Repos dominical (Procédure accélérée - Suite)
Discussion des articles (Suite)
Article 2 (Texte non modifié par la commission) (Suite)
M. le président. - Amendement n°11, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le repos dominical a pour finalités le respect de la protection de la santé, de la qualité de vie en société, de la vie privée et familiale et de l'exercice de la responsabilité parentale, ainsi que du droit effectif aux loisirs et aux activités culturelles et sportives. »
M. Jacky Le Menn. - Le repos dominical est un marqueur socio-historique essentiel. Ce temps de respiration collective donne à ceux qui travaillent durant la semaine la possibilité de se retrouver pour d'autres activités et pour des échanges non-marchands. La consommation ne doit pas être le seul moteur de notre fonctionnement social : il ne faut pas encourager certains comportements d'achat addictifs qui peuvent mener au surendettement. Le dimanche doit être consacré à la vie familiale, à des loisirs épanouissants, à des échanges sociaux et, pour certains, à l'enrichissement de leur vie spirituelle. Cet alinéa permettrait d'inscrire solennellement dans la loi cette dimension humaine.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Sur le fond, je suis totalement d'accord avec vous. Toutefois, cette disposition, qui n'a qu'une portée déclarative, alourdirait le texte. Retrait ou avis défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - Même avis.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune autorisation de dérogation au repos dominical ne peut être accordée à une entreprise ou un établissement dépourvu d'accord salarial datant de moins de deux ans en application de l'article L. 2242-8 ou d'un accord salarial de branche de moins de deux ans en application de l'article L. 2241-1. »
Mme Maryvonne Blondin. - Nous souhaitons éviter un effet pervers prévisible de ce texte, qui ouvre largement la possibilité d'accorder une dérogation à une entreprise ou un établissement non couvert par un accord salarial. Dans ce cas, la décision unilatérale d'ouverture dominicale, assortie de contreparties approuvées par référendum, risque bien souvent de tenir lieu de politique salariale.
L'employeur ne doit pas s'exonérer d'assurer une progression des carrières, une revalorisation régulière et des procédures de validation des acquis s'appuyant notamment sur le droit individuel à la formation. Un groupe de sénateurs étudie actuellement la question de la formation professionnelle, en prévision d'une réforme qui sera présentée au Sénat le lundi 21 septembre prochain.
S'il existe pour l'instant, en raison de la situation économique, un consensus afin de ne pas mettre en place le scannage des caddies, la profession de caissière, soit 200 000 emplois directs, demeure menacée à terme. Si l'on ajoute à cela les emplois qui seront détruits dans les petits commerces, le bilan de l'opération pour l'emploi risque d'être catastrophique Plutôt que de développer un rideau de fumée autour du travail dominical, il est urgent de se préoccuper du sort des personnels des grandes surfaces, qui auront besoin de formations pour leur reconversion future. Nous voulons donc prévoir dès à présent, comme condition à toute autorisation d'ouverture dominicale, l'existence d'un accord salarial récent.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - La loi en faveur des revenus du travail adoptée l'automne dernier, dont j'ai été le rapporteur, prévoit déjà un mécanisme d'incitation à la conclusion d'accords salariaux. Nous devons en évaluer l'impact avant d'adopter de nouvelles dispositions. Retrait ou avis défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - La loi du 5 décembre 2008, en conditionnant sur ce point les aides de l'État, incite les entreprises à mener des négociations annuelles sur les salaires. Votre amendement est donc satisfait : avis défavorable.
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune autorisation de dérogation au repos dominical ne peut être accordée à une entreprise ou un établissement dépourvu d'un plan d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes en application des articles L. 1143-1 et L. 1143-2. »
Mme Gisèle Printz. - Les femmes gagnent en moyenne 20 à 25 % de moins que les hommes. Elles poussent moins loin leurs études et, surtout, lorsqu'elles ont interrompu leur activité professionnelle après la naissance de leurs enfants, elles rencontrent des problèmes quasi insurmontables de réinsertion professionnelle. Des études, dont le rapport Grésy, s'interrogent sur l'utilité d'un raccourcissement du congé parental et d'une hausse de sa rémunération.
La situation est particulièrement mauvaise pour les femmes employées dans le commerce et la grande distribution. Une très faible augmentation de leur pouvoir d'achat en contrepartie d'un travail dominical ne fera qu'aggraver leurs conditions de vie, notamment pour celles qui élèvent seules leurs enfants. Le travail dominical ne peut pas être utilisé par les employeurs comme un appât strictement pécuniaire, pour des sommes ridicules, au risque que la vie des employées et de leurs proches soit malmenée.
Ce gouvernement, comme d'autres avant lui, n'est pas avare de promesses sur l'égalité professionnelle, dont celle d'un grand plan pour 2010. Certes, les pouvoir publics ne peuvent pas tout, mais nous avons là une occasion de subordonner une autorisation à l'existence d'un plan pour l'égalité professionnelle qui concernerait les femmes les moins bien traitées de toutes les branches. (M. Alain Gournac proteste)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Si les femmes représentent effectivement une part importante des salariés du commerce, il serait étrange de lier une dérogation à la conclusion d'un plan d'égalité professionnelle. Les partenaires sociaux se sont saisis de cette question : nous en reparlerons quand nous disposerons des résultats de leurs travaux. Retrait ou avis défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - L'égalité professionnelle ne doit pas être assurée que le dimanche ! Le rapport de Brigitte Grésy, qui m'a été remis la semaine dernière, préconise des conditions et des sanctions pour les entreprises qui ne la respecteraient pas. Cet amendement limiterait la portée des travaux gouvernementaux dans ce domaine. Avis défavorable.
Mme Annie David. - Certains trouvent peut-être risible d'évoquer à cet instant la question de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes...
M. Xavier Darcos, ministre. - Ce n'est nullement risible !
Mme Annie David. - Je ne parlais pas de vous, monsieur le ministre. Loin d'être risible, cet amendement est tout à fait fondé, et nous le voterons. Dans beaucoup d'entreprises, aucun plan d'égalité salariale n'a été établi, alors qu'il est prévu par la loi ; ailleurs, il n'est pas respecté. En refusant d'accorder à ces entreprises une dérogation les autorisant à ouvrir le dimanche, nous les contraindrons à respecter leurs obligations légales. Ne les laissons pas aggraver encore les inégalités entre les salariés !
L'amendement n°13 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°131, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Avant toute modification aux dispositions relatives au repos dominical, une étude d'impact étudiant les conséquences notamment en matière d'emploi, de transfert de consommation entre catégories de commerces et entre territoires, d'environnement, et de demandes de fonctionnement des services publics, est déposée par le Gouvernement sur le Bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat. »
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Les rapports de MM. Salto et Bailly pour le Conseil économique et social formulent d'importantes réserves sur l'ouverture des commerces le dimanche. On lit dans le premier : « L'ouverture dominicale de commerces entraînerait des modifications structurelles substantielles dans l'organisation et le fonctionnement de la société impliquant nombre d'autres professions, notamment les services publics, les services à la personne -ouverture de crèches- et les services de logistique et de maintenance. De même, l'équilibre entre les différentes formes de commerce pourrait se voir remis en cause de façon accélérée. Dès lors, la question est posée du modèle de société auquel nous aspirons. ».
Les centrales syndicales, consultées sur ces deux textes, se sont montrées hostiles à l'ouverture dominicale, ainsi que l'Union professionnelle des artisans et la CGPME, ce qui est encore plus significatif. Pas moins de 90 % des commerçants se sont déclarés favorables au maintien du repos dominical, 94 % dans le secteur de l'équipement sportif et 96 % dans celui des vêtements et des chaussures. Une étude du Credoc de novembre 2008 montre que le petit commerce subira une évasion de clientèle : on assistera donc non à une augmentation de la chalandise mais à un transfert, voire à une diminution.
Aucune étude d'impact n'a été réalisée par les pouvoirs publics. Les collectivités locales pourraient subir les conséquences de cette mesure. Devront-elles répondre aux demandes d'ouverture de crèches ou de haltes-garderies, ce qui impliquerait -M. Sarkozy en rêve- que leurs employés travaillent aussi le dimanche ? Le salaire de ces derniers sera-t-il doublé, et bénéficieront-ils d'un repos compensateur ? Ce serait bien normal, mais comment organiser ces contreparties, et avec quel argent ? Les grandes enseignent participeront-elles aux frais, ou le contribuable devra-t-il payer de sa poche ? Faudrait-il renforcer les transports publics en fin de semaine, et comment ? Une augmentation des impôts locaux pèserait sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Avant toute décision, il est indispensable qu'une étude d'impact vienne éclairer le Parlement sur ces questions.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - A l'initiative de M. Méhaignerie, un comité de suivi où la majorité et l'opposition seront représentées à égalité sera chargé d'évaluer les effets de la réforme au cours de la première année. S'il constate des dysfonctionnements, le législateur pourra y remédier. Certes, nous ne disposons d'aucune étude d'impact à proprement parler, mais beaucoup de recherches comparatives ont été faites. Il faut également tenir compte des effets de la crise. Avis défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - Il ne me revient pas de commenter le fait qu'une proposition de loi, contrairement à un projet de loi, n'est pas obligatoirement précédée d'une étude d'impact. Cependant, de nombreuses études ont été entreprises, et un amendement de M. Méhaignerie a institué un comité de suivi. D'ailleurs le rapport du Conseil constitue une véritable étude d'impact. Avis défavorable.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Nous disposons en effet d'études comparatives. L'une d'entre elles a établi qu'en Angleterre, l'ouverture des commerces le dimanche a fait chuter le nombre de magasins de chaussures de 11 000 à 350 ! Mais vous refusez d'en tenir compte.
L'amendement n°131 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°139 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Barbier et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 3132-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps. »
M. Jacques Mézard. - Un amendement de l'Assemblée nationale a ajouté au texte de l'article 2 que le repos hebdomadaire est donné le dimanche « dans l'intérêt des salariés ». Nous proposons de préciser cette rédaction qui n'impose pas de contreparties pour les salariés des communes d'intérêt touristique ou thermales, où seule est obligatoire une négociation collective sans obligation de résultat. Cet amendement tend à rétablir l'égalité entre tous les travailleurs du dimanche.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après le I bis de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 3132-3 du même code, il est inséré un article L. 3132-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-3-2. - Les contreparties accordées au titre du travail dominical sont constituées au minimum pour chaque salarié privé de repos le dimanche du bénéfice d'une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et d'un repos compensateur équivalent en temps. »
Mme Raymonde Le Texier. - Sans renier notre opposition de principe à toute extension du travail dominical au-delà des services nécessaires, nous souhaitons imposer par la loi des contreparties significatives pour ceux qui seraient contraints de s'y soumettre : une majoration de 100 % du salaire et un repos compensateur équivalent. En effet il ne s'agit pas de travailler quelques heures supplémentaires, mais de consacrer une journée de plus à son activité professionnelle : cette atteinte à la vie personnelle, familiale et sociale doit être justement compensée. La compensation financière, qui est souvent l'appât dont se servent les employeurs, ne suffit pas : les salariés doivent bénéficier d'une journée de repos en plus du repos légal de 35 heures par semaine -dont 24 heures d'affilée seulement- afin de pouvoir passer un peu de temps auprès de leurs enfants. Mais il est à craindre qu'il y ait à l'avenir deux catégories d'enfants : ceux qui passeront le dimanche avec leurs parents, et ceux qui le passeront seuls, avec une gardienne ou devant la télévision...
En outre, il n'est nulle part précisé dans la proposition de loi que le travail dominical sera limité à un certain nombre de journées par an : les salariés pourront donc être définitivement privés de repos dominical. Le volontariat n'est qu'un leurre. La durée hebdomadaire du travail est limitée, mais il n'y a ici aucune limite. Le principe d'une juste compensation doit au moins être inscrit dans la loi.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Nous avons discuté hier de plusieurs amendements similaires. Ceux-ci tendent à imposer le doublement du salaire et un repos compensateur pour tous les salariés, quelle que soit leur situation : c'est irréaliste. Je rappelle qu'il n'existe à l'heure actuelle aucune compensation légale pour les salariés des zones touristiques ; la proposition de loi impose du moins une négociation collective, ce qui constitue un progrès non négligeable. Avis défavorable aux deux amendements.
M. Xavier Darcos, ministre. - Mêmes avis : nous avons déjà évoqué ce sujet en détail. Cette loi constitue un progrès dans la protection des travailleurs du dimanche.
L'amendement n°139 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°14.
M. le président. - Amendement n°81, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit le I ter de cet article :
I ter. - L'article L. 3132-23 du code du travail est abrogé.
Mme Isabelle Pasquet. - Le préfet peut étendre une dérogation aux établissements qui ont la même clientèle ou la même activité que celui qui a été autorisé à ouvrir. Vous justifiez cette extension par la jurisprudence sur la concurrence. C'est une conception du libéralisme que nous ne partageons pas, celle du renard libre dans le poulailler libre. Qu'une seule enseigne ouvre et toutes les autres feront de même ; qu'un magasin d'ameublement s'installe et tous les établissements ouvriront : vous organisez la violation de la loi. Qu'un magasin crée un rayon jardinerie et il pourra ouvrir le dimanche dans toutes ses composantes. La référence aux Puce devient presque inutile.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Le mécanisme vise à préserver la concurrence. L'extension vaudra pour les commerces de même activité. Il serait dangereux de la supprimer. Défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - L'article L.3132-23 vise précisément à éviter la généralisation de l'ouverture, la procédure étant limitée aux établissements similaires dans un périmètre donné. Il ne s'agit pas d'une extension à tous les commerces ! Défavorable.
L'amendement n°81 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°15, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit le I quater de cet article :
I quater. - Dans l'ensemble des branches où des dérogations administratives au repos dominical sont applicables, les organisations professionnelles d'une part et les organisations syndicales représentatives d'autre part engagent des négociations en vue de la signature d'un accord relatif aux contreparties accordées aux salariés privés de repos dominical lorsque la branche n'est pas déjà couverte par un accord. Ces contreparties ne peuvent être inférieures à une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, et à un repos compensateur équivalent en temps.
M. René Teulade. - « Défavorable » répétez-vous depuis le début de la discussion. Nous réitérons une proposition qui nous tient à coeur, parce que nous constatons les abus sur le terrain. Dire que la négociation sera obligatoire, en effet, ce n'est pas dire grand-chose ! Fixons un plancher, comme il en existe par exemple pour le salaire horaire. Les conventions de branche étendues sont fondamentales dans le secteur du commerce, qui compte des petites entreprises en grand nombre. Les règles posées pour les Puce, lorsque l'employeur prend une décision unilatérale d'ouverture, doivent valoir dans les autres cas et les autres zones. Sinon, l'employeur aura tout intérêt à négocier l'ouverture avec les salariés pour obtenir d'eux par la pression un accord sur des compensations inférieures. Conception perverse du dialogue social ! La loi fixe une règle, les accords d'entreprise ou de branche peuvent la contourner : étrange inversion de la hiérarchie des normes. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. - Amendement n°83, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Dans le I quater de cet article, supprimer les mots :
et dans les commerces ou service de détails
et les mots :
ou l'employeur
Mme Annie David. - Le paragraphe I quater qui a été introduit par un amendement du groupe Nouveau Centre à l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisant. On sait comment fonctionnent les négociations annuelles obligatoires : la plupart se concluent sur un constat de carence. Mais nombre de chefs d'entreprise ne se donnent même pas la peine de les engager. Ce n'est jamais dans les négociations de branche qu'émergent de nouveaux droits pour les salariés ; elles sont parfois l'occasion de rogner sur les protections existantes. L'amendement n°82 fixe donc une obligation de résultat : oui à la liberté conventionnelle, mais dans le respect de la loi. Nous proposons de revenir au régime applicable avant 2003 : petit retour, comparé au vôtre qui nous ramène avant 1906...
M. le président. - Amendement n°82, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Après le mot :
engagent
rédiger comme suit la fin du I quater de cet article :
, lorsque la branche ou l'entreprise n'est pas déjà couverte par un accord, des négociations en vue de la signature d'un accord relatif aux contreparties accordées aux salariés privés de repos, se concluant par des contreparties au moins égales au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps.
Mme Annie David. - Il faut exclure la négociation au sein de l'entreprise, où le lien de subordination est trop présent et empêche les syndicats de faire valoir leur point de vue.
M. le président. - Amendement n°84, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter le I quater de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Dans la branche ou l'entreprise déjà couverte par un accord dont les contreparties pour les salariés travaillant le dimanche sont inférieures au doublement de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps, des négociations sont ouvertes afin de parvenir à de telles contreparties.
Mme Odette Terrade. - La proposition de loi a oublié le cas des salariés qui travaillent déjà le dimanche. Une harmonisation par le haut s'impose. Les organisations syndicales ne comprendraient pas qu'une telle disposition ne soit pas inscrite dans le texte.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - L'amendement n°15 réduit la liberté de négociation des partenaires sociaux. Le n°83 n'a pas lieu d'être car les entreprises concernées sont de taille non négligeable et il est parfaitement possible de négocier en leur sein. Le n°82 porte atteinte à l'autonomie des partenaires sociaux et le n°84 place tout le monde sous la même toise. Nous faisons confiance, quant à nous, au dialogue social. Défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - Oui ! Et cette confiance est un fil directeur de la proposition. Planchers, contraintes, renégociations : tout cela n'est pas dans l'esprit du présent texte. Les négociations dans le passé ont abouti, des garanties sont prévues dans les Puce. Défavorable.
L'amendement n°15 n'est pas adopté.
Mme Annie David. - Faire confiance à la négociation collective ? Vous avez pourtant dit hier qu'elle pourrait prévoir des contreparties inférieures à ce que demande la loi. Comment l'accepterions-nous ?
L'amendement n°83 n'est pas adopté.
M. Jean Desessard. - Ne siégeant pas à la commission des affaires culturelles, je ne connaissais pas encore monsieur le ministre. Je constate qu'il est formidable ! (Exclamations à droite)
Il nous dit aujourd'hui qu'il faut faire confiance à la négociation entre les partenaires sociaux. Qu'a fait son gouvernement avec la loi sur le service minimum dans les transports ? Il a fait l'inverse ! Syndicats et patronat de la RATP vous ont dit qu'ils s'en sortaient très bien sans une telle loi. Vous l'avez faite quand même ! Vous avez refusé de faire confiance aux partenaires sociaux. La vérité, c'est que le Gouvernement adapte le discours aux circonstances. (Protestations à droite) Suivant ce qui vous arrange, vous dites tantôt une chose, tantôt son contraire !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Et vous, vous répétez toujours la même chose. Votre disque est rayé.
M. Jean Desessard. - C'est le Gouvernement qui ne répète pas toujours la même chose ! Du service minimum à la RATP, je n'avais pas encore parlé. (Les protestations, à droite, couvrent la voix de l'orateur)
Continuez, continuez... Vous voulez que je dise encore que M. Darcos est formidable ? (« Oui ! Oui ! » à droite)
Il n'y avait jamais eu autant d'agitation dans les lycées ces dernières années ; les jeunes ont eu peu de temps pour travailler et pourtant, il n'y a jamais eu autant de réussite au bac. Moralité : travaillez moins pour réussir plus ! (Nouvelles exclamations à droite ; rires à gauche)
M. le président. - Pourront expliquer leur vote ceux qui le demanderont ! (Sourires)
M. Xavier Darcos, ministre. - La réussite au bac avait été encore meilleure l'année du CPE ! (Rires)
Je n'ai pas changé de langage : j'ai dit qu'au Conseil économique, social et environnemental, les syndicats n'avaient pas désapprouvé ce texte.
M. Dominique Braye. - Mais oui ! Ils font de la désinformation !
Mme Raymonde Le Texier. - Déposez des amendements si vous avez envie de vous exprimer !
M. Xavier Darcos, ministre. - J'ignorais avoir eu une responsabilité dans la loi sur le service minimum à la RATP. (Sourires) Il y a une continuité dans la parole du Gouvernement : le service minimum a été instauré pour les cas où la négociation collective n'aurait pas fonctionné. C'est la même chose ici.
Non, quoi que vous disiez théâtralement, je n'ai pas la langue fourchue.
L'amendement n°82 n'est pas adopté, non plus que le n°84.
M. le président. - Amendement n°16, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après le I quater de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 3132-21 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-21-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-21-1. - Le non respect des articles L. 3132-20 et L. 3132-21 est puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies au premier alinéa. »
Mme Raymonde Le Texier. - La première raison d'être de ce texte ? Résoudre les difficultés des établissements des centres commerciaux périurbains qui ouvrent le dimanche en y faisant travailler illégalement des salariés. La deuxième est d'étendre l'ouverture dominicale des commerces et le travail dominical à partir des zones touristiques et des Puce. Toutefois, vous ne prévoyez pas encore une généralisation de cette ouverture dominicale à l'ensemble du territoire mais seulement une extension par capillarité.
Il faudra éviter l'ouverture illégale de centres commerciaux situés dans des agglomérations de moins d'1 million d'habitants ou de commerces dans des zones proches des zones touristiques mais à l'extérieur.
Quand l'ouverture est illégale, les salariés n'ont pas droit à contreparties. Il ne peut même pas y avoir accord collectif sur un objet illégal. II faut donc que le montant de la pénalité soit supérieur au bénéfice tiré du non-respect de la loi. C'est le sens de cet amendement.
Nous attendons avec impatience votre réponse qui montrera à l'opinion si elle doit s'attendre à une nouvelle loi d'amnistie pour ceux qui ouvriraient sans autorisation et à une généralisation du travail dominical sans contrepartie.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Défavorable : les sanctions actuelles sont déjà assez dissuasives.
M. Xavier Darcos, ministre. - Il faut certes sanctionner ceux qui violent la loi et je répète que ce texte-ci n'est en rien une loi d'amnistie ; mais les sanctions actuelles sont déjà assez dissuasives. Défavorable donc à cet amendement malgré ses intentions louables.
L'amendement n°16 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer le II de cet article.
Il a été convenu que, pour la clarté de nos débats, cet amendement de suppression serait examiné séparément.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Ce paragraphe ll concentre tous les défauts qu'un texte contradictoire, confus, créateur d'inégalités injustifiables, peut présenter. C'est un cas d'école pour les facultés de droit, autant que pour celles de sciences économiques, tant a manqué la réflexion avant de l'écrire. A moins qu'on ne veuille faire table rase de tout un pan de l'activité commerciale au profit d'une concentration dans quelques mains.
Vous visez les communes d'intérêt touristique, notion nouvelle dans le code du travail et aussi dans le code de tourisme. Comment les définissez-vous ? Combien en compte notre pays ? Combien en comptera-t-il demain ? Vous créez les périmètres d'usage de consommation exceptionnel, uniquement pour légaliser l'ouverture illégale de Plan de campagne les dimanches. En sommant ainsi le Parlement de légaliser un comportement illégal, on lui impose un véritable dévoiement de son rôle, qui incitera à ne pas respecter la réglementation tant financière que sociale. Quand renaît l'antiparlementarisme, ce n'est pas ainsi que notre image sera redorée. « Selon que vous serez puissant ou misérable... »
Mais ce n'est pas tout ! Le nombre de Puce est aujourd'hui limité mais demain, ils se multiplieront dans toutes les agglomérations de plus d'un million d'habitants -bien sûr au détriment du petit commerce qui devra soit fermer boutique, soit s'expatrier dans les nouveaux périmètres.
Les salariés seront volontaires, dites-vous ; mais qui connaît le monde du travail sait que ce sont les employeurs qui décideront, que ce soit dans le commerce de luxe ou la grande distribution. Le volontariat des salariés, c'est une vue de l'esprit. Et dans la grande distribution, quoi de commun entre ce PDG qui perçoit 8 millions d'euros d'indemnité de départ et 29 millions pour sa retraite et les salariés rémunérés au Smic, et le plus souvent à temps partiel ?
Rien dans ce texte ne garantit la rémunération des salariés ni l'intérêt des consommateurs. Vous seriez bien avisés de vous souvenir que l'ouverture des magasins de Wal-Mart le dimanche, aux États-Unis, où n'existe ni majoration salariale ni repos compensateur, s'est traduite par une augmentation des prix de 4 %...
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - L'amendement supprime le coeur de l'article 2. Avis défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - Évidemment défavorable.
M. Jean Desessard. - Je vais faire un peu de pédagogie et m'y prendre autrement que par la répétition, puisqu'il semble que vous n'ayez pas encore compris de quoi il retourne. (Exclamations à droite) Vous nous parlez d'ajustements techniques. Depuis hier, je réfléchis. Qu'est-ce que cela veut dire ? J'ai d'abord cru que ces ajustements étaient rendus nécessaires par l'agitation du Président de la République, qui trouble tout le monde ; puis j'ai compris qu'ils n'étaient que la conséquence de votre acceptation du caractère inexorable de la mondialisation. « Il faut s'adapter ! Il faut être compétitif ! », donc casser toutes les garanties sociales existantes ! Notre modèle de développement, au contraire du vôtre, c'est celui qui préserve ces garanties, le patrimoine, l'identité culturelle. Derrière des questions techniques se profile la remise en cause des droits des salariés.
Demain, les régions mitoyennes des zones touristiques soutiendront qu'elles souffrent, elles aussi, et demanderont à bénéficier du dispositif. Et pourquoi ne pas considérer que tous nos départements et régions doivent être attrayants et touristiques ? Vous êtes entrés dans la logique de la mondialisation, de la concurrence, de la marchandisation, de la banalisation des spécificités culturelles. Au nom de cette logique, le sarkozysme décliné ici en darcosisme raserait les montagnes s'il le pouvait ! (Applaudissements à gauche)
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Nous progressons dans cette magnifique proposition de loi qui réaffirme le principe du repos dominical en comptant sur le volontariat des salariés. C'est proprement inouï de constater qu'on en est encore à tenter de manipuler son monde par le langage, pensant que les parlementaires et les Français sont assez stupides pour croire que le Gouvernement entend favoriser le repos dominical, les loisirs et le tourisme.
Réfléchissons un peu ensemble.
M. Robert del Picchia. - Oh là là !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Le Président de la République, caché sous le masque d'un parlementaire prête-nom, veut mettre tout le monde au travail : plus, plus tard, plus longtemps, le dimanche, et demain peut-être avant 15 ans. Après tout, pour accrocher une Rolex à son bras avant 40 ans -magnifique projet de société !-, autant s'y mettre le plus tôt possible...
Je ne sais si, dans vos propos, il faut entendre contradiction ou mauvaise foi. Vous parlez d'ouverture des commerces le dimanche dans les zones touristiques ; savez-vous bien cependant comment y vont les choses ? Les Pyrénées-Atlantiques, mon département, compte 65 communes touristiques au sens du code du travail ; on y trouve mer, montagne, stations thermales ; on peut y pratiquer un grand nombre d'activités. Aujourd'hui, dans les zones touristiques, il existe des périodes d'activité reconnues -on se baigne plutôt en été et on skie plutôt en hiver- et validées par le préfet. Je sais que les préfets ne sont pas en odeur de sainteté mais ce sont des fonctionnaires vigilants auxquels les élus font confiance pour procéder aux ajustements nécessaires -quand ils sont nécessaires. Dans ces zones, et pour favoriser le tourisme, que proposez-vous ? D'ouvrir des magasins de moquettes ? De luminaires ? De location de matériel d'outillage -on sait que la communauté des bricoleurs du dimanche est nombreuse ? Merci et bravo, monsieur le ministre, d'avoir pensé à eux !
Je comprends que vous rejetiez les notions que nous convoquions ce matin, philosophiques, sociétales, civilisationnelles. (Marques d'impatiences à droite et mouvements divers) Lorsque vous allez chez Virgin le dimanche, avez-vous conscience que c'est parce que ce magasin est ouvert que la liberté d'ouvrir le même jour est, pour le libraire ou le disquaire de quartier, un choix contraint ? Étrange conception de la liberté que celle-là ! (Les marques d'impatience redoublent à droite au point que la voix de l'orateur est bientôt couverte)
Mme Raymonde Le Texier. - Je comprends que vous vous ennuyiez ! Vous n'avez rien à dire !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Je ne sais si nos électeurs nous écoutent.
M. Éric Doligé. - J'espère qu'ils ne vous écoutent pas !
Mme Annie David. - Si le débat ne vous intéresse pas, vous pouvez partir !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Croyez-vous que les grandes surfaces ne vont pas s'organiser pour séparer les denrées alimentaires des produits que vous qualifiez de culturels afin de se mettre en conformité avec la loi ? Il suffira de construire un bâtiment annexe dans lequel il n'y aura pas le moindre aliment et on ouvrira le dimanche.
J'aimerais qu'on m'explique où est l'intérêt économique d'ouvrir des commerces tous les dimanches de l'année dans des zones où l'activité est saisonnière. Vous espérez peut-être vendre des maillots de bains au milieu de l'hiver ou des skis en été ! (Exclamations lassées à droite) Si vous voulez favoriser le tourisme et rendre les zones touristiques plus attractives, définissez un périmètre d'activité précis, réellement lié au tourisme, à la culture, au divertissement et au loisir. Et si le progrès social vous tient tant à coeur, légiférons ensemble pour que, dans ce périmètre, les salaires augmentent, les conditions de travail soient améliorées, la sécurité et le bien-être des salariés comme ceux des touristes soient les priorités de l'action. Nous pourrons alors croire que vous vous souciez vraiment de réaffirmer le principe du repos dominical, en l'enrichissant de nouveaux moyens pour les uns et en laissant aux autres la liberté de travailler dans de bonnes conditions. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Pierre Fourcade. - (Applaudissements à droite) Ramenons un peu de calme dans ce débat (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) qui néglige un point essentiel à ceux qui connaissent le fonctionnement du commerce : le bon sens des commerçants !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Les commerçants n'ouvriront pas s'il n'y a pas de clients ; ils ne violeront pas la vie familiale de leurs salariés si la demande n'est pas plus élevée le dimanche ! (Applaudissements à droite) Dans cet hémicycle, on oublie le bon sens des commerçants !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Et les salariés, vous ne les oubliez pas peut-être ?
M. Jean-Pierre Fourcade. - Nous n'avons pas rejeté la suppression de l'article 2 par scrutin public tout à l'heure pour en supprimer maintenant le coeur ! La commission, et je veux saluer le travail approfondi de notre rapporteur (« Bravo ! » à droite), a répondu aux deux questions que se posait le groupe UMP à propos des communes touristiques. Tout d'abord, les salariés qui travailleront le dimanche seront-ils protégés ?
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Non !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Oui, a répondu le ministre ! (« Facile à dire ! » reprend-on en choeur sur les bancs socialistes) Soit, je ne parle pas de mondialisation, de changement global de société et de cheminement vers de meilleurs horizons. Dans notre système soumis à la compétition internationale, reconnaissons-le,... (Exclamations ironiques à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - A qui la faute !
M. Jean-Pierre Fourcade. - ...vos propositions se traduiront par une aggravation du chômage...
Mme Annie David. - ...qui est déjà là ! Des boîtes ferment tous les jours !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Relisez vos amendements ! (Applaudissements à droite)
Ensuite, le tourisme, particulièrement en ces temps de crise, représente-t-il un élément positif dans notre balance des paiements ? Oui.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Où sont les études d'impact ?
M. Dominique Braye. - Allez voir à Londres !
M. Jean-Pierre Fourcade. - D'où notre volonté de voter cet article 2 dont la rédaction, après le travail des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat, a été modifiée pour viser, non les communes touristiques au sens du code du travail, (marques d'incompréhension à gauche) mais les communes « d'intérêt touristique » dont la liste sera arrêtée après avis d'une commission regroupant les partenaires sociaux, les présidents des communautés de communes et communautés d'agglomération, les élus locaux... Bref, tout le monde ! L'élargissement est donc limité et l'on ne peut prétendre tout à la fois rester la première destination touristique mondiale et maintenir la fermeture dès le dimanche ! (Vifs applaudissements à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ca suffit !
M. Dominique Braye. - (Exclamations ironiques à gauche) Le remarquable exposé de M. Fourcade, je l'espère, aura totalement rassuré Mme Jarraud-Vergnolle. Les commerçants des communes d'intérêt touristique ne vendront pas des paires de ski sur la Côte-d'Azur et des maillots de bain au mois de décembre ! (Rires à droite)
Mme Raymonde Le Texier. - Bla bla bla ! Quel cinéma !
M. Dominique Braye. - Faisons confiance au bon sens des commerçants ! Ils n'ouvriront que s'ils ont l'assurance d'en retirer des fruits !
J'en viens aux Puce...
M. Jean Desessard. - Pardon ? (Rires)
M. Dominique Braye. - ...qui me concernent totalement en tant qu'élu.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous comprenons mieux : vous avez des actions !
M. Dominique Braye. - Pas moins de 258 familles de ma zone d'activité de l'ouest des Yvelines, dont l'un des membres travaille le dimanche, m'ont demandé de les défendre. (Protestations à gauche) Je n'ai rencontré aucun travailleur qui soit contre ce texte ! (Vives contestations à gauche) En revanche, vous avez raison, il faut mettre fin à des situations inacceptables. J'ai écrit au préfet en 2001 et 2002 pour demander la fermeture d'un Leroy-Merlin qui ouvre dans l'illégalité depuis 33 ans dans ma zone. Il n'a rien fait !
Mme Raymonde Le Texier. - Cela va être de la faute de la gauche !
M. Dominique Braye. - Eh oui, c'était sous un gouvernement de gauche !
Reste que nous devons faire avec la réalité. Les habitants de la Grande couronne prennent les transports en commun à 7 heures pour aller au travail et rentrent chez eux vers 20 heures 30 toute la semaine...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les salariés du commerce rentrent plutôt vers 23 heures !
M. Dominique Braye. - Eh oui, madame Borvo, je défends les salariés modestes ! Leur samedi est consacré au repos et aux activités des enfants, leur dimanche aux courses... La chalandise du dimanche ne se reportera pas sur le samedi, les zones commerciales sont déjà saturées le samedi ; preuve que ce texte correspond à un réel besoin dans ma zone. Comment a-t-on pu laisser durant 33 ans les industriels investir, s'organiser et embaucher pour ouvrir le dimanche ? Dans le Leroy-Merlin que j'évoquais, 33 étudiants travaillent tous les dimanches, il me demande de les défendre ! (Protestations à gauche) Philosophiquement, je suis opposé au travail dominical, (On en doute à gauche) ne l'étendons pas inconsidérément aux zones et aux personnes qui n'en veulent pas, mettons fin à cette précarité juridique que subissent les entrepreneurs...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Et celle des salariés ?
M. Dominique Braye. - ...qui a profité à certains, notamment dans le Val-d'Oise.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est sûr!
M. Dominique Braye. - Pourquoi les syndicalistes de terrain de la CGT et de la CFDT que j'ai rencontrés sont pour ce texte, et les représentants nationaux contre ? Parce que, pour l'instant, il y a un droit de rançon ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Très bien !
M. Dominique Braye. - Des sommes considérables sont en jeu ! Pas moins de 14 millions d'amendes !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - On comprend mieux !
M. Dominique Braye. - Pour moi, les syndicats devraient défendre les travailleurs, plutôt que de se mettre le pognon des gens modestes dans les poches ! (Vifs applaudissements à droite ; protestations à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Lamentable !
M. Jean-Jacques Mirassou. - M. Braye a le mérite de dire très haut ce que beaucoup pensent tout bas. Il a fait une allusion hors de propos sur le monde syndical qu'il semble ne pas connaître et encore moins respecter...
M. Dominique Braye. - Ils s'en mettent plein les fouilles !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quelle honte !
M. Jean-Jacques Mirassou. - D'après vous, légaliser le travail dominical est indispensable pour conserver à la France son rayonnement touristique. Mais la France est déjà la première destination mondiale sans que le travail dominical, ait été officialisé ! (« Très bien ! » sur les bancs socialistes)
M. Dominique Braye. - Peut-être, mais nos recettes touristiques sont inférieures à celles de l'Italie !
M. Jean-Jacques Mirassou. - L'argument ne tient pas.
Malgré le rejet de nos amendements, je ne désespère pas de créer un choc de conscience chez nos collègues de la majorité...
M. Dominique Braye. - L'espoir fait vivre !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Selon la droite, le rôle du Parlement est d'adapter notre législation à la société. Nous avons la prétention de penser le contraire. Si nous suivons votre pente, on expliquera bientôt aux gens malades qu'ils travailleront le samedi soir à 11 heures 59 ?
M. Dominique Braye. - On le fait déjà ?
M. Jean-Jacques Mirassou. - Est-ce une raison pour l'accepter ?
M. Dominique Braye. - Faisons respecter la loi !
M. Jean-Jacques Mirassou. - Attention aux effets pervers et aux dégâts collatéraux de ce texte ! (Applaudissements à gauche)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Et les dégâts collatéraux des 35 heures ?
Mme Annie David. - Malgré les déclarations de M. Braye, j'espère que les procès en cours ne seront pas interrompus, comme le ministre en a pris l'engagement, et que les grandes enseignes paieront... (M. Dominique Braye s'exclame)
M. le président. - Monsieur Braye, je vous prie de nous faire l'amitié d'écouter les autres orateurs comme ils vous ont écouté.
Mme Annie David. - D'après M. Fourcade, le dispositif ne concerne pas les communes touristiques selon le code du travail. Cela change tout ! Si la définition du code du tourisme est retenue, entre 3 000 à 5 000 sont concernées, et non 500.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Mais non !
Mme Annie David. - Le rapporteur et le ministre, peuvent-ils nous confirmer que le code du travail s'applique, et non celui du tourisme ?
Certains regrettent que notre pays soit la première destination touristique au monde...
M. Xavier Darcos, ministre. - Certainement pas !
Mme Annie David. - ...sans recueillir autant de recettes que d'autres pays. Mais les commerçants devraient peut-être revoir leurs prix...
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Vous réduisez le problème !
Mme Annie David. - ...et les rendre accessibles aux touristes étrangers et français ! (Applaudissements à gauche)
M. Dominique Braye. - Rien à voir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ah bon ! On a vu l'effet de la réduction de la TVA sur le prix du café...
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Je requiers votre attention : nous allons maintenant examiner 29 amendements qui sont en discussion commune. Je vous invite à écouter les orateurs dans un relatif silence. (Sourires)
Amendement n°85, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail.
Mme Isabelle Pasquet. - Il faut supprimer les dispositions instaurant le travail obligatoire le dimanche dans les zones et communes touristiques et celles légalisant les zones commerciales actuellement en infraction, c'est-à-dire les Puce. Nous sommes opposés à votre conception de la liberté et du volontariat qui ne sont que des contrefeux destinés à dissimuler la réalité du monde du travail. Le marché du travail est en grande mutation et la domination de l'employeur sur ses salariés ne cesse de se renforcer, d'où une précarisation toujours plus grande de ces derniers.
Comment croire un seul instant que les salariés pourraient être volontaires pour travailler le dimanche ? En outre, il ne sera plus question de volontariat dans ces zones puisque le travail du dimanche sera de droit. Cette disposition est source de chantage.
Certes, théoriquement, le salarié est en droit de refuser la modification de son contrat de travail pour y intégrer le travail dominical, mais comment pourra-t-il démontrer devant le juge que son refus est légitime ? Un employeur qui se voit opposer un refus par son salarié de laisser modifier son contrat de travail peut soit revenir sur sa proposition de modification, soit engager une procédure de licenciement pour faute grave. Le juge prud'homale statue alors mais quand bien même le salarié gagnerait son procès, il n'en demeurerait pas moins privé d'emploi, tant il est compliqué de se faire réintégrer dans son emploi.
Certes, vous ne bouleversez pas les équilibres généraux de la loi mais vous vous servez du contexte pour infléchir la loi. Nous ne pouvons cautionner une telle dérive.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, après la référence :
L. 3132-20,
insérer les mots :
pendant la ou les saisons touristiques
M. Claude Jeannerot. - Nous souhaitons que, dans les lieux touristiques, c'est-à-dire dans les communes « d'intérêt touristique » ou les « zones touristiques d'affluence exceptionnelle », la possibilité d'ouvrir le dimanche ne soit accordée que pendant la ou les périodes d'activité touristique. Les défenseurs du texte laissent entendre que les dérogations pour l'ouverture dominicale ne seront utilisées que quelques mois et non toute l'année.
Dans les stations balnéaires et les stations de sports d'hiver, il est évident que le repos dominical doit être maintenu hors-saison.
Nous vous proposons donc d'inscrire que, dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, le repos hebdomadaire puisse être donné par roulement, mais seulement pendant la ou les périodes d'activité touristique.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, après les mots :
vente au détail
insérer les mots :
d'une surface de moins de 300 mètres carrés
M. Claude Jeannerot. - Il convient de préserver l'activité des services de proximité. En effet, depuis plusieurs années, les petits commerçants ouvrent le dimanche matin pour répondre aux besoins des consommateurs, mais également pour proposer une offre alternative à celle des supermarchés situés en périphérie des villes. Si nous ne prévoyons pas de garde-fous, nous risquons une fois de plus d'affaiblir les petites entreprises familiales au profit des chaînes de supermarchés.
Il s'agit d'un véritable choix de société : doit-on promouvoir le développement des grandes surfaces ou tenter de préserver les quelques commerces de centre-ville qui permettent aux consommateurs de se rendre à pied faire leurs courses et de participer à la vie de la cité ?
Il est illusoire de penser que les personnels des grandes surfaces auront le droit de refuser de travailler le dimanche. Cet amendement vise à préserver la vie des centres-villes mais aussi à protéger les salariés des grandes surfaces, déjà victimes de nombreux abus au regard du code du travail.
M. le président. - Amendement n°136 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3121-25 du code du travail, supprimer les mots :
dans les communes d'intérêt touristique ou thermales et
M. François Fortassin. - Est-ce qu'on croit sérieusement que la motivation essentielle du touriste venant des États-Unis ou du Japon est de trouver des magasins ouverts le dimanche ? (Exclamations à droite)
M. Dominique Braye. - Pour les Japonais, oui !
M. François Fortassin. - Est-ce que cette ouverture va permettre d'augmenter le nombre de touristes ? J'en doute.
J'ai trouvé dans le rapport de Mme Debré des remarques relativement croustillantes (sourires) en ce qui concerne les communes touristiques définies par la direction départementale du travail et de l'emploi. Je viens d'un département de 130 000 habitants qui reçoit régulièrement 5 à 6 millions de visiteurs par an et, en 2008, année de la visite du pape, nous en avons compté 9 millions !
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. - Grâce à Dieu ! (Sourires)
M. François Fortassin. - Ce département a donc quelques caractéristiques touristiques. En regardant le tableau qui figure dans le rapport, je constate que le département des Hautes-Pyrénées ne dispose d'aucune commune classée touristique. C'est quand même assez curieux !
Avec cette loi, on va créer dans les 36 000 communes françaises des disparités considérables : quel est le maire qui dira que sa commune n'est pas touristique ?
M. Dominique Braye. - Vous, puisque vous ne voulez pas de l'ouverture le dimanche !
M. François Fortassin. - Celles qui disposent de trois gîtes ruraux considéreront qu'elles sont communes touristiques. Pourra-t-on les priver de ce titre ? Notre rôle de législateur n'est pas d'essayer, à chaque nouvelle loi, d'allumer des incendies partout et de dresser les Français les uns contre les autres ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. le président. - Amendement n°19, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
communes d'intérêt touristique ou thermales
par les mots :
stations classées de tourisme ou les stations thermales définies par l'article L. 133-13 du code du tourisme
II. - Procéder à la même substitution dans le deuxième alinéa du même texte.
Mme Bariza Khiari. - Vous connaissez mon intérêt pour le secteur du tourisme et je ne peux être suspecte de ne pas défendre l'attractivité touristique de notre pays.
Les notions de communes touristiques et de communes classées stations de tourisme ont été précisément définies à l'occasion de la refonte du code du tourisme en avril 2006. Cette réforme, enclenchée par le Sénat, était attendue depuis près de vingt ans aussi bien par les élus locaux que par les professionnels du tourisme.
Il était en effet devenu indispensable de moderniser les textes anciens, inadaptés à la réalité du tourisme. La France, première destination touristique au monde, se devait de proposer des notions claires permettant d'identifier les communes moteurs dans le développement touristique.
On compte en France 523 communes classées, avec un potentiel de 600, et environ 3 500 communes touristiques, avec un potentiel de 6 000. L'écart est donc de 600 à 6 000. On ignore combien de salariés travaillent sur ces communes et aucune étude d'impact n'a été menée pour évaluer les conséquences d'une ouverture dominicale sur l'ensemble des communes touristiques.
Plutôt qu'étudier les conséquences d'une pareille réforme aussi bien en terme d'emplois et de distorsion de concurrence, la majorité de l'Assemblée nationale a préféré élever un rideau de fumée en créant une nouvelle catégorie, la commune d'intérêt touristique, qui serait mentionnée dans le code du travail et qui ne viserait plus les communes touristiques, mais les « communes d'intérêt touristique ou thermales et les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente ». Dès lors, il y aurait des communes touristiques au sens du code du tourisme et des communes d'intérêt touristique, qui ne seraient pas reconnues comme telles ni par le code du tourisme ni par les professionnels du tourisme.
Qu'advient-il du travail de clarification et de définition que nous avons mené ensemble il y a deux ans et qui avait été salué par tous les élus locaux et les professionnels du tourisme ?
Il y aurait donc des communes d'intérêt touristique sans affluence touristique et des zones touristiques avec affluence touristique ! Cette nouvelle catégorie ne répond pas à une logique administrative et n'est pas identifiable par les usagers, ni utilisables pour les élus. C'est en fin de compte une catégorie à géométrie variable, liée aux poids des lobbies des grandes surfaces et au bon vouloir des préfets.
L'introduction de ces deux nouvelles notions non identifiées pose deux problèmes : celui de la lisibilité administrative et celui de la confusion, voire de la dilution.
La majorité parlementaire a maintes fois évoquée le chiffre de 500 pour les communes qui seraient concernées. Or, il se trouve que la France compte 521 stations classées tourisme. Afin d'être cohérent avec le travail parlementaire effectué il y a deux ans sur le code du tourisme, nous demandons à nos collègues de clarifier cette proposition de loi en limitant cette nouvelle dérogation au repos dominical aux seules stations classées. En adoptant cet amendement, vous permettrez de limiter les dérogations au repos dominical.
Les touristes viennent en France pour notre art de vivre, pour notre gastronomie et pour notre patrimoine culturel et naturel et non pour acheter des biens qu'ils trouvent, du fait de la mondialisation, chez eux.
M. le président. - Amendement n°86, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
d'intérêt touristique
par les mots :
d'affluence touristique
Mme Annie David. - Notre amendement est proche de celui qui vient d'être présenté. Nous reprochons à cet alinéa d'être ambigu. Dans la même phrase, il est fait alternativement référence à la notion de communes d'intérêt touristique ou de zones touristiques d'affluence exceptionnelle. Ces deux notions sont juridiquement différentes puisqu'elles relèvent de deux codes distincts.
Le code du tourisme dénombre 5 000 communes touristiques et fait référence aux zones ou communes d'intérêt touristique, tandis que le code du travail recense 500 « communes touristiques d'affluence exceptionnelle ». Le nombre de salariés concernés serait donc différent selon qu'on se réfère à l'un ou à l'autre code. Pour éviter les contentieux, nous unifions le texte en utilisant une seule notion, celle du code du travail. Mme le rapporteur a affirmé que l'expression « zone d'intérêt touristique » était nouvelle : or, elle est déjà utilisé dans le code du tourisme tant dans sa partie législative que dans sa partie réglementaire. Et il est bien improbable que des touristes viennent consommer dans ces zones des canapés, des tondeuses à gazon ou des téléviseurs....
M. le président. - Amendement n°88, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
communes d'intérêt touristique
par les mots :
communes touristiques au sens de l'article R. 3132-20
Mme Odette Terrade. - Avec cet amendement, nous poursuivons notre travail de précision ou, plutôt, de vérité. Vous avez déjà repoussé un amendement remplaçant la notion d'«intérêt touristique », propre au code du tourisme, par celle d'«affluence touristique », reconnue dans le code du travail, quitte à placer les préfets, habilités à classer les premières et à accorder des dérogations aux secondes, dans une situation difficile, presque schizophrénique. Votre refus confirme ce que nous redoutions : vous créez artificiellement de la complexité, dans l'espoir que, demain, les préfets auront « la dérogation large » ou que les éventuels contentieux permettront, au cas par cas, de généraliser le travail du dimanche. Il y a fort à parier que, constatant cette situation, vous ne manquerez pas de proposer vous-même un projet de loi, pour, comme cela à été le cas pour Plan de campagne, apporter de la stabilité juridique à un état de fait.
Notre amendement propose donc d'éviter le travail dominical obligatoire pour les salariés des quelque 5 000 communes touristiques au sens du code du tourisme, en apportant une légère précision : « au sens de l'article R3132.20 du code du travail ». Monsieur le ministre, Madame le rapporteur, vous qui ne cessez de dire qu'il s'agit des communes au sens du code du travail, vous avez là l'occasion de le prouver. Je constate par ailleurs que, dans son rapport, Mme Debré fait référence à la même disposition que celle utilisée dans le présent amendement. Personne ne comprendrait qu'elle s'oppose à ce que cette référence soit insérée dans la loi.
M. le président. - Amendement n°87, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, après les mots :
ou d'animation culturelle permanente
insérer les mots :
dont l'objet social est en lien direct avec l'activité touristique
Mme Isabelle Pasquet. - Cet amendement limite l'ouverture le dimanche, dans les zones touristiques, aux seuls établissements ou magasins dont l'activité a un lien direct avec l'activité touristique. Je sais d'avance qu'il a peu de chance d'être adopté tant il est contraire à votre logique de dérégulation. Là où vous voudriez une ouverture de tous les établissements en raison de leur seule installation dans une commune reconnue touristique, nous imposons une condition supplémentaire, celle d'avoir un lien direct avec le tourisme. L'absence de cette précision créerait, au sein des zones touristiques, des Puce, ce qui est une nouvelle violation de l'esprit d'une loi qui n'est pas encore adoptée ; cela promet... Quel intérêt à autoriser, dans les zones touristiques, l'ouverture de droit, tous les dimanches et de manière permanente, des magasins de bricolage, d'ameublement, des animaleries ou des magasins d'optique ? Qui peut croire un seul instant que les touristes, qui viennent déjà très nombreux dans notre pays, se précipiteront dans ces boutiques pour acheter des biens fabriqués à la chaîne qu'ils peuvent acheter dans leur pays et qu'ils auront bien du mal à y transporter ? Quand ils viennent en France, et particulièrement à Paris, c'est pour visiter nos musées, notre patrimoine architectural et pour profiter d'un certain art de vivre.
En réalité, vous avez deux objectifs : légaliser la situation des boutiques de luxe ouvertes illégalement et déréguler tout le code du travail pour faire du dimanche une journée de travail normale. Nous ne pouvons accepter ce grignotage.
M. le président. - Amendement n°52, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
de droit
par les mots :
après autorisation administrative accordée à titre individuel
M. Jean Desessard. - Cet amendement rétablit l'autorisation administrative individuelle prévue dans la précédente proposition de loi Mallié. Vous envisagez de généraliser la dérogation à tous les commerces de détail sans aucune considération de la nature des produits vendus. La dérogation sera désormais la règle et non plus l'exception. Cela signifie que tout commerce de détail situé dans une zone touristique pourra demain, sans aucune autorisation particulière, ouvrir le dimanche, tous les dimanches. L'ouverture dominicale n'ayant plus rien d'exceptionnel, ces jours travaillés n'auront pas à être payés double, ni à ouvrir droit à un repos compensateur.
Le risque est réel d'une multiplication du nombre de communes touristiques : le quartier de La Défense a récemment reçu cette appellation, chose assez curieuse pour un quartier d'affaires où il n'y a que des bureaux et des centres commerciaux ; comme il n'est pas attrayant, on pense que cela améliorera l'image de ce quartier ! Est-ce un lieu où vous aimez vous promener le dimanche ? (M. Charles Pasqua s'exclame)
M. le président. - Amendement identique n°90, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Mme Annie David. - Cet amendement rétablit les autorisations administratives accordées à titre individuel que supprime cette proposition de loi. Nous voulons ainsi, là encore, limiter les risques d'une généralisation du travail dominical à tous les salariés, à commencer par ceux des communes touristiques où les commerces pourraient être ouverts le dimanche, tous les dimanches, sans que les biens vendus aient un lien avec le tourisme ou que la période d'ouverture soit celle où il y a effectivement des touristes. Notre amendement, garde-fou protégeant les salariés, propose d'en rester à la situation actuelle, comme le faisait la troisième version de la proposition de loi Mallié. La version adoptée par les députés est moins protectrice pour les salariés que la loi actuelle mais elle l'est également moins que les versions précédentes. Une nouvelle fois, la preuve est faite que votre présentation de ce texte comme étant issu d'un consensus et comme moins dangereux que les précédentes propositions de loi, est mensongère.
M. Jean Desessard. - Bravo !
M. le président. - Amendement n°89, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
de droit
par les mots :
pendant la ou les périodes d'activités touristiques
Mme Marie-France Beaufils. - Amendement de repli par lequel nous entendons limiter les dérogations aux seules périodes d'activité touristique. A l'Assemblée nationale, Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques a fait savoir qu'en réalité les dispositions de cet article 2 ne seraient applicables que quelques mois dans l'année. Nous protégeons ainsi les salariés contre des dérogations inutiles afin que nul ne soit tenté de s'engouffrer dans la porte laissée ainsi ouverte.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
A la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour de l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
du personnel
par les mots :
des salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur pour travailler le dimanche
M. Jacky Le Menn. - Cet amendement vise à éviter une discrimination entre les salariés des zones touristiques et ceux des centres commerciaux dont l'accord par écrit est requis par la proposition de loi. Les salariés des zones touristiques, non seulement n'auront pas de contreparties mais, puisque vous décidez que l'ouverture dominicale est de droit, seront obligés de travailler le dimanche. Votre texte crée une énième inégalité de traitement puisque les salariés des Puce ne pourront travailler le dimanche que s'ils sont volontaires et ont donné leur accord par écrit à leur employeur. Ils bénéficient donc de plusieurs garanties.
Un employeur ne pourra prendre en considération le fait qu'une personne refuse de travailler le dimanche pour refuser l'embaucher : là, nous demandons à faire le bilan dans un an, bien que la preuve sera très difficile à apporter. Le salarié qui refusera de travailler le dimanche ne pourra faire l'objet d'une discrimination dans l'exécution de son contrat de travail : mais comment prouver que l'absence d'augmentation de salaire est liée au refus de travailler le dimanche, si ce n'est au bout de plusieurs années ? D'autant que le salarié qui refuse de travailler le dimanche peut être muté dans un poste, certes de semaine, mais sans perspectives de revalorisation.
Enfin, le refus de travailler le dimanche ne constituera pas une faute ou un motif de licenciement. A ceci près que d'autres catégories de fautes pourront lui être imputées pour l'inciter à partir ou le licencier.
Le volontariat demeure donc très théorique. Dans les zones touristiques, la situation des salariés est encore plus grave : ils seront obligés de travailler le dimanche et pourront être licenciés en cas de refus.
Le contrat de travail n'est pas un contrat comme les autres. Il n'est pas équilibré puisqu'il repose sur un lien de subordination entre le salarié et l'employeur. Pour cette raison, le code du travail a prévu des dispositions d'ordre public destinées à protéger le premier des pressions du second, comme de la tentation pour l'employé de renoncer à ses droits. Nous proposons donc de préciser que le volontariat est requis pour les salariés des zones touristiques.
M. le président. - Amendement n°50, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche.
M. Jean Desessard. - Au nom de la liberté de consommer et de travailler, vous faites abstraction des protections collectives contenues dans le code du travail. Nous souhaitons prévoir explicitement que, dans les zones d'affluence touristique et les communes thermales, le travail dominical se fera, comme dans les Puce, sur la base du volontariat et d'un accord écrit.
Le volontariat est dévoyé par le lien de subordination qui lie le salarié à son employeur, ainsi que par la nécessité économique. Le commerce est un secteur essentiellement féminin, où 80 % des salariés travaillent à temps partiel, avec des bas salaires. Si Dominique Braye a réellement rencontré les salariés de ce secteur, il peut en témoigner ! (Sourires) Il est peu probable que ces femmes employées à temps partiel, avec des bas salaires, soient vraiment libres de refuser de travailler le dimanche.
M. le président. - Amendement identique n°95, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Mme Isabelle Pasquet. - Les salariés des zones touristiques et des communes thermales sont injustement privés du volontariat puisque le travail le dimanche par roulement y serait de droit.
Lors de l'examen d'un amendement similaire déposé à l'Assemblée nationale, le rapporteur et le ministre chargé des relations avec le Parlement ont donné une interprétation toute particulière de la loi, selon laquelle celle-ci prévoirait déjà, « noir sur blanc », que les salariés volontaires donnent leur accord par écrit. A ceci près que cet écrit ne vaut que pour les dérogations accordées par le préfet et dans les Puce... Ce texte n'exige pas un accord écrit du salarié pour les dérogations accordées aux zones et communes touristiques. Nous souhaitons donc combler cette lacune.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Cette possibilité est réservée aux établissements de vente au détail qui mettent à la disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs.
Mme Raymonde Le Texier. - Cet amendement de précision suit à la lettre la logique de ce texte. Dans les villes touristiques, où le travail le dimanche va devenir de droit, donc obligatoire, nous souhaitons réserver exclusivement les dérogations au repos dominical aux commerces liés à l'activité touristique.
Monsieur le ministre, cela fait deux jours vous nous affirmez que ce texte s'appliquera à des cas particuliers, dont l'activité touristique : cet amendement vous permet d'agir en cohérence avec vos propos puisqu'il précise que l'ouverture le dimanche ne concernera pas tous les commerces et qu'elle n'est donc pas généralisée.
M. le président. - Amendement n°53, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés privés de repos dominical perçoivent pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et bénéficient d'un repos compensateur équivalent.
M. Jean Desessard. - Dans un souci de simplification, cet amendement prévoit que, si le principe du repos dominical est d'ordre public, celui d'une rémunération double et d'un repos compensateur l'est également. Afin de respecter l'égalité de traitement entre les salariés, cette disposition doit évidemment s'appliquer dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle. A défaut, des salariés d'une même entreprise ne seraient pas embauchés dans des conditions similaires selon que le magasin est situé dans un Puce ou dans une commune ou une zone d'intérêt touristique.
M. le président. - Amendement identique n°91, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Mme Marie-France Beaufils. - A l'article premier, vous avez refusé d'adopter notre amendement qui faisait du doublement du salaire et du repos compensateur les contreparties légales offertes à tous les salariés travaillant le dimanche. Cette question est pourtant cruciale et nous reviendrons sur ce sujet pour chaque exception au principe du repos dominical. Je regrette d'autant plus votre opposition, monsieur le ministre, que je n'y ai pas trouvé de justification dans les débats de l'Assemblée nationale. La démonstration de Richard Dell'Agnola était peu convaincante car, selon lui : « Le droit commun s'applique dans les zones touristiques pour l'ensemble des commerces. » Or le droit commun, réaffirmé par ce texte, est précisément le repos le dimanche.
Surtout, pour votre majorité, il n'y aurait pas lieu de prévoir des contreparties pour les salariés qui travaillent le dimanche dans les zones touristiques au motif que « le régime d'exception s'applique pour autant qu'il n'est pas banalisé par le droit commun » -ce dernier étant bien le repos le dimanche, à moins que vous n'anticipiez ici de futures rectifications du droit du travail !
Je réitère donc la question soulevée à l'Assemblée, restée sans réponse : comment justifiez-vous l'absence de rémunération complémentaire pour les salariés qui travailleraient tous les dimanches ? J'espère que vous ne vous abriterez pas derrière une réponse technique. En quoi, la banalisation du travail le dimanche justifierait-elle l'absence de contreparties légales ? Notre position a au moins, reconnaissez-le, le mérite de la clarté puisque que nous proposons l'égalité des droits de tous les salariés. (M. Jacky Le Menn applaudit)
M. le président. - Amendement n°92, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le dimanche, l'amplitude horaire des salariés ne peut dépasser sept heures de travail. Les pauses et les coupures étant intégrées dans le décompte des heures travaillées et rémunérées comme des heures de travail effectif.
Mme Éliane Assassi. - C'est un amendement de repli.
Nous ne le répéterons jamais assez, mais l'effort fourni par le salarié le dimanche, qu'il soit ou non volontaire, doit être mesuré, reconnu et pris en compte. Travailler ce jour-là n'est pas anodin, tout comme l'absence de deux jours de repos consécutifs, pourtant nécessaires pour une pleine récupération. Afin d'éviter la banalisation, nous proposons de limiter à sept heures l'amplitude horaire le dimanche, temps de pause compris, afin de garantir un rythme de travail plus propice à la récupération.
M. le président. - Amendement n°93, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés qui travaillent déjà le dimanche dans des zones et communes reconnues touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, ou thermales, ou qui se verraient reconnaître comme étant touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, ou thermales et bénéficient déjà de contreparties, conservent le bénéfice de ces dernières si elles sont plus favorables que les dispositions prévues par la loi.
Mme Annie David. - Nous souhaitons éviter que les salariés qui travaillent déjà le dimanche dans les zones touristiques et perçoivent des contreparties n'en perdent le bénéfice lors de l'application de ce texte. Sont concernées les zones commerciales qui, pour continuer à ouvrir le dimanche, seront reconnues comme touristiques, à l'image de celle proche d'Orly -après la Défense... Une telle modification pèserait sur des salariés déjà précarisés, qui ont consenti à travailler le dimanche pour obtenir les rallonges salariales que leurs employeurs leurs refusaient. Ne pas agir reviendrait, pour votre majorité qui prétendait sauver le pouvoir d'achat, à un aveu d'échec, à moins qu'il ne s'agisse d'un cadeau supplémentaire accordé aux grands patrons et aux actionnaires.
M. le président. - Amendement n°94, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Après le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Les salariés qui refusent de travailler le dimanche dans les communes d'intérêt touristiques ou thermales intéressées, dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelles permanente, ou thermale, ne peuvent faire l'objet de sanctions à leur encontre.
« Les salariés travaillant déjà dans les communes d'intérêt touristique ou thermal, dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelles permanente, ou thermale et bénéficiant de contreparties pour ce travail mais perdent le bénéfice de ces contreparties en raison de l'application de la présente loi, et refusent de travailler le dimanche, ne peuvent faire l'objet de sanctions.
Mme Annie David. - Cet amendement s'inscrit dans la même logique de protection des salariés contre une loi mal rédigée ou délibérément construite pour affaiblir les droits des salariés.
M. le président. - Amendement n°96, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
communes d'intérêt touristique
par les mots :
communes touristiques au sens de l'article R. 3132-20
Mme Isabelle Pasquet. - Il s'agit d'une mesure de cohérence avec un amendement déjà défendu.
M. le président. - Amendement n°22, présenté par M. Caffet et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
de l'autorité administrative visée à l'article L. 3132-26
par les mots :
des conseils municipaux
M. Jean-Pierre Caffet. - A Paris, il existe aujourd'hui deux types de dérogations à la règle du repos dominical : les cinq dimanches « du maire », qui dans cette ville sont en fait fixés par le préfet, et les zones touristiques qui, à Paris comme ailleurs, sont délimitées par le préfet sur proposition du conseil municipal -la classification en tant que commune d'intérêt touristique pouvant également être décidée à la demande du conseil municipal, selon le droit commun. Ce système a satisfait tous les gouvernements, les maires et les majorités municipales qui se sont succédé depuis 30 ans. Il existe aujourd'hui à Paris sept zones d'intérêt touristiques où les commerces peuvent ouvrir le dimanche.
De manière parfaitement incompréhensible, ce texte inverse la hiérarchie des responsabilités : il ne change rien aux dispositions concernant les cinq dimanches « du maire », qui resteront de la prérogative du préfet, mais il confie à ce dernier le soin de prendre des décisions aussi cruciales que l'extension des zones touristiques ou la transformation de la capitale en commune d'intérêt touristique. Le conseil municipal n'aura plus son mot à dire. Paris est pourtant rentré dans le droit commun depuis la grande loi de 1975, votée sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, qui a ouvert la voie aux élections municipales de 1977. Aujourd'hui, sans la moindre explication, le Gouvernement veut rétablir pour cette ville un statut particulier et priver ses élus de leurs compétences !
Ceux-ci dénoncent presque unanimement cette mesure : Mme Hermange l'a fait tout à l'heure, M. Dominati le fera peut-être dans un instant. Personne ne comprendrait que Paris soit traité différemment de Marseille ou Lille ! M. le ministre a cherché à nous rassurer en promettant un décret qui ne changera rien au renversement de la hiérarchie : c'est le préfet qui décidera, après avoir demandé l'avis -peut-être purement consultatif- du Conseil de Paris. Je m'élève contre cette régression démocratique -car il faut appeler un chat un chat- contraire à l'esprit de la loi de 1975, des lois de décentralisation et peut-être de la Constitution ! Nous n'hésiterons d'ailleurs pas à le faire vérifier.
Ce matin, quand certains se sont émus de la précipitation avec laquelle cette proposition de loi a été présentée, Mme le rapporteur nous a dit que ce texte avait été longuement mûri, qu'il avait donné lieu à de multiples échanges, notamment avec M. Mallié. Comment donc a-t-elle pu admettre qu'une mesure destinée à priver des élus parisiens de tout pouvoir sur une question d'une telle importance y soit introduite en catimini ? (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Jacques Mézard applaudit également)
M. le président. - Amendement identique n°54, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
M. Jean Desessard. - Après ce vibrant plaidoyer, je serai bref. Les sénateurs Verts souhaitent eux aussi que les conseils municipaux soient associés à la délimitation des zones touristiques. La proposition de loi instaure un régime particulier pour Paris : le préfet pourra délimiter ces zones sans en référer au maire ni au conseil municipal. Pourtant, comme l'a rappelé Mme Hermange, Mme Bachelot nous a dit lors de l'examen du projet de loi sur l'hôpital qu'il n'y avait pas de raison de traiter Paris différemment des autres villes ! Il est impensable que le préfet puisse prendre seul une décision concernant 2 millions de Parisiens et 11 millions de Franciliens !
Lors de la discussion générale, M. Darcos a promis qu'un décret en conseil d'État imposerait une consultation préalable du Conseil de Paris. (M. le ministre le confirme) Mais si vous êtes d'accord pour que ce dernier soit associé à la décision, pourquoi ne pas accepter notre amendement ? Il est vrai que cela imposerait de réunir une CMP en fin de semaine, mais nous pouvons bien consacrer quatre jours à l'examen d'un texte qui obligera 200 000 salariés à travailler tous les dimanches ! Osons voter un petit amendement et rendre un peu de pouvoir au Sénat ! Mais peut-être M. le ministre attend-il encore un arbitrage venu d'en haut... (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. le président. - Amendement n°98, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
sur proposition de l'autorité administrative visée à l'article L. 3132-26
par les mots :
sur demande des conseils municipaux
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je ne répéterai pas ce qu'a excellemment dit M. Caffet, mais je dois l'avertir : si tous les élus parisiens sont d'accord pour dénoncer cette mesure, le Président de la République y tient... Dans cette ville touristique par excellence, il veut que tous les commerces soient ouverts le dimanche. Aujourd'hui, grâce aux diverses autorisations, beaucoup de magasins sont déjà ouverts le dimanche dans les lieux touristiques. Dorénavant, en plus des zones d'intérêt touristiques, il y aura les Puce : les salariés seront ainsi soumis à des régimes différents d'une rue à l'autre...
Le Gouvernement cherche à contourner les élus parisiens, qui considèrent que les zones actuelles suffisent. Celles-ci permettent à certains commerces de profiter du tourisme, alors que l'extension des grands magasins a provoqué la disparition de 50 000 commerces de proximité en dix ans. Les horaires d'ouverture n'ont pourtant cessé de s'étendre, ce qui prouve bien que cela ne suffit pas à créer de l'activité !
La concurrence devrait faire rage entre les grands magasins de la Défense et du boulevard Haussmann. Que feront donc les touristes ? Une chose est sûre : cette concurrence se fera sur le dos des salariés, exploités et soumis à des cadences infernales.
Les élus parisiens veulent être respectés comme les autres ! Qu'ils appartiennent ou non à la majorité, ils refusent l'extension des zones actuelles, et surtout d'être tenus pour quantité négligeable et soumis à la tutelle du préfet. Ils savent qu'il y a beaucoup de touristes à Paris, des Américains, des Chinois, des Russes, des Japonais. Mais ils ont la sagesse de penser que la relance économique de notre pays, y compris de la capitale, ne repose pas sur le chiffre d'affaires de LVMH !
M. Robert del Picchia. - Vous en voulez à LVMH...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le droit commun doit s'appliquer à Paris, et le Conseil de Paris doit être respecté ! (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement n°97, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, remplacer les mots :
à l'article L. 3132-26
par les mots :
à l'article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales
Mme Annie David. - Le principe de libre administration des collectivités territoriales figure dans la Constitution et s'impose au législateur et à toutes les autorités administratives. Les conseils municipaux, représentants des habitants, doivent donc être à l'initiative du classement d'une commune comme commune touristique ou thermale ou de la délimitation des zones du même nom. Ce garde-fou peut éviter que ne se généralise le travail dominical sans contreparties ni protections.
Ne nous y trompons pas : même si les promoteurs de ce texte ne cessent de marteler que seules les communes touristiques au sens du code du travail seront concernées, la frontière est mouvante entre ces dernières et les communes touristiques au sens du code du tourisme : dans mon département, celles qui répondent à la définition du code du travail et du décret du 2 septembre 2008 figurent également dans le dernier arrêté fixant la liste des communes touristiques au sens du code du travail (on en compte 53) ! Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour savoir que ces deux listes sont destinées à fusionner et que l'on pourra bientôt travailler de plein droit le dimanche dans des milliers de communes !
Une brèche sera ouverte et la généralisation commencera !
M. le président. - Amendement n°68, présenté par M. P. Dominati.
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail par les mots :
et à Paris, après avis du Conseil de Paris
M. Philippe Dominati. - J'ai voulu par cet amendement exprimer mon incompréhension et mon irritation. (On s'en réjouit sur les bancs socialistes) On peut avoir de la capitale une vision progressiste ou une vision tournée vers l'histoire de France -et dans ce dernier cas, vouloir une tutelle gouvernementale sur la ville.
L'évolution eut lieu en 1975, quand le président Giscard d'Estaing donna un maire à Paris ; elle faillit être remise en cause lorsqu'en 1982 Gaston Defferre voulut découper Paris, mais le Sénat réagit et imposa un statut de droit commun.
M. Jean-Pierre Caffet. - Il a bien fait.
M. Philippe Dominati. - Le Président de la République a exprimé une vision d'avenir en lançant le débat sur le Grand Paris. On adapte la législation, réforme hospitalière, compétence du préfet de police sur les trois départements de la petite couronne. Or ici on fait abstraction de la première ville touristique du monde ! Je suis irrité parce qu'il s'agit d'une faute politique.
M. Jean-Pierre Caffet. - Exact !
M. Philippe Dominati. - Les magasins sont ouverts le dimanche à Paris depuis de nombreuses années, sans susciter chez le maire une émotion particulière -sauf très récemment. L'attractivité économique de Paris décline, car cet aspect ne mobilise guère la municipalité. Et vous donnez le beau rôle à ceux qui défendent les libertés locales. Nous les défendons aussi. Je puis partager les propos de M. Caffet ! S'il devait y avoir une régression des libertés, cela serait grave.
La faute est réparable et le Sénat pourrait se pencher sur les collectivités locales, sans faire de Paris une exception, en clarifiant les choses. La loi PLM concerne trois villes, de trois statuts différents.
Monsieur le ministre, vous devez indiquer les moyens de réparer les fautes commises.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par Mme Blondin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code de travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les distorsions de concurrence susceptibles d'apparaître entre les établissements de vente au détail des communes qui ne relèvent pas du même régime en matière de repos dominical ne peuvent conduire à élargir le périmètre des dérogations au-delà du seul territoire des communes touristiques qui bénéficient d'une dérogation au repos dominical.
Mme Maryvonne Blondin. - La proposition de loi va induire un détournement de clientèle par les communes touristiques au dépens des commerces de la périphérie ; et ce désormais toute l'année. Les magasins affectés par cette concurrence souffriront en silence, ou demanderont une dérogation au titre de l'article L 31.32.20. Le préfet du Val-d'Oise a légalement accordé des dérogations fondées sur ce risque de détournement. Les magasins d'ameublement ouverts le dimanche vendant aussi de la hi-fi et de l'électroménager, tous les commerces de hi-fi et d'électroménager de la zone de chalandise ont également obtenu une dérogation. Le tribunal administratif a confirmé la décision du préfet, en s'appuyant sur l'arrêt Ekima du Conseil d'État, en 2004. Ainsi, les dérogations en justifient d'autres. Nous voulons neutraliser l'argument juridique de distorsion de concurrence qui pourrait conduire à élargir sans cesse le périmètre de dérogation.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les contreparties accordées au titre du travail dominical sont constituées au minimum pour chaque salarié privé de repos le dimanche du bénéfice d'une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et d'un repos compensateur équivalent en temps.
Mme Patricia Schillinger. - Cet amendement vise à vous éviter la censure du Conseil constitutionnel. Pour rétablir la cohérence et l'égalité de traitement, soit il faut supprimer les compensations prévues à l'article L. 3132-25-1 pour les salariés des Puce, ce qui serait méconnaître gravement la doctrine du « travailler plus pour gagner plus. », soit prévoir des contreparties pour les salariés des commerces des communes et zones touristiques. Ce serait au moins un début de clarification dans ce texte obscur... La proposition est en contradiction avec la pensée sarkozienne. Les salariés travailleront plus, y compris le dimanche, mais pour rien ! Il y a un bug !
Dans un souci d'apaisement, les députés ont adopté l'excellent amendement de Mme Billard et de M. Muzeau prévoyant, pour les cinq dimanches dits « du maire », rémunération au moins double et repos compensateur. II s'agit très certainement de tous les salariés, puisque nous sommes à l'article L. 3132-27.
Les salariés des communes touristiques, par exemple Paris, bénéficieront d'une majoration en salaire et en temps pour ces cinq dimanches, mais pas pour les autres. Quant à ceux des Puce, si l'accord collectif avec l'employeur prévoit des compensations inférieures à 100 %, ils percevront pour cinq dimanches une sorte de bonus municipal...
Comment notre rapporteur, alors que le Sénat est si soucieux de bonne rédaction législative, n'a-t-elle pas relevé ces curiosités ? Mme Debré a annoncé par voie de presse un vote conforme. Mais une CMP n'est-elle pas préférable à une censure ?
M. le président. - Amendement n°69, présenté par M. P. Dominati.
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« A Paris, le périmètre des zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente est établi par le Préfet de Paris avec avis du ou des maires d'arrondissement concernés.
M. Philippe Dominati. - Il est défendu.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Défavorable au n°15 ; retrait ou rejet du n°17 car il est délicat de dire quand commence et quand finit la saison touristique. Les commerçants n'ouvriront que s'il y a une clientèle... Défavorable au n°18 rectifié, les commerces alimentaires ne sont pas concernés par le texte et il y a très peu de très grandes surfaces dans les communes touristiques, elles sont plutôt en périphérie.
Défavorable au n°136 rectifié, il faut bien différencier les 500 communes d'intérêt touristique » des communes « touristiques ». Le n°19 réduirait considérablement le nombre de communes visées et affaiblirait la portée du texte. Tous les critères de classement figurent dans le rapport, je vous y renvoie. Les garde-fous existent. Faisons confiance aux élus locaux.
Défavorable à l'amendement n°86 : je n'ai pas trouvé dans le code du tourisme la notion de commune « d'intérêt touristique » ; il est donc bon que les députés différencient sur ce point le code du travail du code du tourisme.
L'amendement n°88 n'apporte rien sur le plan juridique. J'ajoute que la partie juridique d'un code ne peut se référer à sa partie réglementaire.
L'amendement n°87 restreint excessivement le champ d'application de ce texte. Je comprends que c'est l'intention de ses auteurs, mais ce n'est pas la nôtre.
Les amendements identiques n°s52 et 90 marqueraient un recul par rapport au régime actuel des ouvertures dominicales.
L'amendement n°89 appelle le même commentaire que le n°17.
Dans les communes touristiques, le texte ne retient pas le volontariat parce que le travail dominical est de règle structurelle. Il doit donc être pris en compte dès l'embauche. Ce n'est pas pour autant que les principes généraux du droit des contrats ne s'y appliqueraient pas. On ne peut donc y modifier un contrat de travail sans l'accord du salarié. Voilà pourquoi la commission s'oppose aux amendements n°s20, 50 et 95.
L'amendement n°21 est beaucoup trop restrictif et poserait les mêmes problèmes de mise en oeuvre que le droit actuel. Nous nous opposons aussi aux amendements n°s53 et 91 en rappelant que le régime juridique des zones touristiques n'est pas le même que celui des Puce.
Le code du travail prévoit déjà que la journée de travail ne doit pas excéder dix heures et que le salarié doit disposer de onze heures consécutives de repos. Il n'y a pas de raison que ces règles ne s'appliquent pas au dimanche. Défavorable donc à l'amendement n°92, ainsi qu'aux n°s93 et 94 : il faut faire confiance aux partenaires sociaux. Je répète que, dès mai 2008, la fédération de l'ameublement a accordé la rémunération double à tous les salariés travaillant le dimanche. C'est la preuve qu'on peut leur faire confiance. Mêmes arguments contre l'amendement n°96 que contre le n°88.
Le régime propre à Paris ? Son statut touristique est lié à son statut de capitale : son attraction concerne la France entière. A l'heure actuelle les cinq journées « du maire » sont choisies par le préfet.
M. Jean-Pierre Caffet. - C'est vous qui avez décidé cela sans la moindre concertation avec les élus parisiens !
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Votre ton agressif prouve votre faiblesse. (Applaudissements sur les bancs UMP)
Les élus locaux seront pleinement associés à la décision. Défavorable donc aux amendements identiques n°s22 et 54. L'amendement n°98 appelle le même commentaire que le n°97.
Je comprends bien le souhait de M. Dominati. Que pense le Gouvernement de son amendement n°68 ?
L'amendement n°23 ne se justifie pas : les seuils sont ceux que prévoit la loi ou le règlement. Un tribunal ne peut prendre de décision sans une base juridique.
L'argumentation justifiant l'amendement n°24 a déjà été réfutée à maintes reprises.
Demande de retrait de l'amendement n°69, comme pour le n°68.
M. Jean Desessard. - Pour lequel vous n'aviez pas demandé le retrait mais l'avis du Gouvernement !
M. Xavier Darcos, ministre. - Le Gouvernement est défavorable à tous les amendements. (Rires à gauche) Ce n'est tout de même pas une surprise !
Je vais tout de même vous indiquer nos arguments, de façon aussi succincte que possible.
Dans la mesure où cette réforme vise à supprimer des situations absurdes, nous sommes défavorables à toute limitation mise à ces droits nouveaux.
Le texte apporte des garanties en faisant du maire la porte d'entrée unique, comme il l'est déjà pour les cinq dimanches et pour ses pouvoirs de police.
M. Fourcade a fort bien dit tout à l'heure que les commerces n'ouvriraient évidemment pas s'ils n'avaient pas de clients. On ne va pas vendre des équipements de plongée à Chamonix en janvier ou des skis à Saint-Tropez en juillet !
Nous ne souhaitons pas modifier les principes généraux du droit du commerce relatifs au temps de travail.
La question de Paris est très complexe ; j'ai moi-même eu quelques hésitations devant l'Assemblée nationale. Finalement, nous avons considéré qu'il était préférable de conserver le parallélisme des formes et de donner ce pouvoir au représentant de l'État, comme pour les cinq jours et pour les pouvoirs de police économique.
Votre démarche, monsieur Dominati, est légitime, (exclamations sur les bancs socialistes) mais comme elle nous ramène en arrière par rapport à ce qui existe déjà sur les cinq dimanches, je souhaite que vous retiriez vos amendements.
Je prends l'engagement que le préfet ne prendra aucune décision sans consulter et le Conseil de Paris et les conseils d'arrondissement. (On s'en félicite à droite) Vos préoccupations seront satisfaites.
D'autres amendements modifient les critères de définition des zones touristiques ; je m'en suis déjà expliqué et répète que les communes touristiques visées sont celles du code du travail et non de celui du tourisme. Il n'y aura pas d'effet dominos. Je renvoie les auteurs des amendements relatifs aux contreparties à la réponse de principe que j'ai faite à l'amendement n°72. J'ajoute que le travail dominical pourra s'apparenter à une modification du contrat de travail et suppose de ce fait l'accord du salarié. Le refus de celui-ci ne pourra seul fonder sanctions ou licenciement. Les propos de l'opposition me semblent d'ailleurs contradictoires, qui plaident pour le volontariat tout en jugeant celui-ci illusoire ou fictif...
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n°93, les contreparties contractuelles ou conventionnelles existantes ne sont pas remises en cause. Même avis enfin à l'amendement n°23, le droit du travail comporte des garanties tant pour la définition par le préfet des zones touristiques que pour l'octroi des dérogations.
M. Hervé Maurey. - J'ai entendu des propos erronés, excessifs, caricaturaux, en particulier dans la bouche de Mme Khiari et de M. Fortassin. On nous dit qu'Américains, Japonais et Chinois ne viennent pas à Paris faire du shopping, sans doute ; mais on sait que les grands magasins de la capitale sont davantage visités que certains monuments. Et les touristes qui ne trouvent pas de commerces ouverts le dimanche n'attendront pas le lundi pour faire leurs courses. Si, en revanche, ils les trouvent ouverts, ils consommeront, ce qui est bon pour le commerce, pour l'emploi et le pouvoir d'achat des salariés.
J'ai visité Rome il y a quelques mois avec mes filles adolescentes, nous n'y allions pas évidemment pour faire du shopping mais mes enfants ont été heureux d'en faire le dimanche. Nous n'avons acheté ni tondeuse à gazon, ni canapé ! (Rires et applaudissements à droite) Les propos que j'ai entendus montrent une méconnaissance dramatique des réalités économiques. (Exclamations à gauche) Ce qui finalement me rassure : il existe bien encore des différences entre la droite et la gauche, entre ceux qui comprennent la réalité et ceux qui vivent sur une autre planète ! (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Sueur. - Caricatural !
L'amendement n°85 n'est pas adopté.
M. Jean Desessard. - Mme le rapporteur nous explique qu'il n'est pas besoin de définir les saisons touristiques pour la raison que s'il n'y a pas d'acheteur, les magasins seront fermés. Je ne sais qui de la droite ou de la gauche ignore les réalités économiques mais, dans les zones touristiques, on ne vend pas que du tourisme. Imaginez un magasin qui estime devoir ouvrir hors saison le dimanche pour amortir ses investissements ; il drainera une certaine clientèle et fera davantage de bénéfices. Ses concurrents seront obligés d'ouvrir à leur tour et à la fin des fins, tous seront ouverts -pour rien puisqu'il n'y aura alors pas plus d'argent à gagner qu'au début ! (Murmures et marques de perplexité à droite) Cela s'appelle le capitalisme !
M. Dominique Braye. - Je souhaite que M. Dominati retire ses amendements après l'engagement du ministre. Je ne voterai aucun des autres amendements, qui sont marqués par une méconnaissance totale de ce qu'est le commerce. Leurs auteurs ignorent sans doute que les commerçants des communes touristiques ne peuvent vivre à l'année, et faire vivre leurs salariés, qu'en étant ouverts sept jours sur sept pendant la saison ! Monsieur Desessard, vous êtes parisien: savez-vous ce qui est dépensé un week-end d'hiver à Deauville ou à Trouville ? Comment les commerces de ces villes survivraient-ils s'ils n'ouvraient pas le dimanche ? (Mouvements divers à gauche) Combien de Parisiens vont à Londres le week-end pour faire du shopping ? Atterrissez, mes chers collègues ! (Exclamations à gauche) Tenez compte des réalités de la vie, des réalités du commerce et de ceux qui en vivent, en particulier les plus modestes !
L'amendement n°17 n'est pas adopté.
M. Jean Desessard. - Mme le rapporteur soutient que seules 500 communes touristiques seront concernées.
M. Dominique Braye. - D'intérêt touristique ! Vous n'avez rien compris !
M. le président. - Veuillez laisser parler M. Desessard ! Vous avez été parfait, persistez dans la perfection ! (Sourires)
M. Dominique Braye. - Je n'entends que des bêtises !
M. le président. - Si vous voulez la parole, je vous la donnerai et je sais que j'aurai pour cela la pleine approbation de votre président de groupe... (Sourires) Il n'y a pas un Règlement pour vous et un autre pour vos collègues. Laissez donc parler M. Desessard, qui aura la gentillesse de ne pas vous provoquer...
M. Jean Desessard. - M. Braye n'étant pas du même parti que moi...
M. Dominique Braye. - Heureusement !
M. Jean Desessard. - ...il est normal qu'il n'apprécie pas les idées que je défends. Je reconnais qu'il y a ici une majorité, je vois qu'elle nous conduit dans le mur ; j'admets les votes de cette assemblée, mais la parole y est encore libre.
D'ailleurs, c'est le seul droit qui nous reste puisque le vote conforme nous est, une fois de plus, imposé ! J'ai posé au ministre une question à laquelle il n'a pas répondu (M. Xavier Darcos, ministre, le conteste) sur les raisons du classement de la Défense en zone touristique sinon pour dire que c'était un détail... Si la Défense est considérée comme une zone touristique, rien n'empêchera d'en faire de même pour toutes les villes ! Pourrait-on m'expliquer cette aberration...
M. Gérard Cornu. - Ce n'en est pas une ! (M. Nicolas About renchérit)
M. Jean Desessard. - ...dont on a laissé entendre qu'elle était normale ? Au moins, donnez-nous une explication logique ! Pourquoi la Défense a-t-elle été classée zone touristique en janvier 2009 ?
M. Dominique Braye. - Monsieur Desessard, chacun ses idées, là n'est pas le problème. Le ministre vous a déjà donné seize fois la même réponse...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le ministre peut se défendre tout seul !
M. Jean Desessard. - Pas sur la Défense !
M. Dominique Braye. - ...et le rapporteur quatorze fois !
M. Jean Desessard. - J'ai le droit de poser une question sur mon département, vous avez suffisamment parlé du vôtre !
M. Dominique Braye. - Tout le monde a le droit de s'exprimer, monsieur Desessard, mais si vous êtes malentendant, il faut vous faire appareiller ! (Protestations à gauche)
M. le président. - Dans un calme renouvelé, la parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre. - L'attractivité touristique de la Défense est indiscutable et le territoire, avec 250 000 visiteurs par an pour la seule Arche, 2,6 millions de visiteurs occasionnels, 2 600 chambres d'hôtel, 50 terrasses de café et de restaurants...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quelle preuve !
M. Nicolas About. - Allez-y ! Vous verrez !
M. Xavier Darcos, ministre. - ...20 000 habitants, 60 sculptures monumentales d'art contemporain et, surtout, son statut de plus important noeud de transports d'Ile-de-France, répond à tous les critères de la commune touristique. (« Bravo ! » sur les bancs UMP)
M. Dominique Braye. - Il faut sortir le dimanche !
M. Xavier Darcos, ministre. - Eh oui, monsieur Desessard, certains vont à la Défense pour visiter l'Arche. Je vous conseille d'y faire un tour, l'air pur ne manquera pas de vous rasséréner !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Lamentable !
L'amendement n°18 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - La parole est à Mme Jarraud-Vergnolle. (Marques d'impatience à droite)
M. Jean Desessard. - Si cela ne vous plaît pas, vous pouvez partir !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - J'ai été très sensible à l'inquiétude de M. Fortassin devant l'absence de communes des Hautes-Pyrénées classées en zone touristique dans le rapport. Mon département, d'après le directeur du comité départemental du tourisme, ne compte que quinze communes touristiques, et non 65 comme indiqué dans le rapport. Pour mesurer les retombées de ce texte, mieux vaudrait disposer de données fiables. Le rapport, étrangement, ne fait état d'aucune commune touristique en Corse...
Monsieur le ministre, étant de nature très pragmatique, je souhaite vous interroger sur quatre communes touristiques de mon département : Pau, Bayonne, Biarritz et Anglet.
M. Xavier Darcos, ministre. - Les explications de vote, ce ne sont pas les questions au Gouvernement !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Les commerces y seront-ils ouverts tous les dimanches, toute l'année ? Quel sera le rôle des élus dans l'aménagement du territoire et dans l'aménagement commercial de leur commune ?
Ensuite, certaines régions frontalières d'Espagne, qui est également une importante destination touristique, ont une législation plus contraignante que la nôtre avec des magasins fermés à partir de 14 heures le samedi jusqu'à 9 heures le lundi. Seules les petites boutiques frontalières ouvrent le dimanche sans que cela porte préjudice aux touristes en Espagne. Bref, l'ouverture dominicale ne sera pas un coup de pouce à la croissance, comme l'a confirmé Mme Parisot en juillet dernier ! (M. Jean Desessard et Mme Gisèle Printz applaudissent)
L'amendement n°136 rectifié n'est pas adopté.
Mme Bariza Khiari. - Monsieur Maurey, les touristes, qui viennent d'abord en France pour notre art de vivre, notre gastronomie, notre patrimoine, peuvent déjà consommer tous les jours, y compris le dimanche, dans les zones dérogatoires. Avec la mondialisation des échanges, les touristes trouvent dans nos magasins les mêmes produits que chez eux...
M. Alain Gournac. - Ce sont des copies !
Mme Bariza Khiari. - ...et ne sont pas des addict du shopping le dimanche car nous avons mieux à leur proposer ! Le refus de mon amendement n°19 témoigne de la volonté de maintenir le flou (M. Xavier Darcos, ministre, le nie) sur le périmètre des zones touristiques. La notion de station classée de tourisme était plus claire, mais la procédure de classement est extrêmement rigoureuse du fait des avantages fiscaux qu'elle induit. Il y a peu, les dossiers étaient encore instruits au Conseil d'État ; c'est dire que les décisions n'étaient pas à géométrie variable. Votre refus marque votre volonté, à peine dissimulée, de généraliser le travail dominical sur l'ensemble du territoire, à la satisfaction du lobby des grandes surfaces, en transformant le préfet en bras armé des théologiens du marché !
M. Xavier Darcos, ministre. - Ils ne savent pas ce qu'ils disent !
Mme Bariza Khiari. - Enfin, nous sommes particulièrement choqués du traitement discriminatoire réservé aux élus parisiens de tous les bords par les dispositions de L. 3132-25-2 du code du travail qui donne au préfet le pouvoir de déterminer les zones touristiques, du ressort des élus partout ailleurs en France. Cette mesure vexatoire est incompréhensible. Cet affront méritait réparation dans l'hémicycle et dans la loi ! (Applaudissements à gauche)
L'amendement n°19 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos86, 88, 87, 52, 90, 89 et 20.
Mme Raymonde Le Texier. - II aura fallu attendre la quatrième version de ce texte pour qu'apparaisse le terme de « salarié volontaire » afin de déminer le terrain. Mais le texte est, pour le moins, ambigu : l'auteur prétendu de cette proposition de loi...
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Il en est le véritable auteur !
Mme Raymonde Le Texier. - ...a évoqué, lors de son audition par l'Assemblée nationale, des « volontaires obligatoires ». (Rires à gauche)
M. Jean-Jacques Mirassou. - Très fort !
Mme Raymonde Le Texier. - Les Français, y compris ceux qui travaillent dans les Puce, n'auront pas le choix. Certes, aux termes de la nouvelle rédaction de l'article L. 3132-25-4 du code du travail, « le refus de travailler le dimanche pour un salarié d'une entreprise bénéficiaire d'une telle autorisation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement ». Dans la vraie vie, cela ne se passera pas ainsi. Il y a quelques jours à peine, trois salariés de l'enseigne ED, à Oyonnax dans l'Ain, ont été licenciés pour avoir seulement refuser de travailler le dimanche.
Mme Annie David. - Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. - Bien qu'ils aient confirmé à plusieurs reprises leur refus de travailler le dimanche, ils ont été inscrits sur le planning et, ensuite, licenciés pour abandon de poste ! (Marques de désintérêt à droite) L'une des personnes licenciées est une caissière de 45 ans, elle travaille depuis cinq ans dans ce magasin, y compris tous les samedis de 9 heures à 19 heures 45. Elle a expliqué son refus, c'est édifiant. (Même mouvement)
Mme Annie David. - Les cas concrets, cela vous dérange !
Mme Raymonde Le Texier. - Dans les commerces alimentaires, le bonus n'étant que de 20 %, elle n'aurait touché qu'une prime de 5,03 euros par dimanche travaillé. Convoquée par son employeur, elle lui a répondu qu'elle ne braderait pas sa vie de famille pour 5 euros. Et l'employeur de lui rétorquer : « On ne fait pas dans le social ; ça se fera avec vous ou sans vous ! ».
Voilà le volontariat sans fard et sans masque ! Voilà le monde que nous prépare votre loi. Et, pour plagier notre collègue Maurey, je dirai qu'il y a sur les bancs de droite de cette assemblée une totale méconnaissance des problèmes que rencontrent les salariés du commerce, notamment les plus modestes ! (Vifs applaudissements à gauche ; exclamations à droite)
M. Dominique Braye. - Tout le monde peut raconter sa petite histoire ! Voici un autre témoignage local : le Leroy Merlin de ma commune, 16 000 m2, a voté à 98 % en faveur du travail le dimanche alors que seulement 52 % des salariés veulent travailler ce jour-là. Mais les autres ont estimé qu'ils n'avaient pas le droit d'interdire à ceux qui le souhaitaient d'aller travailler.
Mme Raymonde Le Texier. - Donnez-leur des salaires décents !
M. Dominique Braye. - Ce qui fait d'ailleurs la joie des étudiants qui veulent travailler. D'ailleurs, le directeur du magasin m'a dit qu'il préférait avoir 50 % d'étudiants que la totalité de son personnel le dimanche.
Vos remarques prouvent donc votre totale méconnaissance des problèmes, madame Le Texier ! (Exclamations indignées à gauche)
Les amendements identiques n°s50 et 95 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°21 n'est pas adopté.
Mme Marie-France Beaufils. - Vous ne voulez pas que le texte mentionne les conditions de rémunération des salariés travaillant le dimanche. Dans certaines entreprises, monsieur Braye, on a obtenu l'adhésion de tous les salariés parce qu'ils étaient payés double.
M. Dominique Braye. - C'est ce que nous proposons !
Mme Marie-France Beaufils. - Pas du tout ! Dans le secteur touristique, ce ne sera pas le cas ! (Applaudissements à gauche) C'est pour cette raison que je tiens à ces amendements.
Les amendements identiques n°s53 et 91 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°92 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s93, 94 et 96.
M. Jean-Pierre Caffet. - Si Mme le rapporteur a cru déceler de l'agressivité de ma part, je tiens à m'en excuser car il ne s'agissait que d'un mouvement de colère face à une décision inéquitable.
Si une chose est claire, c'est que M. le ministre est dans l'embarras : il nous a fourni des explications confuses sur le parallélisme des formes. Mais de deux choses l'une : s'il considère que l'ensemble du territoire de Paris a vocation touristique, il doit refuser tous les amendements et essayer de passer un compromis avec sa majorité. En revanche, s'il considère que l'amendement de M. Dominati est parfaitement légitime, le nôtre étant d'ailleurs fort proche, mais n'ayant visiblement pas produit sur M. le ministre la même impression, il faut l'accepter ! Je comprends bien que vous vouliez sortir de cet hémicycle avec un texte conforme, monsieur le ministre, mais vous prenez une lourde responsabilité en revenant sur des libertés communales adoptées par le Parlement en 1975.
Etes-vous disposé, monsieur le ministre, à accepter un avis conforme et pas uniquement consultatif ?
M. Jean Desessard. - M. le ministre a rappelé le nombre de chambres d'hôtel à la Défense. Si j'ai bien compris, il faut ouvrir le dimanche parce que le samedi soir les touristes qui logent à la Défense ont besoin de se déplacer. Mais étant donné l'importance de ce tourisme d'affaire, pourquoi ne pas charger le préfet des Hauts-de-Seine de donner l'autorisation ? J'ai le sentiment que la spécificité parisienne dépend plus de la couleur politique de la ville que de critères objectifs ! (On le confirme à gauche)
Par la même occasion, pourquoi ne pas dire haut et fort que le Sénat est une chambre d'enregistrement ? C'est d'ailleurs ce que pensent nos concitoyens. Mais nous allons prouver le contraire car, comme l'amendement de M. Dominati est crédible et légitime, selon les termes mêmes de M. le ministre, nous allons le voter. Hélas, il nous dit aussi que le décret en Conseil d'État comportera cette disposition : surtout, que le Sénat ne prenne pas cette responsabilité ! Ce serait effectivement trop grave si nous prenions une telle décision ! Nous avons le droit de parler mais c'est tout. Est-ce ainsi que vous entendez renforcer le rôle du Parlement ? M. Larcher n'avait-il pas dit qu'il fallait donner plein pouvoir au Parlement ? Mais aujourd'hui, il nous est dénié le droit de voter un amendement légitime ! Notre pouvoir est tout simplement formidable ! (Applaudissements à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il est bien sûr insupportable pour les élus parisiens de gauche que le ministre ne réponde qu'à la droite et qu'il dise que l'amendement de M. Dominati est tellement légitime que le Gouvernement va procéder par décret. Nous constatons, hélas, que le renforcement du rôle du Parlement n'était qu'un leurre pour nous faire voter la révision constitutionnelle. Nous ne l'avons heureusement pas fait mais deux hommes de gauche l'ont votée !
Nous sommes en train de légiférer mais on nous rétorque que, pour Paris, un simple décret suffit !
M. le sénateur de l'Eure a été d'une grossièreté à nulle autre pareille : à l'entendre, il connaît parfaitement les comportements de tous les touristes du monde entier qui, à son image, font leurs courses partout où ils vont. Effectivement, certains touristes achètent partout les mêmes vêtements, les mêmes bijoux et les mêmes chaussures puisque dans toutes les grandes villes du monde, on vend les mêmes produits.
Mais ni le Gouvernement, ni notre rapporteur n'ont été capables de nous fournir la moindre donnée sur l'impact du vote de cette loi sur les ventes.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Mais si !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il est regrettable que nous ne puissions nous reposer que sur le seul témoignage de M. Maurey pour comprendre comment les touristes se déplacent et consomment... Nous attendions un peu plus d'éléments ! La prochaine fois, essayez d'être un peu moins grossier avec les sénateurs de l'opposition ! (Exclamations à droite)
M. Dominique Braye. - Vous pouvez parler !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mais il faut aussi que vous sachiez, monsieur le sénateur, que beaucoup de commerces sont ouverts à Paris le dimanche. Ainsi, les touristes peuvent acheter des souvenirs et aller au restaurant !
Et vous n'arrivez pas à Rome le dimanche matin pour en repartir le dimanche soir. Rien ne vous empêche d'y arriver le samedi et de faire ce jour-là vos emplettes.
M. Dominique Braye. - Elle va nous dire comment organiser nos week-ends !
M. le président. - Il serait bon qu'un seul scrutin public porte sur les amendements nos22, 54 et 98.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je modifie le mien pour le rendre identique aux deux autres.
M. Philippe Dominati. - Monsieur le ministre, j'ai cru que vous partagiez les interrogations de M. Caffet, j'ai senti votre embarras sur les pouvoirs à attribuer au préfet et vous avez eu l'habileté de faire part de vos doutes quant à l'évolution du Grand Paris. C'est en soi inquiétant car cela signifie que le travail préparatoire n'a pas été fait par le ministre en charge du dossier. Vous n'en êtes pas responsable. Mais vous devez vous faire l'interprète des élus parisiens auprès du Gouvernement pour qu'on rattrape le temps perdu.
Sur la délimitation des zones touristiques, il est hors de question qu'il y ait, selon l'expression de M. Caffet, une « régression démocratique ». Pour autant, vous avez concédé plusieurs avancées et avoué, à demi-mot, qu'il y avait eu une faute. Et comme nous devons faire preuve d'efficacité et tenir compte des réalités économiques, je suis obligé de retirer mes amendements. (Exclamations ironiques à gauche) Malgré cela, je demeure tout à fait d'accord avec ce qu'ont dit les autres élus de Paris. Il y aura prochainement un débat sur notre organisation territoriale et sur le Grand Paris : ce sera pour moi l'occasion d'amender ce qui aura été voté ici. (Applaudissements sur certains bancs à droite).
Les amendements nos68 et 69 sont retirés.
M. Robert del Picchia. - Madame Borvo, nous n'avons pas besoin de recevoir des conseils sur la manière de faire nos achats, surtout pas moi qui vis depuis 40 ans à l'étranger. Même si l'on trouve partout les mêmes produits, les Japonais préfèrent acheter leurs sacs Vuitton à Paris plutôt qu'à Bruxelles. Presque partout dans le monde les magasins sont ouverts le dimanche. Ce que l'on propose ici est bien peu en comparaison. J'ai l'impression d'être à Clochemerle....
A la demande des groupes socialistes et CRC-SPG, les amendements nos22, 54 et 98 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 148 |
Contre | 179 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°97 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos23 et 24.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour les articles L. 3132-25-1 à L. 3132-25-6 du code du travail.
Mme Gisèle Printz. - Avec les périmètres urbains de consommation exceptionnelle on nous propose une véritable loi d'amnistie en faveur des centres commerciaux périurbains qui ont contrevenu à la loi durant de nombreuses années. C'est une régularisation qui, contrairement à ce que l'on nous affirme, ne sera pas limitée aux zones actuellement définies et n'est accompagnée d'aucun engagement réel en faveur des salariés. La possibilité pour le préfet d'autoriser des dérogations dépend en effet de la démographie de la région et de la délimitation des unités urbaines, elle dépend de ce que l'on va considérer comme des habitudes de consommation dominicale, sachant que ces habitudes peuvent se créer, par exemple dans la périphérie lyonnaise.
A partir de ces habitudes, de nouvelles demandes, qui se transformeront en contraintes, ne vont pas manquer de peser sur les collectivités territoriales. L'environnement n'aura rien à gagner dans cette affaire, du fait de la circulation automobile ou de la climatisation de ces immenses hangars de tôle. L'emploi ne sera pas davantage gagnant puisque les emplois, ou les morceaux d'emplois créés seront prélevés sur le commerce de proximité. Le pouvoir d'achat des consommateurs n'en sera pas augmenté ni celui des salariés, puisque les bouts d'emplois de week-end seront pris sur la semaine, et qu'il faudra assumer des frais de transport et souvent de garde d'enfants. Le volontariat des salariés est un leurre et les contreparties ne sont pas garanties.
M. le président. - Amendement identique n°99, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Mme Isabelle Pasquet. - Le député Mallié s'y est repris à deux fois pour parvenir à légaliser une situation illégale depuis 40 ans. L'argument qui consiste à dire que ce texte a pour objet de sécuriser les quelque 15 000 emplois des zones commerciales ne manque pas de sel, quand on voit l'instabilité et l'inégalité juridiques que vous organisez entre les différents salariés.
En réalité, vous entendez protéger les intérêts des propriétaires des entreprises de Plan de Campagne et dans les autres zones commerciales, dont Paris. Nous refusons que la représentation nationale devienne une chambre de légalisation des infractions existantes. Nous ne passerons pas l'éponge sur la violation d'un principe qui doit s'imposer à tous, à l'exception de services publics et des entreprises qui exigent un travail en continu, tels les hauts fourneaux. Ce n'est pas le cas des activités commerciales.
Si les employeurs peuvent légalement se référer, dans des zones commerciales, à la fois à la législation relative au Puce et à celle applicable aux zones touristiques, toute forme de contrepartie échappera à leurs salariés. L'article L.3132-25-1 et les suivants ne constituent qu'un d'alibi à la généralisation du travail le dimanche, sans repos compensateur et sans doublement du salaire.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Cet amendement supprime toutes les dispositions relatives aux Puce, auxquelles nous tenons énormément. Avis défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - Même avis.
L'amendement n°25, identique à l'amendement n°99, n'est pas adopté.
L'amendement n°134 n'est pas soutenu.
M. le président. - Amendement n°100, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail par les mots :
et sur demande des conseils régionaux
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous entendons rappeler l'importance de la consultation des élus territoriaux dans la détermination des zones commerciales qui feront l'objet de dérogations au principe du repos dominical. S'il est légitime de permettre aux conseils municipaux de demander au préfet de région de les inscrire sur la liste des communes bénéficiant d'une dérogation, les régions, particulièrement intéressées par les dispositions liées au dynamisme économique de leur territoire, devraient également se prononcer sur ce sujet. Les représentants des collectivités que vous êtes seront sensibles à cette volonté, qui permettrait de reconnaître l'aspect économique de la région et de mieux appréhender les dérogations au repos dominical.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris : vous parlez d'un avis, alors que le texte de l'amendement mentionne une demande des conseils régionaux. Selon moi, le maire est mieux placé pour juger de la nécessité de créer un Puce. C'est également l'avis de l'opinion publique, pour laquelle cet élu est plus près des concitoyens et du terrain. Avis défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - Cet amendement traite bien des Puce ?
Mme Annie David. - Le préfet de région va définir la liste et le périmètre des unités urbaines. Nous souhaitons qu'il agisse sur demande du conseil régional.
M. Xavier Darcos, ministre. - Pour définir le périmètre, le préfet s'appuie sur une description objective, technique, chiffrée. La consultation du conseil régional n'est pas nécessaire. Avis défavorable.
Mme Annie David. - Vous faites confiance aux élus locaux pour la demande de classification dans les zones touristiques et thermales, mais pas aux élus de la région pour les unités urbaines ?
M. Nicolas About. - C'est le conseil municipal qui en fait la demande.
Mme Annie David. - Le premier alinéa du texte prévu pour l'article L2132-25-2 prévoit que les périmètres des unités urbaines sont établis par le préfet de région : nous souhaitons que le conseil régional puisse en faire la demande.
M. Jean Desessard. - Etant donné le rôle de la région dans l'aménagement du territoire, on ne peut que soutenir cet amendement. Pourquoi la majorité le refuse-t-elle ? Pour le comprendre, comptez le nombre de régions dirigées par la droite et de celles dirigées par la gauche... (Protestations à droite)
M. Alain Milon. - Ça va changer !
M. Jean-Pierre Raffarin. - Quel sectarisme !
M. Nicolas About. - Le premier alinéa constitue une tête de chapitre, puis l'alinéa suivant précise le mode d'élaboration du Puce : « Sur demande du conseil municipal [...] le préfet délimite le périmètre d'usage de consommation exceptionnel au sein des unités urbaines. » Il n'y a pas lieu d'ouvrir cette procédure au conseil régional car la demande doit venir de l'échelon le plus proche du terrain.
M. Xavier Darcos, ministre. - L'explication de Nicolas About me convient tout à fait. La procédure se décompose en trois étapes : premièrement, le préfet délimite le périmètre des unités urbaines ; deuxièmement, le maire demande à figurer dans un Puce ; troisièmement, le préfet consulte individuellement les communes n'ayant pas formulé de demande.
Mme Annie David. - Les élus de la région doivent pouvoir intervenir lors de la première étape.
M. Xavier Darcos, ministre. - Le préfet à ce stade se prononce sur des chiffres, dresse un constat de la démographie, il n'y a pas ici d'idéologie, n'en déplaise à M. Desessard !
L'amendement n°100 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°26, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail.
M. Jacky Le Menn. - Cet alinéa crée des zones de droit particulier dans les régions frontalières au motif que, dans un État voisin, l'ouverture dominicale serait la règle. Critiquable sur le plan juridique, cet argument sert à justifier l'ouverture dominicale de magasins français qui souffriraient de la concurrence de la Belgique. Or, si vous prenez le train régional depuis Lille, la première commune après la frontière est Mouscron : tout y est fermé le dimanche. De même, si vous allez à Bruges, les commerces sans lien avec le tourisme sont fermés. Quant au centre commercial proche de la ville nouvelle ouvert le dimanche, il suscite les plus grandes polémiques. II faudrait également préciser ce que vous entendez par la « proximité immédiate » d'une frontière. Une heure de voiture n'est rien pour accéder à un centre de déstokage, c'est comparable au temps de trajet quotidien des banlieusards parisiens.
Cet alinéa recèle donc de grandes imprécisions et de vrais dangers. Il répond à une revendication purement française, celle des grands centres commerciaux qui ambitionnent d'ouvrir dans certaines régions pour aspirer la clientèle des petits commerces. On nous promet ainsi un déménagement des commerces des coeurs de ville vers des hangars de banlieues. Cette disposition est en outre contraire au développement équilibré des territoires. (M. Jean Desessard applaudit)
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Je comprends votre préoccupation, mais les Puce ne peuvent être créés que dans les agglomérations de plus d'un million d'habitants : la mesure ne concerne donc que l'agglomération lilloise, confrontée à la dure concurrence des villes belges. (M. Jacky Le Menn le conteste) Permettons aux commerçants lillois de combattre à armes égales, et évitons que nos compatriotes aillent faire leurs courses en Belgique ! (Mme Gisèle Printz proteste) Vous nous reprochez de n'avoir pas fait d'étude d'impact, mais dans ce cas nous en avons fait une, qui montre clairement que l'ouverture dominicale créerait de la richesse. Retrait, sinon rejet.
M. Xavier Darcos, ministre. - La possibilité de créer des Puce à proximité des frontières ne concerne en effet que Lille. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il vaut mieux que nos compatriotes consomment à Lille qu'en Belgique ! (Mme Françoise Henneron renchérit) En outre, cette mesure est plutôt de nature à favoriser les commerces frontaliers. Avis défavorable.
Mme Annie David. - Nous voterons cet amendement. Vous voyez bien qu'il était possible de faire une étude d'impact, quand cela vous arrangeait !
Je regrette que vous n'ayez pas souhaité associer les élus régionaux à ces décisions, comme le prévoyait notre précédent amendement. Chacun en tirera les conclusions qu'il voudra...
L'amendement n°26 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°55, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail, après le mot :
consultation
insérer les mots :
des organisations professionnelles et syndicales concernées et des collectivités territoriales
M. Jean Desessard. - La délimitation des Puce doit être transparente et cohérente, et répondre aux attentes des élus locaux, aux besoins des habitants, aux exigences des salariés et aux nécessités économiques plutôt que de satisfaire des intérêts particuliers. Or la proposition de loi ne précise pas dans quelles conditions les communes seront consultées, ni si le préfet sera tenu de respecter leur avis. Quant aux représentants des employeurs et des employés, il n'est même pas question de leur demander leur avis. Afin de témoigner aux maires le respect qui leur est dû et de favoriser le dialogue social, nous proposons d'imposer au préfet de consulter préalablement les collectivités territoriales et les partenaires sociaux au niveau régional et départemental.
M. le président. - Amendement identique n°101, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Mme Annie David. - Avant toute décision, il est nécessaire que le préfet consulte les organisations syndicales comme les organes délibérants des intercommunalités. En rejetant cet amendement, vous écarteriez les syndicats de toutes les décisions relatives au travail dominical, puisque vous avez déjà exclu la commission nationale de négociation collective des consultations préalables à la détermination des établissements bénéficiant de dérogations permanentes.
La délimitation des Puce ne repose sur aucun critère précis. Il faut donc qu'elle soit précédée du débat le plus large possible. L'adoption de cet amendement serait un signal favorable à l'attention des organisations syndicales qui n'ont pas été consultées sur cette réforme, puisqu'on a choisi de passer par la voie d'une proposition de loi.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Les organisations syndicales seront consultées avant toute autorisation d'ouverture. Il n'est donc pas nécessaire de les associer à la délimitation des Puce, qui doit obéir à une procédure déjà lourde. Cela ne relève d'ailleurs pas de leur compétence. Avis défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - Les syndicats seront en effet consultés à la troisième étape, celle des dérogations individuelles, après que le préfet aura délimité le périmètre du Puce à la demande du conseil municipal. C'est le bon moment. Avis défavorable.
Mme Annie David. - Certes, une négociation est prévue avant toute dérogation individuelle. Mais dans le cas qui nous occupe il s'agit de dérogations permanentes. Puisque vous vous dites soucieux de l'avis des syndicats, je vous invite à réparer cet oubli.
L'amendement n°55 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°101.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail, remplacer le mot :
avis
par le mot :
accord
M. Claude Jeannerot. - Cet amendement exige avant toute décision du préfet l'accord explicite -et non seulement l'avis- des conseils municipaux des communes n'appartenant pas à un EPCI, qui risquent de se voir imposer la présence d'un ensemble commercial ouvert le dimanche sur leur territoire, susceptible de déséquilibrer gravement leur tissu économique. (M. Daniel Raoul approuve) Ne proclamez-vous pas votre volonté d'associer les maires aux décisions ?
M. le président. - Amendement n°56, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Dans le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail, après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
M. Jean Desessard. - Cet amendement est dans le même esprit que le précédent. Vous connaissez l'importance des mots, madame le rapporteur, et vous n'ignorez pas qu'un avis « conforme » doit être favorable, contrairement à un simple avis. Le mot « conforme » vous est d'ailleurs familier, puisque vous ne cessez de réclamer un vote conforme sur ce texte afin d'éviter une CMP... (Sourires)
M. le président. - Amendement identique n°102, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Dans le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail, après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
Mme Isabelle Pasquet. - Nous souhaitons que la délimitation des Puce réponde aux attentes exprimées par les habitants par le biais de leurs représentants. Ce serait conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales. Est-il acceptable que le préfet, qui ne tire pas sa légitimité des urnes et qui, en tant que représentant de l'État, connaît moins bien que le maire les réalités locales, puisse passer outre la volonté des communes ?
Mais vous faites fi de leurs réticences comme de celles des salariés, et cherchez à toute force à imposer des dérogations sans justification économique. Ce que vous nous proposez, c'est une société entièrement tournée vers la consommation.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°27. La délimitation des Puce est soumise à de nombreuses conditions : demande du conseil municipal, respect des critères fixés par la loi, avis des autres conseils municipaux intéressés. Requérir l'accord de toutes les communes concernées serait extrêmement lourd.
Retrait ou rejet des amendements n°s56 et 102. Rassurez-vous, monsieur Desessard : je suis très attachée à la sémantique et je comprends très bien la différence entre un avis simple et un avis conforme. Le préfet, qui est le représentant de l'État dans la région, connaît bien les réalités locales et prendra son avis après avoir consulté les communes concernées.
M. Xavier Darcos, ministre. - C'est la volonté d'un conseil municipal qui donne naissance à un Puce. Les communes voisines sont consultées. Défavorable.
L'amendement n°27 n'est pas adopté.
Mme Annie David. - Vous clamez que vous faites confiance aux élus locaux mais vous refusez de suivre leur avis. Le préfet pourra décider la création d'un Puce sur leur territoire.
M. Xavier Darcos, ministre. - Souhaitez-vous qu'une commune de taille modeste puisse interdire à une autre, éventuellement beaucoup plus grande, de créer un Puce ? Avis n'est pas diktat !
M. Jean Desessard. - Les villes concernées sont bien Lille, Paris et Marseille ? (On le confirme)
Les amendements nos56 et 102 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°57, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-2 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles ces avis sont rendus et les modalités de consultation au niveau régional et départemental des organisations professionnelles et syndicales concernées.
M. Jean Desessard. - Le préfet délimite le périmètre ; mais la rédaction ne précise pas dans quelles conditions il consulte les employés et leurs employeurs.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Même commentaire que pour l'amendement n°55. Les syndicats sont consultés sur les autorisations individuelles, non sur la délimitation du périmètre. Retrait ou rejet.
L'amendement n°57, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°122, présenté par M. P. Dominati.
I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, remplacer les mots :
aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1
par les mots :
à l'article L. 3132-25-1
II. - Procéder à la même substitution au premier alinéa du texte proposé par le même II pour l'article L. 3132-25-4 du même code.
M. Philippe Dominati. - Les demandes de dérogation individuelle, justifiées par une atteinte au fonctionnement normal de l'établissement, ne sauraient donner lieu à des obligations aussi lourdes que celles prévues dans les Puce. Conservons le dispositif actuel.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Il est important que les contreparties soient accordées sur le fondement de l'article 31-32-20 : la situation de ces salariés est analogue à celle qui prévaut dans les Puce et doit donc donner lieu à des garanties identiques, sauf à créer une rupture d'égalité. Retrait ou rejet.
M. Xavier Darcos, ministre. - Le texte marque un progrès puisqu'il prévoit des contreparties pour toute dérogation administrative individuelle. Nous mettons en cohérence l'ancien et le nouveau système. Ce que vous proposez pourrait se révéler défavorable aux salariés. Retrait ou rejet.
L'amendement n°122 est retiré.
M. le président. - Amendement n°28, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, après le mot :
collectif
insérer les mots :
de branche ou d'entreprise conclu avec des organisations syndicales représentatives
Mme Raymonde Le Texier. - La manière dont est rédigé l'article L. 31-32-25-3 est étrange. Il y a là un piège pour les salariés, qui ne pourront empêcher l'ouverture dominicale. On veut aussi se débarrasser de ces syndicats qui ont fait condamner les employeurs pour ouverture illégale...
L'employeur aura intérêt à négocier, nous l'avons vu, plutôt que de décider une ouverture unilatéralement. Il pourra aussi obtenir une autorisation sur décision unilatérale puis négocier pour des compensations inférieures au plancher... Il est fondamental que les négociations soient menées par les organisations syndicales au fait du droit et capables de défendre les intérêts de leurs mandants.
Les femmes ne pourront pas toutes faire garder leurs jeunes enfants, surtout quand les pères veulent pouvoir encadrer des associations, comme ils le font très nombreux dans ma commune pour le football... Pourquoi ne pas profiter des bénéfices colossaux qui vont être réalisés le dimanche par ces magasins pour créer des crèches d'entreprise, au lieu d'accroître sans cesse les rémunérations des cadres dirigeants ? Des transports collectifs seraient également bienvenus, puisque les transports en commun fonctionnent mal ce jour-là. Les compensations ne suffisent pas car les salariés concernés seront bien des victimes de la mutation sociétale en cours.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - L'amendement est superflu, les règles relatives aux accords collectifs figurent dans le code du travail et la loi du 20 août 2008 de rénovation de la démocratie sociale a posé que l'accord est valable s'il est signé par des syndicats représentatifs qui ont obtenu au moins 30 % des suffrages et s'il ne rencontre pas l'opposition du syndicat majoritaire. Défavorable.
M. Xavier Darcos, ministre. - Il n'y a aucune raison d'écrire cela, c'est le droit commun.
L'amendement n°28 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°103, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, supprimer les mots :
ou, à défaut, d'une décision unilatérale de l'employeur prise après référendum
Mme Odette Terrade. - L'autorisation d'ouverture le dimanche devrait être accordée par l'inspecteur du travail, non par le préfet. En outre, les organisations syndicales sont réticentes à l'idée du référendum qui est un moyen de les marginaliser. Il n'y a pas de dialogue social sans interlocuteurs pour dialoguer ! Je ne comprends pas votre logique de défiance.
On ne peut déplorer la faiblesse des organisations syndicales dans les départements et organiser à Paris leur marginalisation !
M. le président. - Amendement identique n°137 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.
Mme Anne-Marie Escoffier. - Il y a là un anachronisme juridique. S'il y a décision unilatérale et que le référendum n'est pas favorable, reste la décision unilatérale.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Je comprends mal ces amendements : nous apportons justement une protection supplémentaire aux salariés ! C'est seulement au cas où l'accord collectif est impossible que l'employeur peut recourir au référendum. La décision finale reste donc bien aux salariés. Le Puce est vraiment très bien encadré et équilibré.
M. Xavier Darcos, ministre. - Moi aussi, ces amendements me surprennent. Il est tout de même évident que la négociation collective n'est pas possible dans toutes les entreprises ! Il faut bien qu'alors l'employeur passe par la procédure de dérogation. Mais celle-ci est très bien encadrée. Nos propositions sont dans l'intérêt des salariés ; je ne vois pas de raison d'accepter ces amendements.
Mme Annie David. - Vous vous souciez d'égalité entre les entreprises mais quid de l'égalité entre salariés ? Si chaque commerce peut conclure son accord d'entreprise, cela veut dire que, dans deux boutiques voisines, les salariés auront des conditions différentes alors qu'ils feront le même métier, dans la même rue !
Vous vous plaignez, monsieur le ministre, de devoir vous répéter. Nous aussi, puisque vous ne nous entendez pas !
Mme Anne-Marie Escoffier. - Il y a bien une incohérence, au moins dans la forme. Comment tranchera-t-on si le référendum n'est pas favorable à la décision unilatérale ?
M. Xavier Darcos, ministre. - C'est très simple : dans ce cas, la dérogation n'aura pas lieu.
Je m'échine à expliquer qu'il ne peut y avoir de négociation collective dans un secteur où se juxtaposent des situations très différentes.
Mme Annie David. - Ce seront bien tous des salariés du commerce avec le même statut.
M. Xavier Darcos, ministre. - Je renonce à me faire entendre !
Les amendements identiques n°s103 et 137 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°29, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
A la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces contreparties ne peuvent être inférieures à une rémunération égale au moins au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et à un repos compensateur équivalent en temps.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Cet article est pervers : il peut aboutir à des contreparties plus importantes en cas de décision unilatérale qu'en cas d'accord ! Dès lors qu'aucun plancher n'est fixé pour le contenu de l'accord collectif, tous les chantages à l'emploi sont possibles.
Robert Castel, éminent historien des relations du travail, définit le salariat comme la situation de celui qui ne peut vendre que sa capacité de sujétion. Avec cet article, le salarié ne peut à aucun moment sortir de cette sujétion.
D'abord, il est supposé être volontaire. Comment un travailleur qui n'a que son salaire pour faire vivre les siens pourra-t-il résister à la proposition de travailler le dimanche si on lui explique que le commerce risque de fermer ? A fortiori si on lui propose une majoration. Il a fallu beaucoup de courage aux salariées qui ont refusé de travailler le dimanche pour 5 euros supplémentaires. Elles n'en ont pas moins été licenciées. Fallait-il faire un exemple ?
Passons maintenant aux contreparties. Soit le salarié se plie à la volonté unilatérale de l'employeur de travail dominical, avec des contreparties ; soit un accord est négocié, et il risque de n'avoir pratiquement pas de contreparties. Comment des travailleurs qui ont besoin de leur salaire pourront-ils exiger une majoration de 100 % et un repos d'une journée si l'employeur les menace de perdre leur emploi, fût-il précaire et à temps partiel ?
Tel est le déséquilibre de la relation salariale, qui justifie l'autonomie du droit du travail que vous vous employez à banaliser. Vous le faites habilement, en réduisant a priori l'intérêt de la négociation.
M. le président. - Amendement n°104, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Ces contreparties ne peuvent être inférieures au doublement de la rémunération normalement due pour une durée équivalente et à un repos compensateur.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - C'est un bond en arrière de plus de 100 ans, jusqu'en 1906, voire 1902, quand le jour de repos était variable et dépendait de la négociation entre salarié et employeur. Vous attaquez la rémunération des salariés travaillant le dimanche, dans la mesure où vous entendez limiter la référence à la loi au seul principe de la négociation. Ce refus de poser des règles de droit commun protectrices pour les salariés est à comparer avec l'ardeur législative que met votre gouvernement à s'attaquer aux droits des salariés. Pour déréguler le marché du travail, il faut une loi. Pour imposer aux salariés privés d'emploi la règle de l'employabilité, il faut une loi. Pour imposer le RSA et les trappes à précarité qui l'accompagnent, il faut une loi. En revanche, dès lors qu'il s'agirait de poser une règle protectrice, vous renvoyez à la négociation. Des négociations qui peuvent ne pas aboutir, comme celle sur la pénibilité, ou ne jamais débuter.
Ce que vous voulez, c'est réduire le code du travail à une série de contraintes pour les salariés, une sorte de code de procédure du travail, expurgé de tout ce qui fait selon vous ses faiblesses : les droits des salariés. Cet article est une provocation à l'endroit des organisations syndicales.
Il est édifiant de comparer les actions du Président en France avec la posture qu'il peut adopter à l'étranger. A Genève, lors d'une rencontre internationale organisée sous l'égide de l'OIT, il a dit : « Une norme qui n'est pas obligatoire n'est pas une norme, c'est comme une feuille qui s'envole dans le vent ». Je vous invite à faire vôtre ce propos. Nous n'oublions pas que la négociation à laquelle vous renvoyez les salariés pourrait très bien se conclure par des dispositions moins favorables que ce que prévoit la loi. Vous renverriez les salariés négocier la perte de leur contrepartie !
Nous sommes pour une négociation équitable, dans laquelle le point de départ est connu et est commun à tous : la loi.
M. le président. - Amendement n°58, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En vertu de cet accord les salariés privés du repos du dimanche bénéficient a minima d'un repos compensateur et perçoivent pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
M. Jean Desessard. - C'est un amendement garde-fous pour éviter qu'un accord défavorable ne soit accepté sous la pression des employeurs.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Nous voulons laisser le champ libre à la négociation, dont la conclusion peut aussi bien être plus favorable aux salariés que ce que vous proposez d'inscrire dans la loi.
Il y a deux étapes, la négociation et, si elle n'aboutit pas, le garde-fou du référendum. Avis défavorable aux trois amendements.
M. Xavier Darcos, ministre. - Même avis. Il faut en effet faire confiance à la négociation collective. Il paraît peu vraisemblable que les organisations syndicales refusent un accord qui comporterait des contreparties plus avantageuses que celles qu'elles obtiendraient sans accord.
L'amendement n°29 n'est pas adopté.
Mme Annie David. - On nous invite à faire confiance à la négociation collective. Mais la représentation syndicale est faible dans les commerces de moins de dix ou quinze salariés. L'employeur obtiendra le plus souvent un accord moins avantageux pour les salariés que ce que prévoit la proposition de loi. Qu'on cesse de faire croire qu'il en ira autrement. Chacun sait comment les choses se passent dans les PME et les conditions qui y sont faites aux salariés ; mais peut-être celles-ci vous conviennent-elles au point que vous voulez les généraliser...
L'amendement n°104 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°58.
M. le président. - Amendement n°30, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer les deux premières phrases du troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail.
M. Richard Yung. - Nous entendons supprimer la possibilité pour l'employeur de décider unilatéralement de l'ouverture dominicale en l'absence d'accord collectif. C'est une marque de défiance vis-à-vis des organisations syndicales, à l'heure où l'on déplore leur faiblesse et leur peu de représentativité. On ne peut accepter qu'une décision aussi importante pour la vie de l'entreprise et de ses salariés puisse être prise dans ces conditions. Que devient le volontariat ? Les salariés n'auront d'autre choix que de se soumettre et le référendum se tiendra sous la pression de l'employeur. En définitive, la consultation des institutions représentatives sera formelle. Et on ne connaît que trop ces référendums qui conduisent les salariés, par peur du chômage, à accepter des concessions, pour subir plus tard fermetures de sites et licenciements. Nous ne le savons que trop.
M. le président. - Amendement n°31, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
A la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 3132-25-3 du code du travail, remplacer les mots :
des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical
par les mots :
de l'ensemble du personnel de l'entreprise ou de l'établissement
M. Richard Yung. - Ne pas étendre la consultation à l'ensemble du personnel, c'est méconnaître le fonctionnement des grandes surfaces. Au-delà des personnels de vente et de caisse sont aussi concernés ceux des achats ou de l'après-vente, de la maintenance, de la sécurité, voire du nettoyage, même si certains d'entre eux travaillent pour des sous-traitants. Les personnels administratifs verront eux leur charge de travail augmenter.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. - Le travail ne pourra être organisé le dimanche dans les Puce que si l'accord collectif prévoit des contreparties, ou, à défaut, si des contreparties ont été approuvées par référendum. Avis défavorable à l'amendement n°30. Même avis à l'amendement n°31 : certains personnels ne seront jamais concernés par le travail dominical ; on ne peut admettre qu'ils puissent tenir en échec un accord qui aurait été accepté par les autres salariés.
M. Xavier Darcos, ministre. - On peut même imaginer à l'inverse qu'ils veuillent travailler le dimanche tandis que les personnels réellement concernés ne le souhaitent pas. J'en reviens toujours à la négociation, à laquelle je suis surpris que les orateurs de l'opposition ne fassent pas davantage confiance. Leurs propos sont d'ailleurs une manière de contester la loi sur la représentativité qu'ils ont votée.
L'amendement n°30 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°31.