suffisants pour se développer, comme les services à la personne et les emplois verts. Car il est inacceptable, et encore plus en ce moment, que des emplois ne trouvent pas preneurs dans ces secteurs qui sont de formidables gisements, faute d'argent pour y former ! Il faut opérer une révolution culturelle pour que 13 % des fonds de la formation soient redéployés vers ceux qui en ont le plus besoin.
Deuxième axe : l'emploi, objectif majeur de la formation professionnelle. Par la formation, les salariés doivent avoir les moyens de conserver leur emploi ou d'en retrouver un, et d'évoluer dans leur carrière. La culture de l'emploi s'est trop perdue, il faut le remettre au centre de la formation et en finir avec les stages d'enfilage de perles ou les stages « poudre aux yeux ».
Pour ceux qui ont un emploi, nous avons créé des outils qui facilitent les évolutions de carrière. Avant, un salarié qui changeait d'entreprise ou qui perdait son emploi voyait s'envoler les droits individuels à la formation (DIF) qu'il avait acquis ; ce projet de loi, sur ce point, consacre les avancées des partenaires sociaux, première étape vers un système de sécurité professionnelle. Il sera désormais possible d'effectuer son CIF (Congé individuel de formation) en dehors de ses heures de travail : il faut réhabiliter les cours du soir...
Autre avancée : avant, un salarié pouvait passer toute sa carrière sans jamais être sérieusement évalué ; à présent, chacun pourra demander tous les cinq ans à bénéficier d'un bilan d'étape professionnel pour faire le point sur ses besoins de formation.
Nous avons aussi voulu cibler les formations sur ceux qui recherchent un emploi et dont le système est incapable de financer la reconversion, par exemple celle de ceux qui demandent à passer un Caces (Certificat d'aptitude à la conduite en sécurité) ou à suivre une formation d'aide-soignante. Avec la réforme, les demandeurs d'emploi pourront suivre une préparation opérationnelle à l'emploi (POE) pour s'orienter vers une profession à laquelle ils n'étaient pas formés initialement mais qui offre des débouchés.
Troisième priorité : rendre le système de formation plus transparent, plus lisible et en mesurer précisément l'efficacité. Il nous faut braquer les projecteurs sur ses angles morts et opérer un grand nettoyage. La formation professionnelle est aujourd'hui émiettée en une multitude d'opérateurs. On compte près de 100 organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), dont la moitié de branches ou interbranches. Je souhaite qu'on puisse arriver à une quinzaine d'OPCA de branches ou interbranches, pour garantir un meilleur service de proximité aux entreprises.
Ces OPCA sont trop morcelés, enfermés dans des logiques de métiers trop étroites : il y en a un pour le Crédit agricole, un pour les métiers de la banque, un pour les assurances -comme s'il était impensable qu'on passe d'un de ces secteurs à l'autre ! La réalité du travail d'aujourd'hui est pourtant que l'on change plusieurs fois de métier au cours d'une carrière.
Les OPCA ne sont contrôlés au mieux que tous les 30 ans. Il faut revenir à un délai plus raisonnable de trois ans, les soumettre comme tout le monde aux délais de paiement et aux règles de concurrence. Pour que l'ensemble de la profession ne souffre pas du manque de professionnalisme, voire de la malhonnêteté de quelques-uns, l'offre de formation sera mieux contrôlée. Désormais, le premier quidam venu ne pourra plus se déclarer formateur : les règles d'enregistrement des organismes seront plus strictes et les moyens de contrôle renforcés.
Nous savons en particulier que l'absence de contrôle a profité à certaines sectes.
M. Nicolas About. - Eh oui !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - C'est un combat que mène avec détermination le président About.
Un dispositif de sanction pénale est prévu pour interdire aux membres des sectes de créer des officines de formation. Et quiconque se lance dans un stage connaîtra à l'avance le contenu, la qualité et les objectifs de la formation, et recevra un certificat qui sanctionne sa formation.
Le rapporteur a accompli un travail considérable grâce auquel le projet de loi a été considérablement amélioré. Il a raison de dire que la formation est une compétence partagée. Le projet de loi vise à mieux coordonner les acteurs : au niveau national, avec un rendez-vous annuel fixant les priorités des politiques de formation professionnelle ; au niveau régional, à travers la contractualisation du plan régional de développement des formations (PRDF). Il n'est pas question d'une quelconque recentralisation mais de dire que, dans ce domaine de compétence partagée, on ne peut rester chacun dans son couloir. C'est la logique du contrat, qui a été voulue par le rapporteur et qui est positive.
C'est ce même principe de concertation entre les acteurs qui a présidé à l'élaboration de ce texte, fruit des négociations et groupes de travail qui se sont succédé depuis plus d'un an avec l'ensemble des partenaires du champ de la formation professionnelle : avis du conseil d'orientation pour l'emploi d'avril 2008, groupe multipartite sous la houlette de M. Ferracci, négociation des partenaires sociaux achevée en janvier 2009, concertation avec l'Association des régions de France fin 2008 et début 2009, avec les partenaires sociaux en avril 2009.
Le texte s'appuie sur l'accord unanime auquel les partenaires sociaux sont parvenus le 7 janvier dernier, dans la continuité des accords de 2003 et de 2008. Mais nous avons souhaité laisser toute sa place à l'initiative parlementaire ; le Gouvernement n'avait pas la prétention d'atteindre seul la perfection. Ce projet de loi est ainsi un modèle abouti de coproduction législative. Il reprend plusieurs propositions du rapporteur qui connaît admirablement le sujet. M. Carle a ainsi proposé la simplification du système, en allant plus loin vers une contractualisation sur le modèle du contrat de plan.
En juillet, nous avions également pris l'engagement d'avancer avec le Sénat sur le dossier de l'apprentissage, sujet cher à la présidente Catherine Procaccia. Le texte issu des travaux de votre commission spéciale assouplit les règles très contraignantes du contrat d'apprentissage. Il fallait un miracle annuel pour que les 300 000 jeunes s'aperçoivent -en août bien souvent ! (sourires)- qu'il leur fallait chercher une place en entreprise avant octobre. Il fallait combler un vide juridique qui était extrêmement préjudiciable à ces jeunes. Jusqu'à présent, pour qu'un jeune puisse entrer en CFA, il faut qu'il ait signé son contrat de travail avec son employeur. Pourtant, on sait très bien que des jeunes qui n'ont pas d'entreprise en septembre pourraient, en démarrant le cycle de formation et en se lançant dans une recherche active, signer eux aussi un contrat avec un employeur dans un délai raisonnable. Il fallait donner plus de souplesse. C'est ce que la commission a fait. Dès octobre, la loi pourra donc faire bouger les choses, grâce à la présidente Procaccia.
M. Carle et le président Legendre ont souhaité que la formation initiale et la formation continue soient mieux articulées. De nombreux amendements en ce sens ont été adoptés par la commission.
Tel est l'état d'esprit qui nous anime. Les partenaires sociaux ont donné l'exemple avec leur accord unanime. Il fallait du courage car les intérêts sont contradictoires. On peut se perdre en chemin tant la tuyauterie est subtile. Mais la formation professionnelle est un outil de justice, d'équité, d'ascension sociale. Ce texte très attendu sur le terrain nous fera passer d'un système injuste à un système équitable, de l'opacité à la transparence. Notre formation professionnelle avait besoin d'être dépoussiérée ; elle reçoit un grand coup de balai ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission spéciale. - Le sujet qui nous occupe aujourd'hui n'est sans doute pas aussi médiatique que la taxe carbone ou les bonus des traders ; il risque de ne pas susciter dans cet hémicycle autant d'engouement que la réforme à venir des collectivités territoriales. Je crois pourtant qu'il n'est guère de question plus importante pour une société que celle de l'orientation et de la formation, puisqu'il s'agit d'offrir à chacun la possibilité d'acquérir tout au long de sa vie des connaissances et des compétences qui lui permettront de progresser dans le métier choisi ou d'en changer. Socrate disait que la connaissance est la seule chose qui s'accroît quand on la partage.
Au moment où s'engage ce débat, je tiens à exprimer notre frustration face aux conditions dans lesquelles nous avons dû travailler : le Sénat n'a eu que la période de vacances parlementaires pour étudier un projet de loi extrêmement technique. Un peu de temps supplémentaire n'aurait pas été de trop.
M. Guy Fischer. - Très bien ! (Mmes Annie David, Christiane Demontès et M. Yvon Collin font écho)
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Les lois réformant la formation professionnelle ne sont pas si fréquentes que le Parlement ne puisse disposer d'un peu de temps, surtout lorsqu'une seule lecture est prévue dans chaque assemblée. (Applaudissements à gauche et sur la plupart des bancs à droite et au centre)
Je souhaite que les décrets d'application de la loi soient publiés avec une célérité comparable à celle qui nous a été demandée !
Nous nous sommes donné les moyens de traiter ce sujet le mieux possible dans le délai qui nous était imparti. D'abord en créant cette commission spéciale que Mme Procaccia a accepté de présider, ce qui nous a fait bénéficier de sa connaissance approfondie du sujet. Nous avons ainsi pu faire travailler ensemble les sénateurs qui s'occupent de l'éducation, ceux qui sont spécialistes du droit social, ceux qui connaissent la vie des entreprises, à propos d'un domaine où l'on souffre précisément d'un cloisonnement trop rigide.
Malgré les délais, nous avons procédé à une soixantaine d'auditions.
Nous avons entendu trois ministres, tous les signataires de l'accord interprofessionnel du 7 janvier 2009 ainsi que l'Association des régions de France. Je remercie tous les sénateurs qui se sont mobilisés fin juillet et fin août, à des dates qui évoquent davantage le soleil et la plage que la formation professionnelle...
M. Jean Desessard. - C'est anormal !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Je remercie enfin le ministre pour sa disponibilité et la qualité de son écoute.
Le dossier est rebutant et complexe. Selon un de nos interlocuteurs, ceux qui connaissent réellement le fonctionnement du système se comptent sur les doigts d'une main... Cette complexité ne doit pas cependant nous décourager, le sujet est trop important pour être laissé aux seuls spécialistes. La formation professionnelle, c'est l'avenir des jeunes et de la société tout entière. Comme l'a dit le Président de la République, « la formation professionnelle, c'est la liberté pour une femme ou pour un homme, quels que soient son statut social, son âge, le métier qui était le sien ou celui qu'il veut épouser dans l'avenir, d'apprendre pour exercer un nouveau métier. C'est une question clé pour préparer l'avenir de notre pays. »
La formation professionnelle est aussi un enjeu financier considérable : la France y consacre chaque année 27 milliards d'euros. C'est enfin une des premières compétences dévolues aux régions par les lois de décentralisation. Je salue leur engagement en évoquant l'action d'Adrien Zeller, récemment disparu, en Alsace, ainsi que la passion de M. Delaneau.
Le moment est venu pour le Sénat d'apporter sa pierre en rendant plus juste et plus efficace un système aujourd'hui critiqué de toutes parts. Un système qui entretient les inégalités au lieu de les résorber : moins on est qualifié, moins on a accès à la formation professionnelle -un cadre a une chance sur deux d'y accéder, un ouvrier une sur sept ; plus l'entreprise est petite, plus les emplois sont fragiles, moins les salariés en bénéficient ; pire, les chômeurs y ont moins accès que ceux qui travaillent. Et je ne parle pas des inégalités en fonction de l'âge.
La formation professionnelle est caractérisée par les trois C évoqués par le rapport Seillier de 2007 : cloisonnement, complexité et corporatisme. Le cloisonnement : les acteurs ont tendance à préserver leur pré carré, la formation initiale est séparée de la formation professionnelle, l'orientation est confiée à une multitude de structures qui mettent peu d'entrain à travailler ensemble, la logique de branche néglige la transversalité des métiers dans un monde où la mobilité est de plus en plus importante. La complexité : qui comprend le financement de la formation professionnelle à part quelques initiés ? Qui peut s'y retrouver dans le maquis des organismes collecteurs, des 50 000 structures de formation dont certaines n'ont guère d'activité ? Quid de l'inflation des diplômes, titres et qualifications ? Le corporatisme : la formation professionnelle mobilise des fonds considérables et chacun veut rester maître chez lui, privilégiant ses intérêts particuliers au détriment de l'intérêt général.
Il est temps que les choses changent, que la formation professionnelle soit vraiment orientée vers l'emploi et l'employabilité. La formation professionnelle de demain doit prendre en compte les aspirations des salariés, les besoins des entreprises, la logique de branche, le caractère transversal de certains métiers, enfin la logique territoriale. Elle sera partenariale ou ne sera pas. Chacun devra oeuvrer pour le même objectif sans renoncer à ses compétences propres, tandis que l'État assurera l'équité du système. La région est l'échelon de cohérence, le bassin d'emploi celui de l'action.
Pour préparer la réforme, le Gouvernement a suivi une démarche exemplaire, en mettant pleinement en oeuvre la loi de modernisation du dialogue social : mise en place d'un groupe de travail qui a dégagé des éléments de consensus sans nier les divergences, remise d'un document d'orientation aux partenaires sociaux, ceux-ci négociant puis signant l'accord du 7 janvier 2009, élaboration enfin du présent projet de loi. L'unanimité des signataires de l'accord doit être prise en compte, mais aussi les compétences du Parlement. Ainsi certaines des propositions de la commission spéciale ne figurent pas dans l'accord, comme n'y figuraient pas certains éléments du texte initial ou de celui voté par Assemblée nationale.
Le texte a deux objectifs principaux : réduire les inégalités d'accès à la formation professionnelle et sécuriser les parcours professionnels d'une part, rechercher une plus grande efficacité et une plus grande transparence de l'autre. Un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels est créé, qui permettra de mieux diriger les fonds de la formation vers ceux qui en ont le plus besoin ; voit également le jour la préparation opérationnelle à l'emploi, qui permettra à des demandeurs d'emploi de bénéficier d'une formation pour se préparer à occuper un emploi correspondant à une offre identifiée par Pôle emploi. La sécurisation des parcours sera facilitée par les dispositifs qui attachent le droit à la formation à la personne et non à un statut : c'est la portabilité du droit individuel à la formation en cas de changement d'employeur, ou encore la possibilité de faire prendre en charge des formations réalisées hors temps de travail au titre du congé individuel de formation. Le contrat de professionnalisation est étendu aux publics les plus éloignés de l'emploi.
Afin de rationaliser le système et lui donner davantage de transparence, les organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA) sont réformés. Ils seront regroupés grâce à la forte augmentation du seuil de collecte, qui passera de 15 à 100 millions d'euros dans les deux années qui viennent, et leur agrément prendra désormais en compte les services qu'ils apportent et plus seulement leur capacité financière. Ils doivent se recentrer sur le conseil, l'assistance et l'ingénierie pour les entreprises, notamment pour les plus petites d'entre elles. Les contrôles seront renforcés.
J'aurais voulu toutefois qu'on allât plus loin, qu'on se demandât par exemple si l'obligation légale de financement est aujourd'hui aussi indispensable qu'il y a quarante ans : les entreprises savent bien que la formation de leurs salariés est un investissement nécessaire et bénéfique. J'aurais voulu aussi que l'on décloisonnât davantage les dispositifs. Les trois cotisations distinctes pour le plan de formation, la professionnalisation et le congé individuel de formation sont-elles vraiment indispensables ? Le texte marque néanmoins un progrès très important. Je salue, monsieur le ministre, votre engagement puissant dans ce dossier.
La commission spéciale, après avoir beaucoup écouté et travaillé, a souhaité compléter le texte pour lui donner sa pleine efficacité. Elle l'a fait en mettant en avant les 3 P qui s'opposent aux 3 C de tout à l'heure : la personne, la proximité, les partenariats. Le texte qu'elle a adopté modifie le projet de loi sur cinq points principaux.
J'ai toujours dit que la réforme ne serait un succès que si elle portait sur la formation tout au long de la vie, donc aussi sur l'articulation de la formation initiale avec la formation professionnelle. Cette articulation se fera au niveau de l'orientation, point sur lequel le texte était trop timide. Une bonne orientation, c'est d'abord une bonne information -information aujourd'hui réservée à ceux qui savent ou aux plus aisés. La commission a voulu donner une cohérence à la politique d'information et d'orientation en renforçant le rôle du délégué interministériel à l'orientation, qui sera désormais placé auprès du Premier ministre, et en le chargeant de coordonner les principaux acteurs. Cette évolution sera la base du service territorialisé d'orientation préconisé dans le Livre vert de la commission sur la jeunesse placée sous la responsabilité de Martin Hirsch. Le délégué interministériel, ainsi renforcé, apportera son appui aux régions pour qu'elles mettent en place les structures pertinentes. La commission souhaite d'autre part que le recrutement des conseillers d'orientation psychologues qui exercent leur activité dans les lycées s'appuie davantage sur la connaissance des filières, des qualifications et des métiers qu'ont les candidats. Leur rôle auprès des élèves en sera amélioré. La commission a enfin prévu la création d'un livret de compétences pour les élèves du premier et du second degré, qui contiendra des informations sur toutes les activités des jeunes, sportives, associatives, culturelles. Les potentialités des enfants doivent être encouragées ; il faut cesser de réduire certains d'entre eux au mauvais livret scolaire qu'ils traînent comme un boulet pendant des années.
La commission a d'autre part souhaité renforcer le fonds de sécurisation, afin qu'il aide fortement ceux qui en ont le plus besoin. Le texte de l'Assemblée nationale dresse la liste d'une douzaine de publics prioritaires précédée de l'adverbe « notamment » ; il aurait été plus rapide de mentionner ceux qui ne seront pas prioritaires. La commission a voulu resserrer les choses.
Elle a aussi décidé d'encadrer les conditions dans lesquelles le nouveau fonds pourra procéder à une péréquation entre les organismes collecteurs paritaires agréés. Enfin, elle a souhaité que les excédents éventuels de ce fonds soient reportés sur l'année suivante pour éviter toute tentative de prélèvement à d'autres fins que celles pour lesquelles le fonds a été créé.
Sur le droit individuel à la formation, la commission spéciale a voulu plus de cohérence et de simplicité. Elle a également souhaité que la portabilité de ce droit ne reste pas un droit théorique : dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, un salarié qui changeait d'entreprise devait utiliser son droit individuel à formation sous deux ans, sous peine de le perdre, mais l'employeur pouvait le lui refuser pendant deux ans... La commission spéciale a prévu que ce droit pourrait être pris sans l'accord de l'employeur, dans des conditions très strictement encadrées pour éviter toute dérive qui conduirait à détourner ce droit de son véritable objet.
La commission a également renforcé les dispositions touchant au financement de la formation professionnelle. Elle a décidé la mise en place d'une charte de bonnes pratiques pour les organismes collecteurs paritaires agréés et prévu que leurs conseils d'administration seraient ouverts à des personnalités extérieures avec voix consultative. Elle a enfin décidé que ces organismes signeraient désormais des conventions d'objectifs et de moyens avec l'État, notamment pour préciser les conditions d'exercice des missions de proximité qui vont leur être dévolues. La commission entend ainsi, sans porter atteinte au paritarisme, les inciter à plus d'échanges avec d'autres cultures pour qu'ils remplissent le mieux possible leur mission de conseil aux très petites entreprises.
Notre troisième axe de travail porte précisément sur les mesures d'accompagnement en faveur des petites entreprises, qui, ayant le plus besoin de formation pour leurs salariés, sont celles qui en bénéficient le moins. On peut bien bâtir tous les dispositifs de formation que l'on veut et flécher les financements, on ne parviendra à rien si l'on ne résout pas la question du remplacement. Dans une entreprise de quatre salariés, un départ en formation, et c'est 25 % de l'effectif qui manque. La solution, ce sont les branches et les employeurs qui devront la trouver, comme les agriculteurs ont su le faire depuis des décennies. Mais nous avons voulu encourager ce mouvement en prévoyant, d'une part, une possibilité de financement partiel du remplacement des salariés des très petites entreprises par les OPCA ; d'autre part que les groupements d'employeurs peuvent mettre à disposition de leurs membres des salariés pour assurer le remplacement en cas de départ en formation. Tout cela n'a rien de révolutionnaire, mais nous en espérons un effet de stimulation.
Quatrième axe de travail et sujet essentiel, les mesures en faveur des jeunes. La commission, à la suite de l'audition de Laurent Hénart, chargé d'une mission sur ce sujet, a souhaité donner un premier encouragement au développement de l'apprentissage dans le secteur public en supprimant l'agrément préfectoral. Conformément aux propositions de la mission du Sénat sur le sujet et à l'initiative de notre collègue Christian Demuynck, elle a souhaité interdire les stages dits « hors cursus pédagogique » pour mettre fin aux abus de certains employeurs.
Vous savez, monsieur le ministre, que j'aurais voulu aller plus loin et engager une évolution de la taxe d'apprentissage pour qu'elle serve davantage à financer l'apprentissage lui-même. Il est vrai qu'une telle évolution met en jeu de nombreux paramètres et de nombreux intérêts... Il faudra pourtant résoudre la question, bien que je vous accorde que la réforme, que vous avez jugé prématurée, doit être menée dans la sérénité et passer par une réflexion et une concertation préalables.
Dernier axe de notre travail, enfin, la gouvernance du système de formation professionnelle. La commission spéciale a tout d'abord renforcé le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, qui, rassemblant tous les partenaires compétents sur la formation, est le mieux placé pour définir les grandes orientations et procéder aux évaluations. La commission a décidé d'étendre ses missions, de rehausser son statut et de lui permettre d'obtenir les informations nécessaires.
Dans le plan régional de développement de la formation, ensuite, le projet de loi esquissait une contractualisation, mais incomplète et bancale : elle doit associer la région, l'État et les partenaires sociaux. Ce qui compte, c'est de faire travailler tous les partenaires ensemble, dans une logique de compétences partagées. Si l'on y parvient, on aura gagné, parce que chacun aura cessé de se buter sur son petit domaine de compétences. Je crois que le texte de la commission spéciale, de ce point de vue, permettra d'avancer vers un véritable partenariat, dans le plein respect des lois de décentralisation auxquelles notre assemblée est tout particulièrement attachée.
Comme l'a dit le Président de la République, « depuis le temps que l'on parle des faiblesses de notre système de formation professionnelle sans y toucher, il est venu le temps d'y toucher ».
Ce projet de loi peut constituer une véritable avancée, pour peu que chacun accepte, non pas de renier ses convictions, mais de sortir de ses certitudes. Pour avoir longtemps travaillé sur ce sujet, je n'ai pas de certitude. Je ne suis animé que de la conviction que répondre aux problèmes de la formation professionnelle par l'inflation budgétaire n'est pas la solution et que les améliorations se feront dans le cadre de compétences partagées exercées au plus près du terrain. Alors que le chômage des jeunes reste à un niveau très élevé, il n'est pas acceptable que lorsqu'un jeune dispose d'une place dans un centre de formation et se voit proposer un contrat par une entreprise, ce contrat ne puisse être conclu pour des raisons de statut, à cause d'un financement insuffisant ou parce que ce jeune ne relève pas d'un secteur prioritaire. C'est ce que vous avez réaffirmé il y a quelques jours, monsieur le ministre. Il n'est plus acceptable, non plus, que la situation de notre système public d'information, d'orientation et de formation conduise nombre de nos concitoyens à recourir à des organismes qui clament haut leur devise : « satisfait ou remboursé ».
Je souhaite que le Sénat prenne toute sa part dans la modernisation de notre système de formation professionnelle et marque ce texte de son empreinte comme il sait le faire sur les sujets essentiels pour notre pays. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)
Mme Catherine Procaccia, présidente de la commission spéciale. - Après un parcours qui a davantage ressemblé, et je ne suis guère sportive, à un sprint qu'à un marathon (marques d'approbation à gauche), nous en venons à l'examen en séance de ce texte, qui revêt, à deux égards au moins, une importance particulière. Les nombreux travaux qui l'ont précédé ont tous montré que notre système de formation professionnelle est à bout de souffle : terriblement complexe, désespérément injuste puisque, malgré des sommes considérables, la formation ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin. La mission du Sénat conduite par Jean-Claude Carle et dont notre collègue Bernard Seillier était le rapporteur, les rapports de la Cour des comptes, de l'Inspection générale des affaires sociales, du Conseil d'orientation pour l'emploi : tous ont conclu à la nécessité de réformer ce système, non à coups de rafistolages mais avec une vraie ambition.
Important, ce texte l'est aussi du fait qu'il résulte d'un accord unanime des huit organisations représentatives d'employeurs et de salariés au niveau national. Sans doute une telle unanimité repose-t-elle sur des compromis délicats, des équilibres imparfaits, mais elle témoigne de l'importance qu'ont attachée les partenaires sociaux à cette négociation. Pour avoir été rapporteur de la loi sur la modernisation du dialogue social, je trouve très positif que le Parlement s'appuie dans sa fonction de législateur sur l'accord des partenaires sociaux. Pour autant, l'existence d'un accord interprofessionnel ne dessaisit pas le législateur, qui conserve son droit d'amendement, de ses compétences.
Le Sénat n'a disposé que de peu de temps pour examiner ce texte mais je crois que votre commission spéciale l'a utilisé au mieux. Je remercie l'ensemble de ses membres pour l'excellente atmosphère qui a présidé à nos travaux et salue tout particulièrement le rapporteur pour son engagement total dans ce travail, qui l'a conduit à multiplier les auditions pour entendre l'ensemble des acteurs.
Le texte qui nous est soumis aborde un grand nombre de sujets -droit individuel à formation, fonds de sécurisation des parcours professionnels, préparation opérationnelle à l'emploi, révision des conditions d'élaboration du plan régional de développement des formations professionnelles.
Mon attention va tout particulièrement, M. le ministre l'a rappelé, à l'apprentissage, gage de réussite pour de très nombreux jeunes. Il faut continuer de le développer, à tous les niveaux de qualification.
Il nous reste beaucoup à faire pour que l'apprentissage se développe, notamment, dans le secteur public, où l'on ne compte que quelque 6 000 apprentis pour plus de cinq millions d'agents. Le fait que les fonctionnaires soient recrutés par concours justifie-t-il que l'on interdise à des jeunes de se former par l'alternance dans une collectivité territoriale, une administration d'État ou même dans une assemblée parlementaire ? J'espère que le Sénat, grâce à ses amendements, deviendra exemplaire.
Laurent Hénart, que nous avons entendu, souligne que les freins au développement de l'apprentissage dans le secteur public sont, pour partie, réglementaires. La loi de 1992 est, de fait, beaucoup plus contraignante que le code du travail. Il préconise par conséquent de rapprocher le plus possible les règles applicables au secteur public de celles qui prévalent dans le privé. La suppression de l'agrément préfectoral décidée par notre commission spéciale est un premier pas qui, j'espère, constituera l'un des apports du Sénat à cette réforme de la formation professionnelle, mais il conviendra d'aller plus loin. Laurent Hénart nous a également indiqué que l'alternance dans le secteur public mériterait d'être développée. C'est là l'intérêt de tous. Pour les fonctionnaires, assurer la formation d'apprentis peut être un moyen de diversifier leurs tâches et de valoriser leur travail.
Ce ne sera possible que si l'on trouve les financements adaptés. Or il sera difficile de solliciter les collectivités territoriales ou l'État dans la conjoncture actuelle. La solution résidera sans doute dans la réforme de la taxe d'apprentissage évoquée par M. le rapporteur.
J'en viens à la question des stages. Votre commission spéciale a souhaité interdire les stages en dehors des cursus pédagogiques, afin d'empêcher les pratiques inacceptables de certaines entreprises qui facturent à prix d'or les prestations accomplies par des stagiaires rémunérés très chichement. Mais je souhaite que cela n'empêche pas les jeunes de faire des stages de découverte en entreprise, afin de s'éveiller à des réalités qu'ils ignorent : le décret devra apporter les précisions nécessaires.
Un stage n'est utile que si la personne qui accueille le stagiaire lui consacre beaucoup de temps. (M. Jean-Claude Carle, rapporteur, approuve) Or les entreprises sont aujourd'hui incapables de répondre à toutes les demandes, car la plupart des cursus comprennent désormais des stages.
La formation professionnelle en entreprise est obligatoire depuis une quarantaine d'années : « former ou payer », telle est l'alternative à laquelle font face les employeurs. Mais les choses ont changé : ces derniers sont désormais tout à fait conscients de l'intérêt de la formation continue pour les travailleurs comme pour la compétitivité de l'entreprise. Le projet de loi aurait pu à ce sujet être plus ambitieux et substituer aux obligations et aux sanctions un système d'incitations sans doute plus efficace.
J'aurais également souhaité que l'on simplifiât certaines procédures : il n'était peut-être pas nécessaire de prévoir un entretien individuel pour certaines catégories de salariés. Les organismes de formation sont aujourd'hui très nombreux, mais leur efficacité laisse parfois à désirer : j'ai moi-même été responsable de formation pendant une dizaine d'années et je sais de quoi je parle. En revanche, on ne peut que se féliciter de la rationalisation de la collecte des fonds de la formation professionnelle par la réduction du nombre d'OPCA.
Cette réforme, je l'espère, ne sera pas la dernière. Elle ouvre la voie à une véritable modernisation du système de formation dans notre pays. La commission spéciale a souhaité renforcer ce texte pour répondre mieux encore aux aspirations des salariés et aux besoins des entreprises. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)
M. Daniel Dubois. - Ce projet de loi n'est certes pas révolutionnaire, mais il comporte des avancées et se situe dans la lignée de la réforme de 2004. La refonte du système de formation professionnelle est nécessaire, car la reprise est encore incertaine et le chômage continue d'augmenter : il faut faire de la formation professionnelle un outil efficace au service de la politique de l'emploi.
Ce texte donne une base législative à l'accord national interprofessionnel du 9 janvier dernier. Je salue les conditions dans lesquelles il a été élaboré : si la démocratie sociale a un sens, c'est bien en ce domaine. Aucune réforme de la formation professionnelle n'a jamais abouti sans que les partenaires sociaux n'en fussent à l'origine. Le Gouvernement, cette fois-ci, a pleinement joué son rôle d'accompagnateur, et la loi du 31 janvier 2007 qui impose à l'exécutif de saisir les partenaires sociaux avant toute réforme en la matière a bien été respectée.
C'est à présent au législateur d'achever cette oeuvre de consolidation et de réaménagement. L'enjeu est immense : on dépense aujourd'hui en France 27 milliards d'euros pour la formation professionnelle, et le DIF pourrait coûter 10 milliards d'euros. Or l'impact de la formation professionnelle sur l'emploi reste limité en raison des insuffisances dont elle souffre. Notre système est très inégalitaire : les techniciens et les cadres accèdent deux fois plus à la formation professionnelle que les ouvriers, les salariés des très grandes entreprises plus de quatre fois plus que ceux des petites, et moins de 10 % des demandeurs d'emploi en bénéficient. Il est également trop complexe, car les structures se sont superposées au fil du temps : les bénéficiaires potentiels, les organismes gestionnaires et les organismes prestataires sont aujourd'hui extrêmement nombreux, ce qui explique qu'entreprises et salariés aient du mal à se retrouver dans ce maquis.
Le présent projet de loi répond à ces critiques. Les dispositions qui transcrivent l'accord national interprofessionnel ont pour objet de rendre le système plus accessible à ceux qui en ont le plus besoin : je pense notamment à la création du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et à la portabilité du DIF. Les mesures purement législatives, comprises dans les titres V, VI et VII, rendent le système plus simple et plus transparent. L'architecture de la loi est cohérente. Grâce à elle, notre système permettra à chacun de mieux s'adapter à l'évolution des métiers et de pouvoir en changer.
Ce texte, s'il ne constitue pas par lui-même une révolution, marque une triple rupture avec la conception de la formation professionnelle qui prévalait jusqu'ici. A une logique statique de droits cloisonnés, il substitue une logique dynamique de droits portables et d'accompagnement personnel. A une logique de statut privilégiant les salariés, il substitue une logique de besoin et permet d'identifier les publics prioritaires, grâce au fonds de sécurisation. Enfin, à une logique de moyens passant par le financement obligatoire et les Opca succèdera une logique de résultats, puisque l'objectif est de former 500 000 salariés peu qualifiés et 200 000 demandeurs d'emploi de plus chaque année. Cette révolution copernicienne n'est pas sans rapport avec celle engagée par la Lolf. Les individus et leur parcours seront désormais au coeur du système.
Toutes les phases de la formation et de la vie professionnelle doivent s'intégrer en un parcours cohérent. Jusqu'ici, la vie professionnelle d'un individu pouvait se présenter sous la forme d'une succession de ruptures : formation initiale, orientation, emploi, perte ou changement d'emploi. Il faut établir une continuité entre ces étapes, décloisonner le système et sortir des logiques autarciques et corporatistes.
Ce texte, tel qu'amendé par l'Assemblée nationale et par notre commission spéciale, y contribue dans une large mesure. Formations initiale et continue seront désormais mieux articulées : c'est l'objet de l'article 20 relatif au Plan régional de développement des formations professionnelles (PRDFP), dont la rédaction résulte d'un compromis -notons que la commission spéciale s'est attachée à préserver la logique des lois de décentralisation- et de l'article 2, qui dispose que la formation professionnelle s'appuie sur le socle commun de connaissances défini dans le cadre de la scolarité obligatoire.
Le projet de loi vise également à aider les jeunes à s'insérer sur le marché du travail : les mesures du titre IV bis, inséré par les députés, s'inscrivent dans le cadre de la politique menée en faveur de la jeunesse par M. Martin Hirsch.
Pour faciliter les transitions professionnelles, un fonds de sécurisation permettra de consacrer jusqu'à 13 % des sommes de la formation professionnelle aux publics prioritaires identifiés par notre commission. Nous attendons que soit proposée une solution de financement adaptée, afin que la création du fonds n'entraîne pas l'assèchement des crédits de la professionnalisation.
La préparation opérationnelle à l'emploi et la portabilité du DIF répondent au même objectif. Je salue à ce sujet le travail de M. le rapporteur. Pour que la portabilité soit effective, il nous semblait essentiel qu'un salarié puisse faire valoir ses droits sans requérir l'accord de son nouvel employeur ; si le texte de la commission est adopté, ce sera le cas pour les formations effectuées en dehors du temps de travail.
Nous avions déposé un amendement en ce sens mais ne peut-on aller plus loin ? Nous défendrons un amendement prévoyant que la portabilité ne soit pas limitée dans le temps. Le ministre nous oppose le coût d'une portabilité intégrale du DIF : 10 milliards à maturité, selon la Cour des comptes. Mais quelle part représenterait la portabilité ?
Fluidifier la formation professionnelle, c'est sortir des logiques autarciques et corporatistes. Ainsi, le texte réforme le régime de l'agrément des OPCA. Une restructuration du paysage facilitera les passerelles pour les salariés.
Enfin, fluidifier, c'est mieux orienter, pour mieux anticiper. L'intitulé du projet de loi traduisait déjà un volontarisme politique ; si le premier projet était décevant, le Parlement, et singulièrement le Sénat, l'a enrichi en harmonisant le code du travail et le code de l'éducation. C'est sur cette base que l'on instaurera un droit à l'orientation tout au long de la vie, suite naturelle du droit à l'éducation, afin d'effacer la séparation artificielle entre domaines scolaire et professionnel. Il reste beaucoup à faire pour mettre en place des structures efficaces sans créer un nouveau mastodonte.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Tout à fait.
M. Daniel Dubois. - Nous serons attentifs à l'avancée de ce dossier.
Ce projet de loi comporte des avancées significatives aussi le groupe Union centriste y est-il très largement favorable. II me reste à féliciter la commission spéciale pour son travail, à commencer par sa présidente et son rapporteur. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Annie David. - (Applaudissements à gauche) Nous partageons l'objectif de rénovation de la formation professionnelle, mais votre texte, censé refléter l'accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009, adopté à l'unanimité, manque d'ambitions et de moyens.
Les partenaires sociaux, contraints à une négociation à marche forcée suivant la feuille de route imposée par le Gouvernement, sommés de se mettre d'accord, ont proposé des pistes pour mettre en place un système de formation répondant aux besoins de la société. Toutefois, lors des auditions que nous avons menées, ils ont souligné que l'accord du 7 janvier était un accord de compromis : aux parlementaires d'aller plus loin pour faire de la formation continue un véritable outil de promotion sociale. Le rapporteur a d'ailleurs estimé que le législateur devait « s'appuyer sur l'accord, l'accompagner et l'amplifier » ; il a, en partie, concrétisé ses propos.
Ce texte aurait dû permettre une véritable sécurisation des parcours professionnels. Il n'en est rien. Pis, il revient sur certains points de l'accord du 7 janvier, comme le droit, pour les salariés sans diplômes, à la formation initiale différée prise en charge par l'État. La gouvernance floue du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels permet au Gouvernement de se désengager de la politique de l'emploi, après des années d'attaques répétées contre le service public de l'emploi, l'éducation nationale, avec comme toute proposition de travailler plus, si possible le dimanche !
La Préparation opérationnelle à l'emploi est dévoyée : elle ne pourra aboutir qu'à un contrat de professionnalisation, alors que l'accord prévoyait une embauche. L'employeur gagnera à tous les coups : POE payée par le Fonds paritaire, contrat de professionnalisation exonéré de cotisations sociales ! D'autant qu'avec le DIF, il ne sera plus question de portabilité...
Enfin, vous videz l'Afpa de son service d'orientation, qui fait sa spécificité. Elle remplit pourtant sa mission avec succès : 70 % de ses stagiaires, souvent très éloignés de l'emploi, sont embauchés dans les quatre à six mois à l'issue du stage ! Dénaturer l'Afpa est un non-sens, d'autant que, vu les difficultés de Pôle emploi, le transfert des personnels d'orientation va être fort complexe...
En faisant de l'Afpa un prestataire de formation comme un autre, vous défendez la formation « utilitariste » prônée par les organismes privés, qui ne visent qu'à faire du chiffre au détriment du projet professionnel et de l'insertion des individus. La formation professionnelle devient simple marchandise, soumise à la concurrence ; il n'est plus question de service public. L'exposé des motifs est d'ailleurs explicite : la formation professionnelle doit « répondre aux attentes de l'économie et des personnes ». Bref, dans la droite ligne de la stratégie de Lisbonne, la formation professionnelle, comme l'école, doit d'abord fournir au marché une main-d'oeuvre opérationnelle et peu coûteuse pour l'État.
Notre approche est aux antipodes. Pour être un véritable outil de promotion sociale, permettant la sécurisation des parcours professionnels, la formation continue doit s'appuyer sur une formation initiale autrement plus solide que le socle commun de connaissances et de compétences issu de la loi du 23 avril 2005. Mme Gonthier-Maurin y reviendra.
La formation continue ne doit pas être abandonnée à la sphère privée. Le groupe CRC-SPG propose de créer une sécurité sociale d'emploi et de formation. Dans le cadre d'un service public de sécurisation de l'emploi et de la formation, une couverture universelle ouvrirait, dès la fin de l'obligation scolaire, droit à des revenus minima et des formations continues progressivement relevées, accompagnées de bilans. Nous nous inscrivons dans la durée, là où le Gouvernement se contente d'une réponse conjoncturelle précipitée à la crise. Protection sociale, retraite, formation professionnelle représentant au moins 10 % du temps travaillé : voilà des propositions ambitieuses qui répondraient aux besoins actuels ainsi qu'aux enjeux à venir. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Plancade. - Réformer la formation professionnelle est une absolue nécessité, soulignée dans de nombreux rapports et confirmée par les auditions que nous avons menées. 27 milliards d'euros dépensés chaque année dans des conditions peu transparentes ; 40 000 organismes agréés ou non ; une collecte de fonds effectuée par une centaine d'organismes différents ; un professionnalisme insuffisant ; des lobbies puissants : je vous félicite, monsieur le ministre, d'avoir eu le courage de vous y attaquer mais tout n'est pas dit !
La contractualisation, l'évaluation systématique, la labellisation sont les piliers d'une indispensable réforme. Depuis les accords de 1970 Chaban-Delors et la loi de 1971 qui a suivi, nous avons superposé des mesures spécifiques, faisant perdre toute lisibilité globale à la politique de formation professionnelle.
Il est vrai que l'on considère depuis 1945 dans ce pays que ce qui est social est vertueux et ne doit donc pas être contrôlé. Hélas ! La gestion du social n'est pas toujours vertueuse.
Avant de poursuivre ma réflexion, je souligne que toute réforme législative sera insuffisante tant que notre système éducatif et professionnel restera cloisonné, tant que la dictature du diplôme dévalorisera le savoir-faire non scolaire, tant que l'on ne cessera pas d'opposer les études au travail. (M. le rapporteur approuve chaudement) Je ne méconnais pas l'importance des études ni la capacité de notre système scolaire à produire des « chevaux de race », (sourires) mais son hyper sélectivité exclut bien trop de personnes, qui éprouvent les pires difficultés à s'insérer sur le marché du travail. L'hyper sélectivité ne valorise pas suffisamment les intelligences non scolaires : elle entrave ce qui se serait épanoui dans un autre contexte.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Excellent !
M. Jean-Pierre Plancade. - Le constat est accablant, car tous doivent avoir enfin réellement leurs chances, grâce à la reconnaissance des compétences acquises au travail. Il faut donc sortir du taylorisme, qui cantonne l'homme à une fonction particulière. Une véritable révolution managériale est aujourd'hui nécessaire !
Malgré son importance, la réforme d'aujourd'hui ne peut être qu'une étape, puisque ce projet de loi n'aborde pas suffisamment la gestion des compétences acquises dans le cadre professionnel. L'avenir de la formation professionnelle et l'épanouissement individuel au travail sont en jeu.
Le texte comporte des avancées, mais sans être à la hauteur des bouleversements en cours ni des mutations profondes qui attendent les entreprises, les salariés et les dirigeants.
Un mal-être grave agite le monde de l'entreprise, notamment ses cadres. A ce propos, je suis outré que le PDG d'une entreprise française ait pu évoquer la « mode du suicide », avant de se perdre en excuses fumeuses.
M. Yvon Collin. - Minable !
M. Jean-Pierre Plancade. - Si cet homme avait un minimum de dignité, il aurait démissionné !
M. Yvon Collin. - Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. - Son manque de respect pour ses collaborateurs est gravissime.
M. Guy Fischer. - Très juste !
M. Jean-Pierre Plancade. - Ce monsieur manque sans doute d'une formation managériale.
Mme Raymonde Le Texier. - Un robot !
M. Jean-Pierre Plancade. - Les jeunes éprouvent une peur légitime face à leur insertion dans l'économie, cependant que les seniors sont amers d'avoir très tôt l'impression d'être inutiles. Tout cela met mal à l'aise et me fait penser que la formation professionnelle initiale et continue doit être entièrement revue, de même que l'organisation du travail.
Il faut proposer une ambition claire à tout citoyen de notre pays, afin qu'il puisse gérer son parcours professionnel. Nous devons l'accompagner, sans décider à sa place.
Monsieur le ministre, qui peut expliquer notre système de formation professionnelle ? Personne ! Il est devenu l'affaire d'experts parfois plus au service des dispositifs que de la formation...
Comment se fait-il que la France soit à la fois le pays où les études sont les plus longues et celui où les jeunes ont le plus de mal à trouver du travail, celui où leur taux de chômage est systématiquement le double de celui de la population active ? Alors que notre pays a la particularité formidable d'imposer le financement de la formation professionnelle, pourquoi occupe-t-il une place moyenne au sein de l'OCDE pour les dépenses de formation par salarié ? Parce que l'obligation de payer ne s'accompagne pas d'une obligation de former.
Par ailleurs, comment ne pas être perplexe face à un système qui bénéficie principalement aux grandes entreprises et aux salariés les plus qualifiés, alors que la lutte contre les inégalités constituait un de ses objectifs dès 1971 ? Comment ne pas s'interroger devant le paradoxe de salariés peu qualifiés n'ayant qu'une faible appétence pour la formation, pourtant gage de leur employabilité ?
La formation professionnelle a fait l'objet de plusieurs rapports. Je pense notamment à celui présenté par M. Seillier au nom de la mission d'information présidée par M. Carle, ainsi qu'aux rapports de la Cour des comptes. Tous insistent sur les limites d'un système complexe et inefficace. On parle même d'une dérive coûteuse.
Pensez-vous que plus de vingt personnes en France soient à même de présenter clairement et de justifier ce dispositif ? Nous voudrions que chaque chef d'entreprise et chaque salarié utilise les instruments à sa disposition pour construire une stratégie d'entreprise assurant la compétitivité de tous et l'employabilité de chacun !
J'espère que cette loi marquera la fin d'une trop longue série de textes, afin que le prochain permette de satisfaire aux besoins du XXIe siècle, car ce projet de loi reste insuffisant face aux mutations considérables qui attendent nos sociétés.
Nous aurions voulu que les entreprises puissent conduire -avec l'accord des partenaires sociaux- des expérimentations hors du cadre légal, mais régulièrement évaluées. Nous aurions souhaité que chaque personne soit appréhendée sur une longue durée, de l'école à la retraite. Nous aurions aimé que la défense des systèmes existants n'empêche pas les innovations et ne décourage pas les volontaires.
Trop nombreux sont les salariés qui finissent par se décourager d'épuisement, alors qu'il existe ponctuellement des lieux où les modes d'organisation permettent à chacun de développer son potentiel, bien mieux qu'une action de formation ne pourrait le faire.
Peu à peu, le diplôme a pris le pas sur le métier, ce qui nous empêche d'utiliser bien des talents et des compétences.
Les expérimentations d'entreprise, que je souhaite, devraient permettre de sortir du cadre réglementaire actuel, mais les forces en présence empêchent d'innover en toute sérénité : le système éducatif a ses résistances ; les partenaires sociaux sont réservés ; les pouvoirs publics sont pris dans le jeu contradictoire des groupes de pressions.
Démunis face à la complexité de la situation, les chefs d'entreprise finissent par reléguer le facteur humain au second rang, alors qu'il constitue un atout majeur pour l'avenir.
Avant de conclure, je voudrais rêver un peu... rêver à un pays où chaque salarié aurait conscience de son propre capital humain et de sa responsabilité à la faire fructifier pour le bien-être de tous ;...
M. Jean Desessard. - Vous êtes un idéaliste !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. - Il en faut !
M. Jean-Pierre Plancade. - ...rêver à un pays où chaque cadre aurait conscience de jouer un rôle fondamental pour les capacités de chacun ; rêver à un pays où l'on recentrerait l'école sur l'acquisition des fondamentaux et non sur la course à la professionnalisation, une course perdue d'avance face à la rapidité des mutations dans les entreprises ; rêver à un pays où dès la sortie de l'école on créerait pour chaque personne un compte épargne individuel de développement des compétences, dont l'utilisation serait négociée avec son employeur. Je voudrais enfin rêver que chacun se sente responsable de la performance de son pays, car c'est le gage du modèle social et du niveau de vie auquel nous tenons.
Une seule condition pour que cela devienne réalité : une hausse rapide de la qualification de chacun et la mobilisation de tous pour y parvenir. Le système actuel y prépare-t-il ? Comme vous le pensez, je n'en suis pas certain.
Un enfant qui entre cette année à l'école primaire ne travaillera pas avant 2029. Qu'en sera-t-il du monde professionnel à ce moment ? Un jeune qui entre aujourd'hui dans le monde du travail sera encore actif en 2050. Que vaudra son diplôme ?
Nous devons assumer nos responsabilités, mais le dispositif actuel n'est plus à la hauteur des enjeux. C'est pourquoi je serai très attentif à l'évolution de ce texte devant le Sénat, car les nombreuses avancées et qu'il comporte ne suffisent pas à jeter les bases de la grande réforme dont nous avons besoin. Il ne traduit pas les ambitions affichées par le Gouvernement et n'établit pas de continuum entre l'école et la formation professionnelle.
Lors des auditions de la commission spéciale, j'ai interrogé chacune des organisations professionnelles.
Je leur ai demandé si le texte leur semblait marquer une avancée, tous m'ont répondu que oui, malgré certaines réserves. C'est en ayant tout cela à l'esprit que le RDSE suivra le débat à l'issue duquel il arrêtera son vote.
Je félicite enfin la présidente et le rapporteur de la commission spéciale, ainsi que tous ses membres pour la conscience professionnelle dont ils ont fait preuve. Nos choix diffèrent, mais nous portons tous le même diagnostic. (Applaudissements au centre ainsi que sur plusieurs bancs du groupe socialiste)
Mme Christiane Demontès. - La formation professionnelle est un sujet ô combien important dans une société où chaque individu doit changer plusieurs fois d'emploi ou de métier : la mobilité professionnelle se conjugue alors avec la formation et la sécurisation des parcours professionnels. Celle-là apparaît décisive parce qu'elle conditionne la qualité de l'emploi des salariés ainsi que la compétitivité des entreprises. Elle participe ainsi à la dynamique de progrès et de justice sociale. Or notre système de formation est complexe, cloisonné et inégalitaire : il favorise les plus qualifiés et pénalise ceux qui travaillent dans les plus petites entreprises. Aux 150 000 jeunes qui sortent chaque année sans diplôme de l'école, il faut ajouter les 80 000 qui engagent sans succès des études supérieures.
Votre texte permet-il de régler des problèmes et de réformer un secteur stratégique dont l'opacité nuit à l'efficacité ?
Votre méthode n'est pas acceptable. La procédure accélérée n'a pas permis de lever certaines ambiguïtés, de combler les manques. Nos conditions de travail n'ont pas été propices et les sénateurs socialistes, très présents lors des auditions, ressentent un goût d'inachevé. Les contraintes ont été telles que le souhait du rapporteur et de la présidente de la commission spéciale que le texte ne vienne qu'après la session extraordinaire, n'a pas été entendu, malgré notre aide.
Mme Catherine Procaccia, président de la commission spéciale. - Tout à fait.
Mme Christiane Demontès. - Le texte adopté par l'Assemblée nationale en juillet dernier conserve l'architecture du projet initial : d'une part il transpose l'accord national interprofessionnel, d'autre part il comporte des mesures gouvernementales. Le premier a été signé par l'ensemble des partenaires sociaux et, ce qui constitue une grande première, la formation des demandeurs d'emploi est prise en compte. La portabilité du droit à formation professionnelle pendant deux ans participe à la sécurisation des parcours professionnels. Le bilan professionnel peut devenir positif, ainsi que l'extension des contrats de professionnalisation et autres contrats aidés. De même, la réduction du nombre des OPCA peut aller dans le bon sens. Faisons confiance aux partenaires sociaux.
Hélas !, le texte oublie de transposer la formation initiale différée, si importante pour une société de la connaissance. Ce sont en effet les moins qualifiés qui ont le plus de difficultés à trouver un emploi ou qui ont le plus de difficultés à en retrouver un après un licenciement. Pourquoi cette omission ? En raison des coûts ! Mais quel est le coût des 200 000 jeunes qui sortent chaque année sans formation du système scolaire en dépit de la loi d'orientation de 2004 ?
Au-delà, l'absence de la formation professionnelle initiale est dommageable. Tout se passe comme si la formation tout au long de la vie ne commençait qu'après l'école, ce qui laisse de côté l'échec scolaire et l'incapacité de l'école à offrir un socle commun de connaissances suffisant pour s'engager dans la vie professionnelle. Certes, l'article 2 vise à articuler socle commun et compétences favorisant l'évolution professionnelle ; reste que cette disposition n'a que valeur déclarative.
Rien, ou presque, sur l'apprentissage pourtant si efficace et dont la réglementation mériterait une simplification. Nous avons déposé un amendement de clarification mais tous ceux de la commission ne nous conviennent pas.
Rien sur la formation professionnelle sous statut scolaire, qui ne concerne guère que les deux tiers des jeunes formés... L'image de cette filière ne les incite pas à s'y engager et le bac pro en trois ans en laissera de nombreux au bord du chemin.
L'absence de lien entre formation initiale et continue est dommageable parce que la continuité de la formation contribue à la lutte contre l'échec scolaire.
Rien, non plus, sur la réforme du DIF et du CIF, dont la Cour des comptes diagnostique pourtant la « contribution très incomplète à la correction des inégalités et à la sécurisation des parcours ». Certes, la commission spéciale a apporté des améliorations, mais on ne va pas au bout du problème.
L'orientation est à peine effleurée. Le Livre vert de Martin Hirsch formulait pourtant des propositions concrètes pour un service public de l'orientation territoriale -M. Jeannerot y reviendra.
Le sigle du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels est moins facile à prononcer que celui de son prédécesseur... (Sourires) L'idée de recentrer les actions était intéressante, car un système simple pourrait financer rapidement une offre de qualification adaptée. Peine perdue !, vous nous proposez une usine à gaz. Quelle sera son efficacité ? Quelle sera l'affectation des 900 millions ? Serviront-ils à renflouer les caisses de l'État ?
Mme Raymonde Le Texier. - Quel mauvais esprit...
Mme Christiane Demontès. - L'article 9 pourrait bien être plus intéressé qu'intéressant !
Le plan régional marque un recul évident par rapport aux lois de 1993, 2002 et 2004 qui avaient permis l'essor d'un outil pertinent et adapté. Les régions avaient accumulé savoir-faire et expertise. Or le Gouvernement est revenu sur cet acquis de la décentralisation. Il est d'autant plus contestable de toucher ainsi à une compétence importante des conseils régionaux que les partenaires sociaux n'étaient pas demandeurs. L'architecture ancienne était adaptée alors que la nouvelle va alourdir le système. Enfin, tous les acteurs se rencontrent pendant l'élaboration d'un plan régional.
Dès lors, pourquoi vouloir ajouter une, voire deux signatures, lesquelles prennent l'allure d'une mise sous tutelle qui n'oserait dire son nom ? L'amendement du rapporteur améliore un peu l'esprit et la lettre de cet article 20 mais la logique prédominante est la reprise en main par l'État, et nous nous y opposons fermement.
Au lieu d'instituer une gouvernance éclatée, il aurait été plus constructif de ne pas rajouter l'État aux acteurs existants. L'expérience nous prouve qu'avec les cogouvernances, soit on dérive vers une opacité encore plus grande, soit l'État reprend la main seul. Cette disposition tourne le dos à une multitude de rapports de la majorité dont ceux de MM. Balladur et Lambert qui proposaient de faire de la région le pilote unique de la formation professionnelle.
Au lieu de vanter l'investissement de millions d'euros, que vous n'avez pas, vous auriez dû faire preuve de volontarisme et doter notre pays d'un système de formation tout entier tourné vers l'innovation, le savoir et la connaissance, et où les partenaires sociaux et les collectivités territoriales auraient joué tout leur rôle. Ce texte est une occasion ratée. La réforme de la formation professionnelle devait être le chantier prioritaire du quinquennat avait annoncé le Président de la République. Une fois encore, entre les discours et les actes, le fossé est immense et la montagne a accouché d'une souris. (Applaudissements à gauche)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - (Applaudissements à gauche) Je voudrais pour ma part exprimer un profond regret, d'ailleurs partagé par nombre des intervenants auditionnés. Regret que ce projet de loi n'ait pas fait le lien entre formation initiale et formation continue. Dès lors, comment prétendre mettre en place un véritable droit à la formation tout au long de la vie ? Comment rendre cette formation efficace, sans, simultanément, l'articuler avec une orientation et une formation dès le début du parcours ?
L'accord national interprofessionnel (ANI), issu des négociations entre partenaires sociaux et signé en janvier dernier, est un important compromis social mais il ne constitue pas, pour autant, un horizon indépassable et notre rôle de parlementaire est de l'enrichir. Il aurait fallu élargir davantage nos auditions et réfléchir à la construction d'un système cohérent et complémentaire avec tous les acteurs de la formation, initiale et continue. Notre rapporteur a bien tenté d'y remédier, mais par le seul développement de l'apprentissage. Nous avons eu trop peu d'occasions, depuis deux ans, de confronter nos conceptions de la formation initiale, alors que les réformes de l'école et de l'université qui sont légions, ne font pas consensus. Pourtant, un chiffre, au moins, aurait dû nous obliger à cette réflexion : celui des 150 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification. L'article premier de ce projet de loi définit la formation professionnelle tout au long de la vie et fixe l'objectif « de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie ». C'est mieux que la version initiale du texte mais cela manque d'ambition. Nous proposons que cet article fasse mention des personnes sorties du système scolaire sans diplôme ni qualification professionnelle et qui sont les plus éloignées de la formation alors qu'elles en auraient le plus besoin. Le droit à la formation initiale différée avait toute sa place dans ce texte. L'ANI, dans son article 16, en prévoyait une première ébauche pour les salariés. Il ne s'agit pas là de renoncer à l'ambition du plus haut niveau de formation initiale pour tous, mais de donner une deuxième chance, que l'État doit garantir et où l'éducation nationale doit prendre toute sa place. C'est le contraire du renoncement et du désengagement de l'État et c'est pourquoi l'idée d'un droit à la formation initiale différé paraît plus positive que l'extension des écoles de la deuxième chance.
Mme Raymonde Le Texier. - Évidemment !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - La formation professionnelle doit se concevoir sur la base d'une formation initiale solide, être en lien avec le lycée et l'université, et s'appuyer sur une éducation nationale à la hauteur des ambitions d'une grande Nation. A ce propos, la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans est une erreur, l'expérimentation ayant montré que près de 50 % des lycéens ne parvenaient pas jusqu'au diplôme et sortaient alors sans aucune qualification. Loin de revaloriser cette filière qui scolarise un jeune sur trois, cette décision l'appauvrira au contraire.
Le texte issu de notre commission spéciale fait une large place à l'apprentissage, qui pourrait être une réelle voie d'insertion pour les jeunes au lieu d'être une orientation par l'échec. Car la formation est indissociable de l'orientation, sujet sur lequel le projet de loi, dans sa version initiale, était muet. Les avancées adoptées par la commission spéciale méritent d'être soulignées. Ainsi, le droit pour toute personne à être « informée, conseillée et accompagnée en matière d'orientation professionnelle » est désormais inscrit au sein du chapitre du code du travail consacré aux « objectifs et contenus de la formation professionnelle ». C'est un symbole fort mais la loi doit aussi se donner les moyens de le concrétiser. Et elle marque, là, une nouvelle défaillance. Nous défendrons à nouveau la création d'un grand service public de l'orientation tout au long de la vie qui posera, bien sûr, la question des conseillers d'orientation dont le Gouvernement organise la disparition. L'orientation doit devenir la préoccupation principale du système éducatif, tant initial que continu. Sinon comment sortir de la spirale destructrice de l'orientation par l'échec, qui ajoute aux inégalités sociales les inégalités scolaires.
La formation initiale doit transmettre les outils intellectuels permettant de comprendre le monde. C'est l'inverse du socle commun des compétences, socle minimaliste qui donne le minimum à tous et réserve le supplément à quelques-uns. A titre d'exemple, les enseignements artistiques sont progressivement diminués, notamment dans l'enseignement professionnel où le nombre d'heures a été divisé par deux.
Entre 1975 et 2005, deux fois plus de salariés ont bénéficié d'une formation payée par l'employeur mais, dans la même période, la durée moyenne des formations a été divisée par deux, ainsi que le pourcentage de ces formations sanctionnées par un diplôme ou une qualification reconnue donnant lieu à augmentation salariale. C'est cette vision utilitariste de la formation, tant initiale que continue, qu'il faut stopper. (Applaudissements à gauche)
Mme Isabelle Debré. - Dans un monde ouvert aux échanges, la compétitivité d'un pays repose en grande partie sur la qualification de sa population. Aujourd'hui, la formation professionnelle ne conditionne pas seulement l'accès à l'emploi mais aussi la possibilité de s'y maintenir. C'est donc l'instrument majeur de la sécurisation des parcours professionnels. Après son élection, le Président de la République avait déclaré son intention de revoir notre système de formation « parce que c'est un droit à la seconde chance, un modèle de société où, à tout moment, on peut remonter dans l'ascenseur social ». C'est une chance pour celui qui souhaite évoluer dans son emploi, et un atout pour celui qui doit en trouver un autre. Car plus personne ne peut être assuré qu'il passera toute sa vie dans la même entreprise, qu'il fera le même métier et qu'il n'y aura pas de rupture dans sa vie professionnelle. Il s'agit désormais d'un véritable parcours.
Or, alors que la France y consacre chaque année 27 milliards, notre système de formation n'a plus l'efficacité souhaitée. J'ai participé en 2007 à une mission d'information présidée par notre collègue Jean-Claude Carle dont le rapport a dénoncé les trois C : « complexité, cloisonnement et corporatisme » de notre système de formation professionnelle. Et son plus grave défaut est sans doute d'être fortement inégalitaire. Un ouvrier sur sept bénéficie d'une formation contre un cadre sur deux. Quant aux salariés des PME et à leurs entreprises, ils financent la formation professionnelle sans en bénéficier. Un employé d'une entreprise de moins de dix salariés a cinq fois moins de probabilités de se former que celui d'une entreprise de plus de 500. Et 75 % des demandes de formation des chômeurs n'aboutissent pas, alors que la formation professionnelle est une des clés du retour à l'emploi.
La réforme est cependant difficile car notre dispositif de formation est complexe et compartimenté. La qualité du dialogue social engagé par l'État est un gage de réussite de la réforme et l'accord conclu entre les partenaires sociaux le 7 janvier dernier a été adopté à l'unanimité. Cette réforme doit donc nous rassembler, au-delà de nos clivages politiques.
Je me réjouis des principales orientations de ce projet de loi, et d'abord de la création du Fonds de sécurisation des parcours professionnels, qui a vocation à financer la formation des demandeurs d'emploi. Ce fonds permettra la formation de 500 000 salariés peu qualifiés et de 200 000 demandeurs d'emploi supplémentaires. Il collectera 900 millions par an.
Je me réjouis également de la réorientation de la formation professionnelle vers les petites et moyennes entreprises. Les sommes que versent les entreprises de moins de 50 salariés au titre de la formation seront sanctuarisées. Chaque année, 1,2 milliard du plan de formation sera réservé à la formation dans ces entreprises.
Enfin je souligne l'importance de la réforme du statut des organismes paritaires collecteurs agréés, dont il faut réduire le nombre et mieux contrôler l'action. La diminution de leur nombre permettra de simplifier la mécanique financière d'une complexité effarante qui régit actuellement la collecte des fonds, Chaque année, les frais de fonctionnement des OPCA représentent 9,9 % de la collecte, soit 600 millions. La commission spéciale a instauré l'obligation de conclure une convention d'objectifs et de moyens entre chaque OPCA et l'État. La part prélevée pour les frais de gestion sera conditionnée à un véritable exercice de programmation et d'évaluation des performances. Il s'agit de tenir compte de la situation particulière de chacun afin de lui garantir les moyens nécessaires tout en maîtrisant mieux les dépenses.
Il était important d'élargir le débat à l'orientation, comme l'ont fait les députés. La mise en place d'un système de labellisation des organismes d'information et d'orientation est pertinente. La France en compte plus de 8 500 ; difficile de s'y retrouver ! Les organismes devront offrir leurs services à toute personne intéressée et pas seulement à ceux qui s'engagent dans la vie active. On pourra ainsi toucher les lycéens et les étudiants, et faire un lien entre formation initiale et formation continue.
Nous avons également pris en considération certaines mesures proposées par le Livre vert de Martin Hirsch. C'est ainsi que la commission a adopté un amendement rendant possible l'expérimentation d'un livret de compétences : dans les établissements d'enseignement volontaires, chaque élève disposera pendant trois ans d'un livret de compétences mentionnant ses connaissances, ses liens avec des activités associatives, sportives ou culturelles, ses expériences du monde professionnel. Ce livret sera pris en compte au moment de l'orientation et pourra suivre la personne dans la vie active.
L'école devrait développer des liens plus étroits avec le monde de l'entreprise, afin d'apporter aux élèves un éclairage sur les multiples filières d'activité et sur leurs métiers. Mais il s'agit d'un autre débat...
Je tiens enfin à souligner la qualité du travail de notre rapporteur, qui maîtrise le sujet de longue date. Grâce à la présidence de Mme Procaccia, nous avons réussi à créer un espace de réflexion parlementaire qui a permis d'améliorer le projet de loi tout en respectant l'esprit de l'accord national interprofessionnel. Ce texte, que notre groupe votera avec enthousiasme, représente une étape importante vers plus de transparence, plus d'efficacité, plus de justice. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Claude Jeannerot. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous voici réunis pour débattre d'un texte annoncé de longue date et qui devait être, selon le Président de la République, l'un des plus importants de la législature. Cette réforme est effectivement nécessaire, chacun en convient, et nous étions prêts à y travailler avec vous. Ce projet de loi comporte d'abord des avancées ; nous lui reprochons surtout de ne pas être à la hauteur.
Il transpose en matière législative l'accord national interprofessionnel du 9 janvier 2009 et permet ainsi des avancées majeures. Il renforce le droit individuel à la formation : à l'avenir, l'accès à la formation devrait prendre en compte de plus en plus la dimension des parcours individualisés, avec des droits et un suivi individuels. Sa portabilité est facilitée en cas de rupture du contrat de travail : grâce à une intervention des fonds mutualisés, un reliquat de droit non utilisé pourra être mobilisé, non seulement pour la période de chômage, mais encore dans les deux premières années suivant une nouvelle embauche. En facilitant la requalification des travailleurs les plus fragiles et les plus exposés au risque de chômage, cette mesure contribue effectivement à faire de la formation professionnelle un instrument de sécurisation des parcours.
Le Fonds de sécurisation des parcours professionnels stipulé dans l'accord du 7 janvier 2009 et repris dans la loi doit permettre aux demandeurs d'emplois d'acquérir une formation ou de se requalifier en dynamisant la période de chômage.
Ce texte comporte d'autres avancées sans doute mais il n'est pas pour autant le grand rendez-vous attendu de la formation, laquelle aurait mérité de figurer parmi les « grands chantiers » du Gouvernement face à la crise. Pour rendre ces ambitions effectives, il aurait d'abord fallu engager une simplification radicale d'un système caractérisé par un empilement de dispositifs faisant appel à des autorités différentes tant pour le financement que pour l'exécution. Les dizaines d'observateurs que nous avons auditionnés ne voient chacun que ce qui les concerne directement, et personne ne parvient à avoir une vue d'ensemble. Son illisibilité est un des obstacles majeurs à l'efficience du système.
La deuxième nécessité était d'en renforcer l'ancrage territorial. Vous engagez une recentralisation quand il fallait favoriser une complémentarité active entre les logiques de branche et les nécessités territoriales, pour laquelle les présidents de région étaient les responsables naturels.
Il fallait aussi affirmer un vrai droit à l'orientation, préalable à une formation efficace. Là-dessus, des enseignements essentiels sont à trouver dans le Livre vert de M. Hirsch.
Mme Christiane Demontès. - Exactement.
M. Claude Jeannerot. - Non seulement l'orientation n'apparaît guère dans ce projet de loi, mais vous décidez de transférer à Pôle emploi la plupart des psychologues de l'Afpa. Vous dites que c'est pour distinguer les fonctions d'orientation et de formation, afin que le même organisme ne soit pas juge et partie.
L'argument n'est guère convaincant. Au nom d'un droit un peu « gazeux », vous oubliez le rôle décisif des psychologues du travail de l'Afpa. (Mme Gisèle Printz applaudit) Ils ne se contentent pas d'orienter les publics vers la formation, leur technicité et leur professionnalisme leur permettent surtout de garantir le succès de leur parcours aux bénéficiaires de cette deuxième chance qu'est la formation. C'est essentiel aussi pour une bonne utilisation des deniers publics. Les résultats de l'Afpa attestent de son efficacité : sept stagiaires sur dix accèdent à un emploi dans les six mois suivant la formation.
M. Guy Fischer. - Voilà la vérité !
M. Claude Jeannerot. - Plus de quatre cinquièmes d'entre eux valident leur formation en obtenant un titre professionnel reconnu sur le marché du travail.
M. Guy Fischer. - Voilà la vérité !
M. Claude Jeannerot. - Ces performances ne pourraient être atteintes sans le travail des services d'orientation. Reconnaissez que Pôle emploi n'est pas pour l'instant en état d'apporter de telles garanties de réussite. (On approuve à gauche) Le directeur général de Pôle emploi et celui de l'Afpa vous ont d'ailleurs remis une note dans laquelle ils relèvent que le texte « fait courir à l'Afpa un risque global ». Est-il raisonnable dans la période actuelle de créer des dysfonctionnements supplémentaires ? Ne faut-il pas éviter toute décision précipitée ? Vous avez au Puy un centre Afpa à recrutement national ; il n'est pas certain qu'avec votre texte il puisse encore demain accueillir des stagiaires venus d'ailleurs...
Je vous demande au moins un moratoire. Ce serait la sagesse, une sagesse active. Lorsque vous aurez construit une vision de l'orientation tout au long de la vie, lorsqu'auront été déterminées les conditions de la coordination des différents réseaux, lorsque les régions auront été en mesure d'assumer leurs responsabilités, lorsqu'enfin Pôle emploi sera stabilisé, alors vous pourrez prendre une décision complètement éclairée. Toutes les organisations syndicales de l'Afpa sont hostiles au transfert ; réaction naturelle, me direz-vous. Vous devriez cependant être troublé par l'opposition de l'ensemble des confédérations, qui n'en comprennent ni les attendus, ni les objectifs, et par celle du Medef... Tous craignent que l'Afpa ne soit plus en mesure de fonctionner correctement.
L'Afpa a 60 ans ; vous lui offrez un bien curieux cadeau d'anniversaire. (On approuve à gauche)
M. Guy Fischer. - On l'assassine !
M. Claude Jeannerot. - Son nom est attaché à l'histoire sociale de la France, elle est une composante du service public de l'emploi. Personne ne comprend pourquoi le Gouvernement a l'Afpa honteuse.
La formation est un moteur du développement économique, un facteur de promotion personnelle et collective, une source de cohésion sociale. Même si ce texte peut laisser espérer des petits pas dans ces directions, il n'est pas à la hauteur. La raison en est l'urgence avec laquelle le Gouvernement souhaite expédier la réforme. J'aurais aimé que nous puissions collectivement organiser une sorte de Grenelle de la formation professionnelle, aller aussi vers davantage de simplification, de mobilisation de tous les acteurs dans toutes les régions. Le rapporteur a fait un travail remarquable ; mais si nous avions pu tenir des assises régionales de l'apprentissage, ses propositions auraient pu être mises à l'épreuve de la confrontation et certainement enrichies. Je regrette que le rendez-vous soit manqué. (Applaudissements à gauche)
Mme Gélita Hoarau. - La durée et parfois la violence des événements qui ont secoué les départements d'outre-mer ont révélé l'ampleur du malaise qui affecte notre économie, les classes les plus défavorisées et -c'est plus récent- les classes moyennes. Aujourd'hui, le constat est unanimement partagé de la gravité de la crise et de l'inefficacité des réponses qu'on lui a apportées jusqu'à présent.
La crise est grave. Le chômage ne cesse de croître, d'autant que s'achève une série de grands travaux et que, du fait d'obstacles juridiques volontairement accumulés, le relais ne peut être pris par d'autres chantiers pourtant entièrement financés. Plus de la moitié des Réunionnais vivent avec des revenus inférieurs à 817 euros mensuels, le seuil de pauvreté en métropole ; 30 000 demandes de logements restent insatisfaites alors que les mises en chantier s'effondrent. Au cours des huit premiers mois de 2009, la Chambre des métiers a recensé la liquidation de 900 entreprises, dont 350 dans le secteur du BTP. Le nombre d'illettrés, estimé à 120 000, ne décroît pas.
Les réponses mises en oeuvre jusqu'à présent ont atteint leurs limites. Tous les acteurs de la vie politique, économique et sociale en conviennent désormais : il faut changer de politique. Le Président de la République en a lui aussi convenu, qui a proposé la tenue d'états généraux pour l'outre-mer. Nous nous y sommes pleinement investis et avons participé aux huit ateliers. Région et département ont adopté des propositions conjointes.
De ces contributions se dégagent quelques grandes orientations. Il faut d'abord agir immédiatement pour l'emploi avec la création de deux grands services d'intérêt public, l'un pour faire face aux risques environnementaux et sauvegarder la biodiversité, l'autre d'aide à la personne en direction des personnes âgées et handicapées, ainsi que de la petite enfance. Il faut aussi un plan d'urgence de construction de logements.
Il importe en deuxième lieu de se mettre en capacité de relever les grands défis du monde tels qu'ils se posent dans notre île, les changements climatiques et leurs conséquences, la crise énergétique, la crise alimentaire, la globalisation des échanges commerciaux, la progression démographique, la crise économique et financière. Nous devons inventer un type de développement réellement durable, créateur de richesses et d'emplois respectant notre environnement et notre identité culturelle. C'est pourquoi notre projet vise notamment l'autonomie énergétique à l'horizon 2025, l'autosuffisance et la sécurité alimentaire en coopération avec nos voisins, une politique de grands travaux pour le logement, les déplacements et l'aménagement du territoire, un projet identitaire unificateur : la Maison des civilisations et de l'unité réunionnaise. Nous nous orientons résolument vers ce qu'on appelle l'économie de la connaissance dans les domaines des énergies renouvelables, de la santé, de la formation ou du numérique, qui doivent devenir des pôles d'excellence. Telles sont nos priorités pour faire face à la crise et aux accords de partenariat économique que l'Union européenne est en train de négocier avec les pays ACP voisins.
Ces orientations exigent enfin que soit mise en place une politique de formation innovante, qui passe par une importante amélioration du système éducatif, afin de l'adapter aux exigences du développement durable. En ce qui concerne la formation professionnelle -j'espère que le nouveau fonds paritaire permettra de dégager davantage de moyens- les compétences de l'État au travers de Pôle emploi et celles de la région doivent être mieux coordonnées, et même synchronisées. Il faut une structure qui permette une gestion prévisionnelle de la formation professionnelle et qui prenne pleinement en compte les besoins des nouveaux projets. Or chacun s'inquiète pour la survie d'un organisme de formation financé principalement par la région, l'Association pour la formation professionnelle des adultes à la Réunion. A la lecture de l'article 19, certains prédisent même sa disparition, ce qui serait inacceptable. Affaiblir un des partenaires serait hypothéquer gravement l'avenir. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande, avec d'autres, de retirer l'article 19 du projet de loi. (Applaudissements à gauche)
M. Christian Demuynck. - La formation professionnelle est un outil essentiel de lutte contre le chômage et une nécessité en période de crise. Offrant aux salariés qui ont perdu leur emploi une reconversion dans les secteurs qui recrutent, elle garantit l'employabilité de ceux qui ont un travail en leur permettant de faire évoluer leurs compétences.
Ce projet de loi a deux objectifs ambitieux : sécuriser les parcours professionnels et améliorer l'efficacité du système de formation. L'Assemblée nationale l'a complété par un nouveau titre IV bis consacré à l'emploi des jeunes. Comme vous le savez, le Sénat a créé le 11 mars 2009 une mission commune d'information chargée de réfléchir à la situation des 16-25 ans, qui sont plus de 8 millions dans notre pays. Voulue par le Président Larcher, cette mission commune, présidée par Mme Le Texier et dont je suis le rapporteur, a observé l'inquiétude de la jeunesse, qui a le sentiment de moins bien vivre que la génération précédente.
Aujourd'hui, les jeunes se heurtent à des problèmes structurels et conjoncturels aigus pour ce qui est de l'orientation, de la formation et de l'insertion professionnelle. La France est l'un des pays développés où les jeunes rencontrent le plus de difficultés à s'insérer dans la vie active : le taux d'emploi des 16-24 ans n'était que de 31,5 % en 2007, contre 37,4 % dans l'Union européenne ; celui des jeunes non qualifiés atteint près de 40 % trois ans après leur sortie du système éducatif. Le taux de chômage des actifs est particulièrement élevé : au quatrième trimestre 2008, il était proche de 21,2 % chez les 15-24 ans, contre 7,4 % chez les 25-54 ans. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, le taux de chômage est presque deux fois plus élevé, s'établissant à 42 %, ce qui s'explique à la fois par les problèmes sociaux et par la discrimination à l'embauche.
Les jeunes sont particulièrement touchés par la précarité de l'emploi et doivent patienter en moyenne six à sept ans avant de décrocher un CDI. Ce sont donc les premiers touchés par la montée du chômage. Les diplômés sont confrontés au déclassement, puisqu'ils sont contraints d'accepter des emplois pour lesquels le niveau de qualification requis est inférieur au leur. Ce phénomène touche entre 20 et 30 % d'entre eux, notamment les titulaires des baccalauréats technologiques et professionnels, provoquant découragement et perte d'estime de soi : c'est un véritable gâchis économique et humain.
Il est difficile de séparer la formation professionnelle de la formation continue. Le rapprochement entre l'école et l'entreprise, dont le principe est entériné dans la réglementation, peine à se concrétiser. Il faut insuffler dans le système éducatif et dans le monde professionnel une véritable culture du stage : les parcours de découverte et les stages, qui doivent être généralisés, ne sont efficaces que si les jeunes sont accompagnés par les enseignants et si des séances de préparation sont organisées avec des professionnels. Il faut donc abattre les cloisonnements qui nuisent à l'ensemble du système éducatif, sociologique et économique français. L'immersion professionnelle permet aux jeunes de découvrir le monde de l'entreprise, ses codes et ses règles, et de se confronter à la réalité des métiers. Ils disposent ainsi d'éléments d'appréciation pour réfléchir à leur orientation et acquièrent une expérience qui favorise leur insertion professionnelle future.
Cependant les stages donnent parfois lieu à des abus : il arrive que des stagiaires soient affectés à de véritables postes et ne perçoivent en contrepartie que des indemnités dérisoires. Le stage est alors détourné de sa vocation première et se substitue à un emploi qui devrait être occupé par un jeune diplômé.
M. Jean Desessard. - Très bien !
M. Christian Demuynck. - La pétition lancée en septembre 2005 par le collectif « Génération précaire », qui demandait une réforme du statut des stagiaires, a permis aux pouvoirs publics et à l'opinion de prendre conscience de ces dérives. La réglementation a depuis été précisée et une charte a été élaborée, en concertation avec les employeurs et les établissements d'enseignement supérieur. La loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances a fixé des règles pour encadrer et moraliser les stages. En principe, les stages ne peuvent plus se dérouler que dans le cadre d'un cursus de formation. En pratique, certains jeunes s'inscrivent à l'université dans le seul but d'obtenir une convention de stage. (M. Jean Desessard et Mme Raymonde Le Texier le confirment) Ainsi, il n'est pas rare que de jeunes diplômés soient contraints à la fin de leurs études d'enchaîner stage après stage alors qu'ils possèdent déjà les qualifications correspondant aux tâches qui leur sont confiées et sont prêts à entrer dans la vie professionnelle.
Forte de ce constat, la mission d'information sur la politique en faveur des jeunes a proposé d'inscrire clairement dans la loi l'interdiction des stages hors cursus. Je me réjouis que la commission ait approuvé, entre autres mesures, l'abaissement de trois à deux mois du délai au terme duquel l'entreprise est tenue d'accorder une gratification à l'étudiant stagiaire : car alors le stage ne constitue plus une séquence d'observation ou de familiarisation avec l'entreprise, pendant laquelle l'absence de rémunération se justifie par la faible productivité de l'étudiant, mais bel et bien une phase d'activité et de production.
Compte tenu de l'apport des stages à la formation des jeunes, la mission sénatoriale a proposé de les rendre obligatoires pour toutes les formations de l'enseignement supérieur. L'obtention de la licence serait désormais subordonnée à l'accomplissement de deux stages d'une durée d'au moins un mois. Mais même dans le contexte actuel, je ne pense pas qu'il soit juste de dire qu'il vaut mieux pour un jeune obtenir un stage, même en dehors de tout cursus, plutôt que rien.
Nous devons être à la hauteur des attentes de nos enfants. Aujourd'hui plus que jamais, la formation professionnelle doit être une réalité pour tous, et notamment pour les jeunes. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)
M. Jean Desessard. - (Applaudissements à gauche) Nous revenons dans cet hémicycle comme nous l'avons quitté : dans la précipitation. Nous nous sommes séparés fin juillet après un débat animé sur le travail du dimanche, où les parlementaires ont dû une fois de plus travailler dans l'urgence. Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de loi qui fait l'objet d'une procédure accélérée. Quelle urgence y avait-il à examiner ce texte ? Confondant vitesse et précipitation, le Gouvernement nous soumet des textes fleuves, mal conçus, sans recul ni profondeur, destinés bien souvent à être retoqués par le Conseil constitutionnel ou à n'être pas appliqués par les ministres, comme c'est le cas pour le texte sur les tests ADN.
Le présent projet de loi est l'illustration de cette méthode ou de ce manque de méthode. S'il comporte des éléments positifs, comblant à l'article 6 certains vides juridiques et instaurant la portabilité du droit à la formation individuelle, il est néanmoins entaché de nombreuses imprécisions et incohérences que nous ne manquerons pas de relever.
Le 3 mars dernier, le Président de la République annonçait les grands axes de la réforme, le principal étant la création d'un droit à la formation et à l'orientation -dont, notons-le, les salariés non francophones sont exclus. Un centre d'appels téléphoniques et un portail internet devaient être créés afin d'expliquer les dispositifs, de recenser l'offre de formation et d'orienter les demandeurs vers les interlocuteurs adéquats. Ils n'ont toujours pas vu le jour. Vous me répondrez qu'il suffit d'un décret. Mais si c'est le cas, et si cette réforme est tellement urgente, pourquoi ne pas avoir pris ce décret au cours des six mois écoulés ? (M. Jean-Luc Fichet applaudit)
La grande réforme annoncée se réduit à une réformette, dont les organisations syndicales et patronales n'approuvent pas toutes les facettes. Aux mesures figurant dans l'accord national interprofessionnel du 7 janvier, le Gouvernement a ajouté des dispositions de son cru ; en revanche, il n'a pas repris l'idée d'un droit à la formation différée pour les 150 000 jeunes sortis prématurément et sans diplôme du système éducatif.
Mme Annie David. - Il n'a repris que ce qui l'arrangeait !
M. Jean Desessard. - J'en viens à la question de l'apprentissage. Depuis quelques mois le Gouvernement, à l'en croire, a investi massivement dans la formation par apprentissage, afin d'enrayer la montée du chômage et de favoriser l'accès à l'emploi des personnes peu favorisées, notamment des jeunes. Comment ne pas partager un tel objectif ? Mais en réalité, ce sont les grandes entreprises qui tirent leur épingle du jeu. Dans notre esprit, l'apprentissage sert à former des jeunes à des métiers manuels ou techniques. Mais aujourd'hui il concerne aussi bien les jeunes de 16 ans titulaires du brevet des collèges que des personnes à « bac plus 5 » sorties d'écoles d'ingénieur ! Les grands groupes créent ainsi des emplois déguisés afin de s'exonérer de la taxe d'apprentissage, ce qui rend la situation des jeunes arrivant sur le marché du travail encore plus précaire...
M. Christian Cambon. - Caricature !
Mme Annie David. - Pas du tout !
M. Jean Desessard. - Entre 2006 et 2007, selon la Dares, le nombre de jeunes en apprentissage a stagné, tandis que l'apprentissage dans le cadre des études supérieures a progressé de 17 % : ce ne sont donc pas les jeunes les plus défavorisés qui profitent des investissements de l'État, comme vous le prétendez, mais de jeunes diplômés de l'enseignement supérieur ! (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Luc Fichet. - Très bien !
M. Jean Desessard. - Ce sont les grandes entreprises qui bénéficieront de ces investissements.
L'apprentissage se définit comme « l'acquisition de nouveaux savoirs ou savoir-faire ». La formation a-t-elle pour seul but de répondre aux besoins du marché du travail ? Pour le ministre, la formation professionnelle n'a qu'un objectif : l'emploi. Ce n'est pourtant pas seulement un gain de compétitivité pour les entreprises, mais également un facteur d'émancipation sociale et culturelle, un moyen pour le salarié ou le demandeur d'emploi de s'épanouir. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG ; M. Christian Cambon s'exclame)
Enfin, en tant que Vert, je m'étonne du peu de cas qui est fait de l'écologie dans ce projet de loi. La crise nous oblige à repenser profondément notre mode de vie ; la prochaine révolution industrielle sera une révolution verte, source de nombreux emplois, mais ce texte ne reprend à aucun moment les engagements du Grenelle.
Nous nous proposerons de favoriser les formations liées aux technologies vertes. La France manque d'experts en éco-construction, de techniciens de l'éolien. C'est dans ces secteurs que se trouvent les emplois du futur, or ils peinent à recruter. Il est temps de promouvoir les métiers de demain en favorisant l'accès à ces formations, en développant des formations en adéquation avec l'évolution de nos métiers. Il faut accompagner les travailleurs dans le processus de transformation écologique de l'économie.
Enfin, votre projet de rapprochement entre l'Afpa et le Pôle emploi suscite le mécontentement de nombreux acteurs. L'Afpa joue un rôle de correcteur d'inégalités et d'accompagnateurs des publics fragilisés. Votre projet de fusion des services affaiblira une structure efficace et reconnue. Pas moins de 66 % des stagiaires de l'Afpa sont des demandeurs d'emploi, souvent faiblement qualifiés, et 8 % sont illettrés, or plus de 70 % trouvent un emploi à l'issue du stage. Selon une enquête sur les formations effectuées dans le cadre du congé individuel de formation, 83 % des stagiaires Afpa avaient trouvé un emploi dans les six mois suivants et plus de 48 % s'étaient reconvertis.
Pourquoi amputer un organisme qui fonctionne bien ? Ne pouvez-vous faire des économies ailleurs, par exemple en supprimant le bouclier fiscal ? Nous vous demandons de revenir sur cette mesure qui illustre, une fois de plus, votre objectif de casse du socle social. (Applaudissements à gauche)
La formation professionnelle est au coeur des enjeux d'avenir, de l'emploi, de la capacité d'innovation, de l'épanouissement individuel. Outil indispensable d'égalité des chances, elle participe de l'apprentissage de la citoyenneté.
Malgré quelques points positifs, votre texte n'est pas à la hauteur. Difficile pour les Verts d'approuver un projet inégal, négligeant les plus vulnérables, renforçant le pouvoir centralisateur de l'État et oublieux de la filière verte. La formation professionnelle est une grande idée : cette petite loi, votée en urgence, n'est pas à la hauteur des mutations de notre société. (Applaudissements à gauche)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Je remercie le rapporteur pour son investissement, pour avoir remis la réforme en perspective, pour avoir astucieusement substitué les 3 P aux 3 C. Je salue les avancées apportées par le Sénat, malgré les conditions de travail difficiles, notamment l'évolution du quota hors quotas pour le financement de l'apprentissage. L'apprentissage me tient très à coeur : c'est sa faiblesse qui explique les difficultés d'insertion des jeunes dans l'emploi. Nous voulons franchir un cap, en termes de chiffres et de qualité. Je m'engage à faire avancer les choses en matière de financement.
Effectivement, madame Procaccia, nous avons choisi de faire des choses simples, mais de bon sens. Conditions de révision des examens pour les apprentis, souplesse dans les conditions de fonctionnement de l'apprentissage sont des points positifs.
Monsieur Dubois, nous avons joué un rôle d'accompagnateurs des partenaires sociaux, pris le temps de la démocratie sociale, ce qui a permis d'aboutir à un accord unanime - résultat plutôt positif pour des négociations qui se seraient tenues le pistolet sur la tempe ! S'agissant du PRDF, le compromis trouvé garantit une gouvernance équilibrée, dans un souci d'efficacité. Pour le DIF, nous avons voulu respecter l'esprit de l'accord tout en renforçant les volets portabilité et transférabilité.
Mme David a toujours le souci d'être concrète. Je sais que l'Afpa vous tient à coeur et je partage vos préoccupations, même si nous divergeons dans l'interprétation des conséquences des droits communautaires. Le transfert de son patrimoine pour consolider sa situation n'a pas été facile à obtenir au niveau européen - je suis sûr que vous l'aurez apprécié. Merci enfin d'avoir salué les avancées majeures du texte.
M. Plancade a critiqué le système actuel avec bon sens et lucidité. En matière de formation professionnelle, il faut bien connaître les dispositifs mais éviter de devenir un expert de la tuyauterie ! (M. Alain Gournac approuve) Merci d'avoir souligné les avancées concrètes du texte. Plutôt que rêver du Grand soir, nous avons choisi de faire évoluer le dispositif de la formation professionnelle. J'espère que vous vous y retrouverez au moins partiellement à l'issue du débat.
Madame Demontès, la réforme a été initiée il y a dix-huit mois ; les salariés en percevront les effets en 2010. Je comprends que vous estimiez n'avoir pas eu assez de temps au Sénat et à l'Assemblée nationale - même si vous reconnaissez que votre position n'aurait sans doute pas changé. En fait, nous avons essayé de concilier le respect des partenaires sociaux et du Parlement avec la nécessité d'aboutir dans un délai de deux ans.
M. Jean Desessard. - Nous avons eu deux semaines !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Sur le terrain, les demandeurs d'emploi, les salariés, les PME attendent !
M. Christian Cambon. - Très bien !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Il faut sortir de l'immobilisme. Réclamer toujours plus de temps de la concertation sert trop souvent de cache-misère pour des réformes que l'on n'a pas eu le courage de faire ! Sept mois pour le débat parlementaire, un an et demi pour la concertation entre partenaires sociaux, une adoption par l'Assemblée nationale en octobre, des fonds opérationnel début 2010 : c'est un délai acceptable, sauf à ne rien vouloir changer dans notre pays !
Madame Gonthier-Maurin, je crois beaucoup à l'école de la deuxième chance - j'ose espérer que vous aussi ! C'est un dispositif qui fonctionne, en Seine-Saint-Denis ou à Marseille, en conjuguant remise à niveau de base et formation sur mesure. Notre objectif est de tripler le nombre de places ; l'État apportera son soutien financier aux régions.
Le caractère « utilitariste » de la formation professionnelle est une vraie question. La formation professionnelle sert-elle à améliorer la culture générale ou le savoir global ? A mes yeux, elle doit aider le salarié à garder son emploi et à progresser tout au long de sa carrière, tendre la main aux demandeurs d'emploi pour retrouver un emploi. Si c'est une vision utilitariste, je l'assume.
Je remercie Mme Debré pour son intervention particulièrement pertinente, notamment lorsqu'elle a souligné l'insuffisante formation des demandeurs d'emploi. Nous ne pouvons accepter que trois demandeurs d'emploi sur quatre se voient refuser le financement de leur formation professionnelle ! D'où l'impératif d'agir rapidement.
Monsieur Jeannerot, avec tout le respect que m'inspire votre parcours professionnel au sein de l'Afpa, la simplification et la territorialisation de la formation professionnelle sont au rendez-vous. Il y a aussi des progrès en matière d'orientation. Nous aurons un débat sur l'Afpa. Croyez bien que je ne veux pas la démanteler (M. Guy Fischer manifeste son désaccord), mais je ne veux pas être un marchand d'illusions. L'Afpa risque d'être obligée par Bruxelles de rembourser toutes les aides et subventions perçues. Dans ce cas, elle serait coulée ! Je préfère reconnaître ses qualités indépassables et l'aider à répondre aux cahiers des charges, comme l'ont déjà fait bien des régions, dont certaines dirigées par les socialistes. Mieux vaut sortir par le haut que d'attendre passivement le couperet.
M. Jean Desessard. - C'est de la fumée !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Madame Hoarau, vous avez évoqué à juste titre la situation douloureuse de la formation professionnelle outre-mer. Nous aurons sans doute un débat sur le rôle de l'Afpa.
Monsieur Demuynck, je vous remercie pour vos propos -qui s'appuient sur vos missions au service de l'insertion des jeunes sur le marché du travail- car vous avez mis en valeur le droit à l'orientation, l'école de la deuxième chance, la possibilité de trouver un employeur pour effectuer un apprentissage et le contrat de professionnalisation renforcée. Vous avez abordé le tabou insupportable des 150 000 jeunes laissés sur le bord de la route chaque année par l'éducation nationale. Face à un tel scandale, il ne sert à rien de se gargariser de la tradition républicaine.
Monsieur Desessard, je commencerai par vous remercier, car vous avez relevé des points positifs dans ce projet de loi. Le fait que chaque orateur ait approuvé une partie du dispositif est au demeurant une originalité de ce texte, dont le mérite revient aux partenaires sociaux. Mais nous avons un vrai désaccord en matière d'apprentissage, que vous prétendez réservé aux métiers manuels à faible qualification. Je ne partage nullement cette vision passéiste. (Très bien ! à droite, où l'on évoque des conceptions inchangées depuis « l'apprentissage de papa »)Vous prétendez que l'apprentissage ne permet pas de former des ingénieurs ou des techniciens. Ce discours terriblement réactionnaire a enfermé l'apprentissage dans un ghetto ! Il est temps d'ouvrir les fenêtres et de dire que cette formule permet d'obtenir de brillants étudiants de l'Essec aussi bien que des as du BTP ou de la restauration. (Applaudissements à droite) Lorsque je suis intervenu en commission -vous n'y étiez peut-être pas à ce moment- j'ai insisté sur le rôle de l'apprentissage dans l'acquisition des métiers de demain, notamment des emplois verts, qui sont au coeur de cette refonte de la formation professionnelle ! (Applaudissements à droite)
Mme Catherine Procaccia, présidente de la commission spéciale. - La commission spéciale va se réunir pendant une heure pour examiner la fin des amendements extérieurs.