Réforme du crédit à la consommation
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.
Discussion générale
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. - (Applaudissements à droite et au banc des commissions) La réforme du crédit à la consommation est une réforme à risque. Son objectif est clair : prévenir les excès du crédit à la consommation et les abus du crédit renouvelable, dont le Sénat s'inquiète depuis longtemps -les propositions de MM. Marini et Biwer ont marqué les esprits. Mais les voies pour y parvenir sont étroites, et il faut se garder des fausses bonnes mesures qui empêcheraient la distribution du crédit.
Ce serait commettre un double contresens. Un contresens social d'abord, car les Français sont attachés au crédit à la consommation : pas moins de 9 millions de ménages y ont recours. C'est un instrument nécessaire à la gestion de leur budget, en particulier dans cette période difficile. Un contresens économique ensuite : si aujourd'hui la France résiste mieux que ses voisins à la crise, c'est notamment grâce au dynamisme de la consommation des ménages, en hausse de 0,2 % au premier trimestre. Environ 40 % du chiffre d'affaires du secteur de la vente par correspondance est financé par le crédit à la consommation, 25 % de celui de la distribution spécialisée ; deux véhicules neufs sur trois sont payés à crédit.
Pourtant le crédit à la consommation se porte mal : en un an, l'émission de nouveaux crédits par les établissements spécialisés s'est effondrée de 19 %. Cette chute n'épargne aucun type de crédit : les nouvelles utilisations de crédits renouvelables ont par exemple diminué de 14 %.
J'en appelle donc à votre sens des responsabilités : par-delà les clivages partisans, nous devons parvenir à définir les mesures adéquates. Le sujet étant complexe, j'ai souhaité éclairer nos travaux en publiant une série d'études : le rapport de l'Inspection générale des finances sur la modernisation du Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) ; l'enquête triennale de la Banque de France sur le surendettement ; l'étude réalisée par le cabinet Athling pour le Comité consultatif du secteur financier sur le crédit renouvelable ; et le rapport sur l'usure des inspections générales des finances et des affaires sociales. Avant même l'entrée en vigueur de la dernière révision constitutionnelle, j'ai demandé à mes services de réaliser une étude d'impact pour évaluer les conséquences économiques de la réforme.
Nous avons également mené un travail de terrain auprès des commissions de surendettement, notamment en Seine-Saint-Denis, et consulté régulièrement les associations familiales, les associations de défense des consommateurs et les parlementaires intéressés. Je remercie tout particulièrement MM. Marini et Dominati, respectivement président et rapporteur de la commission spéciale, ainsi que tous les autres membres de la commission pour leur travail approfondi et leurs propositions d'amendements.
De nombreuses lois ont été votées depuis vingt ans pour lutter contre le surendettement, mais aucune n'est parvenue à l'enrayer. C'est seulement en favorisant une distribution plus sage du crédit que l'on y parviendra. Le premier objectif est donc de responsabiliser la distribution du crédit à la consommation en s'attaquant à plusieurs points noirs.
Il faut d'abord empêcher les publicités biaisées qui affichent un taux d'intérêt alléchant tandis que le taux réel du crédit, inscrit en bas de la page en petits caractères bleu marine sur fond noir, est à peine lisible. Le projet de loi oblige à communiquer le vrai taux d'intérêt de manière aussi visible que le taux d'intérêt promotionnel.
Il existe aussi des publicités pour du crédit renouvelable qui parlent de tout sauf de crédit ! Une publicité sincère, c'est un crédit qui dit son nom. C'est pourquoi le projet de loi impose, aux « réserve d'argent », « compte disponible »ou « crédit reconstituable », une appellation unique : le « crédit renouvelable ». Je propose enfin d'interdire les mentions qui suggèrent qu'un crédit améliore la situation financière de l'emprunteur.
Nous souhaitons mettre fin aux crédits qui ne se remboursent jamais. Un crédit doit être, un jour, définitivement remboursé : je reçois chaque jour des lettres de consommateurs m'indiquant que leurs échéances de crédit renouvelable suffisent à peine à rembourser les intérêts et qu'il leur faudra des années pour rembourser leur emprunt. Désormais, chaque échéance sur un crédit renouvelable devra comprendre un remboursement minimum du capital restant dû. Les gros crédits renouvelables devront être remboursés en cinq ans maximum et ceux de moins de 3 000 euros en trois ans.
Le projet de loi établit des garde-fous à l'entrée au crédit dans les magasins. Actuellement, vous pouvez même entrer en crédit sans qu'on vous ait demandé vos revenus ni votre endettement. Cela ressemble à une autoroute sans limitation de vitesse. Je veux donc prévoir des limitations de vitesse, des garde-fous sur la route du crédit pour réduire le surendettement. Une fiche devra d'abord être remplie, « à quatre mains », par le vendeur et par le consommateur qui devront ensemble faire le point sur les revenus de l'emprunteur et son niveau d'endettement. A partir de ces informations, le prêteur devra évaluer la solvabilité de l'emprunteur, puis consulter le Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) avant l'octroi d'un crédit.
Les activités de rachat et de regroupement de crédits, aujourd'hui, ne sont régies par aucune règle spécifique. Le projet de loi les soumet pour la première fois aux mêmes obligations que les autres offres de crédit.
Les cartes de fidélité sont souvent également des cartes de crédit ou de paiement. Bien souvent, le consommateur en prend une sans même comprendre qu'un crédit y est attaché. Pire, il se trouve débité à crédit alors qu'il n'a rien demandé. La fidélité s'est transformée en crédit, malgré lui. Le texte interdit d'abord les cartes de fidélité qui exigent une utilisation à crédit en obligeant toutes les cartes à avoir une fonction paiement au comptant. Il renverse ensuite le système actuel en donnant priorité au paiement comptant. Je souhaite que, demain, le consommateur soit automatiquement débité comptant. Pour le débiter à crédit, il faudra son accord exprès ! Le texte prévoit enfin que chaque publicité pour les avantages commerciaux de la carte indique si un crédit y est attaché.
Pour garantir l'application de ces mesures, le projet de loi prévoit des sanctions à la fois civiles et pénales et crée également un véritable « gendarme du crédit » en renforçant les missions de la commission bancaire en matière de commercialisation des produits financiers.
Le deuxième volet du projet de loi améliore l'accompagnement des personnes surendettées J'ai souhaité que les procédures de recouvrement soient suspendues dès la recevabilité d'un dossier de surendettement par la Banque de France. J'ai également souhaité raccourcir les procédures de surendettement et je propose de donner plus de pouvoirs aux commissions de surendettement : proches du terrain, elles sont les mieux placées pour prendre des décisions rapides et pertinentes. Cela devrait ramener la durée moyenne de 95 % des procédures de rétablissement personnel de un an et demi à six mois. L'inscription au FICP peut enfin devenir un handicap quand votre situation est stabilisée pour accéder à nouveau au crédit : je propose donc de réduire de dix à cinq ans les durées d'inscription à ce fichier.
Le crédit est comme le cholestérol: il y en a du bon et du mauvais. Ce projet de loi remplace le mauvais crédit par le bon.
Votre commission spéciale a apporté au texte de réelles améliorations. Sur le taux l'usure, par exemple, qui vise à prévenir des intérêts excessifs. Le rapport que j'ai demandé à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale des affaires sociales est accablant : la segmentation des catégories de crédits à la consommation, créées il y a vingt ans, est aujourd'hui obsolète. La coexistence de plusieurs catégories de taux a entraîné la prédominance, pour les emprunteurs modestes, de crédits renouvelables pourtant plus coûteux et plus difficiles à gérer. Le Gouvernement souhaite corriger ces distorsions en distinguant les catégories, non plus en fonction du type de prêt, mais en fonction du montant des crédits conformément aux différentes utilisations du crédit : jusqu'à 3 000 euros, entre3 000 et 6 000 euros et plus de 6 000 euros. Ces trois tranches correspondent aux différents besoins des ménages : le financement des besoins de trésorerie et les petits achats d'équipements ; le financement d'équipements pour la maison et de petits travaux et pour la dernière tranche le financement des véhicules et de travaux immobiliers. Cela devrait réduire les taux d'usure sur les crédits renouvelables au-delà de 3 000 euros et, aussi, lever les freins au développement d'une offre de crédit amortissable, parfois plus adaptée aux besoins des consommateurs. C'est pourquoi le Gouvernement soutient la disposition introduite par votre commission spéciale qui ventile les catégories de crédits à la consommation en fonction du montant des prêts. Votre commission a également autorisé le Gouvernement à prendre les mesures transitoires indispensables pour accompagner cette modification. La réforme de l'usure facilitera l'essor du crédit amortissable.
Encore fallait-il pousser les établissements à tirer partie de ce nouvel environnement ! C'est ce qu'a fait votre commission en ajoutant au texte une disposition fondamentale : l'obligation de proposer, dans les magasins, une alternative au crédit renouvelable pour les crédits d'un certain montant qui ont pour objet exclusif de financer l'achat d'un bien ou d'un service particulier.
Votre commission a également prévu que le principe de la création d'un fichier positif, d'une centrale des crédits aux particuliers, placée sous la responsabilité de la Banque de France, fasse l'objet d'un rapport au Gouvernement et au Parlement d'ici trois ans. L'efficacité d'un tel fichier pour lutter contre le surendettement n'est pas acquise, il n'aiderait pas à prévenir les trois quarts des cas de surendettement qui sont le résultat d'accidents de la vie.
Votre commission a enfin introduit une disposition relative au microcrédit que le Gouvernement soutient pleinement.
Ce projet de loi répond à deux objectifs du Gouvernement : plus de responsabilité des prêteurs dans le crédit à la consommation, pour plus de sécurité et un meilleur choix pour les consommateurs grâce à une publicité honnête et non biaisée. Nous voulons soutenir ce crédit auquel nos concitoyens sont attachés et qui, lui-même, soutient la consommation et, donc, notre économie.
Notre débat devra avoir pour objectif l'intérêt de nos concitoyens, de notre économie et de ceux qui attendent de cette réforme que nous ne cassions pas un outil nécessaire à la consommation, à l'activité et à l'emploi. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. - (Applaudissements à droite) Les lignes directrices du projet de loi venant d'être présentées, il m'appartient de vous faire part de l'état d'esprit dans lequel a travaillé votre commission spéciale depuis deux mois et des raisons justifiant ses principaux apports.
La majorité de votre commission estime que ce texte constitue une étape majeure qui va bien au-delà d'une simple transposition de directive. Son ambition est de rénover en profondeur le droit du crédit à la consommation et d'améliorer les procédures de surendettement afin de mettre un terme à ce qu'on appelle le mal-endettement.
Trente ans après la loi fondatrice qui a encadré l'octroi du crédit aux consommateurs, la loi Scrivener, vingt ans après la loi Neiertz, non moins essentielle, qui a instauré les mécanismes de prévention du surendettement, il convient aujourd'hui de conforter le crédit tout en le rendant davantage responsable. Je souhaite, madame le ministre, que votre loi devienne une nouvelle référence et que ses outils s'avèrent durablement efficaces.
Ces vingt dernières années, nombre de modifications législatives ponctuelles ont été apportées, ce qui témoigne de la difficulté qu'il y a à trouver un point d'équilibre entre la nécessité de développer le crédit, pour permettre à nos concitoyens de consommer conformément à leurs besoins et à leurs capacités, et celle de protéger les ménages contre les risques d'un crédit mal maîtrisé. Nous réussirons à atteindre ce point d'équilibre grâce à ce texte, mais grâce aussi aux améliorations que nous lui apporterons.
Il faut en effet que la législation se stabilise pour que les acteurs évoluent dans un cadre clair, loyal et prévisible sur le moyen terme. Cette ambition est commune aux différentes propositions de loi déposées par de nombreux collègues. J'ai ainsi examiné les préconisations du président Philippe Marini, de Mme Nicole Bricq, de M. Claude Biwer, de M. Charles Revet et de Mme Muguette Dini, dont la proposition a été cosignée par le président Michel Mercier. Les suggestions des uns et des autres sont diverses mais toutes tentent de renforcer les dispositions relatives à la publicité et à l'information de l'emprunteur, et la plupart souhaitent la création d'un fichier positif.
A bien des égards, ce texte a apporté de nombreuses réponses. Pour notre part, nous avons poursuivi le travail, notamment sur le fichier positif, le taux de l'usure ou le microcrédit.
Les dispositions initiales du projet, sur plusieurs points, vont plus loin que la simple transposition de la directive afin de donner du corps au concept de « crédit responsable ». S'agissant de la distribution du crédit, le projet de loi traite de l'avertissement légal qui devra figurer sur les publicités, de la consultation obligatoire du FICP, de la fiche de dialogue, de l'obligation d'un amortissement minimum des échéances du crédit renouvelable, de l'interdiction de subordonner les avantages d'une carte de fidélité à l'utilisation du crédit qui lui est lié ou du principe du « paiement comptant » pour les cartes mixtes, afin que le consommateur dise expressément s'il souhaite ou non payer à crédit quand il utilise sa carte. Ces deux dernières mesures apportent de très sérieuses garanties à un encadrement maîtrisé du crédit renouvelable.
La réforme du surendettement et du FICP vise à accélérer les procédures en réduisant les délais légaux d'examen par les commissions de surendettement et en leur conférant des pouvoirs qui relevaient jusqu'à présent du juge, partant du principe que la plupart des préconisations des commissions sont homologuées par les juges, ces derniers étant toujours susceptibles d'intervenir à la demande d'une des parties. Enfin, la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire est simplifiée.
Il s'agit donc d'un bon projet de loi dont peu d'amendements remettent en cause le contenu mais que nous nous sommes efforcés d'améliorer.
Au titre des mesures totalement nouvelles, je citerai la réforme du taux de l'usure, la création d'un fichier positif et le renforcement du microcrédit.
Je m'étonne qu'avec l'Italie et la Belgique, nous restions le dernier des grands pays industrialisés à être soumis à une législation sur l'usure. Je ne souhaite pas que les gens empruntent à des taux d'intérêt très élevés ni que les banques fassent des profits colossaux sur le dos des plus modestes mais, dans une économie moderne, la régulation doit venir du marché, sous le contrôle d'organes chargés de veiller au respect des règles de la concurrence et, s'agissant des intérêts individuels, sous le contrôle du juge. La plupart de nos voisins agissent de la sorte et si leurs taux de l'usure sont plus élevés que chez nous, leurs taux d'intérêt moyens sont parfaitement comparables aux nôtres, quand ils ne sont pas plus bas, et ils ne comptent pas davantage de personnes surendettées que nous. La reconnaissance du rôle du marché pour fixer le coût des prêts a été faite par le gouvernement de Michel Rocard avec la loi Neiertz : c'est à ce moment-là que la détermination administrée a été remplacée par le mécanisme actuel, qui ne fonctionne d'ailleurs plus aujourd'hui, non pas que l'on ait été trop loin à l'époque mais parce qu'on n'a pas eu le courage de faire « le grand saut » en supprimant le dispositif. L'opinion n'étant pas encore mûre, je me suis tourné vers le modèle proposé par le Gouvernement. Pourtant, nous nous heurtons à la segmentation du marché entre les établissements de crédit, spécialisés sur le crédit renouvelable, et les banques, qui se cantonnent au crédit personnel affecté.
L'idée du Gouvernement et de la commission spéciale consiste à introduire de la concurrence entre ces deux business model afin d'entraîner une fixation des taux en raison non de la catégorie du produit mais du montant du crédit. C'est pourquoi l'article premier A donne la base législative à cette transformation et autorise une gestion administrée des taux sur deux ans afin que le changement de règle ne conduise pas à l'effondrement brutal du marché du crédit. Un comité ad hoc supervisera la réforme.
Si cette nouvelle réforme s'avère une à nouveau inadaptée, il conviendra de supprimer définitivement ce mécanisme. Dans le domaine des sociétés, il a été abandonné en deux étapes, ce qui a permis d'élargir l'accès des PME au crédit sans augmenter le coût moyen de celui-ci.
J'en viens au fichier positif. A mes yeux, il ne s'agit pas d'un outil très efficace de lutte contre le surendettement. Lors d'un déplacement à Bruxelles, nous avons constaté une satisfaction unanime qui ne m'a cependant pas convaincu. En effet, en me fondant sur le rapport 2008 de la Banque nationale de Belgique (BNB), je me suis livré à quelques calculs. Quand on veut créer un outil qui aura pour base au moins 15 millions de personnes, il ne s'agit pas de se déterminer en fonction de convictions mais de faits.
Tout d'abord, les statistiques belges couvrent la période 2003-2007, c'est-à-dire un cycle de crédit commun à toute l'Europe où le risque n'a jamais été aussi faible, la production aussi forte et les taux aussi bas. On constate dans tous les pays des résultats positifs qui ne sont pas nécessairement liés à la constitution de fichiers positifs. En France, le nombre annuel des nouveaux inscrits au FICP a ainsi baissé de 65 % entre 2003 et 2007 ! A l'inverse, le nombre des personnes surendettées a augmenté en Belgique de 8,8 % l'an dernier, alors que la progression n'était que de 3,1 % en France. Les statistiques de la BNB indiquent que le taux de défaillance des crédits s'est réduit, entre 2003 et 2007, entre 10 et 15 % selon qu'on prend en compte les emprunteurs ou le montant des contrats. Si on entre dans le détail, on constate que les défaillances des crédits immobiliers se sont réduites de 30 % quand, dans le même temps, celles concernant le crédit renouvelable ont augmenté de 9,7 % ! Ainsi, la centrale des crédits belge a effectivement sécurisé le crédit immobilier mais pas le crédit renouvelable. En quoi ces chiffres démontrent-ils la valeur d'un fichier positif pour éviter le surendettement ? En transposant les résultats obtenus en Belgique à notre situation, il apparaît que nous devrions constituer un fichier de 15 millions de personnes pour éventuellement prévenir le surendettement de 18 000 personnes par an. Avec cette proportion proche de 1 pour 1000, l'efficacité de cet outil serait relative, d'autant que cette évaluation ne tient pas compte du développement des cartes « Double Action » que propose, par exemple, le Crédit agricole, qui conduira donc à augmenter le nombre des personnes inscrites au fichier et, par conséquent, à rendre le ratio nettement inférieur à 1 pour 1000.
Quittons alors le domaine économique pour entrer dans celui des libertés publiques : est-il raisonnable et conforme à la loi Informatique et libertés de 1978, qui dit qu'un « fichier ne peut être autorisé que s'il constitue une solution pertinente, adéquate et non excessive au regard de la finalité qu'il poursuit », de créer un tel fichier pour un résultat aussi faible ? Cette question demande un débat très approfondi. (Mme Nicole Bricq s'exclame)
En revanche, si un fichier positif permettait de renforcer la concurrence dans le secteur du crédit, d'accueillir de nouveaux entrants, de faire baisser les prix, de réduire l'exclusion du crédit dont souffriraient quelque 15 % de nos concitoyens, les perspectives seraient tout autres.
Parmi les professionnels, l'opposition la plus véhémente à ce fichier provient des banques et de leurs filiales qui veulent conserver leur position dominante sur le marché. Dans cette optique, je deviens favorable au fichier. Si tel est bien l'objectif poursuivi, nous n'aurons pas à mener le débat difficile engagé par les Belges pour savoir s'ils doivent enrichir leur centrale de données en ajoutant les autres créances de citoyens : sur le marché du crédit, seul le crédit doit être enregistré.
Il serait toutefois inopportun de créer dès demain le fichier positif, car l'absence de consensus est clairement apparue au cours des auditions. Nombre d'obstacles techniques et de principe doivent encore être surmontés. Considérons par exemple la sécurité du système et la protection des données personnelles. En Belgique, tout repose sur le numéro unique dont tout citoyen dispose sur sa carte d'identité, elle aussi obligatoire. En France, nous avons au contraire toujours évité d'utiliser un numéro unique pour nos relations avec les administrations. Il ne s'agit pas d'un détail technique !
La loi belge du 10 août 2001 comporte 34 articles et couvre trois pages du Moniteur officiel. C'est dire si les choses sont complexes.
Pour ces raisons, la commission a adopté les articles 27 bis et 33 A, affirmant que le fichier positif sera créé à terme, tout en laissant à la concertation le temps nécessaire pour rapprocher les points de vue et préciser l'utilisation du nouvel outil. Dans cette optique, une commission temporaire réunissant toutes les parties prenantes préparera le travail parlementaire, à l'instar du travail accompli à la satisfaction générale en Belgique par le comité d'accompagnement.
Enfin, votre commission spéciale a introduit l'article 18 bis tendant à favoriser l'essor du microcrédit social, en le définissant et en autorisant le Fonds de cohésion sociale à financer les garanties, ainsi que les dépenses d'accompagnement des bénéficiaires.
J'en viens aux compléments apportés au projet de loi. La commission s'est attachée à trois points : la « zone grise » entre le commerce et le crédit, l'information et la protection du consommateur, la procédure de surendettement et du FICP.
A propos de la « zone grise », la commission a renforcé la confidentialité des opérations sur le lieu de vente, garanti la formation du personnel et favorisé le contrôle de ces prescriptions par l'autorité administrative. Elle a, en outre, clairement assujetti les nouvelles cartes bancaires aux mêmes règles de paiement comptant que celles applicables aux cartes de fidélité autorisant le paiement au comptant ou à crédit. Cette précision est indispensable, plus de 50 millions de cartes bancaires circulant dans notre pays.
En outre, si un consommateur souhaite régler à crédit des achats supérieurs à un certain montant, toute proposition de crédit renouvelable devra systématiquement être accompagnée d'une offre alternative de crédit amortissable. La commission a également amélioré la loi Chatel en interdisant aux établissements de crédit de s'appuyer sur une cotisation annuelle relative à une carte de fidélité pour clore au bout de trois ans un compte inactif de crédit renouvelable. Partant d'une suggestion de M. Biwer, la commission a introduit une relation entre le montant des crédits renouvelables et le rythme de leur remboursement. Enfin, sur la suggestion de M. Mercier, elle a rendu obligatoire en toutes circonstances l'accord exprès du prêteur.
Toutes ces dispositions contribueront à limiter le crédit renouvelable aux petits achats, sur des durées limitées.
Pour mieux protéger et informer le consommateur, les prêteurs ne pourront plus utiliser contre les emprunteurs d'éventuelles erreurs ou omissions commises par ceux-ci lorsqu'ils remplissent la fiche de dialogue qui devra être assortie de justificatifs. Cette solution, fondée sur la responsabilité du prêteur, semble préférable à des obligations générales qui pourraient mettre sérieusement à mal le commerce et gêner significativement beaucoup de nos concitoyens.
Par ailleurs, de nombreuses propositions formulées par nos collègues ont été intégrées au texte. Ainsi, Mme Dini, M. Biwer et les membres de l'Union centriste ont fait compléter la mention légale d'avertissement, qui devra en outre figurer sur la fiche d'information. De même, M. Béteille et Mme Bout sont à l'origine de l'encadré qui devra récapituler les principales caractéristiques du contrat sur sa première page. Nous devons à ces mêmes collègues que le prêteur adresse au moins une fois par an un récapitulatif de l'état d'exécution des crédits précisant le capital restant dû.
A mon initiative, la commission a perfectionné le suivi social des personnes surendettées. Elle a aussi rendu obligatoires les rapports annuels des commissions de surendettement et leur synthèse par la Banque de France, afin d'harmoniser les pratiques sur le territoire. A l'initiative de Mme Bout et de M. Béteille, tous les membres de la commission de surendettement disposeront d'un droit de vote. Sur la proposition de Mme Dini, le reste à vivre inclura les frais de garde et de transport professionnel. A l'initiative de Mme Bricq, le versement de l'aide personnalisée au logement (APL) sera rétabli pour les dossiers de surendettement recevables.
Enfin, votre commission spéciale a rendu traçables les consultations du FICP, pour s'assurer que les établissements du crédit vérifient la solvabilité des emprunteurs. Désormais, les personnes devront être informées de leur radiation du fichier. Enfin, à l'initiative de Mme Bout et de M. Béteille, la commission a confirmé que l'inscription au FICP ne suffisait pas à interdire tout crédit.
Telles sont les principales améliorations apportées par la commission spéciale au texte du Gouvernement. Elles résultent d'un travail de deux mois, scandé par un déplacement Bruxelles et de nombreuses auditions. Cette réflexion féconde a fait émerger des solutions adaptées tant à la directive communautaire qu'aux objectifs du Gouvernement.
La semaine dernière, la commission spéciale a accepté une demi-douzaine de propositions formulées par nos collègues pour conforter ces objectifs.
Réduire la part du crédit renouvelable au profit du crédit amortissable et améliorer le traitement du surendettement sont deux ambitions partagées par tous. Le fait que certaines suggestions restent en débat n'empêche pas un large accord sur les points essentiels de ce texte que nous avons examiné avec les collègues de tous les groupes, sous la bienveillante autorité de M. Marini.
J'espère que ce projet essentiel pour tous nos concitoyens sera soutenu au-delà de la majorité gouvernementale. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Nous attendions ce débat depuis un certain nombre de mois, sans avoir chômé ni les uns ni les autres.
Je remercie et félicite M. Dominati, dont je vous suggère de consulter l'excellent rapport...
Mme Nicole Bricq. - Faites-moi confiance !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - ...une véritable somme éclairant le contexte économique, juridique et politique du texte. Ma gratitude s'étend à l'ensemble des membres de la commission spéciale, dont beaucoup ont été actifs et positifs, quel que soit leur groupe d'appartenance.
Sans gommer nos différences, nous nous sommes efforcés de travailler ensemble pour relever ce défi d'une vraie question de société.
Notre travail s'est déroulé dans le contexte de la nouvelle procédure constitutionnelle, dont nous continuons à essuyer les plâtres. L'apport sans doute très positif de la révision constitutionnelle a été cette création d'une commission spéciale, qui nous a permis de mieux coordonner nos positions.
Je remercie la Conférence des Présidents, pour avoir fait ce choix, qui obéissait d'après moi à une double nécessité, politique et technique. En effet, les commissions des lois, des affaires économiques, des finances et des affaires sociales devaient élaborer une approche commune, ce que l'existence d'une commission spéciale a favorisé. Sur le plan technique, l'option inverse aurait conduit à saisir une commission au fond et trois autres pour avis, avec un débat en séance publique portant sur le texte élaboré par la commission saisie au fond, ce qui diminuerait l'efficience des autres commissions.
Je crois pouvoir dire que la commission spéciale a bien assumé ses responsabilités temporaires.
Nous avons joué le jeu d'une élaboration collective. J'insiste à ce propos sur le très utile débat d'orientation que nous avons eu avant même d'examiner le texte et les propositions d'amendement. Nous avons ainsi déterminé ensemble les noeuds de la discussion et la méthode de travail, sans atteinte à notre pluralisme.
Je remercie Mme Lagarde, qui était présente à toutes nos délibérations destinées à élaborer le texte de la commission. La venue du Gouvernement lors des réunions des commissions avait inquiété certains parlementaires lors de la révision constitutionnelle, mais Mme Lagarde n'a jamais abusé de sa position éminente.
Elle est intervenue à bon escient pour répondre à nos questions et exercer les responsabilités qui sont les siennes.
Ce texte est une vraie réforme, qu'il n'y a pas lieu de minimiser. Convergence, équilibre et urgence en sont les maîtres mots.
Convergence tout d'abord entre le travail du Gouvernement et des parlementaires.
M. Daniel Raoul. - Ça dépend lesquels...
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Les élus sont exaspérés par le développement débridé et irresponsable de certaines formes de crédit, d'autant qu'ils ont à gérer les situations de détresse qui en découlent : comme le dit le président Arthuis, le crédit à la consommation, c'est un crédit garanti par les centres communaux d'action sociale ou par les services sociaux du département !
Les professionnels du crédit à la consommation s'étonnent des mesures proposées, qui ne sont pourtant que prophylactiques. Ils se plaignent de leur mauvaise image, qu'ils ont pourtant façonnée eux-mêmes, à force de publicités dans les journaux populaires, à la télévision, de prospectus, de contrats de crédits conclus dans des surfaces de vente. Il était urgent de réformer le système, dans l'intérêt de notre économie. En contrepartie de l'aide qui leur est accordée, les banques s'engagent à un comportement éthique, notamment envers les emprunteurs. (Murmures à gauche)
Mme Nicole Bricq. - Dans la démagogie, vous êtes très bon ! J'apprécie le numéro.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - La consommation demeure un soutien de l'activité. Ce sujet avait fait l'objet de nombreuses propositions de loi : la mienne, en novembre, celles de M. Biwer, Mme Dini et M. Mercier, celle de M. Revet, mais aussi celle de Mme Bricq et du groupe socialiste... (« Ah ! » sur les bancs socialistes)
Mme Nicole Bricq. - Je me méfie !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - La commission spéciale les a toutes examinées, sans tabou. Si elle n'a pas entériné toutes les propositions...
M. Daniel Raoul. - Loin de là !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - ...elle en a tiré la substantifique moelle. (Mme Nicole Bricq s'exclame)
La loi ne peut pas tout faire. Aux responsables d'établissements de crédit, je dis : chiche ! Vous affichez vos bonnes intentions -crédit accessible, responsable, à des prix réaliste. Cette loi vous donne les outils nécessaires, elle est faite pour vous !
Mme Nicole Bricq. - C'est vrai !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Faites-en bon usage, utilisez-la pleinement, démentez ceux qui estiment que le Parlement ne va pas assez loin. Réduisez le malendettement sinon l'exaspération conduira à un dispositif encore plus restrictif !
Deuxième maître mot : l'équilibre entre réforme en profondeur de l'économie du crédit à la consommation et préservation de la dynamique du secteur ; entre nos apports et le texte du Gouvernement, dont nous avons respecté la trame et les points essentiels. J'espère que le Sénat validera notre approche. Ceux qui voudraient minimiser nos apports font fausse route. Il fallait réformer le taux d'usure, les catégories obsolètes qui réservaient aux plus fragiles le crédit le plus cher et le plus dangereux, puisqu'il ne s'amortit pas.
M. Daniel Raoul. - Tirez-en les conclusions !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - La conclusion ? Voter notre texte ! (« Ah ! » sur les bancs socialistes) Nous faisons des propositions précises et réalistes pour réformer le taux d'usure.
M. Jean-Pierre Sueur. - Bien timides !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Nous proposons la création d'une centrale de crédits aux particuliers, notion que je préfère à celle de fichier positif.
Mme Nicole Bricq. - Moi aussi.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Nous en inscrivons le principe dans la loi, ainsi que la méthode pour y aboutir.
M. Daniel Raoul. - Ce qui prendra un certain temps...
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Le sujet mérite une réflexion sérieuse, s'appuyant sur des faits, des chiffres et des comparaisons internationales. Les intégristes du fichier positif comme ses contempteurs ont également tort. Il faudra élaborer calmement les conditions de faisabilité d'une telle centrale, si le législateur en valide le principe.
Quant au développement du microcrédit personnel, il suppose une volonté du secteur bancaire, un accompagnement des services sociaux -dotés des moyens afférents- et un soutien de l'État via le fonds de cohésion sociale, créé en 2005, qu'il faut pérenniser.
Enfin, nous clarifions la « zone grise » de la distribution du crédit sur le lieu de vente. Obligation de proposer une offre de crédit alternative, espace dédié, formation des personnels, principe du paiement comptant et remboursement minimum du capital à chaque échéance : avec de telles mesures, les excès actuels devraient diminuer, voire disparaître.
Troisième maître mot : l'urgence, qui répond à l'impatience. La crise est là, le mal-endettement est une grave préoccupation sociale, la consommation s'essouffle. Ce texte doit être examiné au plus vite par l'Assemblée nationale, lors de la session extraordinaire, la navette achevée à l'automne, la loi promulguée avant la fin de l'année.
Mme Nicole Bricq. - C'est ça...
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - La réforme du taux de l'usure doit être initiée dès le 1er janvier et tous les décrets d'application pris au cours du premier trimestre 2010. Madame la ministre, nous attendons l'engagement du Gouvernement sur ce calendrier car ce texte n'a de sens que s'il est appliqué dans les meilleurs délais.
Je souhaite que les débats en séance soient à l'image de nos travaux en commission : constructifs, pluralistes et efficaces. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Nicole Bricq. - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Le rapporteur a beaucoup travaillé et nos collègues ont fait preuve d'initiative, mais le texte issu des travaux de la commission est décevant.
Face à une crise durable, nous devrions repenser le modèle économique qui nous y a conduits. Aux États-Unis, l'endettement de ménages non solvables et l'éclatement consécutif de la bulle immobilière en ont été les révélateurs : il nous faut nous interroger sur le rôle du crédit comme moteur de la consommation, indicateur essentiel de la croissance. Les dépenses ainsi financées représentent 5 % du PIB. Or l'horizon est sombre : l'aggravation du chômage perdurera au-delà d'une hypothétique reprise.
Le groupe socialiste se situe dans une économie de marché.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Intéressant !
Mme Nicole Bricq. - Dans ce cadre, l'offre de crédit est-elle adaptée à la demande ? Non, et ce n'était déjà pas le cas avant la crise. Nombreux sont les exclus du crédit : non seulement les plus pauvres, dépendants de l'aide sociale et de l'accompagnement par les collectivités locales, mais aussi des populations insérées dans la vie active, touchées par une précarité qui devient peu à peu la règle. Sans parler des jeunes, à qui l'on ne prête qu'avec l'assurance d'une bonne carrière, promise par un diplôme. Comment rendre les accidents de la vie responsables du surendettement quand la vie elle-même devient accidentée ?
Le marché du crédit est mal orienté. Ainsi, le crédit renouvelable est vanté comme le plus rentable, mais il est inadapté à la demande et constitue une trappe à surendettement. En avril dernier, 85 % des dossiers saisis par les commissions de surendettement comportaient ce type de crédit. Nos propositions en sont d'autant plus importantes, notamment la première d'entre elles : le crédit social, d'un montant permettant de faire face à des dépenses personnelles, d'un coût raisonnable et dont la cible est aisément identifiable. Il est préférable au crédit renouvelable et élargirait l'offre de crédit. Nous avons opté pour un taux bonifié par l'État pour ne pas tomber sous le coup de l'article 40.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Heureusement qu'il est là !
Mme Nicole Bricq. - Mais d'autres possibilités existent. L'impact économique du crédit social serait supérieur, pour un coût moindre, à celui de la défiscalisation des intérêts d'emprunts immobiliers, qui a coûté 3 milliards d'euros à l'État et dont l'efficacité n'est pas reconnue.
La consommation résiste, mais elle devrait fléchir de 5 % d'ici 2010. Les stabilisateurs automatiques seront impuissants face à la montée du chômage. Est-il normal que le Gouvernement se désintéresse du sujet ? Abandonne-t-il encore une fois l'initiative aux collectivités locales par le biais du microcrédit et de prêts bonifiés comme à Dijon, Paris, Bordeaux ou Strasbourg ? Ainsi, dans mon département, la Seine-et-Marne, le conseil général participe au financement de prêts bonifiés par la Ville de Paris.
Dans les clous de la Commission européenne, le Gouvernement s'en tient à transposer une directive qui a pour seul objectif de réaliser le marché intérieur des crédits. Le rapporteur a bien entendu notre proposition, mais le texte de la commission se contente de légaliser le fonds destiné au microcrédit dans un futur projet de loi de finances, cantonné au secteur de l'aide sociale et au financement de l'activité -je n'ose imaginer qu'il s'agit de celle des quelques dizaines de milliers d'autoentrepreneurs ! Ce type de crédit peut être intéressant, mais il épargne les banques et les établissements prêteurs et ne modifie pas en profondeur l'offre de crédit.
Les banques, auxquelles la loi de finances rectificative d'octobre dernier a accordé l'aide de la Nation, devaient pourtant distribuer des crédits en contrepartie. Nous avons fléché la semaine dernière ceux destinés aux entreprises, et avons prévu des sanctions, mais ne l'avons pas fait pour ceux accordés aux particuliers. Le rapporteur pointe le risque de sous-distribution du crédit, mais sans y apporter de réponse.
Ce texte pourra-t-il faire baisser le coût du crédit ? Selon nous, seule une réforme du mode de calcul du taux d'usure le permettrait. C'est notre deuxième proposition. Mme la ministre refuse de le faire par la voie législative. Le rapporteur, quant à lui, assume son penchant libéral -ce que je respecte- et considère que notre proposition doute de la capacité du marché à l'autoréguler. Il a raison, car la crise financière et la dérive des banques de proximité de leur objet social nous laissent sceptiques. Certes, il propose de compartimenter désormais l'usure par les montants plutôt que par types de crédit, mais il s'en remet à une autorité administrative qui prendrait des mesures temporaires. Cela n'empêchera pas le Gouvernement de négocier une réforme conforme aux souhaits des banquiers et des prêteurs. Nous avons constaté, lors des auditions, que le texte de la commission ne posera guère de problème aux banques qui ont gagné sur toute la ligne !
Pour ce qui est de la responsabilisation du prêteur, nous estimons qu'après quinze ans de débat, il est temps de disposer d'un outil efficace et respectueux des libertés : le répertoire national des crédits à la consommation. Cette proposition, qui ne fait pas l'unanimité, provoque notamment l'hostilité des banques, jalouses de l'avantage tiré de la connaissance directe de la clientèle.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - La fédération de la distribution y est favorable !
Mme Nicole Bricq. - Le texte de la commission ne prévoit la création d'un tel fichier que dans trois ans -auxquels il faut ajouter deux ans supplémentaires d'adaptation. Dans cette attente, nous devrons nous contenter de la promesse du Gouvernement d'améliorer le fonctionnement du Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP). Or, même amélioré, celui-ci ne saurait être l'outil de prévention nécessaire car il se contente d'enregistrer les incidents de paiement.
Lorsque nous sommes allés à Bruxelles, nous avons pu constater que ceux qui étaient opposés, à l'époque où la décision a été prise, à la création d'un fichier, c'est-à-dire les banquiers, lui reconnaissaient depuis des vertus, et que ceux qui étaient réservés avaient vite reconnu son utilité préventive. Nous regrettons que le dossier se soit ici d'emblée refermé.
Nous aurions voulu voir reconnaître certaines revendications unanimes portées par les associations -séparation entre cartes de fidélité et cartes de crédit, entre activités de vente et activités de crédit- ce n'est pas le cas. Les propositions de loi portées par les sénateurs de la majorité étaient sur ce point teintées d'un volontarisme que l'on ne retrouve pas dans le texte de la commission.
Le groupe socialiste a compris, madame la ministre, que vous teniez à ce texte, ou du moins à cette lecture par le Sénat, car interrogée en commission, vous n'avez pu nous garantir qu'il irait au bout de la navette dans des délais raisonnables. Le risque de retard dans la transposition de la directive est pourtant réel. Mais nous avons appris, depuis deux ans, à prendre la mesure de votre stratégie de communication qui consiste à capitaliser sur des annonces plutôt que sur des résultats, en passant d'un sujet à l'autre. Craignez cependant que la frustration née de promesses non tenues n'aggrave le désenchantement de nos concitoyens à l'encontre de la classe politique. En ne modifiant pas l'économie du crédit à la consommation, vous prenez le risque, dans une période particulièrement dure pour les Français, d'accroître le surendettement. La formule, que l'on prête à M. Hirsch, du « plus d'accès, moins d'excès » est certes parlante, mais un slogan ne fait pas une politique.
Quant au fond, la lecture du rapport de M. Dominati nous indique assez ce qui nous sépare de la majorité. Il y est écrit que « les pouvoirs publics seront simultanément incités -dans une proportion dont on ne peut préjuger- à rehausser les prélèvements obligatoires et à diminuer la dépense publique, notamment les prestations sociales et de chômage ainsi que, d'une façon générale, les dépenses auxquelles des ménages sont susceptibles de pourvoir directement », que « dans cette perspective, le revenu disponible des ménages souffrira inexorablement de la réépargne publique », mais qu'« il importera cependant que leur consommation puisse contribuer positivement à la demande globale et à la croissance, alors même que l'évolution de leurs revenus sera contrainte »...
Cette philosophie n'est pas la nôtre. Vous comprendrez donc que nous marquerons notre opposition à ce texte. (Applaudissements à gauche)
Mme Muguette Dini. - Je me réjouis que les propositions de loi déposées par les membres de notre groupe comme d'autres groupes aient finalement fait réagir le Gouvernement.
Depuis des années, les parlementaires ont alerté les pouvoirs publics sur le manque de prévention efficace du surendettement. L'angoisse est réelle qui saisit les familles lorsqu'elles s'aperçoivent que pour rembourser des crédits pris quelquefois à la légère, il va falloir réduire leur train de vie quotidien. Et cela va bien plus loin que renoncer à un grand téléviseur à écran plat...
L'objectif premier de la loi Neiertz du 31 décembre 1989 et la loi du 29 juillet 1998 allait plus à alléger le surendettement qu'à le prévenir. Je crois résolument que nous devons situer notre action, en amont, sur le plan de la prévention. Si une personne est surendettée, c'est précisément parce que la prévention a échoué.
Votre texte, madame la ministre, intègre bien des mesures préventives, mais je crains qu'elles ne se révèlent rapidement insuffisantes. Il tend davantage à limiter les abus du crédit à la consommation qu'à organiser une véritable prévention.
Certaines avancées sont réelles -information de l'emprunteur ; encadrement plus strict de la publicité ; délivrance obligatoire à l'emprunteur d'une fiche d'information précontractuelle. Le renforcement de la responsabilité des prêteurs, disposition majeure de la proposition de loi que notre groupe avait déposée il y a quelques mois, mérite d'être salué. Ils seront ainsi tenus de donner des explications à l'emprunteur, afin de lui permettre de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses choix et à sa situation financière ; d'attirer son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces derniers peuvent avoir sur sa situation financière ; de vérifier la solvabilité de leur client.
Sur tous ces points, votre texte reprend les principes dégagés par la jurisprudence relatifs à la mise en garde de l'emprunteur et à la vérification de ses capacités financières. Dans deux arrêts du 25 avril 2007, la première chambre civile de la Cour de cassation a réaffirmé, confirmant le principe déjà dégagé dans deux arrêts de février et d'octobre 1992, l'obligation faite au prêteur professionnel de contrôler les informations fournies par ses clients lors de la conclusion du contrat, conformément à l'article 1147 du code civil.
Le principal outil mis à la disposition du prêteur pour exercer ce devoir d'investigation reste le fichier des incidents de crédit aux particuliers, dont la consultation est désormais obligatoire. Notre groupe souhaitait aller plus loin. Nous y reviendrons.
Autres éléments positifs de ce texte : l'encadrement du crédit renouvelable et la réglementation de l'usage des cartes de fidélité.
Je regrette, en revanche, que nos propositions en faveur de la promotion de véritables actions d'éducation n'aient pas été retenues. Il me semble très important d'apprendre aux enfants, dès le plus jeune âge, au primaire, à tenir un budget familial, comme cela se pratique dans certains autres pays. Il est vrai que chez nous, l'argent reste bien souvent un sujet tabou, rarement abordé en famille : combien gagnent mes parents ? A quoi cet argent est-il dépensé ? Pourquoi ne peut-on acheter tout ce que l'on désire ? Comment, avec leurs salaires, mes parents ont-ils pu acheter tant de choses ?
On me dit que les programmes scolaires sont déjà très chargés. Soit. Pourquoi pas, alors, une sensibilisation par les banques, à l'ouverture du premier compte courant ? Où est le temps du banquier conseiller ? Je vois beaucoup de jeunes, et pas toujours de milieux défavorisés, qui ne font pas systématiquement le lien entre leurs rentrées d'argent et leurs dépenses.
J'en viens à l'obligation faite au prêteur de vérifier la solvabilité de l'emprunteur. En matière de financement des entreprises, ce contrôle peut s'appuyer sur les documents comptables imposés par la loi aux emprunteurs et le développement d'informations publiques, en particulier celle dont la Banque de France assure le traitement. C'est donc sur le fondement de ces données, qu'est appréciée la responsabilité des banquiers.
En matière de crédit à la consommation, l'absence, tant d'obligation comptable à la charge d'un consommateur et de répertoire public relatant l'intégralité des dépenses rend les choses plus difficiles. Au travers de nos amendements, nous avions souhaité améliorer ces deux sources d'information : information privée résultant des renseignements et des documents obligatoirement fournis par l'emprunteur ; information publique d'un répertoire permettant de connaître le passif et l'actif du patrimoine du candidat à l'emprunt. Nous n'avons maintenu que le premier de nos amendements.
Nous verrons, d'ici quelques mois, si les mesures que vous proposez dans ce texte sont suffisantes pour endiguer le surendettement, et en attendant, madame la ministre, nous vous ferons crédit... (murmures flatteurs)
M. Daniel Raoul. - A quel taux ?
Mme Muguette Dini. - ...en acceptant l'établissement d'un rapport sur le principe de la création d'une centrale des crédits aux particuliers, placée sous l'égide de la Banque de France. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Odette Terrade. - Une bonne part de l'activité économique dépend de la tenue de la consommation populaire. La récession dans laquelle est plongé notre pays depuis plus d'un an tient pour beaucoup à la dégradation du pouvoir d'achat des ménages, que deux années de sarkozisme n'ont manifestement pas permis d'endiguer. Chômage, précarité, recours de plus en plus massif aux bas salaires, ralentissement de l'activité avec son cortège de plans sociaux : autant de facteurs qui installent la France dans une crise durable.
Une récession que le Gouvernement lui-même chiffre à 3 % pour 2009 et une prévision de croissance à 0,5 %, largement inférieure au potentiel du pays, pour 2010 : la situation est grave. Ce qui est ici en cause, c'est bel et bien un mode de fonctionnement économique qui a accordé la primauté à la rémunération du capital au détriment de celle du travail et négligé le développement économique durable et équilibré au profit de la seule plus-value financière de court terme. Que viennent faire ici, m'objectera-t-on, ces considérations macroéconomiques ? C'est que l'on ne peut pas parler crédit et consommation en dehors du contexte économique général.
Ensuite, le crédit et les conditions de sa distribution sont déterminants pour la croissance. La croissance américaine, britannique et, dans une moindre mesure, espagnole dans les secteurs du bâtiment et de la grande distribution avec Wal-Mart ou encore Woolworth s'est fondée ces dernières années sur le développement du crédit et, ce qu'oubliaient soigneusement de rappeler les admirateurs de ce modèle, le surendettement des ménages, source de la crise des subprimes. La France est moins durement touchée mais le Gouvernement aurait tort de s'en attribuer le mérite quand notre protection sociale, qui sert de puissant amortisseur à la crise, est le fruit de décennies de luttes populaires de même qu'un droit du travail suffisamment rigide pour protéger l'emploi. Les pays qui ont choisi la souplesse, chère aux économistes libéraux, connaissent aujourd'hui des licenciements massifs. Cela dit, le crédit et l'endettement participent pleinement de la croissance. A preuve, la raréfaction des prêts consentis aux entreprises par des banques d'abord soucieuses de reconstituer leurs marges après s'être débarrassées de leurs créances douteuses a entraîné un accroissement sensible des procédures collectives de redressement et de liquidation.
Si les ménages français résistent mieux à la crise, notamment en raison du faible succès de l'hypothèque rechargeable, promue par ce Gouvernement, et du crédit hypothécaire, certains sont surendettés. Ce texte entend s'attaquer à ce phénomène via la transposition d'une directive d'avril 2008, antérieure, donc, au début officiel de la crise financière. Le surendettement provient, pour une grande part, du recours grandissant au crédit à la consommation et, surtout, du crédit appelé dans un mauvais franglais revolving, pour ne pas dire le crédit « revolver ». (Sourires à gauche) De fait, avec la politique de modération salariale menée par cette majorité -un salarié français sur sept est payé au Smic- et des dépenses de logement qui ont tant progressé qu'elles sont devenues le premier poste du budget des ménages, certains peinent à faire face aux dépenses quotidiennes. Autre cause du surendettement, cette forme de mal-croissance de l'économie, fondée sur des pratiques publicitaires et commerciales agressives et la généralisation du crédit. Pour exemple, la carte de fidélité, que proposent toutes les enseignes de la distribution dans notre pays, n'est autre qu'une carte de crédit puisqu'elle permet d'acheter une baguette ou un kilo de pommes de terre, ou encore les crédits prétendument gratuits accordés par les magasins d'ameublement ou de matériel informatique qui valent au client d'être ensuite poursuivi par téléphone, courrier et messages électroniques par l'établissement prêteur pour souscrire de nouveaux contrats afin d'acquérir des biens plus consistants. Cette généralisation du crédit conjuguée à des pratiques d'approvisionnement peu compatibles avec la préservation de la planète aboutit au pire des modèles de développement, sans parler des conditions léonines imposées aux producteurs de lait, notamment.
Ce texte, s'il est correctement rédigé, contribuera à réglementer ces pratiques. Nous ne pouvons plus tolérer qu'une carte de fidélité se transforme pour certains ménages en une carte d'embarquement pour l'enfer du crédit. Nous devons également nous interroger sur le niveau des taux d'intérêt pratiqués, question que ce texte ne résout pas. Or certaines publicités proposent des taux bas, voire nuls, durant une courte période qui augmentent ensuite brutalement, sans espoir de retour. Pourquoi des taux de 15 à 20 % quand le risque de créances irrécouvrables ne porte que sur 2 % des prêts et que les taux bancaires ont diminué, à commencer par le taux directeur de la Banque centrale européenne à 1 % ? Alors que les banques françaises puisent de moins en moins dans le fonds de la Société de financement de l'économie française, doté de 320 milliards par le collectif d'octobre dernier, les organismes de crédit à la consommation continuent de proposer des taux particulièrement élevés qui mettent en difficulté les ménages fragilisés par la crise.
Le crédit, s'il est nécessaire à l'économie, ne doit pas la vampiriser. Ce texte doit aller plus loin dans la responsabilisation des acteurs et la maîtrise de cet outil financier. Notre vote dépendra du sort réservé aux nombreux amendements que nous avons déposés, largement inspirés des associations de défense des consommateurs. Pour l'heure, nous ne sommes pas a priori favorables à ce texte largement insuffisant ! (Applaudissements à gauche ; Mme Laborde applaudit aussi)
M. Dominique de Legge. - Ce texte propose opportunément une réforme approfondie du crédit à la consommation en cette période de crise. Les cinq propositions de loi sénatoriales, déposées sur ce sujet depuis octobre 2008, dont deux à l'initiative de MM. Marini et Revet, témoignent d'un large consensus sur la nécessité de faire évoluer cette législation en protégeant mieux le consommateur sans freiner la consommation. Cet objectif a guidé les travaux de la commission spéciale, dont M. Marini est président et M. Dominati rapporteur, chargée d'examiner ce projet de loi.
Ce texte, largement enrichi par la commission spéciale, en étroite concertation avec Mme Lagarde et M. Hirsch, a pour but de prévenir le surendettement des ménages qui ont cru aux belles promesses des offres, promotions, et autres cartes de crédit. Vivre au-dessus de ses moyens jusqu'à finir asphyxié par les dettes, c'est, hélas !, possible avec le crédit renouvelable, la multiplication des cartes de crédit et des emprunts.
Mme Nathalie Goulet. - Eh oui !
M. Dominique de Legge. - Ce texte vise à briser cette spirale infernale qui affecte souvent les plus modestes. La réforme proposée tire, en outre, les conséquences de la directive européenne du 23 avril 2008. Avec mes collègues de l'UMP, nous soutenons les objectifs poursuivis par ce texte : développer un crédit responsable, renforcer l'encadrement de la publicité afin de supprimer les pratiques agressives, renforcer les obligations et responsabilités des prêteurs, notamment en matière d'évaluation de la solvabilité des emprunteurs, encadrer la distribution du crédit sur les lieux de vente et renforcer les règles de protection des consommateurs. Le texte se penche également sur la situation des personnes qui connaissent de réelles et sérieuses difficultés d'endettement. Cette loi importante aura donc des retombées sociales et économiques, la consommation des ménages étant l'un des piliers de l'économie française. Le crédit est un instrument populaire, utile et nécessaire à la vie des ménages s'il fonctionne de manière responsable. Un tiers des ménages français, soit 9 millions d'entre eux, ont contracté un crédit à la consommation. II faut malheureusement déplorer certaines dérives. La crise financière née aux États-Unis a démontré les ravages du surendettement dans une société entière. Depuis plusieurs années, les associations de consommateurs réclament une véritable réforme du crédit à la consommation permettant de lutter contre le « mal-endettement » des consommateurs, et pour l'accès de tous à un crédit responsable. Elles dénoncent, en particulier, le crédit renouvelable, source de surendettement sans fin.
C'est la formule de crédit la plus chère et la plus déresponsabilisante.
Le surendettement touche les personnes les plus modestes. Pour un grand nombre d'entre elles, il résulte d'un accident de la vie : chômage, séparation, divorce, maladie. Mais pour 25 % d'entre elles, il a pour origine un excès de crédit, une mauvaise gestion ou des charges trop lourdes.
La commission spéciale a heureusement complété le projet de loi initial. Elle a souhaité revoir la législation sur le taux d'usure, devenue obsolète, en regroupant dans un même ensemble tous les types de crédit à la consommation et en modifiant le mode de calcul du taux d'usure qui, jusqu'ici, avait pour effet pervers de favoriser le crédit renouvelable.
Elle s'est également interrogée sur l'opportunité de créer un fichier « positif » permettant de connaître la situation financière des emprunteurs, comme il en existe en Allemagne et au Danemark. Un tel fichier pourrait jouer un rôle d'alerte et responsabiliser les acteurs, mais il serait très lourd à gérer puisqu'il devrait recenser environ 13 millions de personnes, et il poserait un problème de protection des libertés. La commission a souhaité se donner le temps de la réflexion. Dès à présent seront améliorées la procédure de surendettement et le fonctionnement du FICP, fichier « négatif ».
Un rapport sera remis au Gouvernement et au Parlement avant trois ans sur la création d'une centrale des crédits aux particuliers placée sous la responsabilité de la Banque de France : nous en approuvons le principe.
La commission a aussi complété et précisé les dispositions relatives à l'information et à la protection des consommateurs, ainsi qu'à la « zone grise commerce-crédit », c'est-à-dire à la distribution de crédits sur les lieux de vente.
Elle a enfin introduit un article définissant le microcrédit personnel et mettant l'accent sur l'objet du crédit, la capacité de remboursement des emprunteurs et l'accompagnement social dont ils pourront bénéficier grâce au concours du Fonds de cohésion sociale.
Sans préjuger les améliorations qui pourront y être apportées, le groupe UMP approuve pleinement ce projet de loi qui préserve l'équilibre entre la protection des consommateurs et la reconnaissance du rôle du crédit dans notre économie. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Françoise Laborde. - Je vous prie d'excuser Mme Escoffier, qui a dû s'absenter. Le 10 décembre dernier, à l'occasion d'une question orale sur la prévention du surendettement en France, elle avait fait part de son inquiétude sur ce phénomène en voie de banalisation : 188 000 dossiers sont traités chaque année par les commissions de surendettement, et certaines études laissent à penser que plus de sept millions de personnes, soit 15 % de la population, sont aujourd'hui insolvables. Depuis plusieurs années les associations de consommateurs alertent les pouvoirs publics sur l'existence de véritables pièges financiers dont nos compatriotes sont les victimes. Il y a aujourd'hui urgence.
La situation est paradoxale : d'un côté, face à la crise, les banques restreignent leurs crédits à la consommation, mais d'un autre côté les crédits revolving se multiplient comme les métastases d'un cancer financier rongeant la totalité du corps social, en particulier les plus fragiles. Au fil des années ce type de crédit s'est imposé comme un outil normal de gestion du budget familial et a donné naissance à la spirale infernale du surendettement. Aujourd'hui le domaine de la consommation est devenu une véritable jungle. Le vieil adage selon lequel on ne prête qu'aux riches se trouve démenti, puisque ce sont les plus pauvres qu'à coup de publicités mensongères et de manoeuvres de désinformation les opérateurs bancaires et les grandes surfaces détroussent littéralement.
Face à ce phénomène qui sape les fondements mêmes de la société, la loi était devenue trop complexe et trop peu réactive. Mais le Sénat n'est pas demeuré inerte : cinq de nos collègues de divers bords ont déposé des propositions de lois. Le Gouvernement a préféré élaborer son propre projet de loi, qui transpose au passage en droit français la directive européenne du 23 avril 2008 sur les contrats de crédit aux consommateurs. Certains d'entre nous regrettent ce choix, mais nous nous félicitons de la mise en place d'une commission spéciale qui a travaillé d'arrache-pied pour cerner le problème et formuler des propositions concrètes tendant à adapter les formes de crédit aux besoins des emprunteurs, à élargir l'accès au crédit responsable et à améliorer l'accompagnement des ménages en difficulté. Les travaux de la commission ont été animés par le souci constant d'aboutir à un texte équilibré et responsable, qui protège les consommateurs sans porter atteinte au dynamisme bancaire indispensable à notre économie.
Comment ne pas adhérer aux dispositions visant à maîtriser le crédit sans le tarir, à soulager la détresse des familles surendettées, à mettre fin au harcèlement des officines de recouvrement ? A ce propos, ne devrait-on pas interdire à ces officines et aux banques d'intervenir auprès des maires des communes où vivent leurs débiteurs pour obtenir le remboursement de prêts consentis inconsidérément ? Mme le ministre de l'intérieur devrait faire savoir aux élus qu'ils n'ont pas à se mêler de ces différends.
Le projet de loi encadre fort opportunément le crédit pour responsabiliser les prêteurs et les emprunteurs, qui seront mieux informés. Plusieurs amendements sont venus améliorer sur ce point le texte initial. On a voulu privilégier le crédit amortissable, sans nier l'intérêt du crédit renouvelable : l'essentiel est de créer les conditions d'un dialogue ouvert entre le prêteur et l'emprunteur qui pourront convenir de la solution la plus adéquate.
Cependant nous aurions souhaité des mesures plus contraignantes à l'égard des banques et des organismes financiers. Il est inacceptable de voir s'étaler des pages entières de publicité vantant les mérites de tel produit financier destiné au rachat de crédits, ou de voir s'allonger la liste des organismes prêteurs qui, faute d'avoir procédé aux vérifications nécessaires, ont laissé les emprunteurs entrer dans la noria des crédits cumulés. Le FICP, « fichier négatif », n'a d'intérêt que s'il est régulièrement mis à jour et consulté. Le débat sur la création d'un « fichier positif » est resté inabouti : on peut le regretter. Les établissements bancaires qui ne respectent pas leurs engagements doivent être sanctionnés.
Ce texte améliore également le fonctionnement des commissions de surendettement : elles pourront désormais prendre des décisions qui relevaient jusqu'ici de la compétence du juge, et l'examen des dossiers sera accéléré. Cela permettra de régler plus facilement des dossiers délicats tout en veillant à l'accompagnement des personnes fragilisées.
Nous avons tous été animés par la volonté d'améliorer une législation devenue inadaptée. Il faudra vérifier que ces progrès se concrétisent sur le terrain : c'est tout l'intérêt de la création d'une commission temporaire d'évaluation qui pourra proposer des aménagements. Le groupe RDSE est favorable à un texte qui oblige les banques à se conformer à un code de déontologie et protège ainsi la dignité des citoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, Union centriste et UMP)
M. Jean-Pierre Sueur. - En 2006, l'endettement des ménages français représentait 62 % du revenu disponible contre 80 % dans l'ensemble de la zone euro. En 2008, selon l'Observatoire des crédits aux ménages, 14 millions de Français avaient souscrit un crédit, soit 52 % des ménages ; il s'agissait pour 31,3 % d'entre eux d'un crédit immobilier, et pour 33,8 % d'un crédit à la consommation. Les Français sont donc désormais plus nombreux à être endettés au titre du crédit à la consommation qu'au titre du crédit immobilier.
D'après le baromètre du surendettement de la Banque de France, la France comptait en décembre 2008 pas moins de 710 000 ménages surendettés. Le surendettement trouve son origine dans la dégradation de la situation financière et sociale des ménages, et touche plus particulièrement les personnes seules et les familles monoparentales. Il reflète ainsi la précarisation, voire l'exclusion d'une partie de la population.
On a beaucoup dit et écrit -en particulier M. Dominati dans son rapport- que le surendettement résulte dans 75 % des cas d'un accident de la vie. Mais cette statistique est démentie par une étude réalisée en mars 2009 par l'association Cresus, selon laquelle 62 % des personnes interrogées considèrent le recours à un nombre trop importants de crédits comme l'une des deux causes principales de leur situation. Cette enquête a également révélé que 89 % des personnes surendettées, auxquelles les banques refusent des prêts « classiques », ont recours au crédit renouvelable.
Quoi qu'il en soit, il y a un lien étroit entre surendettement et crédit renouvelable. L'association UFC-Que choisir estime que l'encours de ce dernier l'emporte sur celui du crédit permanent, que la France se place au troisième rang pour le nombre d'utilisateurs du crédit renouvelable, au deuxième rang pour son encours, et qu'un client sollicitant un crédit est le plus souvent orienté vers ce genre de crédit même s'il n'est pas le mieux adapté à son cas.
J'ai trouvé hier encore dans ma boîte aux lettres un dépliant où l'on « offre » -on offre toujours sur ces dépliants- jusqu'à 6 000 euros, avec zéro euro à rembourser pendant trois mois. C'est seulement en tout petits caractères qu'on apprend que « le TEG est de 19,95% ».
M. Jean-Pierre Plancade. - C'est donné !
M. Jean-Pierre Sueur. - Encore faut-il savoir que le TEG est le taux effectif global.... On nous informe aussi de façon fort vague que « le coût total dépend de la durée et du montant de l'emprunt »...
Il faut mettre fin à ce type d'offres scandaleuses qui abusent nos concitoyens en difficulté. Malheureusement, les dispositions de ce texte ne sont pas assez fermes ni assez claires pour y parvenir. Nous sommes résolument partisans d'une distinction nette des genres, des fonctions, des missions. Les associations de consommateurs réclament une séparation entre le commercial et le financier, et donc entre carte de fidélité, carte de paiement et réserve d'argent. Dans la proposition de loi que nous avons déposée avec Mme Bricq, nous prévoyions d'interdire l'utilisation de la carte de fidélité comme carte de crédit ou comme réserve monétaire. Cela n'a malheureusement pas été retenu dans l'article 5 du présent projet de loi qui n'interdit pas de conditionner le bénéfice de la promotion à l'usage du crédit. Dans notre texte, nous proposions, nous, qu'on distingue clairement le lieu du crédit et celui de la vente, qu'on distingue entre le métier de la banque et celui de la distribution .Mais le ver est et restera dans le fruit parce qu'on ne veut pas faire, une fois pour toutes, cette distinction et qu'il est avantageux, pour la distribution, d'être mélangée à la banque... La confusion perdurera !
De même, nous avons présenté en commission des amendements distinguant crédit et opération de promotion. On nous a objecté que nous portions atteinte à la liberté... Il n'en est rien. Le client doit savoir, d'une part, ce qui est crédit, combien il coûte et, d'autre part, quels sont les avantages promotionnels offerts par le distributeur. Mais non ! On vous vend, pour zéro euro, une carte de fidélité en même temps qu'une carte de crédit et en même temps qu'une promotion. Le crédit vous coûtera 50 euros tandis que la promotion vous en fera gagner cinq ! Là aussi, nous regrettons que le projet de loi n'aille pas plus loin.
J'en viens à la question d'un « Répertoire national des crédits à la consommation », expression que nous préférons à celle de « fichier positif ». Dès lors qu'on impose au prêteur de prêter en connaissance de cause, il doit disposer de toutes les données nécessaires. Saisissons la Cnil et respectons ce qu'elle nous dira, mais mettons en oeuvre ce répertoire ! Répondons aux craintes des associations : Que choisir recommande de rendre obligatoire la consultation du FICP, mais ce n'est pas suffisant ; quant à l'Association française des banques, elle fait des propositions utiles : consultation des derniers relevés bancaires, pourcentage maximal d'endettement par rapport au revenu mensuel. Mais, comme le dit Guy Raymond, professeur honoraire de la faculté de droit de Poitiers, un tel fichier est nécessaire car on ne peut instaurer une réelle responsabilité des établissements de crédit sans leur permettre d'accéder à une information fiable et complète.
Sur le taux d'usure, nous ne sommes pas d'accord. Le rapport écrit résume fort bien notre position. Malheureusement, on y lit qu'elle « n'est pas dénuée d'inconvénient, dont le recours à la fixation administrée d'une norme économique »... C'est toujours la même chose ! Dès qu'on parle de fixer des normes, des règles, vous brandissez l'épouvantail de « l'économie administrée » ! Nous sommes pour une économie de marché. Le milliard d'équations que résout chaque jour le marché serait moins bien résolu par l'administration. Mais le marché est myope et il ne suffit pas à régler le problème du taux de l'usure. C'est pourquoi il faut un marché encadré par des règles.
Dans notre proposition de loi, nous nous prononcions aussi pour un crédit social. Nous y croyons ! L'autorégulation du marché n'apporte pas de réponse à ceux qui sont dans le cycle infernal de l'endettement. Nous sommes pour une société de liberté mais aussi pour des mesures volontaristes qui permettent à chacun de vivre lui-même dans la liberté et la dignité. (Applaudissements à gauche et sur les bancs RDSE)
M. Claude Biwer. - Au cours de la récente campagne pour les élections européennes, certaines voix ont affirmé que les réglementations européennes étaient trop tatillonnes, trop contraignantes. En l'espèce, on ne peut que remercier les autorités de l'Union d'avoir adopté la directive sur les contrats de crédit aux consommateurs car, sans elles, nous n'aurions peut-être pas le débat d'aujourd'hui. Je m'en réjouis d'autant plus que ma première proposition de loi sur le sujet est vieille de cinq ans !
Votre projet de loi comporte quelques avancées qui méritent d'être saluées : comme nous l'avions suggéré dans notre proposition de loi, l'avertissement légal figurera sur les publicités de crédit. En outre, vous prévoyez la consultation obligatoire du FICP avant tout octroi de crédit, l'obligation d'un amortissement minimum dans les échéances du crédit renouvelable, l'interdiction de subordonner les avantages d'une carte de fidélité à l'utilisation du crédit qui lui est lié. Sur ce dernier point, notre commission n'a pas prévu de découplage entre la carte de fidélité et la carte de crédit, si bien que les pratiques actuelles risquent de perdurer. Ainsi, les grandes surfaces et magasins spécialisés continueront-ils à vanter les mérites de leur carte laquelle, en cas d'utilisation, coûtera 20 % d'intérêts au consommateur, sur des sommes toujours plus importantes puisque la mise à disposition de crédits et d'avances est régulièrement proposée. Prévoir un minimum de remboursement du capital pour le crédit renouvelable est bien la moindre des choses, car il n'est pas rare qu'avec des remboursements très faibles, la durée d'amortissement d'un tel crédit puisse dépasser dix ans avec des taux proches de l'usure. Je vous suggérerai donc de réduire à trois ans maximum la durée totale de remboursement des crédits renouvelables, mais vous l'avez proposé tout à l'heure, madame la ministre, et je m'en réjouis. Il est en effet préférable d'inciter les consommateurs à se tourner vers des prêts personnels à des taux plus raisonnables plutôt que de succomber aux délices et poisons du crédit revolving, lequel constitue une très grande source de surendettement : 80 % des dossiers de surendettement en comptent plus de quatre ! Il en est parfois de même de certaines collectivités territoriales, notamment des départements comme le mien qui, à coup d'emprunts in fine, en arrivent à des remboursements de plus de dix ans pour financer leurs besoins, ce qui ne me paraît pas être de bonne gestion.
M. le président et M. le rapporteur n'ont pas souhaité imposer des justificatifs pour l'octroi de crédits sur les lieux de vente, ce qui est une lacune. Le plus souvent, à l'heure actuelle, le prêteur se contente d'une simple déclaration de l'emprunteur, sans vérifier le moins du monde sa solvabilité. Cela ne peut pas durer et je proposerai que l'emprunteur communique au prêteur les trois derniers relevés mensuels de son compte bancaire où figurent ses ressources et ses charges. Ainsi, le prêteur aura une vue exacte de la situation financière de l'emprunteur et pourra appliquer les règles prudentielles en vigueur. Une telle procédure, qui est pratiquée par les banques, n'aurait rien d'inquisitorial. Lorsque la société vous vient en aide, il est logique qu'on ait vis-à-vis d'elle quelques devoirs.
Ce texte demeurait muet sur deux points importants pour lutter le plus efficacement possible contre le surendettement, à savoir la création d'un fichier positif et la réduction du taux de l'usure pratiqué par les crédits renouvelables. Sur ces deux points, notre commission fait des propositions un peu timides mais qui ont le mérite d'exister.
Je confirme ce qu'a dit notre rapporteur sur notre voyage en Belgique : le surendettement a bien augmenté de 8,8 % en Belgique alors que notre pays connaissait une progression de 3,5 %, mais il faut rappeler que notre voisin était encadré depuis de nombreuses années alors que nous vivions en toute liberté. En outre, M. le rapporteur estime que seules 18 000 personnes seraient concernées par le fichier positif, mais combien de drames personnels derrière ces chiffres ! Pourquoi attendre trois ans pour mettre en place ce fichier alors que le surendettement explose dans le pays avec plus de 30 % de dossiers de surendettement supplémentaires en mars dernier ? Lorsqu'on souhaite enterrer un projet, on met en place, dit-on, une commission. Mais comme M. le rapporteur et M. le président s'en défendent, je leur fais confiance.
Qui, en France, s'oppose à la création de ce fichier ? Les banques qui craignent la concurrence déloyale des organismes de crédit et la Banque de France qui estime que le coût de ce fichier serait prohibitif et qu'il générerait un surcroît de travail. Cependant, un tel fichier se révèle indispensable si l'on veut lutter contre le surendettement. Certes, cet instrument seul ne suffira pas à connaître la situation financière exacte des futurs emprunteurs. Les banques ont une vue assez exacte de la situation financière de leurs clients et ne prennent pas de risques inconsidérés. Les organismes financiers qui interviennent sur les lieux de vente ou sur internet sont en général moins regardants. Les mauvais dossiers sont compensés par des taux d'intérêt élevés qui garantissent l'équilibre financier des prêteurs. Mais ce sont les collectivités locales qui sont sollicitées pour subvenir aux besoins de base des surendettés. Nos amendements responsabiliseraient les organismes de crédit et les emprunteurs. Certains d'entre eux doivent en effet être protégés contre eux-mêmes.
Ce texte comporte donc des avancées qui méritent d'être saluées mais il faut encore aller plus loin si nous voulons vraiment lutter contre le surendettement. Nos amendements nous donneront, je l'espère, madame la ministre, l'occasion de rapprocher nos points de vue. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Charles Revet. - Le développement du crédit à la consommation a un impact social et économique. Social parce que ce crédit a permis à de très nombreuses familles d'acquérir des équipements facilitant leur vie quotidienne. Économique parce que cela a contribué au développement du commerce et des entreprises produisant ces équipements. Mais le manque d'information et de transparence a entraîné des dérives qui ont abouti, pour certaines familles, à des difficultés financières, et quelquefois au surendettement. Ce qui était un atout social et économique est en train de devenir un risque important pour la société et un cauchemar pour certaines personnes. L'augmentation du nombre de dossiers à risques, l'irresponsabilité de certains prêteurs ou emprunteurs aboutissent à une spirale à la hausse des taux d'intérêts. Les taux du marché de l'argent n'ont jamais été aussi bas et pourtant les taux de crédit à la consommation n'ont jamais aussi élevés. Le besoin de couvrir les risques engendre une majoration de fait des taux d'intérêts pratiqués par les organismes de crédit. De plus, ce sont souvent les familles modestes qui supportent les taux les plus élevés.
Cette situation justifie que nous légiférions et mettions en place des dispositions qui organisent mieux la gestion des crédits à la consommation. C'est en allant au fond des choses que nous pourrons trouver des solutions : il n'y a pas de problème qui n'ait de solution, dans quelque domaine que ce soit, si l'on a le courage de travailler non seulement sur les conséquences, ce que nous faisons généralement, mais sur les causes. Je suis convaincu que c'est le cas dans le domaine du crédit à la consommation.
Formation, information, responsabilité et solidarité : ces quatre mots résument mes propositions qui tentent de traiter le délicat dossier du crédit à la consommation. Malheureusement, deux d'entre elles, que je considérais comme déterminantes, n'ont pu franchir l'épreuve absolue qu'est l'article 40.
J'avoue ne pas avoir bien compris les raisons pour lesquelles cet article a été opposé au fonds de solidarité, dont mon amendement organisait le financement. Il serait sans doute utile que notre assemblée se penchât non sur le principe de l'article 40, qui me semble incontestable, mais sur les modalités de son application.
J'en viens tout d'abord à la formation. J'ai demandé que tous les jeunes soient préparés à gérer leur budget, car le système éducatif doit préparer chaque individu, chaque citoyen à devenir un adulte responsable épanoui dans sa vie personnelle, professionnelle et familiale.
L'information doit être complète et totalement transparente, pour le prêteur et l'emprunteur. Avant d'octroyer un crédit, l'organisme bancaire doit connaître les emprunts déjà en cours, les charges existantes et la capacité de l'emprunteur à les couvrir. Emprunteur et prêteur doivent être responsabilisés et assumer leurs engagements. Dans cet esprit, j'ai proposé un amendement prolongeant la proposition que j'avais déposée avec d'autres collègues pour créer le fichier positif. Conformément aux recommandations de la Commission nationale informatique et liberté, j'ai proposé un système à double détente : seuls pourraient accéder aux fichiers les organismes de crédit agréés par la Banque de France, et la personne inscrite détiendrait seule la clé permettant de connaître ses données personnelles.
La solidarité s'impose, car 80 % des surendettements sont liés à un accident de la vie. Il est légitime de prendre en compte ces situations imprévisibles. Dans le cas des pensions alimentaires, la caisse d'allocations familiales se substitue au redevable défaillant, puis récupère les sommes en cause auprès de celui-ci. Je propose qu'une caisse de solidarité se substitue aux personnes concernées, avant de récupérer les sommes dues auprès des intéressés. Nous éviterions ainsi que des difficultés financières n'aggravent l'accident de la vie. En réduisant le risque encouru par les organismes de crédit, ce dispositif devrait sensiblement diminuer les taux d'intérêt.
Des avancées intéressantes sont proposées pour informer et responsabiliser prêteurs et emprunteurs ; il en va de même pour clarifier les divers types de cartes. Notre rapporteur a enrichi le texte initial. Le président de la commission spéciale a souligné la réflexion conduite sur le taux de l'usure.
J'aurais souhaité aller plus loin, mais le nouveau dispositif et l'enjeu du crédit à la consommation me poussent à voter ce projet de loi. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Daniel Raoul. - Pour l'essentiel, ce projet de loi transpose une directive européenne, mais a minima, ce qui est décevant.
Dans le contexte économique et social actuel, les associations de consommateurs ont dénoncé les mauvais prêteurs, les pratiques abusives de certains intermédiaires, la publicité agressive -que M. Sueur vient d'illustrer avec un prospectus déposé dans sa boîte aux lettres- et des taux effectifs globaux (TEG) frisant le taux de l'usure. Ces constats recueillent un consensus : ce n'est pas un hasard si cinq propositions de loi, dont celle de Mme Bricq, ont été déposées au Sénat.
Certains points sont consensuels, d'autres le sont moins. Sur tout les sujets sensibles, qu'il s'agisse des ventes à crédit dans les grands magasins et dans les grandes surfaces, des taux de l'usure ou du fichier positif, tous nos collègues allaient bien plus loin que votre projet de loi.
Comment expliquer que le taux de l'usure soit aujourd'hui supérieur à 20 % ? Il devrait être calculé en fonction du taux directeur, qui baisse !
La plupart du temps, les crédits renouvelables et les réserves d'argent avec carte sont utilisés par des personnes n'ayant pas d'autres moyens pour surmonter leurs difficultés financières. Le rapport d'Athling management a souligné que le crédit renouvelable s'adressait en particulier aux classes modestes, dont le revenu annuel était compris entre 11 478 et 20 942 euros. Ces ménages souscrivent ainsi des crédits qui les font basculer dans la précarité bancaire, selon un processus analogue à celui des subprimes, puisque ces personnes sont exclues des dispositifs classiques, moins coûteux, et sont renvoyées à un endettement qu'elles ne peuvent assumer.
A l'origine, le crédit renouvelable était plutôt destiné aux personnes aisées. C'est pourquoi nous proposons d'introduire un crédit social, plafonné à 3 000 euros et délivré par les circuits bancaires.
En 2008, le nombre de dossiers de surendettement déposé s'est accru de 3 % ; les indicateurs sociaux prévoient une augmentation plus ample en 2009, puisque l'enquête de la Banque de France sur le surendettement passif -lié à un accident de la vie- montre que celui-ci représente presque 80 % du total, la perte d'emploi venant en première place avec 32 %. Parallèlement, 88 % des dossiers relevant de la procédure de rétablissement personnel trouvent leur origine dans le surendettement passif.
Certains considèrent le crédit à la consommation comme un réservoir de croissance, mais il ne peut servir de régulateur par temps de pression sur les salaires, encore moins fournir un remède à la compression des revenus et à l'augmentation du chômage. Soutenir la croissance par la consommation sans augmenter le pouvoir d'achat est un leurre dont les États-Unis ont fourni un exemple flagrant avec les subprimes !
Mme Bricq ayant déjà indiqué nos divergences sur les moyens inscrits dans ce texte pour combattre le fléau du surendettement, je me contenterai de mentionner la création d'un répertoire national, la séparation dans l'espace et le temps de l'achat et du crédit, la révision du taux de l'usure, enfin la différenciation entre cartes de fidélité, cartes de crédit et cartes de paiement. Les mesures proposées sont trop timides, alors que le contexte économique et social aurait dû vous inciter à plus d'ambition.
Il nous serait très difficile de voter ce texte s'il restait en l'état. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Christine Lagarde, ministre. - Les excellentes interventions que j'ai entendues illustrent à la fois le caractère technique du débat et l'attachement de certains orateurs aux sujets abordés, ainsi qu'aux solutions proposées.
S'agissant du calendrier, sur lequel m'ont interrogée M. le président de la commission spéciale et Mme Bricq, j'espère que le texte sera promulgué avant la fin de cette année, pour que les dispositions relatives au surendettement entrent alors en vigueur. Le reste devrait être opérationnel vers la fin du premier semestre de 2010. Ce n'est pas une promesse de Gascon !
M. Jean-Louis Carrère. - Les Gascons tiennent leurs promesses !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je m'efforcerai de leur faire honneur en allant vite.
M. Daniel Raoul. - Réglons le problème lundi à Versailles !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Mme Laborde a évoqué le fichier positif. Le système actuel n'est pas fonctionnel. Nous devons donc le rendre réactif, je dirais presque « proactif », pour que les prêteurs puissent connaître la solvabilité réelle des emprunteurs. Cela suppose un fichier parfaitement mis à jour, en temps réel, « informé » au sens que les informaticiens donnent à ce terme. Sans être une intégriste du fichier négatif, je souhaite m'en tenir là pour l'instant au vu des investissements engagés par les banques pour l'améliorer, sans exclure pour autant de créer un fichier positif dans trois ans, bien que j'espère l'éviter.
Madame Bricq, le Gouvernement tiendra ses engagements et incitera les banques à mettre ce fichier à jour.
Le crédit d'impôt pour le microcrédit social que vous proposez évacuerait le risque pris par les banques.
Mme Nicole Bricq. - Vous le faites déjà pour l'immobilier, avec le prêt à taux zéro !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Sans exposition au risque, les banques seraient incitées à accorder plus de crédits que de raison. Je serai attentive à vos explications techniques sur ce sujet.
La déductibilité des intérêts d'emprunt n'évacue pas le risque. Quant au coût du dispositif, il est bien inférieur aux 3 milliards prévus : 1,2, tout au plus, sur la période 2007-2009.
Mme Nicole Bricq. - Si les prévisions de Bercy sont fausses...
Mme Christine Lagarde, ministre. - Ne dramatisons pas : le moteur de la consommation tourne. Prévoir une baisse de 5 % serait de bien mauvais augure ! Vous avez parlé de dizaines de milliers d'auto-entrepreneurs. Dites plutôt des centaines de milliers ! C'est une belle réussite.
Je rejoins Mme Dini et M. Revet sur la nécessaire éducation des futurs emprunteurs. Le ministère de l'éducation nationale a signé un partenariat avec l'institut pour l'éducation financière du public : la gestion d'un budget sera enseignée lors des cours de mathématiques ou de sciences économiques.
Monsieur Sueur, le formulaire que vous avez cité sera rendu illicite par le projet de loi : ce type d'information trompeuse sur le crédit gratuit tombera sous le coup du texte.
Associer une fonction de paiement à toute carte de crédit, faire du paiement comptant le droit commun, exiger le consentement exprès du consommateur pour toute utilisation comme carte de crédit : ces mesures éviteront la confusion entre carte de fidélité et carte de crédit.
M. Sueur et Mme Bricq disent être pour le marché. Nous aussi.
Mme Nicole Bricq. - Pour l'économie de marché.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Nous sommes aussi pour la régulation : nous ne voulons pas la jungle ! En revanche, nous préférons la confiance à la défiance, la responsabilisation des opérateurs à la suspicion d'irresponsabilité.
Monsieur Biwer, le projet prévoit un amortissement pour le petit comme pour le gros crédit renouvelable, mesure que vous prônez depuis longtemps. En revanche, les remises de justificatif risqueraient de tuer le crédit à la consommation.
Monsieur Revet, les taux de crédit à la consommation restent élevés malgré la baisse des taux interbancaires de refinancement car ils prennent également en compte le coût du risque de non-remboursement, qui augmente avec la hausse du chômage et la baisse des revenus, les frais fixes, ainsi que les marges bancaires.
Pour protéger nos concitoyens contre les accidents de la vie, nous avons les stabilisateurs sociaux, mais aussi l'assurance, contre le risque décès, la perte d'emploi, voire le risque de chômage partiel. Le projet de loi renforce ainsi la concurrence entre assureurs, au bénéfice des consommateurs. (Applaudissements à droite et au centre)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier A
L'article L. 313-3 du code de la consommation est ainsi complété :
I. - Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les catégories d'opérations pour les prêts aux particuliers n'entrant pas dans le champ d'application des articles L. 312-1 à L. 312-3 sont définies à raison du montant des prêts. »
II. - Après le troisième alinéa, il est inséré quatre alinéas ainsi rédigés :
« Des mesures transitoires, dérogeant aux alinéas précédents, peuvent être mises en oeuvre par le ministre chargé de l'économie, sur proposition motivée du Gouverneur de la Banque de France, pour une période ne pouvant excéder huit trimestres consécutifs, en cas de :
« - variation d'une ampleur exceptionnelle du coût des ressources des établissements de crédit ;
« - modifications de la définition des opérations de même nature mentionnées au premier alinéa.
« Un comité, présidé par le Gouverneur de la Banque de France, est chargé de suivre et d'analyser, notamment au regard du mode de fixation des taux de l'usure, le niveau et l'évolution des taux d'intérêt des crédits aux particuliers. Le comité examine également les modalités de financement des établissements de crédit et analyse le niveau, l'évolution et les composantes de leurs marges. Outre le Gouverneur de la Banque de France, le comité comprend deux parlementaires et le directeur général du Trésor et de la politique économique. Il se réunit à l'initiative de son président au moins une fois par trimestre. Il établit un rapport annuel qui est remis au Parlement et au Gouvernement. »
Mme Isabelle Pasquet. - Ce texte, d'apparence technique, doit être replacé dans son vrai contexte. La crise se traduit par la progression du chômage, le ralentissement de l'activité, les difficultés croissantes pour les plus modestes, le dérèglement du financement de l'économie et notamment du crédit. Or la politique gouvernementale vise à revenir à la situation antérieure, pour reprendre au plus tôt les mauvaises habitudes !
Le projet de loi promeut un crédit « soutenable », reposant sur l'illusion de l'égalité entre les parties d'un contrat, avec l'espoir que l'endettement des ménages soutiendra la croissance « molle » promise pour 2010. Loin de moraliser les pratiques des organismes de crédit, il les rend admissibles. Il ne vise qu'à réduire l'épargne des Français et les inciter à s'endetter, au motif que la consommation soutiendrait la croissance et donc l'emploi. Ce qui n'empêche pas ce même gouvernement de prôner la modération salariale, dans le public comme dans le privé !
Cette logique pénalisera les salariés. Il faut amender ce texte, pour éviter que les banques ne fassent payer leurs errements à d'autres !
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, le taux des prêts sur le marché interbancaire à douze mois multiplié par un coefficient déterminé par décret après avis du Conseil national du crédit et compris entre deux et sept. »
Mme Nicole Bricq. - C'est à la loi, et non à l'autorité administrative, de réformer l'usure. Un taux d'usure de plus de 20 % est difficilement justifiable dans le contexte actuel de déflation et de baisse des taux d'intérêt.
Au regard des risques démesurés qu'ont pris les banques sur les marchés, on ne peut guère arguer qu'un tel taux de rémunération mesure le risque que représentent les ménages modestes pour les prêteurs !
Etant donné les liquidités dont certaines banques ont bénéficié, un taux de 20 % n'est plus admissible, surtout lorsque ces taux servent de référent et d'indexation pour les crédits renouvelables.
La commission a cherché à corriger le silence du projet de loi sur cette question par un dispositif qui fond dans une même catégorie les crédits renouvelables et les crédits amortissables, leur répartition dépendant désormais de leurs seuls montants. Le taux de l'usure sera donc redéfini en fonction du montant du prêt sollicité. Cela ne suffit pas : il faut réformer profondément le taux de l'usure afin de le faire baisser sensiblement. Nous proposons de modifier les règles de calcul pour que le coût du crédit soit seulement lié à celui du refinancement des établissements bancaires. Les variations du taux de l'usure s'ajusteraient alors à celles du taux directeur.
Nous ne sommes pas favorables à la disparition de toute réglementation relative au taux de l'usure, contrairement au rapporteur qui estime qu'en matière de crédit à la consommation, la meilleure solution consisterait à supprimer le seuil légal. Ne réduisons pas l'économie de marché à l'exercice de la libre concurrence : ce qui s'est passé ces derniers mois nous conforte dans ce sens.
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que la réforme du taux de l'usure qui a été engagée au début des années 1990 visait à supprimer tout interventionnisme risquant de nous écarter de la « rationalité économique » et de la régulation par le libre jeu de la concurrence. Vous vous trompez de référence. N'oublions pas que, selon un grand économiste, cette rationalité disparaît derrière l'irrationnel des « esprits animaux » lorsque le marché est laissé à lui-même, ce qui rend l'intervention publique nécessaire pour préserver l'intérêt général. C'est la loi Dutreil, et non la loi Neiertz, qui a fait sauter le verrou du seuil de l'usure en 2003 pour les professionnels et en 2005 pour les particuliers. Nous nous y sommes opposés.
L'administration du taux de l'usure serait une exception en Europe ? Dans certains pays comme l'Allemagne, de culture différente, ce sont les tribunaux qui jugent un taux excessif après dépôt d'une plainte par un consommateur. Nous ne voulons pas attendre l'intervention d'une autorité administrative après négociation avec les établissements bancaires, qui défendront au mieux leurs intérêts, mais inscrire la règle dans la loi.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Mais trop long ! Le règlement vaut pour tout le monde.
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. - La commission spéciale a considéré le taux de l'usure comme un mécanisme essentiel. Il est illusoire de l'administrer, et seules la Belgique, l'Italie et la France le font. La réglementation ne conduit pas les banques à distribuer automatiquement des crédits selon un taux fixé par une autorité étatique. Malgré des taux élevés, seuls 55 % des crédits renouvelables sont affectés ; 45 % des demandes de crédit sont rejetées. Les mécanismes conduisant à limiter les taux d'une façon administrée conduisent à des exclusions du crédit. On ne peut, d'un côté, reprocher aux établissements de crédit de se comporter d'une façon irresponsable et, de l'autre, les obliger à prêter à un taux imposé, car celui-ci doit varier selon le risque.
J'ai peut-être estimé à tort que l'abandon d'un taux de l'usure administré datait du gouvernement Rocard et de la loi Neiertz. Je me souviens cependant des années de blocage des prix, puis de la période où les gouvernements de gauche se sont adaptés à l'économie de marché et à l'environnement international. Ces mécanismes de réglementation ne conviennent plus du tout aujourd'hui, et vous voulez pourtant revenir en arrière. Mon opinion sera la même pour les autres amendements présentés en ce sens.
Sur quelle base repose votre coefficient de 2 à 7 ? Les taux actuels sont définis par la moyenne des taux pratiqués par le marché au trimestre précédent. La commission a estimé qu'il y avait un déséquilibre et repris la position du Gouvernement, qui retient des seuils. Vous-même, souhaitez-vous conjuguer les mécanismes, en reprenant ces seuils, ou proposez-vous un dispositif particulier ? D'autres amendements, présentés notamment par le groupe centriste, prévoient des taux inférieurs, et Philippe Adnot paraît plus sévère encore. Cela ne conduira qu'à des exclusions du crédit.
Nous proposons de ne plus distinguer entre le crédit affecté et le crédit renouvelable, avec un seuil à 3 000 euros et une offre de crédit alternative. Ce mécanisme est le plus judicieux. Nous vous proposons donc de retirer votre amendement. A défaut, avis défavorable.
présidence de M. Roger Romani,vice-président
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis. Nous sommes favorables à un bon endettement, et non à un mal-endettement. Pour cela, il est préférable d'associer des taux à un seuil plutôt qu'à une catégorie de crédits. En appliquant un coefficient de 2 au taux interbancaire des douze derniers mois, nous obtiendrions aujourd'hui un taux de l'usure de 3,54 % : la plupart des crédits à la consommation disparaîtraient. Avec un coefficient de 7, on aboutirait à un taux de 12,4 % : on compterait alors 22 milliards de crédits à la consommation en moins, soit 1,2 point de PIB.
Mme Nicole Bricq. - La loi doit régler le problème. C'est fondamental. Nous présenterons un amendement de repli pour le texte de la commission car le délai prévu est trop long. Nous pouvons discuter du mode de calcul, car nous n'avons pu le faire en commission. Et nous ne sommes pas les seuls à souhaiter que le taux de l'usure soit réformé par la loi. En outre, nous ne pouvons laisser, sur ce sujet, l'initiative aux députés car le Sénat a été saisi en premier lieu et nous ne savons pas quand le texte sera discuté à l'Assemblée.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Le Sénat a l'initiative de la réforme législative du taux de l'usure : nous remplaçons des catégories par des montants de crédits afin de changer le modèle économique de la distribution des crédits renouvelables par rapport aux crédits affectés. Nous ne souhaitons pas aller au-delà en figeant des coefficients ou des valeurs d'écart. Nous travaillerions à l'aveuglette, sans pouvoir apprécier la réponse du marché. Une telle initiative risquerait de se retourner contre les intérêts de ceux que nous voulons défendre.
Le législateur fixe des principes que le Gouvernement appliquera en déterminant des montants et des coefficients. Nous pourrons, ensuite, le solliciter si le marché ne s'infléchit pas correctement. Cette remarque vaut pour les autres amendements.
J'appelle l'attention sur ce qui est fort bien et fort techniquement décrit dans le rapport. L'unification des prêts, solution que nous préconisons, s'opérera progressivement. Il s'agit, ainsi que l'écrit M. Dominati, de « mettre le marché à l'épreuve ». Il faut en effet une période d'observation. Si nous prévoyions une entrée en vigueur trop brutale, nous risquerions bien des effets pervers ou des effets contraires à l'objectif qu'avec vos amendements, vous poursuivez.
C'est bien affaire de distinction entre le domaine de la loi et celui du règlement. Il ne serait pas raisonnable de fixer un coefficient dans la loi et d'y revenir six mois ou un an plus tard. Je vous appelle donc à suivre, sur cette série d'amendements, le double avis de la commission et du Gouvernement.
L'amendement n°21 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par M. Biwer et les membres du groupe UC.
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le premier alinéa, les mots : « de plus du tiers » sont remplacés par les mots : « de plus du dixième ».
M. Claude Biwer. - Le taux d'usure défini par cet article du code de la consommation dépasse, à l'heure actuelle, les 20 % ce qui, rapporté au taux d'inflation -environ 1 %- et au coût de la ressource financière -environ 4 %- paraît largement excessif.
Or, les crédits renouvelables sont très souvent proches du taux d'usure, ce qui contribue au surendettement des particuliers.
La commission spéciale, consciente de ce problème, propose de redéfinir le taux d'usure en prévoyant que le plafond du taux des crédits à la consommation sera désormais fixé selon leur montant, étant entendu que les crédits renouvelables et amortissables seront fondus dans une même catégorie.
Cependant, la méthode de calcul du taux de l'usure avec l'application d'un taux multiplicateur de 1,33 au taux moyen de chaque nature d'opération demeure inchangée. Notre amendement propose de ramener à 1,10 ce coefficient multiplicateur.
M. le président. - Amendement n°59 rectifié, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le premier alinéa, les mots : « de plus du tiers » sont remplacés par les mots : « de plus du cinquième ».
Mme Odette Terrade. - Au-delà de la question du taux d'usure, le débat porte bien sur la formation des taux telle qu'elle aboutit à un taux effectif global.
La crise financière a provoqué une raréfaction du crédit bancaire aux entreprises comme aux particuliers. Les mesures de sauvetage du secteur financier prises par les États dits développés se sont accompagnées d'une course en avant vers la réduction du loyer de l'argent menée par les banques centrales. Pour la Réserve fédérale américaine comme pour la banque centrale du Japon, le taux directeur est aujourd'hui proche de zéro, tandis que la BCE l'a fixé à 1 %. Le crédit interbancaire a suivi la même évolution, se situant désormais aux alentours des 4 %, si bien que les banques françaises font de moins en moins appel aux services de la Société de financement de l'économie française. Cependant, les taux d'intérêt pratiqués sur les prêts à la consommation, et singulièrement sur les crédits renouvelables, demeurent particulièrement élevés, allant souvent jusqu'à 15 à 18 %, voire jusqu'à la limite du taux d'usure.
Réduire ce taux d'usure serait donner un signe aux consommateurs. Nous restons évidemment ouverts à toute proposition visant à encadrer les pratiques des établissements. Cela pourrait se faire par référence aux taux du crédit interbancaire, en prenant en compte le coût de collecte de la ressource, du risque encouru par le prêteur, et des contraintes, souvent fort limitées, liées à la distribution. On nous rétorquera que s'attaquer ainsi aux pratiques opaques des établissements de crédit et de leurs filiales spécialisées dans le crédit renouvelable, c'est faire obstacle à la croissance. C'est ainsi que l'économiste libéral Nicolas Bouzou n'hésite pas à écrire que la baisse du taux d'usure sur certains types de prêts ne permet pas de lutter contre le surendettement, ajoutant que, selon les chiffres de la Banque de France, celui-ci trouve essentiellement son origine dans les « accidents de la vie », et que seuls 14 % des cas sont attribuables à l'excès de crédits. Et de conclure en affirmant qu'« il est absurde de réduire le surendettement en diminuant l'accès au crédit et, au passage, en sacrifiant la croissance économique, c'est-à-dire en augmentant un peu plus le chômage ».
Il faudra bien, un jour, que l'on nous explique comment se forment les taux dans notre pays...
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. - Je rappelle que c'est le Parlement qui s'est saisi du mécanisme du taux d'usure. Mais comment résoudre une équation si complexe ? Le fait que vos amendements proposent des solutions allant du simple au double -celui de M. Biwer étant le plus sévère- témoigne bien de la difficulté du problème. Alors que nos plus brillants fonctionnaires n'ont cessé de s'y atteler, il faut pourtant toujours le modifier. Car il faut savoir que le mécanisme du taux d'usure n'est pas celui des autres taux sur le marché interbancaire. En baissant le taux d'usure, on réduit peut-être le taux des crédits renouvelables, mais on augmente celui des crédits affectés, rendant ainsi plus difficile l'accès au crédit. C'est pourquoi la commission souhaite le retrait de votre amendement, monsieur Biwer, sinon, elle y sera défavorable, comme à celui de Mme Terrade.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis. Mes services ont procédé à un calcul sur ces deux propositions. Celle de M. Biwer entraînerait un rationnement du crédit à hauteur de 46 milliards, celle de Mme Terrade, de 24 milliards.
M. Claude Biwer. - Notre amendement aura eu le mérite de nous faire discuter de la méthode. Compte tenu du type de fonctionnement que vous proposez, je le retire.
L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.
Mme Nicole Bricq. - Vous contestez le principe d'une inscription dans la loi, mais vous ne dites rien, par vos arguments, de ce que serait le bon taux. Vous nous assenez des chiffres que nous sommes, comme d'habitude, dans l'incapacité de vérifier. Nous sommes las de ce type d'arguments, que l'on ne nous ressert que trop souvent dans la discussion budgétaire, et dont on se rend bien souvent compte ensuite, en exécution, qu'ils sont sans rapport avec la réalité.
Nous avons entendu, lors de nos auditions, l'ensemble de la profession. Tous nous ont dit être favorables au passage de la catégorie au montant ; arguant que si l'on baisse le taux du crédit renouvelable, on augmentera les taux, à partir d'un certain seuil, sur les autres crédits. Si le Parlement ne se saisit pas de la question en fixant un plafond, on sait bien ce qui se produira : vos négociations aboutiront à retenir l'hypothèse que fourniront les établissements bancaires. Par conséquent, même si l'amendement communiste n'est pas parfait, nous le voterons.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Actuellement, entre crédit affecté et crédit renouvelable, le taux d'usure est différent.
Si j'ai bonne mémoire, le taux d'usure du crédit renouvelable est de...
Mme Christine Lagarde, ministre. - ...20,5 %.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - ...et, d'après les publicités et les pratiques, les demandeurs de ce type de crédit sont financés au taquet, soit au niveau du taux de l'usure.
M. Daniel Raoul. - Oui, à un taux de 19,95 % !
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Pour le crédit affecté, le taux d'usure est de l'ordre de...
Mme Christine Lagarde, ministre. - ...de 10 %.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. - Notre commission propose de fixer les taux selon le montant du crédit, jusqu'à 3 000 euros, entre 3 000 et 6 000 euros et plus de 6 000 euros. Avec ce nouveau système, une personne aujourd'hui exclue du crédit affecté, parce que considérée non solvable, et obligée d'emprunter à 20 % pourra désormais bénéficier d'un prêt à un taux compris entre 12 et 14 %. La réforme entraînera donc un basculement du renouvelable vers l'affecté, de la formule la moins sécurisante vers le prêt le plus conforme aux nécessités de la gestion des ménages. Si nul ne peut douter du principe, personne ne peut prédire dans quels délais et dans quelles conditions chiffrées ce mouvement se produira. D'où la nécessité de préserver une marge de souplesse d'autant que coexisteront, durant une période, les contrats en cours et les nouveaux souscrits selon les nouvelles règles. Reconnaissons les vertus de ce dispositif de lutte contre le mal-endettement.
Que se passerait-il si nous étions trop ambitieux et fixions un taux maximum très bas ? Nous écarterions du crédit de nombreux ménages, (Mme Christine Lagarde, ministre, approuve) de la même façon qu'ils sont aujourd'hui exclus du crédit affecté. Nous devons trouver un juste équilibre. Le marché, a dit légitimement M. Dominati, s'en chargera mais dans le cadre de nouvelles règles évitant aux plus fragiles d'être systématiquement orientés vers le crédit le plus cher. Bref, céder à la tentation de fixer des coefficients très bas comme le propose l'amendement n°49 rectifié, ce serait aller contre les intérêts des emprunteurs les plus fragiles qu'il veut défendre.
M. Charles Revet. - Très bien !
L'amendement n°59 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement n°14 rectifié bis n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°20, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le deuxième alinéa du II de cet article, remplacer le chiffre :
huit
par le chiffre :
six
M. Daniel Raoul. - Après les explications données par la commission et le Gouvernement, considérons qu'il s'agit d'un amendement de repli. Nous voulons réduire à six trimestres la période transitoire pour accompagner la réforme relative au taux de l'usure. Le Gouvernement propose de fixer des seuils selon, les montants de crédit, et non les types de prêts, soit. Mais serait-ce désobligeant de demander au Gouvernement quels seront ces seuils, comment ils modifieront les taux et si le Parlement, comme le prévoit la dernière révision constitutionnelle, disposera d'une étude d'impact ? Six trimestres pour mettre en oeuvre cette réforme paraissent suffisants.
J'ai entendu, madame la ministre, la promesse de gascon que vous avez faite. Reste que le délai de deux ans que propose la commission paraît bien long, d'autant qu'il faut y ajouter la durée du processus législatif.
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. - Ce délai permettra au marché de s'adapter car le mécanisme n'aura pas les mêmes effets pour toutes les professions. Nous avons déjà prévu une baisse ambitieuse de six points du taux, soit un point par trimestre. Évitons une baisse trop brutale des taux qui mettrait en difficulté, par exemple, deux grandes entreprises de VPC, qui réalisent 40 à 45 % de leur chiffre d'affaires sur le crédit renouvelable et qui sont les principales clientes de La Poste. Enfin, nous fixons un délai maximal au Gouvernement qui pourra, si les conditions le permettent, aller plus vite, ce que je souhaite comme vous. Avis défavorable.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis. (M. Daniel Raoul le déplore) Monsieur Raoul, le Gouvernement s'il n'a pas à fournir une étude d'impact sur une proposition de la commission, a communiqué, en revanche, une étude très documentée de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales sur les taux de l'usure. La réforme proposée par la commission bouleversera le modèle économique actuel et entraînera un mouvement du crédit renouvelable vers l'amortissable. Je comprends votre préoccupation et partage votre objectif, mais donnons-nous du temps pour que le modèle économique évolue, que la concurrence joue et que le taux de l'usure diminue.
Mme Nicole Bricq. - Soit. Mais nous n'en sommes qu'au début de la navette parlementaire sur un texte qui, exceptionnellement, n'est pas examiné selon la procédure accélérée. Bref, comme disent les ingénieurs, nous n'avons pas de chemin critique sur la durée de la navette. D'où l'intérêt de réduire le délai qui courra après la promulgation de la loi.
Ensuite, les établissements de crédit, auditionnés par la commission spéciale et reçus par les services de Bercy pour élaborer ce nouveau mécanisme de fixation des taux, ne sont pas pris au dépourvu ; ils ont déjà eu le temps de commencer à s'adapter à ces nouvelles règles.
Enfin, le groupe socialiste défend une autre vision du crédit, tout aussi cohérente : proposer à ceux forcés de se tourner actuellement vers le crédit renouvelable un large accès au crédit personnel. D'où notre volonté de ne pas augmenter son taux de référence. En fait, vous refusez de modifier le modèle économique, choix qui ne résistera pas à cette longue crise. Quand vous aurez fini de négocier avec les banquiers, peut-être vous en rendrez-vous compte !
L'amendement n°20 n'est pas adopté.
L'article premier A est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°26, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 313-6 du code de la consommation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 313-6-1. - Le taux variable d'un contrat de prêt ne peut excéder, à tout moment de son exécution, un plafond correspondant au niveau mensuel moyen des taux des contrats de prêt à taux fixes conclus par l'établissement de crédit pour une durée de vingt ans au cours du mois considéré.
« Les perceptions excessives au regard de l'alinéa précédent sont imputées de plein droit sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance. »
M. Daniel Raoul. - Cet amendement tend à instaurer pour les prêts à taux variable un plafond correspondant au niveau mensuel moyen des taux des contrats de prêt à taux fixes conclus par l'établissement de crédit pour une durée de vingt ans au cours du mois considéré. Il prévoit également une sanction : les perceptions excessives seront imputées de plein droit sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance.
Il s'agit de protéger les emprunteurs d'une augmentation brutale de leurs mensualités, susceptible de les faire basculer dans la précarité. Je suis sûr que chacun ici a en tête certains exemples des dégâts provoqués par les prêts à taux variables.
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. - Je rappelle qu'un prêt à taux variable voit son taux évoluer en fonction des variations des taux courts, notamment de l'Euribor. Ces taux sont généralement inférieurs aux taux longs, ce qui explique l'attrait exercé par ce type de prêts. La crise avait suscité une forte hausse des taux courts, devenus supérieurs aux taux longs ; mais aujourd'hui, l'Euribor a fortement reflué et les taux variables reprennent l'avantage sur les taux fixes. L'amendement, qui introduit une référence aux taux fixes, dénaturerait ce type de produits et nuirait aux consommateurs. (M. Daniel Raoul le conteste) L'amendement affecterait aussi les crédits immobiliers puisqu'il tend à modifier l'article L. 316-6 du code de la consommation. Une telle mesure aurait provoqué, au premier trimestre 2009, une contraction du crédit d'environ 5 milliards d'euros, soit 0,25 % du PIB.
D'ailleurs, les crédits à taux variables proposés par les banques sont généralement sécurisés, une clause plafonnant leur taux à 1 ou 2 points au-dessus du taux initial. Avis défavorable.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Mme Bricq s'est agacée des estimations chiffrées que nous donnons des effets de telle ou telle mesure. Mais celles-ci reposent sur un calcul simple : en nous fondant sur les données fournies par la Banque de France sur l'ensemble des crédits disponibles, nous appliquons au type de crédit concerné le taux qui résulterait de l'amendement, et nous obtenons ainsi le montant des crédits supprimés.
Avis défavorable à l'amendement n°26 qui conduirait à un rationnement des crédits. D'ailleurs, la loi du 3 janvier 2008 oblige déjà les banques à fournir à leurs clients diverses simulations du coût des prêts à taux variable en fonction d'hypothèses plus ou moins favorables.
Pendant un temps, les taux courts ont été plus élevés que les taux longs. A l'initiative de MM. Miguaud et Lefebvre, nous avons alors demandé aux banques de s'engager à examiner dans chaque cas les autres possibilités de prêts et à supprimer les taux d'appel. Elles l'ont fait. Il me semble donc que les emprunteurs sont suffisamment protégés.
Mme Odette Terrade. - Nous sommes évidemment favorables à l'amendement de nos collègues socialistes. Les taux variables sont au coeur des crédits renouvelables, qui sont souvent assortis d'un taux d'appel valable pendant quelques mois et très inférieur au taux réel. De nombreux ménages se retrouvent ainsi chargés d'un crédit qu'ils ne parviennent jamais à rembourser totalement.
Les prêts à taux variables reposent sur un pari sur l'avenir très risqué. La perspective d'une augmentation du taux plane comme une épée de Damoclès sur la tête des emprunteurs. Nous nous souvenons tous du désastre des prêts progressifs d'accession à la propriété, et nous connaissons les difficultés rencontrées par certains ménages pour rembourser leur crédit immobilier à taux variable.
Ce type de prêt assure une forte rentabilité à l'établissement prêteur, moyennant quelques accidents de paiement vite amortis. Il restreint également les capacités d'épargne et de consommation des ménages, pourtant essentielles à l'activité économique.
Mais peut-être le Gouvernement préfère-t-il une relance fondée sur la limitation de l'épargne et la hausse de l'endettement, dans un contexte de modération salariale généralisée...
M. Joël Bourdin. - Je comprends l'objectif des auteurs de l'amendement, mais je rappelle que les prêts à taux variables sont remboursables à tout moment, contrairement aux prêts à taux fixes qui ne peuvent faire l'objet d'un remboursement anticipé que moyennant une indemnité. Un emprunteur a donc toute latitude pour demander à son banquier, si le taux de son prêt augmente, de le transformer en prêt à taux fixe.
L'amendement n°26 n'est pas adopté.
L'article premier B est adopté.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mme Henneron, MM. Pointereau, Bécot, Vasselle et Lardeux, Mme Procaccia, MM. Bailly et Portelli, Mme Rozier, MM. Doublet et Laurent, Mmes Hermange et Keller et M. Juilhard.
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A compter de la date de publication de la présente loi et dès la classe de quatrième ou assimilée, les programmes scolaires doivent inclure des cours de formation à la gestion d'un budget familial ou personnel. Un décret précise les conditions d'application du présent article.
M. Charles Revet. - J'ai longuement expliqué tout à l'heure les raisons de cet amendement. Il est indispensable de préparer les jeunes à assumer leurs responsabilités personnelles et familiales, et notamment à gérer leur budget. Mme la ministre nous a indiqué que le ministre de l'éducation nationale préparait le personnel destiné à remplir cette mission, et je m'en réjouis. Les modalités de cet enseignement resteront à définir par décret. Il ne s'agit pas d'enseigner la gestion d'un budget d'entreprise : cela relève d'une formation professionnelle. Mais le Parlement doit montrer par un signal fort qu'il se préoccupe des difficultés des Français et empêcher que se reproduisent les drames qui nous contraignent aujourd'hui à légiférer.
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. - Votre intention est très louable, et elle est partagée par tous les groupes politiques. Mais il a semblé imprudent à la commission d'introduire cet article dans le projet de loi : on pourrait aussi bien prévoir une nouvelle formation dans chaque loi ! Plusieurs amendements en ce sens ont déjà été retirés.
D'ailleurs il ne revient pas au législateur de définir le contenu des programmes scolaires. Une telle disposition pourrait éventuellement être insérée dans un projet de loi relatif à l'éducation nationale ; encore cela dépendrait-il de son degré de spécificité. Retrait, sinon rejet.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Votre proposition est excellente ; je l'ai même devancée. L'Institut pour l'éducation financière du public participe en effet au Haut comité de place que j'ai installé il y a deux ans pour revoir les règles d'organisation de la place financière de Paris.
J'ai demandé que les sanctions prononcées par l'Autorité des marchés financiers financent cet institut. Il a conclu le 20 mai, avec l'éducation nationale, une convention aux termes de laquelle des modules d'enseignement seront mis à la disposition de tous les enseignants de sciences économiques et de mathématiques appliquées afin qu'ils les utilisent de façon transversale à faire comprendre les principes de l'emprunt, des intérêts etc. Il appartiendra à l'éducation nationale de prescrire par voie règlementaire selon quelles modalités ces modules pourront être utilisés. Retrait, car cet amendement est satisfait.
M. Charles Revet. - Je suis ennuyé car le Parlement doit donner des signes forts. Il ne s'agit pas de préciser des modalités détaillées ! On a tendance ici à tout renvoyer au règlement, au point qu'on peut se demander sur quoi on légifère... En quoi est-ce gênant d'inscrire dans la loi que l'éducation nationale doit, dans ses programmes, veiller à ce que chaque jeune reçoive une formation à la gestion d'un budget et, en particulier, d'un budget familial ? Elle doit préparer les futurs citoyens à ce qu'ils devront affronter plus tard ; cela éviterait bien des surendettements. Si tous les groupes ont retiré leur amendement analogue, je vais retirer le mien mais à regret. (Applaudissements au centre)
L'amendement n°11rectifié bis est retiré.
L'amendement n°83 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°115, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 3231-8 du code du travail, les mots : « à la moitié » sont remplacés par les mots : « aux trois quarts ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Odette Terrade. - Il n'y a pas 36 manières d'éviter aux familles les plus modestes, qui sont souvent le coeur de cible des organismes de crédit à la consommation, le surendettement. La première, c'est de mettre le holà à la publicité mensongère, aux pratiques léonines, aux contrats illisibles pleins de chausse-trapes et d'arnaques. La seconde manière, c'est d'augmenter le pouvoir d'achat des ménages. Parmi les accidents de la vie figurent au premier chef le sous-emploi et le chômage qui, dès lors qu'on a souscrit des engagements auprès d'établissements de crédit, précipitent dans la spirale de l'endettement. De l'aveu même du Président de la République, 17 % des salariés de notre pays sont aujourd'hui payés au Smic ou par référence à ce minimum de rémunération. Il avait d'ailleurs repoussé toute augmentation significative de ce Smic, au motif, justement, qu'il n'était attribué qu'à 17 % des salariés... Le ralentissement de l'inflation, signe de déflation sur les coûts de production, justifierait qu'aucune revalorisation significative ne soit accordée pour ce minimum salarial au premier juillet prochain. Belle récompense que cette rigueur salariale pour ceux qui auraient eu la naïveté de penser que l'élection de Nicolas Sarkozy allait réhabiliter le travail...
Nous proposons de modifier les conditions d'évolution du Smic par rapport aux autres salaires. L'article L 3231-8 du code du travail dispose que « En aucun cas, l'accroissement annuel du pouvoir d'achat du salaire minimum de croissance ne peut être inférieur à la moitié de l'augmentation du pouvoir d'achat des salaires horaires moyens enregistrés par l'enquête trimestrielle du ministère chargé du travail ». Nous proposons que cette évolution soit encore plus proche de celle des autres rémunérations, en appliquant un accroissement égal aux trois quarts de l'augmentation du pouvoir d'achat des salaires horaires moyens. Cela renforcera les capacités de consommation des ménages salariés.
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. - Cette disposition est assez étrangère au sujet du projet de loi puisqu'elle modifie le mode de calcul du Smic. En outre, je ne suis pas certain que cet amendement serait de nature à prévenir le surendettement car l'observation des dossiers traités en commission de surendettement démontre l'absence de corrélation entre ce dernier et le niveau de revenu des ménages, un nombre significatif de personnes surendettées appartenant à la classe moyenne. Avis défavorable.
L'amendement n°115, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Article premier
La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de la consommation est ainsi rédigée :
« Section 1
« Définitions et champ d'application
« Art. L. 311-1. - Au sens du présent chapitre, sont considérés comme :
« 1° Prêteur, toute personne qui consent ou s'engage à consentir un crédit mentionné à l'article L. 311-2 dans le cadre de l'exercice de ses activités commerciales ou professionnelles ;
« 2° Emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ;
« 3° Intermédiaire de crédit, toute personne qui, dans le cadre de ses activités commerciales ou professionnelles habituelles, et contre une rémunération ou un avantage économique, apporte son concours à la réalisation d'une opération visée au présent chapitre, sans agir en qualité de prêteur ;
« 4° Opération ou contrat de crédit, une opération ou un contrat par lequel un prêteur consent ou s'engage à consentir à l'emprunteur un crédit sous la forme d'un délai de paiement, d'un prêt y compris sous forme de découvert, ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l'exception des contrats conclus en vue de la fourniture d'une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes duquel l'emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture ;
« 5° Coût total du crédit dû par l'emprunteur, tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes et autres frais que l'emprunteur est tenu de payer pour la conclusion et l'exécution du contrat de crédit et qui sont connus du prêteur, à l'exception des frais d'acte notarié. Ce coût comprend également les coûts relatifs aux services accessoires au contrat de crédit s'ils sont exigés par le prêteur pour l'obtention du crédit, notamment les primes d'assurance. Ce coût ne comprend pas les frais dont l'emprunteur est redevable en cas d'inexécution de l'une de ses obligations prévue au contrat de crédit ;
« 6° Taux débiteur, le taux d'intérêt exprimé en pourcentage fixe ou variable, appliqué au capital emprunté ou au montant de crédit utilisé, sur une base annuelle. Le taux débiteur est fixe lorsque le contrat de crédit prévoit soit un taux débiteur constant sur toute la durée du contrat de crédit, soit plusieurs taux débiteurs constants appliqués à des périodes partielles prédéterminées ; dans ce dernier cas, le taux est fixé uniquement pour ces périodes partielles, dans les autres cas, le taux débiteur est variable ou révisable ;
« 7° Montant total dû par l'emprunteur, la somme correspondant au montant total du crédit et du coût total du crédit dû par l'emprunteur ;
« 8° Montant total du crédit, le plafond ou le total des sommes rendues disponibles en vertu d'un contrat ou d'une opération de crédit ;
« 9° Contrat de crédit affecté ou contrat de crédit lié, le crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers ; ces deux contrats constituent une opération commerciale unique. Une opération commerciale unique est réputée exister lorsque le vendeur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du vendeur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou encore lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés ;
« 10° Autorisation de découvert ou facilité de découvert, le contrat de crédit en vertu duquel le prêteur autorise expressément l'emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde du compte de dépôt de ce dernier ;
« 11° Dépassement, un découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l'emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l'autorisation de découvert convenue ;
« 12° Support durable, tout instrument permettant à l'emprunteur de conserver les informations qui lui sont adressées personnellement, d'une manière qui permet de s'y reporter aisément à l'avenir pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées et qui permet la reproduction identique desdites informations.
« Art. L. 311-2. - Les dispositions du présent chapitre s'appliquent à toute opération de crédit mentionnée au 4° de l'article L. 311-1, qu'elle soit conclue à titre onéreux ou à titre gratuit et, le cas échéant, à son cautionnement.
« Pour l'application du présent chapitre, la location-vente et la location avec option d'achat sont assimilées à des opérations de crédit.
« Les opérations de prêts sur gage corporel souscrits auprès des caisses de crédit municipal en application de l'article L. 514-1 du code monétaire et financier sont soumises aux dispositions des articles L. 311-4 et L. 311-5.
« Un décret fixe le contenu des informations que les caisses mentionnées à l'alinéa précédent doivent mettre à la disposition de leur clientèle préalablement à l'octroi de ce prêt, les conditions dans lesquelles ces informations sont portées à la connaissance du public et les mentions obligatoires devant figurer dans les contrats de crédit.
« Art. L. 311-3. - Sont exclus du champ d'application du présent chapitre :
« 1° Les opérations de crédit destinées à permettre l'acquisition ou le maintien de droits de propriété d'un terrain ou d'un immeuble existant ou à construire ;
« 2° Les opérations dont le montant est inférieur à 200 € ou supérieur à 75 000 €, à l'exception de celles ayant pour objet le regroupement d'opérations de crédit mentionnées à l'article L. 313-15 ;
« 3° Les opérations consenties sous la forme d'une autorisation de découvert remboursable dans un délai d'un mois ;
« 4° Les opérations de crédit comportant un délai de remboursement ne dépassant pas trois mois qui ne sont assorties d'aucun intérêt ou d'aucuns frais ou seulement de frais d'un montant négligeable ;
« 5° Les opérations mentionnées au 3 de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier ;
« 6° Les opérations mentionnées au 2 de l'article L. 321-2 du même code ;
« 7° Les contrats qui sont l'expression d'un accord intervenu devant une juridiction ;
« 8° Les contrats résultant d'un plan conventionnel de redressement mentionné à l'article L. 331-6 conclu devant la commission de surendettement. »
M. le président. - Amendement n°44, présenté par M. Revet.
Au début du 4° du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-1 du code de la consommation, supprimer les mots :
Opération ou
et les mots :
une opération ou
M. Charles Revet. - Le texte du projet de loi assimile dans les définitions la notion de « contrat » de crédit à celle « d'opération » de crédit. Or ces deux notions sont différentes, un même contrat pouvant recouvrir plusieurs opérations de crédit. Par ailleurs, la définition reprise dans le projet de loi est celle qui, dans la directive, vise les seuls contrats. Pour éviter tout risque d'ambiguïté, il y a lieu de reprendre strictement la définition donnée par la directive.
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. - Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. - Vous craignez que le recours à la notion d'opération de crédit oblige le prêteur qui applique un taux promotionnel pour une durée limitée, dans le cadre d'un crédit renouvelable, à conclure un nouveau contrat à chaque opération promotionnelle. Cette crainte n'est pas juridiquement fondée. Le projet de loi prévoit que cela fait partie de l'exécution du contrat initial, et c'est à l'avantage du consommateur. A l'inverse, le Gouvernement n'est pas favorable à ce que l'on supprime les termes « opération de crédit » au profit de ceux de « contrat de crédit ». Ce texte vise à encadrer non seulement le contrat mais aussi la publicité relative au crédit et les informations précontractuelles. L'emploi des seuls termes « contrat de crédit » restreindrait donc la portée du dispositif protecteur du consommateur.
M. Charles Revet. - Il me semblait que c'était l'inverse. Mais comme l'explication donnée ici sera reprise pour l'application du texte, il était bon de préciser les choses. Je retire mon amendement.
L'amendement n°44 est retiré.
M. le président. - Amendement n°79, présenté par Mme Terrade et les membres du groupe CRC-SPG.
Après le dixième alinéa (9°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-1 du code de la consommation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le crédit renouvelable est une ligne de crédit utilisé pour un décalage temporaire de trésorerie dont la solvabilité de l'emprunteur permet un remboursement dans un délai de 12 mois. »
Mme Isabelle Pasquet. - Nous proposons une définition précise du crédit renouvelable, crédit qui s'est généralisé pour des prêts de faible montant, mais producteurs de forts profits bancaires, compte tenu des taux d'intérêt appliqués. Il convient que le crédit renouvelable ne ressorte que de la définition fournie par la directive elle-même, dans son article 12. Le crédit renouvelable doit être recentré sur sa raison d'être première : permettre à des familles ayant une insuffisance temporaire de trésorerie disponible, de faire face à cette situation. En conséquence, il faut réserver le crédit à la consommation à des opérations affectées, qu'il s'agisse du crédit gratuit ou des contrats à durée déterminée visant à l'acquisition d'un bien, dans les limites des 75 000 euros prévus par la directive.
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. - L'objectif est louable : on ne peut rester indéfiniment enchaîné à un crédit renouvelable. Mais l'article 5, en prévoyant un remboursement minimal du capital, qui variera en fonction du montant emprunté, répond à cette préoccupation et un amendement à cet article modulera dans le temps -de trois à cinq ans- la durée maximale d'un crédit renouvelable. Votre durée est trop courte : fixer uniformément à douze mois le délai de remboursement ne permettrait plus de faire du crédit renouvelable que sur de très petits montants, seuls à pouvoir être remboursés dans un tel délai. Cela restreindrait l'accès au crédit, à l'heure où la consommation doit être soutenue. Avis défavorable.
L'amendement n°79, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°22, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 311-2 du code de la consommation, il est inséré un article L. 311-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L 311-2-1. - Il est interdit de proposer sous quelque forme que ce soit des lots promotionnels liés à l'acceptation d'une offre préalable d'opération de crédit. »
Mme Nicole Bricq. - Dans certains cas, des offres promotionnelles sont conditionnées à l'ouverture d'un crédit. Parfois, sans s'en rendre compte, le client se retrouve avec un crédit alors qu'il voulait bénéficier d'une promotion et qu'il aurait pu payer au comptant. Il faut interdire ces pratiques commerciales contestables qui incitent à contracter des crédits et à favoriser le mal-endettement.
Il faut aussi que les acteurs du crédit n'offrent plus inconsidérément des crédits qui risquent de se retourner contre les emprunteurs.
Ces pratiques abusives ont été dénoncées par toutes les associations de consommateurs et cet amendement s'inspire de la proposition de loi qu'avait déposée notre collègue Philippe Marini. Je m'étonnerais d'un vote défavorable de ses collègues de la majorité...
M. Daniel Raoul. - Encore une illusion perdue !
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. - L'article L. 131-35 du code de la consommation interdit la vente à prime, c'est-à-dire la vente d'un bien ou service donnant droit, à titre gratuit, à un autre bien ou service, sauf si ce bien ou service a une valeur négligeable. Cette interdiction s'applique aux commerçants ainsi que, par un renvoi fait à l'article L. 312-1-2 du code monétaire et financier, aux établissements financiers. Les excès sont donc interdits.
Mme Nicole Bricq. - Ces articles existent, mais ils ne sont pas respectés !
M. Philippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale. - Grâce à l'article L. 122-1 du code de la consommation, le consommateur est également protégé de la vente liée, appelée aussi vente subordonnée : il est ainsi interdit de conditionner un achat à un autre.
Enfin, l'article 5 du projet de loi prévoit déjà, dans le cadre du crédit renouvelable, que les avantages commerciaux et promotionnels liés à une carte ne soient pas subordonnés au paiement à crédit. Il s'agit d'une avancée majeure qui va changer la donne.
Faut-il aller plus loin en interdisant les cadeaux de valeur négligeable ? Cette disposition pénaliserait le consommateur, car les taux promotionnels faits dans un certain nombre de cas lui sont bénéfiques. Puisque nous le protégeons à l'article 5, cet amendement irait trop loin. En outre, il témoigne d'une méfiance globale à l'égard du dispositif proposé par le Gouvernement et amélioré par la commission spéciale. L'avis est donc défavorable.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Les Français apprécient les cartes de fidélité...
Mme Nicole Bricq. - Il ne s'agit pas de cela !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Or, nous prévoyons que toutes les cartes de fidélité comprennent une carte de paiement et que le paiement comptant soit la règle. Selon une étude faite par la Direction générale de la concurrence et de la consommation et de la répression des fraudes, cet amendement interdirait, au-delà des lots promotionnels, de lier au sein d'une même carte fidélité et crédit. La notion de lot promotionnel recouvre en effet tous les avantages commerciaux promotionnels. C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.
Mme Nicole Bricq. - Il ne s'agit pas ici des cartes de fidélité : nous en parlerons à l'article 5 et je vous ferai part de pratiques tout à fait contestables.
Cet amendement traite des lots promotionnels : en refusant cet amendement demandé par toutes les associations de consommateurs, vous montrez les limites que vous vous imposez. M. le rapporteur a cité des articles de codes qui sont quotidiennement contournés. La loi est donc nécessaire pour qu'enfin on ne puisse confondre lots promotionnels et offre de crédit.
L'amendement n°22 n'est pas adopté.
La séance est suspendue à 19 h 40.
présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président
La séance reprend à 21 h 45.