Suppression des conditions de nationalité pour certaines professions
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l'accès des travailleurs étrangers à l'exercice de certaines professions libérales ou privées, présentée par Mme Bariza Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Discussion générale
Mme Bariza Khiari, auteur de la proposition de loi. - La proposition de loi que je vous présente traite d'un problème souvent méconnu mais qui n'a rien d'anecdotique. Elle s'inscrit dans le droit fil de la loi du 3 janvier 2004 instituant la Haute autorité de lutte contre les discriminations, que le Sénat avait adoptée à l'unanimité. On a souvent connaissance de restrictions à l'emploi pour des conditions de diplôme ; on ignore souvent qu'il y en a touchant à la nationalité : il faut alors être Français pour travailler. On peut comprendre les premières restrictions, qui visent à protéger les citoyens en assurant qu'une profession ne soit exercée que par ceux qui ont suivi une formation conforme à celle exigée de nos étudiants. On est en revanche plus circonspect devant les secondes, dont la justification semble plus sujette à caution.
S'il semble légitime de réserver à des nationaux les emplois touchant la sécurité et les fonctions régaliennes, dans la pratique, un nombre bien supérieur de professions est concerné. Le texte vise donc à mettre un terme à une situation ubuesque : il ne s'agit nullement de porter atteinte à la condition de diplôme mais de limiter celle de nationalité aux cas où elle est justifiée, et ce, en légiférant avec le souci d'une meilleure intégration des populations étrangères qualifiées vivant sur notre territoire.
Le caractère daté de ces dispositions restrictives nous renvoie à des heures malheureuses de xénophobie et d'intolérance, auxquelles la République doit mettre un terme. Economiquement obsolètes et moralement condamnables, elles remontent pour la plupart à l'entre-deux-guerres et à la montée des tensions.
La proposition de loi s'inscrit ainsi dans la continuité de la lutte contre les discriminations et restaure la valeur du diplôme, fondement de notre système méritocratique, tout en simplifiant le droit et en facilitant les relations entre l'administration et les usagers, ce qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle.
La République ne récuse pas la différence puisque dans la Déclaration des droits de l'homme, elle affirme le droit de chacun à sortir du lot. Si chacun est différent, nous avons un fond commun, qui soutient le vivre-ensemble. C'est ce que notre régime tente de préserver au quotidien. Toute discrimination, parce qu'elle fait primer la différence, menace le vivre-ensemble en renvoyant chacun à sa singularité et en obérant l'intégration des étrangers, comme si la France leur fermait la porte, comme si elle ne voulait pas d'eux. Ils sont déjà marginalisés, faute de connaissances, d'amis, de familles, de réseaux et la loi leur imposerait une relégation supplémentaire ? La République vit à l'ombre de ses réseaux ; ils n'en ont pas ; doit-on les pénaliser davantage ?
Alors que la société devrait faciliter leur intégration, elle multiplie les obstacles pour l'empêcher.
Si la loi invite à distinguer discriminations et conditions de nationalité, celles-ci semblent légitimer celles-là et contribuent à leur perpétuation. En les supprimant, nous affirmerons solennellement notre attachement à lutte contre les discriminations et à la promotion de la diversité.
Cette proposition de loi tend également à défendre la valeur des diplômes. Notre République s'est fondée dès l'origine sur l'idée de méritocratie : les étudiants méritants, quelle que fût leur extraction, pouvaient obtenir de nos universités ou de nos grandes écoles un diplôme attestant de leur compétence et porteur de prestige social. Les restrictions d'accès à l'emploi du fait de la nationalité mettent en cause la valeur de ces titres, qui semble varier en fonction de leurs détenteurs.
Il existe pour certaines professions réglementées une procédure dérogatoire permettant aux étrangers d'y avoir accès. Mais l'autorisation est à la discrétion du ministre concerné. Cette procédure est humiliante, puisqu'elle soumet le titulaire d'un diplôme à l'appréciation arbitraire d'une personne étrangère à l'institution universitaire. D'ailleurs la plupart des décisions ministérielles sont favorables, ce qui montre l'absurdité de ces dispositions. Rendons au diplôme sa valeur d'attestation de l'aptitude à occuper emploi, valeur qu'il n'aurait jamais dû perdre !
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
Mme Bariza Khiari, auteur de la proposition de loi - La réglementation européenne nous oblige désormais à reconnaître l'équivalence des diplômes délivrés par les universités des pays membres de l'Union et à assurer à leurs ressortissants une pleine liberté d'exercice dans les professions auxquelles ces diplômes donnent accès. Cette réglementation est louable dans son principe, mais elle aggrave l'injustice dont souffrent les ressortissants des pays tiers : il est désormais plus facile d'exercer l'une de ces professions pour un citoyen européen titulaire d'un diplôme de son pays d'origine que pour un étranger non communautaire installé en France depuis des décennies et titulaire d'un diplôme français !
Il est également nécessaire de simplifier notre droit et de limiter la pesanteur administrative. De nombreux rapports ont mis en évidence la prolifération du droit dans notre pays, qui perd ainsi de sa force en intervenant là où ce n'est pas nécessaire et de sa stabilité en étant continuellement modifié. La présente proposition de loi tend à simplifier notre droit en supprimant la procédure dérogatoire que j'évoquais. Elle répond ainsi aux exigences d'amélioration de la lisibilité de la loi et des relations entre l'administration et les usagers.
Je remercie M. Charles Gautier pour son excellent rapport. Je vous présenterai quelques amendements visant à améliorer le texte adopté en commission tout en respectant sa philosophie d'ensemble : ils tendent à apporter des simplifications et à exclure du champ d'application de la loi certaines professions, comme la pharmacie, soumises à un numerus clausus très restrictif et auxquelles les étrangers extracommunautaires peuvent déjà accéder.
Ce texte marquera une avancée symbolique dans la lutte contre les discriminations et rétablira le diplôme dans son essence, celle d'un document qui confère des droits à une personne jugée digne d'exercer une fonction, sans considération d'ethnie, de religion, de convictions politiques ou de nationalité. La République s'honorera d'avoir renoué avec des valeurs qu'elle n'aurait jamais dû oublier. (Applaudissements à gauche, au centre et sur plusieurs bancs à droite)
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
M. Charles Gautier, rapporteur de la commission des lois. - Il existe de nombreuses professions dont l'accès est difficile ou impossible aux étrangers. L'exposé des motifs de la proposition de loi, citant plusieurs études, indique que « près de sept millions d'emplois (...) seraient interdits partiellement ou totalement aux étrangers, soit 30 % de l'ensemble des emplois ».
Deux types de restriction peuvent être distingués : la condition de diplôme et la condition de nationalité. Cette dernière a l'effet le plus direct. Dans la plupart des cas, les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen n'y sont pas soumis. La condition de nationalité est également assouplie pour certaines professions par une clause de réciprocité.
Quant à la condition de diplôme et de formation, depuis la directive européenne du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, la plupart des diplômes délivrés par les États européens pour l'exercice de professions comparables permettent de satisfaire à la condition de diplôme en France.
Les emplois fermés aux étrangers appartiennent avant tout au secteur public : les postes de titulaires dans les trois fonctions publiques, au nombre de cinq millions, sont interdits aux étrangers non communautaires. Il existe également une cinquantaine de professions du secteur privé faisant l'objet de restrictions explicites liées à la nationalité.
Or la pertinence de ces restrictions peut parfois être discutée : la plupart sont apparues à partir de la fin du XIXe siècle et surtout au cours de l'entre-deux-guerres, dans un contexte de crise économique et de tensions internationales. Elles demeurent très connotées.
Dans les faits, ces règles sont souvent contournées : des étrangers non communautaires exercent dans la fonction publique, par exemple des professeurs ou des médecins hospitaliers ; les statuts des professions libérales permettent généralement d'admettre au cas par cas des étrangers non communautaires au sein des ordres.
En outre, la libre circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne a conduit à réduire la portée de la condition de nationalité dans la fonction publique, prévue à l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983. La plupart des professions réglementées se sont également ouvertes aux étrangers communautaires, et même certaines professions comportant l'exercice de prérogatives de puissance publique. L'influence du droit communautaire s'étend aux ressortissants extracommunautaires.
Cette proposition de loi vise d'abord à lutter contre les discriminations. Le taux de chômage élevé des étrangers est souvent mentionné pour illustrer les faiblesses de l'intégration ; l'impossibilité pour eux d'exercer des millions d'emplois y contribue sans doute.
En outre, ce texte devrait participer à la nécessaire simplification administrative en supprimant la condition de nationalité pour l'exercice de certaines professions réglementées.
J'ai rencontré des représentants de l'ensemble des professions concernées et cherché à vérifier, profession par profession, si des raisons valables pouvaient justifier le maintien d'une condition de nationalité. Votre commission a estimé qu'il convenait d'une manière générale d'appliquer le principe selon lequel, à diplôme égal, un étranger non communautaire doit pouvoir exercer ces professions dans les mêmes conditions que les ressortissants français ou communautaires.
Certains ont exprimé des réserves, déplorant notamment l'absence de condition de réciprocité ; mais cet argument n'est pas déterminant. Comme l'indique le rapport du groupe d'études sur les discriminations de mars 2000, « l'application du principe de l'égalité de traitement entre les ressortissants de différents pays peut s'exonérer des relations ou des accords d'État à État ». En outre, il ne semble pas que toutes les professions concernées par la proposition de loi aient réellement cherché à conclure des accords de réciprocité.
L'argument selon lequel la réciprocité est une monnaie d'échange pour contraindre des États tiers à s'ouvrir ne va d'ailleurs pas de soi car, en abandonnant cette condition, on les prive d'un prétexte pour refuser l'ouverture aux professionnels français. Enfin, ce texte ne vise que la condition de nationalité. Il semble difficile de refuser l'égalité de traitement à un étranger titulaire du diplôme français uniquement parce que son État d'origine refuse de reconnaître le diplôme français. La condition de réciprocité ne se justifie que dans le cas de professions soumises à une concurrence internationale intense. Pour cette raison, la commission des lois a supprimé l'article 3 relatif aux avocats.
Une autre réserve a porté sur les professions soumises à un numerus clausus : professions médicales et vétérinaires. Certains craignent que celui-ci ne soit remis en cause, les ressortissants non communautaires titulaires d'un diplôme étranger les autorisant à exercer en France n'y étant pas soumis. Cela pourrait créer une forme de discrimination à rebours au préjudice des étudiants français. Cette observation n'est pas sans fondement, mais ne doit pas être exagérée. Le numerus clausus est d'ores et déjà largement battu en brèche : des Français étudient dans d'autres pays européens ; les ressortissants communautaires peuvent s'établir en France librement s'ils possèdent un diplôme les autorisant à exercer dans leurs pays. En outre, l'ouverture de ces professions ne signifie pas que tout étranger titulaire du diplôme exigé aurait un droit à exercer en France car la législation sur l'entrée, le séjour et le travail des étrangers en France s'applique de toute façon.
La commission a adopté les articles 2, 4, 5 et 6 de la proposition de loi, devenus respectivement les articles 1 à 5. Elle a supprimé l'article 3 ainsi que l'article 7, relatif aux conférenciers nationaux et guides interprètes, privé d'objet. Elle vous propose d'adopter ce texte dans la rédaction figurant à la fin du présent rapport. (Applaudissements à gauche)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. - Cette proposition de loi a le grand mérite de susciter une réflexion sur la pertinence des règles imposant d'être ressortissant communautaire pour accéder à certaines professions libérales.
L'exercice de ces professions est soumis à une condition de nationalité et à une exigence de qualification, auxquelles on peut ajouter, pour certaines d'entre elles, l'inscription à l'Ordre. En application de la directive du 7 septembre 2005, la plupart des diplômes délivrés par les États de l'Union européenne pour l'exercice de professions comparables permettent de satisfaire à la condition de qualification. L'exigence d'un diplôme français ou communautaire peut être atténuée dans certains cas par des procédures de vérification des connaissances acquises. Une commission ad hoc examine chaque demande. Conformément au droit européen, le critère de nationalité ne contraint pas l'accès des professions concernées aux ressortissants communautaires.
Cette proposition de loi, qui propose de supprimer la condition de nationalité pour cinq professions relevant du secteur médical ou paramédical et trois professions libérales, soulève la question de notre politique d'immigration professionnelle. Pour que la politique d'immigration de la Nation soit équilibrée, le Gouvernement a choisi de mettre en oeuvre une « immigration choisie », qui doit tenir compte de l'intérêt de la France comme de celui des pays d'origine et être en rapport étroit avec nos besoins et nos capacités d'accueil. Dans ce cadre, le Gouvernement estime que l'intégration des immigrés par le travail est le plus puissant vecteur d'insertion. Avec 24 % en moyenne en 2008, le taux de chômage des étrangers est trois fois supérieur à celui des Français. Il paraît donc légitime de réfléchir à la suppression des conditions de nationalité qui restreignent l'accès à certaines professions, en particulier lorsque les travailleurs concernés ont fait leurs études en France. Toutefois, si le principe ne suscite pas d'objections, il en va différemment des modalités de mise en oeuvre.
Tout d'abord, il faudrait procéder à une évaluation prospective préalable de nos besoins dans les secteurs d'activité concernés. Ainsi, le groupe « Prospective des métiers et des qualifications à l'horizon 2020 » du Conseil d'analyse stratégique, réuni le 16 janvier par Eric Besson, alors chargé de la prospective, apportera certainement une analyse approfondie de cette question, particulièrement nécessaire pour les professions soumises à numerus clausus. J'ai bien conscience de brider l'enthousiasme libéral des auteurs de cette proposition, mais nous risquons de déclencher un appel d'air d'étrangers venant faire des études en France uniquement pour s'y installer.
Nous devons également veiller aux intérêts des pays d'émigration, afin de ne pas organiser le « pillage des cerveaux » des pays en développement. Comme l'a écrit le Président de la République dans la lettre de mission adressée à Brice Hortefeux, alors ministre de l'immigration : « Une politique d'immigration choisie tient compte des intérêts des pays d'origine autant que des pays d'accueil. » Les titulaires de diplômes français doivent donc respecter, comme les autres ressortissants extracommunautaires, les règles en matière d'entrée et de séjour des étrangers. Pour faciliter l'accès aux professions libérales réglementées, nous devons inscrire cette démarche dans une politique d'immigration d'ensemble après évaluation de nos besoins de main-d'oeuvre, en concertation avec les pays d'émigration -notamment, pour les pays de la zone de solidarité prioritaire, dans le cadre de la gestion concertée des flux migratoires dont le ministre de l'immigration, Eric Besson, a la responsabilité.
Le Gouvernement approuve l'intention générale de cette proposition, pour laquelle les études d'impact manquent, une concertation approfondie devant être menée avec les organisations professionnelles et ordinales. Toutefois, ce texte ne modifie pas les règles applicables aux ressortissants extracommunautaires en matière d'entrée et de séjour sur le territoire ni les conditions de délivrance et de renouvellement des titres de séjour et des autorisations de travail, non plus que les exigences de qualification professionnelle, essentielles pour maintenir un haut niveau de compétence dans les professions concernées.
Dès lors, ayant rappelé la nécessité d'une étude d'impact plus approfondie sur le sujet, le Gouvernement, qui n'est pas hostile à cette initiative, s'en remet à la sagesse de la Haute assemblée. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes)
Mme Éliane Assassi. - Une remarque liminaire. A l'occasion de la journée d'initiative parlementaire, lorsqu'un texte est déposé par un membre de la majorité sénatoriale, le rapporteur nommé en commission est du même bord politique. Lorsque l'auteur de la proposition est socialiste, le rapporteur est également du groupe socialiste. Finalement, il n'y a que lorsqu'un membre du groupe CRC-SPG dépose une proposition de loi, que le rapporteur nommé est d'une autre sensibilité politique et, de préférence, issu de la majorité sénatoriale de droite. Je pense ici à ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin qui a déposé une proposition de loi tendant à abroger le service minimum d'accueil dans les écoles maternelles et primaires : pour ce texte, point de rapporteur CRC-SPG, point d'auditions, et au final point de discussion des articles. Il y a vraiment deux poids, deux mesures. Où est donc la prétendue revalorisation du rôle du Parlement et, surtout, où est le renforcement des droits de la minorité parlementaire ?
On nous propose de supprimer la condition de nationalité pour l'exercice de certaines professions libérales ou privées, réglementées : médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, vétérinaire, architecte, géomètre expert, expert-comptable. Les avocats et les interprètes ont été retirés du texte et Mme Khiari a proposé dans un amendement d'en rester au droit en vigueur pour les pharmaciens.
L'objectif est louable. A diplôme égal, les étrangers non communautaires devraient pouvoir exercer dans les mêmes conditions que les ressortissants communautaires qui ont, eux, accès aux professions réglementées et à la fonction publique non régalienne. Près de sept millions d'emplois leur sont interdits et, au total, 30 % de l'ensemble des emplois sont partiellement ou totalement interdits aux étrangers. Cela concerne, dans le secteur privé, environ 50 professions plus ou moins fermées aux étrangers. Mais la plupart des emplois fermés -5,2 millions- se situent dans la fonction publique non régalienne -étatique, hospitalière et territoriale.
La condition de nationalité dans l'accès au travail n'est pas sans effet sur l'intégration des étrangers. Ces discriminations légales, en se propageant dans toute la société, finissent par entraîner des discriminations illégales. En instituant ces discriminations entre Français et étrangers, entre communautaires et non communautaires, voire entre communautaires eux-mêmes -je pense aux Bulgares et aux Roumains-, le droit entretient l'idée qu'il serait normal d'opérer des discriminations envers les étrangers, notamment extracommunautaires. La condition de nationalité explique que les étrangers restent cantonnés dans certains emplois et totalement absents de certains autres. Le Parti communiste revendique de longue date l'ouverture des emplois fermés aux étrangers non communautaires, dans le secteur privé et public. Il l'a rappelé en 2001 en cosignant une lettre ouverte en ce sens.
La décision d'interdire certaines professions aux étrangers a souvent été prise sous la pression des événements, à des moments troubles de notre passé, lors de guerres, de crises, ou de poussées xénophobes. Ces interdictions, également motivées par la volonté de protéger les nationaux d'une concurrence considérée comme déloyale, n'ont jamais été remises en cause sauf pour les ressortissants de l'Union européenne, sous la pression du droit communautaire. Le présent texte amorce donc une ouverture de certaines professions aux extracommunautaires munis de diplômes nationaux mais il faut veiller à ce que cela n'entraîne pas une fuite des talents de certains pays moins développés, à ce que cela ne renforce pas l'immigration « choisie » prônée par le Gouvernement et, enfin, à ce que cela ne débouche pas ultérieurement sur l'institution de quotas d'étrangers dans chaque profession, en fonction des besoins de l'économie française. Car la donne a changé, notamment depuis 2003, les différentes lois sur l'immigration ayant institué une immigration « choisie ». A cette vision purement économique de l'étranger, réduit à n'être qu'une main-d'oeuvre flexible et bon marché, il est temps d'opposer une approche plus respectueuse des droits et de l'égalité de traitement.
La fonction publique non régalienne n'est pas concernée par le présent texte. Nous proposons donc un amendement donnant aux étrangers non communautaires la possibilité de concourir aux emplois de l'une des trois fonctions publiques, comme peuvent le faire les étrangers communautaires depuis 1991. Quoiqu'il en soit, le groupe CRC votera cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)
Mme Françoise Laborde. - La non-discrimination entre travailleurs en raison de la nationalité, de la race, du sexe, de l'appartenance religieuse ou syndicale est un principe à valeur constitutionnelle. Le Préambule de la Constitution de 1946 l'affirme clairement en gravant dans le marbre le principe de non-discrimination entre individus ainsi que le droit de chacun à obtenir un emploi. En outre, nombre d'engagements internationaux pris par la France imposent un strict respect de ces principes. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme de 1950 ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en 1966 sous l'égide de l'ONU et en vigueur en France depuis 1981, obligent les États signataires à reconnaître les droits et libertés qu'ils consacrent à tout individu et ce sans discrimination entre nationaux et étrangers, européens ou non.
Dès lors, on peut s'interroger sur les fondements des restrictions législatives et réglementaires à nombre d'emplois publics ou privés. En 1999, le rapport intitulé « Les emplois du secteur privé fermés aux étrangers » a recensé les professions dont l'accès est limité par une condition de nationalité ou de diplôme ainsi que les motifs de ces restrictions. Près d'une cinquantaine de professions font l'objet de restrictions liées à la nationalité et près d'une trentaine requièrent un diplôme français. Au total plus d'un million d'emplois seraient concernés. II est donc grand temps que l'État s'engage contre les discriminations et pour l'ouverture du marché du travail. C'est ce que ce texte nous propose et la majorité de notre groupe le votera.
La commission des lois a été plus sensible aux observations des avocats qu'à celles des pharmaciens pour ne pas « désarmer unilatéralement » notre législation dans un contexte de concurrence internationale exacerbée ; nous ne sommes pas convaincus par cette argumentation qui pourrait être reprise par les architectes et d'autres. Une partie de l'honorable profession des avocats fut davantage désarmée par la réforme de la carte judiciaire et le pôle d'instruction...
Cette proposition de loi est un progrès incontestable non seulement à cause des grands principes que j'ai rappelés, mais aussi parce qu'il est utile d'attirer des professionnels compétents ; l'importation de matière grise ne creuse pas le déficit commercial, bien au contraire. Nous regrettons à juste titre l'exportation de nombre de nos chercheurs et nous pouvons comprendre l'inquiétude des pays en voie de développement dont les étudiants émigrent.
La question essentielle c'est la condition de diplôme et de formation, la reconnaissance de véritables qualifications professionnelles sans discrimination entre nationaux et étrangers, y compris extra-européens. Cette proposition de loi ne remet pas en cause les conditions de diplôme ni les procédures d'autorisation d'exercice. II convient d'éviter certains écueils comme, par exemple, le contournement des dispositions relatives au numerus clausus. Celui-ci est déjà battu en brèche par des Français effectuant leurs études dans d'autres pays de l'Union européenne et par les ressortissants communautaires pouvant s'installer librement en France avec un diplôme leur permettant d'exercer dans leur pays. Le problème est celui de l'adéquation de nos dispositifs de numerus clausus à l'évolution des professions concernées. S'il est bon de supprimer les conditions de nationalité, il l'est aussi de ne pas placer l'étudiant français en situation plus difficile que son collègue étranger ; même si les voyages forment la jeunesse, tous n'ont pas les moyens d'aller contourner le numerus clausus à l'étranger !
II faut aussi constater l'hypocrisie du système mis en place dans nos hôpitaux où plus de 6 000 professionnels travaillent avec un diplôme non européen, sous la responsabilité d'un médecin habilité à exercer la médecine en France. Le besoin a créé la dérogation, le pragmatisme rime souvent avec la géométrie juridique variable. Ainsi, la grande majorité des emplois interdits aux étrangers sont situés dans le secteur public, alors que celui-ci, contournant la règle, recrute en tant que contractuels, voire d'auxiliaires, des étrangers non communautaires. Il faut mettre fin à cette hypocrisie.
C'est pourquoi notre groupe, dans sa majorité, votera cette proposition de loi en espérant qu'elle ne sera qu'une étape vers des dispositions législatives posant une règle générale et limitant précisément les exceptions à l'exercice d'une profession privée ou publique.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - II aura fallu attendre l'année 2009, et l'initiative de notre collègue Bariza Khiari, pour mettre un terme à une injustice, héritée des plus sombres pages de notre histoire. Rien ne justifiait de telles restrictions, et pourtant, elles ont été maintenues jusqu'aujourd'hui...Je salue donc cette initiative dont j'espère qu'elle sera un pas supplémentaire vers la suppression totale de toutes les restrictions aux droits des étrangers, établis régulièrement en France. Je pense à la reconnaissance des droits liés à la résidence, et notamment au droit de vote et d'éligibilité aux élections locales et professionnelles.
Il reste bien des efforts à accomplir pour garantir ces droits et rendre effectif l'accès des non nationaux à ces professions ; car au-delà du droit, ce sont les mentalités qu'il faut plier à l'impératif de justice sociale et d'égalité. Je salue le travail de la Halde, qui non seulement aide concrètement les victimes de discriminations, à l'embauche ou dans l'exercice de leur profession, mais rend également le phénomène visible.
Cette proposition de loi n'effacera pas les mauvais réflexes, qui trouveront toujours à s'exprimer lors d'un entretien d'embauche. Quels que soient les diplômes et les compétences, le délit de faciès demeure et aucune loi ne pourra en venir à bout. J'espère que la Halde pourra amplifier l'effet de la loi et contribuer, avec ses maigres moyens, à accompagner le mouvement général d'éradication des discriminations dans le monde du travail.
Je déplore que toutes les professions ne jouent pas le jeu et que certaines -pharmaciens, médecins, avocats- revendiquent le droit d'exclure les étrangers. La loi aurait dû refuser d'entrer dans le jeu des corporatismes et supprimer sans demi-mesure toutes les barrières à l'emploi.
Un autre chantier nous attend, le droit des étudiants étrangers, qui ne relève pas de la présente proposition de loi. Les étudiants étrangers, une fois diplômés, n'auront pas, lorsqu'ils chercheront un emploi, un statut de salarié. La loi doit ménager une transition, un intérim entre les deux statuts, pour ces jeunes qui réussissent leurs études au prix de sacrifices majeurs. S'ils ne trouvent pas immédiatement un emploi correspondant à leurs qualifications, ils ne pourront pas rester sur le territoire français. Le libre accès aux professions réglementées serait alors un voeu pieux. Les préfectures devront donc faire preuve d'une bienveillance particulière.
La politique de l'immigration choisie a été mise en place par ce Gouvernement. Les étudiants étrangers ont souvent pu venir grâce à une bourse d'études. Or le pillage des ressources intellectuelles des pays d'origine trouvera à s'appliquer dans les professions visées par la proposition de loi. Il faudra donc inventer des mécanismes de compensation visant à solder la dette intellectuelle et humaine que nous aurons à l'égard de ces pays. Je songe aux coopérations bilatérales scientifiques, juridiques, culturelles. Pourquoi ne pas envisager des visas d'aller et retour permanent, afin que ces échanges ne connaissent aucune entrave ?
Mme Nathalie Goulet. - Bien !
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Dans le monde du travail, pour les étrangers, un plafond de verre demeure. Nous nous devons de le percer. La proposition de loi est une première étape, dont je remercie notre collègue. A présent, il faut aller encore plus loin.
Mme Nathalie Goulet. - Très bien !
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Article premier
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa (2°) de l'article L. 4111-1 est supprimé ;
2° Au premier alinéa du I bis de l'article L. 4111-2, après les mots : « titulaires d'un titre de formation obtenu dans l'un de ces États » sont insérés les mots : «, autre que ceux définis aux articles L. 4131-1, L. 4141-3 ou L. 4151-5 mais permettant d'y exercer légalement la profession concernée, » ;
3° Au quatrième alinéa (2°) de l'article L. 4131-1, les mots : «, si l'intéressé est ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
4° Au cinquième alinéa du même article, les mots : « l'un de ces États » sont remplacés par les mots : « un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » ;
5° Au premier alinéa de l'article L. 4131-2, les mots : « français ou ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, et » sont supprimés ;
6° L'article L. 4131-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-5.- Par dérogation aux dispositions du 1° de l'article L. 4111-1, dans la région de Guyane et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, le représentant de l'État peut autoriser, par arrêté, un médecin titulaire d'un diplôme de médecine, quel que soit le pays dans lequel ce diplôme a été obtenu, à exercer dans la région ou dans la collectivité territoriale. » ;
7° Au quatrième alinéa (3°) de l'article L. 4141-3, les mots : « si l'intéressé est ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
8° Au cinquième alinéa du même article, les mots : « l'un de ces États » sont remplacés par les mots : « un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » ;
9° Au premier alinéa de l'article L. 4141-4, les mots : « français ou ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
10° Au troisième alinéa (2°) de l'article L. 4151-5, les mots : «, si l'intéressé est ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
11° Au quatrième alinéa du même article, les mots : « l'un de ces États » sont remplacés par les mots : « un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » ;
12° Au premier alinéa du I de l'article L. 4151-6, les mots : « français ou ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
13° Le troisième alinéa (2°) de l'article L. 4221-1 est supprimé ;
14° Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 4221-10, les mots : « les personnes qui sont titulaires d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné aux articles L. 4221-2 à L. 4221-8, mais qui ne justifient pas de l'une des nationalités mentionnées à l'article L. 4221-1, ainsi que » sont supprimés.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 4111-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les médecins, sages-femmes, et chirurgiens dentistes titulaires d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné aux articles L. 4131-1, L. 4141-3 ou L. 4151-5 ayant effectué la totalité du cursus en France et obtenu leur diplôme, certificat et titre en France peuvent exercer dans les mêmes conditions, suivant les mêmes règles et dispositions, que les praticiens dont les nationalités relèvent du 2° du présent article. »
Mme Bariza Khiari. - La situation est préoccupante pour la santé publique en France : nous connaissons tous les pénuries de médecins, les subventions offertes par les communes pour attirer un praticien.
C'est donc une mesure de bon sens que d'ouvrir plus largement l'accès à la profession. Mais il faut traiter les problèmes séparément. Une procédure allégée pour l'installation des praticiens est envisagée, rendez-vous est pris lors de la discussion du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoire ». Quant aux pharmaciens, il existe des mesures de réciprocité, qui ne sont pas totalement satisfaisantes mais représentent un point d'équilibre. L'objet de la proposition de loi est d'ouvrir l'accès des professions aux étrangers titulaires du diplôme français. La rédaction est consensuelle. Restons-en là. Ne déstabilisons pas l'équilibre démographique actuel dans la profession médicale.
M. Charles Gautier, rapporteur. - L'amendement n°2 sauvegarde la philosophie générale du texte. Un consensus a été trouvé, autour d'un principe d'équité. Ceux qui sont aujourd'hui en formation apprécieront d'avoir accès au travail à temps partiel à l'hôpital, comme leurs condisciples. Et les praticiens hospitaliers, qui nous parlent tous de cette disparité, y verront la principale avancée de la proposition. Avis très favorable.
présidence de M. Roger Romani,vice-président
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - La Chambre nationale des chirurgiens-dentistes accepte cette mesure d'ouverture pour les étrangers qui ont effectué tout leur cursus en France et ont obtenu le diplôme français. La situation des pharmaciens est inchangée. Le Gouvernement est sensible au souci de traiter pareillement les ressortissants communautaires et les non-communautaires qui ont un diplôme français. Sagesse positive.
M. Gilbert Barbier. - Je m'interroge sur les modalités d'exercice de la profession de médecin libéral. Les contrats hospitaliers ne sont pas satisfaisants, on peut parler d'exploitation de salariés par les directeurs d'hôpitaux. Mais le problème est tout différent pour ceux qui veulent apposer leur plaque et exercer en libéral. Je trouve que l'on passe bien rapidement sur le phénomène d'aspiration des compétences de pays en développement, lesquels manquent cruellement de médecins. Et que signifie de placer le praticien hospitalier étranger sous l'autorité d'un médecin titulaire ? Qui assumera la responsabilité ? Je m'abstiendrai !
Mme Nathalie Goulet. - L'enfer est pavé de bonnes intentions et le diable se loge dans les détails, dit-on. L'auteur de l'amendement a bien fait de ramener les choses à leur juste proportion, sans faire de lien avec la démographie médicale. Nous savons tous que les médecins étrangers ne s'installent pas en zones rurales.
Certes, la rédaction de cet amendement n'est pas parfaite, mais je le voterai car il ne dénature pas l'esprit du texte et la navette permettra de l'améliorer.
M. Paul Blanc. - Je partage les arguments de M. Barbier.
Tout d'abord, les étudiants étrangers bénéficient d'un numerus clausus particulier à l'intérieur du numerus clausus général. S'ils peuvent s'installer comme médecins en France, la règle commune doit s'appliquer : il faudra donc supprimer leur décompte particulier et les inclure dans le numerus clausus global.
En second lieu, il est bien évident que ces étudiants vont s'installer en ville : cela m'étonnerait beaucoup qu'ils veuillent s'établir en Lozère ou dans les zones de montagne.
Enfin, ce problème doit être examiné dans son ensemble : la plupart de nos hôpitaux fonctionnent certes grâce aux internes étrangers...
Mme Éliane Assassi. - Alors, il faut les payer !
M. Paul Blanc. - ... mais on ne peut régler cette question sans aborder celle de la démographie médicale. Il faut d'ailleurs déterminer avec précision quelles sont les zones sous-médicalisées. Nous avons d'ailleurs voté un certain nombre de mesures pour inciter les médecins à s'y installer.
Je voterai donc contre cet amendement et je m'abstiendrai sur l'ensemble du texte.
L'amendement n°2 est adopté et devient l'article premier.
Article 2
Le code rural est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa de l'article L. 241-1, les mots : « de nationalité française ou ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
2° Dans le cinquième alinéa du même article, les mots : « de nationalité française ou ressortissantes d'un autre État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
3° Le premier alinéa de l'article L. 241-2 est ainsi rédigé :
« Les personnes souhaitant exercer en France la profession de vétérinaire doivent être titulaires : ».
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Guené, Bizet et Dulait.
Rédiger comme suit cet article :
Le chapitre Ier du titre IV du livre II du code rural est ainsi modifié :
1° L'article L. 241-1 est ainsi modifié :
a) au début du cinquième alinéa, les mots : « Dans la limite d'un quota annuel fixé par décret en Conseil d'État » sont supprimés ;
b) le dernier alinéa est complété par les mots : « et doivent faire la preuve qu'elles possèdent les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession » ;
2° Après l'article L. 241-2, il est inséré un article L. 241-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-2-1. - I. - Pour l'application des articles L. 241-1 et L. 241-2, est assimilé aux ressortissants des États membres de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen :
« - tout ressortissant d'un État ou d'une entité infra-étatique qui accorde aux Français la faculté d'exercer sous les mêmes conditions l'activité professionnelle que l'intéressé se propose lui-même d'exercer en France ;
« - toute personne ayant la qualité de réfugié ou d'apatride reconnue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
« II. - Les vétérinaires titulaires d'un titre de formation non mentionné à l'article L. 241-2 délivré par un État ou une entité mentionné au I et permettant l'exercice dans cet État ou cette entité, peuvent être autorisés à exercer leur profession en France, par le ministre chargé de l'agriculture, sans la vérification de connaissances mentionnée à l'article L. 241-1, si des arrangements de reconnaissance des qualifications professionnelles ont été conclus à cet effet et si leurs qualifications professionnelles sont reconnues comparables à celles requises en France pour l'exercice de la profession, dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l'agriculture.
« Le Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires peut conclure de tels arrangements dans le cadre d'une coopération développée avec ses homologues étrangers. »
M. Jean Bizet. - Il convient de permettre aux ressortissants étrangers d'exercer la profession vétérinaire en France dans la mesure où leur pays accorde les mêmes droits d'exercice aux ressortissants français. Ces ressortissants restent soumis aux conditions de reconnaissance des qualifications professionnelles prévues dans la loi.
L'exercice de la profession vétérinaire en France ne pourra se concrétiser que si la qualification professionnelle des ressortissants étrangers est reconnue comparable à celle requise en France par arrêté du ministre de l'agriculture. Le Conseil supérieur de l'ordre devra être associé à cette reconnaissance de qualification professionnelle.
Parallèlement, la transposition de la directive « services », qui doit être effectuée d'ici décembre, concerne les ressortissants communautaires. Ses articles 22 à 27 et l'article 37 encouragent une haute qualité des diplômes et des services. Notre pays ne doit en effet pas abaisser le niveau de qualification des prestations dispensées sur son territoire.
M. Charles Gautier, rapporteur. - Cet amendement permet l'exercice de la profession vétérinaire aux ressortissants extracommunautaires, sous réserve de réciprocité. En second lieu, afin de maintenir une égalité de traitement entre les communautaires et les extracommunautaires, il prévoit que les professionnels devront faire preuve des connaissances linguistiques suffisantes à l'exercice de la profession. Ensuite il supprime le quota actuel. Enfin, il ouvre une nouvelle voie d'accès pour les vétérinaires titulaires d'un diplôme extracommunautaire qui pourront exercer après autorisation du ministre si un arrangement de reconnaissance des qualifications professionnelles a été préalablement conclu entre l'Ordre de ce pays et le nôtre.
Cet amendement va moins loin que le texte de la commission, même si, sur certains points, il propose des avancées intéressantes. Comme il marque une amélioration de la situation par rapport au droit existant, l'avis est favorable.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - La profession de vétérinaire concourt à la préservation de la santé publique. La modification du droit applicable à cette profession doit donc respecter cet impératif et maintenir un haut niveau de qualification.
La suppression de la condition de nationalité n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact approfondie. C'est pourquoi je suis favorable à ce que la condition de réciprocité soit retenue. De plus, il est essentiel d'exiger des ressortissants extracommunautaires une maîtrise suffisante de notre langue.
Mme Nathalie Goulet. - Pour les animaux ? (Sourires)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Non, pour les vétérinaires ! Les autres ajouts proposés me paraissent également utiles. L'avis est donc favorable.
M. Pierre Bordier. - Il y a moins de deux mois, notre collègue Charles Guené a remis un rapport au Premier ministre sur la profession vétérinaire et son avenir. Ce rapport aborde tous les aspects de la profession. Dans ces conditions, est-il utile aujourd'hui de traiter un seul de ces aspects alors qu'il nous faudrait avoir une vision beaucoup plus large ?
Il a beaucoup été question de numerus clausus : en 2006, on a compté 744 nouveaux vétérinaires installés dont 310, soit 41 %, ont obtenu leur diplôme hors de France. Ces chiffres sont éloquents.
Je ne voterai donc pas cet amendement.
L'amendement n°1 rectifié est adopté et devient l'article 2.
M. le président. - Mes chers collègues, je vais suspendre la séance. (On le conteste sur les bancs de la commission et du Gouvernement) Le premier texte devait durer une heure et il nous a fallu trois heures pour le voter. Je veux bien continuer avec celui-ci, mais que l'on ne vienne pas me reprocher une suspension tardive si la défense des amendements restants s'avère trop lente.
Article 3
La loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture est ainsi modifiée :
1° Dans le premier alinéa de l'article 10, les mots : « de nationalité française ou ressortissantes d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont supprimés ;
2° L'article 11 est ainsi rédigé :
« Art. 11. - Un décret précise les conditions dans lesquelles un architecte ressortissant d'un État n'appartenant pas à la Communauté européenne ou à l'Espace économique européen peut, sans être inscrit à un tableau régional, être autorisé à réaliser en France un projet déterminé. »
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après le 1° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Au cinquième alinéa (3°) du même article, les mots : « ne bénéficie pas des diplômes, certificats et autres titres » sont remplacés par les mots : « est titulaire de diplômes, certificats et autres titres délivrés par un État membre de la Communauté européenne ou un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen autres que ceux » ;
Mme Bariza Khiari. - Sans revenir sur la suppression de la condition de nationalité, nous proposons de remédier à certaines difficultés techniques.
Il convient en effet de maintenir une procédure spécifique pour les personnes physiques titulaires d'un diplôme délivré dans l'Union européenne mais ne bénéficiant pas automatiquement de la reconnaissance des qualifications professionnelles telle que le prévoit la directive de 2005 sur la reconnaissance des qualifications professionnelles.
Afin de bien transposer cette directive, il faut conserver une procédure distincte pour les diplômes communautaires susceptibles d'être reconnus. Cela n'empêche pas, et c'est d'ailleurs l'objet de l'amendement suivant, de prévoir une procédure distincte pour les personnes physiques titulaires d'un diplôme extracommunautaires non reconnu a priori.
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Au début du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 11 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture, ajouter un alinéa ainsi rédigé :
« Selon une procédure fixée par décret, les personnes physiques ressortissantes des États non membres de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'Espace économique européen sont inscrites, sur leur demande, à un tableau régional sous les mêmes conditions de diplôme, certificat, titre d'architecture ou de qualification, de jouissance des droits civils et de moralité que les Français, lorsqu'elles ne remplissent pas les conditions de diplômes, de qualification et d'expérience professionnelles visées à l'article 10.
Mme Bariza Khiari. - Il est défendu.
M. Charles Gautier, rapporteur. - Avis favorable. Les architectes sont la profession qui a été la plus demandeuse de cette réforme.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°3 est adopté.
L'amendement n°4 est adopté.
L'article 3, amendé, est adopté.
Article 4
La loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l'ordre des géomètres-experts est ainsi modifiée :
1° Le quatrième alinéa (1°) de l'article 3 est supprimé ;
2° Au sixième alinéa (2°) du même article, les mots : « Pour les ressortissants de la Communauté européenne dont l'État membre d'origine ou de provenance n'est pas la France et pour les ressortissants d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont remplacés par les mots : « Pour les ressortissants étrangers dont l'État d'origine ou de provenance n'est pas la France » ;
3° Dans la deuxième et la troisième phrases du même alinéa, les mots : « l'État membre » et « les États membres » sont remplacés respectivement par les mots : « l'État » et « les États » ;
4° Au deuxième alinéa de l'article 4, les mots : « aux ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont remplacés par les mots : « aux ressortissants étrangers ».
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Remplacer le deuxième alinéa (1°) de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
1° Le quatrième alinéa (1°) de l'article 3 est ainsi rédigé :
« 1° Pour les personnes physiques n'étant pas de nationalité française, posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession en France ; » ;
Mme Bariza Khiari. - L'ordonnance du 30 mai 2008 qui transpose la directive de 2005 sur la reconnaissance des qualifications professionnelles pose la même condition pour les ressortissants communautaires. Cet amendement maintient l'égalité de traitement entre communautaire et extracommunautaire sur ce point.
Accepté par la commission et le Gouvernement, l'amendement n°5 est adopté.
L'article 4, amendé, est adopté.
Article 5
L'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa (1°) du II de l'article 3 est supprimé ;
2° Au premier alinéa de l'article 27, les mots : « soit du diplôme français d'expertise comptable, soit d'un diplôme jugé de même niveau » sont remplacés par les mots : « d'un diplôme jugé de même niveau que le diplôme français d'expertise comptable » ;
3° Au deuxième alinéa du même article, les mots : « après avis du conseil supérieur de l'ordre, par décision du ministre chargé de l'économie en accord avec le ministre des affaires étrangères » sont remplacés par les mots : « par décision du conseil supérieur de l'ordre ».
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer le 3° de cet article.
Mme Bariza Khiari. - Cet amendement maintient la procédure existante pour autoriser à exercer les ressortissants extracommunautaires titulaires d'un diplôme non français.
Pour réduire les délais, la proposition de loi accordait au conseil de l'ordre un pouvoir de décision et non plus un simple avis. Mais cette simplification de la procédure se heurte à quelques obstacles. En l'état actuel du droit, ce n'est pas le Conseil supérieur de l'ordre qui apprécie la qualité du diplôme et le besoin éventuel d'un examen d'aptitude pour les ressortissants communautaires, c'est une commission consultative paritaire.
Instaurer une procédure différente pour les communautaires et les non communautaires serait contraire à l'objectif de la proposition de loi.
M. Charles Gautier, rapporteur. - Favorable.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°6 est adopté.
L'article 5, amendé, est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de la première phrase du premier alinéa de l'article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots : « Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France » sont remplacés par les mots : « Les ressortissants des États membres de l'Union européenne autres que la France, les ressortissants des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France, ou les ressortissants des autres États établis régulièrement en France. »
Mme Éliane Assassi. - Loin de remettre en cause le statut de la fonction publique, nous voulons ouvrir ses concours aux personnes qui ont été autorisées à résider sur notre sol et à y travailler. Il est uniquement question ici des missions non régaliennes de l'État. On éviterait ainsi les discriminations qui existent actuellement entre Européens et non Européens, dans l'accès aux concours de la fonction publique.
Si l'accès au statut de fonctionnaire est refusé aux étrangers, ceux-ci sont souvent recrutés pour les mêmes tâches comme auxiliaires ou contractuels, dans des emplois moins bien payés et plus précaires. Je pense aux étrangers recrutés comme maîtres auxiliaires de l'éducation nationale ou aux médecins étrangers qui comblent la pénurie de médecins français dans certains services des hôpitaux.
La commission m'a demandé ce matin de retirer cet amendement. Je consens à le faire pour une seule raison : parce que cette grande question mérite un débat d'une tout autre ampleur qu'un amendement. Les refus actuellement opposés sont purement idéologiques.
L'amendement n°7 est retiré ainsi que l'amendement n°8.
Vote sur l'ensemble
M. le président. - Nous allons procéder au vote sur l'ensemble de ce texte.
Mme Nathalie Goulet. - Il ne m'inspire qu'un regret : celui de ne pas y avoir pensé avant ! Je ne suis pas surprise que ce soit la marraine de l'opération « Talents des cités » qui nous ait proposé ce texte frappé au coin du bon sens.
Lors de la loi de modernisation de l'économie, nous avons eu un long débat, qui n'a hélas pas réglé la question, sur la facilitation des conditions d'entrée et de séjour des étrangers. Il faudra pourtant s'en préoccuper si nous voulons inciter un grand nombre d'étudiants à venir dans nos universités.
Mon groupe votera avec enthousiasme ce texte qui, par exception, aurait mérité d'être frappé de l'urgence, car il devrait entrer dans les faits dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur divers bancs)
Mme Bariza Khiari. - L'insertion est à double sens : pour qu'un individu s'intègre facilement, une société doit lui en donner les moyens et non fermer ses portes. Aujourd'hui, nous tendons une main vers ceux que l'on a souvent rejetés. La République a le courage de ses idéaux en permettant à ceux qui sont exclus de redresser la tête au nom du mérite personnel.
Ce texte représente une avancée réelle vers une meilleure insertion des populations étrangères, conformément à nos valeurs et à nos principes. Le Sénat répond favorablement à la demande de tant d'associations, d'hommes et de femmes victimes d'un système injuste et scandaleux. En ces temps où les étrangers sont malmenés dans divers pays européens, où le thème de la préférence nationale refait surface, la France rappelle des textes fondateurs du vivre-ensemble, de cette Nation que Renan définissait comme le « plébiscite quotidien ».
Nous ne pouvions ignorer plus longtemps les appels à l'égalité de traitement venus de populations vivant sur notre sol et fréquentant nos écoles. Le traitement qui leur était fait encourageait les discriminations et marginalisait encore davantage les populations issues de l'immigration. Ces jeunes des cités, bien que Français, pensent souvent que les emplois publics leur sont interdits. Leurs représentations mentales sont malmenées par le traitement réservé aux étrangers dont ils se sentent proches. Aujourd'hui, la République passe aux actes et leur envoie un message clair : nous sommes prêts vous intégrer.
C'est pourquoi j'attache du prix à l'unanimité des groupes sur cette proposition de loi dont j'attends que, dans le cadre du partage de l'ordre du jour, elle suive son cours. (Applaudissements à gauche et au centre)
Mme Gisèle Gautier. - Il existe de nombreuses professions dont l'accès est difficile, voire impossible, aux étrangers. Près de sept millions d'emplois leur seraient interdits partiellement ou totalement, la plupart se trouvent dans la fonction publique mais aussi dans une cinquantaine de professions du secteur privé. La commission des lois a estimé qu'il convenait d'appliquer le principe selon lequel à diplôme égal, un étranger non communautaire doit pouvoir exercer certaines professions libérales ou privées dans les mêmes conditions que les ressortissants français ou communautaires.
Cette proposition de loi ne vise donc qu'à reconnaître à un étranger titulaire d'un diplôme français le droit d'exercer en France, au même titre qu'un Français. Elle ne modifie aucunement les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, non plus que les conditions de diplôme et de qualification. La commission des lois a estimé nécessaire de maintenir une condition de réciprocité pour les avocats compte tenu de la forte concurrence internationale dans ce secteur.
Le groupe UMP votera ce texte.
Mme Nathalie Goulet. - Bravo !
Les conclusions de la commission, modifiées, sont adoptées.
La séance est suspendue à 19 h 45.
présidence de M. Roger Romani,vice-président
La séance reprend à 21 h 55.