SÉANCE
du mercredi 27 mai 2009
107e séance de la session ordinaire 2008-2009
présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente
Secrétaires : M. François Fortassin, M. Jean-Noël Guérini.
La séance est ouverte à 14 h 35.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Politique en faveur des jeunes (Mission commune d'information)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle un débat sur les travaux de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes.
Point de vue de la mission
Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission. - « Les jeunes », ce n'est pas un concept théorique ou une catégorie statistique, ce sont les huit millions de Français qui vont prendre notre relève. Or, la situation des 16-25 ans en France, loin d'être brillante, s'aggrave : un taux de chômage supérieur à 20 % -plus du double de celui de l'ensemble de la population et parmi les plus élevés d'Europe- et des perspectives d'embauche catastrophiques. Plus d'un jeune sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté. A l'échelle des pays riches, seule la jeunesse japonaise est plus déprimée ! Loin de rêver à des lendemains qui chantent, la jeune génération pense que son avenir sera plus difficile que celui de ses parents.
Il n'est plus temps de s'inquiéter, il faut agir, d'autant que la situation va empirer dans le contexte actuel -tous les analystes s'accordent sur ce point. La dimension conjoncturelle n'est cependant pas seule en cause. Depuis trente ans, le taux de chômage des jeunes en France est supérieur à 18 %. Depuis trente ans, nous avons cherché des remèdes, mais nous avons aussi laissé se développer des problèmes structurels. Il nous faut admettre aujourd'hui, alors qu'une frange non négligeable de notre jeunesse doit choisir entre se loger et se nourrir, que nous sommes tous coupables d'une certaine incompétence en la matière.
Pour faire des propositions et comprendre comment nous en sommes arrivés là, vous conviendrez, monsieur le Haut-commissaire, qu'une commission et une mission ne sont pas de trop. En à peine deux mois, la mission a mené un peu plus de 80 auditions et tables rondes et a rencontré des sociologues, des employeurs, des salariés, des étudiants, des militants, des éducateurs... et même des ministres et un Haut-commissaire ! Les membres de la mission ont fait preuve d'esprit d'ouverture et dépassé les a priori afin de comprendre les défaillances de notre système. La mission s'est également déplacée en milieu rural, à Bayeux, et en milieu urbain, à Lyon et à Saint-Fons, car les difficultés ne sont pas les mêmes quand on vit dans une tour ou dans un territoire peu peuplé.
Nous avons choisi de traiter les thèmes qui nous semblaient centraux -formation, orientation, emploi, ressources et autonomie financière, logement, santé- et avons tenté de nous y tenir... sans tout à fait y parvenir. Les questions relatives à l'accès à la culture, au sport, à la santé et à l'autonomie financière auraient mérité que nous disposions de davantage de temps. Nous sommes donc convenus de nous réunir à nouveau pour délivrer fin juin le second tome de notre rapport, comprenant les auditions, les débats de ce jour et une étude des propositions du Livre vert de la commission Hirsch.
Parmi les constats auxquels nous sommes parvenus, l'amélioration de l'orientation est une priorité. Nous sommes unanimes sur ce point, qui constitue l'une des premières préoccupations des jeunes. Les structures d'orientation sont illisibles ; en vertu d'un paradoxe français, coexistent 8 500 points d'information et un sentiment de déficit de signalisation des parcours de formation et d'insertion professionnelle.
Pourquoi l'orientation est-elle trop souvent vécue comme un traumatisme ? Contrairement à celui des pays scandinaves, notre système exerce une très forte pression sur les jeunes. L'orientation y apparaît comme une cascade d'exclusions fondées sur les seuls résultats scolaires dans les savoirs abstraits. Cela mine l'estime de soi de nombreux jeunes et les décourage. Les déterminismes sociaux persistent, ainsi que de fortes disparités territoriales. En outre, une offre de formation professionnelle rigide et une orientation irréversible dans les filières professionnelles minent notre système. L'orientation ne laisse pas de seconde chance. 20 % des jeunes, soit environ 150 000 personnes, sortent du système scolaire sans diplôme : notre modèle méritocratique républicain marque le pas. Nous souhaitons que soit créé un service public de l'orientation, avec des personnels dédiés.
Ensuite, l'une de nos convictions les plus consensuelles est le nécessaire rapprochement entre l'école et le monde du travail. Les possibilités de stages sont actuellement limitées. A défaut de bourses aux stages organisées par les établissements, les inégalités sociales se perpétuent puisque les possibilités dépendent avant tout du réseau familial. Plus profondément, il faut insuffler dans le système éducatif et dans le monde professionnel une véritable culture du stage et combattre les cloisonnements.
Les filières en alternance doivent être valorisées et il faut réfléchir à la mutualisation des moyens de formation, notamment en zone rurale. Certes, le taux d'accession à l'emploi des jeunes issus de l'alternance sous contrat est plus élevé que la moyenne, mais avant de miser sur le tout apprentissage, comme le souhaite le Président de la République, interrogeons-nous. Quelle sera la capacité d'accueil des entreprises françaises ? Comment renforcer l'attractivité des lycées professionnels ? Comment décloisonner les filières ?
Sur l'emploi, le constat est alarmant. Le taux de chômage des jeunes, qui a augmenté de 34 % en un an, est supérieur de sept points à la moyenne de l'OCDE. Dans les banlieues, il s'élève à 40 %. Les jeunes sont souvent contraints d'accepter des emplois précaires : la proportion de contrats d'intérim ou de contrats de durée déterminée (CDD) chez les 16-25 ans est le double de la moyenne nationale.
Beaucoup alternent contrats courts, stages, périodes de chômage et de formation avant d'obtenir un emploi stable. Il s'écoule en moyenne entre six et sept ans entre la fin des études et la première embauche en CDI : ce parcours du combattant est inacceptable.
Les causes de cette situation sont multiples ; la mission en a identifié quelques-unes, parmi lesquelles le manque de culture d'entreprise chez le personnel d'éducation, de formation et d'orientation. Le monde de l'éducation et celui de l'entreprise doivent apprendre à mieux se connaître. Quant aux entreprises, atteintes de « diplômite aiguë », elles ne valorisent que les diplômes et les formations, sans tenir compte du savoir-faire, du savoir-être et du parcours personnel des candidats, contrairement à ce que l'on observe dans les pays du nord de l'Europe. Il n'est pas normal que les entreprises préfèrent offrir un stage plutôt qu'un contrat de travail aux jeunes diplômés. Nous appelons les entreprises à changer de paradigme et à se sentir enfin concernées par l'insertion des jeunes dans la vie professionnelle.
Nous nous sommes aussi préoccupés des ressources financières des jeunes et de leur autonomie. Plusieurs sociologues nous ont avertis du décalage croissant entre une aspiration à l'indépendance personnelle plus précoce et une autonomie financière rendue plus tardive par l'allongement de la durée des études et la précarisation des emplois. Il est difficile de parvenir à un consensus, tant sur la notion même d'autonomie que sur les moyens d'y parvenir. Mais les aides publiques, fruits de la solidarité intergénérationnelle, sont plus que jamais nécessaires pour remédier à l'inégalité des chances et aux défauts d'une société où les nouveaux entrants sont structurellement désavantagés, notamment en raison des caractéristiques des marchés du travail et du logement.
Les dispositifs existants sont insuffisants. Les bourses versées à près de 525 000 étudiants sont d'un montant limité. Pour les jeunes inactifs non étudiants, il n'existe que des aides ponctuelles et peu diffusées, comme le Contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis) de 366 euros par an en moyenne et le contrat d'autonomie de 300 euros pendant six mois. La France est l'un des trois seuls pays de l'OCDE où les moins de 25 ans sont exclus des minima sociaux. Rappelons que le préambule de la Constitution dispose que chacun a droit à des moyens convenables d'existence. Il faut aborder le problème de front. La mission poursuivra ses travaux sur ce sujet au cours du mois de juin.
L'accès au logement est également essentiel. Pas moins de 57 % des 16-25 ans vivent encore chez leurs parents. L'offre de logements adaptée aux jeunes -comme l'offre de logement en général- est très insuffisante : le parc du Crous ne comprend que 157 000 logements pour 2,3 millions d'étudiants ; les foyers de jeunes travailleurs ne disposent que de 40 000 places pour loger les 600 000 jeunes qui suivent une formation en alternance et les 800 000 jeunes travailleurs en situation précaire ; le parc social n'offre qu'environ 5 % de logements de petite taille, et les délais d'attente sont compris entre six et vingt-quatre mois, ce qui est peu compatible avec la mobilité des jeunes. Près de 58 % des jeunes sont locataires dans le parc privé mais, sans l'aide des parents, l'obtention d'un logement s'apparente là encore à un véritable parcours du combattant.
Je terminerai sur une note plus personnelle, en évoquant quelques-unes des expériences qui m'ont marquée au cours de nos travaux. Lors de nos auditions ou de nos déplacements en province, à Bayeux et à Saint-Fons, j'ai été impressionnée par l'engagement de nos interlocuteurs. Les professionnels que nous avons rencontrés sont motivés, innovants et conscients de l'importance de leur mission. Quant aux jeunes, avides d'être entendus, leurs analyses furent éclairantes et étonnantes de maturité, bien qu'empreintes d'une certaine désillusion. A Bayeux, nous avons rencontré au Pôle emploi une douzaine d'entre eux, venus faire le bilan d'une recherche d'emploi entamée de longue date. La plupart étaient sans qualification ; ils avaient eu une vie difficile et subi une suite d'accidents scolaires. Mais ces victimes d'un système d'exclusion par l'échec persévéraient et s'acharnaient même à vouloir s'en sortir. Nous avons tous été ébranlés par cet entretien, qui nous avait confrontés à une France qui se lève tôt pour tenter de trouver sa place dans la société.
Au sujet des 150 000 jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans qualification, de nombreux professionnels nous ont expliqué qu'il fallait avant tout les persuader qu'ils sont capables de réussir quelque chose. Lorsque de tels propos sont tenus par les membres d'associations d'éducation populaire ou de missions locales, cela ne surprend pas. Mais lorsqu'on entend dire à un militaire de carrière, représentant de l'Établissement public d'insertion de la défense (Epide), que lorsqu'un jeune vient le rencontrer, ses premiers mots sont : « Je suis une merde », et que son premier travail est de lui permettre de réussir enfin quelque chose, on se fait la réflexion qu'il est grand temps d'agir !
Le rapport de la mission n'a pas été adopté par l'ensemble de ses membres, mais nous sommes unanimes à refuser que des jeunes sortent du système scolaire sans aucune reconnaissance de leur savoir-faire ou de leur savoir-être, que des diplômés mettent près de dix ans avant de connaître une vie professionnelle et personnelle stable, que certains doivent choisir entre se loger et manger. Ce furent deux mois passionnants, et je ne doute pas que notre débat d'aujourd'hui n'enrichisse nos réflexions. (Applaudissements à gauche, au centre et sur quelques bancs à droite)
M. Christian Demuynck, rapporteur de la mission - Je me réjouis que la nouvelle organisation du travail parlementaire nous permettre de débattre dès aujourd'hui de ce sujet, avant même que le rapport de la mission soit, demain, rendu public.
De nombreuses raisons justifiaient que le Sénat se penche sur la situation des jeunes. Nous avons voulu contribuer aux discussions que vous avez entamées, monsieur le Haut-commissaire. Le regard de la société sur la jeunesse doit changer ; aujourd'hui, les médias en donnent une image trop négative, en focalisant l'attention sur des violences qui ne concernent qu'une infime minorité. Aux questions : « Quels sont les attentes et les besoins des jeunes d'après vous et comment les pouvoirs publics pourraient-ils s'adresser plus efficacement à eux ? », les animateurs de radio répondent qu'ils ont besoin de sincérité, de proximité, de respect, mais aussi de repères et d'autorité. Ils ont envie qu'on leur explique le monde dans lequel ils évoluent. Mais il faut éviter l'écueil du jeunisme !
Notre mission a été animée par le désir de retisser les liens intergénérationnels, de dialoguer avec les jeunes et de faire en sorte que la société soit plus accueillante à leur égard.
Nous avons formulé diverses propositions. Pour rendre l'orientation plus efficace, il faut d'abord revoir les structures : une délégation interministérielle à l'orientation a d'ores et déjà été mise en place ; nous suggérons de créer un véritable service public de l'orientation et de généraliser les plateformes multiservices d'information régionales. Au plan de la méthode, il faut développer un soutien à l'orientation et un accompagnement plus volontaristes, en contactant par exemple les jeunes à domicile, comme le font les Danois. La formation et le recrutement des conseillers d'orientation doivent être fondés sur la connaissance concrète du monde du travail ; il serait souhaitable de recruter au tour extérieur, en tant que conseillers d'orientation, d'anciens professeurs ou des personnes issues du monde de l'entreprise. Il faut aussi mieux informer les jeunes sur les métiers qui connaissent des difficultés de recrutement.
En matière d'orientation, tout se joue dès le primaire. Il est essentiel de combattre l'échec scolaire dès le plus jeune âge, notamment en dédoublant les cours d'apprentissage de la lecture en cours préparatoire. Il faut s'attaquer aux principaux défauts d'un modèle méritocratique trop rigide. Les jeunes doivent se voir reconnaître le droit à la différenciation des parcours et offrir des passerelles entre les différentes voies de formation qui faciliteront réorientations et reprises d'études. Nous recommandons aussi de semestrialiser ou trimestrialiser les formations dispensées par les lycées professionnels et de garantir à tout jeune, particulièrement à ceux qui s'engagent dans des formations professionnelles courtes, la possibilité de reprendre leurs études ultérieurement.
Pour qu'aucun jeune ne sorte plus du système éducatif sans aucun diplôme, il convient d'évaluer et d'identifier les compétences et les acquis scolaires de tous les élèves afin de leur délivrer une certification ou une attestation. Il faut valoriser non seulement les savoirs mais aussi les savoir-faire et le savoir-être.
Le rapprochement du monde éducatif et du monde professionnel est une sorte de serpent de mer. Pour qu'il devienne enfin réalité, nous proposons plusieurs mesures concrètes : afin de rendre les stages plus accessibles et plus formateurs, nous souhaitons que les établissements d'enseignement scolaire et universitaire organisent des « bourses de stages » et intensifient leurs partenariats avec les employeurs et le service public de l'emploi. Nous préconisons de labelliser et de valoriser les entreprises et les collectivités publiques qui se mobilisent pour accueillir des stagiaires et proposent un accompagnement de qualité. Il faut également insuffler la « culture du stage » au sein des entreprises, dont l'intérêt bien compris est de développer leur vivier de recrutement.
La mission recommande aussi de rendre obligatoires pour l'ensemble des enseignants et des personnels d'orientation des stages d'immersion en entreprise, dans le secteur public ou dans l'enseignement professionnel, et d'encourager l'intégration des professionnels de terrain dans l'enseignement secondaire, en tant que conférenciers, référents, représentants au sein du conseil d'administration ou formateurs. Constatant que le développement de la formation en alternance est l'un des moyens les plus efficaces pour favoriser l'accès des jeunes à l'emploi, la mission estime nécessaire d'encourager l'entreprise à devenir plus « formatrice », sans se limiter à s'acquitter de prélèvements destinés à financer des organismes de formation.
Souscrivant au principe qui a guidé l'annonce par le Président de la République d'un plan de soutien à l'alternance sous contrat, chiffré à 1,3 milliard d'euros, la mission propose quelques compléments utiles à ces mesures.
La mission appelle ainsi à veiller à ce que les nouveaux contrats de professionnalisation bénéficient aux jeunes non diplômés. Il faut également sécuriser le financement des centres de formation d'apprentis (CFA), en simplifiant et en recentrant sur sa fonction essentielle l'affectation de la taxe d'apprentissage. En même temps, il est légitime d'aligner les avantages de la carte d'apprenti sur ceux de la carte d'étudiant ou de fusionner les deux documents.
Au-delà de ces soutiens conjoncturels, la mission préconise de poursuivre deux combats difficiles mais exaltants. D'abord, nous proposons de constituer des pôles d'excellence à partir de certaines formations professionnelles existantes et de créer de grandes écoles professionnelles accessibles aux bacheliers professionnels ou technologiques, afin de renforcer l'attractivité de cette filière. Plus fondamentalement, la mission milite pour le décloisonnement des voies d'alternance et la mutualisation de leurs moyens pédagogiques et financiers. Dans cette logique, nous recommandons de constituer des campus de formation intégrant l'hébergement des jeunes et opérant un brassage social susceptible d'abolir les frontières entre le monde scolaire ou universitaire et le monde du travail. La mission préconise de porter le nombre d'écoles de la deuxième chance à une centaine, avec au moins un site-école par département, et de mettre en place un internat dans les départements ruraux ou les plus défavorisés.
Pour améliorer l'insertion professionnelle des jeunes, nous proposons plusieurs pistes. La première, c'est l'accompagnement des jeunes par le service public de l'emploi, qu'il faut mieux coordonner avec l'éducation nationale pour que les jeunes quittant le système scolaire sans formation bénéficient, dans les meilleurs délais, d'un suivi assuré notamment par les missions locales. Nous proposons de renforcer celles-ci, notamment en rapprochant leur réseau de celui des points d'information jeunesse. Leur évaluation doit être fondée sur les résultats obtenus plutôt que sur le nombre d'entretiens ayant eu lieu au cours d'une année. Le travail des missions locales doit être complété par celui du Pôle emploi, bien sûr, mais aussi des associations spécialisées et des opérateurs privés récemment mis à contribution pour le lancement du contrat d'autonomie. Les mises en relation directe des employeurs et des demandeurs d'emploi, devraient être multipliées. Nos déplacements sur le terrain nous ont également permis de mesurer à quel point les problèmes de mobilité peuvent faire obstacle à l'insertion professionnelle de nombreux demandeurs d'emploi. Il faut donc, notamment, faciliter l'accès au permis de conduire des jeunes les plus en difficulté.
Deuxième piste : généraliser les stages dans toutes les filières pour les élèves du secondaire et au niveau de la licence, pour que chaque étudiant ait un minimum d'expérience professionnelle au moment où il obtient son diplôme. Parallèlement, nous proposons de compléter la réglementation applicable pour lutter contre la pratique des stages hors cursus, qui conduit des jeunes à s'inscrire fictivement à l'université pour obtenir une convention de stage. Et il est indispensable que les établissements d'enseignement s'investissent davantage dans l'organisation de stages.
Pour les jeunes les plus éloignés de l'emploi, il faut des dispositifs spécifiques. Le pragmatisme impose d'utiliser tous les outils disponibles, y compris les contrats aidés dans le secteur non marchand. Mon expérience d'élu local m'a convaincu qu'il est possible d'accueillir un jeune dans une collectivité territoriale, de le former et de le réinsérer ensuite dans le secteur privé. De ce point de vue, la proposition du Président de la République de financer, cette année, 30 000 contrats aidés supplémentaires dans le secteur non marchand et 50 000 dans le secteur marchand va dans le bon sens. Ces contrats, s'ajoutant aux 300 000 déjà prévus dans le budget pour 2009, devraient atténuer l'effet de la crise sur l'insertion professionnelle des jeunes qui sortiront du système scolaire en cours d'année.
La mission estime que les nombreux dispositifs d'aides aux jeunes, mis en place et réformés au fil des années, sont trop épars, et sans doute globalement insuffisants. Or l'autonomie des jeunes doit être accrue, non pas dans une logique d'assistanat mais dans l'objectif de garantir l'accès de tous à une formation, puis à un emploi. La mission a décidé de ne pas statuer et se donne encore un mois pour faire des propositions précises. Elle souhaite n'écarter aucune piste. Deux modèles ont notamment retenu son attention. D'abord, celui des pays d'Europe du nord, où existent des droits de tirage pour le financement des périodes de formation, financés par une combinaison de bourses et de prêts -notre rapport présente ces dispositifs en annexe. Ensuite, l'idée de dotations en capital pour les jeunes, évoquée notamment par M. Luc Ferry et analysée dans un rapport récent du centre d'analyse stratégique, est également séduisante. De tels systèmes existent par exemple au Royaume-Uni et au Canada. (Murmures improbateurs sur les bancs CRC) Ces modèles ne sont évidemment ni totalement transposables, ni totalement exempts de défauts et leur mise en place nécessiterait des expérimentations préalables. Il faut donc y réfléchir pour le moyen terme. En tout état de cause, la solution proposée sera coûteuse et, personnellement, je proposerais de diminuer le bouclier fiscal (exclamations ironiques et applaudissements sur les bancs socialistes) de manière exceptionnelle afin, en cette période crise, de concentrer l'effort en direction des jeunes.
Dans l'immédiat, la mission recommande de le faire de façon ciblée, en tenant compte des besoins concrets des jeunes, pour faciliter l'insertion des plus en difficulté. Un suivi individualisé de chacun d'eux est nécessaire afin d'identifier la nature de l'aide à lui apporter : aide au logement ou à la mobilité, financement d'une formation spécifique etc. Des dispositifs tels que le Fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) ou encore l'allocation Civis remplissent cette fonction mais leurs montants sont pour l'heure insuffisants. Nous proposons donc d'abonder le FIPJ à hauteur de 50 millions.
A court terme, la mission propose d'attribuer les bourses pendant dix mois plutôt que neuf, d'allouer des aides supplémentaires pour les formations dans les secteurs en tension, d'ouvrir le prêt étudiant garanti par l'État aux apprentis, de transformer ce prêt en une avance remboursable garantie à 100 % par l'État afin de permettre à tous les jeunes étudiants et apprentis d'y accéder, à taux très réduit avec un remboursement différé à l'obtention d'un emploi stable et proportionnel aux revenus.
Enfin, la mission fait plusieurs suggestions pour favoriser la mobilité des jeunes.
Pour le logement, nos propositions visent à développer l'offre en direction des jeunes et à sécuriser leurs parcours résidentiels. Je citerai : l'augmentation de la part des logements sociaux de petite taille, de type studio ou T1, dans les nouveaux programmes ; le développement de l'offre dans les foyers de jeunes travailleurs et les résidences hôtelières à vocation sociale, ainsi que la mise à disposition prioritaire de « logements passerelles » meublés pour les jeunes actifs venant de décrocher un emploi ; la promotion des formules innovantes telles que la colocation, le logement intergénérationnel et les dispositifs d'intermédiation. Enfin, nous proposons de mieux adapter les aides au logement à la situation des jeunes : révision trimestrielle du montant des aides pour mieux suivre l'évolution des ressources, non-prise en compte d'une partie des revenus des étudiants qui travaillent pour financer leurs études, aides journalières ou hebdomadaires et possibilité de couvrir le coût de deux logements pour les jeunes engagés dans une formation en alternance.
La mission souscrit aux orientations du plan Santé des jeunes, lancé en février 2008. Un effort supplémentaire doit cependant être fait : d'une part, pour mieux former les médecins à la prévention des comportements à risques -addictions, dérives alimentaires, etc ; d'autre part, pour améliorer le recours aux soins et la couverture complémentaire santé des jeunes, en accordant aux étudiants boursiers et à tous les jeunes en situation précaire un « chèque santé » finançant au moins 75 % du coût de leur complémentaire santé.
Par ailleurs, la mission propose de renforcer le dispositif du service civil : en lançant une campagne de promotion du service volontaire ; en assurant une enveloppe budgétaire suffisante pour que 50 000 jeunes puissent être concernés ; et en inscrivant le service civil dans la validation des acquis de l'expérience.
La journée d'appel à la défense devrait être musclée par l'introduction du bilan de santé prévu par le plan Santé et par un renforcement des partenariats avec les missions locales. (M. Jacques Legendre : « Très bien ! »)
La mission souhaite la mise en place d'une maison numérique de la jeunesse et de la culture, qui serait un site officiel de téléchargement illimité de contenus culturels libres de droit ou dont les droits seraient payés par l'État. La gratuité dans les musées pourrait être étendue de manière expérimentale aux entrées dans les théâtres nationaux.
Ces propositions sont loin d'être exhaustives et nous allons continuer nos travaux en juin.
Je remercie le président de la commission des affaires sociales d'avoir accepté d'interrompre cet après-midi le débat sur l'hôpital. Je rends hommage aux deux ministres, le président Gérard Larcher et Jacques Legendre, pour leur investissement et leur travail lorsqu'ils étaient en charge de ces sujets. Je remercie aussi tous les collègues de la mission ; bien que n'étant pas tous du même bord, nous avons appris à nous connaître et je suis certain que nous parviendrons à trouver des solutions sur l'autonomie. (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs socialistes)
Point de vue des groupes politiques
Mme Christiane Demontès. - Je veux dire tout de suite ma satisfaction d'avoir participé à cette mission sénatoriale et rencontré, depuis deux mois, des interlocuteurs très différents, tous concernés par cette tranche d'âge, les 16-25 ans, qui ont tellement de mal à s'insérer professionnellement. Sur ces 8 millions de jeunes de cette classe d'âge, ils ne sont que 26 % à penser que « leur avenir est prometteur », contre 60 % au Danemark...
Un regret préliminaire : celui de n'avoir pas rencontré suffisamment d'interlocuteurs de l'éducation nationale, comme si celle-ci avait peu à voir avec les difficultés des 18-25 ans. Or, beaucoup se joue au cours des premières années de scolarité. Et comment l'augmentation de la pauvreté, monsieur le Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, comment le fait que près de 7 millions de personnes vivent au-dessous du seuil de la pauvreté, comment cela n'aurait-il pas de conséquences sur la scolarité des enfants ?
Contrairement aux principes fondamentaux de l'école républicaine, l'argent et le diplôme des parents sont déterminants pour le parcours des enfants et l'on ne peut que déplorer que 25 % d'une tranche d'âge sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ni qualification. Luc Ferry, président délégué du centre d'analyse de la société, s'inquiète d'ailleurs des conséquences du non-remplacement de 30 000 départs en retraite ainsi que de la suppression programmée des Rased : « la réforme du primaire est calamiteuse » dit-il. (Mmes Marie-Christine Blondin et Gisèle Printz approuvent)
Si l'on ne peut expliquer l'échec scolaire que dans une démarche pluridisciplinaire, le problème des apprentissages est essentiel : 80 % des enfants qui ne savent pas lire à la sortie du CP n'apprendront jamais -un premier échec scolaire dramatique ! Il faut donc changer les choses dès le cours préparatoire. La mission propose de dédoubler ces classes pour les modules de lecture ; nous, nous disons qu'il ne faut pas plus de douze élèves par module. La formation des professeurs des écoles est indispensable ; cela passe par le maintien des IUFM ainsi que par la formation continue avec les inspecteurs de l'éducation nationale et tous ceux qui constituent les Rased. (« Très bien ! » sur les bancs socialistes) Il ne faut pas réduire les budgets mais déclarer une priorité budgétaire. Il y va des principes fondamentaux de l'école républicaine.
Si on a le diplôme, on a tout ; si on le rate, on n'a rien. Il faut trouver le moyen de sortir de cette dichotomie. L'Uniopss l'a souligné, l'accès à l'emploi dépend d'une formation initiale achevée, ayant permis d'acquérir les savoirs de base ». Il conviendrait de permettre aux collégiens de valider les acquis du trimestre ou du semestre.
La formation professionnelle initiale sous statut scolaire est aujourd'hui très dévalorisée par les acteurs économiques comme par les acteurs du système scolaire. Aussi de nombreux élèves y rentrent-ils par défaut. Ne pourrait-on pas, en liaison avec les conseils régionaux, regrouper formations professionnelle, technique et générale dans le même établissement, avec les formations en apprentissage, de manière à ne plus stigmatiser les établissements et à lutter contre le territorialisme qui progresse de concert avec la désectorisation ?
Le bac pro en trois ans est dangereux pour des élèves qui ont besoin de plus de temps pour apprendre. Il est aujourd'hui accessible en quatre ans pour les titulaires d'un BEP ou d'un CAP. Le Gouvernement ne peut pas revaloriser l'enseignement professionnel en supprimant les diplômes intermédiaires. Et ceux qui ne réussiront pas ? La fermeture massive de sections de BEP et de CAP sera lourde de conséquences. Belle illustration du tout ou rien !
Afin de traduire dans les faits l'égalité républicaine, il importe d'inventer de nouvelles formes d'internat, des résidences lycéennes pour ceux qui n'ont pas la formation qu'ils souhaitent près de chez eux ou qui n'y trouvent pas de bonnes conditions de travail.
L'orientation est un thème qui a fait l'unanimité... contre lui. Le système est en effet très défaillant. Qui définit l'orientation ? La réponse est floue car ce n'est pas un processus linéaire. Elle est à la fois un choix personnel et le résultat d'une demande satisfaite ou non. Le sujet est difficile mais essentiel. Un grand service public de l'orientation, voire de l'orientation et de l'emploi, pourrait aider les jeunes dans la connaissance de soi, des métiers et des formations, tout en gérant les stages des élèves et des enseignants et en regroupant l'ensemble des professionnels, lesquels recevraient une formation pluridisciplinaire, conseillers d'orientation, conseillers professionnels de Pôle emploi et conseillers d'insertion des missions locales.
M. Jacques Legendre. - C'est juste !
Mme Christiane Demontès. - Les réformes ont parfois un coût. Nous apprécions que le rapporteur ait levé le tabou du bouclier fiscal. Il s'agit surtout d'un investissement sur les hommes, sur l'avenir, sur les jeunes, qui sont notre devenir collectif. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs bancs au centre)
Mme Catherine Morin-Desailly. - L'insouciance de la jeunesse est une image d'Épinal...
M. Jackie Pierre. - Ha !
Mme Catherine Morin-Desailly. - Pessimistes, les jeunes se sentent abandonnés et l'ascenseur social hoquette. Si la question n'est pas propre à la France, la question s'y pose avec plus d'acuité. Les jeunes sont frappés de plein fouet par la crise. Les politiques développées depuis trente ans sont devenues illisibles et manquent de cohérence, d'argent, d'efficacité. La nomination en janvier d'un Haut-commissaire à la jeunesse a donc constitué un signal fort.
La mission, dans laquelle j'ai, avec M. Jean-Léonce Dupont, représenté le groupe centriste, a abordé beaucoup de thématiques mais celle de la famille mériterait d'être approfondie.
En 1995, Tony Blair fixait ainsi ses priorités : « éducation, éducation, éducation ». Et son adversaire conservateur d'expliquer, non sans humour, qu'il avait les mêmes, mais dans un ordre différent. L'éducation est la clef de voûte, beaucoup se joue dès l'école. Il faut donc garantir à tous les enfants de bonnes conditions, particulièrement pour les apprentissages fondamentaux. Or on sait que 20 % d'une classe d'âge, sortie de l'école sans diplôme ni qualification, connaît un taux de chômage élevé. Malgré une augmentation des moyens de 23 % en dix ans, la France reste mal placée dans les classements internationaux : la réussite n'est pas seulement affaire de moyens.
Des conservatismes brident notre système éducatif, qui doit développer une approche de l'aptitude scolaire plus souple, moins académique mais reconnaissant à l'élève un droit à l'erreur. Il y a le savoir ; il y a aussi le savoir-faire et le savoir-être, et il convient de promouvoir tous les talents pour enrichir la société de leur diversité. Je signale pourtant que des jeunes de mon département, qui s'épanouissent maintenant dans une formation professionnelle agricole, dénoncent des pressions pour les dissuader d'y entrer. Les filières courtes, l'apprentissage et la formation professionnelle continuent en effet de souffrir d'une mauvaise image. Il faut poursuivre la réflexion sur une réforme des lycées, inchangés depuis 1975.
La multiplication des structures d'orientation n'aide pas à s'y retrouver les étudiants dont 60 % n'achèvent pas leur cursus. L'orientation reste souvent fondée sur des stéréotypes : à elles les études littéraires ou paramédicales, à eux les études scientifiques... Le service public de l'orientation que préconise le rapport se révèle indispensable. Les difficultés d'orientation se nourrissent du décalage entre les représentations et la réalité du monde du travail. Il convient donc de généraliser les stages réguliers et obligatoires. Des étudiants en sciences humaines passent cinq ans sur les bancs de l'université sans faire de stage : les deux univers sont trop cloisonnés.
J'appelle donc à une véritable révolution culturelle du côté des enseignants, mais aussi des employeurs qui ont une responsabilité sociale particulière envers la jeunesse.
L'éducation est caractérisée par une méfiance généralisée envers tout pragmatisme, bien que les bons sentiments -transformés en slogan « 80 % de réussite au bac » et en collège unique- aient été mis en échec. La phobie de toute orientation précoce, voire de toute orientation sélective, a conduit les jeunes vers des impasses. Pourquoi laisser des dizaines de milliers d'étudiants s'engouffrer dans des filières qui ne conduisent nulle part ? En dehors de cas particuliers comme la médecine, le droit ou la pharmacie, les filières universitaires longues n'offrent guère de débouchés. Par ailleurs, 80 000 jeunes quittent chaque année l'université sans diplôme.
La loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités a marqué une première étape dans la réforme de l'enseignement supérieur, en ouvrant des chantiers qui portent notamment sur le logement et les bourses.
L'insertion professionnelle revêt une acuité particulière avec cette crise qui porte le chômage des jeunes à des sommets. La question nous préoccupe depuis 1977, quand le chômage a touché 11,3 % des jeunes de moins de 25 ans, contre 5,3 % du reste de la population active. Depuis, des mesures d'exonération de cotisations sociales se sont succédées, mais sans grand succès.
La difficulté à trouver un emploi s'explique par le manque de diplômes, par l'inadéquation entre la formation et le marché du travail, enfin par l'absence d'expérience. Cela confirme l'absolue nécessité des stages et des immersions régulières permettant aux jeunes de mieux s'orienter et d'acquérir une première expérience. En outre, il faut mieux anticiper les mutations du marché du travail.
Ceux qui ont franchi le cap de l'embauche sont confrontés aux contrats précaires ne permettant pas de vivre correctement, a fortiori d'être autonome et de se projeter dans l'avenir. Certains jeunes vivent en dessous du seuil de pauvreté. On peut regretter que le revenu de solidarité active (RSA), qui doit entrer en vigueur le 1er juin, ne concerne pas les jeunes subissant des ruptures dans leur parcours professionnel. D'où l'idée d'une « allocation jeune », émise au sein de la mission en vue d'une véritable autonomie financière.
J'en viens au dernier point de mon intervention : le risque du repli sur soi et du sentiment d'inutilité.
Alors que la cohésion sociale est menacée par l'individualisme croissant, il faut encourager plus que jamais la vie associative, les pratiques sportives et culturelles de tous, en particulier des jeunes. On ne saurait trop insister sur l'épanouissement apporté aux individus par les activités physiques, par la sensibilisation aux arts et à la culture. La gratuité des musées et des théâtres est intéressante, à condition que l'on ait au préalable éveillé le goût et la curiosité des jeunes. En ce domaine, l'offre demeure disparate et insuffisante à l'université, alors que la socialisation est indispensable à un âge où l'on s'ouvre au monde.
Les jeunes d'aujourd'hui vivent la culture essentiellement sur internet. Elle n'est donc plus nécessairement associée à un lieu ni à un support réel comme un livre ou un disque. Territoire virtuel et territoire réel de la culture sont désormais intrinsèquement liés. Les pouvoirs publics doivent donc s'emparer de champs nouveaux pour continuer à transmettre nos patrimoines et nos valeurs. Il faut en particulier que les nouveaux supports culturels disposent d'une offre légale de qualité.
Pour finir, j'aborderai le rôle des collectivités territoriales. Une délégation à part entière devrait être dédiée à la jeunesse. Comme au niveau central, il faut mobiliser tous les acteurs, alors que les politiques liées à la jeunesse sont éparpillées entre la ville, le monde associatif, l'éducation... Qui peut mieux fédérer que le maire ?
Quel que soit le niveau d'intervention, l'objectif est d'éliminer les racines de l'échec en offrant à chacun son parcours de réussite et d'autonomie. La jeunesse constitue la force de demain. Elle représente donc un investissement inévitable en faveur de 8,2 millions de nos concitoyens. Un de nos illustres prédécesseurs, Victor Hugo, a dit : « La jeunesse est le sourire de l'avenir ». Ne l'oublions pas ! (Applaudissements au centre, à droite et sur quelques bancs socialistes)
M. Jean-François Voguet. - Nous avons participé à cette mission d'information pour faire émerger une nouvelle politique publique et répondre enfin aux jeunes de notre pays, dont la situation sociale se dégrade depuis trente ans et qui subissent une stigmatisation permanente bien que l'action des pouvoirs publics les ait délaissés depuis de nombreuses années.
Nous connaissons tous la situation faite à notre jeunesse, dont la désespérance explique les crises qui enflamment régulièrement nos villes. Y remédier suppose des réformes audacieuses et ambitieuses les accompagnant sur le chemin de l'autonomie. L'heure n'est plus aux petits ajustements pragmatiques permettant de maintenir entre deux eaux les populations qui se noient, sans jamais leur permettre de rejoindre la rive d'une existence paisible. Il faut donc des engagements forts et durables, dotés d'importants moyens pour accroître les droits de tous les jeunes. Il faut une vraie mobilisation, monsieur le Haut-commissaire ! C'est pourquoi je vous ai proposé, lors de notre première rencontre, d'inscrire votre action dans la perspective d'une loi d'orientation pour un engagement national en faveur de l'autonomie des jeunes. Vous n'y avez pas souscrit.
Nous regrettons donc que la mission d'information se soit limitée à certains aspects de la question, en se bornant aux pistes ouvertes par vos déclarations. Ne proposant que des adaptations aux politiques actuelles, notre mission persévère dans des voies dont l'efficacité n'est pas avérée. C'est pourquoi, malgré une approche d'étude pertinente, son rapport lacunaire n'explore qu'insuffisamment de nombreuses pistes ouvertes.
Nous approuvons certaines propositions ; d'autres sont trop timides ; d'autres, enfin, sont dangereuses.
Nous regrettons singulièrement que les questions d'éducation n'aient pas été traitées dans leur globalité. Nous ne pouvons nous satisfaire, en particulier, des propositions tendant à rapprocher l'entreprise et l'enseignement. Sans nier cette nécessaire relation, ni l'indispensable revalorisation des filières professionnelles, nous refusons d'assujettir le système éducatif au monde de l'entreprise, d'autant plus que cela nous éloigne d'un objectif fondamental : la transmission des connaissances et l'épanouissement de toutes les capacités. Il faut renforcer l'action éducative, à rebours des restrictions de moyens et des suppressions de postes. Nous pourrions alors penser les contenus et la pédagogie pour parvenir à la réussite de tous dans le cadre d'un projet éducatif global fondé sur l'accompagnement et la valorisation de chacun.
Les jeunes sont les premières victimes de notre système qui fait prévaloir le dividende sur l'emploi et l'innovation. La jeunesse trouvera la voie d'un emploi grâce à la revalorisation du travail, aux investissements productifs et à la reconnaissance de tous les diplômes.
Mais nous devons aussi affronter les difficultés spécifiques rencontrées par les jeunes. Des mesurettes ont insidieusement distillé dans notre société, depuis trente ans, l'idée que le travail des jeunes avait une moindre valeur. On finirait par douter de leur capacité d'exercer noblement une activité professionnelle ! Ainsi, notre société leur impose pendant des années un insupportable bizutage social, avec l'enchaînement de petits boulots, les multiples compléments de formation, les stages ou les contrats spécifiques peu rémunérés et précaires.
En réalité, l'insertion professionnelle bénéficierait de toute mesure atténuant la flexibilité du travail et combattant la baisse de son coût. Les aides et primes diverses versées aux entreprises depuis des décennies n'ont endigué ni le chômage massif ni la précarisation des jeunes. Il faut donc les réorienter vers les formations réellement qualifiantes et l'insertion dans de véritables emplois à temps plein et à durée indéterminée. Les jeunes éloignés de la formation et de l'emploi ont besoin d'un accompagnement social et professionnel personnalisé, inscrit dans la durée.
Nous soutenons certaines propositions de la mission, destinées à améliorer les conditions de vie de la jeunesse, tout en regrettant qu'elle n'aille pas jusqu'à proposer un revenu pour l'autonomie des jeunes, afin d'accompagner leurs efforts de formation, d'insertion et de recherche d'emploi. Nous le regrettons d'autant plus qu'à l'inverse de la solidarité active, notre mission propose d'endetter les jeunes avant même qu'ils n'aient un revenu. Certes, notre proposition de revenu d'autonomie nécessite d'importants moyens mais gouverner consiste à faire des choix. Pour exonérer d'impôts les plus riches, vous avez trouvé le bouclier fiscal et toutes les niches fiscales, ce qui représente plusieurs dizaines de milliards. Réduire leur nombre suffirait à mettre en place cette allocation. Comme ces sommes ne deviendraient pas des capitaux spéculatifs qui font tant de mal, nous vous proposons là un investissement durable.
Le pouvoir d'achat des jeunes est essentiel pour leur autonomie. Son insuffisance est à l'origine des nombreuses difficultés qu'ils rencontrent pour se loger, se soigner et se détendre. Nous soutenons toutes les mesures allant dans ce sens, en demandant une mobilisation de tous les pouvoirs publics et pas seulement des collectivités territoriales.
J'en viens à la citoyenneté, sujet pour lequel nous ne pouvons nous satisfaire des propositions faites par la mission car il faut franchir de nouveaux pas pour permettre l'expression des jeunes, favoriser leur prise de responsabilité et faire mieux respecter leurs droits dans notre société.
Nous sommes favorables à un service national de solidarité, suffisamment attrayant par ses missions, ses conditions d'exercice et sa rémunération pour tenter des dizaines de milliers de jeunes ; ce serait une étape avant la généralisation.
Je salue le travail de la mission, en particulier de sa présidente. Mon groupe n'a pas adopté le rapport mais il est tout disposé à participer à de vraies réformes en faveur des jeunes de notre pays. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG et sur plusieurs bancs socialistes)
M. Jacques Legendre. - Le malaise des jeunes n'est pas propre à notre époque. Lors de son audition, M. Luc Ferry observait que la situation des jeunes d'aujourd'hui est plus enviable que celles des générations antérieures qui ont été confrontées au pire : à la guerre. Et c'est en 1930 que Paul Nizan publiait Aden Arabie, qui s'ouvre par ces mots : « J'avais 20 ans et je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie ». L'écrivain est mort dans les combats de 1940. Faut-il pour autant considérer comme satisfaisant le sort des jeunes d'aujourd'hui ? Ils ont peur de l'avenir et peinent à entrer dans la vie active. Nous avons eu, pour notre part, la chance, après la guerre d'Algérie, en période d'essor économique, de ne pas connaître l'angoisse du chômage dès lors que nous possédions une bonne formation. Cela nous donne aujourd'hui le devoir de faire le maximum afin que les jeunes aient eux aussi confiance en l'avenir. La France est championne d'Europe de la natalité : encore devons-nous offrir à nos enfants la possibilité d'entrer dans la vie avec sérénité. Sinon, nous aurons commis une injustice à l'égard de cette génération et nous n'aurons pas rendu service à notre pays.
En ma qualité de président de la commission des affaires culturelles, j'ai eu à coeur de traiter cette question, récemment encore au travers de rapports d'information sur l'égalité d'accès aux classes préparatoires et sur les baccalauréats, qui suscitent bien des espoirs puis des frustrations chez les lauréats. Je me réjouis donc des avancées récentes : décloisonnement de l'orientation, action interministérielle. Le délégué interministériel à l'orientation nous a présenté l'instruction du 22 avril 2009 relative à la prévention du décrochage scolaire et à l'accompagnement des jeunes sans diplôme. Elle va dans le bon sens. Veillons à ce qu'elle s'applique correctement sur le terrain. Le 24 avril dernier, le Président de la République a également annoncé un important plan de soutien en faveur des jeunes.
J'ai toujours accordé une grande importance aux filières professionnelles et aux formations en alternance : il y a vingt-neuf ans, alors secrétaire d'État à la formation professionnelle, j'ai présenté la première loi -celle du 12 juillet 1980- relative aux formations professionnelles alternées. Je notais que sur 650 000 jeunes qui arrivaient chaque année sur le marché du travail, 200 000 avaient une formation générale de faible niveau et aucune qualification. Le constat est hélas exactement le même aujourd'hui. Pourtant, entre-temps, les moyens ont été considérablement renforcés.
La loi de 1980 a été abrogée comme mauvaise en 1981, puis reprise en 1983 ; au moins sommes-nous maintenant d'accord sur tous les bancs, c'est un progrès. Après la classe de troisième, 40 % des élèves s'orientent dans la voie professionnelle, sous statut scolaire ou en contrat d'apprentissage. A quoi s'ajoutent les contrats de professionnalisation pour les 16-25 ans et pour les demandeurs d'emploi de 26 ans. La mission fait des propositions concernant les apprentis : aligner leur statut sur celui des étudiants, développer les aides au logement et à la mobilité. C'est que l'alternance donne d'excellents résultats, elle débouche sur une insertion professionnelle rapide. Elle mérite que nous lui consacrions beaucoup d'efforts.
Mme Catherine Troendle. - Oui !
M. Jacques Legendre. - Les entreprises doivent aussi se mobiliser pour accueillir les jeunes car le système éducatif ne peut se substituer à elles pour transmettre les connaissances concrètes, en permanente évolution, liées à leurs métiers. Il fut un temps où l'on pensait que les entreprises n'avaient pas de rôle à jouer dans la formation. Celles-ci ont du reste trop tendance, en France, à vouloir de jeunes recrues déjà formées ; en Allemagne, les entreprises acceptent volontiers de former, mais sans rémunérer. Entre les deux, il y sans doute un équilibre à trouver ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs UMP)
Doit-on orienter les jeunes vers les métiers en tension ? Personne au sein de la mission ne prône une orientation forcée. Mais sans être taxé « d'adéquationnisme » -j'ai déjà entendu l'accusation !-, on peut s'interroger sur le fait que la France forme 50 % des psychologues européens, tandis que 100 000 offres d'emplois ne sont pas satisfaites. La formation doit aussi viser à préparer à l'embauche dans les secteurs qui créent des emplois. Les 150 000 élèves qui n'obtiendront aucun diplôme, aucune certification et sont promis à un sombre avenir ne pourraient-ils trouver leur voie dans ces secteurs en demande ? Le bon sens et le pragmatisme doivent prévaloir : c'est le cas dans les propositions de la commission, qui visent à redonner confiance aux jeunes. (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Françoise Laborde. - Les travaux de la mission ont été riches, denses, passionnants. J'en remercie la présidente et le rapporteur qui les ont menés avec brio en dépit d'un timing précipité. Le législateur doit toujours se demander si les mesures qu'il s'apprête à voter ont une valeur et une incidence positive pour les générations futures. Aujourd'hui encore plus, où la crise atteint d'abord les jeunes et les seniors. Un jeune sur quatre sera cette année au chômage ! Et la moitié de ceux qui travaillent occupent un emploi précaire. C'est toute une classe d'âge qui se paupérise, alors que l'élan de notre pays devrait reposer sur elle. Toute politique digne de ce nom doit englober, outre l'emploi, la santé, le logement, l'accès à la culture et le sport. Nos très larges consultations ont débouché sur des propositions concrètes. Je n'en demeure pas moins préoccupée, perplexe devant la faiblesse des moyens consacrés à l'éducation scolaire et supérieure dans le budget 2009. Il y a pénurie de moyens, qui n'est pas étrangère à l'exclusion de 150 000 jeunes.
L'orientation doit être dédramatisée. La connaissance du monde du travail doit devenir un nouveau module d'enseignement, à part entière, dispensé une fois par mois en primaire, une fois par semaine au collège. Un bilan pourrait être établi chaque fin d'année, jusqu'à l'entrée dans la vie active. Pour cela, nous avons besoin de conseillers bien formés, en plus grand nombre.
Pour que l'orientation ne soit plus vécue comme un choix subi mais comme une chance, le rôle des enseignants est de la dédramatiser, dès le plus jeune âge. Cette dimension doit être intégrée dans la formation des enseignants, comme doivent l'être les stages en entreprise destinés à parfaire leur connaissance du monde du travail.
Le stage de découverte du monde du travail pour les élèves de troisième, d'une durée d'une semaine, est insuffisant. S'il permet, dans le meilleur des cas, une réelle découverte, il n'est ? le plus souvent ? qu'une formalité administrative sans lien avec le projet personnel du jeune et ne témoigne que de sa capacité -ou plutôt de celle de son entourage- à trouver un stage.
Gardons-nous, pour autant, de chercher à formater les élèves à la seule logique de la demande de l'entreprise, au bénéfice des secteurs en tension : il faut ouvrir l'orientation à la grande diversité des métiers et donner la possibilité aux jeunes de découvrir des cursus, de mieux cerner leurs goûts et leurs chances de réussite. Cet effort ne fera pas disparaître les erreurs de parcours mais il permettra de réduire la démotivation, les désillusions et les abandons.
Afin d'orienter les vocations vers les métiers émergents, une revalorisation statutaire de ces professions serait bienvenue : métiers de la culture, du sport, de l'animation, services à la personne...
Deuxième préoccupation : redorer l'image de l'apprentissage et de l'enseignement professionnel, qui continuent d'apparaître comme une orientation de l'échec. Pourtant, ils sont porteurs d'espoir, notamment grâce à l'alternance. Ils n'interdisent en rien l'excellence professionnelle, ni l'épanouissement personnel, au contraire. Les jeunes qui s'y engagent peuvent s'assumer financièrement et débuter une vie d'adultes autonomes.
Pour rendre ces filières plus attractives, les allers-retours entre la formation et l'emploi doivent être facilités, tout au long du parcours professionnel, grâce à une capitalisation des acquis qui ne pourra que renforcer la confiance.
Ainsi, les dispositifs des écoles de la seconde chance, qui ont accueilli 5 000 personnes en 2008, doivent être généralisés. Ils ont fait leur preuve et sont d'autant plus importants qu'ils concernent les moins qualifiés.
S'agissant de la réforme du bac professionnel, la troisième année obligatoire ne me paraît pas pertinente : elle exclut les élèves les plus en difficulté. Mieux vaudrait pour ces jeunes obtenir un premier module en deux ans et le compléter, éventuellement après une période de travail pendant laquelle ils auront pu mesurer la pertinence de leur choix et la nécessité de compléter leur formation.
La formation continue est un droit du salarié tout au long de sa carrière, encore faut-il l'encourager.
Dernier point sur lequel, avec les membres du groupe RDSE, j'aurais souhaité aller plus loin : la mise en place d'une allocation autonomie. Mais il y faut une réelle ambition. L'attribution d'une allocation de type prêt à taux zéro ou l'allongement d'un mois de la durée de versement des bourses étudiantes ne suffiront pas à ralentir la paupérisation de nos jeunes et à encourager leur désir de formation.
Pour éviter l'écueil de l'assistanat, cette allocation pourrait être conditionnée au suivi d'un cursus qualifiant accompagné d'un dispositif de tutorat, pour rendre aux jeunes confiance et projets d'avenir, dans une société qui ne les abandonne pas au bord du chemin, mais leur donne le temps et les moyens de se former et d'acquérir des compétences.
Nos auditions ont montré que, par manque de moyens, les jeunes s'exposent à des problèmes de santé chroniques en négligeant la prévention. Des outils de type chèque santé ou visite médicale annuelle gratuite seraient susceptibles d'y remédier.
Le temps me manque pour évoquer la question de l'accès pour tous à la culture et au sport, que nous n'avons pas traité par manque de temps. Les nombreuses initiatives des collectivités locales et les mesures de l'État, comme la gratuité des musées pour les moins de 26 ans, méritent d'être saluées.
J'en viens à la question des moyens, sur lesquels mon groupe s'interroge. La deuxième partie de nos travaux devra valider les mesures financières à mettre en oeuvre pour améliorer les conditions de vie de notre jeunesse. C'est une noble ambition, c'est aussi un devoir pour la représentation nationale. N'oublions pas ces mots très justes et d'une grande actualité de Georges Bernanos : « Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents ».
M. Martial Bourquin. - C'est avec une forte attente que j'ai rejoint le rang des parlementaires membres de cette mission d'information, qui s'est donné pour tâche de relever une gageure : comment mettre un terme à l'exception française qui veut que le taux de chômage des jeunes soit deux fois supérieur à la moyenne nationale ? Je félicite la présidente et le rapporteur pour la qualité de leurs travaux.
Deux mois après le début des auditions proposées, je viens devant vous habité de la même obsession mais hanté aussi d'un certain nombre de craintes, que je souhaite vous soumettre.
Le rapport, dans sa première mouture, consacrait de très nombreuses pages au récent discours du Président de la République sur l'apprentissage...
Il s'agit certes là d'une filière d'excellence, efficace, qui mérite d'être valorisée, mais que nous devons nous garder de dénaturer par une montée en puissance trop rapide et sans lien avec les entreprises. L'apprentissage doit rester une formation d'excellence. Attention à ne pas la galvauder.
Deux autres écueils sont à éviter. Un effet d'aubaine, tout d'abord, pour des entreprises qui n'auront pas la capacité en si peu de temps d'accueillir ou de former qualitativement des jeunes mais bénéficieront d'une main-d'oeuvre sous-payée. J'y vois surtout une tentative pour le Gouvernement de se dégager de ses responsabilités en transférant sur les régions une très forte augmentation du nombre de jeunes à insérer, sans se préoccuper de la qualité de l'apprentissage. On court au-devant de déboires avec un taux de rupture de contrat important.
L'État, ensuite, doit prendre toute sa part dans ce combat. Le rapporteur évoquait avec réserve que la mission n'est pas hostile à un possible recrutement de jeunes dans le secteur non marchand. Le secrétaire d'État à l'emploi a fait lui aussi, lors de son audition en mission, acte de non-hostilité. J'irai, pour ma part, plus loin, car c'est là une proposition phare, que les sénateurs socialistes soutiennent sans ambigüité et veulent voir se concrétiser le plus vite possible. Y a-t-il une réelle volonté politique de mettre en oeuvre cette préconisation ?
Monsieur le Haut-commissaire, plusieurs faits me font douter que l'emploi des jeunes soit aujourd'hui une priorité.
La défiscalisation des heures supplémentaires coûte 4,3 milliards à l'État et empêche 90 000 personnes de rentrer sur le marché du travail.
M. Jacques Mahéas. - Très bien !
M. Martial Bourquin. - Avec cette somme, nous aurions eu les moyens de créer 300 000 emplois-jeunes.
M. Jacques Mahéas. - Tout à fait !
M. Martial Bourquin. - Ce rapport, même s'il n'y consacre que quelques lignes, reconnaît quelques mérites au dispositif qui a permis l'insertion professionnelle et sociale de 350 000 jeunes. Nous croyons qu'il est tout à fait souhaitable de se servir de cette expérience, d'améliorer la qualité des tutorats et des formations inhérentes et de relancer massivement le dispositif.
Deuxième exemple, la révision générale des politiques publiques. Depuis juin 2007, plus de 100 000 postes ont disparu de la fonction publique. Là encore, cette réserve d'emplois fait cruellement défaut à nos territoires. Elle aurait pu être pour partie proposée à des jeunes peinant à s'insérer. D'autant plus que d'autres préconisations du rapport, comme le dédoublement des classes de CP ou la création d'un service public de l'orientation, que nous soutenons, nécessitent des femmes et des hommes qualifiés. (Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission, applaudit)
Nous ne sommes pas avares de propositions, et nous espérons que l'urgence et la gravité de la situation vous conduiront à les examiner de près.
Nous proposons dès maintenant le recrutement et la formation de 100 000 emplois-jeunes dans le secteur non marchand, ce qui aura des effets immédiats sur la croissance et la consommation.
Nous proposons la création d'un service public de l'orientation, assorti de la formation et du recrutement de conseillers d'orientation. Avec quels moyens, me direz-vous ? L'Unedic vient d'annoncer 600 000 chômeurs de plus en 2009. N'est-il pas temps de mettre un terme à la défiscalisation des heures supplémentaires ? Nos concitoyens, les plus jeunes en particulier, n'ont pas à faire les frais d'un entêtement devenu intenable. (Applaudissements à gauche ; Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission, applaudit)
Mme Sylvie Goy-Chavent. - Ce n'est pas le problème !
M. Martial Bourquin. - Comment donc ! Quand, dans une entreprise, des intérimaires sont renvoyés, des salariés licenciés et qu'on continue à faire faire des heures supplémentaires, ça ne va pas et c'est ressenti comme une grande injustice ! (Applaudissements à gauche)
Ce rapport fait la part belle à une théorie sur le papier très séduisante : celle des métiers en tension. D'un côté, des secteurs économiques qui peinent à trouver des candidats à l'emploi durable ; de l'autre, des jeunes qui n'arrivent pas à trouver du travail : la tentation est grande de rapprocher les deux pour que ces jeunes s'orientent massivement et mécaniquement vers ces secteurs demandeurs de main-d'oeuvre.
Je souhaite que nous brisions les tabous -le rapporteur vient de le faire tout à l'heure- et nous interrogions enfin sur les raisons pour lesquelles ces métiers ne sont pas suffisamment attractifs. Je regrette, à ce titre, que le rapport ne rappelle pas que les entreprises concernées ont également une responsabilité. Certaines proposent des salaires insuffisants, des conditions de travail difficiles, recourent massivement aux contrats précaires, n'assurent aucun tutorat ou formation réelle, ne prennent pas en compte les difficultés de logement ou de transports et se plaignent de ne trouver personne !
La Fédération des Travaux Publics a engagé avec succès des mesures concrètes pour fidéliser ses employés ; c'est un exemple à suivre.
En contrepartie de la TVA à 5,5 % dans la restauration, les entreprises doivent s'engager à revaloriser les rémunérations et les conditions de travail afin de rendre plus attractifs ces métiers passionnants et de haute technicité. Je propose que l'État signe avec la filière une charte portant sur l'emploi et la formation des jeunes. C'est l'occasion de passer du discours aux actes !
Le taux de chômage des 16-25 ans atteint 21,2 % ; ils seront 600 000 de plus en septembre sur le marché de l'emploi... Dans les quartiers sensibles, nombre de jeunes ont le sentiment de n'avoir aucun avenir. Les Français sont 51 % à déclarer ne pas faire confiance à la jeunesse. Elle est pourtant l'avenir de notre société, son travail financera nos retraites et alimentera la croissance ! Notre responsabilité est grande, et notre mission ne fait que commencer. Nous devons faire de l'emploi des jeunes une urgence nationale. Il est temps d'agir. (Applaudissements à gauche)
M. Michel Thiollière. - Je salue le travail de la présidente et du rapporteur de cette mission, dont les résultats ont été très rapides. A nous de valoriser l'atout majeur que représentent les 8 millions de jeunes Français. « Le XXe siècle a vu la déconstruction des valeurs et de l'autorité traditionnelles », a dit Luc Ferry. Ces valeurs, cette autorité sont au coeur de la vie en société. Nous sommes à un point de bascule, entre reconstruction et décrochage irrémédiable. L'enjeu est au coeur de la République, d'où la nécessité de conclure un pacte républicain avec les jeunes. Celui-ci doit reposer sur l'acquisition de l'autonomie et l'épanouissement personnel, et sur l'émergence d'une société nouvelle.
A l'instar du baccalauréat ou du permis de conduire, l'accès au logement et à l'entreprise sont deux moments forts du parcours vers l'âge adulte. Le premier logement, c'est le passeport pour la vie communale, la première marque d'autonomie, mais aussi le début d'un parcours résidentiel. Or, malgré les différentes aides personnalisées, l'offre de logements pour les jeunes est insuffisante, qu'il s'agisse de résidence universitaire, de foyer de jeunes travailleurs ou d'offre locative classique. L'État a beau investir dans la rénovation urbaine, l'amélioration de l'habitat ou les établissements publics, il doit revoir ses priorités, en favorisant notamment les petits logements.
Autre pilier de ce pacte républicain, les stages en entreprise sont un passeport pour l'emploi durable. Après la charte, la loi de 2006, les déclarations du Président de la République du 24 avril dernier, il faut encourager les entreprises à accompagner les stagiaires, instaurer une certification des stages qui leur donne une valeur reconnue dans un CV.
Ce pacte républicain est un passeport pour la vie adulte. A travers un engagement partagé, nous redonnerons confiance et envie aux jeunes pour construire leur avenir. (Applaudissements à droite et au centre)
Mme Bernadette Dupont. - Depuis la loi sur le RSA, dans laquelle le Sénat a inséré un amendement concernant les 18-25 ans, vous avez été également chargé de la jeunesse, monsieur le Haut-commissaire. Le 24 avril dernier, le Président de la République a annoncé un plan d'urgence en faveur des jeunes. Dans le même temps, le Sénat a mandaté cette mission. Je remercie sa présidente et son rapporteur qui ont mené à bien des réunions marathon.
Les avis convergent. Notre jeunesse peine à s'insérer ; le manque de formation rend inapte à l'emploi, entraîne addictions, violence, voire délinquance, autant de formes de désespérance. Le chômage des jeunes diplômés a été pointé du doigt, tout comme celui des jeunes handicapés. Les diverses politiques d'accompagnement n'ont pas donné les résultats espérés. De nombreuses associations oeuvrent avec persévérance et conviction, pour la plupart ; des millions sont en jeu et, pourtant, il faudrait encore plus, ou différemment. Le constat de défaillance est quasi unanime. Le tableau noir a usé beaucoup de craie, d'autant que les difficultés conjoncturelles se sont ajoutées au problème structurel. D'où les propositions de la mission sur l'environnement et l'accompagnement. La jeunesse est l'avenir de notre pays, notre devoir est de la préparer à prendre en main son avenir.
A la racine du mal, il y a l'enseignement primaire, qui n'apporterait plus les bases élémentaires. Mauvais primaire, secondaire chaotique : comment affronter sereinement un avenir professionnel ? Ce sont beaucoup de copies à corriger... Autre racine : la famille. Il n'y a plus « un » modèle familial mais « des » modèles familiaux, dit-on. La politique familiale de l'État en est devenue illisible, voire inexistante. (Mme Janine Rozier applaudit) Ce creuset social essentiel a été saboté. L'impuissance de certains parents a entraîné une déscolarisation des enfants et le mal-être d'une partie de la jeunesse. Aidons les familles à structurer leurs enfants !
Un récent sondage permet de conclure sur une note d'optimisme : 70 % des adolescents disent être confiants dans leurs capacités personnelles à réussir dans la vie, 60 % croient faire mieux que leurs parents. Ils font davantage confiance aux filières professionnelles et techniques qu'aux filières générales. La journée apprentissage, hier au Sénat, a été l'illustration réconfortante d'une jeunesse déterminée à réussir. En cette période de récession, nous devons porter toute notre attention aux jeunes en difficulté, tout en les gardant de l'assistanat. Mais affrontons dans le même temps le problème global en fortifiant les racines appauvries de notre société. (Applaudissements à droite)