Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle la réponse du Gouvernement aux questions d'actualité.
Crise du lait (I)
M. François Fortassin . - (Applaudissements sur les bancs du RDSE et sur quelques bancs à droite et à gauche) Je vous remercie, monsieur le ministre de l'agriculture, pour votre présence devant notre Haute assemblée alors que vous êtes mobilisé sur un autre front. Mais là n'est pas le propos.
M. Jacques Mahéas. - Ça vaut mieux...
M. François Fortassin. - Vous savez la crise formidable que traverse l'industrie laitière, et qui s'est traduite par la grande colère et la très grande détresse manifestées la semaine dernière. La baisse du prix du lait est inacceptable, elle est intolérable, et j'irai jusqu'à dire qu'elle est lamentable, autant que l'est l'absence de solidarité des différents maillons de la filière...
M. Jean-Pierre Sueur. - Tout à fait !
M. François Fortassin. - ...qui a quelque chose d'indécent et de suicidaire. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit) Si on laisse disparaître les éleveurs, on ne reconstituera jamais cette filière d'excellence. Vous savez combien le métier est contraignant -il faut traire deux fois par jour- et combien les investissements sont lourds ; en outre il faut compter une dizaine d'années pour constituer un troupeau de qualité.
Moins 30 % sur le prix du lait, et à peine moins 3 à 4 % sur les produits laitiers ? Cherchez l'erreur ! Nous attendons que le Gouvernement de la France prenne des mesures fortes pour pérenniser la filière.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !
M. François Fortassin. - Nous produisons un des meilleurs laits au monde : ne le laissons pas sacrifier au nom de règles européennes qu'il faut certes respecter, mais qui ne doivent pas nous empêcher d'être nous-mêmes, en Europe, le moteur de notre indépendance. (Applaudissements au centre, sur divers bancs UMP et sur plusieurs bancs à gauche)
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche . - Vous n'avez pas à me remercier parce que je suis, monsieur Fortassin, à la disposition du Parlement. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. David Assouline. - Vous êtes surtout en campagne.
M. Michel Barnier, ministre. - Vous êtes le premier à me questionner sur la crise laitière : j'organiserai mes réponses pour répondre à chacun. (M. le président s'en félicite) Je suis le ministre de l'agriculture et de la pêche, deux grandes politiques communes qui marquent la réussite de l'Europe. La crise actuelle est une crise de blocage. Les prix annoncés en avril ne sont pas supportables. Il n'est pas normal que les producteurs ne connaissent le prix de leur livraison qu'un mois et demi après.
Qu'avons-nous fait face à cela ? Ce n'est pas le Gouvernement qui fixe les prix du lait. Mais nous avons pris nos responsabilités. Avec Luc Chatel, nous avons nommé deux médiateurs pour encourager la reprise. Nous appelons les producteurs, les coopératives, les industriels à reprendre le dialogue. Ce matin, en accord avec le Premier ministre, j'ai rencontré le président de l'interprofession auquel j'ai fait une proposition pour bâtir un nouveau cadre de régulation, dont je tiens le texte à votre disposition. Il faut travailler à un nouvel accord. Depuis la loi de décembre 2008, que vous avez votée, la discussion est bloquée. Il fallait enclencher un état d'esprit nouveau. Je souhaite que le dialogue reprenne et que l'on aboutisse à un accord entre les différentes familles de la filière, et en particulier sur un prix juste. (Applaudissements sur les bancs UMP et sur quelques bancs au centre)
Crise du lait (II)
M. Michel Mercier . - Que la même question revienne à tant de reprises aujourd'hui témoigne de la gravité de la situation. Depuis la dernière « paye » du lait, la colère s'est emparée des producteurs laitiers, tant la baisse est importante. Connaît-on beaucoup de métiers où l'on livre et ne connaît le prix que le 15 du mois suivant ? Telle est pourtant leur situation.
Depuis l'injonction de la DGCCRF, la politique interprofessionnelle a cessé d'être, et l'amendement voté le 8 décembre n'a pas pu la remettre sur pieds.
L'absence de réglementation pourrait être justifiée lorsque la consommation et les prix augmentent, mais avec la crise il faut une nouvelle régulation. Monsieur le ministre, allez plus loin dans vos annonces : on ne peut laisser l'agriculture à elle-même. Jusqu'où le Gouvernement est-il disposé à aller pour rendre confiance aux producteurs laitiers ? (Applaudissements au centre à droite)
M. Alain Vasselle. - Et les céréaliers !
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche . - Vous m'avez souvent entendu proclamer ma conviction que l'alimentation en général et la production laitière en particulier ne pouvaient être abandonnées aux seules lois du marché, qui font prévaloir le moins-disant social et environnemental. Tel est le sens de mon action en faveur d'une régulation européenne. Voilà pourquoi j'ai indiqué ce matin, avec le Premier ministre, un nouveau cadre de régulation nationale.
En raison du risque juridique couru par l'organisation interprofessionnelle au regard des dispositions européennes ou nationales, le Parlement a voté unanimement une loi qui apporte de nouvelles garanties. Nous travaillons dans ce cadre pour aller vers la détermination d'un prix annuel juste, qui sera fixé par le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (Cniel).
Les propositions que j'ai formulées ce matin doivent mettre l'interprofession sur la voie d'une relation durable entre producteurs et industriels, sur la base d'indices de prix. Producteurs et industriels devront déterminer par contrat les modalités de calcul du prix, qui sera naturellement spécifique à chaque entreprise.
Des engagements sur les volumes, sur le calendrier des livraisons, les modalités de règlement et le cadre des renégociations de contrats : voilà ce qu'il faut pour sécuriser les relations entre producteurs et industriels laitiers. Je pense que ma proposition apportera la sécurité à une filière qui en a un grand besoin. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)
Télétravail pendant un congé de maladie ou de maternité
M. Alain Anziani . - Lundi, M. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l'UMP (on s'exclame à droite) vante le télétravail des salariés en congé de maladie ou de maternité. Mardi matin, M. Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP, estime l'idée fameuse. Mardi midi, M. Jean-François Copé, président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, déclare ne pas avoir d'opinion. Mercredi, nous apprenons que le Gouvernement ne soutiendra pas cette disposition, retirée hier par M. Lefebvre. Quelle cacophonie ! (Vives marques d'indignation à droite)
Quelle est la vérité de la majorité gouvernementale ? Faudra-t-il attendre la fin des élections européennes pour la connaître enfin ?
Au fond, que reprochez-vous à votre porte-parole ? Sa position se situe dans le droit fil du fameux « travailler plus pour gagner plus » présidentiel : travailler plus, y compris le dimanche ; travailler plus en repoussant la limite européenne du travail hebdomadaire jusqu'à 60 heures. Le tout sous couvert de volontariat. Mais qu'est-ce que cette liberté de renoncer à se soigner ou à s'occuper de ses enfants ? Comment un salarié pourrait-il refuser le télétravail souhaité par son employeur ?
L'Unedic vient d'annoncer qu'il y aurait 639 000 chômeurs supplémentaires en 2009. Dans ce contexte, comment a-t-on pu songer à faire travailler des malades ?
M. René-Pierre Signé. - C'est affligeant !
M. Alain Anziani. - Le désaccord du Gouvernement porte-t-il sur l'idée ou sur le moment de son expression ? Avez-vous encore tremblé (on s'indigne à droite) comme vous l'aviez fait à propos de la TVA sociale avant les élections législatives ? Vous feriez mieux de changer votre politique ! (Vifs applaudissements à gauche)
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique - Le député Frédéric Lefebvre (on rappelle à gauche qu'il est porte-parole de l'UMP) a déposé un amendement tendant à autoriser un salarié en congé de maladie ou de maternité à garder un lien avec son travail. La commission des affaires sociales l'a repoussé et le Gouvernement a formulé un avis défavorable. Mais les intentions de Frédéric Lefebvre ont été clarifiées : il voulait que les salariés concernés gardent un lien avec leur milieu professionnel et qu'ils soient volontaires.
Toutefois son amendement suscitait trois objections : sur le plan de la méthode, il aurait dû être précédé par une discussion avec les organisations syndicales ; sur le fond, ces congés servent à se rétablir ou à commencer à élever ses enfants, et la faisabilité de la mesure est douteuse car il faudrait vérifier la réalité du volontariat, rien n'étant pire qu'un télétravail subi.
Dans ces conditions, l'avis du Gouvernement a été, est et sera défavorable.
Au plan européen, j'ai demandé une étude comparative sur la protection dont bénéficient les salariés contre le télétravail abusif pendant leurs congés de maladie ou de maternité. (Applaudissements à droite)
Crise du lait (III)
M. Gérard Le Cam . - La crise laitière met en péril des milliers d'exploitations agricoles, à un moment où tout encourage les transformateurs et la grande distribution à pressurer encore plus les producteurs, tout en abusant les consommateurs.
La France et l'Europe libérales ont soigneusement préparé cette crise en légalisant des comportements inqualifiables et en interdisant la régulation des prix par accord interprofessionnel. Ainsi, la loi de modernisation de l'économie a livré les producteurs poings et pieds liés aux appétits des transformateurs et de la distribution. La réforme de la PAC a entraîné la dérégulation tandis que l'OMC vise à instaurer la loi de la jungle.
La suppression programmée des quotas laitiers satisfait les pays européens les plus libéraux et réjouit Mme Fisher Boel, commissaire européen à l'agriculture, qui incrimine exclusivement la baisse de la consommation.
Ouest-France écrivait mardi dernier à votre sujet, monsieur le ministre : « Il tonne aujourd'hui contre le prix insupportable du lait, mais il avalisait il y a un an la fin du système de régulation minimale des prix ». Après avoir façonné et cautionné les orientations du traité de Lisbonne en faveur d'une concurrence libre, vous êtes en quelque sorte pris la main dans le sac, à quelques jours du scrutin européen. Quelle que soit l'issue des négociations rien ne sera réglé durablement.
Mes questions sont précises : est-il possible de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs laitiers ? Envisagez-vous de prendre des mesures fiscales et commerciales coercitives pour réduire les marges des intermédiaires et de la grande distribution ? Le gagnant-gagnant producteurs-consommateurs est-il pour demain ou pour jamais ?
Il est temps de parler vrai et d'agir juste. Monsieur le ministre, vous êtes attendu ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche . - J'espère être attendu de manière sincère, sans procès d'intention ! (Applaudissements sur les bancs UMP)
Je ne peux vous laisser dire que la révision de la PAC a entraîné une baisse des aides ou une dérégulation. Les outils de régulation -restitutions, stockages, interventions- ont été maintenus, et sont tous utilisés en ce moment. J'ai bien entendu, durant cette campagne européenne, des socialistes prôner la suppression des restitutions, alors qu'elles soutiennent les exportations...
Suite au bilan de santé de la PAC, j'ai annoncé des décisions au sujet desquelles, sur tous les bancs, on m'a donné acte d'une plus grande justice dans la répartition des aides. Celles concernant la production animale à l'herbe -qui concernent donc, en partie, l'élevage laitier- ont été multipliées par quatre. Les zones de piémont et de montagne vont bénéficier de 45 millions d'euros supplémentaires.
M. René-Pierre Signé. - Ca, c'est bien !
M. Michel Barnier, ministre. - La garantie des prix ne peut se faire par une fixation gouvernementale -ne soyez pas nostalgique, nous ne sommes plus dans une économie administrée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)
Luc Chatel et moi avons nommé des médiateurs et j'ai proposé un nouveau cadre de régulation. Les agriculteurs qui livrent aujourd'hui leur lait ont besoin de plus de visibilité, de dignité.
Pour ce qui est de la transparence, les services de Luc Chatel recueillent les données. Ni son ministère, ni le mien, ni les paysans ne craignent la transparence sur les marges et les prix. Nous allons accélérer les travaux de l'observatoire : après le porc, il étudie aujourd'hui les produits laitiers, et passera demain aux fruits et légumes. Nous pourrons ensuite évaluer les conséquences de la loi de modernisation de l'économie.
Le projet de loi de modernisation de l'agriculture devrait être examiné d'ici la fin de l'année : il nous permettra de disposer de nouveaux outils pour améliorer la transparence. (Applaudissements à droite et au centre)
Situation en Corée
M. Christian Cambon . - Dans la nuit de dimanche à lundi, la Corée du Nord a procédé à un nouvel essai nucléaire, d'une puissance comparable à la bombe de Nagasaki. Depuis, six missiles balistiques ont été tirés. Le régime de Pyongyang signifie ainsi qu'il est en passe de forcer la porte du club des puissances nucléaires.
Depuis plus de dix ans, la Corée du Nord exerce un chantage sur la scène internationale et viole la résolution 1718 du Conseil de sécurité. Une nouvelle étape dans les tensions régionales vient d'être franchie avec l'adhésion de la Corée du Sud au programme d'anti-prolifération PSI, qui permet d'arraisonner des navires susceptibles de transporter des composants nécessaires à la fabrication d'armes de destruction massive. La Corée du Nord considère cette adhésion comme un acte de guerre et menace son voisin d'une riposte militaire. Pour la première fois, la surenchère nord-coréenne a été condamnée par toute la communauté internationale, Chine comprise. Néanmoins, le risque d'incident naval ou aux frontières des deux États est réel.
Quel type de sanctions le Conseil de sécurité peut-il adopter pour arrêter cette escalade, compte tenu de l'efficacité relative des sanctions précédentes ? Le risque d'une prolifération des armes de destruction massive est inquiétant car les Nord-Coréens pourraient en exporter dans la région. Quelle stratégie la France et ses alliés peuvent-ils adopter pour empêcher cette dérive ? L'Europe peut-elle jouer un rôle dans la résolution d'une crise qui, quoique lointaine, menace la paix du monde ? (Applaudissements à droite et au centre)
M. Alain Vasselle. - Excellente question !
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes . - Il n'y a rien à retirer et pas grand-chose à ajouter au bilan que vous venez de dresser ! (Marques d'ironie sur les bancs socialistes) Pour ce qui est de l'explosion nucléaire, je ne suis pas sûr qu'elle soit comparable à celle de Nagasaki car il semble qu'il ne s'agit pas d'un grand succès militaire.
Pour la première fois s'agissant de la Corée du Nord, la Chine n'a pas refusé de s'associer à une déclaration du Conseil de sécurité. D'ici peu, une résolution devrait être proposée. Si la Chine confirme sa position de sagesse, un pas important sera franchi. La diplomatie et l'attitude de fermeté de la communauté internationale sont indispensables. Nous avons protesté et joint les pays environnants, mais c'est insuffisant. La Corée du Sud a adhéré au réseau de protection car son voisin du nord se fait effectivement livrer du matériel. La résolution du Conseil de sécurité sera accompagnée de sanctions, qui s'appliqueraient aux voyages individuels et aux circuits bancaires et financiers. S'y ajoute la protection maritime déjà en place.
Il faut que l'Europe participe à cette mobilisation, même si elle est très éloignée géographiquement de cet inquiétant théâtre car il existe un risque que se produisent des incidents de frontière entre les deux Corées, débouchant sur un affrontement dangereux.
L'Europe doit décider de sanctions qui renforceraient celles du Conseil de sécurité. (Applaudissements à droite)
Crise du lait (IV)
M. Yannick Botrel . - Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. L'ampleur de la mobilisation des producteurs de lait témoigne de l'inquiétude, pour ne pas dire de l'angoisse qui s'est emparée de la profession depuis l'annonce de la baisse de 30 % de leurs revenus. Le Gouvernement porte une lourde responsabilité dans cette crise et ne peut se contenter de manoeuvres dilatoires.
Le maître mot de votre politique depuis 2003, c'est la libéralisation. Comme dans le domaine financier, le démantèlement des mécanismes de régulation a produit des effets dévastateurs dans le secteur laitier. Les outils de gestion des marchés -prix d'intervention, aides au marché intérieur, restitutions à l'exportation- ont été abandonnés. La loi de modernisation de l'économie, qui se proposait de « mobiliser la concurrence comme nouveau levier de croissance », a déséquilibré les rapports de force entre producteurs, transformateurs et distributeurs, au profit exclusif de ces derniers. (M. Claude Domeizel le confirme)
Dans ce contexte la suppression des quotas laitiers, à laquelle la France a implicitement souscrit, apparaît comme une provocation. L'interprofession laitière, victime l'année dernière des injonctions de la DGCCRF, a été laissée à elle-même et les partenaires ont déserté la table des négociations.
Il y a une huitaine de jours, vous avez enfin nommé des médiateurs ; mais vous auriez dû vous impliquer dans ce dossier depuis deux mois au moins, car la crise était dès lors inévitable. Ce retard est coupable. (M. Roland Courteau approuve) Aujourd'hui vos réponses sont attendues par tous les producteurs : comment comptez-vous soutenir les nombreuses exploitations dont la trésorerie est exsangue ? Quelles mesures de court terme envisagez-vous pour rétablir un prix du lait rémunérateur, et quelles mesures structurelles pour améliorer les perspectives à long terme des producteurs ? (Applaudissements à gauche)
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche . - Je comprends que le parti socialiste s'oppose au Gouvernement, mais il devrait prendre garde à ne pas se contredire (protestations sur les bancs socialistes ; applaudissements à droite) : il y a quinze jours, lors d'un débat retransmis par Public Sénat, M. Harlem Désir, candidat aux élections européennes, se déclarait hostile aux restitutions à l'exportation, pour lesquelles vous venez justement de plaider. (Rires ironiques à droite)
M. Alain Gournac. - Cacophonie !
M. Michel Barnier, ministre. - C'est au temps où M. Glavany était ministre que l'on prit pour la première fois la décision de supprimer les quotas laitiers. Il s'y était opposé, je vous l'accorde, mais il n'avait pas su convaincre nos partenaires européens. Sous le gouvernement de M. Raffarin, M. Gaymard a obtenu le report de cette mesure jusqu'en 2014. Aujourd'hui, une majorité qualifiée d'États souhaite que les quotas soient supprimés comme prévu. Nous ne sommes pas seuls en Europe, je vous le rappelle !
Cependant le Gouvernement n'abandonne pas l'idée de remplacer ce système par un autre afin de garantir la maîtrise de la production laitière. L'économie alimentaire et la production laitière en particulier ne peuvent être laissées à la seule loi du marché. C'est le sens de la lettre que j'ai envoyée ce matin à l'interprofession pour lui soumettre un nouveau dispositif de régulation. Le rôle de l'interprofession doit être renforcé, au-delà même de ce qui est prévu dans l'amendement gouvernemental voté à l'unanimité par le Sénat au mois de décembre. (Applaudissements à droite)
Crise du lait (V)
M. Gérard Bailly . - (Applaudissements à droite) Je suis le cinquième à intervenir sur la crise du lait : c'est bien que le sujet est grave. Les producteurs traversent une crise sans précédent et ont exprimé leur désespérance ces derniers jours; ils refusent la décision unilatérale du secteur industriel laitier qui réduit leur rémunération de 30 % sans que les consommateurs en bénéficient.
Je viens de prendre connaissance de la lettre que vous avez adressée aujourd'hui au Cniel, en lui demandant d'élaborer des normes contractuelles sur la fixation du prix du lait, avec, éventuellement, une clause de sauvegarde ; la rémunération des producteurs devrait tenir compte de la qualité comme de la quantité du lait vendu. Mais des mesures semblables n'ont-elles pas exposé l'année dernière l'interprofession aux remontrances de la DGCCRF ? Jusqu'où peut aller la contractualisation ?
Lors de la réunion du conseil des ministres de l'agriculture lundi à Bruxelles, avez-vous obtenu, monsieur le ministre, l'accord de nos partenaires sur ce principe ? Quelles mesures peut-on attendre de l'Union ?
Enfin, j'aimerais vous interroger sur la création de l'Observatoire des prix et des marges prévue par la loi de modernisation de l'économie et qui, hélas, se fait attendre.
Je vous remercie d'avance de vos réponses qui, je l'espère, rassureront les producteurs de lait. Ceux-ci, rappelons-le, travaillent 365 jours par an pour un revenu que nul n'envie. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche . - Je remercie le Sénat de se montrer si attentif à la crise agricole, tout en faisant entendre des voix différentes. J'aurais pu mentionner tout à l'heure les chiffres suivants à l'intention de M. Le Cam, qui parlait d'accord gagnant-gagnant entre les consommateurs et les producteurs : les prix agricoles ont diminué de moitié depuis quarante ans, sous des gouvernements de droite comme de gauche, tandis que les prix alimentaires n'ont cessé d'augmenter. C'est pourquoi vous avez raison d'exiger plus de transparence, monsieur Bailly. Aussi avons-nous décidé d'accélérer la mise en place de l'Observatoire des prix et des marges ; les services de M. Chatel exigeront des entreprises récalcitrantes de la grande distribution les données nécessaires pour connaître la vérité.
M. Jean Bizet. - Très bien !
M. Michel Barnier, ministre. - Lundi, le conseil des ministres de l'Union européenne s'est accordé pour prolonger les mesures d'intervention au-delà du mois d'août, et pour permettre le versement anticipé, dès le 16 octobre, de 70 % des aides agricoles, ce qui permettra de résoudre les problèmes de trésorerie des éleveurs.
Enfin -et j'aimerais que l'on m'en donne également acte-, nous avons obtenu grâce au dialogue franco-allemand, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, deux rendez-vous qui n'étaient pas prévus au calendrier européen, en 2010 et 2012, afin de faire le point sur le marché laitier, dont nous savons la volatilité et la fragilité. Avec mes collègues allemand et autrichien, nous avons demandé à la Commission d'anticiper la préparation de ces deux rendez-vous qu'il faudra mettre à profit de manière très ouverte afin de dresser un bilan exact de l'économie laitière en Europe. Pour moi, aucune question n'est taboue, y compris celle du maintien de la production maîtrisée, autrement dit des quotas, après 2014 ! (Applaudissements à droite et au centre ; M. Jean-Pierre Michel applaudit également)
Indemnisation des victimes d'essais nucléaires
M. Richard Tuheiava . - Monsieur le secrétaire d'État à la défense, je dois vous dire la consternation de la plupart des élus et membres du Gouvernement polynésiens devant le projet de loi d'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Après plus de 30 ans de mensonge politique et d'ignorance organisée, le temps est venu de dire la vérité. (M. Roland Courteau approuve) Pour la première fois depuis le 6 février 1964, soit 45 ans après, l'État français demande enfin un avis aux élus polynésiens sur les conséquences des essais nucléaires... Vous comprendrez donc le bien-fondé de leurs exigences lorsqu'on leur demande de signer un véritable chèque en blanc qui renvoie à la discrétion d'un décret des points aussi essentiels que la liste des maladies radio-induites indemnisables et la délimitation des zones géographiques concernées. Comment imaginer que les irradiés s'en satisfassent ? En outre, ce texte laisse au ministère de la défense l'entière maîtrise du processus d'indemnisation en ne prévoyant aucun recours juridictionnel.
M. Bernard Frimat. - Scandaleux !
M. Richard Tuheiava. - Qui plus est, l'accès aux archives nucléaires est définitivement fermé depuis une loi de juin 2008.
M. Jean-Pierre Sueur. - Éternellement fermé !
M. Richard Tuheiava. - Bref, vous êtes juge et partie de votre projet de loi. Vous faites l'impasse sur les risques environnementaux des atolls contaminés de Mururoa et Fangataufa, vous passez sous silence la question de la prise en charge par les systèmes de prévoyance des dépenses de santé des irradiés ou de leurs ayants droit si bien que les cotisants polynésiens en assumeront seuls la charge. Quelles garanties concrètes envisagez-vous de prendre en la matière ?
Les Polynésiens ont subi uniquement les conséquences malheureuses des essais nucléaires, sur leur santé, sur leur mode de vie traditionnel, sur leur environnement et sur leur gouvernance. Le ministre de la défense n'a pas daigné répondre aux trois lettres successives que je lui ai adressées.
Mme Catherine Procaccia. - La question !
M. Richard Tuheiava. - S'il entend, comme il l'a déclaré, traiter avec rigueur et équité ce sujet sensible (marques d'impatience à droite), ne doit-il pas commencer par écouter les élus polynésiens ? Ma question est la suivante (« Ah ! » à droite)...
M. Guy Fischer. - Le sujet est sérieux !
M. Richard Tuheiava. - Comment allez-vous garantir que les avis de l'Assemblée et du Gouvernement de la Polynésie française seront effectivement pris en compte ? (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants . - Monsieur Tuheiava, je vous ai écouté attentivement. Convenez que le texte présenté hier en conseil des ministres par M. Morin représente une avancée extrêmement importante. Certains points restent à préciser, nous y reviendrons, mais d'importantes garanties ont été prises à commencer par l'inversion de la charge de la preuve. De fait, celle-ci reviendra à l'État s'il conteste la demande d'indemnisation déposée par une personne ou, hélas !, ses ayants droit, si celle-ci a été présente dans la zone et déclare avoir été irradiée.
Ensuite, l'expression de « chèque en blanc » que vous avez utilisée doit être nuancée : la commission d'indemnisation, présidée par un magistrat, sera composée de médecins et de spécialistes et le fonds d'indemnisation abondé de 10 millions, montant qui sera complété à mesure du dépôt des dossiers. Bref, il ne s'agit en rien d'un chèque en blanc, mais d'une démarche volontariste et concrète.
Certes, il faudra veiller à inclure tous les territoires concernés lorsque les zones géographiques seront délimitées dans le décret. Mais le projet de loi est le fruit d'un travail approfondi mené avec les parlementaires depuis six mois, il ne sort pas des cartons de technocrates ! Les élus et les membres du Gouvernement polynésiens sont écoutés. A preuve, le ministre de la défense a assuré au Président de l'Assemblée de la Polynésie, qu'il recevait hier, le remboursement des sommes versées par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.
M. Bernard Frimat. - C'est bien le moins !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - Enfin, le projet de loi n'a pas vocation à tout prévoir...
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. - ...à moins d'aller à l'encontre de l'objectif poursuivi. Le ministre de la défense mène également un important travail sur la réhabilitation des sites et atolls contaminés, ce qui est bien normal, et les travaux menés l'ont été à la satisfaction de tous. A n'en pas douter, ce texte constitue une novation et le dialogue se poursuivra sur les points que vous avez évoqués ! (Applaudissements à droite et au centre)
Violences à l'école
M. Alain Dufaut . - Ma question s'adressait initialement à M. Darcos, ministre de l'éducation nationale.
Différentes affaires de violence en milieu scolaire ont fait la une de l'actualité ces derniers jours. Concours de circonstances ou évolution dommageable d'une société où la violence tient lieu de viatique à des enfants en mal de valeurs ? Toujours est-il que l'école n'est plus ce sanctuaire où les élèves respectaient l'autorité du maître, dont ils savaient qu'il était là pour transmettre un savoir.
Que chercher, si ce n'est d'abord la sécurité des élèves, des professeurs, des directeurs d'établissement dans le respect de règles simples et de bon sens ?
Pour moi, l'école de la République ne doit pas devenir un lieu où l'on pratique la fouille et où l'on installe des portiques de sécurité -certes, seuls les 200 établissements les plus sensibles sur les 11 000 que compte notre pays seraient concernés. Mais je reconnais qu'il faut impérativement réagir. Cette réaction passe d'abord par une formation adaptée des enseignants et l'indispensable prise en compte de leur protection juridique, puis par des mesures de prévention et des sanctions, y compris contre les parents d'élèves concernés. (M. René-Pierre Signé marque son désaccord)
La gravité de la situation l'impose. Vous avez annoncé des mesures qui pourraient être envisagées, vous avez tenu une réunion au ministère et le Président de la République s'est exprimé.
M. René-Pierre Signé. - Comme sur tout !
M. Alain Dufaut. - Par quelles mesures l'école restera-t-elle le lieu privilégié où l'on apprend à se construire à l'abri des violences primaires ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille . - Je vous prie d'excuser M. Darcos, en déplacement à Moscou. (« C'est le moment » sur les bancs socialistes) L'école est un lieu de vie, de savoir et de liberté ; la peur, la menace, l'insécurité n'y ont pas droit de cité, pas plus à l'égard des enfants qu'envers les enseignants. La violence scolaire est particulièrement insupportable pour nos concitoyens. Une vingtaine d'armes sont introduites dans les établissements scolaires chaque mois ; toutes ne sont pas utilisées, heureusement, mais chacune participe au climat d'insécurité.
M. Jacques Mahéas. - Le mot est lâché, les élections approchent, « l'insécurité » revient !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Vous avez eu la satisfaction ce matin d'entendre le Président de la République. (Exclamations amusées sur les bancs socialistes) Il souhaite sanctuariser les établissements scolaires, protéger les enfants et les enseignants. Les chefs d'établissement et les conseillers d'éducation pourront être bientôt dotés d'une habilitation spéciale les autorisant à faire ouvrir les sacs et cartables, à contrôler les affaires des élèves et à prendre toutes mesures adéquates s'ils trouvent des armes ; 184 établissements particulièrement sensibles feront l'objet d'un diagnostic de sécurité...
M. Guy Fischer. - Stigmatisation !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Des équipes mobiles et formées d'agents du rectorat seront mises à la disposition des chefs d'établissement.
M. Simon Sutour. - C'est dans les établissements qu'il faut du personnel !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - La qualité d'enseignant sera une circonstance aggravante en cas de violence à personne, y compris en dehors des établissements. Nous avons déjà augmenté le nombre des personnels de surveillance et, parce que la sécurité est fondamentale, le Gouvernement est déterminé à ne pas laisser la violence et la loi du plus fort s'installer à l'école. (Applaudissements à droite et au centre)
Grenelle des ondes
M. Gérard Dériot . - (Applaudissements sur les bancs UMP) Les nouvelles technologies suscitent des aspirations contradictoires chez nos concitoyens : ils veulent y avoir accès mais s'inquiètent vivement pour leur santé. Il y a quelques années, je m'étais fait le fidèle interprète des habitants de l'Allier, oubliés par le déploiement de la téléphonie mobile ; aujourd'hui, je me fais tout aussi fidèlement écho de leurs craintes et de celles de nombre de Français quant à l'utilisation des téléphones portables, aux bornes wi-fi et autres antennes-relais. Les études épidémiologiques et les déclarations des scientifiques apportent plus d'interrogations que de certitudes. Quels sont donc les premiers résultats du Grenelle des ondes et quelles mesures envisagez-vous, dans l'intérêt des plus sensibles, les enfants ? (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. David Assouline. - Il suffit de lire mon rapport !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports . - Vous vous faites, monsieur Dériot, très légitimement le porte-parole de certaines inquiétudes. A l'initiative du Premier ministre, nous avons, avec Mmes Kosciusko-Morizet et Jouanno, réuni cette première table ronde qu'on appelle parfois le Grenelle des ondes et qui a donné pour la première fois aux acteurs la possibilité de dialoguer. Des propositions très concrètes ont été émises, dont certaines pourront figurer dans la loi de transition environnementale. Il s'agit d'abord d'assurer l'information grâce à un portail internet, par une plaquette d'information ainsi que par une action auprès des jeunes. L'Institut de prévention et d'éducation pour la santé y contribuera. Une notice explicative sera fournie au moment de l'achat, qui précisera le degré d'absorption spécifique, le DAS. Enfin, l'usage du téléphone mobile sera interdit dans les écoles primaires.
Les scientifiques de l'Organisation mondiale de la santé nous ont confirmé que les antennes-relais ne présentaient pas de risques pour la santé. Nous mènerons néanmoins une expérimentation pour essayer de baisser le seuil d'exposition et de mieux informer le public. Nous voulons en outre prendre en charge les personnes qui se disent électro-sensibles. Un protocole sera élaboré à l'hôpital Cochin en liaison avec le directeur général de la santé. Enfin, la recherche sera financée par une redevance sur les opérateurs de téléphonie mobile.
Ce n'est là que le début du dialogue. L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) fera le point et les discussions reprendront en septembre, de façon à répondre aux inquiétudes de nos concitoyens. (Applaudissements à droite et au centre)
La séance, suspendue à 16 heures, reprend à 16 heures 15.
présidence de M. Bernard Frimat,vice-président