Réforme de l'hôpital (Conclusions de la CMP)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Discussion générale
M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. - (Applaudissements à droite et au banc des commissions) Je tiens d'abord à féliciter Mme la ministre d'avoir été renouvelée dans ses fonctions ; je me réjouis de continuer à travailler avec elle. (Applaudissements à droite)
Nous voici à la dernière étape de la discussion du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoire ». M. le président About disait que ce projet de loi avait été celui de tous les records ; mais la liste de ces records n'était pas close, car il est sans doute inédit qu'un rapport de CMP dépasse 450 pages. L'important est que cette longue histoire finisse bien. La commission des affaires sociales se félicite que la CMP soit parvenue à un texte commun sur les 127 articles restant en discussion, parmi lesquels figuraient les plus importantes dispositions du projet de loi. Ses travaux de grande qualité se sont déroulés dans un climat très constructif.
Nous sommes heureux que le Sénat ait apporté à ce texte des contributions significatives dont la plupart ont été entérinées par la CMP. Au titre premier, relatif aux établissements de santé et aux missions de service public, les corrections rédactionnelles, précisions et coordinations adoptées par la CMP n'ont pas remis en cause l'économie du texte voté par le Sénat. Les deux assemblées ont cherché à mieux définir la notion nouvelle d' « établissements de santé privés d'intérêt collectif » (Espic) ; conformément au souhait du Sénat, les Espic pourront conclure avec des établissements publics ou des communautés hospitalières de territoire des accords qui les associeront à la réalisation de missions de service public. A l'article 28 du titre IV, nous nous sommes accordés sur une rédaction qui permet de conférer le statut d'Espic à des établissements ou services sociaux et médico-sociaux.
L'article 3 bis, qui permet d'imposer une clause de non-concurrence aux praticiens hospitaliers à titre permanent, avait été adopté par le Sénat contre l'avis du Gouvernement, du président et du rapporteur de la commission des affaires sociales. Il a fait l'objet d'un long débat en commission mixte paritaire. Celle-ci a finalement décidé de le maintenir mais, par le biais d'un amendement présenté par M. Jean Léonetti, elle en a restreint le champ d'application aux praticiens ayant exercé plus de cinq ans dans le même établissement.
En ce qui concerne la gouvernance de l'hôpital public, la CMP a confirmé pour l'essentiel les dispositions adoptées par le Sénat afin d'assurer un meilleur équilibre entre les instances gouvernantes et entre les pouvoirs administratifs et médicaux, comme le préconisait le rapport Larcher. Toutefois, à l'article 5, elle est revenue au texte de l'Assemblée nationale en prévoyant que le président du conseil de surveillance serait désigné soit parmi les membres du collège des élus, soit parmi ceux du collège des personnalités qualifiées. Sans prétendre discuter ce choix, je tiens à rappeler que les élus sont souvent les moteurs de la modernisation des hôpitaux locaux et toujours des acteurs essentiels de la lutte contre les inégalités territoriales en matière d'accès aux soins. (MM. Paul Blanc et Guy Fischer approuvent)
En revanche, la CMP n'est pas revenue sur la décision du Sénat de renforcer les compétences du conseil de surveillance. A l'article 6, relatif au directeur et au directoire, elle a partagé notre souci de favoriser la coopération et le dialogue entre les médecins et l'administration. Mme la ministre a cependant déposé un amendement aux conclusions de la CMP, qui prévoyaient que le directeur ne pourrait prendre certaines décisions qu'après consultation du directoire. Elle a préféré le terme de « concertation » : nous le regrettons un peu...
M. Guy Fischer. - Beaucoup !
M. Alain Milon, rapporteur. - ...d'abord parce que cette expression est imprécise et qu'il sera malaisé de contrôler le respect de cette formalité, ensuite parce que l'amendement restreint la portée des dispositions adoptées à son initiative pour donner leur juste place aux autorités responsables de la formation et de la recherche dans le directoire des CHU, conformément aux recommandations de la commission Marescaux. Le président de la CME élaborera avec le directeur le projet médical et coordonnera la politique médicale de l'établissement. La définition des compétences du directoire reste celle qui résultait du texte du Sénat : cette instance approuve le projet médical, prépare le projet d'établissement et conseille le directeur dans sa gestion de l'établissement.
La CMP a maintenu l'ensemble des mesures qu'avait adoptées le Sénat pour assurer, en impliquant davantage le président de la CME dans le processus de contractualisation interne, plus de collégialité dans la gouvernance des établissements de santé : celui-ci se prononcera sur l'organisation de l'établissement en pôles d'activité définie par le directeur ; il participera à la nomination des chefs de pôle en présentant une liste de noms au directeur ; il émettra un avis sur les contrats de pôle afin de vérifier leur cohérence avec le projet médical.
La CMP a également retenu que les pôles pourront comporter des structures internes -unités fonctionnelles, services- qui devront être gérées dans le respect de leurs missions propres. Elle n'est pas revenue sur le fond de l'article 12 relatif aux communautés hospitalières de territoire (CHT), dont le Sénat avait souhaité que la rédaction corresponde à la philosophie du rapport Larcher. Elle a toutefois prévu la possibilité d'imposer des transferts de personnel entre établissements parties à une convention de CHT. Le Sénat avait estimé que ces transferts pourraient être négociés et consentis : nous souhaitons que, dans les faits, cela soit le plus souvent le cas. Notre commission espère que la CHT ainsi conçue deviendra un outil nouveau, permettant des réorganisations territoriales de l'offre de soins fondées sur un projet médical élaboré et réalisé par tous les acteurs locaux, dans un réel dialogue entre élus, professionnels de santé et administration.
Les dispositions de l'article 13 relatif aux groupements de coopération sanitaire et à la coordination par l'ARS de l'évolution du système hospitalier ont également été adoptées, sous réserve d'ajustements rédactionnels, dans le texte du Sénat, enrichi d'une précision utile due à l'initiative de Jean-Marie Rolland, qui ouvre aux syndicats interhospitaliers la faculté de se transformer en groupements d'intérêt public.
Sur le titre II du projet, relatif à l'accès de tous à des soins de qualité, la commission mixte paritaire a, pour l'essentiel, retenu le texte du Sénat. Elle a confirmé les avancées que constituent le renforcement du statut des sages-femmes et l'intégration de leur formation à l'université. A l'initiative du groupe CRC-SPG, elle a décidé de permettre, à titre expérimental, la primo-délivrance des contraceptifs oraux par les pharmaciens. Elle a entériné le dispositif de validation des acquis de l'expérience pour l'obtention d'un diplôme de formation médicale spécialisé, attendu par de nombreux praticiens.
Sur les dispositions largement consensuelles concernant la rénovation des ordres médicaux et paramédicaux, la CMP, suivant en cela le Sénat, a supprimé le seuil démographique imposé pour la création de conseils départementaux des ordres des infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes. A l'initiative de MM. Bur, Door et Préel, elle a adopté, à l'article 17 ter, un amendement, sous-amendé par M. Autain, incitant à la négociation, d'ici au 15 octobre prochain, d'une convention permettant d'encadrer la pratique du secteur optionnel, cher à M. Alain Vasselle. A défaut d'un accord dans ce délai, un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale pourra modifier les dispositions de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes. Cette disposition peut constituer un signal à destination des professionnels sur les dépassements d'honoraires ; cependant, il me semble que la question de la revalorisation des actes doit également être abordée. (M. Paul Blanc approuve)
Sur la question sensible des discriminations dans l'accès aux soins, la CMP a précisé les délais dans lesquels les refus de soins pourront être sanctionnés par les caisses primaires d'assurance maladie ainsi que, revenant, sur ce dernier point, au texte de l'Assemblée nationale, les mesures de publicité attachées à ces sanctions. Il convient de lutter contre les comportements contraires à la déontologie professionnelle : le Sénat et l'Assemblée nationale ont oeuvré de concert pour clarifier la procédure et rendre le système de sanction plus efficace. Enfin, la CMP a partagé le souci de transparence qui avait conduit le Sénat à rendre obligatoire l'information des patients sur le coût d'achat des prothèses et leur lieu de fabrication (Mme Isabelle Debré approuve), et retenu les dispositions qu'il avait prévues pour assurer la continuité des soins aux malades sortant de l'hôpital.
Du titre III, consacré à la santé, nous avons tenté de resserrer le contenu sur les dispositions les plus novatrices du texte et celles touchant à l'organisation de notre système de santé. Les autres sujets pourront être renvoyés aux projets de loi sur la santé publique et sur la santé mentale que vous nous annoncez, madame la ministre. Nous avons cependant maintenu certaines dispositions s'inscrivant dans le cadre du plan cancer, ou de nature sociale, comme la possibilité d'acheter des fruits et légumes avec les tickets restaurant.
Sur le volet alcool, nous sommes revenus, après un débat approfondi, à l'équilibre retenu par l'Assemblée nationale.
Sur l'éducation thérapeutique du patient, la CMP a approuvé le dispositif de financement adopté par le Sénat. Nous porterons une particulière attention au futur rapport sur les possibilités de passage à un financement public des associations. Sur la nutrition et la lutte contre l'obésité, la commission mixte paritaire a suivi le Sénat et maintenu la suppression des articles introduits par l'Assemblée nationale, hormis l'article 25 decies qui insère dans le code de la santé publique un livre consacré aux troubles du comportement alimentaire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Il est encore un peu maigre...
M. Alain Milon, rapporteur. - Le titre IV, relatif à l'organisation territoriale du système de santé, avait été substantiellement amendé par notre assemblée. Nous nous réjouissons que la CMP ait adopté dans le texte du Sénat les dispositions de l'article 26 B prévoyant la conclusion entre l'État et l'Uncam de contrats pluriannuels définissant les objectifs de la politique nationale de gestion du risque, comme celles de l'article 26 donnant latitude aux ARS pour arrêter les actions régionales en matière de gestion du risque. Le texte de la CMP ne remet pas non plus en cause le parti pris par le Sénat de clarifier et d'alléger la rédaction de certaines dispositions de l'article 26 et de souligner que la politique de santé est une politique nationale dont les ARS permettront l'application déconcentrée et l'adaptation aux spécificités régionales et territoriales.
A l'initiative de nos collègues députés et après un large débat, la CMP a cependant repris une disposition du texte de l'Assemblée nationale permettant de confier, à titre expérimental, la présidence du conseil de surveillance de certaines ARS à une personnalité qualifiée désignée par le ministre de la santé.
M. Guy Fischer. - Eh oui !
M. Alain Milon, rapporteur. - La mention des observatoires régionaux de la santé a été réintroduite. Enfin, la CMP a suivi le Sénat sur la question de la consultation des représentants des collectivités territoriales et de la conférence régionale de la santé sur le projet régional de santé et celle de la liberté, pour les collectivités territoriales, d'accorder des subventions aux services de santé.
Sur l'article 27 relatif à la représentation des professionnels de santé libéraux, alors que le Sénat avait prévu de regrouper les électeurs des unions régionales de médecins en collèges, sans en préciser le nombre, la CMP a préféré revenir à la répartition en trois collèges prévue par l'Assemblée nationale.
M. Alain Vasselle. - C'est une erreur !
M. Alain Milon, rapporteur. - Les apports de notre assemblée au volet médico-social, enfin, ont été maintenus. Ainsi des Epic médico-sociaux, mais aussi de l'intégration dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens conclus par les établissements médico-sociaux, d'objectifs de qualité de prise en charge, d'accompagnement des personnes dépendantes et de la possibilité, dans le cadre de l'aide aux actes de la vie courante, d'apporter une aide à la prise des médicaments.
En revanche, la CMP a estimé que l'instauration, en cas de grève, d'un service minimum dans les établissements médico-sociaux ne pouvait être imposée par la loi sans concertation préalable. Nous nous sommes ralliés au point de vue de nos collègues députés et avons adopté un amendement prévoyant que le Gouvernement remettrait au Parlement, avant le 30 juin 2010, un rapport relatif à la mise en oeuvre, au regard des contraintes constitutionnelles, d'un service minimum dans le secteur médico-social.
M. Alain Vasselle. - Il n'est pas près de sortir...
M. Alain Milon, rapporteur. - A l'heure de conclure ce long travail, je remercie tous les sénateurs qui ont participé aux débats, les membres de notre commission et tout particulièrement le président About. Je rends également hommage aux présidents de séance qui ont dirigé ces débats.
Je veux enfin vous dire, madame la ministre, notre gratitude pour votre écoute et l'excellent climat dans lequel nous avons travaillé avec vous (« Très bien ! » à droite) et j'appelle mes collègues, au nom de la commission des affaires sociales, à adopter le projet de loi dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements à droite et au banc de la commission.)
M. le président. - Permettez-moi de remercier au nom du Sénat notre rapporteur pour la qualité de son travail. (Applaudissements à droite) Merci également au président de la commission et à tous les commissaires (Nouveaux applaudissements)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. - Je ne puis vous cacher combien j'ai de joie à vous retrouver ! (Rires et applaudissements à droite) C'est aussi avec grande fierté que je viens achever avec vous l'examen d'un texte fondamental pour notre système de santé. Après des semaines d'un débat riche, toujours intense, souvent passionné, à l'Assemblée nationale d'abord puis Sénat enfin, et le remarquable travail de la commission mixte paritaire, nous pouvons nous féliciter d'être parvenus à un texte d'équilibre, un texte responsable.
Ma fierté est celle d'une ministre dont l'action est entièrement guidée par une seule et même exigence, améliorer l'accès de tous nos concitoyens à des soins de qualité, et qui, pour avoir elle-même fréquenté les bancs du Parlement, mesure l'investissement et les exigences requis pour faire vivre un tel temps fort de la vie démocratique de notre pays.
Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont contribué, par la finesse de leurs analyses, à enrichir ce projet de loi, et en premier lieu Gérard Larcher, pour son rapport exceptionnel sur les missions de l'hôpital. Je mesure tout ce que cette loi lui doit. Qu'il trouve ici l'expression de ma gratitude.
Le rapport de Jean-Marc Juilhard a lui aussi constitué une contribution majeure.
Je remercie également le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, pour sa hauteur de vue et sa grande expertise. Sa sensibilité aux enjeux et sa remarquable intelligence recueillent toute mon admiration.
M. Jean Desessard. - Arrêtez, arrêtez !(Sourires)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Sous son égide, la commission des affaires sociales a parfaitement su se saisir de l'enjeu majeur que représente ce projet de loi pour l'avenir de notre système de santé.
Vous l'avez fait, monsieur le président, dans des conditions particulièrement difficiles avec un nouveau règlement qui nous a parfois obligés à quelques réglages. (Sourires) Vous avez su le faire avec beaucoup d'humanité, de gentillesse et de compréhension, d'où ma très grande gratitude.
Je tiens aussi à rendre hommage à votre rapporteur pour sa précision et son écoute permanente : je n'avais pas le droit d'ajouter mes applaudissements à ceux qu'il vient de recueillir, mais je l'aurais volontiers fait si l'étiquette parlementaire ne m'en avait empêchée. (Applaudissements à droite)
Je n'oublie pas non plus la contribution de ceux qui, sur tous les bancs, ont éclairé de leurs compétences notre discussion. Les sénatrices et les sénateurs de l'opposition ne m'ont pas ménagée, je ne le demandais pas non plus, et je sens d'ailleurs que cela va continuer dans quelques instants, (sourires) mais j'ai toujours eu à coeur d'écouter leurs suggestions, j'en ai d'ailleurs retenu un certain nombre, avec respect et dans un bon esprit républicain. Je vous remercie de la bonne ambiance qui, grâce à eux, a régné durant toute cette discussion.
Vous comprendrez sans peine que mes pensées reconnaissantes vont aux sénatrices et aux sénateurs qui m'ont toujours soutenue, notamment à Marie-Thérèse Hermange, Gérard Dériot, Catherine Procaccia, Jean-Pierre Fourcade, André Lardeux, Alain Vasselle, Gilbert Barbier, Anne-Marie Payet, Muguette Dini. Que tous ceux que je n'ai pas cités ne m'en veuillent pas : c'est la loi des énumérations qui sont forcément incomplètes. (Exclamations à droite) Oui, j'ai oublié Isabelle Debré !
M. Dominique Braye. - Et Paul Blanc ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Tout à fait, et Alain Gournac aussi... Ou comment se faire des amis ! (Sourires) Soyez tous et toutes remerciés pour votre soutien. Sans apport des uns et des autres, ce débat parlementaire aurait eu peu de sens.
Je voudrais adresser un remerciement tout particulier aux membres du Sénat ayant participé à la commission mixte paritaire, où ils ont su trouver un compromis qui respecte la volonté de chaque assemblée. Ce travail était en effet difficile et il a nécessité beaucoup de finesse et d'esprit de synthèse. Il en est d'autant plus extraordinaire. Aujourd'hui, j'exprime la gratitude du Gouvernement.
Sans reprendre dans le détail les mesures d'un projet de loi d'envergure, j'aimerais vous rappeler tout ce que, ensemble, nous avons accompli et que nous allons apporter à nos concitoyens.
Nos hôpitaux ont été modernisés. La gouvernance de l'hôpital a été rénovée et clarifiée, pour donner à tous les acteurs les moyens d'exercer pleinement leurs rôles et leurs missions. Les prises de décision en seront facilitées et tous les patients en bénéficieront.
Pour mieux répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, qui veulent pouvoir bénéficier de parcours de soins fluides et de qualité, nous avons également amélioré les coopérations hospitalières et mieux articulé le système hospitalier avec la médecine de ville et le secteur médico-social. Ce projet de loi permettra également de mieux répartir l'offre de soins sur le territoire, pour lutter contre les déserts médicaux.
Grâce à des mesures cohérentes, nous répondrons à l'exigence d'un accès aux soins pour tous, dans le respect de la liberté d'installation. Formation, offre de soins, rien n'a été oublié. Nous avons toujours fait le pari de l'organisation et de la modernisation.
Parce qu'il s'agit aussi d'une loi de prévention, il était bien naturel que le préventif, à côté du curatif, occupe une place à part entière. Le titre relatif à la santé publique comporte des mesures phares sur des déterminants de santé comme le tabac ou l'alcool.
L'inscription de l'éducation thérapeutique dans le code de la santé publique est une véritable révolution culturelle, qui instaure une nouvelle relation entre soignant et soigné. Le malade sera désormais acteur de sa propre santé.
Enfin, la création des agences régionales de santé parachève le décloisonnement de notre système de santé, qui en avait bien besoin. Leur mission sera d'organiser l'offre de santé sur tout le territoire, au plus près de nos concitoyens.
Ce trop bref résumé dit assez la valeur et l'importance d'un texte innovant et pragmatique, ambitieux et responsable. Je vous dis toute ma confiance dans cette réforme élaborée avec tous et pour tous.
Pourtant, comme l'a rappelé M. le rapporteur, il subsiste une légère ambiguïté sur le mode de fonctionnement du directoire, du fait de la façon dont il est consulté par le directeur dans l'exercice de ses fonctions et de ses compétences. Lever cette ambiguïté ne remet absolument pas en cause l'équilibre trouvé par la commission mixte paritaire entre les directeurs et les médecins.
Vous avez tous voulu que le directoire soit une instance collégiale, lieu d'échanges entre ses membres et c'est aussi l'avis du gouvernement. Pour autant, il ne faut pas que cette instance ploie sous un fonctionnement trop formaliste. Or, les experts juridiques consultés ces derniers jours par le gouvernement indiquent que le texte de la commission mixte peut transformer le directoire en une instance consultative formelle, qui fonctionnerait avec des règles de quorum, des comptes rendus, des scrutins, où chacun compte ses voix, alors que ce doit être une instance de discussion collégiale opérationnelle qui s'inspirerait des actuels conseils exécutifs qui ont bien fonctionné. Personne n'a imaginé qu'il en soit autrement. Les règles de fonctionnement du directoire doivent permettre de prendre en compte les différents points de vue.
Je concède que la rédaction initiale du Gouvernement, qui indiquait « après consultation » n'évitait pas non plus cet écueil : elle garantissait l'aspect collégial, mais pas la recherche de consensus positif. C'est pourquoi l'amendement du Gouvernement permettra de lever cette ambigüité : il substitue un terme à un autre, tout en conservant le principe d'un travail en pleine collégialité au sein du directoire. Il rejoint donc les souhaits des deux assemblées.
Au final, ce texte consacre une réforme indispensable, adaptée aux besoins et aux attentes des Français, et il permettra de relever les défis posés. Nous pouvons donc être collectivement fiers de ce projet de loi. Merci à tous et à toutes. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
M. Guy Fischer. - Au terme de nos quatre semaines de débat public sur ce projet de loi, je ne vous surprendrai pas en réaffirmant que le groupe CRC-SPG ne votera pas ce texte.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Quelle déception !
M. Alain Gournac. - Pour une surprise, c'en est une !
M. Guy Fischer. - Quelques mots, d'abord, sur les conditions dans lesquelles nous avons travaillé en commission et en séance publique. Il s'agissait du premier projet de loi à être discuté sous les auspices de la nouvelle procédure destinée, selon ses défenseurs, à renforcer le rôle des parlementaires. Toutefois, nous avons assisté à un amenuisement de nos droits, notamment en raison des trop courts délais pour le dépôt des amendements. En outre, je regrette qu'en réponse aux amendements que nous avons défendus en séance publique, le rapporteur se soit trop souvent contenté de faire référence aux décisions prises en commission. Cette réponse n'est pas satisfaisante car, contrairement à la séance publique, les débats en commission ne font pas l'objet d'une publicité complète. (M. Nicolas About le conteste) C'est pourtant le cas, monsieur le Président ! Nous invitons donc les futurs rapporteurs à ne pas recourir à de pareilles formules, sinon les parlementaires de l'opposition délaisseront le travail en commission pour se consacrer à la séance publique, ce qui serait contraire aux objectifs de la réforme constitutionnelle et réglementaire.
En outre, si le Gouvernement peut déposer des amendements à tout moment, nous préférerions qu'il use de ce droit avec parcimonie. Les délais entre la date limite de dépôt des amendements et la séance publique lui laissent tout loisir de déposer ceux qu'il estime nécessaire.
J'en viens au fond du texte. Au début de nos travaux, mon ami François Autain estimait que cette réforme tendait vers la privatisation du service public hospitalier. Après la réunion de la commission mixte paritaire, je ne puis hélas que confirmer ces propos. (M. Nicolas About le conteste une nouvelle fois) En effet, dès l'article premier, le ton est donné : la notion emblématique de service public hospitalier est remplacée par treize missions distinctes permettant aux établissements de santé privés commerciaux de choisir les missions les plus rentables. Aujourd'hui, plus de 60 % des actes de chirurgie sont réalisés par le privé commercial et cette tendance va probablement s'accroître à l'avenir, surtout pour les opérations les plus rentables. Quant aux missions les moins rémunératrices, comme l'accueil d'urgence des patients, elles serviront au privé commercial d'aspirateurs à clientèle.
Cette division en treize missions est contraire à l'esprit de notre Constitution, notamment à son Préambule : elle desservira les intérêts des patients les plus démunis, tout en renforçant le poids des établissements de santé privé commerciaux. De même, nous sommes opposés à l'ouverture de centres de santé par les établissements de santé privés commerciaux car cela leur permettra de capter de nouvelles clientèles.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Ils seront libres d'aller où bon leur semble !
M. Guy Fischer. - En outre, vous avez refusé notre amendement qui précisait que les patients accueillis dans des centres de santé gérés par des établissements de santé privés lucratifs devaient bénéficier d'une tarification sans dépassement.
De plus, vous avez rejeté notre amendement qui sanctionnait les personnes physiques et les établissements de santé privés commerciaux qui, chargés de missions de service publique de santé, ne respecteraient pas les tarifs définis par le code de la sécurité sociale pour les établissements de santé publique. Après nos débats, nous avons réuni près d'une centaine de personnes : tous estiment que cette loi permettra au privé lucratif de concurrencer le secteur public.
Cette concurrence portera sur les missions les plus rentables et, avec la tarification à l'activité, appauvrira encore les établissements publics de santé ; vous pourrez alors invoquer leur non-rentabilité pour imposer fusions et fermetures. Vous développez la concurrence dans le seul but de fragiliser un peu plus les services publics. Personne ne parle de la fusion de centaines d'établissements de proximité, mais tel est bien l'enjeu.
Nous nous opposons à ce que des non-fonctionnaires dirigent des hôpitaux. A une culture de santé publique et de service public, vous voulez substituer une culture d'entreprise, d'où la nécessité d'imposer des managers.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - C'est reparti...
M. Guy Fischer. - Ça continue ! Je confirme mes propos...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Et le superpréfet sanitaire ?
M. Guy Fischer. - Il arrive !
M. Charles Revet. - Belle constance. (Sourires)
M. Guy Fischer. - Nous avons souvent interrogé la ministre sur les compétences qu'il devrait avoir ; elle ne nous a pas répondu.
Mme Annie David. - Eh non !
M. Guy Fischer. - Nous savons en revanche quelles compétences seront perdues car la santé publique y sera sacrifiée à la rentabilité financière. Cette décision s'inscrit dans un plan de démantèlement de la fonction publique hospitalière et de l'ensemble du secteur public, à l'exception des fonctions régaliennes. Je ne peux que dénoncer l'amendement adopté en commission mixte paritaire pour assouplir cette disposition : les directeurs venus du privé pourront subir une formation à l'école des hautes études en santé publique mais aussi dans tout autre organisme compétent. (Mme Annie David le regrette)
Nous continuons de nous opposer à la création de groupements de coopération sanitaire qui créeront la confusion entre privé et public au détriment de ce dernier, et permettront la dilution du service public. Juridiquement incertaine, cette disposition sera difficile à mettre en oeuvre car la Fehap et la FFH ont annoncé ne pas vouloir y participer.
Pour diminuer la dépense publique, la droite la plus libérale de France et d'Europe sacrifie la pertinence des besoins à la révision générale des politiques publiques au nom de laquelle on supprime 36 000 postes de fonctionnaires. Les directeurs des ARH seront de véritables superpréfets et les instruments de la rigueur.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Les privatisations...
M. Jean Desessard. - Ne vous laissez pas faire par les Versaillais !
M. Guy Fischer. - La loi leur permet, sans concertation, de placer un établissement public de santé sous administration provisoire, c'est-à-dire sous tutelle, jusqu'à son retour à l'équilibre. Non, le déficit des hôpitaux ne résulte pas de la mauvaise gestion de leurs directeurs, mais de l'effet de la convergence public-privé et de la tarification à l'acte, qui les appauvrissent. Nous avons là une divergence de fond car, pour nous, certaines missions de service public ne peuvent être rentables et la santé ne sera jamais une marchandise. Les hôpitaux publics souffrent d'abord de sous-financement !
Nous contestons que le directeur de l'ARS puisse exiger des suppressions de postes dans le cadre des plans de retour à l'équilibre. Voilà la preuve que le projet annonce un vaste plan social que la Fédération hospitalière de France évalue à terme à 20 000 emplois : chaque année apportera son lot de suppressions. Je ne reprendrai pas la longue liste de celles qui ont été annoncées, car le mouvement s'accélèrera demain du fait de la volonté présidentielle de ne pas remplacer un départ en retraite de fonctionnaire sur deux. Les citoyens déplorent déjà le manque de moyens des hôpitaux et le personnel paramédical dénonce son manque de moyens. Pourquoi rajouter la pénurie à la pénurie ?
Nous nous opposons à la disposition adoptée en commission mixte paritaire sur le transfert des personnels au sein des communautés hospitalières de territoire, qui ne s'opèreront plus sur la base du volontariat. Cela accélèrera la réduction des dépenses et la concentration des structures jugées pas assez rentables. De plus, le directeur de l'ARH pourra sanctionner financièrement les établissements qui refuseraient de participer à ces communautés. Tout est fait pour dessiner la carte sanitaire, non en fonction des besoins, mais pour réduire la dépense publique.
Outil de cette politique de rigueur, les ARH dirigées par les superpréfets sanitaires se substitueront aux élus locaux qui tirent leur légitimité du suffrage universel. Je ne peux que dénoncer l'amendement adopté avec l'avis favorable de notre rapporteur, pour que la présidence du conseil de surveillance des établissements publics de santé puisse revenir à un membre du troisième collège, alors que notre Assemblée l'avait réservée à un élu local. Nous nous étions opposés à la substitution du conseil de surveillance au conseil d'administration, et nous dénonçons une conception qui prive les personnels non-médicaux de toute participation à la direction des établissements de santé alors qu'ils contribuent à leur réussite, qui est reconnue au niveau international. Parce que les hôpitaux ne sont pas des entreprises comme les autres, il faut au contraire associer toutes leurs composantes.
La méfiance envers les personnels va jusqu'à les priver d'un vote sur le budget mais elle s'étend aussi aux élus : comment se satisfaire d'une présidence du conseil de surveillance qui peut revenir à une personnalité qualifiée, c'est-à-dire nommée par le Gouvernement ou par ceux qu'il aura nommés ? Cette défiance envers les élus des collectivités qui financent largement les opérations n'a pas de précédent. Pour éviter toute contestation des fermetures à venir, vous muselez les oppositions. Ce n'est pas notre idée de la démocratie sanitaire et ce n'est pas à la hauteur des enjeux.
Nous dénonçons la conception des agences régionales de santé et leurs missions. Vous avez entendu en faire l'acteur clef de la dépense publique de santé, l'opérateur de la gestion du risque santé, afin de peser directement sur la dépense publique, sur la dépense sociale et sur cette dépense hospitalière dont M. Vasselle va répétant qu'elle constitue la moitié du déficit de l'assurance maladie. Cette analyse, si elle ne correspond pas à une réalité marquée par l'explosion des dépenses de soins de ville, justifie une véritable reprise en main, qui rompt avec l'esprit du Conseil national de la résistance.
Et pourtant, le Président de la République utilise le Conseil national de la résistance dans ses discours...
Il y avait d'autres solutions et nous aurions préféré, qu'au lieu d'agir sur les dépenses, votre gouvernement assure les ressources nécessaires à notre protection sociale, notamment en revenant -comme le suggère chaque année la Cour des comptes- sur les quelque 42 milliards d'exonérations de cotisations sociales consenties aux entreprises de notre pays.
M. Alain Vasselle. - Et aussi aux salariés !
M. Guy Fischer. - Les salariés ne voient pas leurs fiches de paye augmenter. Au contraire, depuis quelques années, les salaires et les retraites sont écrasées ! (Applaudissements à gauche)
Cette loi, contrairement à l'intitulé de son titre III, ne garantira pas l'accès de tous à des soins de qualité. Nous avons proposé de très nombreux amendements destinés à résorber les déserts médicaux et les dépassements d'honoraires. La majorité du Sénat, soutenue par le Gouvernement, les a tous refusés. Pourtant, la situation est paradoxale : jamais le nombre de professionnels de santé n'a été aussi important et jamais leur accès n'a été aussi difficile. Nous avons proposé d'aménager, comme cela s'est fait en Allemagne, en Autriche ou au Québec, la notion de « liberté d'installation » afin qu'elle ne soit plus en contradiction avec l'intérêt des populations. Vous avez écarté toutes ces pistes, renonçant ainsi à garantir le droit fondamental de tous nos concitoyens à accéder aux soins. Votre gouvernement aura pour l'avenir la lourde responsabilité de ce renoncement et devra, un jour ou l'autre, s'en expliquer devant nos concitoyens qui, dans les zones de montagne, de campagne ou dans les quartiers populaires n'ont plus, ou difficilement, accès aux soins. Je regrette l'adoption en CMP d'un amendement supprimant la disposition introduite au Sénat sur proposition d'Annie David, qui précisait que le Comité de massif était tenu informé de la situation de la démographie médicale sur son territoire.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Parce qu'il le sera !
M. Guy Fischer. - C'est une preuve supplémentaire de votre conception des contre-pouvoirs. Je la regrette d'autant plus qu'il s'agissait d'une demande pressante de l'Anem à laquelle participent des représentants des communes, de toutes les sensibilités politiques.
De même, je regrette le refus de la majorité et du Gouvernement de légiférer sur les dépassements d'honoraires qui entravent l'accès aux soins. Le grand testing, mené par les associations de malades sur l'accès aux soins des bénéficiaires de la CMU ou de l'AME, montre à qui pouvait encore en douter, que, contrairement à nos grands principes républicains, la discrimination dans l'accès aux soins est également fondée sur les ressources financières : soit certains praticiens refusent de soigner les plus pauvres, soit ces derniers renoncent à consulter un médecin. Ils sont de plus en plus nombreux à choisir entre les soins urgents et ceux qui peuvent attendre, à cause des franchises médicales, de la crise économique qui frappe les plus pauvres et qui se traduit par un vaste mouvement de démutualisation.
J'ai bien noté la timide avancée résultant de l'adoption en CMP d'un amendement sur le secteur optionnel. Il est trop timide pour avoir des effets réels et présente l'inconvénient majeur de renvoyer l'action, non pas à la discussion parlementaire, mais au secret de l'élaboration du décret.
J'aurai à ce sujet une suggestion à vous faire. Depuis plusieurs années, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est l'occasion d'un débat particulier ; le dernier portait sur l'hôpital. Compte tenu de l'intérêt des Français et du Sénat pour ce sujet, je propose de consacrer le débat à venir aux dépassements d'honoraires et de laisser les parlementaires, qui ont fait preuve durant nos travaux de beaucoup d'imagination, libres d'agir par voie d'amendements. Vous pouvez compter sur le groupe CRC-SPG pour défendre, une nouvelle fois, des amendements qui lui sont chers, sur des mesures urgentes comme le testing, l'inversion de la charge de la preuve, l'interdiction d'installation des professionnels en secteur 2 dans les zones sous-denses.
Le groupe CRC-SPG est opposé à la suppression des CROSMS et à leur remplacement par une procédure d'appels à projets. Ce mécanisme, inspiré du secteur privé commercial, est totalement opposé à l'histoire du mouvement médico-social qui fait sa force aujourd'hui. Nous ne sommes pas contre une certaine forme de décentralisation, mais nous souhaitons qu'elle soit plus solidaire. Nous voulons faire vivre une véritable démocratie sanitaire. La suppression de la consultation des CROSMS sur les schémas départementaux revient à se priver de compétences et d'analyses diverses et complémentaires sur un schéma important pour les personnes dépendantes et handicapées et pour leurs familles. La consultation de cette structure régionale aurait permis de confronter au niveau régional les différents schémas départementaux dans un souci de solidarité et d'équité territoriale. Cette suppression introduira une concurrence entre les établissements et privilégiera, la plupart du temps, le moins-disant économique au détriment du mieux-disant social. On ouvrira ainsi un boulevard au privé. Comme les associations concernées, je crains que la réponse à un cahier des charges préétabli, en privilégiant un processus uniforme du haut vers le bas, plutôt qu'un processus partant du terrain, ne favorise les grands opérateurs et des projets trop formatés, au détriment des projets innovants. Or, c'est bien d'innovation, puisée dans sa longue expérience, que le secteur médico-social fait preuve depuis 50 ans ! Comment peut-on le déposséder ainsi de sa capacité à inventer au plus près des besoins des personnes handicapées ? Surtout lorsqu'il n'y a plus de ministre des handicapés ! Ce n'est pas la mise en place d'un cahier des charges allégé pour les projets à caractère expérimental ou innovant qui leur rendra l'initiative ! Il s'agira, avant tout, de garantir une mise en concurrence contraire aux intérêts des personnes concernées.
Avant de conclure cette longue intervention qui témoigne de la richesse de nos travaux et de l'ampleur de nos divergences, j'aborderai deux dispositions inquiétantes. Le groupe CRC-SPG s'oppose à la suppression du statut particulier de l'AP-HP, qui témoigne, elle aussi, de la volonté de reprendre en main l'organisation hospitalière dans son ensemble et qui mettra à mal l'unicité de l'AP-HP qui faisait pourtant sa spécificité et qui lui a permis, jusqu'à aujourd'hui, de prendre en charge les populations les plus diverses de la région parisienne tout en étant à la pointe de la recherche médicale mondiale. Ce démantèlement inquiète les personnels de l'AP-HP, y compris des directeurs de services, réunis il y a peu en assemblée générale à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, et qui craignent la casse d'un outil formidable composé de 37 établissements, actuellement au service de la population. Dans des territoires désertés par la médecine de ville, qui les considère comme pas assez rentables, l'offre publique est la seule à accueillir les patients. Je veux dire aux personnels de l'AP-HP que nous sommes à leurs côtés et qu'ils pourront compter sur nous pour défendre partout le modèle public, seul garant du droit de tous à accéder, sans distinction de ressources, d'origines ou de pathologies, à des soins de grande qualité.
Je veux dénoncer ici l'amendement adopté en CMP supprimant la disposition introduite au Sénat à l'unanimité, et précisant que l'accès aux gynécologues médicaux était d'accès direct. C'est un mauvais signal envoyé aux femmes, d'autant que la pénurie de gynécologues obstétriciens est grandissante, pénurie qui constitue un véritable risque pour la santé des femmes.
En l'état du projet de loi, particulièrement après son passage en commission mixte paritaire, le groupe CRC-SPG votera résolument contre. (Applaudissements à gauche)
présidence de M. Roland du Luart,vice-président
M. Jean-Pierre Godefroy. - Quatre semaines de débat, une centaine d'heures de séance, un rapport de CMP record de 450 pages, six mois de travail du rapporteur....
Chaque année, notre pays consacre près de 200 milliards aux dépenses de santé ; si c'est l'un des systèmes les plus coûteux, c'est aussi et surtout l'un des plus performants au monde. Pourtant les dysfonctionnements sont de plus en plus nombreux : engorgement des urgences, allongement des délais de rendez-vous, complexification du parcours de santé, difficultés à assurer la permanence des soins, augmentation du taux de retour des soignés, crise des vocations, déserts médicaux, etc. En fait notre système de santé est fragile même si nos concitoyens reconnaissent à juste titre la qualité des soins qui leur sont prodigués ainsi que la valeur des personnels soignants. C'est pourquoi une réforme s'imposait. C'est bien l'un des seuls points sur lesquels nous aurons été vraiment d'accord.
Mais au lieu de conforter notre modèle de solidarité sociale, de garantir l'accès de tous, dans tous les territoires, à des soins de qualité, et de promouvoir l'efficience de notre organisation des soins, ce projet de loi organise le démantèlement du service public hospitalier et la privatisation de notre système de santé. Dans votre texte, il n'y a d'ailleurs plus d'« hôpital public » mais des « établissements de santé »...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Oui, mais avec des « missions de service public ».
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ce changement d'appellation n'est pas neutre.
Tout au long de ce débat, nous nous sommes attachés à défendre une autre modernisation de notre système de santé.
Pour nous, cela passe par une politique hospitalière volontariste et ambitieuse, une réorganisation de la médecine de ville et un pilotage régional. Au lieu de quoi, le projet de loi affaiblit l'hôpital public, laisse la médecine de ville à ses dysfonctionnements et à ses dérives, et met en place un pilotage centralisé et autoritaire qui laisse bien peu de place à la démocratie sanitaire.
Nous sommes en profond désaccord avec la logique de cette réforme. Nous refusons le morcellement des missions de service public : en confiant à tous les établissements de santé la possibilité de les assurer, le texte ouvre la voie à un service public à la carte où les cliniques privées pourront choisir les missions les plus lucratives et laisser aux hôpitaux publics les plus délicates et les plus coûteuses. (Applaudissements à gauche)
Ensuite, il faut donner des moyens à l'hôpital public pour son fonctionnement et pour ses investissements, souvent gelés. Il ne pourra répondre aux défis de la médecine de demain. La programmation année après année, budget après budget, annonce la fin de l'hôpital public. Il faut également revoir la tarification à l'activité (T2A) et abandonner l'objectif de convergence tarifaire entre hôpitaux publics et cliniques privées : la spécificité de l'hôpital public est de ne choisir ni les patients ni les pathologies traitées. Le report de l'objectif de convergence ne suffit pas. Quant à la révision de la tarification à l'activité, elle est renvoyée au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Son maintien à 100 % signerait l'arrêt de mort de l'hôpital public.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Dans ce cas, pourquoi 60 % des établissements sont-ils en excédent budgétaire ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - Enfin, nous refusons cette énième réforme de la gouvernance qui organise la gestion des hôpitaux autour d'un patron, avant tout gestionnaire, sans y associer véritablement les équipes soignantes et les élus locaux.
Sur ce premier volet du texte, la CMP n'a pas permis d'inverser la tendance. Elle est même revenue sur deux points essentiels. Tout d'abord, elle a fait marche arrière sur la présidence du conseil de surveillance : après d'âpres débats avec le Gouvernement, le Sénat avait voté un amendement de Jean-Pierre Chevènement qui la confiait à un élu local. La CMP est revenue au texte initial : cette présidence pourra être confiée à une personnalité qualifiée nommée par le représentant de l'État. Il manquera à cette nomination un fondement démocratique et cette défiance envers les élus ne s'explique que par la volonté de renforcer une tutelle déjà très stricte. (M. Guy Fischer approuve)
Ensuite, la CMP a considérablement affaibli le dispositif de non-concurrence introduit par le Sénat au profit du secteur hospitalier. L'article n'a pas été supprimé comme le souhaitait le rapporteur, mais un amendement Leonetti prévoit un délai de cinq ans à la date d'obtention du statut de praticien hospitalier.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - C'est sage.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Cela le rend quasiment inapplicable alors que le secteur privé, lui, sait parfaitement faire jouer ce type de clause. (M. Guy Fischer approuve)
Pour ce qui est de la médecine de ville, les dispositions prévues sont très insuffisantes pour assurer l'égal accès aux soins. Pour cela, il faudrait améliorer la répartition des médecins sur le territoire. C'est urgent, mais la régionalisation du numerus clausus ne produira aucun effet avant une dizaine d'années et le contrat santé solidarité ne s'appliquera pas avant 2013. Il est nécessaire de freiner les installations dans les zones excédentaires. Les infirmières ont montré l'exemple, dans une démarche conventionnelle. Une régulation est également indispensable pour les médecins. Au début de la discussion sur ce texte vous avez, madame la ministre, manifesté l'intention d'agir en ce sens, mais vous y avez malheureusement renoncé. Les médecins ne peuvent refuser tout aménagement du droit d'installation.
Ensuite, il faut lutter contre les refus de soins car ces discriminations vont à l'encontre des préceptes fondateurs de la République. Il ne reste rien des mesures initialement prévues pour protéger les usagers : la majorité a choisi de privilégier l'intérêt des médecins plutôt que celui des patients. Comme Guy Fischer, je juge pertinent d'en débattre lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, il faut limiter les dépassements d'honoraires : sans mesure ni contrôle, ceux-ci relèvent du mercantilisme médical. Une fois de plus, le Gouvernement a refusé de traiter le sujet. La CMP a quand même adopté un amendement qui invite les partenaires conventionnels à organiser, d'ici le 15 octobre, un secteur optionnel permettant une pratique encadrée des dépassements ; à défaut le Gouvernement pourra procéder par arrêté.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - C'est fondamental.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Il aurait été préférable d'en débattre dans le cadre de ce texte. Le problème dure depuis si longtemps : pourquoi renvoyer à une énième concertation ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - On va le faire.
M. Guy Fischer. - Nous saurons vous le rappeler !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Cela fait cinq ans que le dossier est bloqué et que le Gouvernement refuse d'agir.
Quant à l'organisation et au pilotage territorial, nous regrettons une occasion manquée. La création des agences régionales aurait pu contribuer à décloisonner notre système de santé en rapprochant la médecine de ville de la médecine hospitalière. Cette idée faisait même consensus. En fait, ces agences seront des superstructures technocratiques s'inscrivant dans une logique d'étatisation.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Il s'agirait donc d'une privatisation étatisée ? (Sourires)
M. Jean-Pierre Godefroy. - Les directeurs de ces agences disposeront d'un pouvoir sans partage au sein d'une chaîne de responsabilités exécutives contrôlée par l'État tandis que les intérêts locaux et les acteurs territoriaux seront affaiblis ou isolés. La régionalisation est mise au service d'une recentralisation ayant pour principal objectif la maîtrise des dépenses de santé.
Le volet santé nous semble à la fois insuffisant et incohérent. La controverse sur l'alcool en témoigne. Vous avez annoncé, madame la ministre, une prochaine loi de santé publique. Nous l'attendons avec impatience...
Nous sommes loin de l'objectif de modernisation de notre système de santé : ce texte nous en propose plutôt une vision cloisonnée et étriquée. Les objectifs économiques prennent le pas sur les enjeux de santé publique et d'égalité d'accès aux soins, rendant l'avènement d'une médecine à deux vitesses un peu plus inéluctable. Ce choix, allié à la perspective de 20 milliards euros de déficit de la sécurité sociale pour cette année et de 30 milliards pour 2010, risque fort d'accentuer cette rupture.
L'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale sera décisif pour la sauvegarde de notre système de protection. Dans cette attente, le groupe socialiste du Sénat ne peut que rappeler l'orientation négative de cette réforme, même si certains de ses amendements ont été adoptés. (Applaudissements à gauche)
M. Bernard Cazeau. - Cette loi ne restera pas dans les annales, sinon pour les remous qu'elle a provoqués au sein du monde de la santé. Elle a battu des records d'impopularité et est décriée avant même d'être appliquée.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Ne prenez pas vos désirs pour des réalités !
M. Bernard Cazeau. - Il faut comprendre le sentiment d'humiliation de praticiens hospitaliers soupçonnés de contribuer à la mauvaise gestion de l'hôpital alors qu'ils en sont les piliers. Il faut mesurer le scepticisme des médecins libéraux face à une hyper-administration de leur activité qui n'apporte pas de solutions à leurs difficultés. Il faut entendre l'inquiétude des personnels hospitaliers confrontés à une réorganisation sans ménagement. Les usagers constatent que notre système se délite peu à peu, la carte de crédit se substituant à la carte vitale, et les élus locaux n'ont pas envie que se créent des déserts sanitaires.
Votre loi est partielle et détachée des enjeux du moment. Vous avez renoncé au grand texte d'orientation, de financement et d'organisation dont le système de santé français a tant besoin. Nous attendions une loi ambitieuse, nous obtenons un texte bancal qui réorganise l'administration de la santé et règle quelques questions subalternes. Les parlementaires l'ont bien compris, qui ont triplé le nombre d'articles malgré les promesses de futurs textes concernant la santé publique et la santé mentale, mais quand ?
A quoi tout notre travail a-t-il conduits ? En matière de gouvernance, le Sénat a su écouter les acteurs de la santé et le Gouvernement a dû faire à contrecoeur machine arrière -mais revient à la charge avec son amendement à l'article 6. Il a certes renoncé à ses intentions les plus caricaturales, qui calquaient le fonctionnement de l'hôpital public sur un modèle militaire ; et l'adhésion à une communauté hospitalière de territoire est désormais facultative. Mais personne n'est dupe des moyens de pression dont disposeront les futures ARS.
Les améliorations apportées au cours des débats sont finalement bien dérisoires. Où sont les garanties sur les moyens et le champ d'intervention de l'hôpital public ? Rien n'entravera le transfert des missions de service public au secteur privé. Plus de domaine réservé désormais ! Au lieu des anciennes accréditations, nous aurons un financement intégral. Nous savons qu'ainsi le Gouvernement se dote d'un outil qui lui permettra de perfuser les activités les moins rentables du privé ; cela s'appelle la socialisation des pertes, tandis que les profits resteront privés. Ce mélange des genres n'annonce rien de bon...
La plupart des mesures touchant à la démographie médicale sont renvoyées à plus tard : le numerus clausus régionalisé mettra du temps à produire ses effets ; le contrat santé solidarité est renvoyé à l'après 2012 ; le contrat d'engagement de service public en contrepartie d'une bourse universitaire produira ses effets dans dix ans. Les autres mesures incitatives existent déjà. Quant à la discrimination en matière d'accès aux soins, on frôle l'hypocrisie ! Curieuse posture que le refus du testing tandis que la discrimination est réprouvée dans les discours ! Décide-t-on de limitations de vitesse sans se donner les moyens de contrôler leur respect ? A quoi bon se draper dans des principes ? Alors que certains voient dans le testing une suspicion, nous y voyons de la dissuasion.
La question des dépassements d'honoraires est balayée d'un revers de main et renvoyée à une négociation ultérieure. Même les parlementaires de la majorité ont constaté qu'une chape de plomb s'était abattue sur le sujet. Mais nous savons qui a votre oreille... A-t-on encore le droit de contrarier quelques intérêts privés ou l'argent libre est-il désormais la mesure de toute chose ?
Un mot enfin du titre IV et des ARS. Il est question de reporter l'installation de cette gigantesque administration à juillet 2010. Quel aveu d'impréparation ! On découvre soudain que la fusion d'administrations différentes ne va pas de soi, qu'il faudra se préoccuper des agents : bref, qu'existe un statut de la fonction publique... Ce report illustre d'ailleurs la complexité des ARS, véritable mastodonte dont les règles hiérarchiques et les délégations de pouvoir devront être codifiées avec la plus grande précision. C'est clair : les ARS naîtront dans la douleur. Pour nous, coordonner n'est pas régenter ; or rien n'a été prévu pour limiter l'autoritarisme administratif du directeur de l'ARS.
Le drame de votre texte, madame la ministre, c'est son anachronisme. A peine son examen est-il achevé que les mauvaises nouvelles s'accumulent. La commission des comptes de la sécurité sociale vient d'annoncer pour 2009 un déficit record de plus de 20 milliards d'euros, le double de 2008 -dont 10 pour la branche maladie ; et la Cour des comptes évoque le chiffre de 30 milliards pour 2010. La seule parade qu'a trouvée le Gouvernement est de communiquer une nouvelle fois sur les abus en matière d'arrêts maladie. Mais nous savons tous ici que c'est le vieillissement de la population active qui explique la multiplication de ces arrêts, parfois avec la complicité des employeurs.
Ce texte ne vous sera malheureusement d'aucun secours pour redresser la barre. Vous aurez compris de mes propos la position qu'adoptera le groupe socialiste. (Applaudissements à gauche)
Mme Anne-Marie Escoffier. - Ce texte achève aujourd'hui un parcours parlementaire marqué par l'urgence, à travers un labyrinthe dans lequel nous aurions voulu lire en lettres d'or le mot « patients ». Le nombre d'amendements comme la durée exceptionnelle des débats illustrent l'ampleur des sujets abordés et le souhait des parlementaires d'apporter aux Français une réponse à la hauteur des enjeux.
Longtemps vanté comme l'un des meilleurs du monde, notre système de santé présente aujourd'hui de redoutables symptômes : un financement fragilisé, un pilotage contesté et éclaté, et surtout des inégalités très profondes d'accès aux soins. Derrière la crise budgétaire est apparue la fracture sanitaire. Dans certains territoires, en particulier ruraux, la permanence des soins n'est plus qu'approximative ; les délais d'accès en cas d'urgence sont incompatibles avec l'efficacité des soins ; les files d'attente pour les spécialistes s'allongent. En un mot, le désert médical gagne du terrain. Face à cette situation, il était temps de décider et d'agir, d'autant qu'en matière de santé, les fruits se récoltent à moyen et long termes. C'est dire que ce texte était très attendu.
La rédaction initiale a été profondément modifiée par les débats. Je n'ai pu assister à l'intégralité de ceux-ci mais il m'avait un temps semblé que la grogne des médecins et des personnels hospitaliers avait réussi à infléchir un peu la philosophie du texte. A la lecture des conclusions de la CMP, il faut se rendre à l'évidence : c'était un trompe-l'oeil ! Vous disiez, madame la ministre, vouloir renforcer le service public hospitalier ; il est, en réalité, menacé. Demain, les établissements privés à but lucratif pourront exercer des missions de service public. Si toutes les bonnes volontés sont en effet les bienvenues, surtout en cas de carence sur un territoire, le système proposé s'apparente, malgré quelques garanties, à une vente à la découpe. Nous avons souhaité, en vain, que fût au moins affirmée la primauté des établissements publics. La reconnaissance prioritaire, dans le contrat pluriannuel, des missions déjà assurées par un établissement de santé sur un territoire donné, aurait été un moindre mal ; mais son caractère obligatoire a été supprimé par la CMP.
Un motif de satisfaction, toutefois : le maintien de la clause de non-concurrence au profit du secteur public hospitalier, introduite par le Sénat sur proposition de plusieurs groupes et de certains membres du RDSE. C'est une avancée, même si la CMP en a limité la portée. II eût été paradoxal qu'on refusât d'appliquer au secteur public une clause habituelle dans le privé alors que l'article premier, qui autorise la formation des internes par le privé, provoque déjà un appel d'air vers celui-ci.
Nous avons des désaccords de fond sur la gouvernance de l'hôpital. Dans sa sagesse, le Sénat a redonné aux personnels médicaux la place qu'ils méritent ; il n'était ni digne, ni juste de les stigmatiser et de les écarter ainsi. Si je me félicite que, malgré les pressions de quelques députés, la CMP n'ait pas remis en cause le compromis trouvé ici, je ne me fais guère d'illusion : ces concessions ne sont là que pour mieux faire passer la logique de rentabilité qui fonde le projet de loi. Le dernier mot reviendra toujours au directeur, y compris pour le projet médical et la nomination des chefs de pôle. Le Gouvernement vient d'ailleurs de faire adopter par l'Assemblée nationale un amendement qui remplace l'avis du directoire par une simple concertation... Il faut sans doute un décideur, mais l'hôpital n'est pas une entreprise comme une autre. Si la rigueur de gestion est nécessaire, on ne peut lui appliquer les objectifs de rentabilité d'une entreprise commerciale, qui sont incompatibles avec les fondements de notre système de santé ; incompatibles aussi avec l'éthique du corps médical qui veut regarder chaque patient comme un être unique ; incompatibles enfin avec le souhait du patient de ne pas être traité comme une marchandise.
M. Yvon Collin. - Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. - Autre motif de forte déception : la présidence du conseil de surveillance ne revient plus de droit à un membre du collège des élus, comme le prévoyait notre amendement voté ici à l'unanimité. Nous regrettons qu'il n'ait pas été plus vigoureusement défendu en CMP par ceux-là même qui l'ont adopté et sont d'ordinaire les chantres des collectivités territoriales. Suspecterait-on les élus de bloquer les évolutions de l'hôpital ? Si certains d'entre eux ont pu faire de l'hôpital un lieu d'affrontement politicien, ils sont le plus souvent des moteurs et jouent un rôle d'intercesseurs entre les personnels hospitaliers et les usagers. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)
Ce projet de loi met l'hôpital public sous la tutelle forte du directeur de l'ARS.
Si l'on accepte que cette instance soit présidée non par un élu, mais par une personnalité qualifiée nommée par l'État, on nie l'ancrage démocratique de l'hôpital. Ayant défendu l'amendement en séance publique, mon collègue Jean-Pierre Chevènement est particulièrement déçu.
L'accès aux soins, la régionalisation du numerus clausus, la reconnaissance de la médecine de premier recours et même le contrat d'engagement de service public sont des mesures positives, mais qui ne produiront leur plein effet que dans quatre ans, voire dix pour certaines. Or, il y a urgence. Sans être adeptes de la coercition, beaucoup de mes collègues du RDSE souhaitent des mesures plus contraignantes.
Comment croire que le contrat santé solidarité permettra d'éliminer les déserts médicaux, vu les difficultés de mise en oeuvre et la faiblesse des pénalités ?
A propos des dépassements d'honoraires, la CMP a adopté un amendement invitant les partenaires conventionnels à négocier, d'ici le 15 octobre, les modalités d'un secteur optionnel permettant une pratique encadrée des dépassements. En cas d'échec, le Gouvernement pourra fixer les règles pour 2010. Nous nous félicitons de cet ajout, car beaucoup de patients sont confrontés à des difficultés financières liées aux déremboursements, aux franchises et surtout aux dépassements d'honoraires. Dans certains secteurs, il est difficile de trouver des médecins du secteur 1. Il était choquant de ne pas aborder ce thème dans une loi traitant de l'accès aux soins, mais cet amendement n'est qu'un moindre mal : il aurait mieux valu garantir une offre de soins à tarifs opposables.
M. Guy Fischer. - Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. - Enfin, nous regrettons le sort réservé par la CMP à un amendement de Gilbert Barbier, adopté par le Sénat, confirmant l'accès direct sans pénalité financière aux gynécologues, aux ophtalmologues et aux psychiatres.
Enfin, la vacuité du titre III nous laisse perplexes, alors qu'il est censé aborder la prévention et la santé publique : il n'y a rien sur l'obésité, la toxicomanie, la prévention parmi les jeunes, ni la santé mentale. Vous vous êtes engagée à présenter un projet de loi consacré à ces enjeux. Nous veillerons à cet engagement.
J'en arrive au dernier volet du texte : l'organisation territoriale du système de santé.
Nous approuvons la création des agences régionales de santé, qui permettront une unité d'action, car le cloisonnement qui sépare l'hôpital et la médecine de ville, de même que le corporatisme et les concurrences excessives entre établissements de santé, figurent parmi les raisons du désordre actuel.
Mais les amples pouvoirs des ARS nous inquiètent, car le remaillage offensif exige une démocratie sanitaire participative, dont le préfet de région aurait pu être le garant. Or, la gouvernance des ARS ne le présage nullement : instrument de cette démocratie sanitaire, la conférence régionale des territoires reste purement consultative. Parallèlement, le directeur général de l'ARS pourrait piloter d'une main ferme la coopération et la restructuration hospitalières si les établissements n'en prenaient pas l'initiative. Nous comprenons l'intérêt de la complémentarité entre hôpitaux publics et du regroupement d'établissements qui ne pourraient offrir à leurs patients de sécurité suffisante, par manque d'équipements ou en raison d'une activité trop faible, mais la démarche ne devrait-elle pas être négociée ?
J'insiste pour que les ARS veillent scrupuleusement à ne pas pousser la restructuration hospitalière jusqu'au « cannibalisme hospitalier » faisant disparaître les hôpitaux locaux.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - On les gardera !
Mme Anne-Marie Escoffier. - La proximité n'est pas forcément gage de qualité, mais ces hôpitaux locaux apportent un appui indispensable aux médecins généralistes et utile à de nombreux spécialistes.
Enfin, ces agences devront impérativement encourager les maisons de santé, les pôles de santé et les réseaux dans les zones urbaines sensibles comme dans les zones rurales, car ces modèles innovants permettent de rompre l'isolement, cause majeure du désert médical.
La grande majorité des membres du groupe du RDSE n'est pas convaincue par ce projet de loi, même amélioré par le Sénat. Nous n'en partageons pas la philosophie, trop éloignée de notre humanisme.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Nous ne sommes pas des humanistes ?
Mme Anne-Marie Escoffier. - A l'exception de MM. Barbier et Montesquiou, qui voteront ce texte le groupe du RDSE votera donc contre. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et à gauche)
Mme Anne-Marie Payet. - Au terme de la discussion d'un projet de loi qui fera date, le texte de la CMP respecte pleinement les équilibres déterminés par le Sénat.
Nous n'avons cessé d'affirmer l'importance de ce projet de loi, particulièrement pour la gouvernance du système de santé, des hôpitaux et des soins ambulatoires. Mais il comporte aussi des avancées significatives en matière de prévention et de santé publique, domaine auquel je me suis plus particulièrement consacrée.
La création des ARS et la rationalisation hospitalière concrétisent nombre de nos propositions. Nous appelions également de nos voeux une véritable politique de lutte contre les déserts médicaux.
Saisi d'un texte très ambitieux, la Haute assemblée a effectué une oeuvre colossale. Je tiens à saluer encore une fois l'excellent travail de notre commission des affaires sociales, de son rapporteur et de son président, car le texte adopté par l'Assemblée nationale soulevait d'importants problèmes aplanis par le Sénat.
La gouvernance régionale et hospitalière satisfait désormais toutes les parties prenantes au système de santé. Ainsi, l'ARS est sortie démocratisée de nos travaux. De même nous sommes parvenus au sein de l'hôpital à un juste équilibre entre efficacité et concertation, entre les pouvoirs administratif, sanitaire et politique. Cet équilibre n'est nullement compromis par l'amendement que le Gouvernement nous proposera. Nous nous réjouissons que la CMP ait confirmé les positions du Sénat.
En matière de gouvernance, la CMP ne s'en est écartée notablement que pour la présidence du conseil de surveillance de l'hôpital. Souhaitant rétablir la primauté des élus, le Sénat leur avait réservé la présidence, alors que la CMP ouvre cette fonction aussi à une personnalité qualifiée. Nous le regrettons sur le plan des principes, malgré les faibles conséquences pratiques de cette disposition.
Pour le reste, la CMP est restée fidèle au texte en matière de gouvernance. Elle l'a même amélioré sur certains points, en commençant par la démographie médicale. Nous approuvons la réinscription explicite de ce sujet parmi les missions de l'ARS. De même, nous soutenons le rapport qui doit examiner la création d'un sous-objectif à l'Ondam relatif aux inégalités territoriales de santé.
Ensuite, la CMP a apporté des modifications intéressantes, par exemple en permettant aux pôles de santé d'assurer une mission de service public.
Enfin, certaines avancées concernent l'accès aux soins. Il est ainsi légitime d'obliger les médecins ayant bénéficié d'une bourse d'engagement de service public à exercer un certain temps en secteur 1. La majoration du rachat de la bourse perçue dans ce cadre rendra la contrepartie plus opérante.
Autre point d'importance : nous suivrons de près les négociations relatives au secteur optionnel permettant d'encadrer les dépassements d'honoraires. C'est une véritable priorité pour l'accès aux soins.
J'en arrive au volet qui m'est le plus cher : la prévention et la santé publique, plus particulièrement la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme.
Je me réjouis que la CMP ait conservé mes amendements sur les zones protégées à la vente de tabac et interdisant outre-mer la vente de tabac dans les grandes surfaces et les galeries attenantes.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Que de pressions nous avons subies !
Mme Anne-Marie Payet. - En revanche, je regrette que l'amendement de M. About interdisant la vente d'alcool sur les routes à quatre voies n'ait pas résisté à la CMP.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - On y reviendra.
Mme Anne-Marie Payet. - Mais la CMP interdit la vente de boissons alcoolisées dans les stations-service à partir de 18 heures, au lieu de 20 heures. C'est un réel progrès.
Pour ces raisons, l'immense majorité du groupe de l'Union centriste votera ce texte...
M. René Garrec. - Très bien !
Mme Anne-Marie Payet. - ...tout en étant consciente que beaucoup reste à faire. (Applaudissements à droite)
M. Jean-Pierre Fourcade. - Il eût été paradoxal qu'aucune voix de l'UMP ne vînt soutenir ce projet de loi, dont nous abordons la dernière étape après un tel débat, qui a aussi agité l'opinion et remué des corporatismes.
Ce texte repose sur deux idées.
La première est le décloisonnement, car notre système de santé souffre d'une segmentation à l'origine de conflits entre le public et le privé, entre l'Assistance Publique- hôpitaux de Paris et les autres hôpitaux, entre médecins et gestionnaires. Ces oppositions stériles sont dépassées ! Il faut réformer la structure avant d'accroître ses moyens ; sinon, c'est le tonneau des Danaïdes du déficit.
La deuxième idée est la territorialisation de l'offre de soins, réalisée grâce à l'ARS. Nous avons beaucoup parlé du désert médical et des refus de soins opposés aux titulaires de la CMU. Nous avons aussi évoqué l'engorgement des urgences.
Au nom du groupe UMP, je tiens à saluer l'excellent travail du rapporteur, parfaitement secondé par le président de la commission. (Applaudissements à droite)
A propos de la CMP, nous regrettons la malheureuse affaire de la présidence du conseil de surveillance des hôpitaux.
M. Guy Fischer. - Ah ! Heureux de vous l'entendre dire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - On pourra toujours y revenir.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Les personnalités qualifiées sont en règle générale d'éminents retraités sans plus de prise avec la réalité. Il faudra donc rénover la notion de personnalité qualifiée, afin que les personnes pressenties aient la capacité de présider ces organismes complexes que sont les hôpitaux.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Les élus sont aussi des personnalités qualifiées !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Je m'étonne qu'aucun des orateurs précédents, si ce n'est Mme Payet, n'ait souligné les nombreuses avancées que comporte ce texte.
De graves difficultés nous attendent. Nous sommes confrontés au vieillissement de la population, mais aussi à la multiplication des pandémies mondiales auxquelles notre système de santé doit pouvoir s'adapter rapidement et efficacement. Il faudra améliorer la formation du personnel de santé et remédier aux effets pervers produits par le numerus clausus et diverses mesures prises depuis 30 ans. Il est essentiel d'assurer la soutenabilité financière de la politique de prévention et de soins, ce qui nécessite de rénover les structures car il ne sert à rien de déverser plus d'argent sur une organisation obsolète.
Le texte de la CMP est complexe et sera difficile à mettre en oeuvre, mais en décloisonnant notre système de santé il améliorera l'offre de soins pour tous nos concitoyens. Je salue votre courage et votre ténacité, madame la ministre. Ce texte marque un tournant dans notre politique de santé. L'un de mes collègues a déclaré qu'il prendrait sa place dans l'anthologie des lois inapplicables ; ce n'est pas mon avis. Je me félicite du rapprochement de l'administration de la santé et des caisses de sécurité sociale, car c'est le seul moyen d'assurer la soutenabilité financière et l'efficacité de notre système de soins. On vous a beaucoup critiquée, permettez-moi au contraire de vous féliciter. (Mme la ministre remercie l'orateur, applaudi par les membres du groupe UMP et par Mme Anne-Marie Payet)
M. le président. - En vertu de l'article 42-12 de notre Règlement, le Sénat, appelé à examiner les conclusions de la CMP après l'Assemblée nationale, se prononcera sur l'ensemble du texte par un vote unique en ne retenant que les amendements acceptés par le Gouvernement.
Article 6
M. le président. - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.
Au sixième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, remplacer les mots :
« après avis du »
par les mots :
« après concertation avec le »
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je l'ai défendu au cours de mon intervention initiale.
Vote sur l'ensemble
Mme Marie-Thérèse Hermange. - Le groupe UMP a la joie de vous retrouver, madame la ministre, quelques heures après votre confirmation dans vos fonctions. Vous pourrez dire ce soir : « mission accomplie ». Ce projet de loi sur l'hôpital nous a longuement occupés, et c'est bien normal puisqu'il s'agissait de la vie de nos concitoyens. Il a été notablement enrichi par le Sénat, ce dont nous nous réjouissons. Il fallait concilier des exigences de qualité et d'efficacité. La rénovation des structures hospitalières préserve un juste équilibre entre les compétences du directeur, des médecins et des élus. Le décloisonnement de notre système de santé et la coopération entre les établissements permettront d'améliorer l'offre de soins ; le texte comporte aussi de nombreuses mesures visant à lutter contre l'extension des déserts médicaux. A ce propos, je veux dire publiquement mon regret que la CMP n'ait pas adopté un amendement relatif aux médecins remplaçants que m'avait suggéré M. Jacques Blanc.
La création des ARS aura pour effet de responsabiliser les acteurs du monde médical. Nous avons examiné ce matin le rapport de M. Paul Blanc sur les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), et nous avons pu constater à quel point leur gestion était déficiente. Je suis sûre, au contraire, que la gestion des ARS sera exemplaire et qu'elle pourra à terme être étendue à d'autres structures comme celles-là.
En tant qu'élue parisienne, je me réjouis que la tutelle financière de l'APHP soit désormais exercée par le ministère du budget.
Je félicite les membres de la commission des affaires sociales, son président et son rapporteur de leur excellent travail, et je remercie Mme la ministre de sa disponibilité et de son écoute. Lors de l'examen du projet de loi, une cinquantaine de sénateurs de l'UMP ont voté contre l'article 22 bis, non pas par hostilité à l'IVG, mais parce qu'ils considèrent que les nouvelles tâches confiées aux sages-femmes ne sont pas conformes à leurs missions et regrettent que l'on n'ait pas attendu la publication du rapport de l'Igas à ce sujet. Il suffit de lire le Vidal pour s'apercevoir que le médicament en question peut avoir des effets très nocifs ; en cas de problème, les sages-femmes s'exposent peut-être à des poursuites judiciaires. Nous ne voulions pas que cette mesure soit inscrite dans la loi Bachelot-Narquin. Cependant le groupe UMP se prononcera en faveur de l'adoption des conclusions de la CMP. (Applaudissements à droite)
M. Jacky Le Menn. - Lors de son intervention devant le Congrès à Versailles lundi dernier, M. Sarkozy a déclaré : « Nous irons plus loin dans la maîtrise des dépenses de santé parce que j'ai conscience de l'immensité des besoins et que je n'ai pas le droit de laisser gaspiller un euro. » On ne peut qu'approuver cette intention. Mais il y a deux voies pour parvenir à la maîtrise des dépenses de santé, comme nous nous sommes efforcés de le montrer tout au long de l'examen de ce projet de loi. La première voie, celle que vous avez choisie, est celle de la maîtrise comptable. Nous aurons l'occasion de revenir sur la question du financement des hôpitaux à l'occasion du PLFSS, mais il est d'ores et déjà certain que la tarification à l'activité et la mise en concurrence des établissements publics et privés conduira à la disparition de pans entiers de l'hôpital public. Vous mettez en place une régulation autoritaire, étatique et technocratique.
L'autre voie, plus difficile, est celle d'une meilleure collaboration de l'administration et du monde médical. Pour cela il fallait se donner le temps de tisser des liens de confiance.
Vous nous proposez une loi de circonstances, qui ne permettra pas de résorber le déficit abyssal de la sécurité sociale -20 milliards d'euros en 2009, 30 milliards en 2010- et qui est marquée par une immense défiance à l'égard des médecins, des directeurs d'hôpitaux -nous avons dû nous battre jusqu'au bout pour que ceux-ci ne soient pas nommés conformément au voeu des directeurs généraux d'ARS, ce qui aurait fait d'eux de simples petits télégraphistes...-, à l'égard des autres membres du personnel soignant, infirmiers et aides-soignants qui sont au coeur de la vie quotidienne à l'hôpital, à l'égard des usagers qui n'auront plus de représentants au sein des comités régionaux d'organisation sociale et médicosociale (Crosms), mais aussi des élus. Je l'ai dit dès le début de l'examen de ce projet de loi : c'est une erreur et même une faute d'exclure les élus de la régulation du système de soins. Leur aide sera nécessaire pour créer des communautés hospitalières de territoire : on tenait enfin là une bonne idée, mais elle est tuée dans l'oeuf.
Mme la ministre a dit tout à l'heure que ce texte était fondamental pour l'avenir de notre système de santé. Nous pensons tout le contraire : le Parlement est passé à côté de l'occasion de voter une grande loi. Je crains que les Français n'en subissent bientôt les conséquences. (Applaudissements à gauche. M. Jacques Mézard applaudit également)
M. André Lardeux. - Je voterai ce texte, tant en raison de son titre IV, portant création des ARS, avancée remarquable dans l'organisation de notre système de santé, que de son titre I, qui réorganise l'hôpital : il faut un pilote à la tête de nos établissements de santé, requis de fournir des services de plus en plus pointus.
Je ne voudrais cependant pas, par ce vote, laisser penser que je souscris à toutes les dispositions de ce texte, et notamment à son article 22 bis, auquel je ne puis adhérer pour des questions de conscience. Je regrette l'introduction dans ce texte d'une mesure qui aurait mérité d'être débattue dans un autre contexte, d'autant que l'extension de l'avortement par voie médicamenteuse n'est pas dénuée de risques. N'y aurait-il pas lieu de se pencher plutôt sur les raisons pour lesquelles le recours à l'avortement est, depuis 30 ans, toujours aussi important en France, (M. Nicolas About, président de la commission, le confirme) afin de faire en sorte que les femmes ne soient plus contraintes d'en venir à cette extrémité ? (Applaudissements à droite)
M. Yves Daudigny. - J'ai déjà dit combien manquent les moyens qui permettraient d'atteindre l'objectif affiché par ce texte pour assurer l'égal accès de tous, quels que soient le lieu de résidence et les revenus de chacun, aux services de santé. Le fait est que son objectif réel est bien la maîtrise des dépenses de santé, au prix d'une étatisation de la santé qui aboutira, avec la mise en concurrence, au démantèlement du service public hospitalier.
Ce texte met en danger non seulement le principe de solidarité qui régit notre système de santé, mais le principe constitutionnel de décentralisation des compétences transférées. Il est marqué par la défiance à l'égard des élus, le refus de reconnaître leur autonomie aux ARS et d'associer pleinement les conseils généraux à l'élaboration des schémas régionaux de santé.
La clarification des compétences reste un voeu pieux. La compétence générale confiée aux ARS contredit le rôle de chef de file du département en matière médicale et médico-sociale. On risque l'incohérence entre schémas départementaux et Priac, qui obéissent à des logiques contradictoires, l'une ascendante, l'autre descendante. Les élus locaux, qui devraient en droit arrêter les choix politiques, sont cantonnés au rang de donneurs d'avis. Où est, là-dedans, la démocratie sanitaire ? S'agissant de la politique sociale et médico-sociale, vous remettez en cause des synergies qui ont eu le plus grand mal à se mettre en place.
Vous aurez, par ces quelques rappels, compris notre opposition à ce texte. (Applaudissements à gauche)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Au terme de ce long chemin, je vous remercie tous d'avoir su mener un débat tout à la fois d'une grande dignité et d'une grande qualité. A ceux et celles qui m'ont apporté leur soutien, je veux dire merci en soulignant que je sais qu'avec un texte si dense, l'accord de fond sur l'architecture générale ne peut manquer de souffrir quelques critiques sur certains éléments. C'est pourquoi je remercie celles et ceux qui, comme Mme Hermange et M. Lardeux m'ont apporté leur soutien tout en rappelant, légitimement, certaines réticences. C'est bien la dignité de la démarche parlementaire que d'accepter des textes qui sont inévitablement de compromis.
Je tiens à rappeler ici ce qu'est ma philosophie quant à notre système d'organisation sanitaire. Elle est directement issue du programme du Conseil national de la résistance. (On le conteste à gauche) Dans un système de santé solidaire, c'est l'État qui est garant et responsable de la politique de santé. S'il associe, bien entendu, les acteurs locaux, il n'obéit pas à une logique de décentralisation, mais bien de déconcentration. Car la responsabilité politique, ce n'est ni le président de conseil général ou régional ni le maire qui la porte, mais bien le Gouvernement et le ministre de la santé.
Je revendique donc cette filiation. Financièrement, c'est la loi de financement de la sécurité sociale qui détermine le financement de la santé. Administrativement, c'est la loi qui détermine l'organisation sanitaire. L'originalité de ce texte tient en ceci qu'il réunit au niveau pertinent, le niveau régional, l'organisation de la gestion des risques et l'organisation sanitaire.
Bien sûr il faut écouter les élus, les associations de malades, les professionnels de santé, mais c'est la responsabilité de l'État que de mettre en oeuvre le pacte social qui veut que soit assuré le maillage sanitaire du territoire et l'égalité des tarifs. C'est cela qui nous protègera.
Voilà ce que j'ai voulu vous proposer : un texte solidaire. Merci à ceux qui l'ont soutenu. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
A la demande du Gouvernement et des groupes socialiste et CRC-SPG, le texte issu des conclusions de la CMP, modifié par l'amendement n°1 du Gouvernement, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 174 |
Contre | 154 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements à droite)