Modification de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à modifier l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative.
Discussion générale
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - Nous arrivons au bout d'une grande réforme engagée il y a maintenant deux ans ; après la révision de la Constitution, l'adoption d'une loi organique et la modification de votre Règlement, j'ai l'honneur de vous soumettre une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale tendant à modifier l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. Le Gouvernement y est très favorable, car elle tire sur trois points les conséquences de la révision.
S'agissant des questions européennes, le nouvel article 88-4 est l'aboutissement d'un long processus entamé depuis 1992, et même avant, qui a renforcé le rôle du Parlement dans la politique européenne de la France. Plus l'Europe entre dans nos vies, plus les parlementaires souhaitent s'exprimer à son sujet et contrôler les politiques communautaires. Jusqu'en juillet dernier, le dépôt de questions orales européennes était subordonné à la transmission par le Gouvernement de documents européens ; cette entrave a disparu. Votre assemblée a d'ores et déjà tenu plusieurs débats de ce genre en séance publique et en commission. La dernière révision constitutionnelle a également transformé les anciennes délégations aux affaires européennes en commissions permanentes.
L'article 39, adopté à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale, permet au président de chaque assemblée de soumettre pour avis au Conseil d'État toute proposition de loi déposée par ses collègues. C'était d'autant plus opportun que l'ordre du jour partagé devait faire fleurir les initiatives parlementaires.
Enfin, ce texte simplifie l'organisation des offices et délégations parlementaires, afin de renforcer la qualité et l'efficacité du travail parlementaire ainsi que la collaboration entre les deux assemblées.
Le Gouvernement souhaite que cette proposition soit adoptée dans les termes retenus par la commission. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois. - La proposition de loi modifiant l'ordonnance du 17 novembre 1958 et complétant le code des juridictions administratives comporte cinq articles. L'article premier A précise les conditions de saisine du Conseil d'État par le président d'une assemblée parlementaire et modifie en conséquence le code des juridictions administratives ; l'article premier modifie les dispositions concernant les délégations à l'Union européenne, qui deviennent des commissions des affaires européennes ; les articles 2 à 4 suppriment tout une série d'offices et de délégations tels que l'office parlementaire d'évaluation de la législation ou la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire. L'ensemble de ce texte reçoit l'agrément de la commission des lois qui propose de l'adopter en l'état. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les trois points abordés dans cette proposition appellent quelques remarques ou critiques. La proposition initiale de M. Accoyer visait à tirer les conséquences de la modification de l'article 88-4 de la Constitution et de la transformation des délégations à l'Union européenne en commissions aux affaires européennes. Elle a été complétée à l'initiative du rapporteur à l'Assemblée nationale, et d'abord sur la saisine du Conseil d'État. Si celui-ci est par nature le conseiller du Gouvernement, et non du Parlement, cette nouvelle compétence apparaît néanmoins opportune compte tenu du nombre sans cesse grandissant de propositions de loi utilisées par le Gouvernement pour faire passer ses réformes. C'est l'outil idéal pour échapper à la procédure applicable aux projets de loi : on l'a vu avec la proposition de simplification du droit, on le voit avec le travail du dimanche, on le verra bientôt avec la proposition de M. Estrosi sur les bandes organisées ou non. Recueillir l'avis du Conseil d'État ne peut qu'éclairer la représentation nationale.
L'article 39 encadre très strictement la saisine du Conseil d'État par le président de l'Assemblée, saisine à laquelle seul l'auteur de la proposition de loi peut s'opposer. Il n'est pas difficile d'imaginer que le président d'une Assemblée ne saisira pas le Conseil d'État d'une proposition émanant de la majorité dont il est issu ; en revanche cette saisine peut fonctionner comme un outil pour bloquer une initiative de l'opposition. Elle entraînera en outre des différences entre les propositions selon qu'elles y auront été soumises ou non. L'article 39 verrouillant le dispositif, nous avons déposé un amendement pour permettre aux groupes parlementaires, désormais reconnus, de saisir le Conseil d'État. Quid de la publicité de l'avis de ce dernier ? Les parlementaires sont fondés à le connaître et nous avons déposé des amendements à cet effet.
S'agissant de la transmission des actes européens, le Gouvernement transmettra au Parlement tous les projets ou propositions d'actes européens, et pas seulement ceux qui ont valeur législative. Le Gouvernement pourra aussi transmettre aux commissions aux affaires européennes tout document nécessaire. Si l'information des parlementaires doit être la plus complète possible, on ne peut transmettre tous les documents -il y en a tant- et il serait plus intéressant que le ministre vienne en commission expliquer la position défendue par la France lors des Conseils de l'Union.
La proposition supprime des offices et délégations parlementaires qui n'ont pas fonctionné comme on l'aurait souhaité. Mais leur suppression doit bénéficier aux commissions, considérées comme les seuls lieux de réflexion sur les sujets que traitaient ces organismes. Était-il opportun de supprimer l'Office d'évaluation de la législation en ces temps d'inflation législative galopante, ou encore l'Office d'évaluation des politiques de santé quand la loi sur l'hôpital va aggraver les inégalités ? Comment les commissions, déjà surchargées, pourront-elles assurer l'évaluation quand les missions d'information ne servent qu'à valoriser la politique du Gouvernement ? Il aurait été préférable de mieux utiliser les travaux de ces délégations et de ces offices.
Mon groupe est sceptique sur ces modifications. Il s'abstiendra si ses amendements ne sont pas retenus. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)
Mme Catherine Troendle. - Cette proposition de loi, présentée à l'initiative du président de l'Assemblée nationale et adoptée par les députés en avril dernier, poursuit trois objectifs majeurs. Préciser, d'abord, les modalités de mise en oeuvre du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution, qui ouvre au président d'une Assemblée la possibilité de saisir le Conseil d'État d'une proposition de loi si son auteur ne s'y oppose pas. Cela nous semble utile pour améliorer la qualité de la loi au moment où les initiatives parlementaires sont de plus en plus nombreuses. Prendre en compte la modification de l'article 88-4, ensuite, c'est donner une assise législative aux commissions aux affaires européennes et renvoyer au Règlement de chaque Assemblée leur composition et leurs compétences, tout en tirant les conséquences de l'élargissement des textes européens que le Gouvernement doit nous transmettre : qu'il ne s'agisse plus des seuls projets ou propositions à valeur législative marque un progrès majeur.
Il s'agit enfin de supprimer un certain nombre d'organismes internes aux Assemblées et dont le maintien ne se justifie plus. Le rapporteur l'a rappelé, il y a eu une concertation entre les présidents des deux assemblées. Nous ne pouvons que nous satisfaire de cette rationalisation et de cette simplification.
Les instruments de mise en oeuvre de la réforme constitutionnelle se mettent en place peu à peu. Le groupe UMP qui s'en félicite, votera la proposition. (Applaudissements à droite)
Mme Anne-Marie Escoffier. - La proposition de loi se bornait initialement à tirer les conséquences de la nouvelle rédaction de l'article 88-4 de la Constitution. Sans en avoir révolutionné l'économie générale, le texte a été augmenté, voire enrichi de dispositions techniques dérivées de la révision constitutionnelle de juillet 2008.
Plus de la moitié de notre législation venant peu ou prou du droit communautaire, des instances de suivi plus efficaces étaient indispensables. La transformation des délégations à l'Union européenne en commissions des affaires européennes répond à cette évolution structurelle. Je me félicite aussi de la rédaction de l'article premier, qui leur permet de se voir transmettre l'ensemble des textes européens et plus seulement de ceux à valeur législative. Cela renforcera le suivi des questions européennes, a fortiori si le traité de Lisbonne devait un jour entrer en vigueur : l'Assemblée nationale et le Sénat pourraient alors émettre des avis sur la conformité au principe de subsidiarité et ester devant la Cour de justice des Communautés européennes.
Le texte entend aussi renforcer le poids du Parlement par un contrôle accru sur l'action gouvernementale. Il est certes rationnel de regrouper des missions jusqu'ici éclatées entre diverses instances. Mais on aurait aussi bien pu augmenter la capacité d'expertise de certaines d'entre elles en leur donnant plus de moyens. Alors que l'inflation législative et le verbiage de certains textes appauvrissent l'autorité de la loi, il eût été pertinent d'affermir ces instances. Je pense à notre délégation pour la planification dont chacun reconnaît la qualité du travail : je vous renvoie au rapport de M. Collin et de M. Bourdin sur la coordination des politiques économiques en Europe. La multiplicité des organes de contrôle ne constitue pas par nature un obstacle à l'efficacité.
Nos collègues députés ont prévu la possibilité de transmettre au Conseil d'État une proposition de loi avant sa discussion en commission. La logique est bien de garantir la sécurité juridique. Néanmoins, quelle sera la portée pratique de cette faculté ? Confier au Conseil d'État, qui est le conseiller du Gouvernement, un droit de regard sur le travail législatif représente une curieuse conception de la séparation des pouvoirs, même si cette procédure a été retenue par le constituant. Le droit ouvert à l'auteur du texte d'en refuser la transmission limite l'étendue du contrôle. Un gouvernement embarrassé par un projet de loi n'hésite jamais à utiliser l'initiative parlementaire pour ne pas avoir à respecter l'obligation de consulter le Conseil. En agissant ainsi, un gouvernement se dérobe à une procédure longue, complexe, risquée, mais indispensable.
Droit de refus accordé à l'auteur et confidentialité de l'avis rendu : cette procédure sera peu utilisée sur une question politiquement et juridiquement sensible. Par exemple, quelle aurait été la réaction d'un député auteur d'une proposition de loi relative à la lutte contre les violences en groupe si le président de l'Assemblée nationale lui avait demandé pareille transmission ? Cet article premier A me laisse sceptique...
Le véritable enjeu porte sur la réforme de notre Règlement qui organise les conditions pratiques et donc politiques de nos travaux. En conséquence, le groupe du RDSE ne s'opposera donc pas à la présente proposition de loi.
M. Bernard Frimat. - Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale et la commission des lois du Sénat n'en a pas modifié le texte. La saisine du Conseil d'État est la mise en musique de la révision de l'article 39-4 de la Constitution et le Président de l'Assemblée nationale a bien fait de saisir ce véhicule législatif. Il n'est guère envisageable qu'un président d'assemblée transmette une proposition de loi pour des raisons dilatoires, et la possibilité donnée à l'auteur de s'opposer à cette saisine a des aspects positifs, madame Escoffier, même s'il y a toujours le cas des fausses propositions de loi. Reste le problème de la publicité de l'avis...
La commission des affaires européennes est également une mise en forme de la révision constitutionnelle ; il faudra cependant veiller à la bonne articulation avec les commissions permanentes.
La grande novation, c'est que l'on supprime des institutions qui ne servaient plus : une grande première en France, où l'on conserve volontiers ce qui est obsolète ! La délégation parlementaire pour les problèmes démographiques avait effectivement cessé toute activité depuis 1992. La délégation pour la planification au nom surréaliste désormais a laissé place à une délégation à la prospective, qui travaille bien et va continuer ses travaux.
Ce texte est une déclinaison, une mise en ordre et le groupe socialiste le votera.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier A
(Texte non modifié par la commission)
I. - Après l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 4 bis ainsi rédigé :
« Art. 4 bis. - Le président d'une assemblée parlementaire peut saisir le Conseil d'État d'une proposition de loi déposée par un membre de cette assemblée, avant l'examen de cette proposition en commission.
« L'auteur de la proposition de loi, informé par le président de l'assemblée concernée de son intention de soumettre pour avis au Conseil d'État cette proposition, dispose d'un délai de cinq jours francs pour s'y opposer.
« L'avis du Conseil d'État est adressé au président de l'assemblée qui l'a saisi, qui le communique à l'auteur de la proposition. »
II. - Le code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l'article L. 112-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil d'État émet un avis sur les propositions de loi, déposées sur le bureau d'une assemblée parlementaire et non encore examinées en commission, dont il est saisi par le président de cette assemblée. » ;
2° Au chapitre III du titre II du livre Ier, il est inséré une section unique ainsi rédigée :
« Section unique
« L'avis sur une proposition de loi
« Art. L. 123-1. - Le vice-président attribue l'examen d'une proposition de loi dont est saisi le Conseil d'État à une section, à moins qu'il ne décide de réunir spécialement à cette fin une commission composée de représentants des différentes sections intéressées.
« L'avis du Conseil d'État est rendu par l'assemblée générale, sauf dispense dans les cas et conditions prévus par le présent code. En cas d'urgence constatée dans la lettre de saisine du Conseil d'État, l'avis peut être rendu par la commission permanente.
« Art. L. 123-2. - L'auteur de la proposition de loi peut produire devant le Conseil d'État toutes observations. Il est entendu à sa demande par le rapporteur. Il peut participer avec voix consultative aux séances au cours desquelles l'avis du Conseil d'État est délibéré.
« Art. L. 123-3. - L'avis du Conseil d'État est adressé au président de l'assemblée qui l'a saisi. »
III. - Un décret en Conseil d'État fixe les règles applicables à l'examen par le Conseil d'État des propositions de loi transmises par les présidents des assemblées parlementaires.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 4 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, après le mot :
peut
insérer les mots :
, à son initiative ou sur proposition d'un président de groupe parlementaire,
Mme Éliane Assassi. - Pourquoi le président de l'assemblée concernée décide-t-il seul de la saisine du Conseil d'État ? Les groupes parlementaires doivent pouvoir contrôler les propositions d'origine gouvernementale. C'est un contre-pouvoir nécessaire.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - Une interrogation constitutionnelle s'empare de nous, car le dernier alinéa de l'article 39 mentionne exclusivement l'initiative du président. (M. Michel Charasse renchérit) Un président de groupe peut cependant demander au président de l'assemblée de saisir le Conseil et l'auteur peut toujours s'opposer à la transmission de son texte. Défavorable.
L'amendement n°1, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 4 bis de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 :
« L'avis du Conseil d'Etat est public. »
Mme Éliane Assassi. - Les avis ne sont pas publics mais ils le deviennent sous la forme de fuites dans la presse. Pourtant, l'avis du Conseil d'État est un outil précieux, que les parlementaires devraient bien exploiter. Lorsque des propositions de loi seront d'origine gouvernementale, nous verrons bien si les présidents des deux assemblées demanderont en toute impartialité l'avis du Conseil d'État.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Rédiger comme suit le texte proposé par le 2° du II de cet article pour l'article L. 123-3 du code de justice administrative :
« Art. L. 123-3. - L'avis du Conseil d'État est public. ».
Mme Éliane Assassi. - Coordination.
M. Patrice Gélard, rapporteur. - C'est à l'auteur de la proposition qu'il appartient de choisir de rendre ou non public l'avis obtenu. Retrait ou rejet des amendements nos2 et 3.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est toujours défavorable à une publicité systématique. L'avis du Conseil appartient à l'auteur.
Les amendements nos2 et 3 ne sont pas adoptés.
L'article premier A est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article L. 112-1 du code de justice administrative est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les avis du Conseil d'État sur les projets de loi sont publics. »
Mme Éliane Assassi. - La publicité a pour vertu de faire cesser les rumeurs et les fuites intéressées. La règle du secret des avis ne figure nulle part dans la Constitution !
M. Patrice Gélard, rapporteur. - La publicité de l'avis rendu par le Conseil d'État a été discutée et rejetée lors de la révision constitutionnelle.
M. Michel Charasse. - Exact.
L'amendement n°4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2, 3 et 4.
La proposition de loi est adoptée.
Prochaine séance, mercredi 3 juin 2009 à 14 h 30.
La séance est levée à 1 heure.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du mercredi 3 juin 2009
Séance publique
À 14 HEURES 30 ET LE SOIR
- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n° 290, 2008-2009).
Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 380, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 381, 2008-2009).