Modernisation des institutions de la Ve République (Suite)
Discussion des articles (Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle, modifié par l'Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République. Nous reprenons la discussion des articles.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°423 rectifié, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les moyens de communication, écrite, audiovisuelle, radiophonique et numérique concourent, par leur pluralisme, à la libre expression et la libre communication des pensées et des opinions. La loi garantit leur indépendance et met en place les règles limitant les concentrations, assurant la transparence des entreprises de communication et les relations entre les propriétaires de ces entreprises et l'État. »
M. David Assouline. - Une Constitution doit évoluer pour garantir l'effectivité des principes et règles qu'elle énonce. Le rôle des médias n'est plus ce qu'il était il y a cinquante ans. La société de l'information est une réalité.
Selon une étude récente, les Français de plus de 13 ans ont, en moyenne, quarante-et-un contacts par jour avec un support média ou multimédia ; les 15-24 ans, plus de quarante-cinq. Neuf Français sur dix regardent la télévision tous les jours, huit sur dix écoutent la radio ou lisent la presse, plus du tiers « surfent » sur Internet.
Le législateur constitutionnel doit considérer ces médias de masse comme un véritable pouvoir, dont il faut encadrer l'exercice pour éviter les abus.
Dans sa décision du 18 septembre 1986, le Conseil constitutionnel a reconnu le pluralisme comme objectif de valeur constitutionnel, considérant qu'il s'agit de l'« une des conditions de la démocratie ».
Or, l'évolution de l'économie du secteur et les liaisons dangereuses qu'entretient le Président de la République avec la plupart des patrons de presse, de radio et de télévision nous font penser que cette garantie ne suffit plus. A l'heure de la dématérialisation de l'information, le marché est dominé par des groupes qui multiplient les supports, mariant contenants et contenus. En France, cette concentration va au-delà du secteur de la communication : Bolloré, Dassault, Lagardère, ou LVMH, aucun n'a pour métier premier l'information. A l'exception de LVMH, tous tirent une part substantielle de leurs revenus de commandes publiques...
Ce phénomène de concentration unique au monde est d'autant plus inquiétant que l'actuel chef de l'État ne se prive pas d'user et d'abuser de sa proximité avec les patrons de ces groupes pour influencer la ligne éditoriale des principaux médias. (Soupirs de lassitude à droite)
Les journalistes s'inquiètent : certaines voix, dans la majorité, relaient déjà le souhait de ces industriels de voir assouplies les règles de déontologie d'une profession dont l'indépendance est pourtant indispensable au pluralisme.
La reconnaissance, dans notre loi fondamentale, du quatrième pouvoir que sont les médias et l'affirmation des principes d'indépendance et de pluralisme nous semblent donc indispensables.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois. - Ces principes sont garantis par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et par la loi, et il n'est pas possible d'énumérer dans la Constitution toutes les composantes des libertés publiques. Cependant la commission a donné un avis favorable à l'amendement socialiste déposé à l'article 11 et visant à garantir, à l'article 34 de notre loi fondamentale, ces principes de pluralisme et d'indépendance.
M. Michel Charasse. - C'est quoi le pluralisme ?
M. Michel Mercier. - Justement ! C'est ce que tu ne connais pas ! Mais il est loisible de suivre un cours.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux, ministre de la justice. - L'objectif est louable mais le Conseil constitutionnel reconnaît déjà à ces principes une valeur constitutionnelle et il est préférable d'attendre les conclusions du comité Veil, chargé d'une réflexion sur ce sujet. Avis défavorable.
M. Bernard Frimat. - Ce type de réponse est insupportable !
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement est extrêmement important car il s'agit d'écrire les premières lignes de notre Constitution. Il est essentiel de garantir à cet endroit la liberté et le pluralisme des médias. D'autant qu'on ne peut méconnaître, à moins d'être aveugle et sourd, les actuelles connivences et collusions. Qui prétendra que la télévision et la presse sont indépendantes du pouvoir économique ? Qui prétendra que ce pouvoir économique est indépendant du pouvoir politique en place ? Il n'est que de voir les décisions annoncées et la manière dont elles le sont. La presse, devenue quatrième pouvoir, doit être indépendante des autres pouvoirs, qu'ils soient politique, économique, judiciaire ou autre. Ce n'est pas le cas.
Quant aux objections du rapporteur et de la Garde des sceaux, elles ne tiennent pas. Suffit-il qu'un thème soit traité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou dans une loi pour exclure à tout jamais ce thème de notre loi fondamentale ? A ce compte-là, il n'y aurait plus rien dans notre Constitution. Enfin, c'est le Parlement qui a été chargé de réformer cette Constitution, ce n'est pas un comité, fût-il composé des plus éminentes personnalités.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Bien entendu, nous voterons cet amendement. Moderniser nos institutions, c'est se préoccuper des manques de notre loi fondamentale ou des problèmes qui sont devenus aigus. Celui du pluralisme des moyens d'information est grave, l'audiovisuel public est menacé et les moyens d'information sont sous la coupe des pouvoirs financiers. Nous ferions donc acte de modernité en défendant le pluralisme et l'indépendance des moyens d'information.
La Garde des sceaux évoque le comité Veil : pourquoi n'avoir pas attendu ses conclusions avant de nous faire discuter le présent texte, au risque de nous obliger, au vu de ces conclusions, à légiférer à nouveau ? Nous serions fondés à nous regimber.
M. David Assouline. - La Garde des sceaux juge l'objectif de notre amendement louable mais elle réserve son approbation à Mme Veil. Pour moderniser notre Constitution, comme vous prétendez le faire, il faut y intégrer ce qui n'était pas un problème majeur il y a cinquante ans mais qui l'est devenu. Nous sommes désormais dans une société où l'information a tout envahi. Mais parce que cet amendement vient d'un socialiste, vous vous réfugiez derrière Mme Veil ! Les principes de pluralisme et d'indépendance devraient nous rassembler et figurer dans notre Constitution sous peine de décrédibiliser votre entreprise de modernisation.
Mme Jacqueline Gourault. - Je voterai cet amendement et rappellerai que François Bayrou a été le premier à soulever ce problème. Il faut couper les liens entre les propriétaires des médias et ceux qui sont liés à la commande publique : c'est une condition sine qua non de la démocratie. (Applaudissements à gauche)
M. Hugues Portelli. - Le seul problème est de savoir si c'est, ou non, pertinent d'inscrire cela noir sur blanc dans la Constitution. Nous croulons aujourd'hui sous une multitude de documents fondamentaux -notamment européens- qui entrent peu à peu dans notre droit et le Conseil constitutionnel comme le Conseil d'État les ont intégrés dans leurs jurisprudences. Ces textes divers sont si nombreux que nous ne parviendrons jamais à actualiser notre Constitution en permanence. Ce serait une course sans fin et nous ne rattraperons jamais notre retard. Ce n'est pas à nous de le faire : c'est au juge constitutionnel lui-même. Ou alors, faisons-le sous forme législative, pas sous forme constituante. Dans de nombreux pays voisins, le constituant a renoncé à courir en permanence derrière les évolutions techniques et il laisse faire le juge constitutionnel ou les autres juges. (M. Alain Gournac applaudit)
M. Michel Charasse. - Cet amendement a le mérite de traduire le malaise qui règne sur cette question. Cela ne va pas très bien, mais on ne sait pas comment faire pour que ça aille mieux... Nos collègues posent les bonnes questions, mais n'apportent pas de réponse tangible. Sur le pluralisme, le Conseil constitutionnel a tout dit en examinant la loi de 1984 ; et les règles ainsi posées ont été respectées dans les textes ultérieurs, statut de l'audiovisuel, Haute autorité, etc. Il n'est pas essentiel d'inscrire dans la Constitution un principe qui figure déjà dans la jurisprudence du Conseil.
Le texte le plus sacré en la matière est l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme : finie, la dictature de l'Ancien régime, on peut désormais penser et écrire librement. L'effet fut immédiat : foisonnement de journaux, parole libérée, réunions publiques. Au cas présent, quel serait l'effet ? Obligera-t-on les lecteurs à lire des journaux dont ils ne veulent pas ? L'État devra-t-il créer des gazettes pour « boucher les trous » ? Nous avons un service public dont le rôle est précisément de garantir le pluralisme, hélas les journalistes pensent moins à remplir cette mission qu'à se faire plaisir à eux-mêmes. (Applaudissements à droite)
M. Bernard Frimat. - Je suggère à M. Portelli d'engager au sein de son parti une course-poursuite pour rattraper la démocratie.
Dans la loi fondamentale, il ne s'agit pas de faire des adaptations techniques mais d'affirmer des principes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ce n'est pas faux.
M. Bernard Frimat. - Allons-nous participer au même jeu de rôle qu'hier, avec une ministre qui juge les idées présentées presque bonnes, intéressantes, mais qui finalement les rejette, tout en assurant cependant qu'une commission y réfléchit ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Si une commission réfléchit, il n'y a plus rien à dire.
M. Bernard Frimat. - Dès lors qu'une commission a été nommée par qui nous savons, le Parlement doit cesser d'évoquer le sujet en cause, devenu tabou. Vous êtes pour le pluralisme tant qu'il ne se réalise pas -il en va de même pour le vote des étrangers... Telle est votre ligne de conduite ! Je songe à cette célèbre phrase du Bossu de Paul Féval : « Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi. » (Rires)
M. Robert Badinter. - Il n'y a pas de démocratie sans liberté d'opinion. Et la situation n'est plus celle de 1789. L'indépendance des médias est une chose, celle des journalistes au sein des rédactions en est une autre. Je ne m'attarderai pas sur les nominations influencées par le pouvoir politique -le phénomène n'est pas nouveau.
En revanche, comment admettre que des groupes industriels extrêmement puissants et qui entretiennent des rapports privilégiés avec l'État et les collectivités parce qu'ils vivent de la commande publique -matériel de guerre, travaux publics- soient propriétaires de grands médias et puissent influer sur la vie politique ? Ce cumul, au sein de la démocratie, n'est pas acceptable. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit)
M. Ladislas Poniatowski. - Mais l'amendement ne résout pas ce problème !
M. Robert Badinter. - Si vous vous engagiez à porter remède à ce problème avant la fin de la législature, j'en serais satisfait. Mais si vous laissez perdurer cette situation incestueuse, ne nous parlez plus de démocratie ou de pluralisme.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Nos collègues oublient que nous avons accepté un amendement qu'ils présentent à l'article 11 et qui y a tout à fait sa place.
Certes, nous pouvons avoir un débat complet sur tous les problèmes de notre société...
M. Jean-Pierre Bel. - C'est important !
M. Robert Bret. - Nous sommes dans le cadre du débat sur la révision.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Cadrer : c'est le mot qui s'impose ! Au lieu d'explications de vote, nous entendons des conférences. J'invite chacun à la sobriété !
M. le président. - J'ai le souci de laisser la liberté de parole aux orateurs qui la demandent. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Votre présidence n'est pas en cause, monsieur le président !
M. le président. - Je souhaite exercer une présidence apaisée et ne pas heurter M. Peyronnet ou M. Mercier qui souhaitent s'exprimer.
M. Alain Gournac. - Avançons !
M. le président. - Certains ont plus d'expérience que moi de ces grands débats, mais je crois qu'au fil des jours la situation se décantera.
M. Jean-Claude Peyronnet. - M. Charasse nous dit que le principe du pluralisme est déjà dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789, mais les choses ont bien changé depuis lors : elle énonce des libertés formelles, il nous faut les organiser. M. Poniatowski pense que l'amendement ne règlera pas le problème, mais la démonstration de M. Badinter est sans appel !
Quand le Président de la République passe ses vacances sur un yacht puis dans une vaste maison prêtée par un chef d'entreprise, on nous dit que c'est autant d'économies pour la République : est-ce si sûr ? Comment ne pas imaginer qu'il y a un retour, en remerciement ? Tout élu local qui accepte une invitation à déjeuner d'un entrepreneur lié à un marché public, attire les foudres de la chambre régionale des comptes, mais le Président de la République, en acceptant de tels cadeaux, montre qu'il est au-dessus de tout ça : ce n'est guère acceptable ! (Applaudissements à gauche)
M. Michel Mercier. - Le principe du pluralisme est acquis depuis longtemps, reste à l'appliquer de manière satisfaisante. Je demande une suspension de séance, pour réunir mon groupe.
M. le président. - D'accord, cinq minutes !
La séance, suspendue à 10 h 50, reprend à 10 h 55.
M. Michel Mercier. - Le groupe UC-UDF estime que ce débat est l'occasion de lancer des signaux forts. Nous devons aujourd'hui rebâtir le droit de la presse et de l'audiovisuel !
M. Jean-Claude Peyronnet. - Très bien !
M. Michel Mercier. - Cet amendement est imparfait, mais il concourra, peut-être, à une réflexion sur l'ensemble des médias, et à une refonte du droit de la presse, encore largement réglé par l'ordonnance de 1945, laquelle fut en bonne partie rédigée par Pierre-Henri Teitgen, ministre d'un gouvernement présidé par le général de Gaulle. Nous voterons l'amendement ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°423 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants.................................327
Nombre de suffrages exprimés.................326
Majorité absolue des suffrages exprimés...164
Pour...................................................156
Contre................................................170
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean-Pierre Sueur. - La majorité est de plus en plus courte. Encore un effort, camarades ! (Rires à droite)
M. le président. - Amendement n°424 rectifié, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Afin d'assurer l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, les services de radio et de télévision doivent respecter, au sein de leurs programmes, une répartition des temps d'intervention entre le Président de la République et le Gouvernement, pour un tiers du temps, les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, pour un tiers du temps et les personnalités appartenant à l'opposition parlementaire, pour un tiers du temps.
« Par exception aux dispositions qui précèdent, lorsque le Président de la République et le Gouvernement sont issus de majorités politiques d'orientations différentes, les interventions du Président de la République sont décomptées avec celles des personnalités appartenant à l'opposition parlementaire. »
M. David Assouline. - La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication confie au CSA la mission d'assurer le pluralisme de l'expression dans les médias audiovisuels. Cette instance de régulation a repris et adapté la règle des trois tiers énoncée en son temps par une directive du conseil d'administration de l'ORTF pour assurer un équilibre dans l'expression des points de vue entre les représentants des pouvoirs publics, ceux qui les approuvent et ceux qui les critiquent. Le CSA s'en est inspiré pour équilibrer l'expression audiovisuelle du Gouvernement, de la majorité parlementaire et de l'opposition parlementaire, qui disposent chacun d'un tiers du temps de parole.
L'article 13 de la loi de 1986, complétée par celle du 1er février 1994, accorde au Parlement et aux partis politiques un droit de regard sur le décompte mensuel effectué par le CSA. Or, celui-ci a toujours refusé de comptabiliser le temps de parole du Président de la République avec celui du Gouvernement, au motif que la Constitution de la Ve République place le chef de l'État dans une position d'arbitre au-dessus des contingences partisanes. Cette position a été confirmée le 13 mai 2005 par le conseil d'État, ce dernier estimant qu'en vertu de la tradition républicaine et de la Constitution en vigueur, le Président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti ou d'un groupement politique.
Cependant, le CSA s'est engagé depuis juillet 2006 dans une réflexion portant sur la règle des trois tiers. Jusqu'à présent, la démarche n'a pas abouti, alors que l'évolution institutionnelle est marquée par une présidentialisation accentuée. La multiplication des interventions du chef de l'État dans les médias a rompu l'équilibre de l'expression politique. Ce point est d'autant plus inquiétant que la presse écrite est largement possédée par des groupes industriels et financiers proches du pouvoir et dont certains entretiennent des relations économiques importantes avec la puissance publique.
S'étant penché sur cette dérive qu'il a qualifiée d'anomalie, le comité Balladur a proposé que les interventions du Président de la République soient comptabilisées avec celles du Gouvernement.
La réforme dont nous débattons conforte encore le pouvoir du chef de l'État. Si elle entre en vigueur, celui-ci ne pourra prétendre être considéré comme un arbitre. L'actuel locataire de l'Elysée ne se contente d'ailleurs pas de ce rôle, à tel point que certains, sur les bancs de la majorité, estiment qu'il ne leur laisse guère de place.
C'est pourquoi nous proposons de redéfinir la règle des trois tiers pour que le Président de la République et le Gouvernement disposent d'un tiers du temps, la majorité parlementaire aussi et l'opposition idem. En cas de cohabitation, le temps de parole du Président de la République serait décompté avec celui de l'opposition.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Il est difficile de trier les interventions du Président de la République selon qu'elles relèvent ou non du dialogue politique entre majorité et opposition. Certes, le comité Balladur a évoqué cette question, mais pas au titre de la réforme constitutionnelle.
La commission est défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - En effet, cette disposition n'est pas de nature constitutionnelle. Le pluralisme relève de la loi fondamentale, le décompte du temps d'expression devant être traité par une loi, éventuellement organique.
Par ailleurs, le chef de l'État se trouve dans une position différente de celle des autres acteurs politiques. Comment décompter l'hommage rendu à d'anciens combattants ?
M. Jean-Pierre Bel. - Ce sujet, notoirement essentiel pour nous, influencera notre appréciation finale sur ce projet de loi.
Nos institutions évoluent vers une présidentialisation marquée récemment par l'hypermédiatisation du chef de l'État.
Vos réponses sont parfois déconcertantes. Ainsi vous dites que le sujet n'est pas de nature constitutionnelle, alors qu'il fait l'objet d'une proposition formulée par le comité Balladur, précisément chargé d'une réflexion constitutionnelle. En janvier, nous avons déposé une proposition de loi sur ce sujet, mais elle n'a jamais été inscrite à notre ordre du jour. Maintenant, nous voulons intervenir au niveau constitutionnel et vous dites que ce n'est pas le moment !
Alors que la domination des médias par de grands groupes industriels menace la démocratie, quand ferez-vous des propositions pour modifier le système des trois tiers ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ne nous trompons pas, mes chers collègues, nous sommes là, derrière un habile habillage parlementaire, pour constitutionnaliser la pratique politique du Président de la République. Cette évolution de nos institutions est très inquiétante.
J'ai été choquée d'entendre la ministre de la culture qualifier la proposition de mes collègues de ridicule. Il est ridicule qu'un ministre de la République traite ainsi les attentes de groupes politiques qui se préoccupent du pluralisme dans les médias et du caractère excessif des interventions du chef de l'État alors que celui-ci intervient sur tout, à tout moment et qu'il veut régler dans les moindres détails le fonctionnement des pouvoirs politiques, législatifs et judiciaires.
Je regrette qu'à l'occasion de l'examen de notre loi fondamentale qui concerne tous nos concitoyens, on ne tente pas d'enrayer l'évolution inquiétante d'absence de pluralisme dans les médias.
Comme je ne suis pas une adepte du bipartisme, je préfèrerais que l'amendement fasse référence aux groupes parlementaires d'opposition : je déposerai donc un sous-amendement en ce sens.
M. David Assouline. - Ce sous-amendement est opportun et je le voterai. Tout à l'heure, M. Hyest a dit que le Président de la République parlait au nom de la France et que notre amendement n'était donc pas recevable. Mais vous ne pouvez pas échapper à ce débat : à partir du moment où le Président dit qu'il est le chef de l'exécutif et qu'il veut s'exprimer devant le Congrès, il n'est pas possible de refuser de décompter ses temps d'interventions ou alors ce serait d'une mauvaise foi évidente. D'ailleurs, le comité Balladur l'avait proposé et M. le rapporteur ne peut prétendre qu'il s'agit là d'une disposition qui n'a pas vocation à figurer dans la Constitution. Le comité était chargé de réformer la Constitution, et de rien d'autre ! (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame)
Comme l'a dit M. Bel, le sort de cet amendement pèsera lourd dans la décision que nous prendrons sur l'équilibre de cette réforme. Si, au lieu de nous répondre : « Circulez, il n'y a rien à voir », Mme la Garde des sceaux reconnaissait l'importance du problème, les choses pourraient être différentes. Hélas, le Gouvernement nous répond que cette question n'a rien à voir avec la réforme des institutions et qu'il a l'intention de continuer comme par le passé.
M. Dominique Braye. - Le Président de la République a été élu par les Français !
M. David Assouline. - Vous traitez le pluralisme avec désinvolture et vos réponses ne sont pas satisfaisantes.
M. Bernard Frimat. - Il n'est pas possible de balayer d'un revers de main les arguments de M. Hyest. Il est vrai que certaines prises de parole du Président de la République sont inhérentes à sa fonction, lors de commémorations ou de rencontres internationales. Il ne vient à l'idée de personne de décompter ces temps de parole puisqu'il dépasse de très loin son appartenance politique pour représenter la France.
Mais nous savons tous aussi que la pratique du pouvoir a considérablement évolué depuis la dernière élection présidentielle : si nous posons la question du temps de parole -et nous n'avons pas la cruauté de la poser en termes de temps d'image- ce n'est pas parce que nous voulons inventer un problème mais parce qu'il existe bel et bien, à tel point que le comité Balladur, qui n'a pas été installé par nous, en a fait la remarque.
Si nous entendons les arguments du président de la commission des lois, ceux du Gouvernement s'apparentent, comme souvent, à une non-réponse. Il nous répond que cet amendement n'est pas constitutionnel. Mais le pouvoir constituant n'est pas là pour respecter une quelconque jurisprudence, madame la Garde des sceaux, mais pour dire ce que veut le peuple souverain par l'intermédiaire de ses représentants : il n'y a pas de limite à ses pouvoirs !
En ce qui concerne le CSA, on touche au ridicule, au grotesque ! Certaines périodes sont scrupuleusement surveillées et d'autres, riches en déviances, pas du tout.
Vous nous dites, madame la ministre, que notre proposition relève de la loi. Donnez-nous alors des principes, des idées, des précisions. Mais à chaque fois, vous faites un renvoi muet à la loi, comme si vous aviez honte de ce qui y figurera. Pourquoi ne pas entrouvrir les portes pour que nous puissions au minimum apercevoir ce que vous avez l'intention de nous proposer ? C'est un peu comme si vous nous opposiez le secret défense !
Lorsque nous déposons nos amendements, nous savons bien qu'ils ne seront pas tous adoptés, mais nous espérons avoir des réponses sur les questions que nous abordons. Comme vous refusez de répondre, nous vous interrogeons encore et encore afin de démontrer la permanence de ce non-dialogue.
M. Robert Bret. - La Constitution traite des grands principes, comme la liberté d'expression et d'opinion, le pluralisme politique et médiatique. Il en va d'ailleurs de même pour la représentativité des syndicats : il n'y a pas de démocratie sans pluralisme syndical. Nous en reparlerons à l'occasion de l'examen d'une prochaine loi.
Pourquoi passer sous silence l'influence des grands groupes financiers sur les médias ? Nous sommes bien loin de 1946, époque à laquelle la presse démocratique a connu un essor spectaculaire. Avec l'omniprésence du Président de la République dans les médias, le pluralisme est déséquilibré. Bien sûr, il faut distinguer les moments selon que le Président parle au nom de la France ou en tant que chef de parti. Mais cet amendement est tout à fait fondé et il permettra de mieux garantir l'indépendance des médias. Je le voterai donc.
M. Jean-Pierre Sueur. - A l'heure actuelle, le CSA s'appuie sur la théorie des trois tiers, mais il s'agit en fait d'un faux quatre quarts. (Sourires) Il y a en effet un quart de temps pour l'opposition, un quart pour la majorité, un quart pour le Gouvernement et le dernier quart est réservé au Président de la République. Mais il ne s'agit pas d'un véritable quart, car il est beaucoup plus important. C'est pour cela que je parle de faux quatre quarts ! (On s'amuse)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Pagnol !
M. Jean-Pierre Sueur. - Le quart de temps présidentiel étant tellement important, celui de l'opposition correspond en fait à un cinquième, voire moins... Nous sommes donc dans l'injustice. Et comme nous avons le plaisir d'avoir au banc des ministres Mme la Garde des sceaux, ministre de la justice, je ne doute pas qu'elle sera très attachée à réparer cette inégalité de traitement en acceptant notre amendement, somme toute très modéré.
Il y a deux conceptions de la charge de Président de la République : il y a celle illustrée par un ancien sénateur, René Coty, qui se voulait neutre, ce qui n'entachait en rien ses mérites, et celle illustrée par Nicolas Sarkozy, bien plus engagée que pour ses prédécesseurs.
Il voyage en province et la tradition républicaine veut que nous l'y allions accueillir et accompagner mais voilà que, tout soudain, il nous quitte pour se rendre à une réunion de l'UMP. Comment alors dire qu'il serait au-dessus des partis ? D'autant qu'il organise à l'Élysée des réunions de l'UMP.
M. Michel Charasse. - Cela s'est toujours fait.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il est vrai que François Mitterrand faisait lire des messages aux congrès du PS -merci, cher collègue, de ne pas entrer dans les questions internes à un parti que vous connaissez bien et qui vous connaît bien !
Bref, tout cela montre combien il serait faux de se représenter le Président de la République comme planant dans les limbes de la neutralité.
M. Michel Charasse. - Même si je considère que cette précision n'a pas sa place dans la Constitution, je serais prêt à voter cet amendement, pourvu qu'il soit rectifié. Il faudrait préciser qu'il s'agit des services « publics » et, surtout, que cette restriction ne s'applique pas en temps de crise. J'ai vécu la guerre du Golfe auprès de l'exécutif, il peut y avoir un besoin impératif de s'exprimer sans demander la permission au CSA. Il ne s'agit quand même pas du président d'une amicale bouliste ! L'État, ça existe aussi ! Je propose donc un sous-amendement ainsi rédigé : « Une loi organique adoptée par les deux Assemblées à la majorité des trois cinquièmes... (Exclamations sur divers bancs)
M. le Président. - Là, c'est un véritable amendement !
M. Michel Charasse. - Un sous-amendement.
M. le président. - Plutôt un sur-amendement ! (Sourires approbateurs)
M. Michel Charasse. - Bon, je me contente de dire :
Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement 424 rect pour l'article 4 de la Constitution, après les mots :
les services
insérer le mot :
publics
et après les mots :
leurs programmes
insérer les mots :
, sauf en temps de crise
M. le Président. - Nous voici donc saisis de deux sous-amendements, n°512 de Mme Borvo-Cohen-Seat et n°513 de M. Charasse.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission. - La Constitution n'est pas un fourre-tout ni un bric-à-brac ! Ne faisons pas comme les Suisses qui avaient mis tellement de choses dans la leur -jusqu'au règlementaire !- qu'ils ont dû la récrire entièrement. Gardons présente à l'esprit la hiérarchie des normes ! Le Conseil constitutionnel a précisé que les principes fondamentaux avaient valeur constitutionnelle ; ils n'ont donc pas à être ajoutés à la Constitution. Il y a aussi, au-dessus de la Constitution, les conventions internationales que nous avons ratifiées. Pour le reste, on peut utiliser d'autres textes : la loi organique, la loi ordinaire, laquelle a toute sa valeur pour un certain nombre des problèmes dont nous discutons en ce moment. (Applaudissements sur les bancs UMP)
M. Bernard Frimat. - Certes, mais qu'y mettrez-vous ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission des lois n'a évidemment pas examiné ces sous-amendements. Je trouve très intéressant celui de Mme Mme Borvo Cohen-Seat ; nous aurons l'occasion d'y revenir. Celui de M. Charasse aurait pu nous agréer mais les deux portent sur un amendement auquel nous sommes défavorables.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis. (Protestations à gauche)
M. Jean-Pierre Bel. - C'est un peu court !
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Faut-il que je répète ce qu'a fort bien dit M. Gélard ? Cet amendement n'a pas sa place dans la Constitution. Pour la question de principe, attendons le travail de Mme Veil sur le Préambule. Le reste ne peut pas être considéré comme relevant de la « modernisation de nos institutions ».
M. Jean-Pierre Bel. - Donc, M. Balladur a dit n'importe quoi !
M. Michel Mercier. - Nous avons souhaité émettre un signal clair sur une question de principe, le pluralisme. Restons-en là. Ces amendements et sous-amendements n'ont pas leur place dans la Constitution, nous ne les voterons pas, même si Mme Borvo Cohen-Seat a posé beaucoup de questions sur lesquelles nous pouvons nous retrouver.
M. René Garrec. - Très bien !
M. David Assouline. - Quand ça a valeur constitutionnelle, on nous renvoie à Mme Veil au prétexte que les grands principes sont en jeu, quand nous proposons de concrétiser un droit formel qui doit être précisé au regard des évolutions récentes -sinon, on pourrait s'en tenir à la Déclaration de 1789 !- on nous dit que cela relève de la loi ordinaire. Cela, nous pouvons l'entendre si l'on nous dit que telle sera bien la direction dans laquelle ira la prochaine loi, mais vous refusez de nous donner la moindre indication en ce sens !
Je ne comprends pas le sous-amendement de M. Charasse : le CSA ne régit pas seulement le service public.
M. Michel Charasse. - Il n'est pas compétent pour les radios privées !
M. David Assouline. - Nous voulons que la règle des trois tiers s'applique à tous les moyens de communication audiovisuelle en période électorale. Avec la précision de M. Charasse, TF1, Europe1, RTL y échapperaient ! Quant à la situation de crise, cela va tellement de soi que la précision est inutile.
Bref, nous ne voterons pas ce sous-amendement, à la différence de celui de Mme Borvo Cohen-Seat qui apporte une précision utile.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - L'amendement de Mme Borvo Cohen-Seat exprime bien la diversité de l'opposition ; très bien, nous le voterons.
Quant à celui de M. Charasse... Que veut dire « crise » ? Nous sommes dans un État de droit ! Il y a toutes sortes de crises, sociale, économique.
M. Ladislas Poniatowski. - Une crise, c'est quand le PS exclut M. Charasse. (Sourires)
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Par certains aspects, la crise est permanente.
Je suis étonnée des arguments qui nous sont opposés un peu facilement.
On nous renvoie sans cesse à une convention internationale, à une charte, à une loi ; à quoi servons-nous ?
M. Michel Charasse. - Avec le sous-amendement de Mme Borvo Cohen-Seat, qui ne vise que les groupes, les parlementaires de l'opposition non inscrits n'auraient aucun droit.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - En effet.
M. Michel Charasse. - Quant au temps de crise, il suffit d'avoir exercé un tant soit peu de responsabilités pour savoir ce que cela veut dire. Ce n'est pas la guerre des boutons qui peut conduire à bouleverser l'équilibre des temps de parole. Mai 68, c'était bien un temps de crise et c'est la continuité des services publics qui a évité des morts...
Le sous-amendement n°513 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°512.
L'amendement n°424 rectifié est mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe socialiste.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 203 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°166, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 6 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 6. - Le Président de la République est élu pour cinq ans par le Parlement réuni en Congrès.
« Il ne peut accomplir plus de deux mandats consécutifs. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Notre choix est constant d'un régime parlementaire. Nous nous étions résignés depuis 1962 à l'élection du Président de la République au suffrage universel mais malheureusement, les choses étant ce qu'elles sont, (marques d'étonnement à droite) nous pensons qu'il faut y revenir et que notre proposition est la seule qui puisse véritablement restaurer la primauté du Parlement dans nos institutions.
L'existence de deux légitimités provoque une concurrence dont pâtissent les deux pouvoirs ; et l'instauration du quinquennat, conjuguée à l'inversion du calendrier, a encore renforcé la domination du Président de la République. Les pères de notre démocratie seraient bien étonnés de la voir dériver vers une monarchie présidentielle. (On s'esclaffe à droite) On me dira que le peuple est très attaché à l'élection du Président de la République au suffrage universel...
M. Ladislas Poniatowski. - Vous avez peur du peuple !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - ... et que la participation à l'élection présidentielle le prouve. Nos concitoyens savent bien que le Parlement n'a plus qu'un pouvoir exécutant. J'ai été choquée et triste de constater dans une récente enquête d'opinion -cette opinion dont vous êtes si friands que vous légiférez aussitôt qu'elle s'émeut- qu'une majorité de Français pensaient que les parlementaires ne servent pas à grand-chose.
Aujourd'hui, l'élection présidentielle détermine tout le reste. Le Président de la République est le chef de l'exécutif, le chef de la majorité, le chef du parti majoritaire. La pratique de l'actuel titulaire du mandat ne peut que nous faire réfléchir. L'opinion s'agace de le voir partout courir pour faire passer auprès d'elle ses propositions. Et sa présence devant le Congrès va encore accentuer cette dérive. Nous sommes très inquiets de voir nos institutions ainsi hyperprésidentialisées.
Il n'y a pas de mystère : la revalorisation du Parlement passe par une réduction des pouvoirs du chef de l'État, surtout au regard des traditions bonapartistes et autoritaires de notre pays.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le groupe CRC est cohérent, nous le sommes tout autant. Les Français sont très attachés à l'élection du Président de la République au suffrage universel.
Mme Isabelle Debré. - Bien sûr !
M. Henri de Raincourt. - Faisons un référendum !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - L'avis de la commission est évidemment défavorable, étant entendu que les deux parties de l'amendement sont bien différentes...
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Je renvoie Mme Borvo Cohen-Seat à l'allocution du général de Gaulle du 20 septembre 1962 : pour remplir son mandat, le Président a besoin de la « confiance directe de la Nation ». L'élection du Président de la République au suffrage universel est un élément fondamental de la Ve République et confère au chef de l'État une légitimité incontestable. Les Français y sont très attachés. Il est inconcevable de revenir sur cette avancée majeure.
Ce que propose l'amendement dans sa seconde partie sera discuté ultérieurement.
M. Robert del Picchia. - Mme Borvo Cohen-Seat, qui nous a habitués à mieux, remet en question la souveraineté du peuple !
Je ne comprends pas que l'on veuille interdire au peuple de s'exprimer. Peut-être est-ce que les chances pour votre parti de voir son candidat élu vous paraissent assez minces ? (Sourires à droite)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous ne nous avez pas habitués à autre chose, monsieur del Picchia, et vos attaques sont bien faciles... Nous sommes opposés au bipartisme et au régime présidentiel...
M. Alain Gournac. - ... mais pour le parti unique !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - ... mais profondément attachés au suffrage universel. Vous, quand le peuple dit non, vous passez outre ! (Exclamations à droite) Après le référendum de 2005 et le référendum irlandais, vous n'avez vraiment pas de leçons à donner ! « Le peuple a tort, changeons le peuple ! »
M. Gérard Longuet. - Ah, Brecht !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous sommes résignés à l'élection du Président de la République au suffrage universel, mais l'évolution de nos institutions ne va pas dans le sens de la démocratie, loin s'en faut ! Le sujet mérite réflexion.
M. Alain Gournac. - Ça suffit ! Pas de leçon des communistes !
Mme Josiane Mathon-Poinat. - A nos yeux, cet amendement est le plus important. (Éclats de rire à droite) Nous revendiquons le parlementarisme. Certes, nous nous sommes engagés dans des campagnes présidentielles...
M. Gérard Longuet. - Avec bonheur...
Mme Josiane Mathon-Poinat. - ... pour défendre une République sociale. Giscard d'Estaing... (« Monsieur » ! à droite)... proposait bien que le Président de l'Union européenne soit élu au suffrage indirect, et vous le souteniez !
Mme Isabelle Debré. - Ça n'a rien à voir.
L'amendement n°166 n'est pas adopté.
M. Alain Gournac. - Voilà la réponse !
Article 2
Après le premier alinéa de l'article 6 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être élu plus de deux fois consécutivement. »
M. le président. - Amendement n°97, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :
« Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le texte initial du Gouvernement prévoyait que « nul ne peut accomplir plus de deux mandats consécutifs ». A l'initiative de M. Gérard Charasse...
M. Michel Charasse. - C'est mon cousin.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - ... les députés ont voulu lever une ambiguïté, craignant que la limitation puisse être contournée si le dernier mandat était écourté. Nous proposons de revenir au texte du Gouvernement, en remplaçant toutefois « accomplir » par « exercer », terme qui ne soulève pas les mêmes objections.
M. le président. - Sous-amendement n°350 à l'amendement n°97 de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
A la fin du second alinéa de l'amendement n°97, supprimer le mot :
consécutifs
Mme Alima Boumediene-Thiery. - L'amendement de la commission des lois rétablit une ambiguïté. Nous proposons de supprimer la possibilité pour un ancien Président de se présenter une troisième fois, même après un laps de temps de cinq ans ou plus.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Je ne vois pas au nom de quoi. (Marques d'approbation à droite)
Mme Isabelle Debré. - Laissez les Français décider !
M. Henri de Raincourt. - C'est anti-démocratique !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Avis défavorable. L'histoire a vu nombre d'hommes politiques revenir aux plus hautes responsabilités après un certain laps de temps.
M. Michel Charasse. - Poincaré ou Doumergue !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Votre amendement en ferait des morts civils.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Votre amendement est certes meilleur que le texte initial, mais le Gouvernement était favorable à la rédaction de l'Assemblée nationale, qui lève toute ambiguïté : nul ne peut se faire élire une troisième fois consécutive. C'est bien la participation à l'élection qui est interdite, non l'exercice du mandat. Nous sommes d'accord sur l'objectif, mais avec une nuance.
Défavorable au sous-amendement n°350 : dès lors que l'on prévoit une respiration démocratique au bout de dix ans, il est inutile d'interdire absolument un troisième mandat. C'est au peuple souverain de trancher. Je partage les arguments du rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Être élu deux fois consécutives n'interdit pas de se présenter une troisième fois ! C'est l'exercice du troisième mandat immédiat qui est interdit : dès lors, le Conseil constitutionnel ne permettrait pas au Président sortant de se représenter. Je préfère notre rédaction. La navette est une très bonne chose, surtout quand elle est égalitaire ! Je maintiens l'amendement.
M. Henri de Raincourt. - Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. - Je croyais que l'esprit de cette mesure était de limiter le nombre de mandats à deux, quoi qu'il arrive. Manifestement, j'ai dû mal comprendre...
M. Michel Charasse. - Je ne peux pas imaginer que certains membres du comité Balladur aient pu faire cette proposition par dépit de n'avoir pu se faire élire eux-mêmes... (Sourires)
Je n'aime pas ces règles. Dans la République, depuis toujours, quand on est électeur, on a le droit d'être élu. Les électeurs ne sont pas benêts au point de ne pas savoir choisir librement. Sur le fond, je conteste donc cet article.
Sur la forme, la rédaction de l'Assemblée nationale ne va pas : nul ne peut être élu, mais il peut se présenter ? Nul ne peut exercer un troisième mandat, mais il peut être élu ? Si l'on démissionne un mois avant le terme du deuxième mandat, on n'a pas exercé deux mandats !
Voilà qui est bien compliqué, pour faire outrage aux électeurs et à la démocratie française !
M. Robert Badinter. - Cette discussion terminologique est intéressante. Sur la forme, la rédaction de la commission me paraît la plus claire.
Cette question a été évoquée en 2000 lorsque la durée du mandat a été ramenée de sept à cinq ans.
Finalement, à cette époque, on n'a pas voulu de limitation. Et, en effet, il peut y avoir des circonstances exceptionnelles, en cas de guerre par exemple, où cette limitation serait malvenue. Laissons donc aux candidats le choix de se représenter ou non. D'autant que la situation de pays qui ont inscrit cette limitation dans leur Constitution ne nous y encourage pas. Je pense à la Russie par exemple, où l'ancien président Poutine a trouvé une solution singulière en devenant Premier ministre pour continuer à exercer le pouvoir, ou encore à l'Algérie où il est justement question de modifier la Constitution après les deux mandats de l'actuel Président.
Est-ce donc bien à la Constitution de limiter le nombre des mandats ? C'est plutôt au peuple souverain de décider. Je ne suis pas convaincu de la nécessité de cet amendement.
Le sous-amendement n°350 n'est pas adopté.
M. Michel Charasse. - Je n'ai pas eu de réponse sur le mandat interrompu. Un Président qui démissionne un mois avant la fin de son deuxième mandat pourra-t-il se représenter ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - S'il démissionne ainsi, il n'en aura pas moins exercé deux mandats. C'est pourquoi nous préférons « exercer » à « accomplir ».
M. Michel Charasse. - En cas de nécessité, on trouvera toujours une solution...
L'amendement n°97 est adopté.
M. le président. - Amendement n°78, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La situation des anciens Présidents de la République est déterminée par une loi organique. »
M. Patrice Gélard. - Amendement personnel. J'ai souvent appelé l'attention sur la situation anormale des anciens Présidents de la République et j'ai même déposé à ce sujet trois propositions de loi, visant notamment à ce qu'ils puissent être sénateurs à vie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Cela, c'est le summum de la démocratie !
M. Patrice Gélard. - Les anciens présidents sont membres à vie du Conseil constitutionnel et, grâce à Michel Charasse lorsqu'il était au budget, ils bénéficient d'un statut mais qui n'est pas transparent. Il est normal qu'ils disposent de gardes du corps, d'une voiture, d'un cabinet, ou d'un logement de fonction mais cela doit être public et non occulte. Cela dit, je suis ouvert à la discussion.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le doyen Gélard nous dit souvent qu'il ne faut pas mettre n'importe quoi dans notre loi fondamentale. Ce genre de choses n'est vraiment pas de niveau constitutionnel. Et puis que signifie « statut » ? Il s'agit de moyens normaux pour un ancien chef de l'État. Et je ne suis même pas sûr que cela relève de la loi. Retrait ou rejet.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Cet amendement doit être mis en cohérence avec le n°73 qui vise à supprimer l'appartenance au Conseil constitutionnel. Actuellement, l'article 56 de la loi fondamentale énonce cette appartenance -que le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause- et l'article 67 traite du statut pénal des anciens Présidents. En outre ceux-ci bénéficient de certains moyens matériels mais cela ne relève pas du niveau constitutionnel : il s'agit d'usages républicains élémentaires qui sont dans l'intérêt même de notre pays que l'expertise de nos anciens Présidents peut faire rayonner à l'étranger. C'est donc un simple usage que nous souhaitons maintenir. Retrait ou rejet.
M. Patrice Gélard. - Je voulais seulement appeler l'attention du Sénat et du Gouvernement sur certaines anomalies. Nous y reviendrons au sujet du Conseil constitutionnel. Je retire mon amendement
M. Michel Charasse. - Je le reprends pour apporter des précisions que le doyen Gélard n'a pas fournies. Lorsque François Mitterrand a été élu en 1981, nous étions face à un ancien Président, Valéry Giscard d'Estaing, encore jeune et déterminé à mener encore de nombreuses activités et à beaucoup voyager. Or, en dehors de son traitement du Conseil constitutionnel et de sa dotation retraite, un ancien Président de la République ne disposait alors d'aucun autre revenu.
François Mitterrand m'a alors chargé de contacter M. Giscard d'Estaing pour élaborer avec lui certaines règles de bon fonctionnement, sachant que sous la IVe République, les anciens Présidents Coty et Auriol avaient bénéficié d'un logement attribué par le président du Conseil, au Palais de Chaillot.
M. Ladislas Poniatowski. - Pas désagréable...
M. Michel Charasse. - François Mitterrand m'a alors dit qu'il fallait à l'ancien Président un local, un secrétariat, une ligne téléphonique, de quoi voyager et assurer sa sécurité. J'ai donc élaboré une note d'instruction et tout devait être pris en charge par Matignon. Depuis lors, tout fonctionne encore comme cela. Je vous épargne les détails : la note précisait combien de fonctionnaires de catégorie A étaient mis à disposition, les ordres donnés aux compagnies de transport d'assurer la gratuité des voyages et, même, était prévue, sur instruction de François Mitterrand, que, dans l'ordre protocolaire républicain, l'ancien chef de l'État venait immédiatement après les présidents des deux assemblées. Tout cela n'a posé aucun problème ni avec M. Giscard d'Estaing, ni avec M. Chirac. François Mitterrand avait prévu de donner aux anciens Présidents le choix entre un logement de fonction, un local pour leur secrétariat, ou un local mixte.
Si on veut règlementer ce genre de choses, alors il faudra aller jusqu'à se préoccuper de la situation des veuves. Je précise que François Mitterrand a toujours porté grande attention, sur sa cassette personnelle, au sort de Mme Pompidou.
Et il faudrait règlementer tout le reste ! Cet amendement n'a vraiment pas sa place dans la Constitution : je le retire. (Applaudissements à droite et au centre)
L'amendement n°78 est retiré.
L'article 2, modifié, est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°168, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase du premier alinéa de l'article 7 de la Constitution est ainsi rédigée :
« Seuls peuvent s'y présenter les candidats ayant recueilli plus de 10 % des suffrages exprimés. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous nous plaçons cette fois dans le cadre des institutions actuelles : il s'agit de renforcer le pluralisme dans l'élection présidentielle. Pour nous, la diversité n'est pas un risque mais une source d'enrichissement et de progrès. Le bipartisme sclérose la vie politique et la crise politique que connaissent de nombreux pays européens est liée au choix de ce système. Revivifions la démocratie ! Avec ce que nous proposons, nous aurions évité le désastre de 2002...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - J'admets votre cohérence mais je préfère le système actuel qui permet un choix clair. Défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Gardons-nous de brouiller le second tour. Le Président de la République doit avoir une forte légitimité grâce à sa majorité absolue. Une majorité relative affaiblirait son autorité, notamment au plan international. (M. Michel Charasse renchérit) Défavorable. (M. Jean-Pierre Raffarin approuve)
L'amendement n°168 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°169, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l'article 8 de la Constitution est ainsi rédigée :
« Le Président de la République soumet à l'approbation de l'Assemblée Nationale la nomination du Premier ministre. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il est exposé.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Ce serait un retour à un régime parlementaire, au moins ! Défavorable.
Mme Rachida Dati, Garde des sceaux. - Même avis. L'exécutif sous la Ve République comprend le Président et le Premier ministre. Votre amendement tend à modifier l'esprit même de la Ve République et l'équilibre des institutions !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Absolument.
L'amendement n°169 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°167, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'article 9 de la Constitution, les mots : « Président de la République » sont remplacés par les mots : « Premier Ministre ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous sommes favorables à un régime parlementaire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - Le conseil des ministres présidé par le Président de la République exprime l'unité du pouvoir exécutif. Et cela peut exister même en régime parlementaire ! L'usage en remonte à 1875. Défavorable.
L'amendement n°167, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Article 3
L'amendement n°382 rectifié est retiré et le n°308 rectifié n'est pas soutenu.
L'article 3 est adopté.
Article 3 bis
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le référendum d'initiative populaire est cher au coeur des Verts ; nous devrions donc être satisfaits. En réalité, hélas, nous sommes loin d'une véritable initiative populaire : ce moyen sera la propriété exclusive de la majorité parlementaire. Encadrer la procédure, oui, mais l'initiative, non !
Un mot du champ du référendum, celui-ci ne devant pas conduire à remettre en cause les droits et libertés. Nous ne pouvons exclure un coup réactionnaire contre les droits sociaux, l'entrée et le séjour des étrangers, etc. Il faut aussi distinguer entre l'échelle locale et le plan national. Le référendum peut devenir un outil dangereux, démagogique. Donnons plus de place au citoyen dans l'initiative et empêchons toute velléité liberticide.
M. le président. - Amendement n°255 rectifié, présenté par MM. Gouteyron et Gournac.
Supprimer cet article.
M. Alain Gournac. - Nos sommes hostiles à l'article introduit par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. Le dispositif est complexe et comporte des risques de dérive démagogique. L'idée circule depuis plus de deux siècles, Rousseau en parlait déjà mais un canton suisse n'est pas la République. Les pétitions se multiplieraient, car, à l'époque d'Internet il n'y a aucune difficulté à réunir quatre millions de signatures -et ce en un temps record !
Or il pourrait s'agir de graves sujets, comme le rétablissement de la peine de mort ou l'immigration zéro. Il faut supprimer cet article 3 bis.
M. Gérard Longuet. - Parfaitement.
M. le président. - Amendement identique de suppression n°263 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Merceron, Nogrix, Badré et Biwer, Mmes Férat et Gourault et MM. Dubois, C. Gaudin, Jégou et Zocchetto.
M. Yves Détraigne. - Je partage totalement les arguments de M. Gournac. Il est tout à fait possible de réunir un dixième des électeurs grâce à l'électronique. C'est alors la porte ouverte à la contestation systématique des décisions prises par les représentants de la Nation. Une loi votée par la majorité pourra être contestée par une minorité de parlementaires. Bienvenue à la démagogie !
M. le président. - Amendement n°68 rectifié, présenté par MM. Portelli, Gélard, Lecerf et Béteille.
Rédiger comme suit cet article :
Après le deuxième alinéa de l'article 11 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un million d'électeurs inscrits sur les listes électorales. La régularité de l'initiative, qui prend la forme d'une proposition de loi, est contrôlée par le Conseil constitutionnel dans des conditions fixées par une loi organique. Si la proposition n'a pas fait l'objet d'un projet ou une proposition de loi adopté par les deux assemblées dans les six mois qui suivent sa validation par le Conseil constitutionnel, elle est soumise au référendum par le Président de la République. La proposition soumise au référendum est approuvée si la majorité des électeurs inscrits a participé au scrutin et si la majorité des suffrages exprimés a été atteinte. »
M. Jean-René Lecerf. - L'utilisation du référendum a été très limitée sous la Ve République : une fois seulement en matière constitutionnelle, en vertu de l'article 89, une fois tous les six ans en matière législative.
La procédure référendaire est strictement encadrée par l'intervention du chef de l'État, et l'usage en est biaisé aussitôt que le Président de la République engage son avenir sur le résultat référendaire. Avec la dérive plébiscitaire, le référendum place le constituant en porte-à-faux, comme cela s'est produit en 1992 et 2005, ou encore lorsque la consultation populaire a précisément pour objet d'aller contre la jurisprudence constitutionnelle, comme ce fut le cas pour la Nouvelle-Calédonie en 1988. Enfin, l'objet même du référendum peut être élargi, malgré tous les défauts de la procédure, ce qui en rend l'usage très susceptible de populisme.
La réforme proposée est donc un trompe-l'oeil : le prétendu référendum d'initiative populaire sera entre les mains des grands partis et on ne voit pas bien quel y sera le rôle du Parlement. Les deux assemblées sont censées « examiner » le projet de référendaire : en séance publique, ou en commission ?
Nous préférons un véritable référendum d'initiative populaire. Il est conforme à l'article 3 de la Constitution, qui fait le lien explicite entre la souveraineté et le référendum, et il sera plus à l'abri des dérives populistes et plébiscitaires, puisque la question sera posée directement aux citoyens, sans que le chef de l'État n'engage son avenir sur le résultat.
M. le président. - Amendement n°98, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Rédiger comme suit cet article :
L'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum. »
3° Au dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. - La commission accepte le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, pour un référendum d'initiative parlementaire soutenu par des pétitionnaires, ce qui est très différent du référendum d'initiative populaire « à l'italienne » que nous propose M. Portelli et qu'il connaît bien. Cependant, nous apportons des précisions au dispositif, par exemple le fait qu'un tel référendum ne peut être organisé l'année précédant l'élection présidentielle.
J'entends dire que des sujets tels que le rétablissement de la peine de mort, pourraient faire l'objet d'un référendum, mais tel n'est pas le cas : le référendum ne peut sortir du champ de l'article 11 de la Constitution. Qui plus est, plusieurs conventions internationales et articles de la Constitution, nous protègent, par exemple, contre le rétablissement de la peine de mort !
La commission accepte également les modifications apportées par l'Assemblée nationale à l'article 11 de la Constitution, pour inclure au champ référendaire les questions relatives à la politique environnementale de la Nation. Nous proposerons encore, par coordination, de supprimer deux articles du projet de loi, ce qui nous ferait gagner du temps !
M. le président. - Je vais suspendre, nous reprendrons à l'article 13, appelé en priorité.