Pôle emploi (Question orale avec débat)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat de M. André Vantomme à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur le fonctionnement du Pôle emploi.
M. André Vantomme, auteur de la question. - Le Pôle emploi est-il vraiment une réponse efficiente et suffisante à l'inquiétante progression du chômage qui nous touche cruellement depuis le début de l'année ? « L'emploi salarié s'est effondré au premier trimestre », titrait récemment un grand quotidien national. Aucun secteur n'est épargné et nous avons perdu 187 800 emplois salariés au premier trimestre, selon l'Insee, soit la plus forte baisse nette depuis 1945. Tout laisse à penser que le seuil des 10 % de chômeurs sera franchi d'ici la fin de l'année. Pouvez-vous nous fournir votre vision de la situation de l'emploi ? Après avoir entendu votre réponse, nous aurons à nous mettre à la place de nos concitoyens confrontés à la perte de leur emploi, au chômage partiel ou total, à la fin de leurs droits. Nous saurons relayer leur détresse et leur désespoir devant les conséquences terribles de la crise. Nous partageons leurs inquiétudes, leurs craintes et savons comment ces situations entraînent une dégradation de la santé, des rapports sociaux et familiaux, voire des drames. Au-delà des divergences politiques, les valeurs républicaines et humanistes que nous partageons doivent nous permettre d'avancer et de faire de ce moment un temps de lucidité et d'introspection sur les réponses à apporter au chômage, sans oublier notre jeunesse qui a tant de mal à accéder à l'emploi.
Bien sûr, le Gouvernement n'est pas seul responsable et la crise est mondiale. Mais les excès du libéralisme financier, qui nous ont amenés là où nous sommes, ont été autorisés par l'idéologie ultralibérale que prônent sans scrupule certains de vos amis, tandis qu'une cupidité sans limite dérégulait une économie mondiale déjà inégalitaire. Nos concitoyens en ont conscience.
S'il est un domaine où le Gouvernement et sa majorité sont pleinement responsables, c'est le choix des questions sur lesquelles il entend légiférer. Ainsi de la réforme du service public de l'emploi. Objectif du Président de la République, annoncée pendant la campagne présidentielle afin de dégager des économies et d'améliorer la prise en charge des demandeurs d'emploi, la fusion ANPE-Assedic, pièce maîtresse de son projet électoral, devait être menée coûte que coûte, d'où l'urgence déclarée.
Si les fusions sont toujours délicates, celle-ci est rendue plus complexe par les différences entre les Assedic et leurs salariés de droit privé, familiers de l'indemnisation d'une part, et l'ANPE, d'autre part, dont les agents de droit public s'occupent du suivi des chômeurs. Voilà deux métiers, deux statuts différents, et deux grilles salariales, avec un différentiel de 30 %. Il va falloir négocier une convention collective, ce que beaucoup redoutent. Quant à la polyvalence, comment apprendre un métier en quelques jours ? Et il y a les locaux et l'informatique ! L'aménagement des 956 pôles mixtes a pris du retard. On appréhende des inégalités territoriales : cette réforme ne doit en aucun cas servir de prétexte à un nouveau desserrage du maillage dans les zones rurales. Le déplacement est crucial car comment se rendre à une convocation à 30 kilomètres ? La possession d'un véhicule n'est pas une condition pour être inscrit. Les pôles doivent absolument être accessibles par tous et partout.
Cette fusion avait été conçue dans une période de baisse du chômage et de retour au plein emploi pour 2012, un schéma auquel plus personne ne croit.
L'Unedic envisage 640 000 chômeurs de plus pour 2009, dont beaucoup de jeunes. Les perspectives les plus pessimistes font état d'un million. Durant les trois premiers mois de l'année, 250 000 chômeurs supplémentaires se sont inscrits à Pôle emploi. Les 45 000 salariés du Pôle, débordés, doivent apprendre leurs nouvelles missions tout en s'occupant chacun d'un portefeuille d'au moins 120 demandeurs d'emploi -200 pour certains sites. Les 1 840 embauches prévues seront insuffisantes. Il en résulte une démobilisation du personnel qui ne peut plus honorer les rendez-vous mensuels avec les inscrits et ne s'occupe que du suivi des chômeurs indemnisés.
Pôle emploi n'est donc absolument pas opérationnel, quels que soient les efforts de l'agence de communication engagée pour tenter de faire le contraire. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous préciser le coût de cette communication ?
De surcroît, depuis le 1er juin, le RSA a été généralisé. Selon Martin Hirsch, il concerne sept millions de Français. Pôle emploi voit donc arriver en masse de nouvelles personnes à accompagner, le plus souvent très éloignées, et depuis longtemps, du marché du travail. Il lui faut également prendre en compte la fin de la dispense de recherche d'emploi pour les personnes âgées de plus de 57 ans et demi... Pôle emploi a donc décidé de confier le traitement de 320 000 chômeurs à des cabinets privés. Peut-on continuer à prétendre que la fusion renforce l'efficacité du service public de l'emploi et permet de faire des économies ?
Le système est surchargé, la plateforme téléphonique sous tension, le suivi mensuel impossible... Les agents ne peuvent plus assurer les visites aux entreprises, alors que le nombre d'offres d'emplois est en chute libre, ni mettre en relations recruteurs et demandeurs d'emploi, ni préparer les entretiens. Dans ces conditions, ils vivent de plus en plus mal le nouveau dispositif d'offre raisonnable d'emploi. Les tensions montent, chez les agents comme chez les usagers qui subissent des menaces de radiation répétées.
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est simple. La crise ne pouvant à elle seule expliquer ces dysfonctionnements, quelles actions comptez-vous mener pour mettre fin à la dégradation des conditions de travail des agents du Pôle emploi ? Que proposez-vous pour redonner vie à notre service public de l'emploi qui, jour après jour, perd encore plus en humanité et en efficacité en raison d'une fusion précipitée et mal préparée ? Vos réponses bénéficieront de l'attention de la représentation nationale, de plus en plus sensibilisée à l'efficacité du dispositif, des agents de cette structure et de nos concitoyens qui, tout en sachant qu'il ne faut pas accuser le baromètre quand il fait de l'orage, attendent du service public de l'emploi une indispensable contribution à la résolution de leurs problèmes. (Applaudissements à gauche)
Mme Annie David. - Un peu plus d'un an après l'adoption de la loi organisant la fusion de l'ANPE et des Assedic, la réalité est loin d'être celle que vous nous annonciez. Plutôt que d'un guichet unique, il s'agit d'une vitrine unique...
Nous nous étions opposés à ce texte, considérant que cette fusion dissimulait la volonté d'accroître la coercition sur les salariés privés d'emploi ainsi que l'employabilité de ces derniers, comme des personnels de la nouvelle agence. Nous dénoncions les risques de la gestion par une seule personne des missions de placement, d'indemnisation, de contrôle et de sanction, et regrettions que cette réforme ne tire aucune conséquence des expérimentations menées. Ainsi, les maisons de l'emploi constituaient un exemple de guichet unique évitant l'écueil de la concentration des missions.
Les difficultés du Pôle emploi sont tellement nombreuses que tous les acteurs concernés, y compris les organisations syndicales favorables à la fusion, dénoncent des conditions de travail qui ne permettent pas de répondre aux besoins des usagers ou à l'attente des salariés. Ces derniers doivent désormais accomplir deux missions radicalement différentes : l'aide au placement et l'indemnisation. En janvier 2008, nous vous mettions déjà en garde sur les risques d'une fusion précipitée. Nous ne voulions pas stigmatiser les salariés, mais relayer leurs inquiétudes. Aujourd'hui, nous nous apercevons que nos critiques étaient fondées : la fusion se réalise dans la douleur et la souffrance pour bon nombre d'entre eux. D'après Christian Charpy, directeur du Pôle emploi, 4 500 agents seraient déjà formés à la double compétence. Mais la formation, autrefois de six mois, ne dure aujourd'hui que trois à sept jours.
L'agence a créé le 3949, numéro surtaxé à destination des salariés privés d'emploi. Il est inacceptable que le service public de l'emploi ne soit pas disponible gratuitement, d'autant que les demandeurs d'emplois ne peuvent plus bénéficier d'un accueil immédiat par un conseiller. Ce n'est pas tant la modernité de l'outil qui importe, mais son usage social : ce service vous permet d'éloigner les demandeurs d'emploi de l'agence et de minimiser la réalité de la situation. Selon vous, cette réforme était le gage d'une plus grande proximité. Avant la fusion, il y avait 650 agences Assedic et 900 ANPE, or le Pôle emploi devrait compter 946 sites en octobre 2009, soit à peine plus que les implantations de l'ANPE. Cela ressemble plutôt à une vaste opération immobilière... Franck Marlin, député-maire d'Étampes, a déclaré à propos de la fermeture de l'agence de La Ferté-Alais que « cela mettra un terme au suivi personnalisé ».
Le délai de traitement des dossiers ne cesse de s'allonger : cette situation est sans doute liée au manque de personnel. Pôle emploi compte 42 000 salariés, alors que le rapport de Serge Dassault estimait les besoins supplémentaires à 18 000 agents afin de limiter le portefeuille des conseillers à 60 personnes, voire 30 pour les cas les plus difficiles. Aujourd'hui, ces portefeuilles peuvent atteindre 100 à 150 demandeurs d'emplois.
Le recrutement en urgence de 1 840 salariés n'est pas satisfaisant : il y aura à peine un salarié de plus par agence, une goutte d'eau face aux quelque 2 000 nouvelles inscriptions quotidiennes. De quelle formation ces nouveaux agents bénéficieront-ils ? Quand pourront-ils être des « interlocuteurs uniques » ? Quant au recrutement supplémentaire de salariés en contrats aidés, il témoigne d'une méconnaissance de la situation actuelle de l'emploi : la crise sera durable et exige une réponse tout aussi durable des pouvoirs publics.
Il y a également beaucoup d'interrogations au sujet des personnels d'orientation de l'Afpa qui devraient intégrer l'agence. Y en aura-t-il un par agence, puisqu'ils sont environ 960 ? Quel sera leur statut ?
En outre, nous assistons à une privatisation toujours plus importante des missions du service public de l'emploi au bénéfice des opérateurs privés de placement, auxquels les salariés du Pôle emploi doivent confier les demandeurs d'emploi correspondant au profil attendu. Le budget qui leur est consacré est passé de 88 millions d'euros en 2008 à 100 millions en 2009, et il devrait atteindre 200 millions en 2010. Christian Charpy, alors directeur de l'ANPE, nous a déclaré que : « pour des populations comparables, les résultats sont identiques entre l'ANPE et le privé, mais pour un coût trois fois plus faible à l'ANPE. [...] On peut être public et efficace ». Le discours a radicalement changé ! Le rapport de juin 2008 du Centre de recherche en économie et en statistique (Crest) et de l'École d'économie de Paris juge « trop faible pour être statistiquement significatif » l'effet positif du recours aux opérateurs privés. Le taux de placement est de 5,7 % à neuf mois dans le privé alors qu'il est de 16,9 % dans le secteur public, pour des prestations s'élevant à 3 500 euros pour le secteur public contre 700 pour le privé.
Nous pensons toujours que cette réforme n'était pas guidée par un souci d'efficacité, mais par des motivations dogmatiques et idéologiques. Il s'agissait de permettre au patronat de disposer d'une main-d'oeuvre à moindre coût en recourant à la coercition sociale. Les salariés privés d'emplois en sont les victimes, ce qui est d'autant plus inacceptable qu'ils subissent une politique entrepreneuriale motivée par la rentabilité, avec la masse salariale comme variable d'ajustement. Là encore, votre Gouvernement est responsable en ce qu'il refuse de limiter les licenciements boursiers. (Applaudissements à gauche)
Mme Catherine Procaccia. - Moi qui fus rapporteur de la loi portant réforme de l'organisation du service public de l'emploi, je me félicite de l'implication et de la vigilance du Parlement à ce sujet. M. Arthuis et moi-même avons auditionné le mois dernier M. Christian Charpy, directeur général du Pôle emploi, tandis qu'à l'Assemblée nationale mon homologue Dominique Tian remettait un rapport d'information sur la mise en oeuvre de la loi. Notre débat s'inscrit dans la continuité de ces travaux et témoigne de l'intérêt que le Parlement porte à cette question.
Je n'accuserai pas Pôle emploi de tous les maux. Certaines de mes remarques rejoindront celles de mes collègues, mais je souhaite que l'on laisse vivre cet organisme né il y a à peine six mois, et que l'on cesse d'accabler de critiques un bébé qui apprend tout juste à parler et à marcher ! (M. Guy Fischer ironise)
La structure du Pôle emploi a été définie par le législateur, en concertation avec les partenaires sociaux. Le personnel est au coeur de cette structure. Lors de l'examen de la loi, nous avions demandé que l'on conclût rapidement une convention collective commune afin de développer une culture d'entreprise partagée, et j'avais souhaité que l'on fixât une échéance. Quand la négociation aboutira-t-elle ? Le personnel du Pôle emploi doit enfin être déchargé du souci de son propre avenir et pouvoir se concentrer sur celui des demandeurs d'emploi. J'ai lu dans la presse qu'il était mécontent d'une organisation où l'ancienne ANPE prédomine et où l'information peine à descendre jusqu'à la base. A mon initiative, le Parlement a accordé au conseil d'administration la faculté de dénouer les conflits et de démettre le directeur général ; si nous n'en sommes pas là, c'est que le point de rupture n'a pas été atteint.
Le problème se pose aussi de la formation des conseillers, essentielle à la réussite de la fusion. Quand les 1 840 nouveaux conseillers seront-ils opérationnels ? Ce travail ne s'improvise pas.
J'en viens à la politique du Pôle emploi. Nous avons souhaité mettre ce nouvel organisme au service des demandeurs d'emploi, mais aussi des personnes qui souhaitent changer d'activité. Mais est-il en mesure de répondre aux besoins de ces derniers, alors que les chômeurs affluent ? Cette mission sera-t-elle confiée spécifiquement à certaines personnes ou à certaines agences ?
Monsieur le ministre, vous avez évoqué la possibilité de recourir à des opérateurs privés. M. Vantomme et Mme David s'en sont émus. Mais il arrive déjà que l'on fasse appel au secteur privé ! Dans le Val-de-Marne, j'ai moi-même adressé des personnes handicapées et des seniors à la société A4E et j'ai pu constater son savoir-faire. Il me semble que face à la progression du chômage, il est utile de faire appel à toutes les expertises et de faire bénéficier les catégories de chômeurs les moins favorisées d'un accompagnement spécifique. Mais il faut s'accorder sur la répartition des dossiers : les décisions seront-elles prises au niveau national ou local ?
Puisque nous sommes au Sénat, je me dois de dire un mot des relations entre Pôle emploi et les collectivités locales. Dans quelques jours le RSA sera mis en place, de manière très différente d'un département à l'autre selon l'implication des conseils généraux. Mais l'État fera-t-il en sorte que les allocataires bénéficient partout des mêmes services ?
L'un de mes collègues a abordé la question des maisons de l'emploi et des missions locales : je n'y reviens pas.
En revanche, j'insiste sur la nécessité de mieux informer les élus locaux, comme j'y ai invité M. Charpy. On décide de regrouper des structures, de céder des locaux et d'en maintenir d'autres... Mais les élus sont les mieux à même d'assurer la bonne organisation du service public de l'emploi, car ils connaissent bien les réalités locales.
A titre personnel, je souhaiterais que l'on critique un peu moins Pôle emploi au Parlement et dans la presse. Même si certains reproches sont justifiés, ils alimentent la défiance des chômeurs qui ont pourtant un grand profit à tirer du service public de l'emploi. (Applaudissements à droite)
M. Guy Fischer. - Il y a des réalités qui s'imposent !
M. Jean-Pierre Plancade. - Malgré les remarques pertinentes de Mme Procaccia sur les effets de la critique, je ne peux que déplorer la situation catastrophique du Pôle emploi. Le Président de la République déclarait en septembre 2007 : « Nous sommes sans doute le seul pays où le suivi de la recherche effective d'emploi est assuré par trois institutions : l'État, l'assurance chômage et l'ANPE. Autant dire que personne ne s'en occupe ». Il avait raison. Ce constat a conduit au vote de la loi du 13 février 2008 organisant la fusion de l'ANPE et des Assedic. Le Pôle emploi, né de cette fusion, devait être un des outils majeurs de la lutte contre le chômage, le remède miracle pour passer en dessous de la barre des 5 % de sans emploi à l'horizon 2012. Moins de six mois après sa création, la réalité est tout autre : les agences sont surchargées et le personnel mécontent, tandis que les chômeurs affluent.
La mise en place du Pôle emploi est un échec, et la grève de la semaine dernière illustre le malaise des agents. La formation des anciens employés des Assedic à l'accompagnement et de ceux de l'ANPE à l'indemnisation reste insuffisante. Le personnel subit la précarité et la dégradation de ses conditions de travail. Mme Lagarde avait annoncé qu'aucun conseiller ne serait chargé de plus de 60 dossiers, voire de 30 dans les cas difficiles. En réalité, cette charge s'élève à 100 ou 150 dossiers, et même à 300 pour gérer le flux des nouveaux inscrits. Les files d'attente s'allongent et les usagers sont mécontents. La création annoncée de 1 840 postes dans les agences et de 500 postes dans les plateformes est insuffisante. Cette situation aggrave les tensions : les agressions physiques et verbales se multiplient, et il y a peu de chances que les choses s'améliorent.
Or nous avons besoin d'un Pôle emploi performant. La France subit sa plus grave crise économique de l'après-guerre. Tout récemment, Pôle emploi a fait état de 175 100 destructions nettes d'emplois salariés au premier trimestre 2009 ; à la mi-mai, le ministère de l'emploi n'en prévoyait que 138 000. Cette chute d'ampleur inédite concerne tous les secteurs économiques et devrait se poursuivre encore plusieurs mois. La réforme aurait dû être plus mûrement préparée et accompagnée des moyens humains nécessaires.
De cette expérience, je retiens deux leçons : simplifier les structures ne suffit pas toujours à en améliorer le fonctionnement ; et l'on ne réforme pas contre les agents, mais avec eux. (Applaudissements à gauche)
M. Claude Jeannerot. - Ayant consacré 30 ans de ma vie professionnelle à l'ANPE, puis à l'Afpa, je suis viscéralement attaché au service public de l'emploi. Malgré les dysfonctionnements décrits par mes collègues, Pôle emploi joue en ces temps de crise un rôle irremplaçable d'amortisseur social.
Je veux rendre hommage aux 45 000 agents : animés par la volonté d'apporter le meilleur service au public, ils ne peuvent être tenus responsables des difficultés observées. Premiers témoins de la détresse des demandeurs d'emploi, ils font tout pour atténuer les conséquences d'une réorganisation dévastatrice. Appelés à cesser le travail par leurs organisation syndicales, ils n'ont pas voulu ajouter à cette détresse des désagréments supplémentaires.
Dans un contexte de dégradation du marché du travail, le service public de l'emploi, qui devrait être pleinement mobilisé et réactif, est en plein chantier. Les demandeurs d'emploi sont soumis à une double peine : leur emploi perdu, ils se retrouvent pris dans un parcours kafkaïen, fait de retards et d'embouteillages. Dans ma région, un agent du Pôle emploi gère 200 dossiers individuels. L'objectif était 60... Et je ne parle pas de l'accueil téléphonique au 3949, coûteux et impersonnel.
La mise en place du RSA au moment où Pôle emploi est en pleine restructuration inquiète le président de conseil général que je suis : il y a un enjeu social, mais aussi financier !
Les conséquences pèsent aussi sur les entreprises. Dans mon département, deux entreprises ont été rayées de la carte en 48 heures : la Papeterie du Doubs et GFD à l'Isle-sur-le-Doubs. Le fatalisme s'installe devant la destruction industrielle. Dans ce contexte, nous devrions pouvoir compter sur un service public de l'emploi offensif, capable de promouvoir des dispositifs d'accompagnement à l'emploi, d'orienter vers des parcours de formation. Vous en avez besoin, monsieur le ministre, comme nous !
A Versailles, le Président de la République a prôné les parcours de transition professionnelle. N'était-ce qu'incantation ? Comment Pôle emploi peut-il remplir sa mission de prospection et de conseil quand il peine à assurer l'accueil élémentaire des chômeurs ? La baisse des offres d'emploi de 25,7 % par rapport à avril 2008 traduit certes la détérioration de la conjoncture, mais aussi l'incapacité du Pôle emploi de mobiliser les potentialités du marché du travail.
Fusionner ANPE et Assedic en un guichet unique était une idée séduisante, déjà prônée par certains lors de la création de l'ANPE par Jacques Chirac, alors jeune secrétaire d'État aux affaires sociales, en 1967. Vous l'avez fait. Hélas, cette fusion est un échec, pour les usagers comme pour les personnels.
Vous avez cumulé les ingrédients du désastre, même si tout ne vous est pas imputable. La réforme vient au pire moment, alors que le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A a augmenté de 24 % par rapport à 2008, et de 40 % en Franche Comté ! Lancerait-on des travaux dans un grand magasin au moment des plus fortes ventes ?
L'ANPE et l'Assedic sont de culture différente : administrative pour la première, paritaire pour la seconde. Les agents de l'Assedic ont un statut de droit privé, et un salaire de 30 % supérieur à leurs homologues de l'ANPE. Surtout, il s'agit de deux métiers différents : l'ANPE exerce une fonction d'intermédiation sur le marché du travail, d'accompagnement du demandeur d'emploi, de prospection et de conseil auprès des entreprises ; l'Assedic, une fonction d'indemnisation et de collecte des cotisations. Vos services ont mal mesuré ces difficultés. S'y ajoute la formation insuffisante des personnels : trois jours seulement pour apprendre les techniques d'indemnisation, sept pour l'accompagnement des demandeurs !
Les modalités de la fusion n'ont pas été suffisamment concertées avec les syndicats. A vouloir aller vite, vous avez agi à la hussarde, sans réfléchir suffisamment à l'organisation du travail. Est-il opportun de vouloir aujourd'hui intégrer en sus les 900 psychologues de l'Afpa ?
Cette situation, indigne pour les demandeurs d'emploi, ne peut perdurer, d'autant qu'elle entrave la fluidité du marché du travail à un moment où celui-ci doit être le plus réactif possible.
Monsieur le ministre, j'attends que vous nous précisiez la situation actuelle, et que vous dressiez un inventaire des conséquences de la réforme pour les demandeurs d'emploi et les entreprises. Quelles mesures correctrices entendez-vous prendre ? Il faudra redéfinir les conditions de dialogue social revoir les dispositions organisationnelles, définir le contenu des postes de travail. La polyvalence des compétences s'impose-t-elle immédiatement ? Quid des exigences de formation et de recrutement, des conséquences immobilières et informatiques, de l'impact financier ? La réforme, qui devait mutualiser les ressources des deux institutions, risque in fine de coûter plus cher au contribuable au regard du gain de service enregistré... Votre réponse sera examinée avec attention par la représentation nationale, par les personnels mais aussi par les millions de demandeurs d'emploi qui attendent du service public un accompagnement qu'ils ne trouvent plus. (Applaudissements à gauche)
M. Alain Fouché. - Le Pôle emploi a été créé pour favoriser la mise en oeuvre d'un service public de l'emploi plus efficace ; il regroupe ANPE et Assedic afin d'être l'opérateur « exclusif » de l'accompagnement vers l'emploi des demandeurs d'emploi. Cependant, la forte croissance du nombre de demandeurs d'emploi ne peut être gérée par le seul Pôle emploi. Celui-ci doit régler ses problèmes internes d'organisation et de statut, faire face à un suivi mensuel personnalisé dans des conditions de plus en plus difficiles, ainsi qu'à la généralisation du RSA et à ses conséquences en matière de flux de demandeurs d'emploi. Malgré les recrutements en CDI et en CDD, le nombre de demandeurs d'emploi suivis par chaque conseiller avoisine les 120 à 130 personnes.
Il est incontestable que les difficultés actuelles du Pôle emploi viennent en grande partie de la montée brutale du chômage. Cela rend d'autant plus incompréhensibles les relations qu'entretient Pôle emploi avec les Maisons de l'emploi. Si je considère le projet originel de Maison de l'emploi d'une manière générale, et ce que j'ai signé dans la Vienne, je vois que l'axe 2 de la convention pluriannuelle d'objectifs signée en janvier 2008 avec l'État, le conseil général et les intercommunalités concerne l'accompagnement et le retour à l'emploi. Aujourd'hui, cet axe est supprimé et l'État demande que les Maisons de l'emploi ne fassent que du pré-accompagnement, c'est-à--dire qu'elles ne fassent qu'informer sur l'offre de service du Pôle emploi. C'est absurde !
Il y a certes l'évolution de l'offre de services du Pôle emploi : un conseiller personnel, un suivi mensuel, un accompagnement personnalisé, le site. Mais, sur le terrain, une Maison de l'emploi offre une ouverture quotidienne, un espace numérique avec un accueil et un conseil, quand Pôle emploi n'assure qu'une présence partielle. Ne peut-elle pas faire plus qu'un simple relais vers un site Pôle emploi distant ? N'y a-t-il pas des synergies à développer, particulièrement dans les zones rurales ? Les antennes des Maisons de l'emploi sont parfaitement identifiées comme un lieu ressource incontournable pour les personnes en recherche d'emploi.
Vous-même, monsieur le ministre, aviez estimé que les Maisons de l'emploi doivent être un outil permettant de simplifier et rendre l'action du Pôle Emploi plus efficace. Pourquoi alors s'obstiner à refuser la contribution des ressources qualifiées des Maisons de l'emploi ? Comment ne pas y voir la seule manifestation d'une volonté mal placée de conserver un pré carré ?
En même temps que le nouveau cahier des charges des Maisons de l'emploi, nous attendons une convention régissant, au plan national, les relations entre Pôle emploi et ces dernières. Il y a urgence. Dans la situation économique que nous connaissons, ce sont les territoires qui connaissent les vraies difficultés et ce sont les acteurs locaux qui sont en position d'apporter les meilleures réponses.
M. Christian Demuynck. - Rassemblant en une seule entité, la gestion des offres d'emploi et des allocations, le Pôle emploi a dû faire face après quelques mois d'existence à une explosion des demandes. Plus de 600 000 personnes ont perdu leur travail depuis août 2008. Face à cet afflux, le Pôle emploi s'est engagé à répondre plus efficacement à trois priorités : inscrire, indemniser, accompagner. Des postes seront créés dès le mois prochain pour augmenter le taux d'accès au 3949. Cela permettra de répondre dans les meilleurs délais aux demandeurs. Des moyens importants seront débloqués cet été afin que les indemnisations ne soient pas retardées et pour répondre à ceux qui s'inscriront après la période estivale. Je pense aux nouveaux diplômés et aux emplois d'été qui ne seront pas reconduits.
Le mois de septembre verra le nombre de demandeurs augmenter fortement. Pôle emploi anticipe donc cette période délicate, après un début d'année 2009 déjà difficile. L'accompagnement sera renforcé grâce à des opérateurs privés qui viendront aider Pôle emploi à trouver, chaque année, des solutions pour 150 000 à 170 000 demandeurs.
La presse ne manque pas de stigmatiser les difficultés rencontrées par la nouvelle entité. Elle dénonce le manque de formation des conseillers alors que sur les 20 000 agents qui doivent être formés au cours de l'année 2009, 13 000 l'ont déjà été. Elle monte en épingle un prétendu découragement des agents et leurs mouvements de grève. Le travail accompli chaque jour est ainsi relégué au second plan, malgré son importance et sa difficulté, qui justifient notre soutien. Le personnel est concentré sur ses missions et son énergie à voir Pôle emploi remplir ses objectifs.
Ces polémiques font oublier l'importance de la création et les résultats obtenus. Ce qui était un engagement de Nicolas Sarkozy répond à une vraie nécessité. Jusqu'il y a quelques mois, la France était le seul pays d'Europe où le suivi de la recherche d'emploi était assuré par trois institutions bien distinctes ! Cet enchevêtrement de structures était illisible pour les demandeurs d'emploi, nuisait à la rapidité du retour sur le marché du travail, avait un coût de fonctionnement important : 2,2 milliards rien que pour l'ANPE qui, soulignons-le, ne participait au placement que de 11 % des chômeurs. Cela devait donc changer.
Mais tout nouveau dispositif doit être amélioré. Surtout celui-ci, créé alors que la situation du marché du travail n'était pas aussi difficile qu'aujourd'hui. Des ajustements et un nouvel équilibre sont donc nécessaires. L'instauration de réunions d'échanges régulières dans chaque agence serait l'occasion d'obtenir un maximum d'informations venant du terrain. Ces échanges seraient autant de moyens de transmettre des informations et des précisions : nombre de décisions prises par le Gouvernement ne sont pas bien comprises par les conseillers. Vous l'avez-vous-même souligné lors de votre déplacement dans une antenne de mon département, à Saint-Ouen. De plus, il convient de veiller à la rapide mise en place des référents uniques. Avec la crise actuelle on ne peut attendre. Au-delà de leur nombre, j'insiste sur la qualité de leurs conseils qui s'avère cruciale. Ma conviction est qu'il est indispensable de donner aux conseillers un outil de pilotage sur les métiers qui embauchent afin d'optimiser l'accompagnement des demandeurs d'emplois. Les conseillers doivent non seulement être en mesure de connaître la situation du marché de l'emploi sur leur zone géographique, mais aussi être en mesure d'apporter des recommandations efficaces.
Dans le cadre de la mission commune d'information sur les politiques en faveur des jeunes, nous avons souligné cette faiblesse. Je ne doute que celle-ci sera vite corrigée. Nous devons également débloquer plus de fonds afin de financer les formations pour les demandeurs d'emplois notamment pour répondre aux nouveaux marchés, comme l'écologie et le développement durable.
Élu de Seine-Saint-Denis où le taux de chômage est particulièrement élevé, je sais que la création du Pôle emploi était nécessaire. Même si ses débuts ont été marqués par quelques difficultés, je préfère m'engager dans une démarche positive que stigmatiser. Pôle emploi est une réponse ambitieuse, adaptée aux enjeux de notre époque et aux attentes des demandeurs. (Applaudissements à droite)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. - Je vous remercie du temps que vous consacrez à ce sujet et de vos interventions nourries, précises et constructives. M. Vantomme a assumé dans un esprit humaniste et républicain la lourde charge d'ouvrir le débat. Je ne partage pas toutes les options de Mme David mais j'apprécie toujours son sérieux, la précision de sa documentation, son investissement. Mme Procaccia connaît bien le sujet pour avoir travaillé directement sur la loi qui a donné naissance au Pôle emploi ; elle a parlé avec beaucoup d'objectivité. J'ai écouté M. Plancade avec grande attention, même si je ne partage pas toutes ses idées. M. Jeannerot a mis à profit son expérience et rappelé le rôle essentiel d'amortisseur social de l'agence. M. Fouché a consacré l'essentiel de son intervention aux Maisons de l'emploi ; enfin, M. Demuynck, avec la précision qu'on lui connaît, a évoqué les améliorations possibles.
Il ne faut pas se tromper de diagnostic : nous traversons la crise la plus grave depuis un demi-siècle. Comment répondre à une augmentation de 25 % du nombre de demandeurs d'emploi accompagnés ? Quel service public de l'emploi pourrait s'adapter du jour au lendemain à une telle situation ? La seule vraie question est de savoir si le Pôle emploi améliore la situation et si celui-ci doit encore être perfectionné.
Rappelez-vous la situation de 1993 : des files d'attente devant les guichets de l'ANPE, des agences des Assedic fermées un jour sur deux faute de pouvoir faire face au flot des indemnisations, des demandeurs d'emploi attendant un mois pour être inscrits...
Loin de moi l'idée que les 500 000 nouveaux demandeurs seraient tous parfaitement pris en charge aujourd'hui, mais il est faux de prétendre que le Pôle emploi fasse moins bien que l'ancien logiciel poussiéreux ANPE-Assedic, dont la défaillance était catastrophique en 1993. Il y avait alors trois fois moins de chômeurs qu'aujourd'hui, mais leur prise en charge était apocalyptique. Grâce au dévouement des agents des Pôles emploi, la nouvelle structure fait bien mieux face aujourd'hui, ce qui ne signifie pas qu'il ne faille rien améliorer.
Si la fusion ayant conduit aux Pôles emploi avait été facile, pourquoi aucune majorité n'a-t-elle eu en 20 ans le courage de s'attaquer à ce sujet épineux et délicat ? Bien sûr, la fusion est difficile, mais nous allons de l'avant pour mieux protéger nos concitoyens qui en ont besoin et améliorer progressivement la situation en lien étroit avec les agents du Pôle emploi. M. Vantomme l'a noté : la difficulté ne tient pas aux vaisseaux, mais à la tempête ; l'essentiel est de carguer les voiles et de maintenir le cap pour sortir de l'oeil du cyclone.
Où en sommes-nous ?
La fusion des deux organismes est opérationnelle, avec 26 directions régionales et 430 directeurs locaux déjà nommés. Les 930 directeurs des pôles locaux seront en place à la fin de juillet, chacun avec un contrat de performance, car les structures doivent s'organiser en fonction des réalités locales. M. Demuynck a insisté sur ce point cher au Sénat.
Pour négocier la future convention collective, important sujet abordé par Mme Procaccia, nous attendons les élections professionnelles de septembre ou d'octobre, afin de discuter avec ceux qui auront la charge de la nouvelle structure. Je m'engage à conclure avant 2010, en rappelant que les agents publics pourront choisir entre leur statut actuel et la nouvelle convention collective.
En éliminant les doublons, l'équivalent de 3 000 conseillers supplémentaires seront mis au contact direct du public pendant les prochains mois, c'est-à-dire des demandeurs d'emploi ou des employeurs. Parallèlement, les 1 800 agents supplémentaires en cours de recrutement arriveront dans quelques jours sur le terrain.
La fusion progresse chaque jour. Nous parlons de 45 000 agents travaillant dans 1 500 implantations sur le territoire. Une telle révolution culturelle ne se fait pas d'un claquement de doigts.
J'en viens à l'amélioration du service rendu. Madame David, je me rends chaque semaine sur le terrain. J'ai ainsi passé une journée complète chez M. Demuynck, à l'agence de Saint-Ouen, sans journalistes ni caméras, pour constater les progrès en dialoguant avec les agents. Pour les demandeurs d'emploi, la première chose est de ne devoir se rendre qu'en un seul lieu, car il ne s'agit pas de personnes schizophrènes ayant érigé une séparation mentale absolue entre la recherche d'un emploi et son indemnisation.
Mon premier souvenir comme secrétaire d'État à l'emploi concerne un demandeur qui rencontrait pour la première fois un agent des Assedic. Une entreprise de logistique était disposée à l'embaucher en CDI, sous réserve qu'il obtienne un certificat d'aptitude à la conduite en sécurité. Il fallait voir son visage en entendant répondre que le guichet s'occupait uniquement de son inscription, et qu'il devrait présenter sa demande ailleurs et plus tard ! C'est ce que le Pôle emploi a changé.
Madame David, sur le plan territorial, notre objectif est d'aboutir à 946 sites, après avoir hérité de 1 500 implantations. Élu rural, je sais la difficulté des déplacements pour un demandeur d'emploi. Je m'engage solennellement à ne réduire en rien la couverture territoriale assurée par la nouvelle structure. Au contraire, je l'étofferai, notamment en Rhône-Alpes et dans le Centre. Loin de vouloir diminuer le maillage territorial, le gain d'efficacité permettra une présence accrue. Je vous remercie de souligner que nous parlons d'une question historique.
Madame David, 156 sites mixtes étaient opérationnels au 18 juin, car les discussions avec les partenaires sociaux ont fait prendre du retard sur le calendrier prévisionnel. Les fondations étant assainies, nous pourrons rattraper le retard pendant l'été.
La deuxième amélioration porte sur l'accueil téléphonique au numéro 3949, qui permet aux demandeurs d'emploi de poser toute question. La situation s'améliore, avec un taux de décroché limité à 70 %, mais il faut progresser pour atteindre au moins 80 %. C'est une priorité pour la rentrée. Nous allons améliorer les plates-formes régionales mutualisées, car je ne veux plus que les conseillers perdent du temps à fixer des rendez-vous téléphoniques. J'ai donc demandé que cela change. Christian Charpy, en qui j'ai toute confiance, a pris le sujet à bras-le-corps.
Mme David a évoqué à juste titre le coût du 3949. C'est un héritage des Assedic, dont le numéro était surtaxé, mais le taux de décroché apocalyptique.
M. Guy Fischer. - Il était pratiquement inaccessible !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - C'est exact.
J'ai exercé une pression infernale sur les opérateurs téléphoniques, notamment sur ceux de la téléphonie mobile, qui avaient profité de la situation. Nous avons fait le choix politique de ne pas instituer la gratuité pour ce numéro, mais il est le moins cher de tous les numéros de services publics.
Monsieur Jeannerot, nous allons réserver aux employeurs un numéro court unique.
Voilà pour l'accueil des demandeurs. Encore faut-il les accompagner. Dans le cas évoqué tout à l'heure, la première question posée portait non sur la pertinence de la formation, mais sur l'indemnisation du demandeur, car celle-ci conditionnait la prise en charge de la formation. On tenait alors un raisonnement typiquement français négligeant l'éventuelle conclusion d'un CDI à l'arrivée. Tout cela est derrière nous ! Aujourd'hui, on étudie exclusivement les perspectives d'embauche ouvertes par la formation. Monsieur Fouché, ce changement majeur de culture, qui a fait exploser le carcan inepte du statut, a permis de doubler les aides à la mobilité.
La mise en place de l'entretien unique se poursuit. Dans le système antérieur, le délai d'inscription moyen était de cinq jours. Les entretiens ont désormais lieu le même jour, et nous basculerons peu à peu vers l'entretien unique personnalisé.
Il nous reste à repenser, Mme Procaccia l'a relevé à juste titre, la question des partenariats. Un travail a été engagé avec l'ensemble des acteurs. Je pense à Cap emploi, qui joue un rôle essentiel dans l'insertion professionnelle des personnes handicapées, aux missions locales, précieuses pour aider à résoudre le problème de l'emploi des jeunes, mais aussi aux opérateurs privés qui, étant entendu qu'il ne s'agit pas de toucher à la colonne vertébrale du service public, peuvent apporter un renfort substantiel.
M. Fouché a posé la question du partenariat entre Maisons de l'emploi et Pôle emploi. Je sais, monsieur le sénateur, combien vous êtes attaché à ces structures. Mme Procaccia a raison de dire que Pôle emploi ne doit pas être une citadelle. C'est un message que nous avons clairement envoyé. Si vous rencontrez des difficultés sur le terrain, je vous demande de m'en informer clairement, pour me permettre d'y remédier. Les cadres du Pôle emploi doivent pouvoir agir au service des élus : c'est par le travail d'équipe que l'on imagine des dispositifs au plus près des besoins des territoires. Les Maisons de l'emploi permettent à l'ensemble des acteurs de se retrouver autour de la même table. Ces lieux doivent être des forces de proposition au service de l'expérimentation locale et de l'innovation. Je pense aux programmes de lutte contre l'illettrisme, aux actions transfrontalières, à l'expérimentation de modes de garde innovants, autant de sujets sur lesquels elles nous ont été précieuses. Mais je ne souhaite pas, en revanche, qu'elles agissent comme des opérateurs de placement. Cela pousse, sur certains territoires, à un jeu de concurrence malsain...
M. Alain Fouché. - Pas concurrence, complémentarité.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - ...qui trouve vite, sur le terrain, une exploitation politique. La Maison de l'emploi de Chevigny, monsieur Fouché...
M. Alain Fouché. - Chevigny et ailleurs.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - L'élu que vous êtes sait bien que ce qui se passe sur un territoire mérite attention pour en tirer des leçons à l'échelle nationale. Le Pôle emploi continuera d'animer la Maison de l'emploi, mais ce que je ne veux pas, c'est que sur un même territoire, deux services fassent la même chose. Ce serait renouer avec la complexité dont on a voulu se défaire. C'est pourquoi vous avez raison, monsieur Fouché, de parler de complémentarité, d'association.
Nous élaborons un cahier des charges pour les Maisons de l'emploi, qui sera mis en place dès le début de l'année 2010. Nous allons sortir, à la plus grande satisfaction, à n'en pas douter, des élus, du système surréaliste de financement de ces structures qui prévalait jusqu'ici et donnait lieu à un jeu de chassé-croisé épuisant. L'évaluation se fera a posteriori ; ç'en sera fini des versements au compte-goutte qui suscitaient des difficultés de trésorerie.
Il est des outils de la politique de l'emploi qui font l'objet de demandes pressantes des élus auprès de mes services. Je pense notamment au contrat de transition professionnelle : c'est le Pôle emploi qui les gère désormais, avec des améliorations notables sur le terrain. Je pense également au dispositif « zéro charges », qui a permis l'équivalent de 310 000 embauches dans les entreprises de moins de dix salariés et dont tous s'accordent à reconnaître l'utilité. Nous ne serions jamais parvenus à une telle simplicité, avec un formulaire limpide et téléchargeable, si nous étions restés dans l'ancien système dual. C'est l'existence du Pôle emploi qui a permis ces améliorations.
Je ne cherche pas à minimiser les difficultés, ni à nier les circonstances adverses auxquelles sont confrontés les agents et les demandeurs d'emploi. Je n'entends pas jeter un voile pudique sur la situation mais je demande à chacun de se poser la question en son âme et conscience : voulons-nous revenir aux deux guichets, aux deux entretiens à trois semaines, parfois, de délai, aux deux numéros de téléphone, aux deux sites internet, à une situation où l'on se demandait à qui il convenait de poser sa question, avec deux systèmes d'aide séparés où l'on raisonnait en termes de statut plutôt que de besoin, à un système qui n'aurait pas été capable de soutenir des innovations comme le CTP ou le « zéro charges » ?
Nous sommes, à l'échelle de la politique de l'emploi, face à un vrai défi historique. Ferons-nous le choix de l'immobilisme ? Reviendrons-nous à l'ancien logiciel ou entrerons-nous, malgré les turbulences de la crise, dans la modernité ? Je récuse, pour ma part, le choix du conservatisme et les combats d'arrière-garde et choisis d'aller résolument de l'avant, comme les agents du Pôle emploi et à leur côté. (Applaudissements à droite)
M. André Vantomme, auteur de la question. - Nos débats ont montré que la vérité est pluraliste... mais que le jugement porté sur le Pôle emploi est, convenons-en, globalement mitigé. J'espère que les propos tenus ici de l'un et l'autre côté de l'hémicycle éclaireront les décisions que vous serez amené à prendre pour remédier à une situation qui reste très perfectible... C'est là votre responsabilité, et le temps presse. Nous suivrons avec attention ce que vous proposerez et ce que vous ferez. (Applaudissements sur les bancs socialistes)