Ressources propres des Communautés européennes
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes.
Discussion générale
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. - La décision du Conseil européen relative au système des ressources propres des Communautés européennes, adoptée à Luxembourg le 7 juin 2007, définit pour la période 2007-2013 les conditions de financement du budget de l'Union européenne. Elle est le fruit d'une négociation difficile dans laquelle notre pays a obtenu des concessions importantes de ses partenaires, notamment du Royaume-Uni, et reste le dernier élément à mettre en oeuvre du compromis politique sur le cadre financier pluriannuel auquel étaient parvenus les chefs d'État et de gouvernement en décembre 2005.
Ce compromis reposait sur trois éléments : un cadrage des dépenses pour la période 2007-2013, qui s'établit à 864,3 milliards d'euros ; le volet recettes, qui fait l'objet de la décision qui vous est soumise aujourd'hui ; une clause de réexamen, enfin, par laquelle le Conseil européen a invité la Commission à entreprendre un « réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l'Union européenne, y compris la politique agricole commune, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni » et à faire rapport en 2008-2009.
La décision sur les ressources propres de juin 2007, sur laquelle vous êtes appelés à vous prononcer aujourd'hui, traduit les principes dégagés dans le volet recettes de l'accord de décembre 2005. Elle se substitue à celle que le Conseil avait adoptée le 29 septembre 2000 et dont vous avez autorisé la ratification en décembre 2001.
Elle confirme tout d'abord, pour une bonne part, les grands principes formulés dans la décision de septembre 2000. Le plafond des « ressources propres » reste ainsi fixé, pour les crédits de paiement, à 1,24 % du PNB du montant total des revenus nationaux bruts (RNB) des États membres et à 1,31 % du montant total des RNB des États membres pour les crédits d'engagements. Les frais de perception retenus par les États membres sur les ressources propres traditionnelles demeurent fixés à 25 %, comme prévu dans la décision de 2000.
La décision en cause ne crée pas de nouvelle ressource propre mais confirme un système qui repose aujourd'hui sur trois ressources principales : les ressources propres traditionnelles, composées des droits agricoles et cotisations sucre ainsi que des droits de douanes, qui représentaient, en 2006, 15 % du total des recettes ; la ressource fondée sur la TVA, qui représentait environ 17 % du total ; celle, enfin, fondée sur le RNB, instaurée en 1988 et devenue la première ressource du budget communautaire, soit 68 % du total, évolution satisfaisante puisqu'elle permet de mieux prendre en compte la capacité contributive des États.
Plusieurs aménagements sont en revanche introduits, qui traduisent le fond de l'accord politique auquel étaient parvenus les chefs d'État et de gouvernement. Le taux d'appel sur l'assiette TVA est réduit à 0,30 %, ce qui corrobore la décrue de la ressource TVA dans l'ensemble des ressources propres. Des réductions spécifiques de ce taux d'appel TVA sont accordées à certains partenaires : l'Allemagne, à 0,15 %, les Pays-Bas et la Suède, à 0,10 %, l'Autriche, à 0,225 %. Des rabais forfaitaires sur la contribution annuelle RNB sont en outre introduits pour les Pays-Bas -605 millions par an- et la Suède -105 millions par an. Si le Conseil a ainsi reconduit les concessions financières obtenues en 1999 par les États membres dont la contribution nette au budget européen est la plus forte, ces réductions de contribution ne valent cependant que pour la période 2007-2013.
L'élément central de la nouvelle décision concerne la correction au bénéfice du Royaume-Uni, introduite par le Conseil européen de Fontainebleau de 1984, et qui consiste en la déduction des ressources propres versées annuellement par le Royaume-Uni à la Communauté d'un montant correspondant aux deux-tiers de l'écart constaté entre la contribution britannique de l'année précédente et les dépenses de l'Union au bénéfice du Royaume-Uni.
L'un des objectifs de négociation important pour la France et plusieurs autres partenaires était de parvenir à une réduction sensible de cette « ristourne », qui n'avait plus de justification. Nous avons ainsi obtenu que soient progressivement exclues du calcul les dépenses liées à l'élargissement, hors les dépenses agricoles dites de marché, et la part des dépenses de développement rural financée par le Feoga (Fonds européen d'orientation des garanties agricoles). Le montant de la réduction sur le « chèque » britannique, qui perdurera après 2013, est plafonné à 10,5 milliards sur la période.
Alors que la France finance aujourd'hui près du tiers de ce chèque, cette révision est un grand motif de satisfaction. Je rappelle qu'en 2006, le montant de la correction britannique s'est élevé à 5,22 milliards, la France y contribuant, conséquence mécanique du maintien des dispositions introduites en 1999 et qui réduisent les contributions de l'Allemagne, de l'Autriche, des Pays-Bas et de la Suède, pour 1,42 milliard.
Sous réserve de sa ratification par les États membres, la nouvelle décision entrera en vigueur le 1er janvier 2009, avec un effet rétroactif au 1er janvier 2007, début du cadre financier pluriannuel actuel, les contributions nationales appelées au titre de 2009 seront ainsi majorées ou minorées des effets de la nouvelle décision au titre de 2007 et 2008. La situation n'est pas inédite : déjà, la décision de septembre 2000 était entrée en vigueur en mars 2002, avec effet rétroactif au 1er janvier 2000.
Si l'accord qui vous est aujourd'hui soumis contient d'indéniables avancées au regard de celui de 1999, il reste néanmoins très complexe et laisse subsister des mécanismes de correction des contributions nationales contraires à l'esprit de solidarité européenne.
Le débat européen qui s'engage sur la révision des perspectives financières et la revue des politiques communes offre l'opportunité d'ouvrir la discussion sur l'adaptation de ce système de ressources propres.
Conformément à l'objectif de réexamen global prévu par le Conseil européen, la Commission a formellement engagé l'exercice en adoptant, en septembre, une communication intitulée « Réformer le budget, changer l'Europe », soumise à une consultation publique qui s'achèvera le 15 juin. S'appuyant sur les orientations dégagées, la Commission devra présenter, sous la forme d'un Livre blanc, ses orientations pour l'avenir tandis que les propositions législatives concrètes pour le paquet financier d'après 2013 seront soumises, avant le 1er juillet 2011, comme le veut l'accord interinstitutionnel, par la nouvelle Commission investie en 2009.
Dans ce contexte politique, marqué par le renouvellement, l'an prochain, du Parlement européen et de la Commission, la présidence française ne sera probablement pas en mesure de conduire une discussion politique approfondie sur la révision des politiques communes. Le Parlement européen a d'ailleurs clairement exprimé son opposition à ouvrir une telle discussion à quelques mois des élections.
Nous resterons pourtant sur la brèche. Conformément au souhait du chef de l'État, la présidence française proposera d'ouvrir une discussion non sur les montants des dépenses agricoles mais sur l'avenir de la politique agricole commune et la recherche d'un nouveau consensus pour l'après 2013. Le débat qui s'ouvrira en 2009-2010 sur la base du Livre blanc que présentera la Commission sera aussi une échéance importante auquel notre pays doit se préparer.
Il reste à fixer les principes généraux pour l'évolution des politiques de l'Union et leur financement après 2013. Les enjeux financiers sont considérables pour nos finances publiques et les défis de l'avenir appellent une adaptation des politiques européennes. Conformément à la clause de réexamen, il conviendra aussi de respecter pleinement un juste équilibre contributif, en menant à son terme le mouvement de remise en cause des corrections financières que rien, dans les réalités économiques actuelles, ne justifie plus.
M. Denis Badré, rapporteur de la commission des finances. - Je regrette que M. Jouyet ne défende pas lui-même ce texte. Il s'agit d'une décision stratégique pour l'Europe, apparemment technique mais en réalité éminemment politique. Son absence me permet toutefois de lui rendre hommage plus librement. La France et l'Europe ont beaucoup de chance d'avoir à ce poste un tel ministre des affaires européennes, dont l'écoute infatigable et l'expertise font merveille. Nos partenaires apprécient tout particulièrement son absence totale d'arrogance, jugée exceptionnelle pour un Français ! (Sourires)
L'absence de M. Jouyet signifie aussi votre présence, madame la ministre, dont je me réjouis. La construction européenne a été lancée pour servir la paix, la liberté, l'état de droit, la démocratie et les droits de l'homme. Si elle s'incarne sous l'espèce d'un marché unique, c'est en application de la méthode Schuman : « si tu veux une paix durable, apprends aux hommes à travailler ensemble ».
Rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires européennes, je suis d'abord l'un de nos représentants à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, car l'un n'a pas de sens sans l'autre : les chemins budgétaires mènent en réalité aux droits de l'homme !
Je regrette que nous ne soyons pas plus nombreux en séance ce matin...
M. Robert Bret. - La qualité est là !
M. Denis Badré, rapporteur. - De même, je déplore que le bureau du Sénat ait refusé de faire flotter les couleurs européennes aux côtés des couleurs nationales, comme le fait le Quai d'Orsay. La présidence française serait une belle occasion de balayer ces réticences, car la réalité, c'est l'Europe ! J'espère, monsieur le président, que ce souhait sera relayé.
L'Europe, c'est nous, c'est notre avenir. Sachons le reconnaître sans ambages !
L'approbation de la décision du Conseil relative aux ressources propres permet de caler les perspectives financières pour la période 2007-2013. La part des ressources propres traditionnelles -droits de douane, prélèvements agricoles, cotisations sucre- a fondu depuis l'origine, au profit des cotisations des États. En 1999, afin de calmer les revendications du Royaume-Uni et des Pays-Bas, le Conseil de Berlin a majoré les prélèvements sur les droits de douane à l'importation. Enfermés dans une logique désastreuse de contreparties, nous avons accepté, pour préserver la PAC, une décision qui réduit encore le poids des ressources réellement propres. Nous avons tout faux !
Les cotisations des États, qui représentent une centaine de milliards sur 120, sont calculées d'une part en fonction des recettes de TVA des États, d'autre part de leur RNB. Tout ceci serait encore simple si l'on n'avait introduit en 1984 le chèque britannique, ver dans le fruit du débat budgétaire européen. Ce rabais accordé aux Britanniques est payé par les autres partenaires. « I want my money back », disait Mme Thatcher.
M. Ladislas Poniatowski. - L'accent y est ! (Sourires)
M. Denis Badré, rapporteur. - Les autres pays fortement contributeurs ont fait de même, et bénéficient d'un rabais sur le rabais, ce qui alourdit d'autant la part des autres... C'est une mécanique infernale. La France est le premier financeur du rabais britannique, avec une contribution d'un milliard, soit 26 % du total.
La décision du 7 juin 2007 revient enfin sur le chèque britannique. Les dépenses réalisées dans les pays de l'élargissement seront désormais exclues du calcul. Le Royaume-Uni, fervent partisan de l'élargissement, n'y contribuait presque pas financièrement ! On aurait pu aller plus loin encore en s'en tenant aux douze États de 1984... Cette modification est applicable sans limitation de durée -mais ne pourra se traduire par une augmentation de la contribution britannique supérieure à 10,5 milliards sur la période 2007-2013.
La décision uniformise par ailleurs à 0,30 % le taux d'appel de TVA -mais certains États ont obtenu des compensations en recettes en échange de la révision de la correction britannique, sous la forme de taux d'appel allégés et de réductions forfaitaires. Les Pays-Bas émargent aux deux... Si chacun demande une compensation de sa contribution, ce n'est plus l'Union mais le chacun pour soi !
La remise en cause d'un dispositif emblématique des égoïsmes nationaux, coûteux pour notre budget et qui ne se justifiait plus, est un motif de satisfaction pour la France, mais notre contribution brute devrait augmenter de 11 milliards sur la période 2007-2013. Notre solde net se creuse, accentuant notre statut de contributeur net.
En décembre 2005, les chefs d'État et de gouvernement ont invité la Commission à entreprendre un réexamen complet et global de toutes les dépenses et ressources de l'Union européenne. Une consultation a été lancée, dont le terme vient cependant d'être repoussé de deux mois : l'ardeur dans ce domaine est modérée, et l'on cherche à éviter les sujets qui fâchent ! Il faudra pourtant bien sortir d'un système budgétaire où les recettes sont votées par les parlements nationaux et les dépenses par le Parlement européen et en venir à des ressources proprement européennes, finançant un vrai budget, voté et contrôlé démocratiquement par une seule autorité politique. Tant que les forces de « défaisance » seront à l'oeuvre, que l'on raisonnera en termes de retour net, la logique de club de consommateurs l'emportera sur celle d'une union de partenaires visant l'intérêt commun.
Tous les retours ne sont pas géographiquement localisés : c'est le cas de l'action extérieure, ou de la PAC.
Lorsqu'un agriculteur reçoit un chèque à ce titre, l'ensemble des consommateurs en bénéficient, à travers les prix agricoles, même chose pour la recherche, pour le développement des transports, qui améliore les déplacements de tous les Européens et pas seulement de ceux des pays où les infrastructures sont installées. Même pour les fonds structurels, l'analyse en détail montre que les entreprises des pays plus développés techniquement participent aux travaux réalisés dans les pays moins avancés ! Le raisonnement vaut encore pour la libre circulation sur le continent, pour l'élargissement du marché. La construction européenne conforte la paix entre les États membres et la paix n'a pas de prix !
Aussi le calcul du retour net est-il une bêtise, contraire à l'esprit communautaire, il faut s'en débarrasser sans attendre ! On nous dit que ce n'est pas le moment, parce qu'il ne faut pas fragiliser le traité de Lisbonne, demain il y aura les élections européennes, puis encore je ne sais quelle bonne raison pour différer les réformes. Mais aucune de ces raisons ne vaut, comparée aux avantages de la réforme : on ne gagne rien à atermoyer.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission vous invite à voter ce texte ! (Applaudissements à droite et au centre)
M. Marc Massion. - Ce nouveau système européen de ressources propres est issu d'une négociation difficile, où le cadre budgétaire européen a démontré ses limites : un système opaque, tissé d'exemptions et de compensations, complexe et peu lisible. Les États membres le reconnaissent, en prévoyant une clause de réexamen. Sitôt l'accord obtenu, on se remet à négocier pour l'après 2013 : la diplomatie est sauve, mais cette façon de faire est bien le signe que la réforme n'est qu'incomplète et qu'on la reporte sans cesse. Or, comme nous le disons chaque année, le calcul du « juste retour », qui préside à chaque négociation budgétaire, parasite toute discussion sur le fond des politiques européennes. Les bénéfices de l'action européenne vont bien au-delà des éventuelles contributions nettes comptables, sinon pourquoi l'Union serait-elle aussi attractive pour des pays candidats, qui acceptent de longues années de négociations en adaptant leur législation au besoin ?
Le système de ressources communautaires ne correspond plus au rôle de l'Europe ni à l'ampleur de ses politiques. Seule l'instauration d'un impôt européen mettra fin aux calculs du juste retour. L'élaboration d'un budget est d'abord politique, les citoyens européens doivent l'identifier comme tel. Les Français veulent connaître la destination de leurs impôts, cette relation plus directe confortera l'identité européenne.
Quel impôt européen ? Il ne faut pas se contenter de répartir autrement les ressources actuelles : TVA, douanes, contribution des États membres, mais tirer parti du consensus sur une modification de l'assiette des ressources à prélèvement constant, sans création de nouvelle taxe. Peut-être pourrons-nous introduire une part progressive d'impôt européen dans l'assiette des ressources, mais cela ne suffira pas au budget européen. Tous les scénarios sont étudiés, mais nous regrettons la timidité des réflexions en la matière, par exemple pour la TVA, une taxe CO2 ou un prélèvement sur les bénéfices des sociétés européennes. Je demeure sceptique sur ce dernier prélèvement, dont le fruit dépendrait de la conjoncture, et une taxe sur le CO2 dépendra des orientations de la lutte contre le réchauffement climatique.
Le conseil européen de décembre 2005 a lié l'accord sur les dépenses et celui sur les recettes, il faut parvenir à un système où les premières sont définies avant les secondes, pour que les crédits soient bien au service des politiques communes de l'Union.
Quels objectifs pour quel budget ? Le budget européen des dix prochaines années doit conforter la solidarité européenne. Or, les États plafonnent leur contribution, quand bien même leurs besoins vont croissant ! A ce jeu, on ne pourra que déshabiller Paul pour habiller Pierre...
Le budget européen doit servir la croissance et l'emploi, cela passe par des dépenses importantes capables de créer un « choc de croissance », des investissements pour des biens collectifs européens, par exemple des infrastructures, mais aussi des dépenses incitatives et des dépenses qui viendraient soutenir l'action des États membres. Or, les six premiers contributeurs, dont la France, ont plafonné leur contribution -pire, la loi de finances pour 2008 a diminué la contribution française, pour rester sous la barre de 3 % de déficit public. (M. le rapporteur le conteste) Où est le volontarisme français, à la veille de la présidence française de l'Union ?
La révision du budget européen à mi-parcours facilitera les adaptations nécessaires, ce qui suppose d'engager un véritable débat. Or, la présidence française ne paraît pas faire de ce débat une priorité pour les six prochains mois. La France était censée préparer ce débat pour que la République tchèque et la Suède organisent les négociations. L'exécutif français est bien silencieux : n'est-ce pas courir le risque d'empêcher toute réflexion sur les objectifs même des politiques européennes ?
Quelles initiatives compte prendre la présidence française pour réexaminer les perspectives financières et le système des ressources propres ? La préparation des futurs débats devrait être l'occasion de prévoir une contribution des parlements nationaux car leur participation serait légitime à double titre : s'il y a un impôt européen, le prélèvement restera vraisemblablement national. En outre, les nouveaux pouvoirs qui leur sont confiés en matière de contrôle du principe de subsidiarité les habiliteront à réfléchir au meilleur niveau de financement -Europe ou États membres- dans la mise en oeuvre des politiques européennes.
Les parlements nationaux doivent donc être associés à la révision du système des ressources propres et des perspectives financières. Nous souhaiterions la création d'un groupe de travail du Sénat sur ce point.
La décision du Conseil que nous examinons permet d'avancer peu, mais d'avancer tout de même. La correction britannique va être progressivement réduite et le Parlement européen sera consulté. Pourtant, la prudence reste de mise concernant le futur système de ressources. Dans ses derniers rapports, le Parlement européen parle de méthodologie, mais pas assez de contenu.
Je déplore également la précipitation avec laquelle ce texte a été examiné, ce qui ne nous a pas permis d'engager un véritable travail de réflexion. Espérons que l'on puisse revenir sur ces questions, compte tenu de l'importance des enjeux du système de ressources et des perspectives financières.
Cette décision, que l'on ne peut amender, ne propose pas de réforme du système de ressources propres qui est une nouvelle fois reportée : elle n'apporte qu'une simple modification de l'assiette et la programmation de la diminution du chèque britannique.
De plus, nous ne sommes pas satisfaits de l'accord qui a été conclu sur les perspectives financières pour la période 2007-2013. Les négociations à ce titre se sont en effet soldées par un échec car le budget n'est pas à la hauteur des nécessités ni des défis.
Nous sommes, en outre, inquiets au sujet de ce qui est annoncé pour 2009, alors qu'aucun débat en amont sur les perspectives financières de l'Union et les moyens à mettre en oeuvre ne se profile.
Ne pouvant approuver une décision qui ne fait que pérenniser un système, le groupe socialiste s'abstiendra sur ce projet de loi.
M. Robert Bret. - La question financière demeure une source de forte tension au sein de l'Union européenne. L'adoption laborieuse des perspectives financières 2007-2013 par le Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 en témoigne. Ce n'est qu'après deux ans d'âpres négociations que l'Union s'est enfin dotée d'un cadre pluriannuel. Mais ce dispositif dissimule mal le vide politique de l'Union que le Traité de Lisbonne ne comble en aucun cas. Au cours de ces tractations calamiteuses, les intérêts des États membres sont entrés en conflit au point que, pour la première fois, un « paquet final » mis sur la table par une présidence était rejeté. Dès décembre 2003, un groupe de six États membres, dont la France, s'était opposé à une forte croissance du budget européen. Cette position frileuse témoignait de la crise traversée par l'Union, incapable de se rassembler et d'agir en faveur des peuples européens qui sont d'ailleurs tenus à l'écart d'un budget communautaire parfaitement inintelligible. Pourtant, ce budget est censé traduire les choix politiques, l'action et l'ambition européenne. Néanmoins, pour la période 2007-2013, il s'inscrira dans la simple continuité des précédents, à tout juste 1 % du revenu national brut de l'Union, soit à peine un tiers du budget américain de la défense ! Ainsi limité, ce budget ne pourra pas répondre aux besoins collectifs de l'Union ni relever les défis considérables qui lui sont posés.
En outre, il est loisible de s'interroger sur le rôle de nos assemblées parlementaires. Chaque année, lors de la loi de finances, je dénonce l'hypocrisie de notre débat sur les ressources propres car, contrairement à ce que l'on pourrait croire, notre vote d'autorisation de prélèvements au profit de l'Union reste purement formel. Certes, la Lolf suspend formellement le versement des ressources propres au vote du Parlement, mais la mise à disposition de l'Europe de ressources propres présente un caractère obligatoire, et tout manquement serait systématiquement sanctionné en raison des engagements communautaires de la France en la matière. Nous sommes donc dans une situation de compétence liée. Dans l'hypothèse d'un refus parlementaire du versement des ressources propres, la France n'en serait pas moins tenue de verser la contribution due. A défaut, notre pays risquerait d'être condamné par la Cour de justice des Communautés européennes. La construction européenne souffre donc d'un déficit politique, y compris dans sa dimension financière.
La décision dite « ressources propres » du Conseil du 7 juin 2007 s'inscrit dans la lignée de la précédente décision de 2000 dont elle reprend les grandes lignes : le système de financement du budget communautaire reste plafonné à 1,24 % du revenu national brut de l'Union en crédits de paiement et à 1,31 % en crédits d'engagement. La décision du Conseil modifie en revanche le taux d'appel de la ressource TVA, passant ainsi de 0,50 à 0,30 % pour l'ensemble des États membres de l'Union, à l'exception de quatre États qui bénéficient d'un régime dérogatoire : l'Autriche, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède. En outre, les Pays-Bas et la Suède, étant parmi les principaux contributeurs nets au budget de l'Union, bénéficient d'une réduction brute de leur contribution annuelle calculée en fonction du RNB de respectivement 605 et de 150 millions. Une fois de plus, le système de financement communautaire résulte d'un marchandage entre États membres. Les bénéficiaires veillent à le rester tandis que les contributeurs s'efforcent de réduire leur contribution : bel esprit de solidarité !
Conformément aux conclusions de décembre 2005, la décision du 7 juin 2007 amorce une évolution du système des ressources propres en remettant en cause la correction accordée au Royaume-Uni depuis 1984. L'accord de décembre 2005 met également fin au paradoxe qui voulait que le Royaume-Uni, fervent promoteur de l'élargissement, était l'un des États membres qui contribuait le moins à son financement. Il s'agit d'une avancée importante mais, dans les discussions, les États ne restent préoccupés que par leurs contributions, ce qui contrevient à l'esprit de solidarité qui devrait animer la construction européenne. L'Europe devrait être une ambition et non un simple coût.
Aujourd'hui, alors que le budget des Communautés est censé être alimenté par un système de ressources propres, les prélèvements communautaires s'apparentent bien plus à des contributions budgétaires qu'à un transfert de produit fiscal spécifique à l'Europe. Or, la prééminence des contributions nationales entretient la logique du « taux de retour » : chaque État ne contribue au budget communautaire qu'à condition de se voir garantir des retours nets sur son territoire. Le système des ressources propres est donc défaillant et le budget européen se trouve confronté au « poison du juste retour », pour reprendre l'expression du professeur Le Cacheux. Pour autant, un impôt européen ne résoudrait pas, à lui seul, la question du financement de l'Union. L'Europe mériterait un budget bien plus important et mieux réparti afin de lutter efficacement contre les déséquilibres, les inégalités, le chômage et la pauvreté au sein de l'Union.
Ce n'est pas le cas aujourd'hui, l'Europe n'est toujours pas sociale et reste pour l'essentiel un marché économique.
La clause de réexamen prévue pour 2008-2009 doit être l'occasion pour la France, qui présidera l'Union au second semestre de cette année, de poser la question cruciale des ressources de l'Europe. M. Sarkozy ne disait-il pas, lors de son discours du 8 septembre 2006 à Bruxelles : « L'Union n'a pas seulement besoin de nouvelles règles, elle a besoin aussi de moyens financiers. L'accord de 2005 a prévu une clause de rendez-vous, il faut saisir cette occasion pour procéder à une réforme ambitieuse du budget européen » ? Saisissez-la, madame la ministre, et dites-nous quand et de quelle manière la représentation nationale sera associée au débat.
Vous comprendrez que les sénateurs communistes s'abstiennent sur ce projet de loi.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. - Vous savez, monsieur Badré, que M. Jouyet participe aujourd'hui au sommet Union européenne-Amérique latine de Lima. (M. le rapporteur en convient volontiers)
M. Massion a évoqué une baisse de la contribution française au budget communautaire ; j'ai le sentiment inverse : sur la longue période, elle est en croissance constante, même si elle se stabilise depuis les années 1990. Le prélèvement au profit du budget communautaire a en réalité été multiplié par quatre en valeur entre 1982 et 2008, passant de 4 à 18,4 milliards d'euros.
Il ne fait pas de doute que le système des ressources propres doit être revu pour plus de lisibilité et plus d'équité. Le rapport Lamassoure offre à ce propos des pistes de réflexion intéressantes, notamment sur la nécessité de revenir sur le système des corrections nationales, qui n'est plus justifié et est contraire à l'esprit de solidarité européenne.
Sur la question de l'impôt européen, je crois qu'il faut rester réaliste, les États étant très attachés à leur souveraineté fiscale. Le débat est plutôt ouvert sur l'allocation à l'Union d'une part des impôts nationaux.
Le débat sur le traité de Lisbonne est clos, même s'il nous faut rester vigilant sur sa ratification par les Vingt-sept et la préparation de son entrée en vigueur au lendemain de la présidence française. La France n'est pas inactive, qui a notamment lancé une réflexion en décembre dernier sur la nature et le rôle des politiques de l'Union.
M. Bret a évoqué l'esprit de solidarité européenne. Mais c'est l'Union qui a mis en place les fonds structurels afin de faire converger les États, économiquement comme socialement. Ces fonds sont le premier poste budgétaire européen ; ils concrétisent l'ambition d'une Union toujours plus étroite.
La question budgétaire est plus qualitative que quantitative. La France est contributeur net et le restera ; cette situation est conforme à son niveau de développement économique et à sa responsabilité politique. (Applaudissements à droite)
La discussion générale est close.
Discussion de l'article unique
Est autorisée l'approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes, adoptée à Luxembourg le 7 juin 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. Jacques Gautier. - Ce texte technique marque, nous l'espérons tous, le point de départ d'une réforme budgétaire européenne ; le système actuel s'essouffle en effet, comme en témoigne le compromis de décembre 2005. La France devra prendre des initiatives dans les prochains mois, à l'approche du rendez-vous de 2008-2009. La frilosité n'est pas de mise, il faut choisir le courage et la volonté.
Nous approuvons la remise en cause du « chèque britannique », qui n'est plus aujourd'hui justifié -il est d'ailleurs financé en grande partie par notre pays. Nous souhaitons qu'à la veille de la présidence française, le Parlement soit associé le plus en amont possible ; il doit pouvoir s'exprimer sur un sujet aussi sensible que l'est le financement de l'Union, qui concerne les finances publiques nationales mais aussi le consentement à l'impôt.
Je remercie Mme la ministre pour les précisions qu'elle nous a apportées et je salue l'engagement de M. Badré, dont la passion est contagieuse. Le groupe UMP votera le texte, en souhaitant qu'il amorce le débat sur la nécessaire réforme du budget communautaire. (Applaudissements à droite)
L'article unique est adopté.