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Table des matières
Décision du Conseil constitutionnel (Modification du Règlement du Sénat)
Avis de l'Assemblée de Polynésie française
Fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (Deuxième lecture)
Restitution des têtes maories (Proposition de loi)
Article premier (Texte modifié par la commission)
Intitulé de la proposition de loi
Reduction de l'ISF au profit des PME (Proposition de loi)
SÉANCE
du lundi 29 juin 2009
123e séance de la session ordinaire 2008-2009
présidence de M. Roger Romani,vice-président
Secrétaires : Mme Anne-Marie Payet, M. Daniel Raoul.
La séance est ouverte à 16 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Décision du Conseil constitutionnel (Modification du Règlement du Sénat)
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 25 juin 2009, le texte de la décision du Conseil relative à la conformité à la Constitution de la résolution modifiant le Règlement du Sénat, que nous avons adoptée le 2 juin 2009.
En conséquence, les modifications de notre Règlement qui ont été déclarées conformes à la Constitution sont applicables. C'est pourquoi, M. le président du Sénat a demandé que le Règlement soit publié dès aujourd'hui, et je crois utile de vous en faire tenir un exemplaire.
Avis de l'Assemblée de Polynésie française
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l'Assemblée de la Polynésie française, par lettre en date du 19 juin 2009, huit rapports et avis sur des projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation d'accords ou de conventions internationales, ainsi qu'un rapport et un avis sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Dépôt d'un rapport
M. le président. - M. le président du Sénat a reçu, en application de l'article L. 135 du code des postes et des communications électroniques, le rapport d'activité pour 2008 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes.
Il sera transmis à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, ainsi qu'à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et sera disponible au bureau de la distribution.
Fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à modifier le mode de scrutin de l'élection de l'Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse.
Discussion générale
M. Alain Marleix, secrétaire d'État chargé de l'intérieur et des collectivités territoriales. - Nous partageons tous le même constat : la vie politique corse a gagné en stabilité. Cette proposition de loi, dont l'initiative revient à un membre éminent de votre Haute assemblée, vise à conforter cette évolution en adaptant le fonctionnement de l'Assemblée de Corse. Je salue également le travail remarquable de votre commission, et en particulier de son président et du rapporteur.
Vous avez adopté cette proposition de loi en première lecture, il y a deux ans, le 13 février 2007, mais les députés n'avaient pu s'en saisir immédiatement du fait des scrutins nationaux de 2007. Ce texte a fait l'objet d'une délibération favorable de l'Assemblée de Corse le 16 mars 2009 ; on peut discuter à l'infini des modalités de sa saisine, il n'empêche qu'elle a eu connaissance de la proposition et en a approuvé le contenu. Les députés l'ont adoptée en première lecture le 18 juin 2009 dans une version légèrement modifiée, et c'est pourquoi elle revient devant vous aujourd'hui.
La modification du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse est souhaitée par les élus et est préconisée par le rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par M. Édouard Balladur. Elle implique de modifier le code électoral et le code général des collectivités territoriales.
Pour favoriser l'émergence de majorités stables, le texte propose de rapprocher les seuils du droit commun. D'abord, il porte le seuil nécessaire pour qu'une liste puisse se maintenir au second tour de 5 à 7 % des suffrages exprimés au premier tour ; ce seuil est de 10 % pour l'élection des conseillers régionaux depuis la loi du 11 avril 2003. Il s'agit ensuite d'instaurer un seuil de 5 % pour que des listes puissent fusionner, seuil identique à celui en vigueur pour l'élection des conseillers régionaux. Les deux seuils de maintien et de fusion sont donc distincts : les députés n'ont pas adopté l'amendement ramenant le seuil de maintien au second tour à 5 %, qui aurait alors été le même que le seuil de fusion, et vous êtes donc saisis des mêmes seuils que ceux du texte initial de votre collègue Nicolas Alfonsi.
Pour assurer une stabilité institutionnelle comparable à celle des autres conseils régionaux, il est proposé de majorer la prime accordée à la liste arrivée en tête. Vous aviez voté une prime de six sièges, les députés l'ont portée à neuf : c'est la seule modification qu'ils ont apportée à votre texte initial. Je rappelle que le dispositif de droit commun accorde une prime de 25 % à la liste arrivée en tête. Celle qu'a adoptée votre commission n'est que de 17,5 % de la totalité des 51 sièges de l'Assemblée de Corse. Mais, au total, ces modifications se rapprocheront du droit commun du scrutin régional, tout en réservant un sort plus favorable aux petites formations. Pour ce qui concerne cette modification du code électoral, le Gouvernement est favorable au texte de la proposition de loi tel qu'adopté par les députés.
Améliorer le fonctionnement de l'Assemblée de Corse exige aussi de modifier le code général des collectivités territoriales. L'articulation entre le mandat de conseiller exécutif et de conseiller de l'Assemblée de Corse doit être clarifiée.
Un délai d'un mois est proposé pour considérer comme démissionnaire un conseiller de l'Assemblée de Corse élu au conseil exécutif, disposition qui se rapproche de celle de la loi organique concernant les parlementaires devenus ministres ; les députés devenus ministres ne siègent plus au Parlement, mais ce sera la seule différence. Comme il s'agit d'une question sensible, relevant de la séparation des pouvoirs, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Un délai d'un mois est proposé pour pourvoir à un siège vacant de conseiller exécutif. Actuellement, aucun délai n'est prévu, ce qui peut être préjudiciable au bon fonctionnement de l'exécutif de l'assemblée de Corse. Par conséquent, le Gouvernement est favorable à l'instauration d'un délai.
Le bon fonctionnement des institutions démocratiques en Corse relève de notre responsabilité collective et cette proposition de loi devrait renforcer la stabilité politique dans l'île en en favorisant la bonne gouvernance. C'est pourquoi le Gouvernement soutient ce texte et souhaite qu'il soit voté dans une version conforme à celle des députés. (Applaudissements au centre)
M. Jean-Jacques Hyest, en remplacement de M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois. - Le 16 janvier 2007, notre collègue Nicolas Alfonsi déposait une proposition de loi reprenant des amendements déposés sur d'autres textes et qui était adoptée par notre Haute assemblée le 13 février 2007. Nous souhaiterions que l'examen des propositions de loi du Sénat ne traînent pas en longueur car, nous, nous sommes beaux joueurs avec celles des députés.
Par la suite, notre collègue Alfonsi interviendra par deux fois auprès du Gouvernement pour permettre l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Ce sera chose faite le 18 juin 2009.
Cette proposition de loi vise à améliorer le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse pour mettre fin à l'éclatement des listes et permettre la constitution de véritables majorités. Actuellement, cette Assemblée comporte 51 membres répartis en dix groupes, dont trois ne comptent que deux membres.
L'article premier, après amendement de l'Assemblée nationale, porte de trois à neuf, soit de 6 à 18 % -17,5 % pour être tout à fait exact- la prime à la liste arrivée en tête. Il fixe à 7 % des suffrages exprimés le droit des listes à se maintenir au second tour ; les listes pourront fusionner avec d'autres entre les deux tours si elles ont obtenu au moins 5 % des suffrages. L'article 2 instaure un délai d'un mois pour permettre à un conseiller de l'Assemblée de Corse élu au Conseil exécutif de Corse de démissionner de l'un de ses deux mandats. L'article prévoit les modalités de remplacement des conseillers décédés ou démissionnaires. La modification apportée par l'Assemblée nationale à l'article premier va dans le bon sens. Elle nous convient.
L'article L. 4422-16-5 du code général des collectivités territoriales rend obligatoire la consultation de l'Assemblée de Corse sur les projets et les propositions de loi concernant la Corse. La pratique est bien fixée pour les projets de loi mais il n'en va pas de même des propositions de loi. C'est en l'occurrence grâce à notre collègue Alfonsi que l'Assemblée de Corse s'est autosaisie le 16 mars 2009 et a donné un avis favorable -par 29 voix contre 2, 20 élus ne prenant pas part au vote. Dès lors, l'exigence de la consultation était remplie.
La loi va intervenir moins d'un an avant les élections régionales. Mais le Conseil constitutionnel, dans sa décision relative à la loi du 26 février 2008 facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général, confirmant une décision du 21 février 2008, a estimé qu'aucun principe fondamental n'interdit de modifier les règles électorales dans l'année précédant les élections.
En conséquence, et afin que cette loi, nécessaire pour améliorer le fonctionnement de l'Assemblée de Corse, s'applique dès les prochaines élections régionales, votre commission des lois propose de voter conforme la proposition dans le texte issu de l'Assemblée nationale.
M. Nicolas Alfonsi. - Pendant deux ans, après le vote de ma proposition de loi, je me suis épuisé à demander que l'Assemblée nationale en débatte. Il ne s'est rien passé. J'ai interrogé à deux reprises le Gouvernement pour m'entendre répondre que l'Assemblée de Corse devait d'abord se prononcer : mais comment le pourrait-elle puisque le texte Jospin étendant la consultation de l'Assemblée aux propositions n'a jamais été appliqué, faute d'avoir prévu la procédure correspondante ?
Le facteur déclenchant fut donc le rapport Balladur. Il a estimé qu'il fallait, en attendant de futures réformes, modifier la loi électorale en Corse parce qu'aucun motif d'intérêt général ne justifiait que l'on ne puisse, comme dans les autres régions, dégager de majorités.
En mars dernier, je me suis inquiété du délai d'un an avant les élections -non qu'un principe constitutionnel fasse obstacle à une modification durant cette période, du reste... Un groupe qui exprime ma sensibilité a déposé une motion. Cris d'orfraie, brusque souci de formalisme juridique pointilleux... Mais à défaut de respecter une procédure qui n'existe pas, l'Assemblée de Corse pouvait se prononcer sur le fond ! Nous sommes toujours dans l'excès ! N'eût-il pas été plus sage de la part des 22 membres qui ont quitté l'assemblée avec pertes et fracas de participer au débat et proposer des modifications ? Corsica libera, Parti communiste, Corse nouvelle, Corse active, Corse de progrès, Corse sociale, en tout huit groupes de 2,8 membres en moyenne chacun nous ont faussé compagnie. Ces groupes ne représentent pas des sensibilités particulières et ils n'existent que parce que la loi électorale les a créés. Il a fallu un règlement qui tienne compte de cet éparpillement. Je ne reproche pas à ces groupes d'exister, mais le résultat est là.
Un seul problème de fond subsiste. Je n'ai pas voulu, par des modifications trop considérables, détricoter le texte Joxe et susciter des réactions excessives à l'Assemblée de Corse. Je m'en suis prudemment tenu à des dispositions secondaires. Du temps de M. Pierre Joxe et des visiteurs du soir, des nationalistes qui, aujourd'hui, poursuivent d'autres carrières, on a voulu faire du parlementarisme rationalisé ; les conseillers exécutifs quittent l'Assemblée de Corse, comme les ministres l'Assemblée nationale. Mais les premiers, à la différence des seconds, demeurent ensuite à l'extérieur ! En cas de vacance de la présidence du Conseil exécutif, une majorité aujourd'hui étriquée serait demain explosive, 45 membres sur 52 !
Le débat à l'Assemblée de Corse a tout de même dégagé l'idée que la prime de 6 était un peu courte, « petits bras », compte tenu de l'expérience des vingt dernières années où le groupe le plus important atteignait généralement entre 16 et 18. Six, cela nous mène à 23 ; neuf, à 26. L'Assemblée nationale a eu la sagesse de voter une prime de 9. Cette garantie apportée, je ne voyais plus d'inconvénient à conserver un seuil de fusion de 5 % ni à ramener de 7 à 5 % le seuil de maintien au second tour. En effet, il est naturel que des partis nationaux puissent être représentés même s'ils ont peu de suffrages en Corse, partis socialiste ou communiste par exemple. Mon objectif était seulement d'éliminer les candidatures fantaisistes, qui peuvent prospérer du fait de l'étroitesse du corps électoral. Je regrette que l'Assemblée nationale ait voté une prime de 9 et soit restée à 7 % et que des collègues se soient abrités derrière le formalisme juridique pour ne pas prendre part au vote. Pourtant, nombre d'entre eux étaient d'accord, comme M. Paul Giacobbi -je ne parle pas de M. Simon Renucci, d'un avis plus nuancé.
A présent, il ne faut plus rien modifier, cela retarderait le vote définitif et certains ne manqueraient pas de s'indigner au prétexte que les élections régionales approcheraient. Accusations stériles et dérisoires, car nous avons passé l'âge des manipulations électorales ! Et lorsque l'on fait une loi électorale, on ne sait jamais à qui elle profitera. Je ne sais pas ce qui se passera. Des recompositions interviendront, bien sûr, mais ceux qui s'agitent aujourd'hui, et même qui aboient, en seront peut-être les premiers bénéficiaires ! Ils invoquent le respect des formes et des règles avec hypocrisie. Je n'irai pas jusqu'à parler d'imposture, mais tout de même ! N'insultons pas l'avenir. Il n'y a rien à ajouter à ce texte. Il faut le voter.
M. Bernard Frimat. - Le Sénat va adopter ce texte conforme. Je salue la persévérance de M. Alfonsi car sa proposition, présentée sur la suggestion du Gouvernement lors de la discussion de la loi sur l'égalité d'accès aux mandats électoraux, a été votée en février 2007. Depuis, il s'est donc écoulé vingt-huit mois : c'est long !
Si chaque assemblée reste indifférente aux propositions de loi que l'autre adopte, on évite certes l'encombrement de l'ordre du jour mais pas les difficultés. Il revenait au Gouvernement de prendre une initiative, ce qu'il n'a pas fait. M. Alfonsi a évoqué deux fois ce sujet, la première lors d'une séance de questions d'actualité en interrogeant Mme Alliot-Marie, celle-ci se disant consciente du problème, et la seconde par une question orale en mars 2009, à laquelle il fut répondu par vous, monsieur le ministre, qu'il était opportun d'attendre et les conclusions du comité Balladur, dont nous ne savons pas -ou ne savons que trop- ce qu'elles deviendront, et un consensus -dont vous laissiez subtilement entendre qu'il prendrait la forme du texte d'aujourd'hui. Je regrette le chemin chaotique que nous avons pris. La saisine de l'assemblée de Corse aurait pu être faite dans les formes, ce qui aurait évité bien des hésitations à géométrie variable... Mais elle s'est finalement exprimée et nous sommes aujourd'hui saisis en deuxième lecture d'un seul article, puisque le débat a été verrouillé sur les seuils de maintien et de fusion. La solution Alfonsi n'a pas été retenue et nous n'avons plus la possibilité d'y revenir. Quelle sérénité d'âme pour vous, sans doute, monsieur le ministre, de venir ici sans vos ciseaux...
M. Jean Desessard. - Sans sécateur !
M. Bernard Frimat. - ...parler de la Corse, où il n'est pas question de découpage des circonscriptions ! (Sourires) La publication, samedi dernier, du Journal officiel donnera à tous des sujets de méditation et a déjà suscité des louanges, plutôt à droite de l'échiquier politique, et des critiques, plutôt de l'autre côté...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est la loi du genre !
M. Bernard Frimat. - Mais c'est un autre sujet, sur lequel le Sénat aura l'occasion de revenir... Celui d'aujourd'hui, c'est la prime. Je l'ai dit en première lecture, elle est un élément de stabilité. Mais celle que vous nous proposez est avant tout de circonstance. Elle est aujourd'hui de 6 %, mais de 25 % dans les autres régions, et même de 33 % à Saint-Barthélemy et de 50 % à Saint-Pierre-et-Miquelon. Quatre primes auxquelles il faut ajouter...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Celle des conseils municipaux !
M. Bernard Frimat. - ...celle de Polynésie française, qui n'existe plus ! On l'a supprimée, a-t-on dit, pour y assurer la stabilité. C'est ce que M. Hyest a appelé la déprime... Une prime ici, pas de prime là, et la même motivation... Je suis certain, monsieur le ministre, que vous êtes sensible à toute cette diversité.
Nous estimons qu'une prime est nécessaire ; nous pensons que la stabilité d'une assemblée ne peut tenir à la seule responsabilité de ceux qui ont l'intelligence de ne pas la mettre en danger. Mais parce que nous ne voulons pas de prime dont le niveau varie selon le bon vouloir de quelques-uns, nous nous abstiendrons.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Ce texte tend à concilier deux impératifs en apparence contradictoires : permettre à la diversité et à la richesse de l'opinion corse d'être représentées au sein de l'assemblée territoriale et veiller à ce que celle-ci puisse remplir sa mission grâce à une majorité stable. La proposition de loi de M. Alfonsi, qui nous est soumise en deuxième lecture après son adoption le 18 juin dernier par l'Assemblée nationale, permettra de relever ce défi.
Le mode de scrutin actuel de l'assemblée territoriale de Corse date de 1991 et a failli être modifié en 2003. Ses règles sont simples. Pour se présenter au second tour, il suffit d'obtenir 5 % des suffrages exprimés -10 % sont requis pour les élections aux autres assemblées régionales. Aucun minimum n'est exigé pour fusionner. Dès lors qu'une liste a été candidate au premier tour, elle peut fusionner avec toute liste présente au second tour. Enfin, une prime majoritaire de trois sièges est accordée à la liste qui remporte les élections, ce qui, au regard des 51 sièges de l'assemblée, ne suffit pas à stabiliser les majorités -dans l'île, chaque électeur se sent une vocation d'élu... (Sourires)
Pour ces raisons, la proposition de loi proposait un seuil de fusion de 5 %, un seuil de maintien de 7 % et une prime majoritaire de six sièges. Les députés ont apporté une seule modification à notre texte de première lecture, en portant la prime à 9 sièges. Le texte répond à l'attente de tous et a été approuvée par l'assemblée de Corse le 16 mars dernier. Le comité Balladur en a repris l'économie.
Des progrès ont été réalisés ces dernières années ; l'occasion nous est donnée d'avancer encore. Ce texte est courageux, qui va à l'encontre de bien des intérêts particuliers ; il est nécessaire, car il rétablit une certaine équité. Pourquoi nos concitoyens de Corse n'auraient-ils pas droit à des institutions aussi stables que celles des autres régions ?
La Constitution corse, votée par des représentants corses en novembre 1755, est souvent considérée comme la première constitution du monde moderne, éclipsée cependant par celle des États-Unis de 1787, qu'elle a inspirée. Elle a été voulue par Pascal Paoli et a bénéficié des réflexions de Jean-Jacques Rousseau, à qui Paoli avait demandé la rédaction du document. Elle avait été précédée par la première constitution corse, votée au couvent Saint-Antoine de la Casabianca en janvier 1735. La démocratie, disait en substance Jean-Jacques Rousseau, c'est une voix de majorité qui devient la majorité de tous. C'est tout l'esprit de la prime majoritaire et celui de ce texte. Le groupe de l'Union centriste le votera. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Éliane Assassi. - Notre opposition à ce texte, exprimée ici en première lecture comme à l'Assemblée nationale par la voix de M. Vaxès, est toujours aussi forte ; nous refusons une telle remise en cause des principes démocratiques et de pluralisme.
Faut-il rappeler d'abord que l'obligation de consultation de l'Assemblée de Corse n'a pas été respectée ? La loi du 22 janvier 2002 l'a en effet étendue aux propositions de loi comportant des dispositions spécifiques à la Corse.
Lorsque le Sénat a examiné en première lecture cette proposition de loi en février 2007, l'Assemblée de Corse n'avait pas été consultée. Ce n'est que le 16 mars dernier qu'elle a adopté une motion, présentée par François Dominici, sur la proposition de modification du scrutin actuel de l'élection de l'Assemblée de Corse. Mais outre que cette motion n'est pas une consultation au sens de la loi, les conditions dans lesquelles elle a été adoptée sont contestables puisque 20 élus avaient quitté l'Assemblée pour manifester leur opposition.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est leur problème !
Mme Éliane Assassi. - Vous-même, monsieur le ministre, avez répondu à une question orale de notre collègue Alfonsi qu'il y avait certes une majorité mais qu'il était difficile de conclure à un véritable consensus.
D'autre part, la tradition républicaine interdit que l'on modifie un régime électoral moins d'un an avant le scrutin concerné ; or les élections régionales auront lieu dans moins d'un an, en mars 2010.
Enfin, la motion adoptée par l'Assemblée de Corse portait sur la proposition de loi adoptée par le Sénat, qui fixait la prime majoritaire à 6 sièges au lieu de 3 actuellement. L'Assemblée nationale ayant porté cette prime à 9, le texte sur lequel s'est prononcée l'Assemblée de Corse n'existe plus.
Ces trois raisons ont conduit Michel Vaxès et Jean-Claude Sander, au nom du groupe GDR à l'Assemblée nationale, à demander le report de l'examen du texte par le Parlement.
Une dernière raison motive notre rejet de cette proposition de loi : le mode de scrutin qu'elle instaure n'est destiné qu'à mettre fin au pluralisme qui caractérise pourtant l'assemblée de Corse. M. Gélard l'écrit dans son rapport : il appelle à une « rationalisation » du mode de scrutin de cette assemblée, estimant qu'elle ne disposerait pas d'instruments suffisants pour garantir l'émergence d'une majorité forte en son sein et soulignant qu'elle se caractérise par l'éclatement de groupes politiques.
L'Assemblée de Corse est actuellement élue à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Il n'y a aucun seuil de fusion des listes entre les deux tours ; le seuil pour se maintenir au second tour est fixé à 5 % des suffrages exprimés ; une prime majoritaire de 3 sièges est accordée à la liste arrivée en tête des suffrages. La proposition de loi modifie ces trois règles. Dans sa version initiale, elle fixait la prime majoritaire à 6 sièges, portait le seuil d'accès au second tour à 7 % et instaurait un seuil de fusion des listes pour le second tour à 5 %. S'ils ont approuvé ces seuils, les députés de la majorité ont porté la prime majoritaire à 9 sièges. De façon totalement injustifiable, la prime majoritaire est donc triplée alors que le seuil de maintien au second tour a été relevé et qu'un seuil de fusion des listes a été créé. Alors que M. Gélard reconnaît que la population corse est particulièrement attachée au pluralisme, vous en organisez l'enterrement pour assurer l'hégémonie d'une seule formation politique.
Ce n'est pas notre conception de la démocratie, ce n'est pas non plus celle des Corses, qui ont l'habitude de s'investir dans la vie de leur île. C'est pourtant votre objectif, à en juger par l'attitude d'Ange Santini, président UMP de l'Assemblée de Corse : le 15 juin, voyant qu'il n'obtiendrait pas la majorité sur un projet de plan d'aménagement et de développement durable, il l'a purement et simplement retiré de l'ordre du jour. Cette curieuse conception de la démocratie a provoqué la colère de nombreux élus, toutes tendances politiques confondues. La modification du mode de scrutin vous permettra, à l'avenir, d'éviter ce genre d'incident et, plus généralement, toute contestation au sein de l'Assemblée de Corse.
Cette proposition de loi remet en cause ce qui a fait la spécificité de la Corse. Elle a été aggravée par l'Assemblée nationale, nous maintiendrons notre opposition déterminée.
M. Jean Desessard. - Il n'y a pas, au Sénat, de représentant des Verdi corsi mais nous avons eu un élu aux européennes, un Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. - Un petit parent...
M. Jean Desessard. - La question du mode de scrutin et de la répartition des sièges à l'Assemblée de Corse est une question politique extrêmement sensible, qui mérite d'être examinée avec sérieux et dans un esprit de dialogue et d'ouverture envers l'ensemble des sensibilités politiques de l'île. Je m'étonne de la précipitation avec laquelle cette proposition a été inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Deux ans...
M. Jean Desessard. - Oui, ce texte a été examiné en première lecture au Sénat le 13 février 2007. Mais depuis, plus rien pendant deux ans et demi. Le texte était tombé aux oubliettes.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ce n'est pas notre faute !
M. Jean Desessard. - La faute à qui, alors ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'Assemblée nationale...
M. Jean Desessard. - A quelques mois des prochaines élections territoriales, la question de la répartition des sièges à l'Assemblée de Corse refait surface. Comme l'ont souligné 23 conseillers de l'Assemblée de Corse, cette modification du mode de scrutin, à quelques mois de l'échéance électorale, « constitue une violation caractérisée des usages démocratiques les plus élémentaires ».
Contrairement à ce que la loi prévoit explicitement, les élus territoriaux n'ont pas été saisis de cette réforme. Ce n'est pourtant pas le temps qui a manqué depuis 2007 ! Et voici que le texte doit être adopté rapidement : il est inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le 18 juin, puis transmis au Sénat en moins d'une semaine pour être adopté par un vote conforme avant la fin de la session ordinaire. Nous aimerions que d'autres textes d'une importance bien plus grande, comme la loi pénitentiaire, soient inscrits aussi rapidement à l'ordre du jour.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Là-dessus, nous sommes d'accord.
M. Jean Desessard. - Cette réforme va porter un coup très dur à la démocratie en Corse. En 2007, Mme Boumediene-Thiery avait dénoncé une réforme qui tendait à réduire très fortement les possibilités d'expression de la diversité politique de la Corse. Avec l'augmentation de 6 à 9 sièges de la prime accordée à la liste arrivée en tête, l'Assemblée nationale renforce encore la bipolarisation et les clans qui se partagent le pouvoir sur l'île de beauté.
Cette prime majoritaire est-elle nécessaire ? Mme Blandin a présidé la région Nord-Pas-de-Calais sans prime majoritaire, sans majorité, sans 49-3, et elle a donné vingt ans d'avance à la région. Bravo, chère collègue !
M. Nicolas Alfonsi. - Il faut l'envoyer en Corse ! (Sourires)
M. Jean Desessard. - Le relèvement des seuils pour le maintien et la fusion des listes au second tour n'a pas d'autre but que d'exclure du champ politique plusieurs sensibilités représentatives de l'opinion corse. Cette mesure est dangereuse pour la démocratie en Corse : est-il raisonnable que les nationalistes n'aient aucun élu ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Ils n'ont qu'à se fédérer !
M. Jean Desessard. - L'examen de cette proposition de loi coïncide avec le retrait surprise du projet de Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc), qui est loin de faire l'unanimité dans l'île et qui serait, en l'état, repoussé par la majorité de l'Assemblée de Corse.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - C'est pourquoi il a été retiré.
M. Jean Desessard. - C'est l'ensemble des formations politiques minoritaires, dont les écologistes, des syndicats et des associations de défense de l'environnement, tous opposés au Padduc, qui ont permis qu'une réelle prise de conscience ait lieu dans la société corse sur ce projet qui risque de défigurer l'île de beauté en permettant d'augmenter les espaces constructibles sur un des derniers littoraux protégés en Méditerranée.
Si la loi était votée, il serait à craindre que la diversité des points de vue sur de tels sujets ne puisse plus s'exprimer au sein de l'Assemblée de Corse, tout comme la diversité politique est aujourd'hui menacée à l'Assemblée nationale avec le projet de redécoupage des circonscriptions législatives qui, comme par hasard, fait disparaître les circonscriptions des Verts.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Les circonscriptions n'appartiennent pas aux élus ; ce sont les électeurs qui choisissent.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
M. le président. - En vertu de l'article 48, alinéas 5 et 6, à partir de la deuxième lecture, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées n'ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, il ne sera reçu, au cours de la deuxième lecture ou des lectures ultérieures, aucun amendement ni article additionnel qui remettrait en cause, soit directement, soit par des additions qui seraient incompatibles, des articles votés par l'une et l'autre assemblée. De même est irrecevable toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.
Article premier (Non modifié)
I. - A la première phrase du premier alinéa et aux deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l'article L. 366 du code électoral, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « neuf ».
II. - (Non modifié)
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
Supprimer le I de cet article.
L'amendement n°2 est en discussion commune. Voulez-vous le présenter en même temps, monsieur Desessard ? C'est à votre convenance.
M. Jean Desessard. - Je préfère les présenter l'un après l'autre.
Certes, nous sommes en deuxième lecture et il n'y a plus grand-chose à discuter. Mais un point essentiel reste tout de même à trancher : celui de l'attribution de la prime majoritaire à la liste arrivée en tête aux élections territoriales.
A l'heure actuelle, cette prime est de 3 sièges sur les 51 qui composent l'Assemblée de Corse. En première lecture, sur la proposition de notre collègue Alfonsi, le Sénat avait relevé cette prime à 6 sièges, dans un souci, nous disait-on, de renforcer la stabilité de l'Assemblée de Corse. Vingt-huit mois plus tard, la commission des lois de l'Assemblée nationale a relevé cette prime de 6 à 9 sièges. Si c'était la stabilité à 6, qu'est-ce que ce sera à 9 ? L'enracinement, le rivetage ?
Notre amendement maintient la répartition actuelle des sièges car nous sommes à moins d'un an de la prochaine échéance électorale, et il ne faut pas modifier les règles du jeu démocratique. En effet, la pratique républicaine veut que l'on ne modifie pas un mode de scrutin dans l'année qui précède l'élection.
En outre, depuis sa création, en 1992, l'Assemblée de Corse n'a jamais connu de crise institutionnelle. Certes, il n'y a pas de majorité clairement définie au sein de cette assemblée. Mais le jeu démocratique oblige au débat avec les groupes minoritaires et à la recherche d'un consensus sur toutes les questions politiques importantes. Or l'augmentation de la prime majoritaire exclura de la représentation démocratique la diversité des courants d'opinions. Ainsi, le Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse, le Padduc, était loin de faire l'unanimité sur l'île. L'ensemble des associations de défense de l'environnement, mais aussi des syndicats et de nombreuses formations politiques se sont opposés à ce projet qui allait défigurer le littoral corse. Sans l'expression de ces divers courants d'opinion au sein de l'Assemblée de Corse, la prise de conscience de la menace que faisait peser ce projet sur l'environnement n'aurait pas eu lieu.
Aussi, afin de respecter les principes républicains les plus élémentaires et dans un souci de préserver la légitimité démocratique de l'Assemblée de Corse, nous vous proposons de maintenir la prime majoritaire à 3 sièges.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
A la fin du I de cet article, remplacer le mot :
neuf
par le mot :
six
M. Jean Desessard. - Comme les deux amendements sont en discussion commune, je me vois contraint de présenter dans la foulée cet amendement de repli. Nous vous proposons de rétablir la proposition initiale du Sénat, qui prévoyait une prime majoritaire de 6 sièges au lieu de 3 actuellement.
Je ne reviendrai pas sur les raisons que j'ai évoquées à l'instant sur le maintien d'une représentation équilibrée de la diversité des forces politiques qui animent la société corse.
En outre, l'Assemblée de Corse n'a été consultée ni sur les modalités concrètes de la révision de son mode d'élection ni sur l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, en totale violation de la loi du 22 janvier 2002 qui dit que « l'Assemblée de Corse est consultée sur les projets et propositions de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse ».
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cela n'a rien à voir !
M. Jean Desessard. - Avant de soumettre au Parlement une telle réforme, dont les conséquences sur la vie démocratique seront importantes, il aurait été préférable d'engager une véritable discussion avec les représentants des forces politiques de Corse et de permettre un débat approfondi à l'assemblée territoriale.
J'ai bien compris que le Gouvernement voulait un vote conforme sur ce texte car il n'a plus le temps de le faire réexaminer par les députés d'ici la fin de la session. Pourtant, le texte adopté par l'Assemblée nationale détériore la situation, et c'est pourquoi il faut en revenir à la position initiale du Sénat.
M. le président. - Vous avez parfaitement respecté la nouvelle durée prévue pour la présentation des amendements, à savoir trois minutes.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - M. Desessard a évoqué les diversités politiques en Corse. Mais personne ne remet en cause la prime majoritaire de 25 % pour les conseils régionaux et de 50 % pour les conseils municipaux ! Or, 3 sièges, c'est 6 % ! Avec 6 sièges, c'était moins de 12 % et avec 9, c'est 17,6 %.
Vous avez aussi argué du fait que ce vote intervenait moins d'un an avant les élections, mais de nombreuses lois ont été votées de la sorte, et parfois avec votre accord !
M. Jean Desessard. - Cela m'étonnerait !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Quid alors de la loi facilitant l'accès des femmes et des hommes aux mandats de conseiller général, qui a été votée moins d'un mois avant les élections cantonales ?
M. Bernard Frimat. - Cette loi a été citée tout à l'heure !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - En outre, il ne s'agit pas d'un argument constitutionnel mais d'une simple tradition.
Vous avez également dit, monsieur Desessard, qu'il fallait soumettre les projets et les propositions de lois à l'Assemblée de Corse. Mais ensuite, le Parlement fait ce qu'il veut ! Nous n'allons pas lui soumettre à chaque stade de la procédure les amendements que nous entendons voter ! C'est quand même le législateur qui vote la loi, pas l'Assemblée de Corse ! En outre, son avis allait plutôt dans le sens d'une prime majoritaire de 9 sièges. Vous avez donc tout faux sur ce point.
Pour ces raisons, je suis défavorable aux amendements nos1 et 2.
M. Jean Desessard. - Vous aviez pourtant fixé la prime majoritaire à 6 !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Certes, mais moi, j'écoute, je ne suis pas dogmatique ! Si en cours de navette, de nouveaux arguments viennent éclairer le sujet, j'en prends note. C'est pourquoi j'ai accepté le texte qui nous venait de l'Assemblée nationale.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. - Je suis également défavorable à ces amendements pour les mêmes raisons.
M. Nicolas Alfonsi. - Il faut définitivement tordre le cou à quelques idées perverses. J'entends dire que le pluralisme ne serait pas respecté ! Vieille rengaine ! Cette idée était exprimée il y a une vingtaine d'années afin de faciliter l'émergence des nationalistes.
M. Desessard parle de stabilité institutionnelle : je suis le représentant d'une sensibilité qui se trouve dans l'opposition. Elle fait pourtant des efforts pour maintenir la stabilité des institutions car si elle votait contre les budgets, aucun ne serait adopté !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Eh oui !
M. Nicolas Alfonsi. - Tous ceux qui sont à notre gauche nous reprochent ce vote et parlent de trahison. Comme nous ne manquons pas d'humour, nous faisons de notre abstention notre étendard pour démontrer que les institutions sont stables. Malheureusement, il se produit parfois des accidents, comme avec le Padduc. Ce plan a été retiré par la majorité tout simplement parce mon groupe y était opposé : sans majorité, il n'y avait plus de Padduc. C'est bien la démonstration éclatante qu'il n'y a pas de majorité !
M. Jean Desessard. - Dans ce cas, c'est plutôt une bonne chose !
M. Nicolas Alfonsi. - Le hasard du calendrier parlementaire étant ce qu'il est, la cour administrative de Marseille a annulé aujourd'hui même le budget pour 2007. Voilà la prétendue stabilité que vous défendez !
Il faut remettre les pendules à l'heure : on ne sait pas à qui profitera cette modification du scrutin mais il est certain qu'il faut y procéder. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit)
L'amendement n°1 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°2.
L'article premier est adopté.
Vote sur l'ensemble
M. Michel Magras. - Cette proposition de loi est la bienvenue car elle améliorera le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse qui, dans sa forme actuelle, favorise l'éclatement des listes et rend difficile la constitution de majorités stables. Il convenait donc de corriger les deux points qui, dans le mode de scrutin actuel, posent problème : l'insuffisance de la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête et l'absence de seuil pour pouvoir fusionner avec une autre liste au second tour.
L'article premier modifie la prime majoritaire : de 3 sièges, elle passera à 9. De plus, ce texte porte le seuil à partir duquel une liste peut se maintenir au second tour de 5 à 7 % des suffrages exprimés. Enfin, il crée un seuil de 5 % en deçà duquel une liste ne peut être admise à fusionner au second tour. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il n'existe aujourd'hui aucun seuil, ce qui permet la multiplication des listes au premier tour.
Des aménagements techniques sont également prévus pour faciliter la constitution du conseil exécutif de Corse.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP adoptera cette proposition de loi afin de parvenir à un équilibre entre une assemblée fidèle à la composition politique de l'île et la proximité avec l'électeur.
M. Jean Desessard. - Les sénatrices et les sénateurs Verts voteront contre ce texte.
M. Bernard Frimat. - Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, le groupe socialiste s'abstiendra sur cette proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
Restitution des têtes maories (Proposition de loi)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories, présentée par Mme Catherine Morin-Desailly et plusieurs de ses collègues.
Discussion générale
Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la proposition. - Je veux d'abord vous féliciter pour votre nomination, monsieur le ministre, et vous souhaiter la bienvenue au Luxembourg, cet autre palais italien. Il y a quelques semaines seulement, vous receviez très chaleureusement, à la Villa Médicis, une délégation de notre commission des affaires culturelles, dont plusieurs membres sont aujourd'hui parmi nous.
« L'expérience prouve malheureusement combien il faut de temps avant que nous considérions comme nos semblables les hommes qui diffèrent de nous par leur aspect extérieur et par leur coutumes ». Le constat dressé par Darwin en 1871 est toujours vrai, ainsi que le prouve l'histoire de la restitution de la tête maorie détenue dans les réserves de la ville de Rouen, restitution à laquelle l'État s'est opposé.
Cette proposition, assez inhabituelle mais cosignée par une soixantaine de collègues de tous bords, vise à autoriser la restitution à leur pays d'origine de toutes les têtes maories détenues dans les musées français. Membre du groupe d'amitié France-Nouvelle-Zélande, je me suis passionnée pour l'histoire de cette tête alors que, adjointe à la culture de Pierre Albertini, je travaillais, après dix ans de fermeture, à la réouverture du Muséum d'histoire naturelle de Rouen, le deuxième de France. La Nouvelle-Zélande nous a en effet demandé la restitution d'une tête tatouée et momifiée, conservée depuis 1875, don ou dépôt non inventorié d'un M. Drouet, qui dormait depuis le XIXe siècle dans les réserves. Il s'agit aujourd'hui, par cette proposition de loi, de surmonter les difficultés juridiques rencontrées par la ville de Rouen et de mettre la France au diapason de nombreux pays étrangers en restituant les quinze à vingt têtes maories conservées dans nos musées : sept ou huit au Quai Branly, une à la Charité, à Marseille, une à Dunkerque et quatre dans les muséums de Rouen de Lille, de Nantes, ainsi que deux à l'Université de Montpellier.
Tous les Maoris de haut rang, guerriers et chefs de tribus, étaient tatoués selon des motifs rappelant leur tribu : la tête, chez eux, est considérée comme sacrée et le tatouage constitue une signature sociale et religieuse. Les têtes des guerriers morts étaient exposées jusqu'à ce que l'âme des défunts soit partie, puis inhumées près du village. Au XVIIIe siècle, lors de la colonisation, les Européens, fascinés, firent appel à de véritables chasseurs de têtes, un commerce barbare se développa et l'on se mit à tatouer des esclaves que l'on décapitait ensuite. L'Angleterre interdit en 1831 ce commerce entre la Nouvelle-Zélande et l'Australie. L'amiral Cecille dénonçait en 1840 une marchandisation du corps humain : « On a vu les têtes néo-zélandaises devenir un objet lucratif d'exportation ; tous les moyens ont été bons pour s'en procurer et des guerres ont été suscitées entre les tribus pour en faire baisser le prix ».
Le regard que les Néo-Zélandais portent aujourd'hui sur ces têtes est bien différent du nôtre : alors que nous y voyons des objets d'art ou de collection, ils y voient les têtes de leurs ancêtres. « Enlevez à des sauvages les os de leurs pères, vous leur enlevez leur histoire, et jusqu'à leurs dieux. Vous ravissez à ces hommes, parmi les générations futures, la preuve de leur existence comme celle de leur néant », écrivait Chateaubriand. Pour se forger une identité, les hommes ont besoins de leurs ancêtres ; un peuple sans histoire ne peut se renouveler et est condamné à disparaître, a souligné le directeur du Muséum de Rouen. Que dirions-nous si les têtes de nos ancêtres étaient remisées dans les réserves de musées néo-zélandais ? A la demande des Néo-Zélandais, ces têtes ont été retirées des expositions publiques. Elles se trouvent dans des réserves comme nombre de restes humains, ainsi que l'a montré une récente enquête.
Les autorités néo-zélandaises ont lancé une campagne de revendication de ces têtes, afin de les inhumer dans le respect des traditions de ce peuple de 600 000 personnes. Le but est bien de les retourner à leur communauté d'origine. Cela donne lieu à des cérémonies, comme celle émouvante qui s'est déroulée à Rouen lorsque des Maoris sont venus rendre hommage à leur ancêtre.
D'un point de vue juridique, ces têtes constituent-elles des oeuvres d'art ? Auquel cas elles sont inaliénables jusqu'à leur déclassement. Sont-elles un reste humain qui ne peut faire l'objet d'un droit patrimonial ? Éléments de corps humains, indéniablement, ces têtes tatouées, qui ont fait l'objet d'un trafic barbare durant la colonisation, ne peuvent se voir appliquer le principe d'inaliénabilité. Celle de Rouen ne figurait d'ailleurs pas à l'inventaire. Le vote unanime du conseil municipal de Rouen en faveur de la restitution s'inscrivait dans une démarche éthique et symbolique du respect des peuples et de leurs croyances. Ne doit-on pas considérer ces têtes comme un acquis irréductible de notre diversité, relevant du patrimoine de l'humanité ?
Sur intervention de l'État, la délibération a été annulée, faute de déclassement. Je doute fort que la commission de déclassement eût, à l'époque, donné un avis favorable. En février 2008, un colloque a été organisé au Quai Branly sur la conservation et la restitution des restes humains, au cours duquel j'ai présenté le cas de la tête maorie de Rouen. Le commissaire du Gouvernement m'a, à cette occasion, signalé que la cour d'appel de Douai, qui avait tranché dans le sens de la non-applicabilité de l'article 16-1 du code civil, aurait pu tout aussi bien trancher dans l'autre sens tant le statut des restes humains demeure flou. En effet, l'article 16-1 résulte de la loi bioéthique, que le Gouvernement souhaitait appliquer à la Vénus hottentote. Le débat sur la restitution de la dépouille de Sarah Baartman s'était posé dans les mêmes termes : quand Nicolas About a fait voter une proposition de loi, son utilité a été mise en doute, le Gouvernement prônant l'application de l'article 16-1 qu'il refuse aujourd'hui.
L'actualité nous rattrape : la cour d'appel de Paris a annulé l'exposition « Our body » parce que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, qu'il a un caractère inviolable et digne d'un respect absolu, conformément à un principe fondamental de toute société humaine. Si cette décision fortement médiatisée a permis une prise de conscience, la question de l'applicabilité de l'article 16-1 demeure car la loi bioéthique protège davantage le vivant. Doit-on alors laisser le juge décider au cas par cas ?
J'ai choisi de déposer une proposition de loi pour régler la question des têtes maories. J'aurais préféré ne pas avoir à recourir à la loi mais il fallait sortir d'une impasse juridique et d'un imbroglio. La procédure de déclassement instituée en 2002 n'a pas été mise en oeuvre et les critères de la non-application du principe d'inaliénabilité n'ont pas été définis.
De plus, en vertu de la loi de 2002, les biens incorporés par don dans les collections publiques tels que les têtes maories et autres têtes ne peuvent faire l'objet d'aucun déclassement, contrairement à ce qui a été soutenu.
Consciente de l'importance de la question, qui ne doit nullement être prétexte à ouvrir la boîte de Pandore, j'ai retenu, dans la proposition de loi, les critères sur lesquels la ville de Rouen s'est fondée pour justifier la restitution de la tête maorie. Premièrement, le pays d'origine doit avoir demandé le retour du reste humain. Ensuite, celui-ci ne doit pas faire l'objet de recherches scientifiques et, une fois restitué, il doit être inhumé. Enfin, il doit être issu d'actes de barbarie ayant entraîné la mort ou de pratiques contraires à la dignité humaine. Ces têtes, qu'elles soient d'esclaves ou de chefs guerriers, ont toutes été volées comme trophées par des musées alors prédateurs.
La France se conformerait aux articles 11 et 12 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 2007, qu'elle a ratifiée, en autorisant la restitution de ce que l'on appelle pudiquement le matériel culturel sensible, question largement abordée dans le code de déontologie du Conseil international des musées, approuvé en 2004 à Séoul après six ans de travail.
Cette proposition de loi, je le souhaite, contribuera également à nourrir une réflexion générale sur la conservation des restes humains dans les musées, initiée lors de l'affaire de la Vénus hottentote. La patrimonialisation de ces ossements, préparations anatomiques, momies et de reliques diverses soulève de nombreuses questions éthiques abordées dès juillet 2003 par nos collègues MM. Nachbar et Richert dans leur rapport sur les collections des musées, qui déploraient l'état d'empoussiérage préoccupant des restes humains conservés au musée de l'Homme ; questions que nous devons clarifier une fois pour toutes sans quoi nous serons toujours contraints de procéder au coup par coup. L'institution muséale, dont M. Jacques Rigaud, auteur du rapport sur les musées, a dénoncé « l'inertie manifeste », a longtemps esquivé ce débat. Cette affaire révèle également un certain conservatisme des scientifiques qui portent un regard occidental sur ces têtes qui, pour leur peuple d'origine, ont d'abord une valeur symbolique, voire même sacrée. D'où la proposition de notre rapporteur d'élargir la composition de la commission de déclassement à des personnalités qualifiées telles que des philosophes ou encore des anthropologues. La science ne peut se passer d'une réflexion éthique, ce qui n'a rien à voir avec la religion ! Il est temps d'ouvrir ce chantier sans tabou.
Il n'est nullement question de remettre en cause le principe d'inaliénabilité des collections publiques, auquel je suis très attachée. D'où l'intérêt des quatre critères que j'ai énoncés et du régime spécifique prévu par la loi de 2002, que le rapporteur propose de renforcer dans ce texte. L'anthropologue Maurice Godelier partage cette conviction : la restitution de ces restes humains est justifiée mais doit être fortement encadrée. Les musées français doivent, notamment par la numérisation, conserver la trace de ces pièces et en raconter l'histoire, comme le directeur du musée de Rouen le prévoit déjà par une démarche pédagogique.
Quel que soit le moyen finalement retenu, nous partageons tous dans cet hémicycle -j'en suis persuadée- l'objectif légitime de rendre ces têtes sacrées aux Maoris, comme Mme Pécresse, alors ministre de la recherche, ou encore le paléoanthropologue Pascal Picq, à l'origine du comité de soutien, rejoint par d'autres personnalités.
La culture ne peut se passer de transparence, elle doit répondre à une éthique irréprochable. Elle ne peut être invoquée pour porter atteinte aux droits des peuples et la France, pays des droits de l'homme, doit être exemplaire en la matière. Pas moins de 322 têtes, sur les 500 dispersées dans le monde, ont déjà été restituées à la Nouvelle-Zélande par les musées américains et européens, mais aussi argentins et australiens. Notre pays ne peut rester en retrait d'un tel mouvement pour des questions de forme plutôt que de fond et doit faire prévaloir l'impératif éthique sur les considérations juridiques. Tourner la page de cette histoire peu glorieuse sera l'occasion de renouveler le dialogue interculturel avec les pays lointains, cet Autre, avec un grand « A ».
Bref, la France doit répondre favorablement à la demande de la Nouvelle-Zélande, pays démocratique qui travaille à l'intégration de toutes ses communautés. Merci aux cosignataires de cette proposition de loi, au président de la commission de la culture ainsi qu'au rapporteur de son travail approfondi sur ce sujet qui me tient particulièrement à coeur ! (Applaudissements sur tous les bancs)
M. le président. - La parole est à M. Richert, rapporteur de la commission de la culture et de la communication, selon la nouvelle dénomination retenue dans la résolution du Bureau du 2 juin.
M. Philippe Richert, rapporteur de la commission de la culture. - Avec passion et énergie, Mme Morin-Desailly vient de défendre la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Ce n'est pas la première fois que le Sénat débat de cette question du retour des restes humains à leur pays d'origine : en 2002, le président About avait déposé une proposition de loi pour autoriser la restitution à l'Afrique du sud de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, appelée la Vénus hottentote, symbole des humiliations subies par son peuple, dont le corps était conservée au Muséum national d'histoire naturelle. Rapporteur de ce texte, je m'étais d'abord opposé à son principe avant de me rallier à la démarche au vu des tergiversations et des barrages administratifs auxquels nous nous sommes heurtés. Tel conservateur m'avait même expliqué qu'il n'y avait plus de restes humains, autrement appelées les parties molles, dans son musée, car ils avaient été perdus !
M. Nicolas About. - Quel menteur !
M. Philippe Richert, rapporteur. - D'où l'utilité, pour clarifier la situation, de cette proposition de loi consensuelle de Mme Morin-Desailly, cosignée par une soixantaine de collègues issus de tous les groupes, et M. About, qui récidive.
Après l'intervention de l'auteur, je m'attacherai à présenter les conclusions de notre commission et les dispositions que nous avons souhaité introduire dans le texte afin d'en renforcer la portée. En effet, au-delà de son aspect ponctuel, ce texte soulève d'importantes questions culturelles, éthiques et morales.
Rappelons, tout d'abord, que les têtes humaines momifiées et tatouées sont une tradition du peuple maori, peuple autochtone de Nouvelle-Zélande. Avec l'arrivée des colons européens, ces têtes, considérées comme des objets de collection, ont suscité un engouement macabre et fait l'objet d'un trafic sordide jusqu'au milieu du XIXe siècle, si bien que certains esclaves ont eu la tête tatouée puis ont ensuite été décapités pour satisfaire à la demande... Ainsi, ces têtes ont-elles été dispersées dans des musées d'Europe ou d'Amérique, mais aussi dans des collections privées. D'après mes informations, six musées français, dont le Quai Branly, en conservent actuellement une douzaine dans leurs réserves.
En octobre 2007, la ville de Rouen décide de rendre aux autorités néo-zélandaises une de ces têtes conservée dans son muséum. Toutefois, pour une question de principe soulevée par la ministre de la culture, cette délibération a fait l'objet d'un recours qui a conduit à son annulation par le juge administratif. En effet, la ville s'était fondée sur les dispositions du code civil issues de la loi de bioéthique de 1994, qui prévoient que le corps humain ne peut faire l'objet d'un droit patrimonial. Cet argument a été rejeté par le juge alors qu'au moment des débats sur la Vénus hottentote le ministre de la recherche s'en était emparé en séance publique au Sénat pour s'opposer à notre démarche. J'y vois la preuve que nous avions eu alors raison de ne pas nous rallier à sa position.
Concernant la tête maorie, le juge a rappelé que le musée de Rouen, ayant obtenu l'appellation de Musée de France, est régi par la loi du 4 janvier 2002, dont j'étais rapporteur. Celle-ci réaffirme le principe d'inaliénabilité des collections publiques mais prévoit également, grâce à notre commission, une possibilité strictement encadrée de déclassement après avis conforme d'une commission scientifique. Or cette commission n'a pas été saisie de la question du déclassement de la tête maorie, ni d'aucune question de déclassement -j'y reviendrai.
Cette proposition de loi autoriserait à déroger à cette procédure en sortant des collections l'ensemble des têtes maories. Conservateurs de musées et scientifiques auditionnés m'ont conforté dans l'idée que peu d'arguments valables s'opposent à la restitution des têtes maories. D'abord, comme me l'ont confirmé l'ambassadrice de Nouvelle-Zélande et le ministre de la culture néo-zélandais, leur pays souhaite le retour des têtes maories.
J'ai insisté pour que la Nouvelle-Zélande confirme sa demande car, pendant le débat sur la Vénus hottentote, le ministère avait prétendu que la demande de l'Afrique du Sud était purement formelle et que ce pays ne souhaitait pas réellement la restitution de la dépouille. (M. Nicolas About ironise)
Les têtes maories doivent retourner dans leur terre d'origine et y recevoir une sépulture décente, selon les rites ancestraux : le respect de la dignité humaine, celui des cultures et des croyances d'un peuple vivant l'exigent. Ces têtes sont entrées dans nos musées comme des objets de curiosité ou parce que l'on accordait foi à l'anthropologie raciste de ce temps ; mais elles n'ont jamais fait l'objet de recherches scientifiques en France et, selon l'avis d'un éminent spécialiste, ne présentent aucun intérêt pour les anthropologues contemporains. Il serait cependant souhaitable d'en conserver une trace, comme le permettent les techniques actuelles de numérisation, car elles contribuent à la connaissance de l'humanité dont les musées sont également responsables.
La France s'honorera par cette démarche éthique, conforme à ses valeurs humanistes et à son souci du dialogue interculturel. Notre groupe d'amitié France-Nouvelle-Zélande, présidé par Marcel Deneux, s'était ému, à l'automne 2007, de l'annulation de la délibération de la ville de Rouen. Votre commission a souscrit à l'initiative de Mme Morin-Desailly. Il reviendra aux responsables des collectivités et des musées concernés de définir, en étroite coopération avec le musée Te Papa de Wellington et les autorités néo-zélandaises, les modalités de restitution des têtes.
Certains craignent que nous nous engagions sur une pente glissante ; mais les mêmes appréhensions s'étaient exprimées lors de l'examen de la loi relative à la Vénus hottentote et se sont révélées sans fondement. Il est temps de réfléchir à ces questions : j'ai pu constater que les mentalités avaient évolué depuis 2002, tant chez les savants que chez les conservateurs ou les journalistes, malgré quelques exceptions. C'est pourquoi j'ai proposé à la commission des affaires culturelles de compléter la proposition de loi pour éviter que nous ayons de nouveau à nous pencher sur un cas similaire. Il faut mener une réflexion éthique sur la gestion des collections des musées, notamment des restes humains : notre pays est, à cet égard, très en retard. Dans le cadre du récolement décennal obligatoire des musées, il serait bon de dresser un inventaire précis de ces collections qui restent souvent dans les zones d'ombre des établissements...
Il n'est pas normal que la procédure de déclassement des biens des collections des musées, inscrite à notre initiative dans la loi de 2002, soit restée virtuelle. Elle est pourtant très encadrée. La commission scientifique nationale des collections des musées de France, composée essentiellement de professionnels des musées et de représentants de l'administration et présidée par le directeur des musées de France, est chargée d'émettre un avis sur les projets d'acquisition et de restauration d'oeuvres et sur les demandes de déclassement. Or cette commission n'a jamais eu à statuer sur une telle demande. Elle n'a mené aucune réflexion tendant à définir les critères de déclassement, comme M. Jacques Rigaud l'a confirmé dans son rapport sur l'aliénation des oeuvres des collections publiques remis à Mme Albanel en février 2008.
Même si nous sommes très attachés au principe fondamental de l'inaliénabilité des collections, consubstantiel à la mission de service public des musées, cette réflexion mérite d'être menée avec sincérité. Le déclassement doit rester exceptionnel : aucun d'entre nous ne souhaite mettre en péril l'intégrité de notre formidable patrimoine artistique. Mais il faut être souple, tenir compte de la diversification des collections et de l'évolution de la conception même du musée : il n'est pas dans l'intérêt des institutions à vocation scientifique ou technique, par exemple, de conserver éternellement leurs collections d'étude...
La commission des affaires culturelles a donc décidé, sur ma proposition et en accord avec l'auteur de la proposition de loi, de compléter ce texte en vue de réactiver la procédure de déclassement tout en l'encadrant. La commission instaurée par la loi de 2002 sera renommée « commission nationale scientifique des collections » et son champ de compétence étendu, au-delà des collections des musées de France, aux oeuvres du Fonds national d'art contemporain ; elle pourra également conseiller les personnes privées gestionnaires de fonds régionaux d'art contemporain, comme le préconisait le rapport Rigaud. Ces collections contemporaines sont celles pour lesquelles le principe d'inaliénabilité a le plus de sens ; mais un déclassement peut parfois être justifié, par exemple en cas de forte dégradation de l'oeuvre. La commission devra également formuler des recommandations et une doctrine générale sur le déclassement, afin d'éclairer les propriétaires et gestionnaires de collections dans leurs décisions, et remettre au Parlement un rapport dans un délai d'un an. Elle devra en particulier se pencher sur la question particulièrement sensible et complexe des restes humains. Compte tenu de ses nouvelles missions, sa composition sera élargie à la représentation nationale, aux représentants de l'État et des collectivités territoriales -propriétaires de collections publiques- ainsi qu'à des personnalités qualifiées, anthropologues, ethnologues, philosophes, etc.
Enfin, pour tenir compte de ces apports, la commission des affaires culturelles a souhaité modifier l'intitulé de la proposition de loi.
Un nouveau chantier s'ouvre pour notre politique culturelle et patrimoniale et nous souhaitons vivement que le ministère de la culture y participe afin que cette proposition de loi puisse être appliquée dans les meilleurs délais. (Applaudissements de nombreux bancs)
M. le président. - Au nom du Sénat, j'ai l'honneur de saluer M. le ministre à l'occasion de sa première intervention devant notre assemblée.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Merci beaucoup.
La question de l'appartenance de restes humains aux collections des musées de France est de celles qui attisent la controverse. Nous avons tous en mémoire les échanges passionnants auxquels a donné lieu, notamment au sein de votre Haute assemblée, la remise à l'Afrique du Sud des restes de Saartjie Baartman -la Vénus hottentote. Plus récemment, en 2007, l'affaire de la tête maorie inscrite sur les inventaires du muséum d'histoire naturelle de Rouen a remis ce problème sous les feux de l'actualité.
Deux conceptions sont possibles. On peut se focaliser sur la violence médicale, guerrière ou rituelle qui est à l'origine de ce que l'on nomme -faute d'expression plus digne- les « restes humains » et mettre en doute le droit de transformer un élément du corps humain en objet de collection. Mais on peut aussi prendre en compte les motifs scientifiques, historiques ou culturels qui ont un jour conduit à porter à ces objets une attention particulière. Ces deux conceptions peuvent, je le crois, être conciliées : c'est d'ailleurs le sentiment général. Nul ne remet en cause l'intérêt qu'il y a à conserver et à présenter au public les momies égyptiennes du Louvre : les musées égyptiens en font de même dans des espaces soumis à une tarification complémentaire, sans y voir une entrave au respect dû à la dignité du corps humain.
Je suis très honoré, pour ma première intervention devant votre assemblée en tant que ministre de la culture et de la communication, de participer à ce débat essentiel pour les collections publiques françaises. Je souhaite qu'il soit apaisé et équilibré. Efforçons-nous de concilier la nécessité éthique d'apporter une réponse aux demandes des communautés d'origine et notre attachement à l'intégrité des collections publiques et au principe d'inaliénabilité, qui en est la traduction juridique.
L'histoire des têtes maories est bien connue. La momification des têtes, qui était à l'origine une pratique rituelle témoignant du respect d'une tribu et d'une famille envers ses morts, est devenue, sous l'effet de la curiosité macabre des voyageurs et collectionneurs européens, l'objet d'un commerce barbare. Le Gouvernement partage pleinement le souci éthique de l'auteur et du rapporteur de la proposition de loi. A aucun moment il n'a pris position sur l'opportunité de remettre aux autorités de Nouvelle-Zélande la tête maorie du muséum de Rouen.
L'intervention de l'État auprès du juge administratif était simplement motivée par la nécessité de respecter les procédures dont le législateur a entouré le déclassement des objets appartenant aux collections des musées de France, en l'occurrence la saisine pour avis de la commission scientifique instituée par la loi du 4 janvier 2002 sur les musées de France.
Sur l'intérêt de conserver les têtes dans les collections publiques, je salue la finesse d'analyse du rapporteur. Après avoir rappelé qu'elles n'étaient entrées dans les collections que comme objets de curiosité, et non d'étude scientifique, M. Richert a présenté le problème dans toute sa complexité. Selon les témoignages recueillis par le rapporteur, les têtes conservées dans nos musées n'ont jamais fait l'objet d'études poussées et ne présentent guère d'intérêt au regard des méthodes anthropologiques actuelles. Cependant, il souligne également qu'il convient d'en garder une trace, pour ne pas laisser de vide dans la connaissance de l'humanité et encore moins dans la mémoire de cet épisode peu glorieux de l'histoire de l'expansion européenne.
Sur les modalités juridiques choisies pour favoriser la remise des têtes maories aux autorités néo-zélandaises, votre commission a retenu une solution sage, respectueuse de la liberté de chacune des collectivités publiques -État ou communes- en possession de têtes maories. Si, en application de l'article premier, les têtes maories cesseront immédiatement de faire partie des collections des musées de France, en vue de leur remise à la Nouvelle-Zélande, il reviendra à chaque collectivité propriétaire de procéder à leur déclassement et de négocier les modalités de leur remise avec les autorités de ce pays. Le musée du Quai Branly et les muséums d'histoire naturelle des grandes métropoles régionales auront ainsi la possibilité d'accomplir ce geste éthique.
Je soulignerai simplement que, pour la première fois, la loi organise la sortie des collections des musées de France d'une catégorie entière d'éléments, et non d'un objet déterminé. Pour l'avenir, je crois capital de prévenir et de régler, très en amont et de façon consensuelle -notamment entre l'État et les collectivités territoriales ou leurs établissements-, sans avoir besoin de recourir au législateur, les difficultés qui pourraient s'élever au sujet d'autres cas particuliers. Tel est l'objet des articles suivants, ajoutés par votre commission des affaires culturelles qui, ce faisant, a souhaité saisir votre Haute assemblée de la question générale des modalités de déclassement des objets appartenant aux collections publiques. Le Gouvernement salue le caractère très opportun de cette initiative qui s'inscrit dans la droite ligne des conclusions remises par Jacques Rigaud au ministre de la culture, en février 2008, sur la modernisation de la gestion des collections publiques. Son rapport réaffirmait avec force le caractère incontournable du principe d'inaliénabilité qui, au fondement même des collections publiques, a contribué au fil des siècles à la constitution d'un patrimoine qui fait aujourd'hui la fierté et l'attrait de nos institutions culturelles.
Jacques Rigaud avait cependant souligné la nécessité d'une véritable « respiration » des collections, dont les possibilités de déclassement offertes par le code du patrimoine étaient une modalité envisageable. Le rapport proposait de donner toute sa portée à la loi relative aux musées de France, qui prévoit une procédure de déclassement restée lettre morte jusqu'à ce jour. L'initiative de votre commission relaye ainsi un objectif du ministère de la culture.
La future Commission scientifique nationale des collections, instituée par la proposition de loi, traduira dans sa composition toute la complexité des questions de déclassement, qui sont à la fois scientifiques, culturelles et éthiques. La compétence primordiale des professionnels de la conservation des collections sera ainsi complétée par le point de vue des parlementaires, des collectivités propriétaires des collections, ainsi que par celui de personnalités éminentes dans d'autres disciplines utiles à l'examen des projets de déclassement : philosophie, droit ou encore anthropologie... Cette ouverture de la Commission scientifique nationale aux représentants de la Nation souligne la solennité de la procédure de déclassement et témoigne de l'attachement du Parlement au principe d'inaliénabilité.
Par ailleurs, la proposition de loi, en étendant aux autres collections publiques, au Fonds national d'art contemporain ainsi qu'aux collections des Fonds régionaux d'art contemporain, l'intervention, obligatoire ou facultative, de la Commission scientifique nationale, favorise la prise en compte de l'intérêt scientifique et culturel des biens concernés au moment de faire le choix de déclasser ou non.
Je sais également gré à la commission d'avoir, pour les demandes de déclassement de biens appartenant aux collections publiques, étendu la procédure de l'avis conforme prévue par la loi sur les musées de France. Celle-ci garantit en effet la prise en compte, par les propriétaires des collections, de l'expertise et de la représentativité de cette instance. Ce périmètre élargi permettra également, j'en forme le voeu, de définir une doctrine générale pour l'ensemble des collections publiques.
Cette proposition de loi vient donc clore de façon heureuse la controverse suscitée à l'automne 2007 par l'annulation de la délibération de la ville de Rouen relative à la restitution de la tête maorie. Elle marque surtout l'ouverture, trop longtemps retardée, d'un véritable débat de fond sur le recours au déclassement car elle donne aux collectivités publiques une doctrine définie en parfaite concertation. La proposition de loi donne en effet compétence à la Commission scientifique pour fixer la doctrine et les critères qui permettront la « respiration » des collections sans en compromettre l'intégrité ni amoindrir la portée du principe d'inaliénabilité. Ces lignes directrices seront très rapidement présentées dans le rapport qui devra être remis au Parlement dans un délai d'un an.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur cette proposition de loi. (Applaudissements à droite et au centre ; M. Richard Tuheiava applaudit aussi)
M. le président. - Pour la discussion générale, nous appliquons pour la première fois, l'alinéa 5 de l'article 29 ter de notre Règlement, tel qu'il résulte de la résolution du 2 juin dernier : les groupes autres que ceux auxquels appartiennent les représentants des commissions désignent chacun un premier orateur ; les orateurs ainsi désignés interviennent à la suite des commissions, selon l'ordre du tirage au sort.
M. Nicolas Alfonsi. - A mon tour, monsieur le ministre, de vous souhaiter la bienvenue et une fructueuse collaboration avec la Haute assemblée.
Depuis vingt ans déjà, la Nouvelle-Zélande réclame le retour au pays de ses têtes maories. Son souhait de récupérer ces restes humains, considérés comme sacrés, pour leur accorder une sépulture digne et respectueuse des coutumes, est légitime. Ces têtes momifiées et tatouées des ancêtres maoris avaient fait l'objet de trafics commerciaux par des collectionneurs européens et américains jusqu'à la fin du XIXe siècle. En France, nous en possédons une quinzaine dans les collections publiques, outre celle de Rouen qui a suscité l'initiative de nos collègues. Ces têtes ne sont pas ou plus exposées, comme au musée du Quai Branly, qui en possède pourtant six à huit, et elles n'ont jamais fait l'objet d'études scientifiques particulières par les musées qui les conservent dans leurs réserves. A travers le monde, plusieurs États et institutions ont déjà restitué les têtes maories et notre démarche d'aujourd'hui est aussi guidée par leur geste éthique exemplaire.
Cependant, ce débat en ouvre un autre plus large et inquiétant. Si l'on doit reconnaître les erreurs passées, souvent perpétrées au nom de la science, pour appuyer le retour en Nouvelle-Zélande des crânes momifiés, certains redoutent que la restitution de ces têtes ne crée un précédent ouvrant la voie à un dépouillement, progressif mais inexorable, de nos collections nationales. Qu'en sera-t-il par exemple des momies précieusement conservées et exposées au musée du Louvre, ou des nombreuses reliques de saints que nous possédons à travers l'Hexagone ? Ce geste éthique, respectueux de la dignité de l'homme et des cultures et croyances d'un peuple vivant, inspiré sans doute aussi par le poids de la culpabilité de l'histoire coloniale, ne doit absolument pas remettre en cause le principe d'inaliénabilité des collections nationales. La règle intangible doit rester celle du caractère inaliénable des oeuvres d'art.
Aujourd'hui, le rapporteur de la proposition de loi nous propose de la compléter par des dispositions nous évitant d'avoir à nouveau recours à la loi pour ce type de problème. Nous avions déjà dû légiférer en 2002 sur un cas similaire : celui de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, dite la Vénus hottentote, qui a été restituée à l'Afrique du Sud. Dans les faits, la dérive déjà redoutée à l'époque ne s'est pas vérifiée. Mais si nous devons à nouveau légiférer aujourd'hui, cela prouve que la procédure administrative, instaurée en 2002 dans le code du patrimoine, pour le déclassement des biens constituant les collections des musées de France manque totalement d'efficacité. On nous propose, pour y remédier, d'élargir la Commission nationale scientifique sur le déclassement des oeuvres à des personnalités qualifiées dans le domaine de l'éthique, à des élus, à des scientifiques et d'étendre son champ de compétence à l'ensemble des collectivités publiques, voire privées, au-delà des seules collections des musées de France. Mais, et c'est là l'essentiel, le texte propose de définir clairement les missions de cette commission qui, jusqu'à présent, n'a nullement fait avancer la réflexion sur les cas de déclassement ni, donc, sur les exceptions que l'on pourrait tolérer au principe d'inaliénabilité des oeuvres d'art. C'est indispensable si l'on souhaite concilier la protection de notre patrimoine culturel avec le respect de la dignité humaine et de toutes les cultures. La France accuse un net retard dans la réflexion sur la gestion éthique des collections des musées. Si la proposition de loi est adoptée, la Commission nationale scientifique devra établir une doctrine générale en matière de déclassement et de cession. Elle devra même rapidement rendre compte de ses conclusions dans un rapport au Parlement.
Puisque l'objectif de cette proposition de loi est de faire le point sur ce que doit être une gestion éthique des collections, tout en respectant le caractère inaliénable des oeuvres d'art, je me réjouis de la voter avec l'ensemble du groupe RDSE. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Serge Lagauche. - La proposition de loi de Mme Morin-Desailly a une portée bien plus large que la seule résolution du conflit juridique entre le tribunal administratif de Rouen et la municipalité. Ce texte expose le législateur à devoir résoudre un conflit de principes et concilier le principe de l'inaliénabilité des collections publiques avec une démarche éthique, fondée sur le respect de la dignité de l'homme.
Le programme néo-zélandais de rapatriement des dépouilles maories, depuis 1992, traduit l'importance que revêt pour le peuple maori le retour de ses ancêtres sur leur terre d'origine. Pour ce peuple, toutes les parties du corps sont sacrées car elles portent en elles l'essence de la personne, mais la tête d'un guerrier maori, totalement tatouée, est considérée comme la plus sacrée.
Avant qu'elles ne fassent l'objet d'une convoitise insupportable et d'un commerce barbare de la part des colons européens, ces têtes étaient conservées par les familles des défunts en témoignage de respect. La restitution est donc un impératif éthique et le groupe socialiste du Sénat souscrit pleinement aux objectifs poursuivis par le texte.
Mais, comme pour la Venus hottentote, il nous faut aussi prendre en considération l'inaliénabilité des collections publiques et, si possible, régler définitivement ce conflit entre principes. Un État pourrait demain demander la restitution d'une oeuvre ou d'un objet acquis de façon contestable par la France mais qui fait partie des collections publiques depuis souvent plusieurs siècles. Il ne s'agit pas d'adopter une attitude de repli sur soi, voire de méfiance, mais ces acquis contestables sont l'Histoire et notre souci est de conforter nos musées nationaux dans leur mission d'exposition, de conservation et de recherche. Faisons en sorte que nos musées s'ouvrent sur l'extérieur mais confortons-les dans leur mission de gardiens du patrimoine culturel national.
La commission scientifique nationale créée par un décret du 25 avril 2002 s'est réunie chaque année mais n'a jamais eu à statuer sur un déclassement ; elle n'a pas mené une réflexion sur les critères à appliquer en pareil cas. Devant l'inertie des institutions, c'est fort opportunément que notre rapporteur a souhaité compléter la proposition de loi pour préciser le champ d'intervention de la commission et élargir ses compétences. M. Richert souhaitait aussi faciliter le transfert de propriété d'oeuvres inscrites sur l'inventaire du Fonds national d'art contemporain et mises en dépôt auprès de collectivités territoriales. Constatant nos réticences, il a retiré son amendement, faisant preuve d'un grand esprit d'ouverture et de consensus. Selon nous, les conditions requises pour voter ce texte sont réunies.
Reste à se pencher sur la gestion éthique des collections, notamment sur le statut des restes humains. La France est très en retard dans sa réflexion sur ces sujets sensibles. L'interdiction de l'exposition « Our body » à Paris a montré la nécessité d'accompagner les professionnels des musées. Puissent ce texte et les nouvelles missions confiées à la commission nationale constituer une première étape ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et au banc de la commission)
M. Nicolas About. - Je souhaite moi aussi la bienvenue à M. le ministre. Sept ans après la loi de restitution de la dépouille mortelle de Saartjie Bartmann à l'Afrique du sud, rien n'a changé. Nous sommes confrontés aux mêmes interrogations, aux mêmes incompréhensions, aux mêmes résistances. Il avait fallu en passer par une loi pour régler un litige que l'administration française n'avait pas su ou voulu résoudre dignement : la France n'avait pas honoré sa promesse de restitution faite oralement dix ans plus tôt par le président François Mitterrand à M. Nelson Mandela. Le refus de la France réveillait un peu plus les blessures d'un peuple si longtemps écrasé sous les humiliations, l'exploitation et l'asservissement, aux pires heures du colonialisme... Lors des débats au Sénat, tout le monde a admis l'inutilité juridique du recours à la loi. Certains affirmaient le caractère inaliénable des biens appartenant aux collections publiques, faisant de la France la « propriétaire » des restes de Saartjie Bartman ; mais le ministre de la recherche de l'époque, M. Schwartzenberg, avait confirmé ce que j'avançais : en vertu des lois de bioéthique de 1994, nul ne pouvait se déclarer propriétaire d'un élément du corps humain. La France était seulement la « gardienne » de la dépouille de Mme Bartmann -bien mauvaise gardienne au demeurant puisque le squelette et les organes pourrissaient dans les réserves du musée de l'Homme. Celui-ci, depuis 1974, avait prudemment retiré de ses vitrines les restes de la Vénus hottentote, conscient de l'indécence d'exposer aux yeux du grand public ce corps d'une femme noire à la physionomie hors du commun. De son vivant, au XIXe siècle, cette femme fut exhibée tel un phénomène de cirque, comme il était fréquent à cette époque, dans ce que l'on appelait des zoos humains. L'idéologie scientifique d'alors classait les êtres humains selon des critères raciaux qui, heureusement, n'ont plus cours aujourd'hui. Une vitrine de musée et même une simple grille trahissent une idéologie qu'il nous faut absolument rejeter. Elles tracent une frontière invisible mais tangible entre les peuples dits « primitifs » et nous, peuple occidental, peuple de découvreurs, de conquérants. Il nous faut comprendre ce que ressentent les descendants ! Que ressentirions-nous si nous apprenions que des têtes de soldats français sont exposées dans des vitrines de musées ? Il y a quelque chose d'insupportable dans cette vision d'horreur !
Le don des têtes maories ne date que de 1875. Ce sont des crânes de guerriers, de chefs de village, de personnages de haut rang. Les tribus maories furent les premiers et principaux occupants de la Nouvelle-Zélande pendant près de dix siècles ; elles ont été décimées au XIXe siècle par l'arrivée des colons européens. L'introduction d'armes à feu sur le territoire conduisit en effet à des guerres intertribales sanglantes. Exterminations, déportations, épidémies apportées par les Européens... Enfin, prenant prétexte des rébellions provoquées par l'achat contesté de terres, la couronne britannique confisqua de vastes parcelles aux tribus maories, à titre de représailles. Les Maoris sont alors entrés dans une période de déclin, on crut même un temps à leur disparition. Les têtes maories firent l'objet d'un trafic sordide. Mme Morin-Desailly rapporte même que des esclaves, qui n'étaient pas des chefs guerriers, ont été tatoués à seules fins d'être ensuite décapités pour faire l'objet d'échanges... Ces traitements barbares font frémir. Nous ne sommes pas directement responsables des malheurs du peuple maori, nous ne l'étions pas non plus du peuple khoisan auquel appartenait la Vénus hottentote... Mais nous serions coupables si nous continuions à conserver des reliques maories, sans plus aucun intérêt scientifique, dans les remises de nos musées. Il est de notre devoir d'aider ces peuples à tourner la page d'une douloureuse histoire récente.
Une telle restitution doit s'entourer de précautions. Il ne s'agit pas d'ouvrir la boîte de Pandore ni de vider tous les musées de France ! Nous n'allons certes pas rendre à leurs supposés descendants tous les ossements de la préhistoire, toutes les momies de l'Égypte ancienne... Ce qui ne nous dispense pas de conserver et présenter ces restes humains dans des conditions décentes et dignes. Des peuples en pleine reconstruction de leur identité cherchent à sauvegarder leur culture, à préserver leurs rites, à rendre leur dignité à leurs ancêtres. Entendons la demande de gens qui ont souffert dans leur histoire récente et qui s'identifient à ces reliques. En leur restituant leurs ancêtres, nous devons les aider à tirer un trait sur les querelles et les tensions avec les « occupants ». Je peux témoigner combien la restitution d'une dépouille mortelle demandée par le gouvernement du pays d'origine put réchauffer les relations diplomatiques avec ce pays, comme dans le cas de la Vénus hottentote. Les États-Unis, la Suisse, le Royaume-Uni, le Danemark ou l'Argentine ont commencé à restituer des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Il serait incompréhensible que la France restât à l'écart de cette dynamique...
J'approuve totalement que l'on retienne comme critère principal le fait que cette demande émane des autorités gouvernementales, non de l'une ou l'autre des tribus. Attribuer sans discernement ces restes humains risquerait de réactiver les conflits ethniques ou revendicatifs.
La création d'une instance internationale chargée de se prononcer sur le bien-fondé des demandes de restitution des dépouilles humaines serait bienvenue. Indépendante, elle serait composée de personnalités et d'experts et pourrait être rattachée à l'ONU ou à l'Unesco. Il ne s'agit plus là de défendre une oeuvre d'art relevant du droit patrimonial d'un État mais d'assurer le respect et la dignité universellement reconnus à l'ensemble de l'humanité.
Puisqu'il s'agit de respect et de dignité, il paraît utile de faire le point des questions juridiques soulevées par les demandes de restitution. Certains chercheurs et anthropologues soutiennent que les lois bioéthiques, que les articles 16 à 16-9 du code civil ne concernent que la personne vivante et la protègent, par exemple, contre les expérimentations ou le trafic d'organes. Il est vrai que seule la personne vivante est un sujet de droit. Mais il semble qu'ils aient oublié la récente jurisprudence relative à l'exposition, à l'Espace Madeleine, de l'anatomie de dix-sept cadavres d'origine chinoise. Cette exposition a été interdite en référé par le tribunal de grande instance de Paris, jugement confirmé en appel. Le juge a estimé que cette exposition portait une atteinte illicite au corps humain, que la mise en scène déréalisante des corps manquait de décence et qu'enfin, la place assignée par la loi aux cadavres était le cimetière. En votant la loi du 19 décembre 2008, nous avons dit que le respect dû au corps humain ne cessait pas avec la mort et que les restes des personnes décédées devaient être traités avec respect, dignité et décence.
On ne peut donc dire que les restes humains sont des objets de musée comme les autres. Leur place n'est pas derrière une vitrine mais dans un cimetière. Au regard des dimensions identitaires, symboliques, diplomatiques de cette affaire, il faut faire droit à la demande de restitution de la Nouvelle-Zélande des têtes maories. Laissons-les repartir en paix sur leur terre natale, une terre qui les attend afin de les inhumer dignement, dans le respect des rites ancestraux. Puissions-nous un instant laisser résonner en nous la voix du peuple maori dont un des anciens proverbes dit : « La terre est une mère qui ne meurt jamais ». (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Odette Terrade. - J'interviens en mon nom comme en celui de M. Renar qui, comme moi, a cosigné la proposition de loi de Mme Morin-Desailly. On le sait, les citoyens sont sensibles au respect de la dignité de la personne humaine et opposés à tout ce qui s'apparente à sa marchandisation. On ne peut s'interroger sur la vie sans questionner le rapport des vivants à la mort. Notre assemblée s'honore donc en permettant la restitution des têtes maories qui, rappelons-le, ont été apportées dans notre pays dans un contexte colonialiste et raciste où les peuples non occidentaux étaient considérés comme inférieurs. Ces têtes pourront ainsi être inhumées dignement et dans le respect des rites funéraires du peuple maori.
Le respect des dépouilles mortelles a partout et profondément contribué à humaniser les sociétés et à civiliser les hommes. Il y a dans la mythologie grecque des croyances et des lois non écrites qu'on ne saurait transgresser. Souvenons-nous d'Antigone qui, au péril de sa vie, rend les honneurs funèbres à son frère malgré l'interdiction de Créon. Quel plus beau symbole de la nécessité ontologique d'offrir une sépulture digne aux défunts ?
Le débat éthique et juridique suscité par la décision du conseil municipal de Rouen témoigne du retard de notre réflexion sur ces questions. Notre groupe souhaite l'application de la procédure de déclassement de biens appartenant aux collections publiques, introduite dans la loi Musées de 2002 mais restée lettre morte. Nous avons perdu beaucoup de temps. Tout en confortant la portée du principe d'inaliénabilité, nous devons disposer de critères clairs en cette matière. Dans la mesure où on ne peut réduire les restes humains à de simples objets de collection et dès lors que prime l'approche éthique, nous jugeons très pertinent d'ouvrir la nouvelle commission à des personnalités qualifiées comme à des représentants de l'État et des collectivités territoriales et à des parlementaires. Nous serons très attentifs à l'application de l'article 4 et au travail de cette commission. Alors que de nombreux musées américains, australiens et européens ont déjà accepté la demande légitime de la Nouvelle-Zélande, la France doit d'urgence clarifier sa position sur le statut des biens issus du corps humain. Après le précédent de la Vénus hottentote, il y a sept ans, et le débat d'aujourd'hui, il faut que nos musées puissent répondre sereinement à de nouvelles demandes de restitution ; nous ne pouvons plus légiférer au cas par cas.
Permettre que les morts reposent en paix n'est-il pas une condition pour que les vivants eux-mêmes vivent en paix ? La question est universelle. Nous avons tous des ancêtres communs.
Le groupe CRC-SPG est favorable à la restitution des têtes maories et l'est d'autant plus qu'il a toujours plaidé pour le dialogue et les échanges interculturels. Je me réjouis pour le peuple maori qui pourra enfin donner à ses ancêtres une sépulture conforme à sa culture et à sa tradition. Nous voterons ce texte, qui nous donne des responsabilités nouvelles à l'égard des morts comme des vivants.
M. Richard Tuheiava. - Ce texte très court est porteur d'un thème crucial pour le patrimoine national. En tant que Polynésien, intimement lié à la cause des maoris, qu'on dit chez nous nos cousins, je suis profondément sensible au sujet qui nous réunit ; il est ici question d'éthique, de dignité humaine, de diversité culturelle, de respect des croyances du peuple maori du « pays du long nuage blanc » autrement appelé Nouvelle-Zélande. Il est question aussi de cette sacralité commune à tous les peuples océaniens, dont Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Je défends moi-même l'inscription au patrimoine mondial du site Taputapuatea qui est, pour les Maoris, le dernier lieu de repos des âmes de leurs ancêtres.
A l'annonce de l'examen de cette proposition de loi, je n'ai pu résister à l'impérieux réflexe protocolaire de prendre l'attache de nos cousins maoris afin de veiller modestement à ce que le texte soit conforme à leurs souhaits. C'est bien le cas -j'imagine que mes collègues de l'Union centriste en étaient déjà persuadés... Je n'ai pas plus résisté à aller visiter, avant-hier, le musée d'histoire naturelle de Rouen et sa réserve afin de mieux comprendre les enjeux. J'ai rencontré madame la députée-maire qui m'a assuré de la détermination de son conseil municipal, au sein duquel siège notre collègue Mme Catherine Morin-Desailly, à voir aboutir la démarche de restitution. Je veux saluer ici le courage et l'audace des équipes municipales d'avant et d'après 2008, qui ont permis de lancer le débat et, si j'ose dire, de relancer le pavé dans la mare. Mme Morin-Desailly a rappelé ce qu'étaient la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ratifiée par la France en 2007, et le code de déontologie du Conseil international des musées.
Par solidarité envers nos cousins du Pacifique, par conviction traditionnelle profonde, par souci d'éthique, je voterai cette proposition de loi, non sans avoir présenté quelques amendements modestes. Au-delà d'un texte de circonstance, nous devons poser la question de l'état de notre droit positif en matière de restes du corps humain. La France ne pourra plus traiter au cas par cas les demandes de restitution, sauf à se trouver en difficulté face aux instruments internationaux. Il nous faudra repenser notre législation et trancher clairement le débat juridico-culturel qui s'ouvre, en évitant toute considération qui trahirait encore, en filigrane, un passé colonial. (Applaudissements)
M. Louis Duvernois. - Je m'associe aux orateurs précédents pour vous souhaiter la bienvenue, monsieur le ministre.
Le respect dû aux croyances d'un peuple nous amène à examiner une proposition de loi autorisant la restitution à la Nouvelle-Zélande des têtes maories détenues par les musées français. Les têtes humaines tatouées et momifiées sont une tradition du peuple maori pour qui elles revêtent un caractère sacré. Avant l'arrivée des Européens, les chefs maoris étaient tatoués selon des codes très précis, à la fois sociaux et religieux, relevant de la tribu à laquelle ils appartenaient. Lorsque l'un d'entre eux mourait au combat, sa tête était conservée et exposée dans un endroit consacré à sa mémoire. Jusqu'au moment où l'on estimait que l'âme du défunt était partie. La tête était alors inhumée près de son village. Les Européens, entrés au contact de ces populations au XVIIIe siècle, furent fascinés par ces têtes ornées et en rapportèrent quelques-unes en Europe. La demande des collectionneurs fut telle qu'un commerce s'instaura entre les Maoris et les Européens. La raréfaction rapide des têtes donna lieu à des supercheries : certains Maoris n'hésitèrent pas à tatouer des esclaves puis à les exécuter pour obtenir des têtes. La révélation publique de ces pratiques suscita en Angleterre un scandale tel qu'une loi de 1831 interdit le commerce des têtes entre la Nouvelle-Zélande et l'Australie.
Le peuple maori représente aujourd'hui 600 000 personnes. Depuis les années soixante, le gouvernement néo-zélandais soutient la culture maorie avec des mesures de restitutions de terres et d'indemnisation des tribus spoliées. Il a également mis en place un programme de rapatriement et d'identification des têtes coupées, en vue de leur restitution aux tribus. Ces restes humains recevront ainsi une sépulture conforme aux rites et traditions de leurs communautés d'origine.
Répondant à cette démarche, de nombreux pays ont restitué les têtes maories qu'ils détenaient : 322 restes humains ont été restitués, sur un total estimé à 500. En France, la ville de Rouen a été la première à restituer une tête détenue par son muséum. Mais cette restitution a eu lieu alors que le tribunal administratif en avait décidé autrement, invoquant l'inaliénabilité des biens constituant les collections des musées de France. Cette affaire révéla un certain vide juridique. L'initiative de Mme Morin-Desailly vient clore ce débat.
Sa proposition de loi compte de nombreux cosignataires, dont je suis, et je me réjouis que notre ordre du jour ait permis d'en inscrire la discussion aujourd'hui. Il s'agit d'appliquer un principe reconnu par le droit international : le respect de la dignité humaine et de la culture d'un peuple. Comme l'a dit notre rapporteur, la restitution des têtes maories est un geste éthique. Les opposants à la restitution font valoir que ces restes peuvent présenter à l'avenir un intérêt scientifique. Certains conservateurs de musée justifient le maintien de ces têtes au sein de nos collections par leur valeur de témoignage historique. Mais la crainte principale est que l'existence d'un précédent ouvre la voie à une fuite des pièces des collections nationales.
Il faut tenir compte de cet aspect. Pour cette raison, la proposition de loi se garde de donner une réponse législative générale et définitive à la question de la restitution de restes humains. La demande de restitution constitue un cas très particulier. Celle-ci ne devient pas automatique ; elle n'est autorisée que pour le cas maori.
Le sujet appelle une réflexion d'ensemble sur la restitution de restes humains, qui doit être menée en premier lieu par les responsables des musées. Nous réglons aujourd'hui un cas d'espèce ; espérons que le Parlement ne soit pas contraint de légiférer prochainement sur des cas semblables.
Je salue le travail de notre rapporteur Philippe Richert, qui s'était déjà impliqué en 2002 dans le débat législatif pour la restitution des restes de la Vénus hottentote. Un amendement adopté par la commission réactive la procédure de déclassement instituée en 2002. Il modifie la composition et les missions de la commission scientifique nationale afin de la rendre vraiment opérationnelle. Cette commission devra définir d'ici un an une doctrine générale en matière de déclassement et de cession. Ces dispositions sont utiles car la loi de 2002 permettant le déclassement des biens culturels, et donc leur restitution, n'a pas trouvé d'application.
Bien évidemment, le groupe UMP votera cette proposition de loi ainsi amendée. (Applaudissement à droite et au centre)
Mme Marie-Christine Blandin. - Cette proposition de loi repose sur un élan éthique, qui honore la ville qui en a pris l'initiative et l'auteur du texte, et qui invite à l'approbation.
Ce débat s'inscrit dans la lignée du texte de 2002 sur la restitution à l'Afrique du sud de la dépouille de Sartjiee Bartmann. Un débat préalable avait mis en avant l'inaliénabilité des collections des musées -article L. 52 du code du domaine de l'État- et en même temps la loi bioéthique de 1994 qui dispose que « le corps humain ne peut faire l'objet d'un droit patrimonial ». Malgré cela et malgré les demandes de l'Afrique du sud, ni le ministère, ni les musées n'avaient donné suite, et nous avons dû légiférer. Le ministre de la recherche plaida que l'on « rende justice à cette femme qui a été l'objet, durant et après sa vie, comme Africaine et comme femme, de tant d'offenses procédant du colonialisme, du sexisme et du racisme, qui ont longtemps prévalu ».
Il n'est pas inutile de rappeler ici le rapport à l'Académie de médecine, présenté par Cuvier concluant « les races à crâne déprimé et comprimé sont condamnées à une éternelle infériorité ». Ce n'est qu'en janvier 2008 que j'ai enfin pu faire éradiquer, avec le soutien de la commission des affaires culturelles, le mot « race » d'un texte de loi sur l'audiovisuel, le Sénat se montrant en avance sur l'autre chambre. Je n'ai pas encore réussi pour le texte de la Constitution, mais je ne perds pas espoir.
L'autre texte qui nous fait héritage est la loi sur les musées de 2001. On y avait senti vaciller l'inaliénabilité, par l'installation dans le paysage de la notion de déclassement, par l'arrivée aussi d'un amendement de l'Assemblée nationale préconisant un délai de trente ans avant classement. D'autres événements, dans un contexte de tension du marché et de rareté des subventions publiques, ont laissé se développer la notion de rentabilité des institutions culturelles, au travers de la vente de leur marque à l'international, et de prêt d'oeuvres aux limites du leasing. C'est dans ce contexte qu'il faut entendre ceux qui nous invitent à la vigilance sur l'inaliénabilité et que notre commission n'a pas souhaité étendre les possibilités de déclassement.
Mais pour ce qui est des têtes maories, comme de tout reste humain faisant sens pour un peuple le revendiquant au nom de ses moeurs et de sa culture, et particulièrement au nom du respect dû aux ancêtres, nous sommes résolument favorables à ce que notre pays et ses musées rendent avec dignité ce que l'histoire, l'emprise d'un peuple sur un autre ou les goûts douteux de collectionneurs ont enlevé à leur pays d'origine.
Le tatouage du visage des chefs maoris, le moko, était une fierté et une épreuve : entailles au couteau en os, puis application de suie de l'arbre de gomme ou de chenilles carbonisées ; il fallait tout le rite et la cérémonie, les chants et les cataplasmes de feuilles pour que le jeune homme y résiste. La souffrance était telle qu'on le nourrissait avec un entonnoir en bois. Les esclaves que l'on tatoua en simulacre de chef pour vendre leur tête n'eurent eux, que la souffrance, sans les honneurs.
Les Maoris sont vivants, reconnus et actifs en Nouvelle-Zélande, et dans l'ensemble polynésien. Ils siègent dans les instances officielles. Le 20 avril 2009, ils ont accompagné à l'Assemblée générale des Nations Unies Helen Clark par une cérémonie de chants et de danses rituels, le powhiri. Helen Clark a été Premier ministre de Nouvelle-Zélande de 1999 à 2008. Travailliste, elle avait donné priorité à l'accès au logement, à la protection de la biodiversité, à la santé publique, à l'égalité des sexes et aux liens entre les Maoris et les Pakeha, les Européens.
C'est dans cet esprit de liens et de respect que nous sont demandées les têtes maoris et c'est pour nous un devoir moral et historique que de construire rapidement les conditions de leur retour. C'est pourquoi nous soutiendrons ce texte, resté dans son épure éthique initiale. (Applaudissements unanimes)
Discussion des articles
Article premier (Texte modifié par la commission)
A compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, les têtes maories conservées par des musées de France cessent de faire partie de leurs collections pour être remises à la Nouvelle-Zélande.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Tuheiava.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Cette restitution devra se faire dans un délai maximum de 6 mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
Amendement n°3, présenté par M. Tuheiava.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Cette restitution devra se faire dans un délai maximum d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente
M. Richard Tuheiava. - Le texte ne donne aucun délai pour la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande.
Il convient donc de prévoir un délai maximum de six mois : sans date butoir, cette proposition de loi perdrait de sa crédibilité. De plus, l'absence de délai permettrait d'éventuelles mesures dilatoires pour vider la loi de sa substance.
L'amendement n°3 est un amendement de repli ; il prévoit un délai d'un an, sollicité par la commission, pour permettre le dépôt d'un rapport au Parlement.
M. Philippe Richert, rapporteur. - Initialement, je souhaitais instaurer un délai limite d'une ou de deux années. Mais nous sommes allés voir l'ambassadrice de Nouvelle-Zélande à Paris et elle nous a demandé de ne pas prévoir de délai : elle a en effet souligné que les cérémonies qui doivent précéder l'accueil des ancêtres et le rapatriement des têtes prendront sans doute plus de temps que prévu. Il est donc préférable de ne pas prévoir de dates butoir pour donner toute liberté aux tribus de réintégrer leurs ancêtres.
Pour éviter qu'un musée ne déclasse mais ne rende pas, nous avons rappelé dans l'article premier que le but est bien de rendre les têtes maories à la Nouvelle-Zélande.
Je souhaite donc le retrait de ces deux amendements.
Les amendements nos2 et 3 sont retirés.
L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2, 3 et 4.
Intitulé de la proposition de loi
M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Tuheiava.
Dans l'intitulé de la proposition de loi, après les mots :
têtes maories
insérer les mots :
à la Nouvelle-Zélande
M. Richard Tuheiava. - Il convient de préciser que c'est bien la Nouvelle-Zélande qui bénéficiera de la restitution des têtes maories. Loin d'être superfétatoire, une telle précision est nécessaire pour clarifier le périmètre d'application de cette proposition de loi.
L'amendement n°1, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté et l'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
Vote sur l'ensemble
Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la proposition de loi. - J'ai été sensible aux interventions de mes collègues, et particulièrement à celle de M. Tuheiava.
Je tiens également à remercier M. le ministre, pour sa compréhension et sa sensibilité, et M. le rapporteur, qui a utilement amendé ma proposition de loi, notamment en spécifiant que les têtes maories seront déclassées des collections et qu'elles seront restituées à la Nouvelle-Zélande.
Bien que M. Tuheiava ait retiré ses amendements sur les dates butoir, nous serons particulièrement attentifs à ouvrir les portes de nos musées dès que la Nouvelle-Zélande sera prête. Cette démarche n'a en effet de sens que si elle va jusqu'au bout. (Applaudissements)
La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.
(Applaudissements)
M. Frédéric Mitterrand, ministre. - Je veux tout d'abord remercier chaleureusement Mme Morin-Desailly à qui l'on doit l'initiative de cette proposition de loi et qui doit, ce soir, se sentir récompensée de ses convictions et de l'engagement moral qu'elle avait pris à l'égard de la communauté mahoraise. Je remercie également M. Richert pour la qualité de ses travaux.
On ne construit pas une culture sur un trafic, sur un crime. Disant cela, je pense notamment aux esclaves victimes de cet horrible commerce. En revanche, on construit une culture sur le respect et sur l'échange, sur une véritable pratique de la mémoire, sur le respect des procédures et des lois.
Je vous sens émue, madame Morin-Desailly, et nous partageons votre émotion.
Une observation beaucoup plus frivole : le mot inaliénabilité est décidément difficile à prononcer (Rires et applaudissements)
La séance est suspendue à 19 h 10.
présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président
La séance reprend à 21 h 30.
Reduction de l'ISF au profit des PME (Proposition de loi)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'efficacité de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises, présentée par M. Jean Arthuis.
Discussion générale
M. Jean Arthuis, auteur de la proposition. - Face à la crise, les entreprises ont besoin de capitaux. Depuis octobre dernier, le Gouvernement n'est pas resté inactif : un projet de loi de finances rectificative a contribué au refinancement des banques ; les moyens d'Oséo ont été accrus ; la baisse du taux de centralisation du livret d'épargne populaire et la décentralisation complète du livret de développement durable ont dégagé 17 milliards d'euros pour le financement des PME ; le remboursement anticipé des acomptes d'impôt sur les sociétés, des créances de report des déficits et du crédit d'impôt recherche a soulagé la trésorerie des entreprises d'environ 10 milliards d'euros ; des mécanismes de complément d'assurance crédit ont été mis en place.
Nous mesurons actuellement toute l'utilité de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des investissements dans les PME, promesse de campagne du Président de la République adoptée dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa) du 21 août 2007. Grâce à ce dispositif, les contribuables peuvent obtenir une réduction d'impôt de 75 %, dans la limite de 50 000 euros, en investissant directement ou au travers de holdings au capital de PME européennes. Pour les souscriptions dans des fonds de capital investissement, l'avantage s'élève à 50 % des versements dans la limite de 20 000 euros.
Selon les premiers chiffres communiqués par Bercy, 1,1 milliard d'euros ont été investis en 2008 : 500 millions en investissements directs, 130 millions au travers de holdings, 359 millions au travers de fonds d'investissement de proximité (FIP), 167 millions au travers de fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et 7 millions au travers de fonds communs de placement à risques (FCPR). La collecte de 2009 devrait se révéler moins fructueuse du fait de la baisse du produit de l'ISF et de l'aversion au risque de nombreux investisseurs. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des indications sur ce point ? Un tel apport de fonds propres reste cependant très appréciable, et il assure un effet de levier en aidant les PME à obtenir des crédits.
La proposition de loi s'inscrit dans le droit fil de ces mesures. Mon but n'est pas d'attaquer une profession ou de nuire à quiconque mais d'accélérer l'arrivée dans les entreprises des sommes collectées : selon l'instruction fiscale applicable, ces dernières disposent de trente mois pour atteindre le quota légal d'investissement. Un tel délai est excessif au regard de l'importance de l'avantage fiscal sur lequel s'appuient les fonds pour collecter des souscriptions. J'ai donc proposé de réduire à six mois le délai laissé aux souscripteurs pour investir dans les entreprises éligibles, d'étendre cette éligibilité aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) et d'encadrer la rémunération des gestionnaires de fonds. Albéric de Montgolfier présentera, au nom de la commission des finances, un amendement visant à améliorer la transparence de cette rémunération.
Le texte adopté par la commission atteint un point d'équilibre satisfaisant et respecte mon objectif principal : le soutien au financement de nos PME. Le délai d'investissement a été réaménagé et le champ de la mesure étendu à l'ensemble des fonds communs de placement à risques, la commission proposant de ne viser que ceux permettant à leurs souscripteurs de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu de 25 %.
Toutefois, je regrette la disparition des dispositions relatives aux ETI, décidée par la commission sur proposition du Gouvernement. La loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008 avait introduit dans notre droit cette catégorie d'entreprises sur l'initiative de notre collègue Laurent Béteille, corapporteur du texte, et avec le soutien de Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Le décret d'application du 18 décembre 2008 indique que la catégorie des entreprises de taille intermédiaire (ETI) est constituée des entreprises qui n'appartiennent pas à la catégorie des PME, qui emploient moins de 5 000 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 1 500 millions d'euros ou dont le bilan ne dépasse pas 2 000 millions.
Ces entreprises se situent dans un entre-deux : n'appartenant pas à la sphère des PME, elles sont très souvent immergées dans la compétition internationale sans disposer de la puissance financière des grands groupes. La relative faiblesse de son tissu d'ETI est précisément un des points faibles de l'économie française. Parmi ces 4 600 entreprises -selon l'évaluation d'Albéric de Montgolfier- se trouvent potentiellement les champions de demain, ceux-là même que la France, dont le CAC 40 se renouvelle si peu, peine à faire émerger. Il aurait été bienvenu de leur donner un coup de pouce, d'autant qu'elles subissent les conséquences de la crise actuelle.
Madame la ministre, vous avez sans doute eu raison d'insister car nous nous trouvons ici à la lisière du droit communautaire, mais le rôle du Parlement est de mettre en évidence des préoccupations fondamentales. Pouvez-vous demander à la commission de Bruxelles de desserrer son étau ? La limitation du champ des PME à moins de 250 employés et à un chiffre d'affaires de moins de 50 millions d'euros ou à un bilan de moins de 43 millions cantonne ces entreprises dans une catégorie qui restreint le potentiel de notre économie. Cette proposition de loi aurait pu être l'occasion d'interpeller directement la commission, mais je compte sur vous pour faire changer Bruxelles de point de vue.
Pour l'heure, je forme le voeu que le Sénat vote cette proposition de loi et que l'Assemblée nationale l'examine dans les meilleurs délais. Nombre de PME ont besoin de financement : il est urgent d'agir ! (Applaudissements au centre et à droite)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances. - Auteur de la proposition de loi examinée ce soir, le président Arthuis a très bien décrit les enjeux liés à la réduction de l'ISF instaurée par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (Tepa) d'août 2007. Ainsi, les 640 millions de dépenses fiscales à la charge de l'État ont orienté plus de 1,1 milliard d'euros vers le financement des PME en 2008. A l'instar de M. Ricol, médiateur du crédit, de nombreuses personnalités ont souligné devant notre commission que les PME avaient particulièrement besoin de capitaux propres.
Votre commission des finances a notoirement la culture de l'évaluation. Elle est à l'origine de l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, limitant toute nouvelle dépense fiscale aux quatre années suivant son entrée en vigueur.
Mme Nicole Bricq. - Nous la rappellerons à propos de la TVA dans la restauration !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - De même, il conviendra d'examiner la contribution effective de la « réduction d'ISF-PME » au développement économique. Encore jeune et prometteur, ce dispositif à toutefois besoin de stabilité dans l'immédiat.
Bouleverser son économie générale n'est d'ailleurs pas l'objet d'une proposition de loi dont le texte initial comportait trois mesures essentielles : l'extension du dispositif aux entreprises de taille intermédiaire ; l'accélération sensible de l'investissement des fonds dont les souscripteurs bénéficient de réductions d'ISF, puisque ces fonds disposeraient de six mois et non de trente pour atteindre le quota d'investissement dans des PME éligibles de moins de cinq ans ; l'encadrement des frais et commissions prélevées par les gérants des fonds, afin d'éviter les abus.
En commission, j'ai exprimé ma convergence de vues avec les objectifs de l'auteur. La majorité de la commission était du même avis, puisqu'elle a voté ce texte après quelques modifications mineures.
Tout d'abord, la commission n'a pas pu maintenir l'extension du dispositif aux investissements dans le capital des entreprises de taille intermédiaire, parce qu'un tel élargissement aurait pu diluer les versements destinés aux PME -dont la situation est souvent plus précaire- et surtout, parce que cette mesure paraissait peu compatible avec le droit européen. Il aurait au moins fallu obtenir l'autorisation de la Commission européenne, ce qui aurait sans doute exigé de longues négociations alors qu'il y a urgence.
Le raccourcissement du délai d'investissement forme le coeur de la proposition de loi. Votre commission a voulu accélérer sensiblement l'arrivée dans les entreprises des sommes recueillies par les fonds de capital investissement, mais aussi prendre en compte le temps exigé par l'analyse des dossiers et par la négociation avec les entreprises en donnant six mois aux fonds pour respecter la moitié de leur quota d'investissement dans les PME de moins de cinq ans, la totalité du quota devant être atteinte en douze mois. En outre, la commission a suivi M. Arthuis pour étendre ces nouveaux délais à l'ensemble des fonds communs de placements à risques, tout en sachant que la rédaction de l'article additionnel devrait être améliorée en séance publique, ce que je vous proposerai grâce à un amendement. Par cohérence, l'intitulé du texte est devenu : « Proposition de loi visant à renforcer l'efficacité des avantages fiscaux au profit de la consolidation du capital des PME ».
Enfin, j'ai souhaité encadrer la rémunération des gérants de holdings, de la même façon que celle des gérants de fonds, ce que la commission a accepté en ajoutant une disposition à l'article premier.
Je vous propose donc d'adopter ce texte, sous le bénéfice de quelques amendements.
Le premier précise le point de départ des délais de six et douze mois dont disposeront les fonds : le compte à rebours commence au moment où les fonds disposent réellement de l'argent des souscripteurs.
Ensuite, l'article premier bis doit être amélioré afin que les délais restreints d'investissement s'appliquent exclusivement aux fonds permettant à leurs souscripteurs de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu égale à 25 % de leur investissement.
Enfin, il faut renforcer les obligations de communication pesant sur les holdings ISF.
De façon générale, il faut combattre les abus qui pervertissent l'esprit de la réduction d'ISF instaurée par la loi Tepa car l'imagination des conseillers en investissement nous fait parfois sortir du cadre, c'est-à-dire d'opérations économiques accompagnées d'un certain risque. L'esprit de la réduction est-il respecté lorsque l'on investit dans la production d'électricité photovoltaïque en Espagne ?
Je compte sur le Gouvernement pour traquer les abus et les sanctionner, ce qui encouragera l'action des véritables holdings ISF, qui investissent dans la valeur ajoutée de la France de demain ! (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. - Je remercie le président Arthuis, grâce à qui nous abordons ce soir une disposition phare de la loi Tepa puisqu'elle a orienté 1,1 milliard d'euros vers les PME en 2008. Nous devrons attendre la deuxième quinzaine de juillet pour connaître la collecte de cette année, puisque la date limite était fixée au 15 juin.
Je remercie aussi M. Arthuis pour la qualité de son travail et pour l'animation des débats en commission. J'associe à ces propos M. de Montgolfier pour son excellent rapport et la présentation limpide qu'il vient de faire.
Prolongeant l'action conduite jusqu'ici par le Gouvernement en faveur des PME, je suis heureuse de contribuer aujourd'hui à renforcer leurs fonds propres.
Introduit par la loi de modernisation économique, le statut de l'auto-entrepreneur a connu un succès dont l'ampleur montre que l'esprit d'entreprise n'est pas mort en France, même si d'aucuns y voient un palliatif au chômage, les deux explications n'étant d'ailleurs pas incompatible. Au rythme des 200 000 auto-entrepreneurs inscrits en six mois, plus de 300 000 personnes lanceront en 2009 leur propre activité sous ce statut. Laurent Wauquiez et Hervé Novelli réuniront le 7 juillet les fonds de formation professionnelle pour s'assurer qu'ils conservent les très petites entreprises parmi leurs cibles, car elles ont parfois du mal à accéder aux formations.
Le renforcement des fonds propres de nos PME constitue le deuxième axe de l'action du Gouvernement, car les entreprises doivent savoir comment bénéficier des sommes collectées par les fonds. Je suis donc heureuse que la Caisse des dépôts et Oséo aient créé le site appuipme.fr, qui simplifie la recherche de fonds d'investissement par les PME. Ce site complète capitalpme.oseo.fr, parfois appelé « Meetic des entreprises ». Un tour de France des forums « appui-PME » est en cours. Il se déroule aujourd'hui au Centre international de communication avancée (Cica) de Sophia-Antipolis.
J'en viens à la trésorerie des entreprises. Dans ce domaine, Oséo joue un rôle de premier plan, avec une capacité de cofinancement supérieure à 2 milliards d'euros, outre les 2 milliards disponibles pour les garanties classiques. Ces dispositifs fonctionnent, largement au bénéfice des petites et moyennes entreprises.
Dans le même esprit, les délais de paiement interentreprises ont été raccourcis à soixante jours par la loi de modernisation de l'économie, et même à trente jours dans le secteur public, les marchés publics de l'État donnant lieu à des avances majorées de 20 % cette année.
Nous avons également accéléré les remboursements de trésorerie par l'État.
Crédit d'impôt recherche, remboursement de TVA et autres reports sont venus améliorer la trésorerie des PME, qui subissent la crise.
M. Jean Arthuis, auteur de la proposition. - Oui !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Le complément d'assurance crédit public a été renforcé par CAP Plus et par CAP Export, car il était indispensable de compenser les carences des assurances export traditionnelles.
Le délai de mise à disposition des fonds est de trente mois. Je me réjouis que nous puissions parvenir à un meilleur équilibre. René Ricol a signé une convention avec la Caisse des dépôts, la Fédération bancaire française, la Fédération des sociétés d'assurances, Oséo, le Fonds stratégique d'investissement, l'Association française des investisseurs en capital et l'Association française de la gestion financière afin de réduire les délais -le médiateur du crédit sait détecter les défaillances. Cependant, ces délais doivent rester suffisants pour que les investisseurs n'aient pas à hâter leurs choix, car ils se cantonneraient alors aux secteurs les moins risqués.
Nous reviendrons, dans la discussion des articles, sur le plafonnement des frais de gestion des fonds et des holdings. S'agissant des cibles éligibles, vous proposiez d'élargir le bénéfice du dispositif aux entreprises de taille intermédiaire. C'est probablement prématuré en regard du droit communautaire et je vous remercie d'en avoir pris note. Je prends néanmoins votre suggestion comme un encouragement très vif...
M. Jean Arthuis, auteur de la proposition. - Très vif...
Mme Christine Lagarde, ministre. - ...à porter le débat au niveau européen. Je me suis engagée dès 2005 dans le combat pour le Small Business Act et il m'a fallu convaincre pour obtenir en 2007 qu'on réserve aux PME une part des commandes publiques. Je ne doute pas que nous ne parvenions à persuader de la nécessité de construire les champions de demain qui, sans nécessairement se substituer aux sociétés du CAC 40, joueront dans la cour européenne et résisteront à la concurrence mondiale. J'ai bon espoir que le statut des entreprises de taille intermédiaire, si chères à M. Gattaz, pourra être étendu au niveau européen et que l'on aura un ISF-ETI.
Les mesures que vous proposez sont pertinentes et efficaces. Nous avons besoin d'efficacité et de rapidité et les PME jouent un rôle déterminant dans notre économie et contre la crise. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Nicole Bricq. - Cette proposition s'inscrit dans un contexte bien différent de celui qui caractérisait la loi Tepa. Le grand vent de l'allégement des charges soufflait alors, la défiscalisation était censée amener la compétitivité et la croissance se nourrir de la dérégulation financière fondée sur l'illégitimité présumée de l'impôt direct, le tout devant profiter, quel paradoxe !, à ceux qui ne bénéficiaient pas des réductions d'impôts. C'est que, comme dans un cercle vertueux, la défiscalisation allait nourrir les investissements, gonfler la croissance et développer l'emploi... Tel n'est pas le cas car la dérégulation financière a entraîné la grave crise que nous connaissons.
L'impôt est légitime quand l'État sait se procurer des recettes suffisantes pour couvrir ses dépenses et compatibles avec les capacités contributives des citoyens. Or cette double condition n'est toujours pas remplie. Nous avons besoin de recettes fiscales et d'équité dans leur prélèvement et nous devons cesser d'accorder remboursements et exonérations. Les valeurs qui dominaient depuis les années 80 sont en perte de vitesse ; il nous faut une nouvelle donne fiscale et j'aimerais que le prochain budget en soit l'occasion. Cette proposition de loi paraît bien décalée par rapport à l'urgence et ce qui n'était guère légitime hier l'est encore moins aujourd'hui.
Sans me lancer dans une défense et illustration de l'ISF, je dois constater qu'il est le dernier rempart contre une fiscalité entièrement tournée vers la rente -on est loin du « travailler plus pour gagner plus ». Depuis une dizaine d'années, les allégements successifs de l'impôt sur la fortune ont été à l'encontre d'une fiscalité dynamique. La liste est longue depuis 2003, du taux devenu proportionnel, et non plus progressif, à l'abattement sur les donations, en passant par l'exonération des plus-values immobilières au-delà de huit ans, celle de la résidence principale, et jusqu'à la loi Tepa de 2007, présumée améliorer le financement des PME et complétée par la loi de modernisation de l'économie.
On présente ce malheureux ISF comme un archaïsme français. Le Conseil national des prélèvements obligatoires sur le patrimoine des ménages a pourtant montré qu'il existe ailleurs, non plus au niveau national mais au niveau local : en Suisse, au niveau des cantons, aux États-Unis, au niveau des municipalités et des comtés, dont il est la principale ressource.
M. Jean Arthuis, auteur de la proposition. - Le foncier bâti...
Mme Nicole Bricq. - C'est la council tax en Grande-Bretagne, la property tax au Canada...
M. Jean Arthuis, auteur de la proposition. - Les impôts locaux, c'est bien !
Mme Nicole Bricq. - Il est présenté comme un impôt sur la fortune !
Au Danemark, la suppression de l'ISF s'est accompagnée du relèvement de l'imposition sur les plus-values mobilières. Nous pourrons revenir sur ce sujet lorsque la majorité présentera sa fumeuse trilogie « bouclier fiscal, ISF, impôt sur le revenu ».
M. Jean Arthuis, auteur de la proposition - Nous ne sommes pas loin de partager votre analyse. Nous avons demandé au ministère de nous fournir des simulations sur la mise en oeuvre du « triptyque ». Le barème de l'impôt sur le revenu ne pourra pas être relevé au-dessus d'un certain niveau, mais si l'ISF est abrogé, il faudra revoir l'imposition sur les plus-values : cela fera partie de notre proposition de loi.
Mme Nicole Bricq. - Toujours est-il que de loi de finances en loi de finances, l'imposition sur les plus-values mobilières est devenue insignifiante : toutes sont désormais soumises à un prélèvement libératoire fixé à un niveau très bas.
Ce soir, nous débattons plus précisément d'une mesure inscrite dans la loi Tepa qui tend à dévier une partie du produit de l'ISF vers le financement des PME. Cette proposition de loi révèle le malaise de la majorité devant l'inefficacité de ce dispositif. Mais elle ne porte que sur la moitié des sommes collectées au titre de la loi Tepa, soit environ 600 millions d'euros ; je rappelle que le total des encours de crédits aux PME s'élevait à la fin avril à 234 milliards d'euros... Actuellement, le quota minimal d'investissement pour les FIP, FCPI et FCPR doit être atteint pour la première fois au plus tard lors de l'inventaire de clôture de l'exercice qui suit celui de la constitution des fonds ; le premier exercice pouvant durer dix-huit mois, il peut s'écouler trente mois avant que les fonds collectés soient effectivement investis. La volonté de réduire ce délai -à six mois initialement, à douze mois après l'examen en commission- est sans doute louable, mais l'administration fiscale n'a pas les moyens de contrôler la bonne utilisation des fonds. La gestion de l'ISF s'apparente à celle de l'impôt sur le revenu il y a quarante ans : on utilise encore des tableaux Excel !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Excel n'existait pas il y a quarante ans...
Mme Nicole Bricq. - Le coût de cette réduction d'impôt, qui a attiré 1,1 milliard d'euros vers le financement des PME l'an dernier, dont 375 millions seulement en investissements directs, s'élève à 739 millions d'euros : son efficacité est donc modeste, son coût pour les finances publiques colossal. Des entreprises spécialisées détournent l'esprit de cette mesure en proposant des investissements sans risques : on a vu fleurir ici une publicité pour le vin : « Buvez votre ISF » !, là pour des clubs de vacances partagées...
Le principal argument de la majorité, en 2007, était que l'ISF « bridait » la croissance et encourageait l'expatriation des contribuables. Mais nous ne disposons encore d'aucune donnée chiffrée sur l'incidence de la loi Tepa sur le retour des exilés fiscaux, malgré nos demandes répétées. Quant à la croissance...
Je voudrais d'ailleurs relever une contradiction dans vos propos : vous prétendez que cette réduction d'impôt était l'une des mesures phares de la loi Tepa - Mme la ministre l'a redit tout à l'heure-, M. le président Arthuis considère qu'elle contribue notablement au financement des PME et pourtant, vous voulez supprimer l'ISF. Ce n'est pas sérieux !
Il serait intéressant de dresser le profil sociologique des redevables de l'ISF. D'après les travaux de Thomas Piketty et Camille Landais...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Allons donc !
Mme Nicole Bricq. - Libre à vous d'ironiser mais ce sont les seules études sérieuses dont on dispose sur le sujet. Les redevables de l'ISF sont en majorité des inactifs âgés et riches, qui n'ont pas précisément le profil de grands investisseurs... Leur patrimoine s'élevait à 1 240 000 euros en moyenne en 2008 et se compose principalement de biens immobiliers.
Cette proposition de loi est plutôt inspirée par la mauvaise conscience que par le souci de l'efficacité et de la justice. La Cour des comptes évalue à 39 milliards d'euros le montant des baisses d'impôt consenties depuis quatre ans, auxquelles il faut ajouter les niches fiscales : cet argent aurait pu servir aujourd'hui à aider les ménages et les entreprises à sortir de la crise. La mesure que vous proposez n'occulte pas tout le reste ; c'est pourquoi nous ne la soutiendrons pas. (M. le rapporteur et Mme la ministre feignent la déception)
M. Claude Biwer. - Les PME contribuent grandement à la vitalité de notre économie : l'élu local que je suis constate chaque jour que les commerces, les restaurants, toutes les petites entreprises font vivre nos territoires. Elles représentent aujourd'hui en France 66 % de l'emploi marchand et 56 % de la valeur ajoutée marchande.
Mais elles font face à un problème de financement que la crise a encore aggravé en provoquant un resserrement du crédit. Pour assurer la solvabilité des banques, soutenir les PME et relancer l'activité, diverses mesures conjoncturelles et structurelles ont été prises depuis l'automne dernier. Mais la situation des PME reste préoccupante. Selon un sondage de l'Ifop publié le 11 mars, 80 % des patrons de PME craignent que les conditions du crédit deviennent plus restrictives ; d'après le médiateur du crédit, plus de 90 % des entreprises en médiation sont des TPE ou des PME de moins de 50 salariés.
Nous devons renforcer l'efficacité des dispositifs visant à aider les PME en veillant à la bonne utilisation des deniers publics car une dépense fiscale de 660 millions d'euros se doit d'être efficace. Certains gestionnaires de patrimoine s'évertuent à détourner l'intention du législateur ; nous devons faire en sorte que les mesures votées servent bien l'intérêt général, et non des intérêts particuliers qui se défendent très bien eux-mêmes.
Il ne s'agit pas de remettre en cause un dispositif prometteur, qui profite tant aux redevables de l'ISF -près de 12 % d'entre eux ont ainsi économisé 9 000 euros en moyenne dès la première année- qu'aux PME qui ont bénéficié d'1,1 milliard d'euros de financements supplémentaires. J'ai moi-même un projet d'entreprise et je sais que tous les moyens doivent être employés pour assurer le financement d'activités créatrices de valeurs et d'emplois. Soit dit en passant, je regrette que les PME fondant leur activité sur une société civile immobilière ne soient pas éligibles au dispositif et qu'il leur faille passer par le truchement d'une Sarl ou d'une SA.
Cette mesure bénéficie aussi aux intermédiaires, qui jouent un rôle utile pour drainer vers les PME les investissements des contribuables. Ces derniers ont le choix entre un investissement direct ou indirect ; il serait peut-être judicieux, afin d'éclairer leur choix, de leur fournir une sorte de guide sur le financement direct dans les PME. Les structures d'intermédiation, en particulier les fonds, créent un effet de levier supplémentaire car il faut investir davantage par le biais d'un intermédiaire que directement pour avoir droit à une déduction d'impôt égale. Le fait que les intermédiaires prospèrent n'est pas choquant en lui-même mais il est inacceptable que cette mesure ne serve pas à financer les PME européennes, conformément à son objectif initial.
Il n'est pas acceptable qu'actuellement, le montant des frais et commissions prélevés par les holdings ne soit pas encadré et la proposition de loi y remédie.
Il n'est pas non plus acceptable que les structures d'intermédiation puissent conserver et faire fructifier les montants investis par les contribuables jusqu'à trente, voire quarante-deux mois. Je sais, parce que je suis confronté aux défis que rencontre une PME, en particulier à ses débuts, que le facteur temps est essentiel : trente mois, c'est une éternité dans la vie d'une petite entreprise. La réalisation d'un projet, la prise de risque, parfois la simple survie d'une PME dépendent de la satisfaction d'un besoin de financement ou simplement de trésorerie à un moment donné ; pas trente mois après ! La commission des finances est parvenue à un compromis qui accélère ces délais tout en laissant aux structures d'intermédiation le temps nécessaire pour identifier et évaluer les PME éligibles et, ainsi, bien orienter les fonds des contribuables. Ce compromis est raisonnable et efficace.
C'est le cas de toutes les dispositions de cette proposition de loi qui, parce qu'elle prend en compte les besoins réels des PME, est très opportune. Évidemment, le groupe de l'Union centriste la soutiendra. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Thierry Foucaud. - « Je pense simplement que cette mesure n'est pas prioritaire. Elle pourrait laisser penser que doubler le plafond reviendrait à doubler les fonds qui arrivent dans les PME, alors que l'augmentation serait en fait assez marginale, compte tenu du faible nombre de contribuables concernés ». Ce commentaire, pour le moins critique, sur le doublement du plafond de versement autorisé ne vient pas d'un parlementaire de l'opposition. Il a été prononcé par le Premier ministre lui-même, François Fillon, devant le congrès de la CGPME... Ce que nous dit en fait le Premier ministre, c'est que le dispositif créé par l'article 14 de la loi Tepa n'a pas connu le succès que ses auteurs, dont le Premier ministre lui-même, attendaient. N'en déplaise au Président de la République, dont le discours versaillais de lundi dernier tenait lieu de feuille de route et de déclaration de politique générale du gouvernement FilIon IV, les assujettis à l'ISF sont peu intéressés par le développement des PME : le montant des sommes levées est de 1,1 milliard pour 2008 et 73 200 contribuables l'auraient fait jouer. Cela signifie que, pour plus de 85 % des assujettis à l'ISF, l'affaire n'avait et n'a toujours aucun intérêt. Ces 73 200 contribuables ont donc déclaré, en moyenne, 15 000 euros de dépenses éligibles et ont bénéficié d'une remise d'ISF, toujours moyenne, de 9 000 euros environ. C'est dire, pour aller un peu vite, que l'engagement de chacun de ces contribuables représente quelque chose comme 1 % du patrimoine moyen des redevables de l'ISF, tandis que la remise d'impôt représente, elle, l'équivalent de la cotisation moyenne d'ISF. Soyons clairs et cessons de chanter les louanges d'un dispositif dont doute le chef du Gouvernement lui-même. Cet ISF-PME n'a pas amélioré l'alimentation en fonds propres de nos petites entreprises et il n'a servi, pour quelques contribuables, qu'à se libérer du paiement de l'impôt. Il s'est sans doute trouvé, parmi les 73 200 assujettis concernés -à peu près deux millièmes des contribuables de notre pays !-, quelques personnes suffisamment bien conseillées pour ne consacrer à l'ISF-PME que la somme exactement utile, à l'euro près, pour solder le montant de leur cotisation.
C'est donc bien une niche fiscale, dont la pertinence semble d'ailleurs être remise en cause puisque les versements sont annoncés en baisse pour 2009. L'amoindrissement de la valeur des titres boursiers et des biens immobiliers a entraîné celle des patrimoines imposables, et donc du niveau des cotisations. Et comme la logique mise en oeuvre est celle de la niche fiscale, les versements se sont adaptés aux besoins des contribuables, et pas à ceux des prétendus destinataires de l'investissement. Quand on recherche la mesure fiscale qui, à l'euro près, va dispenser de payer l'ISF, on ne va pas dépenser inconsidérément !
Ce que nous apprend cette proposition de loi est finalement instructif : après quelques ratés à l'allumage -huit mois de décalage entre la promulgation de la loi Tepa et la publication de l'instruction fiscale d'application, par exemple-, le dispositif contribue à la constitution de trésoreries pour les fonds communs de placements divers -FCPR ou FIP, peu importe- sans que les sommes collectées soient rapidement affectées aux PME. Double gâchis de fonds publics, donc, puisque la condition d'affectation ne figurait aucunement dans le texte de la loi Tepa et que le recours aux fonds dédiés suffisait à obtenir la réduction d'impôt.
Donc, nous avons, au moment où nous débattons de cette proposition de loi, des assujettis à l'ISF peu intéressés, des sommes peu contrôlées et des PME peu soutenues, puisque les fonds collectés s'investissent, dans un premier temps, ailleurs que là où on les attendait. Et il faudrait continuer ? Quitte à le faire en rendant plus « efficace » un dispositif coûteux pour les finances publiques et inefficace ? Le groupe CRC-SPG ne le pense pas et propose la suppression pure et simple de l'un des éléments les plus scandaleux et les plus coûteux du paquet fiscal de l'été 2007 !
M. Philippe Adnot. - Cette proposition de loi vise à augmenter la taille des entreprises, à plafonner les prélèvements, à accélérer les investissements et, également, à étendre la mesure aux fonds anciens ordinaires, FCPI ou FCPR. Qui pourrait s'opposer à ces objectifs ? Personne. C'est l'application qui pose problème.
La taille des entreprises éligibles ? Tous les effets de seuil sont nuisibles. Vous avez fait une proposition pour le seuil de 10 mais tous les autres seuils, de 20, 50, 250 demeurent... Comment, dans ces conditions, affronter la concurrence ? Le plafond ne pose pas de problème.
Vouloir accélérer les investissements est louable mais le risque est d'aller à l'encontre du but recherché, l'accélération obligeant à aller vers le moins risqué, vers le moins innovant, éventuellement à l'étranger. Car investir suppose de connaître l'entreprise, son projet, de faire un pacte d'actionnaires, toutes choses qui demandent du temps. Le texte proposé balancerait donc l'investissement vers les entreprises les plus banales.
Le point de départ des trente mois, c'est la constitution du fonds lorsqu'il a l'agrément de l'Autorité des marchés financiers et qu'il a levé 400 000 euros. On demande donc à l'investisseur de s'engager avant de connaître l'ampleur du fonds.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier la nécessité, pour un fonds, de suivre le développement d'une entreprise par différents tours de table. L'AMF interdisant à un nouveau fonds d'intervenir, cela interdit de suivre ce développement. J'attire, madame la ministre, votre attention sur ce point.
L'important, c'est d'être capable d'apprécier les besoins financiers d'une entreprise et de pouvoir la suivre dans le temps. Plus important encore : ce n'est pas la rapidité avec laquelle on investit qui compte, mais la destination des fonds. Ce sont les placements directs qui ont levé le plus d'argent, 500 millions, récupérés à 75 % sans aucun contrôle ni suivi. On a là une consommation maximale des ressources de l'État. Pour les holdings, c'est 75 % de 95 %, sans aucune obligation. On a vu des publicités pour inciter à investir à Londres ou dans le solaire en Espagne, dans des bouteilles de vin, dans des centres de vacances. Là encore, l'optimisation fiscale est maximale. Et pour faire quoi ? Cette situation ne vous choque-t-elle pas, madame la ministre ? Faut-il vraiment continuer dans cette voie ?
De l'autre côté, du côté des fonds intermédiés, les plus vertueux, avec 50 % de 60 %, soit 30 %, l'effet de levier est de trois : un minimum d'argent public, un maximum d'argent pour les entreprises, 100 millions de consommation ISF, 350 pour les PME. Et ce sont ces fonds que la proposition Arthuis va pénaliser plutôt que les placements directs. J'ai un peu de mal à retrouver ici l'intérêt pour la nation et la création de richesses...
Je souhaite donc que la commission regarde mes amendements avec bienveillance...
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Elle les a étudiés !
M. Philippe Adnot. - ...amendements qui n'ont d'autre but que de renforcer l'efficacité de l'argent public. Je conviens qu'il faille réduire les délais, mais l'important est d'investir au bon moment, dans la bonne entreprise, avec le meilleur rapport qualité-coût. La proposition de loi le permet, pourvu que mes amendements viennent la conforter. (M. Gérard Longuet applaudit)
M. Philippe Dallier. - Le groupe UMP a soutenu en son temps le dispositif de la loi Tepa permettant de réduire la cotisation ISF au titre de la souscription au capital des PME, dispositif qui traduisait un engagement de Nicolas Sarkozy et surtout répondait à la difficulté éprouvée par celles-ci de renforcer leur fonds propres et de trouver des financements auprès des banques. Comme l'a souligné le rapporteur, le bilan de la première année d'application est prometteur : plus de 1,1 milliard d'euros ont été drainés en 2008. Son intérêt est d'autant plus grand que la crise financière a mis à mal les circuits classiques de financement malgré l'action volontariste du Gouvernement et du médiateur du crédit.
Le groupe UMP est favorable au principe de la proposition de loi de M. Arthuis. Il est essentiel que le législateur veille à la bonne application des lois et en évalue les résultats ; essentiel aussi que sa volonté soit respectée et que le dispositif ne soit pas détourné de ses objectifs, surtout dans un domaine où l'imagination des professionnels est sans limite. Mais son aménagement doit être mesuré et équilibré. Mesuré, parce qu'il faut tenir compte de son intérêt pour les PME et de la réalité du fonctionnement des marchés ; équilibré, parce qu'il ne faut pas fausser la concurrence entre les intermédiaires financiers.
Hors l'investissement direct, le dispositif en vigueur prévoit deux types de structures d'intermédiation : les holdings, dont l'objet exclusif est de détenir des participations dans des sociétés éligibles à la réduction d'ISF et qui peuvent faire bénéficier leurs souscripteurs de la même réduction d'impôt que les investissements directs, soit 75 % ; et les fonds, FIP, FCPI, FCPR, qui doivent respecter certains critères et n'offrent qu'un avantage fiscal de 50 % limité à 20 000 euros. La concurrence qu'elles se livrent est source d'une certaine confusion, les abus des uns étant parfois reprochés aux autres.
Nous saluons le travail lucide, pragmatique et équilibré du rapporteur. Le groupe UMP soutient ses propositions de mieux encadrer ces structures, de sorte que les fonds collectés financent le plus rapidement possible les PME, tout en évitant les effets pervers et le renforcement de l'attractivité de certains véhicules. Nous sommes favorables, en particulier, à la réduction des délais d'investissement des capitaux levés par les fonds et au système par paliers, qui permettra de concilier rapidité de versement et examen sérieux des dossiers. Le point de départ de ces délais sera utilement précisé par la commission.
Nous soutenons de même le renforcement des obligations imposées aux holdings, structures dont on a pu parfois relever les dérives afin de mieux protéger les souscripteurs et empêcher les montages qui aident des sociétés de défiscalisation à détourner le dispositif de ses objectifs économiques. Faire respecter l'esprit de la loi et améliorer son efficacité au service des PME, et donc de la croissance et de l'emploi, sans pour autant fausser la concurrence entre intermédiaires : c'est avec ces objectifs en tête que nous voterons le texte. (Applaudissements au centre et à droite)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
L'article 885-0 V bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
1° bis (nouveau) Le 3 du I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des frais et commissions ne peut excéder un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. »
2° Le 1 du III est ainsi modifié :
a) Le c est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ce pourcentage doit être atteint à hauteur de 50 % au moins au plus tard six mois après la constitution du fonds ou six mois après la promulgation de la loi n°... du ... visant à renforcer l'efficacité des avantages fiscaux au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises et à hauteur de 100 % au plus tard douze mois après la constitution du fonds ou douze mois après la promulgation de la même loi. Il en est de même des pourcentages de 20 % ou 40 %, selon le cas, mentionnés au premier alinéa du présent 1. »
b) Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le montant des frais et commissions ne peut excéder un plafond fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie. »
M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit cet article :
L'article 885-0 V bis du code général des impôts est abrogé.
M. Thierry Foucaud. - Nous faisons, avec cet amendement, un double constat : la disposition votée dans le cadre de la loi Tepa n'atteint aucunement les objectifs qu'on lui a assignés ; et la situation des comptes publics, profondément détériorée depuis 2002, et encore davantage depuis le printemps 2007, impose que l'État se passe des dispositifs les plus coûteux et les plus inefficaces.
La disposition dont nous demandons la suppression pourrait, dans l'absolu, vider la coquille de l'ISF de 97 % de son montant, puisque 97 % des contribuables de cet impôt sont redevables d'une cotisation inférieure à 50 000 euros. Mais le succès du dispositif n'est pas si important qu'on le dit. S'il a drainé 1 100 millions d'euros vers les PME, il en a coûté 660 au budget de l'État, comme l'a rappelé Mme Brciq : une goutte d'eau dans l'océan des prêts bancaires mais un coût important pour des finances publiques déjà mal en point. Ce dispositif bat tous les records de gaspillage : 660 millions pour complaire à 73 200 contribuables fortunés, à comparer aux 270 millions économisés par les ménages grâce à la défiscalisation des heures supplémentaires. Sans compter que les investissements produisent des dividendes : il faudrait ajouter aux 660 millions le coût du crédit d'impôt qui a remplacé l'avoir fiscal...
Ce gâchis est d'autant plus insupportable que l'essentiel des sommes collectées a transité par des fonds dédiés qui ne font pas leur travail, des fonds d'investissement de proximité sans proximité, des fonds d'investissement à risques où le risque est prudemment calculé, des fonds d'investissement dans l'innovation où l'innovation est d'attendre des jours meilleurs...
Outre qu'il faudra bien un jour s'interroger sur la logique de fonctionnement de certains fonds, il est clair que le dispositif en cause est coûteux et inefficace. Il est urgent de mettre fin à ce gaspillage.
M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Desmarescaux, MM. Retailleau, Türk et Darniche.
Après le 1° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
... ° Le premier alinéa du 3 du I est ainsi rédigé :
« Le redevable peut imputer sur l'impôt de solidarité sur la fortune, dans la limite de 50 000 euros, 50 % des souscriptions en numéraire au capital d'une société satisfaisant aux conditions suivantes : » ;
M. Philippe Adnot. - Mon intention est de perfectionner le dispositif. Nous avons décidé en décembre dernier de plafonner à 50 le nombre de participants à une holding ISF ; mais on m'a fait observer que dans certaines régions, il fallait être plus de 50 pour lever les fonds nécessaires. Je propose que, dans ce cas l'imputation soit non plus de 75 % mais de 50 %.
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Desmarescaux, MM. Retailleau, Türk et Darniche.
Avant le 1° bis de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le d du 3 du I est complété par les mots : « ou une personne morale contrôlée au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce par des organismes consulaires ou des collectivités locales » ;
M. Philippe Adnot. - Il est bon que des holdings puissent être constituées par des sociétés d'économie mixte, où interviennent des personnes morales comme les chambres de commerce.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. de Montgolfier.
Avant le 1° bis de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le e du 3 du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« f) La société communique à chaque investisseur, avant la souscription de ses titres, un document d'information précisant notamment la période de conservation des titres pour bénéficier de l'avantage fiscal visé au 1, les modalités prévues pour assurer la liquidité de l'investissement au terme de la durée de blocage, les risques générés par l'investissement et la politique de diversification des risques, les règles d'organisation et de prévention des conflits d'intérêts, les modalités de calcul et la décomposition de tous les frais et commissions, directs et indirects, et le nom du ou des prestataires de services d'investissement chargés du placement des titres. » ;
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Nous complétons les obligations des holdings ISF, dans un souci de protection des souscripteurs et de transparence.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par M. Adnot, Mme Desmarescaux, MM. Retailleau, Türk et Darniche.
I. - Compléter le 1° bis de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'administration établit qu'une société visée au présent 3 a commis un abus de droit par fraude à la loi, les conséquences juridiques et pécuniaires de la remise en cause de l'avantage fiscal prévu au 1 du I sont à la charge de ses souscripteurs redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune et de son représentant légal. »
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du dernier alinéa du 3 du I de l'article 885-0 V bis du code général des impôts tel qu'il résulte du présent article s'appliquent aux versements effectués à compter de la date limite de dépôt de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2009.
M. Philippe Adnot. - S'il y a des dérives dans l'utilisation des holdings et qu'un contrôle fiscal a lieu, c'est le souscripteur du fonds qui peut être condamné, et pas son gestionnaire, alors que c'est ce dernier qui choisit les placements. La responsabilité devrait au moins être partagée entre eux.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Desmarescaux, MM. Retailleau, Türk et Darniche.
I. - Avant le a du 2° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Dans les première et seconde phrases du premier alinéa et dans le c, après les mots : « titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital », sont insérés les mots : « ou donnant accès au capital » ;
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Philippe Adnot. - Je propose d'élargir les éligibles aux quasi-fonds propres. Les PME sont souvent méfiantes quand il s'agit d'ouvrir leur capital ; avec cette possibilité, on les rassure.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par MM. de Montgolfier et Arthuis.
Rédiger comme suit la deuxième phrase du a du 2° de cet article :
Ce pourcentage doit être atteint à hauteur de 50 % au moins au plus tard six mois à compter de la date de clôture de la période de souscription fixée dans le prospectus complet du fonds, laquelle ne peut excéder huit mois à compter de la date de constitution du fonds, ou six mois après la promulgation de la loi n° °°° du°°° visant à renforcer l'efficacité des avantages fiscaux au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises et à hauteur de 100 % au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant.
M. Albéric de Montgolfier. - Mieux vaut que les délais dont disposent les fonds pour respecter leurs contraintes d'investissements soient calculés à partir du moment où ils disposent de l'argent versé par leurs souscripteurs. Soyons vraiment efficaces !
M. le président. - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Desmarescaux, MM. Retailleau, Türk et Darniche.
I. - Après le a du 2° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...) Après le c, il est inséré un d ainsi rédigé :
« d) Pour les fonds constitués à compter de l'entrée en vigueur de la loi n°... du ... visant a renforcer l'efficacité de la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises, le quota de 20 % ou de 40 % ainsi que le quota visé au 1 de l'article L. 214-36 du code monétaire et financier pour un fonds commun de placement à risques, les quotas visés au I de l'article L. 214-41 du même code pour un fonds commun de placement dans l'innovation ou les quotas visés au 1 de l'article L. 214-41-1 du même code pour un fonds d'investissement de proximité sont atteints pour moitié à la clôture du premier exercice du fonds et en totalité à la clôture de l'exercice suivant. » ;
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du d de l'article 885-0 V bis du code général des impôts tel qu'il résulte du présent article s'appliquent aux versements effectués à compter de la date limite de dépôt de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune au titre de l'année 2009.
M. Philippe Adnot. - Cet amendement va dans le même sens que celui de la commission, à ceci près qu'il n'a pas d'effet rétroactif.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur - L'amendement n°8 est contraire à la position de la majorité de la commission des finances, qui estime que cette réduction d'impôt constitue une aide précieuse au financement des PME.
On comprend bien la logique de l'amendement n°2 rectifié qui vise à ne pas offrir un avantage compétitif excessif aux holdings qui détournent l'esprit de l'ISF Tepa en créant des produits de défiscalisation banalisés. Est-il pour autant utile de légiférer sur ce point en créant un régime hybride pour les holdings, sans distinction entre les bonnes et les mauvaises ? Cela changerait profondément le dispositif Tepa...Tout en saluant la démarche, je préconise le retrait.
L'amendement n°3 rectifié ne paraît pas contraire à l'esprit du dispositif d'encadrement des holdings ISF mis en place dans le cadre de la loi de finances pour 2009, à l'initiative de M. Adnot. Qu'en pense le Gouvernement ? Ce dispositif est-il susceptible de poser un problème particulier ?
La notion d'abus de droit est très délicate à mettre en oeuvre. Que pense le Gouvernement du partage de responsabilité que propose l'amendement n°4 rectifié bis ?
Il y a un vrai problème d'accès aux fonds propres pour les PME mais l'amendement n°7 rectifié nous fait sortir du dispositif initial. Il n'est peut-être pas utile de le bouleverser en cours d'année... Nous sommes réticents.
L'amendement n°5 rectifié pourrait être retiré an profit de notre amendement n°13 rectifié, dont M. Adnot reconnaît qu'il a le même objectif.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Défavorable à l'amendement n°8 qui revient à supprimer ce qui fait l'objet même de ce texte. Ce dispositif a déjà permis de mobiliser 1 milliard d'euros vers les PME. Il est vrai qu'avec 660 millions, le coût fiscal n'en est pas léger mais cela soutient l'économie et favorise l'emploi.
Avec l'amendement n°2 rectifié, M. Adnot montre sa persévérance puisqu'il avait déposé un amendement similaire lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009. Le Gouvernement manifeste la même persévérance dans son refus. Les redevables, selon qu'ils investissent directement au capital des PME ou via des fonds spécialisés, ne supportent pas les mêmes risques. Les investissements par des fonds autorisent une mutualisation du risque, compte tenu du grand nombre d'entreprises qui composent l'actif des fonds et de la possibilité qu'ils ont d'investir une partie de leur actif dans des titres non risqués ou des actifs monétaires. La liquidité des fonds et des holdings n'est pas non plus équivalente. Vous voulez pénaliser l'utilisation abusive des holdings mais ce n'est pas la bonne méthode. Nous avons déjà, dans l'arsenal fiscal, les moyens de poursuivre de tels agissements, avec la fraude à la loi ou avec l'abus de droit. Retrait.
Défavorable à l'amendement n°3 rectifié. Nous avons attentivement écouté, lors de l'élaboration du dispositif, votre insistance pour exclure les personnes morales. Restons-en à la doctrine que vous avez vous-même encouragée. Prenons le temps d'avancer et de réfléchir, en particulier sur ces questions de responsabilité qui sont déterminantes dès lors qu'on implique des personnes morales comme les collectivités territoriales ou les chambres consulaires. Le débat pourra revenir lors de la loi de finances. Je suis favorable à l'amendement n°1 rectifié car il renforce l'information et encadre mieux les holdings en les rendant comptables des informations qu'elles communiquent. Cela aidera à distinguer les bonnes des mauvaises.
Concernant l'amendement n°4 rectifié bis, le Gouvernement comprend votre souci d'éviter les abus et je salue votre constance en la matière. Mais il n'est pas nécessaire de modifier la législation sur ce point. L'administration fiscale dispose d'un certain nombre d'outils de procédure pour lutter contre les montages frauduleux. C'est d'ailleurs le sens de ma réponse à votre question écrite le 17 juillet 2008.
Les schémas d'investissement qui auraient pour seul finalité d'utiliser le dispositif ISF PME pour effectuer des investissements sans risques et de contourner le plafond d'investissement négocié avec la Commission européenne peuvent être remis en cause pour fraude à la loi. J'ai demandé à mes services d'examiner ces montages et ces projets d'investissement avec la plus extrême attention. Si nous constations que le marché ne s'était pas assaini, les services de contrôle agiraient et des remises en cause seraient effectuées dans le cadre des procédures existantes. Des contrôles fiscaux ont d'ores et déjà été effectués sur la première génération des holdings pour lesquelles un exercice est clos.
En cas d'abus de droit, toutes les parties sont tenues solidairement, avec le redevable de la cotisation d'impôt, au paiement de l'intérêt de retard et de la majoration des 80 % acquittables.
A votre initiative, des dispositions anti-abus sont récemment venues compléter celles relatives aux holdings. Désormais, elles ne doivent pas compter plus de 50 associés ou actionnaires et elles ne peuvent avoir pour mandataires sociaux que des personnes physiques. En outre, il leur est interdit d'accorder des garanties en capital à leurs associés ou actionnaires ni de prévoir des mécanismes de sortie automatique au bout de cinq ans. Grâce à l'amendement de M. le rapporteur sur les informations complémentaires, nous disposerons de divers éléments qui permettront d'exercer tous les recours possibles.
M. le rapporteur a souhaité entendre le Gouvernement sur l'amendement n°7 rectifié, notamment sur la question des fonds propres et des quasi-fonds propres. Pour être éligibles au dispositif ISF PME, les fonds de capital risque doivent satisfaire à deux quotas d'investissement : un quota d'investissement au capital de PME de moins de cinq ans fixé par la loi à 20 % pour les FIP et à 40 % pour les FCPI et les FCPR. Ce quota est une condition d'éligibilité du fonds. Le deuxième quota d'investissement est librement fixé par le fonds dans son prospectus : dans les faits, il se situe entre 60 et 80 % du total. Ce quota sert de base de calcul à la réduction d'ISF des souscripteurs, dont les versements ne sont pris en compte que dans la limite de ce pourcentage. Dans les deux cas, seuls sont visés les investissements en capital, conformément à la raison d'être de ce dispositif qui est bien de renforcer les fonds propres des PME.
Les souscriptions par conversion ou remboursement en actions d'obligations souscrites à l'origine ou acquises de précédents porteurs sur le marché obligataire ne peuvent en revanche être assimilées à des investissements en numéraire, du fait de leur nature particulière, liée à une logique d'emprunt.
En revanche, dès lors qu'elles sortent de cette logique, c'est-à-dire à partir de la levée d'option ou au terme du contrat d'émission, elles peuvent tout à fait être prises en compte.
Le principe est donc simple : non aux obligations convertibles ou remboursables en actions, tant qu'elles restent des obligations, mais oui à ces mêmes titres, dès lors qu'ils perdent leur nature d'obligations, c'est-à-dire à compter de la date de leur conversion ou de leur remboursement en actions.
Cette précision figure déjà dans l'instruction administrative relative au dispositif ISF PME. Sous le bénéfice de ces précisions, je souhaite donc le retrait de cet amendement.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n°13 rectifié qui améliore la situation actuelle. Il préfère cette version à celle proposée par l'amendement n°5 rectifié. Je souhaite donc que M. Adnot se rallie à l'amendement de la commission.
M. Thierry Foucaud. - N'en déplaise à la majorité...
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Cela fait quinze fois que nous entendons la même chose !
M. Thierry Foucaud. - A quoi sert l'hémicycle, monsieur le président ?
M. le président. - Vous avez déjà discuté de toutes ces questions en commission ! Mais poursuivez !
M. Thierry Foucaud. - Laissez-moi quand même répondre aux arguments de M. de Montgolfier et de Mme la ministre ! A les entendre, on croirait que nous sommes opposés au financement des PME, ce qui est totalement faux. Avec sa proposition de loi, M. Arthuis tente de rendre moins voyant et plus admissible l'avantage fiscal de la loi Tepa.
Or, il est tout à fait possible de financer les PME grâce à des ressources peu coûteuses, ce qui ne sera pas le cas avec cette proposition de loi : qui dit investissement en capital dit en effet dividendes. Il convient donc d'encourager les crédits bancaires à faible taux et de renforcer les fonds propres en affectant le résultat d'exploitation aux investissements matériels, à l'effort de recherche et à l'emploi. Les établissements de crédit devraient réduire leurs taux d'intérêt car le taux du marché interbancaire a beaucoup diminué.
L'amendement n°8 n'est pas adopté.
M. Philippe Adnot. - Je vais faire oeuvre de bonne volonté, mais je ne peux accepter les explications de Mme la ministre : il est faux de prétendre qu'il est plus risqué de passer par une holding que par un fonds d'investissement. Aujourd'hui, passer par une holding, c'est choisir la voie de la facilité sans aucun risque. En maintenant cet avantage compétitif, la plupart des fonds iront augmenter les investissements dans le solaire en Espagne, ce qui n'aura aucun impact en France ! Je regrette que vous continuiez à privilégier ce qui est le plus coûteux pour nos finances au détriment d'investissements directs en France. Ceci dit, je retire mon amendement.
M. Philippe Marini. - Je le reprends !
M. le président. - Il s'agit donc de l'amendement n°2 rectifié bis.
M. Philippe Marini. - Si je reprends quelques instants cet amendement, c'est parce que ce débat s'est déjà développé à plusieurs reprises dans l'hémicycle. Vous avez dit, madame la ministre, que M. Adnot faisait preuve de constance : il n'a pas tort ! La loi de 2007 a bien créé deux situations avec, d'un côté, des investissements directs et, de l'autre, des investissements intermédiés. Votre commission des finances s'est efforcée de maintenir ce dispositif dans sa logique initiale, afin d'éviter que les professionnels ne créent des outils destinés à être offerts à un très large public.
Il n'en reste pas moins que les holdings nous posent un sérieux problème car il s'agit d'un investissement à la fois direct et intermédié. Nous sommes donc dans l'ambigüité. M. Adnot tâtonne en essayant de combattre les aspects les plus critiquables de cet état de fait. D'après lui, comme il s'agit d'un investissement dans une société qui elle-même va prendre des participations, c'est le taux des investissements intermédiés qui doit s'appliquer. J'ai bien entendu votre réponse, madame la ministre, et je ne vais pas faire durer le plaisir mais, dans les mois à venir, nous allons retrouver ce sujet : je ne sais quel sera le devenir de cette proposition de loi ni quand elle sera examinée par l'Assemblée nationale. Je ne sais même pas s'il est vraiment opportun de revenir tous les mois sur des questions aussi sensibles que l'ISF et les PME.
Sérieusement, on pourrait l'éviter. Toutefois, dans le cadre de cette discussion, la question de Philippe Adnot est légitime. J'ai donc repris son amendement afin que le débat puisse avoir lieu.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Il fallait donner aux acteurs des signes pour un bon usage de ces dispositions. Philippe Adnot a eu raison de soulever ce problème, mais les abus peuvent provenir autant lors d'investissements au travers de holdings que dans le cas d'investissements directs. Les services du ministère de l'économie devront être vigilants.
Nous encadrons la rémunération et établissons la transparence afin d'éviter que des commissions qui s'élèvent parfois à 4 % puissent être déduites de l'ISF. Nous adressons un message clair à nos compatriotes afin de les maintenir sur le chemin de la bonne conduite, à l'image du signal adressé aux paradis fiscaux.
Mme la ministre nous a indiqué que les investissements sans risques feraient l'objet de poursuites, ce qui serait le cas par exemple d'un investissement dans le solaire, en Espagne, avec une rémunération garantie. Vos craintes devraient être apaisées, monsieur Adnot.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Pour ce qui est des abus, en cas de tarif réglementé pour le rachat, la situation peut faire l'objet d'un redressement.
Monsieur Marini, le problème de l'intermédiation directe ou non n'est plus justifié : avec la limitation à 50 du nombre d'associés, on s'approche de l'investissement direct intuitu personae. Nous pouvons donc faire une différence entre les fonds faisant un appel public à l'épargne et les holdings, car ce dernier cas deviendra marginal.
L'amendement n°2 rectifié est retiré.
M. Philippe Adnot. - J'ai rédigé l'amendement n°3 rectifié après avoir consulté des responsables de chambres consulaires qui avaient mis en place cette formule. Cela ne sera plus possible en juin, quand la loi votée en décembre s'appliquera.
Je suis persévérant, mais je sais aussi être souple ! (Sourires) Lorsque l'on est sûr que l'investissement ne va pas quitter le territoire et bénéficiera à de véritables PME en développement, davantage de souplesse serait souhaitable. Si vous me confirmez que nous réexaminerons cette disposition en loi de finances, je retirerai cet amendement.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je suis aussi persévérante que vous et je réitère ma proposition de reparler de ce sujet lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010. (Sourires)
L'amendement n°3 rectifié est retiré.
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
M. Philippe Adnot. - La commission m'a transmis le texte qui confirme que le souscripteur du fonds et son gestionnaire sont solidaires dans la sanction. Le débat n'aura pas été inutile car ainsi ? ce point sera connu de tous.
L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.
M. Philippe Adnot. - Madame la ministre, pouvez-vous étudier d'ici la loi de finances la possibilité de prendre en compte les quasi-fonds propres ? Pour les PME, l'ouverture et la sortie du capital sont souvent difficiles.
L'amendement n°7 rectifié est retiré.
M. Philippe Adnot. - Si l'amendement n°13 rectifié est adopté, l'amendement n°5 rectifié deviendra sans objet. J'attire votre attention sur les conséquences qu'aurait l'amendement de la commission. Certes, il est utile de raccourcir le délai, mais cette mesure est rétroactive et étendue à tous les fonds de placement. L'industrie du capital risques, les fonds d'investissements, tous ceux qui font la croissance de notre pays sont concernés. C'est grave, et je ne voterai pas l'amendement n°13 rectifié car il aurait été préférable d'adopter l'amendement n°5 rectifié.
L'amendement n°13 rectifié est adopté.
L'amendement n°5 rectifié devient sans objet.
L'article premier, modifié, est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°6 rectifié, présenté par M. Adnot, Mme Desmarescaux ? MM. Retailleau, Türk et Darniche.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Après l'article 885-0 V bis A du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Au-delà du plafond mentionné au I de l'article 885-0 V bis A et dans la limite de 10 000 €, le redevable peut imputer sur l'impôt de solidarité sur la fortune 75 % du montant des dons en numéraire et dons en pleine propriété de titres de sociétés admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger effectués au profit des organismes de recherche ci-après limitativement énumérés :
« 1° Les établissements de recherche ou d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique publics ou privés, d'intérêt général, à but non lucratif ;
« 2° Les fondations reconnues d'utilité publique ;
« 3° Les entreprises d'insertion et les entreprises de travail temporaire d'insertion ;
« 4° Les associations intermédiaires ;
« 5° Les ateliers et chantiers d'insertion ;
« 6° Les « entreprises adaptées » ;
« 7° L'Agence nationale de la recherche. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. Philippe Adnot. - Madame la ministre, vous allez encore dire que je suis persévérant... (Sourires) J'y suis encouragé par une conversation que nous avons eue à Bercy, au cours de laquelle vous avez reconnu l'existence d'un effet d'éviction.
Actuellement, il est possible de déduire de l'ISF les sommes versées à des fondations. Or, plutôt que d'abandonner cet argent en faisant un don, il est plus avantageux d'investir dans des fonds propres que l'on peut récupérer cinq ans plus tard, sans impôt et avec une plus-value. Il faudrait donc prévoir un quota pour le financement de la recherche et des fondations universitaires. Cela ne serait pas plus coûteux. A moins que vous ne nous proposiez, madame la ministre, d'autres modes de financement pour la recherche française... 85 % de ses résultats ne seront pas présentés au monde économique faute de moyens disponibles pour les démonstrateurs.
Je vous propose d'encourager l'innovation en France, ce qui constituerait un véritable retour sur investissement. Je sais que vous êtes un peu favorable à cette proposition, madame la ministre : je suis donc très intéressé par votre réponse...
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - J'y suis également un peu favorable sur le fond... Il serait effectivement utile d'encourager les dons désintéressés à des fondations d'utilité publique ou de recherche. L'effet de levier serait réel, mais nous sortons du cadre de ce texte. Cette disposition trouverait plutôt sa place dans une loi de finances : j'invite Philippe Adnot à la retirer.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis. Philippe Adnot sait que je considère cette proposition avec sympathie, mais il ne faudrait pas nuire à la pureté du texte préparé par le président de la commission. Nous en reparlerons lors de l'examen de la loi de finances.
L'amendement n°6 rectifié est retiré.
Article 1er bis
Le 5 de l'article L. 214-36 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« 5. Le quota d'investissement de 50 % doit être atteint à hauteur de 50 % au moins au plus tard six mois après la constitution du fonds ou six mois après la promulgation de la loi n° ... du ... visant à renforcer l'efficacité des avantages fiscaux au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises et à hauteur de 100 % au plus tard douze mois après la constitution du fonds ou douze mois après la promulgation de la même loi. Ce quota doit ensuite être respecté jusqu'à la clôture du cinquième exercice du fond. »
M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit cet article :
Les articles 885 I bis à 885 I quater du code général des impôts sont abrogés.
M. Thierry Foucaud. - Il est défendu.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
Rédiger comme suit cet article :
I. - L'article 199 terdecies-0 A du même code est ainsi modifié :
1° Le 1 du VI est complété par un c ainsi rédigé :
« c. Par dérogation aux dispositions du dernier alinéa du I de l'article L. 214-41 du code monétaire et financier, le quota d'investissement de 60 % prévu à ce même I doit être atteint à hauteur de 50 % au moins au plus tard six mois à compter de la date de clôture de la période de souscription fixée dans le prospectus complet du fonds, laquelle ne peut excéder huit mois à compter de la date de constitution du fonds, ou six mois après la promulgation de la loi n° ... du ... visant à renforcer l'efficacité des avantages fiscaux au profit de la consolidation du capital des petites et moyennes entreprises et à hauteur de 100 % au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant. » ;
2° Au deuxième alinéa du VI ter, les références : « a et b » sont remplacées par les références : « a à c ».
II. - La première phrase du deuxième alinéa de l'article 1763 C du même code est ainsi rédigée :
« Lorsque l'administration établit qu'un fonds commun de placement dans l'innovation ou qu'un fonds d'investissement de proximité n'a pas respecté, dans les délais prévus aux VI à VI ter de l'article 199 terdecies-0 A lorsque leurs porteurs de parts bénéficient de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à ce même article, son quota d'investissement prévu, selon le cas, au I de l'article L. 214-41 du code monétaire et financier, au 1 de l'article L. 214-41-1 du même code ou au VI ter de l'article 199 terdecies-0 A du présent code, la société de gestion du fonds est redevable d'une amende égale à 20 % du montant des investissements qui permettraient d'atteindre, selon le cas, la moitié au moins ou la totalité du quota d'investissement de 60 %. ».
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Amendement de coordination afin de limiter l'extension du raccourcissement aux seuls fonds qui bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu. De plus, le délai ne courrait qu'à partir du moment où les fonds disposent de l'argent destiné à être investi.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Avis favorable.
M. Philippe Marini. - Je comprends l'intention de la commission, mais ce texte est extraordinairement compliqué. Je félicite ses rédacteurs, mais nous avons ici la quintessence de la niche fiscale !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Non.
M. Philippe Marini. - Cette littérature atteint un sommet. J'en approuve le sens général, mais pour arriver à décrypter un tel texte, les utilisateurs vont devoir s'assurer l'aide des meilleurs conseillers fiscaux, rémunérés selon un tarif horaire confortable !
La complexité de cette rédaction bénéficiera pleinement à l'économie des services !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Je veux rassurer M. Marini : le délai de trente mois reprend par homothétie celui du texte accordant une réduction de 25 % de l'impôt sur le revenu, puisque l'objectif recherché est le même dans les deux cas.
M. Philippe Adnot. - Ce que j'ai dit à propos de l'amendement n°13 rectifié est valable ici : voulez-vous vraiment modifier le régime des FCPI et des FCPR, dont les ressources proviennent à plus de 75 % des épargnants ? Ces fonds doivent avoir le temps d'effectuer les bons choix et de suivre la vie des entreprises. Je suis extrêmement surpris par cette extension, alors qu'il s'agit avant tout de placements réalisés par des épargnants. Bien sûr, il y a un petit bonus fiscal, mais il n'est pas énorme... Vous risquez de mettre à mal toute l'industrie du capital risque en France.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
L'amendement n°14 est adopté et devient l'article premier bis.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission.
Après l'article 1er bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 1763 C du code général des impôts est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi rédigée :
« Lorsque l'administration établit qu'un fonds commun d'investissement de proximité ou un fonds commun de placement dans l'innovation ou un fonds commun de placement à risques n'a pas respecté, dans les délais prévus au c du 1 du III de l'article 885-0 V bis, ses quotas d'investissement susceptibles de faire bénéficier les porteurs de parts de l'avantage fiscal prévu au même article, la société de gestion du fonds est redevable d'une amende égale à 20 % du montant des investissements qui permettraient d'atteindre, selon le cas, 50 % ou 100 % de ces quotas. » ;
2° Dans la seconde phrase, après les mots : « de cette amende » sont insérés les mots : « ou, le cas échéant, de ces amendes ».
L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 Q du code général des impôts sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 900 000 euros. »
II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article 885 U bis ainsi rédigé :
« Art. 885 U bis. - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'il possède sur la base suivante :
« |
Évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée |
Taux d'intégration ( %) |
|
Égale ou supérieure à une évolution de 2 points |
15 |
|
Égale ou supérieure à une évolution de 1 point |
35 |
|
Égale à 1 |
50 |
|
Entre 1 et -1 |
65 |
|
Entre -1 et -2 |
85 |
|
Entre -2 et -3 |
100 |
|
Entre -3 et -4 et au-delà |
125 |
« Un décret définit les modalités d'application de cette modulation. »
M. Thierry Foucaud. - Nous proposons de réintégrer les biens professionnels dans l'assiette de l'ISF, avec un taux d'intégration modulé en fonction de la politique d'emploi et de rémunération suivie par l'entreprise.
Nous concevons l'ISF comme un outil d'action au service de la justice sociale et de l'efficacité. Rien ne justifie que les biens professionnels ne soient pas considérés comme une richesse. La fiscalité doit contribuer à la dynamique de l'emploi, à la cohésion sociale et à la réparation sociale ; nous voulons pénaliser ceux qui pratiquent une économie de rente en laissant dormir des biens professionnels.
Plutôt que de réduire la portée de l'ISF, comme avec la loi Tepa, il faut étendre son assiette dans un esprit de justice sociale et de solidarité.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - La commission est évidemment défavorable.
Notre débat ne porte pas sur l'ISF. Il serait en outre paradoxal de taxer plus sévèrement les PME dans un texte devant améliorer leur financement.
M. Thierry Foucaud. - Je n'ai pas proposé de taxer les entreprises !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - Cela revient au même.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Avis défavorable.
En 1981, M. François Mitterrand étant Président de la République, la loi de finances a sorti de l'assiette de l'impôt sur les grandes fortunes l'intégralité des biens professionnels. Il serait particulièrement ironique de revenir sur ce point alors que nous essayons d'encourager l'investissement productif.
L'amendement n°11 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
L'amendement n°12 est devenu sans objet.
Intervention sur l'ensemble
M. Thierry Foucaud. - Alors que notre pays comptera officiellement quelque 3 millions de chômeurs à la fin de l'année, alors que les comptes publics devraient atteindre le niveau record de 140 milliards d'euros, alors que la consommation populaire s'essouffle et que les voyagistes cassent les prix de leurs séjours désespérément vides, alors que les boutiquiers font grise mine au début des soldes, que les producteurs laitiers sont mécontents des conditions imposées par la distribution et alors que les artisans s'inquiètent de la concurrence des auto-entrepreneurs, nos collègues de l'Union centriste nous font examiner le meilleur moyen de rendre efficiente une niche fiscale coûteuse : le crédit d'impôt ISF motivé par l'investissement dans le capital de PME.
Le débat d'aujourd'hui a montré que le dispositif ISF PME n'est qu'une niche fiscale sans incidence sur la multiplication des procédures collectives. Grâce à elle, d'habiles spécialistes de défiscalisation ont pu faire leur marché sans financer les PME.
Cette proposition de loi fixe un délai d'un an entre le moment où un fonds dédié reçoit l'argent des redevables de l'ISF et celui où il investit. Fort bien, mais avez-vous oublié que vous avez adopté le 9 juin une proposition de loi imposant aux directeurs d'agences bancaires d'indiquer dans les soixante jours les raisons poussant leur établissement à ne pas financer telle ou telle PME ?
La discussion nous a permis d'apprendre que des montages divers et variés permettaient de faire passer l'accroissement du capital de sa propre entreprise pour une aide accordée aux PME !
Nous ne voterons pas une proposition de loi maintenant les défauts originels du dispositif ISF PME.
Mme Nicole Bricq. - M. Arthuis propose de gommer quelques abus inhérents aux dispositions qu'il a votées il y a presque deux ans. Mais, comme le fruit porte son noyau, la mesure adoptée en 2007 porte sa perversité. Vous l'aviez alors présentée comme un outil devant libérer la croissance et les énergies, selon l'expression alors en vogue. Aujourd'hui, vous y voyez un soutien majeur aux PME ; nous en reparlerons dès la prochaine loi de finances.
Le groupe socialiste ne votera pas cette proposition de loi.
M. Philippe Adnot. - J'approuvais l'esprit initial du texte mais je ne voterai pas son extension aux FCPI et aux FCPR, qui aura de graves conséquences pour l'industrie du capital risque.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Ce texte peut contribuer à un meilleur financement des PME.
La première évaluation de la loi Tepa montre des dérives manifestes, que l'administration a les moyens de combattre. Ce soir, nous avons posé les jalons d'un chemin permettant de rendre pleinement efficace des dépenses consacrées par l'État aux PME, pour qu'elles confortent le développement, la croissance et l'emploi.
Je remercie le rapporteur de Montgolfier pour son travail en profondeur, les rencontres avec les partenaires et l'écoute de propos parfois très critiques tenus par des intermédiaires... qui ont aussi besoin d'être recadrés.
Je voterai ce texte amélioré par la coproduction législative entre le Gouvernement et le Sénat et j'espère qu'il sera inscrit rapidement à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
Prochaine séance, aujourd'hui, mardi 30 juin 2009 à 15 heures.
La séance est levée à minuit.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mardi 30 juin 2009
Séance publique
A 15 HEURES
1. Débat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales.
LE SOIR
2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l'inceste sur les mineurs et à améliorer l'accompagnement médical et social des victimes (n°372, 2008-2009).
Rapport de M. Laurent Béteille, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°465, 2008-2009).
Texte de la commission (n°466, 2008-2009).
3. Clôture de la session ordinaire.