Médias
M. le président. - Le Sénat va maintenant examiner les crédits relatifs à la mission « Médias » et le compte spécial « Avances à l'audiovisuel public », ainsi que les articles 86 à 88.
Rappel au Règlement
M. Jack Ralite. - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 36, alinéa 3. Je regrette vivement que le débat sur le budget des médias, alors que l'Assemblée nationale s'occupe du projet de loi sur l'audiovisuel, s'engage à une heure si tardive.
M. le président. - Je partage votre avis.
M. Jack Ralite. - Mais venons-en au fait. Le 8 janvier 2008, le Président de la République faisait un coup d'éclat en annonçant la suppression de la publicité sur la télévision publique ; le 25 juin 2008, le Président de la République faisait un coup d'État en se réservant la nomination et la révocation du président de la télévision publique ; le 4 décembre 2008, le Président de la République fait un coup de force en annonçant, par ministre de la culture interposée, sa décision de supprimer par décret la publicité à la télévision publique ! Quelle violente sortie du cadre parlementaire, qui autorise pourtant le recours à l'article 49-3 ; quelle utilisation méprisante de la télévision pour faire avancer son désir d'être souverain éducateur ; quelle non-application de la Constitution, qui prévoit le recours à la loi pour les médias !
Coup après coup, le Président de la République fait cheminer sa volonté farouche de concentrer tous les pouvoirs, quitte à fouler le principe démocratique de leur séparation. C'est du despotisme démocratique ! Comme l'écrivait Tocqueville, ce grand libéral, le Président de la République « se fabrique peu à peu un pouvoir immense et tutélaire, absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Le souverain étend ses bras sur la société tout entière. Il ne brise pas les volontés, il les amollit, les plie et les dirige ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint ». Cette global-manipulation arrogante et arbitraire vise à encager les libertés et blesse chaque jour l'une d'entre elles. Le Président de la République, qui veut être le grand éducateur, ne nous trouvera pas obéissants : soyons des mutins éclairés de la République !
M. le président. - Je vous donne acte de votre rappel au Règlement... qui était loin d'en être un !
Orateurs inscrits
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en remplacement de M. Claude Belot, rapporteur spécial. - M. Ralite a exprimé son étonnement mais cette discussion vient ce soir parce qu'en deux semaines de débat, nous avons pris un peu de retard, notamment en raison des interventions des différents groupes. Je souhaite en tout cas que l'examen du budget n'empiète pas trop sur la prochaine discussion de la loi sur la communication audiovisuelle qui viendra sans doute devant le Sénat début 2009. (Mme la ministre de la culture le confirme)
C'est en remplacement de M. Belot, empêché, que je présente les observations de la commission des finances. Les crédits de la politique publique de communication de l'État sont regroupés dans la mission « Médias » qui atteint 1 020 millions et dans le compte spécial « Avances à l'audiovisuel » qui s'élève à 3 milliards.
Je félicite M. Belot qui est à l'initiative du regroupement des crédits de l'audiovisuel extérieur en un seul programme.
Un nouveau programme est destiné à compenser la perte de ressources publicitaires à compter du 5 janvier 2009 à hauteur de 450 millions pour France Télévisions et de 23 millions pour Radio-France. Les conséquences financières de la réforme sont déjà lourdes : les revenus publicitaires de France Télévisions ont déjà baissé de 18,6 % en 2008.
La société holding Audiovisuel extérieur de la France, créée en avril 2008, regroupe France 24, RFI et TV5 Monde afin de développer les synergies. Il est à craindre que l'augmentation de 0,8 % ne permette de répondre ni aux projets de France 24, ni aux besoins de financement de RFI et de TV5 Monde.
Si les aides à la presse demeurent stables, les aides directes diminuent de 1,16 % dans l'attente des conclusions des États généraux de la presse et de leur éventuelle refonte.
Le comte spécial « Avances à l'audiovisuel » progresse de 3,7 % en raison du passage à la télévision numérique. Lancée en 2005, la TNT, qui couvrait 87 % de la population en juillet dernier, doit couvrir 95 % de la population métropolitaine d'ici 2011. Le paysage audiovisuel numérique se structure et compte dix-huit chaînes gratuites dont sept de service public. Jusqu'au 30 novembre 2011, le GIP France Télé numérique bénéficiera d'une part du produit de la redevance. Le financement du passage au numérique donne lieu à débat et nous regrettons que les dotations de 72 millions et de 131 millions, que vous avez annoncées le 26 septembre pour 2010 et 2011, ne soient pas inscrites.
France Télévisions est au coeur d'une triple réforme : disparition programmée de la publicité ; gouvernance ; transformation de l'industrie audiovisuelle. Ses crédits progressent de 2,7 % mais la société a enregistré un déficit de 100 millions et la dotation en capital de 150 millions, si elle a amélioré ses fonds propres, n'a pas eu d'impact sur son compte d'exploitation. Arte France, qui a réalisé des économies, reçoit une dotation en progression de 4 % afin de faire face à de nouveaux défis technologiques. Enfin, l'INA, qui bénéficie d'une hausse de 3,4 % comme en 2008, poursuivra sa mission de sauvegarde et de numérisation.
M. Belot avait souligné l'an dernier le dépassement des dépenses prévues pour la réhabilitation de la Maison de la radio. On évoque un dépassement supplémentaire en 2009 mais la simplification des éléments techniques et la négociation avec les entrepreneurs ont dégagé 70 millions d'économies.
La commission des finances recommande l'adoption de la mission, du compte spécial et des articles rattachés.
M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. - D'emblée, je me félicite, malgré le catastrophisme de certains, que le montant des crédits que l'État consacre aux médias sont plus élevés qu'ils ne l'ont jamais été : les pouvoirs publics sont conscients du défi majeur de la révolution numérique. Les chaînes de télévision devront mettre en place un média global, assurant la continuité des programmes de la télévision à internet, et investir lourdement pour la haute définition.
La mission mobilise 1 milliard de crédits de paiement dont 730 millions pour l'audiovisuel, et le compte d'avances à l'audiovisuel, alimenté par la redevance, atteindra 3 milliards, soit une progression de 3,7 %. Cette augmentation sera possible grâce à l'indexation de la redevance sur l'inflation, comme le recommandait notre commission. Le Gouvernement s'est rangé à cette option avec un peu d'avance puisque cette mesure sera discutée lors du projet de loi sur la communication audiovisuelle, début 2009. France Télévisions verra sa dotation augmenter de 53,3 millions, conformément à son ambitieux contrat d'objectifs et de moyens. Le nouveau programme « Contribution au financement de l'audiovisuel public » est doté de 450 millions pour compenser la perte de ressources publicitaires. La commission sur la nouvelle télévision publique a évalué cette compensation en tenant compte de la disparition totale de la publicité après 20 heures comme de ses effets sur les écrans diffusés plus tôt, de la décrue du marché publicitaire ainsi que de la modification du cadre règlementaire.
Prenant pour base les 800 millions de revenus publicitaires de France Télévisions en 2007, la commission Copé a fixé la compensation de l'État en déduisant de cette somme les 150 millions attendus des parrainages et de la publicité sur les antennes régionales et d'outre-mer ainsi que sur les nouveaux supports, et, d'autre part, 200 millions au titre des revenus publicitaires sur la publicité en journée. Cette dotation diminue très fortement le risque économique couru auparavant par France Télévisions, dont le chiffre d'affaires publicitaire pouvait être très fluctuant. Le budget de l'État permet à France Télévisions de disposer de perspectives financières à la fois solides et sécurisantes, qui lui permettront de soutenir la création à une hauteur suffisante. Il faudra cependant que la loi sur l'audiovisuel public prévoie une clause de revoyure avant la suppression totale de la publicité. Nous veillerons tous ensemble au respect des engagements financiers que l'État a pris avec les organismes de l'audiovisuel public.
La dotation de Radio France augmente de 3,7 % à 559,7 millions. Cela correspond à l'euro près aux engagements pris dans le contrat d'objectifs et de moyens. Radio France pourra ainsi financer le numérique et le multimédia. J'ai eu de bonnes nouvelles sur le coût de la réhabilitation de la Maison de Radio France ; pouvez-vous nous donner des précisions ?
Une dotation additionnelle de 23 millions est destinée à compenser un recentrage de la publicité de Radio France afin de la mettre en conformité avec le cahier des charges.
Arte bénéficie d'une hausse des crédits de 4 %, conforme au contrat d'objectifs et de moyens. Grâce à sa bonne gestion, la chaîne va pouvoir consacrer ces moyens à la diffusion en haute définition et sur la télévision mobile personnelle.
Les crédits de l'Institut national de l'audiovisuel s'accroissent de 3,4 % à 86 millions. Cette hausse des crédits, conforme au contrat d'objectifs et de moyens, financera la numérisation des fonds menacés de dégradation. Elle récompense à juste titre la pertinence de la politique menée par l'INA.
Des inquiétudes apparaissent sur la budgétisation des crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique, qui subventionne les radios associatives de proximité. Ces radios bénéficiaient en 2008 d'une taxe sur les recettes publicitaires des radios et télévisions à hauteur de 25 millions, qui aurait baissé en 2009. L'État a fait un effort budgétaire réel en dotant le nouveau programme « Soutien à l'expression radiophonique » de 26,5 millions en crédits de paiement. La difficulté majeure pour ces radios sera le passage au numérique en raison des coûts de la double diffusion. Une réflexion devra donc être menée sur le soutien à leur apporter. La commission des affaires culturelles sera très attentive aux crédits affectés à ce fonds car les radios associatives de proximité ont un rôle fédérateur très intéressant. Pouvez-vous nous éclairer sur les pistes que suit le ministère afin de soutenir leur passage au numérique ?
La holding Audiovisuel extérieur de la France a été créée le 4 avril 2008 afin de mettre en oeuvre la réforme de l'audiovisuel extérieur en regroupant Radio France Internationale, France 24 et TV5 Monde. Les crédits du programme 115 s'élèvent à 232 millions pour 2009, dont 1 million pour Médi 1, la radio franco-marocaine et ceux du programme 844 à 65,3 millions. L'audiovisuel extérieur serait ainsi doté de 297 millions, contre 296 en 2008. Cette hausse très légère est inférieure à la seule augmentation des crédits prévus pour France 24. La répartition des crédits qui sera opérée par la société de l'audiovisuel extérieur entre les trois chaînes sera donc extrêmement difficile. Il faut imaginer que les économies de structures annoncées permettront de dégager de nouveaux financements. Pouvez-vous nous donner des indications plus précises ?
La commission des affaires culturelles est hostile à l'utilisation de la redevance pour financer le groupement d'intérêt public France Télé Numérique. Le principe est acté pour 2009 mais, pour 2010, il faudra profiter de la création du compte d'affectation « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ».
Conformément à mes préconisations, la commission a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. - Dans un contexte particulièrement morose pour la presse écrite payante, le Président de la République a ouvert, le 2 octobre 2008, des états généraux de la presse qui doivent dégager des pistes de réflexion et des propositions de réforme. Dans l'attente de leurs conclusions, annoncées pour la fin du mois, le régime des aides à la presse est globalement reconduit dans ce projet de loi de finances.
Les aides directes à la presse s'élèveront à un peu plus de 173 millions en autorisations d'engagement. Cette diminution est légère mais elle a vocation à s'amplifier avec l'amendement que le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale en deuxième délibération.
Les aides au pluralisme se concentrent sur le soutien aux titres à faibles ressources publicitaires. Mais c'est toute la presse quotidienne payante qui est confrontée à des effets d'éviction publicitaire provoqués par la concurrence exercée par la presse gratuite, internet et la télévision. Favoriser les revenus publicitaires des télévisions commerciales renforcerait cet effet d'éviction publicitaire : la croissance quasi immédiate des recettes publicitaires des deux principales chaînes privées approcherait les 500 millions, soit le double des investissements dans la presse quotidienne nationale sur un an.
L'idée est parfois avancée d'abaisser les seuils de concentration pour permettre aux journaux de consolider leur assise financière. La France se caractérise déjà par une hyper concentration de ses groupes de presse. Des soupçons d'intrusion du pouvoir politique dans la sphère médiatique ont conduit le groupe socialiste à souhaiter la création d'une commission d'enquête.
Les aides à la modernisation du secteur de la presse ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. On continue de privilégier des ajustements par le bas, via le soutien à la cessation d'activité professionnelle, au détriment du soutien aux projets innovants.
Le montant accordé au fonds d'aide au développement des services en ligne des entreprises de presse, de l'ordre de 500 000 euros, est dérisoire au regard des investissements considérables et réguliers que requiert le développement de l'internet de presse. La majorité elle-même a manifesté son mécontentement à l'égard de l'insuffisance et du saupoudrage des aides au développement numérique de la presse, puisqu'un amendement qui se voulait d'appel a été adopté à ce sujet, avant que le Gouvernement revienne dessus en seconde délibération.
En dépit de mes réserves sur le manque d'ambition du programme « Presse » de la mission « Médias », la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption des crédits.
Quel avenir le Gouvernement réserve-t-il au statut de l'Agence France-Presse ? Je crains que soit remise en cause son indépendance rédactionnelle.
Où en est la réflexion sur la portabilité des droits d'auteur des journalistes entre différents supports ? Un avant-projet de loi serait en préparation. La sous-représentation des journalistes fait craindre qu'on ne puisse parvenir à un compromis acceptable. (Applaudissements à gauche)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Très bien !
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - La réforme de l'audiovisuel extérieur, lancée sous l'impulsion du Président de la République, s'est traduite par la création de la holding Audiovisuel extérieur de la France qui va regrouper les participations publiques dans les sociétés de l'audiovisuel extérieur, afin d'en améliorer la cohérence, la visibilité et l'efficacité. Avant de porter un jugement définitif sur cette réforme, il convient d'attendre qu'elle ait produit ses effets, d'ici un an par exemple. Dans l'attente de cette évaluation, il convient de donner leur chance aux dirigeants de cette holding pour réussir là où l'État a échoué.
Mais pour cela, il faut des moyens. A l'examen des financements prévus sur les trois ans à venir, j'avoue quelques inquiétudes. La dotation de l'audiovisuel extérieur est à peu près reconduite, à 298 millions d'euros ; somme proche de celle dont disposent ses homologues européens, à rapprocher toutefois de la dotation d'Arte, soit 300 millions... Les besoins sont estimés par les opérateurs à 322 millions -117 pour France 24, 72 pour TV5 Monde et 133 pour RFI- soit une différence de 25 millions. La répartition de la dotation entre eux risque d'être pour les dirigeants de la holding un véritable casse-tête. Je relève surtout que la subvention de l'État passera de 233 millions en 2009 à 218 en 2010 puis à 203 en 2011. Malgré les synergies et mutualisations logiquement attendues, la réforme sera compromise si, dans un contexte très concurrentiel et de développement des nouvelles technologies, les moyens venaient à diminuer trop fortement : je pense au basculement de l'analogique vers le numérique et aux coûts de structure, y compris sociaux, de la réforme elle-même.
Tout en étant consciente des contraintes budgétaires, la commission des affaires étrangères a adopté plusieurs amendements pour garantir un financement plus pérenne de l'audiovisuel extérieur, en augmentant la part de la redevance qui lui est allouée. Sous réserve de leur adoption, elle a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements à droite)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Les crédits de la mission « Médias » sont marqués par la réforme de l'audiovisuel public lancée par le Président de la République et que nous allons examiner prochainement au Sénat... un peu plus tard que prévu, heureusement pour la qualité de nos travaux. Le secteur audiovisuel connaît actuellement des bouleversements majeurs ; il doit évoluer, accompagner la généralisation de la télévision numérique, le développement de la télévision haute définition ou encore le décollage des télévisions locales ; il doit s'adapter à des modes de diffusion, internet, la télévision mobile, qui nécessitent des investissements lourds. Toutes évolutions que la commission des affaires culturelles a toujours souhaité accompagner.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. - C'est vrai !
Mme Catherine Morin-Desailly. - Ce nouveau paysage audiovisuel rend la réforme de l'audiovisuel public indispensable. France Télévisions doit inventer un modèle de développement nouveau, que la commission Copé a appelé le média global. Elle doit se transformer en entreprise unique et poursuivre sa modernisation, source de rationalisations et de synergies multiples. L'audiovisuel public doit pouvoir proposer une offre enrichie et diversifiée, déclinable sur l'ensemble des moyens de diffusion, mettre les contenus au coeur de son activité et recentrer les chaînes sur leur rôle éditorial.
Cela suppose qu'il dispose des moyens nécessaires. C'est là la question principale, au-delà des économies possibles et de la rationalisation des moyens, comme l'ont souligné la commission Copé et le rapport de M. Belot. Pour préserver un service public audiovisuel puissant, garant de la diversité et de l'expression démocratique, il faut lui garantir un financement pérenne et dynamique.
La forte croissance de la mission « Médias » est due à la création d'un programme « Contribution au financement de l'audiovisuel public » qui alloue 473 millions d'euros à France Télévisions et Radio France, somme qui doit permettre de compenser le manque à gagner dû à la suppression progressive de la publicité sur les chaînes publiques à partir du 5 janvier prochain. Ce chiffre correspond à l'estimation de la commission Copé, la perte des ressources publicitaires s'élevant à 650 millions en année pleine. La suppression de la publicité peut paradoxalement être une chance pour les chaînes du service public, parce que France Télévisions échange une recette aléatoire et en perte de vitesse -le marché publicitaire est dépressif et tiré vers les nouveaux médias- contre une recette garantie par l'État ; ensuite parce qu'elle échange une recette qui contraint la programmation contre une recette qui la libère. France Télévisions pourra oser des programmes novateurs et ambitieux, mieux affirmer l'identité des chaînes et leur différence avec les chaînes privées, renforcer ainsi la légitimité du service public : son financement public en sera d'autant plus justifié aux yeux de nos concitoyens. La condition est évidemment que l'État lui garantisse les ressources prévues dans le contrat d'objectifs et de moyens. L'autonomie financière sera une des garanties de l'autonomie du président de France Télévisions.
La mission « Médias » anticipe la réforme de l'audiovisuel public en prévoyant l'indexation de la redevance sur l'inflation, mesure que la commission des affaires culturelles et le groupe centriste réclament depuis des années. Le combat aura été long et difficile mais nous y sommes arrivés. J'ai une pensée pour nos anciens collègues, le président Jacques Valade et M. Louis de Broissia (Applaudissements à droite), qui se sont battus inlassablement pour cette réforme. Il faut faire de la redevance une ressource dynamique et pérenne. Son indexation rapportera 50 millions supplémentaires. Si elle avait suivi l'inflation depuis 2002, elle serait d'environ 128 euros -elle est encore cette année de 116 euros, un niveau très inférieur à ce qu'elle est dans les autres pays européens. A défaut de l'augmenter, il faut mettre fin au plafonnement des remboursements des dégrèvements qui fait financer les exonérations pour motifs sociaux par le budget de l'audiovisuel public. Ce plafonnement est d'ailleurs contraire à l'article 53 de la loi d'août 2000. Il conviendrait aussi, comme je l'ai déjà proposé, d'élargir l'assiette en taxant les nouveaux supports. Pourquoi exonérer les ordinateurs équipés pour la réception de la télévision, qui constituent un « dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif » tel que défini par l'article 105 du code général des impôts ? L'exonération n'est pas conforme au principe de neutralité technologique. Il faut y mettre fin, comme l'a proposé notre collègue député M. Jean Dionis du Séjour. Bien encadrée, ne visant par exemple que les abonnés au triple play qui ont déclaré ne pas payer la redevance, cette mesure serait juste et équitable.
Il semble anormal, en outre, comme l'a déjà relevé la commission des affaires culturelles, de faire financer l'extinction de la diffusion analogique par la redevance, comme le prévoit l'article 23 du projet de loi de finances. L'accompagnement du passage au numérique doit être financées sur le budget de l'État.
Au-delà, il faudra faire de la pédagogie sur la redevance, auprès des Français comme des parlementaires. Combien de nos concitoyens savent à quoi elle sert et ce qu'elle finance ? Combien peuvent dire combien ils payent ? Elle sera d'autant mieux acceptée s'ils voient la différence entre le service public et les chaînes privées.
Je veux enfin attirer l'attention sur un aspect souvent méconnu. L'audiovisuel est une industrie de création considérable, elle fait travailler des producteurs, des auteurs, des créateurs, des techniciens et des intermittents, de nombreux métiers artistiques. La moitié des films nommés aux Césars 2008 étaient coproduits par France 2 Cinéma et France 3 Cinéma. Nous devrons avoir cela à l'esprit lorsque nous examinerons la réforme de notre audiovisuel public. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jack Ralite. - Je commencerai par un souvenir personnel. Prenant la parole publiquement pour la dernière fois, André Malraux a déclaré le 12 mai 1976, devant la commission des libertés de l'Assemblée nationale, dont j'étais membre : « La meilleure loi sur la liberté serait peu de choses si elle ne se rendait pas maîtresse du plus puissant instrument de liberté et d'asservissement qui ait été conçu par l'esprit humain. La prochaine alphabétisation sera l'enseignement audiovisuel. Réforme utopique ? C'est ce qu'on a dit de toutes les grandes réformes. L'utopie, c'est l'espoir des autres... Il ne s'agit pas d'une réforme, mais d'une révolution. »
Vous pourrez constater que j'ai adopté cet état d'esprit.
Nous examinons le budget des médias pendant que l'Assemblée nationale discute la loi sur l'audiovisuel public, mais le Gouvernement juge secondaire ce débat, puisqu'il en a inscrit les conséquences en septembre dans le budget de l'État. Ainsi, nous examinons des sommes devant compenser la publicité qu'un décret va rayer de la carte. Le projet budgétaire montre ainsi comment le Gouvernement se représente un processus démocratique, de même que son projet pour les médias : démocratie et espaces publics médiatiques sont l'objet de mauvais coups incessants.
Imperturbable malgré les protestations qui montent de toutes parts, le Gouvernement met en place la mainmise étatique sur les médias et le soutien aux grands groupes privés. L'opposition et les professionnels protestent en quittant la commission Copé ? Le Gouvernement n'en a cure ! Les salariés de France Télévisions, de RFI, de l'AFP font grève et manifestent ? Le Gouvernement reste sourd ! Il ne connaît qu'une feuille de route : étatisme et affairisme à tous les étages.
Qu'il s'agisse de l'audiovisuel public, de l'audiovisuel extérieur ou de la presse, il fragilise le service public au profit de Lagardère, de Bouygues-TF1 ou de Bolloré.
Je dénonce depuis un an la réalité du projet supprimant la publicité sur les chaînes du service public : la culture et la création sont ravalées au rang d'arguments fallacieux pour justifier de nouveaux cadeaux au privé, principalement à TF1. Depuis l'annonce du 8 janvier, France Télévisions est entraînée dans une spirale déficitaire. Les recettes publicitaires accusent déjà un retard supérieur à 200 millions d'euros. Le budget rectificatif de France Télévisions a été corrigé plusieurs fois...
A ce jour, aucun modèle économique alternatif valable de substitution à la publicité n'a été présenté. La majorité persiste dans son refus d'une augmentation même raisonnable de la redevance. Les 450 millions censés compenser la fin des revenus publicitaires sont loin des 800 millions prévus pour 2008 à ce titre dans le budget de l'opérateur. La régie publicitaire annonçant que l'on atteindra au mieux 250 à 260 millions, il manquera au moins 100 millions d'euros. J'ajoute que les programmes de remplacement devraient coûter 70 millions. Où est la prise en compte des besoins d'investissements dans les nouvelles technologies ? Comment faire face à l'effet inflationniste qu'auront les 450 millions de recettes transférées vers les chaînes privées ? Comment couvrir les coûts sociaux de la réforme ? Enfin, les diverses taxes inscrites dans ce texte sont minorées par des amendements, sans parler d'éventuelles condamnations par la Commission européenne.
L'asphyxie financière de l'audiovisuel public touche également l'audiovisuel extérieur. Ainsi, la création, le 4 avril, de la holding Audiovisuel extérieur de la France, regroupant France 24, RFI France et TV5 Monde, aura des conséquences importantes pour l'indépendance et le pluralisme de RFI et de l'INA. L'insuffisance notoire de son financement est inquiétante pour RFI et TV5 : comme l'a souligné M. Belot, les 2 millions et demi d'euros proposés au titre de ce programme pour 2009 sont inférieurs aux 3,2 millions inscrits dans le contrat de subventions entre l'État et France 24.
La loi de finances ne répartit pas ce budget, mais le rapport de forces au sein de la holding est clair : RFI a déjà fermé des antennes, mais il n'y a guère à s'inquiéter pour France 24. Tel est l'audiovisuel extérieur auquel un amendement propose de transférer une part de la redevance, destinée à l'INA ! La stabilité financière de cet institut serait alors compromise par cette disposition qui s'attaque indirectement à notre patrimoine. Un autre amendement attribuerait une partie de la redevance au groupement d'intérêt public France Télé numérique, donc indirectement à des entreprises non publiques : la moitié du capital de France 24 est détenue par TF1. Voilà sans doute pourquoi l'article 23 du projet de loi de finances supprime le mot « public » pour l'intituler « Compte spécial d'avance à l'audiovisuel ». C'est un signe clair du hold-up subi par les fonds publics au profit du privé !
Venons-en à la presse.
Les mauvais coups se multiplient : de nombreux syndicats de journalistes ont quitté les états généraux de la presse pour protester contre leur orientation trop favorable aux industriels ; la dépénalisation de la diffamation transformerait le droit de la presse en conflit entre particuliers ; la privatisation plane sur l'AFP depuis l'inquiétant rapport Giazzi ; les seuils anti-concentration ont été relevés en juillet par la loi de modernisation de l'économie. Tandis que l'on prépare le terrain aux grands groupes de médias, le tiers secteur attend toujours que l'on s'intéresse à lui.
Ce budget reflète cette tectonique des plaques médiatiques ou le secteur public risque l'insularité face à un secteur privé destiné à devenir un continent dangereux pour le pluralisme et la diversité. Non seulement nous ne pouvons le voter, mais nous nous élevons contre le projet dont il est la traduction (Applaudissements à gauche)
Mme Christiane Kammermann. - (Applaudissements à droite) L'année 2009 sera celle de la réforme des médias souhaitée par le Président de la République. En effet, notre paysage médiatique ne peut rester figé dans un contexte en profonde mutation technique.
Tout d'abord, l'année prochaine sera la première de la nouvelle télévision publique, entreprise unique créée par un texte discuté en ce moment même par les députés. Ensuite, RFI, France 24 et TV5 Monde fonctionneront en commun pour la première fois, au sein de la holding Audiovisuel extérieur de la France, renforçant notre visibilité à l'étranger. Enfin, les états généraux de la presse se tiendront en 2009, après plusieurs années de crise. J'évoquerai ces trois sujets, en mettant un accent particulier sur l'audiovisuel extérieur, qui me tient évidemment à coeur.
Nous examinerons plus tard le projet de loi sur l'audiovisuel public mais je veux souligner combien il est important de libérer la télévision publique de la course à l'audimat.
Une concurrence oppose les chaînes de télévision, mais elle existe aussi entre l'ensemble des chaînes et internet, la TV sur téléphone et la vidéo à la demande, car le consommateur reçoit une offre croissante. Mais la logique commerciale risque d'uniformiser les contenus, voire de les niveler par le bas.
La réforme est une chance pour les téléspectateurs et pour France Télévisions : grâce aux services publics, nos concitoyens bénéficieront d'une ouverture culturelle et intellectuelle ; France Télévisions pourra diffuser des programmes sans chercher à faire du chiffre. Désormais financée exclusivement sur fonds publics, France Télévisions aura une obligation de résultat en matière de création et de diversité. Il faut évidemment lui en donner les moyens.
Les opinions sont partagées quant au mode de financement. La commission Copé a écouté tous les avis, envisagé toutes les solutions. Sans prendre parti, j'estime qu'il était sage de supprimer progressivement la publicité, afin d'évaluer la réforme.
Le Sénat est également sensible à l'autre grand défi de la télévision, qui sera entièrement numérique à partir du 30 novembre 2011. Nous nous réjouissons que vous financiez une campagne nationale d'information et un fonds d'aide en faveur des foyers modestes. Quelles dispositions avez-vous prises pour couvrir l'ensemble du territoire ?
J'en viens à l'audiovisuel extérieur.
L'année 2009 sera décisive pour la holding voulue par le Président de la République, regroupant les participations publiques dans RFI, France 24 et TV5 Monde. Représentant les Français de l'étranger, je me réjouis de cette réforme, car on reprochait depuis longtemps à l'audiovisuel extérieur d'empiler les structures, d'être trop cher et inefficace.
Dans ce cadre, les sociétés ont une double mission : leur influence doit rivaliser avec les grands médias comme CNN ou Al-Jazira ; elles doivent promouvoir la démocratie, la laïcité, les droits de l'homme et la francophonie.
M. Jacques Legendre. - Très bien !
Mme Christiane Kammermann. - L'existence d'une holding fera fonctionner RFI, France 24 et TV5 dans un même plan stratégique, tout en respectant la personnalité de chaque chaîne et en nouant des synergies. Ainsi, les remarquables rédactions en arabe de RFI pourront aider France 24 à développer ses émissions dans cette langue.
En 2009, le Gouvernement consacrera 298 millions d'euros à l'audiovisuel extérieur, ce qui m'inspire une réserve : nos rapporteurs ont déjà souligné que l'on retrouve quasiment le niveau de l'année précédente. En outre, la programmation budgétaire triennale réduira le financement de la holding en 2010 et 2011. Certes, des économies devraient être réalisées sur les coûts de fonctionnement, mais je partage l'inquiétude des rapporteurs.
Il serait dommage que la réorganisation des structures souffre d'un défaut de financement. La nouvelle organisation est une première étape, il reste beaucoup à faire : il est notamment nécessaire que RFI assainisse sa situation financière et recentre ses missions. Ses dirigeants ont annoncé leur intention de supprimer les programmes en six langues, faute d'audience, dont l'allemand, tandis que trois autres langues -persan, chinois et russe- n'existeraient plus que sur internet. RFI doit s'adapter à la concurrence ; ne devrait-elle pas identifier des zones cibles de diffusion prioritaire ?
La presse française, particulièrement la presse quotidienne traverse une crise. Depuis vingt ans, la diffusion des douze quotidiens nationaux a diminué de 25 %. La tendance est encore plus accentuée pour la presse locale. Cette évolution est due à plusieurs facteurs : désaffection du lectorat, développement de l'internet et des blogs, diffusion des gratuits, baisse des recettes publicitaires, coûts de production élevés. Le 2 octobre, le Président de la République a lancé les états généraux de la presse écrite, en soulignant qu'il était prêt à revoir les aides publiques et à lutter contre les immobilismes pour sortir ce secteur de la crise. Il est urgent de définir le visage de la presse de demain, pour que la politique de soutien soit efficace.
Pour 2009, les aides à la presse et les dotations de l'Agence France Presse s'élèveront à 279 millions en crédits de paiement, soit le niveau élevé atteint en 2008. C'est positif : il est important que le Gouvernement maintienne son effort car la presse contribue à la vie démocratique. Ce budget est celui d'une politique ambitieuse et tournée vers l'avenir. Notre groupe lui apportera son soutien. (Applaudissements à droite)
Mme Françoise Laborde. - C'est aujourd'hui un secteur tout entier qui est en pleine mutation : l'audiovisuel et la presse écrite font face aux bouleversements technologiques du passage au numérique, à la modification des modes de consommation des médias ainsi qu'à une concurrence internationale de plus en plus forte. Nous allons devoir rapidement relever ces défis, pour pérenniser, moderniser et développer nos médias.
Sur le programme relatif à la contribution au financement de l'audiovisuel public, je dois avouer ma stupéfaction. Vous nous demandez d'adopter un budget qui contient une compensation des pertes de ressources publicitaires pour France Télévisions et Radio France alors même que la suppression de la publicité sur les chaînes publiques n'a pas encore été définitivement votée. Qui plus est, elle est largement contestée, y compris au sein même de votre majorité. Quid du respect dû aux travaux du Parlement ? De plus, je m'interroge sur l'opportunité d'une réforme du paysage audiovisuel français d'une telle ampleur au moment où une crise financière d'une rare violence frappe notre pays et inquiète nos concitoyens.
Seuls médias de proximité couvrant l'ensemble du territoire, les radios associatives locales jouent un rôle essentiel dans nos régions. Elles ont un rôle social, fédérateur et remplissent également des missions de formation et d'intégration en employant plus de 2 000 personnes. La mission « Médias » est marquée cette année par la budgétisation des crédits du programme de soutien à l'expression de la radiophonie locale, crédits qui figuraient jusqu'ici au sein d'un compte d'affectation spéciale. Cette budgétisation, à la suite de la disparition de ce compte, se justifie surtout par la nécessité de compléter par des crédits budgétaires le montant de la taxe sur la publicité radio et télévisée, jusque là principale source de financement des radios locales associatives. En effet, à partir de 2009 le produit de cette taxe alimentant le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) diminuera fortement du fait de l'arrêt progressif de la publicité sur les chaînes du groupe France Télévisions, très important contributeur. Les radios locales auront donc elles aussi à souffrir du projet de loi actuellement en discussion.
Le fonds de soutien est chargé de gérer l'aide publique aux radios associatives locales assurant une mission de communication sociale de proximité. Ses subventions sont attribuées par le ministre chargé de la communication aux radios locales associatives répondant à un cahier des charges précis et dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total. C'est grâce à ces subventions qu'environ 500 radios associatives peuvent encore vivre. C'est pourquoi je me réjouis que l'État joue son rôle en permettant au FSER de maintenir ces aides essentielles à la diversification du tissu radiophonique. C'est essentiel, car les radios devront rapidement prendre en compte les nouveaux besoins liés à la technologie numérique. Nous devrons désormais veiller, nous parlementaires, à ce que les crédits votés chaque année pour le financement de ce fonds soient suffisants.
Madame la ministre, les objectifs de votre budget sont tout à fait louables et l'effort en faveur de cette mission pourra peut-être apaiser certaines craintes en cette période de profonde réforme de l'audiovisuel et d'interrogation sur le devenir de la presse écrite. Je voterai donc ces crédits, attendant avec impatience le débat sur la réforme de l'audiovisuel. (Applaudissements à droite)
M. Serge Lagauche. - Un amendement du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères nous propose de retirer à l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, sa part de financement venant de la redevance pour le transférer sur l'audiovisuel extérieur. Il explique ce transfert par « une plus forte incertitude sur le montant de la dotation publique, en particulier dans le contexte budgétaire actuel ». Ce transfert est hors de question ! Le fait que l'INA ne soit pas une société de radio ou de télévision n'est pas un argument recevable pour mettre un terme à son financement par la redevance. Les missions de l'INA sont en effet intrinsèquement de nature audiovisuelle. Il est d'abord chargé de sauvegarder notre patrimoine audiovisuel avec la mission colossale de préserver et numériser, d'ici 2015, plus de 820 000 heures de programmes enregistrés sur des supports analogiques périssables. Il est chargé ensuite d'enrichir ses collections par acquisition, et surtout par captage des programmes de 101 chaînes de télévision et de radio, chiffre qui doit être porté à 120 en 2009, puisque l'INA reçoit le dépôt légal de la radiotélévision. Enfin, il doit valoriser et exploiter ces collections pour les particuliers ou les professionnels : ainsi le site « inamediapro.com » constitue la première source audiovisuelle mondiale. L'Institut assure également une mission de création audiovisuelle, à travers la production de films ou de documentaires conçus à partir de ses archives.
Je comprends l'intention de notre collègue Kergueris qui veut interpeller le Gouvernement sur la pérennité et le niveau de financement de l'audiovisuel extérieur, qui souffre d'un montage juridique et financier alambiqué, mais cela ne peut pas se faire au détriment de l'INA.
Avec le lancement des états généraux de la presse, le Gouvernement a renouvelé le concept de la commission Copé, structure occupationnelle de réflexion à fonds perdus. Là encore, le Président de la République s'étant empressé de donner le « la », une partie des conclusions est connue d'avance, ce qui a incité plusieurs syndicats de journalistes à déclarer forfait : à quoi bon faire de la figuration quand les dés sont pipés, quand les groupes de travail ne sont réunis, en réalité, que pour entériner des réformes déjà décidées et écrites ailleurs ? Car ce qui se profile, c'est bien la remise en cause des droits d'auteur des journalistes, « l'allégement » de la plupart des « contraintes » du statut de journaliste telle que la clause de cession, ou bien encore l'assouplissement des lois anti-concentration : ce sont exactement les principales demandes des patrons de presse !
Notre pays se caractérise déjà par une hyper-concentration de ses groupes de presse, par une intrusion croissante du pouvoir politique dans la sphère médiatique et par le rétablissement d'une subordination entre le pouvoir exécutif et les organes de direction des télévisions publiques C'est ce qui a conduit le groupe socialiste, à l'initiative de notre collègue Sueur, à déposer une proposition de résolution demandant la création d'une commission d'enquête sur les liens existant entre le pouvoir exécutif et les organismes de presse et de la communication audiovisuelle et sur leurs conséquences pour l'indépendance et le pluralisme de la presse et des médias. Face aux dérives institutionnelles, législatives et factuelles, qui se répètent, il devient urgent que la Haute assemblée inscrive cette proposition de résolution à son ordre du jour et approuve la constitution de cette commission d'enquête.
Pour 2009, si le régime global des aides à la presse est reconduit, le montant des aides directes, en diminution de 1,16 %, a été revu à la baisse par l'adoption, en seconde délibération par l'Assemblée nationale, d'un amendement du Gouvernement, minorant davantage les crédits du programme 180. On peut donc s'inquiéter pour les aides au pluralisme, dont le montant devra nécessairement augmenter. Celles-ci se concentrent principalement sur le soutien aux titres à faibles ressources publicitaires. Or, c'est l'ensemble de la presse quotidienne payante qui est confronté à la disparition de la publicité provoquée par la concurrence de la presse gratuite, d'internet et de la télévision. Or, les mesures à venir favorisant les revenus publicitaires des télévisions commerciales, l'augmentation du quantum publicitaire horaire autorisé de six à neuf minutes sur les chaînes privées, le passage de l'« heure glissante » à l'« heure d'horloge » et l'autorisation d'une seconde coupure publicitaire pendant les films provoqueront un report de recettes publicitaires sur les deux principales chaînes privées, TF1 et M6, ajoutant encore à la crise de la presse écrite.
Pour l'heure, le secteur de la presse est suspendu aux futures conclusions de ses états généraux. Malheureusement celles-ci risquent de sonner comme un bis repetita de l'actuelle réforme de l'audiovisuel, dont les grands perdants seront les journalistes et, avec eux, l'information pluraliste et indépendante que tout citoyen est en droit d'attendre en démocratie. (Applaudissements à gauche)
M. David Assouline. - Dans un courrier à Mme Albanel, début août 2007, le président de la République écrivait : « L'accès aux oeuvres de l'esprit passant de plus en plus par la médiation audiovisuelle, la culture doit être davantage présente dans les programmes de la télévision. » C'est pourquoi le chef de l'État a organisé l'appauvrissement de l'audiovisuel public et l'enrichissement des groupes privés. Pour faciliter l'accès de tous aux « oeuvres de l'esprit », il a autorisé TF1 et M6 à diffuser des « tunnels » de publicité encore plus longs qu'aujourd'hui et à couper deux fois les programmes, notamment les films, par de la réclame. C'est bon pour l'esprit ! Le débat budgétaire précède la bataille que nous conduirons avec détermination au Sénat, après le combat de nos camarades députés, contre le projet de réforme de l'audiovisuel du président Sarkozy.
Le sous-financement de France Télévisions ne date pas de janvier 2008, mais du retour de la droite au pouvoir, en 2002. Le rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel pour 2008, notre ancien collègue M. de Broissia, constatait que les taux de redevance n'avaient pas été modifiés depuis 2002 et proposait en conséquence, dans deux amendements approuvés unanimement par la commission des affaires culturelles, de les augmenter légèrement -de 116 à 120 euros- et d'indexer pour l'avenir leur progression sur l'indice des prix. Le Gouvernement, hostile à ces propositions, a obtenu gain de cause. La télévision publique aurait pourtant trouvé là des moyens de participer pleinement à la révolution numérique et de satisfaire aux exigences éditoriales des contrats d'objectifs et de moyens.
Parmi ces objectifs, il y a la transformation de France Télévisions en « média global » avec une offre valorisant la spécificité du service public : nous sommes d'accord ! Mais comment le groupe peut-il réaliser cette ambition avec les moyens à sa disposition dans les trois années qui viennent ? La Cour des comptes, en octobre 2007, indiquait à notre commission des finances que la bonne exécution des contrats de France Télévisions, Radio France et Arte supposait une augmentation d'au moins 3,5 % des dotations. Or, depuis janvier dernier, les annonceurs fuient les antennes de France Télévisions et le produit de la redevance sera affecté par la conjoncture économique. Pouvez-vous, madame la ministre, nous confirmer que France Télévisions clôturera 2008 en déficit de 160 millions d'euros alors que l'exercice précédent était à l'équilibre ? Est-il normal que le directeur de l'information de France 3 n'ait plus les moyens d'envoyer, jusqu'à la fin de l'année, des reporters à l'étranger ? Êtes-vous satisfaite de la perspective, pour 2009, d'un déficit d'environ 100 millions d'euros ? La direction de France Télévisions envisage un retour à l'équilibre en 2012 au plus tôt. Que répondez-vous à l'inquiétude des journalistes, techniciens, administratifs, réduits par certains membres de la majorité, tel le député Lefebvre, au rôle de variable d'ajustement budgétaire ? Avez-vous demandé aux Français ce qu'ils pensaient de la suppression du « 19/20 » et de « Soir 3 », suppression inévitable compte tenu du nouveau cahier des charges ?
Le Président de la République aura au moins tenu sa principale promesse électorale : celle d'incarner la « rupture », en l'occurrence la rupture avec une certaine conception de la diversité culturelle et du pluralisme démocratique dans l'audiovisuel. (Applaudissements à gauche)
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - RFI est la station la plus en danger de l'audiovisuel extérieur. Certes, elle perd de l'audience ; peut-être ses coûts sont-ils trop élevés. Mais elle est la seule radio française à diffuser une information internationale de qualité. Et l'émotion suscitée en Pologne, en Roumanie ou en Allemagne par les rumeurs de suppression montre que le rayonnement n'est pas si faible.
Nous avions stigmatisé, lors de la création de France 24, cet attelage baroque entre France Télévisions et TF1 : l'État détenait 50 % des parts et finançait l'intégralité du fonctionnement et de l'investissement, TF1 obtenait 50 % pour 17 500 euros. Et sa contribution a surtout consisté à bloquer et retarder la diffusion de la chaîne sur le territoire français pour éviter qu'elle ne concurrence sa filiale LC1. Or combien demande TF1 pour le rachat de ses parts deux ans plus tard ? Pas moins de 90 millions d'euros. On a parlé de victoire lorsqu'il n'a plus été question que de 2 millions d'euros. C'est la méthode des souks : on part de très haut, on baisse beaucoup et le prix final est encore trop cher... Et il y a toujours un cadeau, en l'occurrence 1,6 million d'euros par an sur sept ans, pour la fourniture d'images d'archives et de sport. Soit 11,2 millions d'euros : 750 % de gain en deux ans, un placement de rêve ! Foin des paradis fiscaux, il suffit d'avoir des amis bien choisis et c'est le contribuable qui paye. Nous dénonçons cette opération. (Applaudissements à gauche)
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. - Je veux d'abord insister sur l'ampleur de la réforme menée dans le paysage médiatique : on n'avait pas vu mouvement aussi ambitieux depuis bien longtemps. La réforme de la télévision publique sera examinée par la Haute assemblée début 2009 : elle se traduira par encore plus de service public, encore plus de fictions, de films, de courts métrages et une plus grande place accordée à l'Europe. De nouveaux horaires seront mis en place, avec trois réelles parties de soirée. L'offre sera plus riche, notamment grâce à la suppression partielle de la publicité, entre vingt heures et six heures du matin, compensée par un financement pérenne et dynamique. Je rappelle que la télévision publique est très correctement financée, par rapport aux autres télévisions publiques. Son budget est de 3 milliards d'euros dont 2,3 fournis par la redevance et 450 millions garantis par l'État. La compensation est déjà inscrite en loi de finances afin que nous soyons prêts à la verser dés le début du mois de janvier. Une taxe sur les opérateurs de télécommunication est créée, au taux de 0,9 % du chiffre d'affaires, soit 370 millions d'euros, car le secteur est en forte expansion -du reste, il produit et diffuse de plus en plus de programmes. A cela s'ajoute un prélèvement de 3 % sur les recettes publicitaires des chaînes, avec, compte tenu de la crise, un niveau plancher et un prélèvement supplémentaire sur les surplus, s'il y en a.
Vous avez beaucoup insisté sur le financement de l'audiovisuel extérieur. Comment dégager des synergies ? Grâce à la création de la holding, composée de 100 % du capital de RFI, 100 % du capital de France 24 et 49 % de celui de TV5.
Avec 298,4 millions, dont 65 millions issus de la redevance, les crédits ne sont pas insignifiants. Ils permettront de verser, comme prévu, une subvention de 91,7 millions à France 24, de financer le fonctionnement et le développement du plan stratégique de TV5 Monde, d'amorcer le redressement financier et la modernisation de RFI, dont la stratégie actuelle, forte, va se développer partout, notamment en Afrique et dans les zones où les enjeux stratégiques sont centraux, comme en Russie, où l'objectif est de basculer des ondes courtes vers la FM et internet. Si certaines diffusions en langues rares, comme le serbo-croate, vont en effet fermer, ces fermetures ne remettent pas en cause cette stratégie. Pour les autres medias, cette présence forte de RFI partout dans le monde est une chance. Les synergies permettront ainsi à France 24 de se développer, comme elle le souhaite, dans le monde arabe, où RFI est très présente.
Les diminutions de crédits prévus sur 2010 et 2011 dans le cadre de la programmation annuelle correspondent aux engagements pris pour mettre en place des synergies, sachant que des ajustements financiers restent possibles dans le cadre du prochain contrat d'objectifs et de moyens.
Nous souhaitons que 100 % du capital de France 24 soit détenu par la holding, ce qui suppose la sortie des actionnaires privés. Leur capital avait été valorisé à hauteur de 90 millions, mais nous menons des discussions pour que la sortie se fasse à hauteur de 2 millions, ce qui paraît raisonnable sachant que France 24 est évaluée actuellement entre 18 et 20 millions. Oui, il y aura des achats de programmes pour la diffusion : qu'y a-t-il là de scandaleux ?
Le chantier de Radio France est complexe. Il vise essentiellement à la sécurité, notamment par le désamiantage. Il sera aussi l'occasion de moderniser le bâtiment et de l'insérer dans la ville, en même temps que d'offrir un cadre convenable aux personnels. Des travaux sont prévus par le contrat d'objectifs et de moyens 2006-2009. Après un appel d'offre infructueux en 2007, une nouvelle procédure a été lancée à l'été 2008. Les travaux ont déjà avancé, avec la création du parking souterrain, et devraient s'achever en 2013, ou plus vraisemblablement en 2015. Le coût global du projet, initialement de 241 millions en investissement et de 92 millions en fonctionnement, devra être revu à la hausse. Le coût supplémentaire devrait être de 200 millions.
Vous êtes nombreux à m'avoir interrogée sur l'avenir du Fonds de soutien à l'expression radiophonique. Ses crédits ne transiteront plus par le compte d'affectation spéciale, mais seront directement versés au CNC : cette rebudgétisation les sort des aléas des marchés publicitaires. Ils augmenteront de 6 %, passant de 25 à 26 millions. Pour le soutien au passage au numérique, les candidatures ont afflué au CSA. Un nouveau système est en cours d'élaboration sur la base des travaux menés avec les radios associatives.
La presse vit aussi une période de mutation profonde. Les aides de l'État sont parmi les plus élevées du monde, et le resteront en 2009, avec une dotation de 282,7 millions. Elle permettra d'accompagner les efforts de modernisation et de consolider le soutien à la diffusion et au pluralisme. Malgré ce soutien, la presse est en crise. D'où les états généraux, animés par des personnalités indépendantes chargées de constituer des groupes de travail. Le dialogue, auquel participent les parlementaires, dont Mme Morin-Desailly, est dense. Les contributions donneront lieu à un Livre vert, qui comprendra certainement beaucoup d'éléments interprofessionnels que l'État pourra encadrer mais donnera lieu aussi à des mesures réglementaires, voire législatives, je pense en particulier au sujet très sensible du droit d'auteur.
L'AFP doit moderniser radicalement son dispositif technique, avec un projet de production multimédia qui doit l'aider à conquérir des marchés. L'État l'accompagnera dans cette entreprise. Le premier contrat d'objectifs et de moyens a permis d'apurer une situation financière dégradée.
Avec le contrat d'objectifs et de moyens 2009-2013, l'État s'engage à augmenter ses abonnements d'au moins 1,8 % ; le contrat comprend notamment une aide spécifique à l'investissement avec une dotation en fonds propres de 20 millions. L'AFP s'est engagée à augmenter de 4,75 % par an ses recettes commerciales, en investissant davantage le multimédia et les zones géographiques à forte croissance. Je répète ici que nous n'avons nulle intention de privatiser l'AFP, nous y sommes très attachés.
La redevance n'a pas évolué depuis des années, je le regrette, mais nous devons tenir compte des impératifs du pouvoir d'achat. L'indexation, cependant, fera cesser la diminution de la redevance. Je ne suis pas convaincue par la proposition de taxer les nouveaux supports audiovisuels, comme les ordinateurs. Non seulement parce que ce sont souvent les étudiants qui reçoivent la télévision uniquement par ordinateur, et parce qu'une telle taxe serait très difficile à appliquer.
Le passage au tout numérique va se poursuivre jusqu'en 2011. La ville de Coulommiers va être couverte, Cherbourg suivra. Nous mobilisons des moyens, notamment pour aider les foyers exonérés de redevance qui ne reçoivent que la télévision analogique par voie hertzienne. Le GIP France Télé Numérique est financé pour moitié par la redevance. Les contrats d'objectifs et de moyens seront tenus, il ne s'agit pas de prendre des moyens aux chaînes pour avancer sur le tout numérique. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - J'aimerais débattre plus avant, un autre jour, de l'opération entre TF1 et France 24. En 2006, TF1 et l'État ont doté France 24 à parité, cette année, l'État a ajouté 88,5 millions et pour l'an prochain l'État ajoute encore 117 millions. Devant ces chiffres, nous devons constater que l'État a apporté toutes les ressources. Dès lors, comment une banque peut-elle valoriser à 90 millions une entreprise dont les seules ressources sont des subventions ? Cela n'a pas de sens ! Madame le ministre, ne laissez pas croire qu'une opération publique puisse être aussi déséquilibrée pour les contribuables ! (Approbation à gauche, quelques applaudissements à droite)
M. Serge Lagauche. - C'est une escroquerie.
M. le président. - Amendement n°II-133, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères.
M. Joseph Kergueris. - Nous transférons 86 172 400 euros du programme « Institut national de l'audiovisuel », au programme « Contribution au financement de l'audiovisuel extérieur de la France ». Cela confortera le financement de notre audiovisuel extérieur, qui a besoin d'un financement pérenne.
M. le président. - Amendement n°II-136, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères.
M. Joseph Kergueris. - Amendement de conséquence.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Vous substituez à la redevance une dotation budgétaire : que pense le Gouvernement de ce choix stratégique ?
Mme Christine Albanel, ministre. - Le législateur a souhaité utiliser la redevance pour d'autres objets que le seul financement des chaînes publiques de radio et de télévision. C'est pourquoi la redevance a financé l'INA dès sa création en 1974, compte tenu des missions de service public confiées au nouvel institut. Je comprends le souci de stabiliser le financement de l'audiovisuel extérieur mais le transfert proposé n'est pas la meilleure solution et la somme ne suffirait pas. Nous allons débattre de ces questions en janvier dans le projet de loi sur l'audiovisuel et la télévision. Avis défavorable.
M. Jacques Legendre. - J'avoue mon embarras. Cet amendement paraît retirer des moyens à l'INA, auquel nous sommes très attachés. Je crois aussi que TV5, l'un des plus grand succès de la francophonie, est indispensable à l'affirmation de la langue française et de la diversité culturelle. Je comprends aussi le souci d'assurer un financement pérenne à France 24, dont la part française est financée aujourd'hui à 94 % par des subventions et à 6 % par la redevance. Cependant, faut-il remettre en cause les équilibres auxquels nous sommes parvenus ? Je crois que cet amendement est utile pour pointer la nécessité d'un financement pérenne pour notre audiovisuel extérieur, mais qu'il serait hâtif de nous décider ce soir, alors que nous allons en débattre au fond en janvier. (Mme Christiane Kammermann applaudit)
M. Ivan Renar. - Nous sommes résolument contre cet amendement ! Depuis 1974, l'INA joue un rôle essentiel pour l'audiovisuel public, qui justifie pleinement son financement par la redevance. Financer l'INA par des fonds qui dépendraient du débat politique, ce serait fragiliser l'Institut ! L'opération contredirait également l'usage de la redevance, puisque France 24 associe des chaînes privées.
Cette vocation a déjà été écornée par l'attribution d'une part de la redevance au GIP France Télé numérique. Tout cela résulte de la suppression de la publicité à la télévision publique. La commission Copé avait adopté une semblable proposition avant d'y renoncer. Oui à un financement correct de TV5, mais non à celui-là ! Rien ne justifie que l'INA fasse les frais d'un sous-financement exacerbé par le bouleversement de la télévision publique.
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. - Cet amendement a eu la vertu de faire parler de l'INA et de mettre l'accent sur ce qui préfigure la holding Action extérieure de la France. Car il ne s'agit ni de TV5 ni de France 24, mais bien de doter notre pays du moyen d'une présence forte, d'un outil pour notre langue, notre influence et nos valeurs. Pour réaliser une tâche semée d'embûches, il faut des moyens et une lisibilité dans le temps. Dans le prochain texte, il est clair, par la nomination de son président comme par l'organisation de son conseil d'administration, qu'Audiovisuel extérieur de la France appartient au secteur public, qui est financé par des dotations et par la redevance. Je vais retirer l'amendement mais puisque cette société est soumise à des aléas budgétaires, je voudrais savoir, madame, de quels financements pérennes elle disposera pour répondre à ses besoins.
L'amendement n°II-133 est retiré, ainsi que l'amendement n°II-136.
Mme Christine Albanel, ministre. - Je vous remercie d'avoir retiré l'amendement et vous confirme que quand le contrat d'objectif et de moyens vous sera communiqué, vous verrez la pérennité de l'engagement pour Action extérieure de la France.
M. le président. - Amendement n°II-134, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères.
Rédiger comme suit l'intitulé du programme « Audiovisuel extérieur de la France » :
Action audiovisuelle extérieure
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. - Cet amendement adresse un signal à nos partenaires qui ont parfois le sentiment d'être un peu tenus à l'écart des discussions, même si les faits l'ont récemment démenti.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Avis favorable à cet amendement comme au suivant : M. Belot avait formulé la même proposition l'an dernier.
Mme Christine Albanel, ministre. - Audiovisuel extérieur est un nom déposé. Nous ne sommes pas sûrs de ne pas avoir de problèmes. Sagesse.
L'amendement n°II-134 est adopté.
Les crédits de la mission « Médias » sont adoptés.
Article 37 (État D)
M. le président. - Amendement n°II-135, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères.
Rédiger comme suit l'intitulé du programme Contribution au financement d'Audiovisuel Extérieur de la France :
Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure
L'amendement de coordination n°II-135 est adopté.
Le compte spécial « Avances à l'audiovisuel » est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°II-85, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères.
Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Président directeur général et le directeur général délégué de la société « Audiovisuel extérieur de la France » rendent compte à intervalles réguliers devant les commissions des finances, des affaires culturelles et des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat des priorités de leur action et de l'exécution des dépenses consacrées à l'audiovisuel extérieur.
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. - L'État est le seul actionnaire d'Audiovisuel extérieur de la France dont le financement est assuré par des dotations figurant au budget. Il est donc normal que le Parlement échange avec ses responsables, et pas seulement par l'intermédiaire de ses représentants au conseil d'administration.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - La commission des finances est favorable à tout ce qui renforce le contrôle du Parlement mais l'amendement anticipe probablement sur la prochaine loi sur l'audiovisuel public : mieux vaut s'en tenir ici à ce qui est strictement budgétaire.
Mme Christine Albanel, ministre. - Je suis favorable au principe mais mieux vaut en traiter dans la loi sur l'audiovisuel.
M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis. - Il suffira alors de rajouter la commission des affaires étrangères à la liste des commissions qu'elle prévoit déjà.
L'amendement n°II-85 est retiré.
M. le président. - Amendement n°II-228, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
I. - Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa du I de l'article 39 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le taux : « 8 % » est remplacé par le taux : « 2,5 % ».
II. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Médias
M. Ivan Renar. - Pour parler franchement, cet amendement revient sur une disposition adoptée en catimini durant la torpeur estivale. L'article 37 bis de la loi de modernisation de l'économie avait été très fortement suggéré par M. Lefèbvre, député des Hauts-de-Seine, un département où TF1, M6 et Direct 8 ont leur siège -on comprend l'activisme de ce député. Assouplissant la loi Léotard, cet article relève le seuil d'audience à partir duquel une chaîne ne peut être aux mains d'un seul actionnaire. Il s'agit donc de revenir sur l'une des garanties du pluralisme pour offrir un cadeau aux Bolloré et consorts qui s'étaient pourtant opposés à la mise en place de la télévision numérique mais qui ont changé d'avis quand elle a rencontré le succès. Tout cela fait système avec l'asphyxie financière de la télévision publique par la suppression de la publicité au profit du privé. Le Président de la République veut des groupes audiovisuels puissants, nous voulons un espace médiatique sain, pluraliste et indépendant.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Il y a les amendements qui anticipent sur la loi audiovisuelle et ceux qui reviennent sur la loi de modernisation de l'économie. La commission des finances est défavorable à l'amendement n°II-228, qui reviendrait sur l'article 142, comme il le sera à l'amendement n°II-229, qui reviendrait sur l'article 143.
Mme Christine Albanel, ministre. - Défavorable également. Il serait très dommage d'obliger une chaîne à vendre une part de son capital parce qu'elle a du succès !
L'amendement n°II-228 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°II-229, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.
I. - Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 143 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie est abrogé.
II. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Médias
M. Jack Ralite. - On nous dit en substance : « Attendons la grande loi pour statuer » mais en juillet, on n'a pas attendu, on a fait avant. Les cavaliers n'étaient pas des chevaux légers, ils étaient montés sur des percherons ! (Sourires)
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Vous nous dites cela, à des élus du Perche !
L'amendement n°II-229 n'est pas adopté.
L'article 86 est adopté, ainsi que les articles 87 et 88.
M. le président. - Il est une heure moins le quart. La Conférence des Présidents a interdit que l'on engage la discussion du budget d'une mission à une heure pareille. Mais si le président de la commission des finances va contre...
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Nous sommes au dernier soir... Ce serait peut-être une épreuve que de vous demander de venir demain à 10 heures... Le Sénat siège de toute façon à 14 heures... Si nos collègues et Mme la ministre le souhaitent, nous pourrions peut-être déroger à cette règle.
Mme Christine Albanel, ministre. - Je souhaite commencer maintenant l'examen de mon budget !
M. le président. - A une heure aussi déraisonnable, j'invite chacun au strict respect de son temps de parole, après une courte pause.
La séance, suspendue à 0 h 45, reprend à 0 h 50.
M. le président. - Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Culture » figurant à l'État B.