Modernisation du marché du travail (Urgence - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant modernisation du marché du travail. Nous en étions à la discussion des articles.

Discussion des articles (Suite)

Article 5

I. - Dans l'article L. 1231-1 du code du travail, après les mots : « ou du salarié », sont insérés les mots : « ou d'un commun accord ».

I bis. - Dans l'article L. 1233-3 du même code, après les mots : « du contrat de travail, », sont insérés les mots : « à l'initiative de l'employeur et ».

II. - Après la section 2 du chapitre VII du titre III du livre II de la première partie du même code, il est inséré une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Rupture conventionnelle

« Art. L. 1237-11. - L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

« La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.

« Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

« Les salariés dont la rupture du contrat de travail résulte d'une rupture conventionnelle visée à la présente section bénéficient du versement des allocations d'assurance chômage dans des conditions de droit commun dès lors que la rupture conventionnelle a été homologuée par l'autorité administrative compétente.

« Art. L. 1237-12. - Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :

« 1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;

« 2° Soit, en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.

« Lors du ou des entretiens, l'employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l'employeur auparavant ; si l'employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié. 

« Art. L. 1237-13. - La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9.

« Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation.

« À compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d'entre elles dispose d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie.

« Art. L. 1237-14. - À l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande.

« L'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de quinze jours calendaires, à compter de la réception de la demande, pour s'assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. À défaut de notification dans ce délai, l'homologation est réputée acquise et l'autorité administrative est dessaisie.

« La validité de la convention est subordonnée à son homologation.

« L'homologation ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil des prud'hommes, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. 

« Art. L. 1237-15. - Les salariés bénéficiant d'une protection mentionnés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 peuvent bénéficier des dispositions de la présente section. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-14, la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre Ier du livre IV, à la section 1 du chapitre Ier et au chapitre II du titre II du livre IV de la deuxième partie. Dans ce cas, et par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-13, la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l'autorisation.

« Art. L. 1237-16. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux ruptures de contrats de travail résultant :

« 1° Des accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les conditions définies par l'article L. 2242-15 ;

« 2° Des plans de sauvegarde de l'emploi dans les conditions définies par l'article L. 1233-61. »

III. - Le 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts est complété par un 6° ainsi rédigé :

« 6° La fraction des indemnités prévues à l'article L. 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, qui n'excède pas :

« a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités ;

« b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ; ».

IV. - Dans le douzième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et dans le troisième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural, les mots : « de départ volontaire » sont remplacés par les mots : « versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail, au sens de l'article L. 1237-13 du code du travail, et les indemnités de départ volontaire ».

M. Jean-Luc Mélenchon.  - L'article 5 est certainement l'un des plus frappants de ce projet de loi. Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles l'accord a été conclu pour m'en tenir seulement au fond : la rupture conventionnelle du contrat de travail.

Vous le savez, durant la campagne électorale et à de nombreuses reprises depuis, le mouvement socialiste s'est opposé au contrat unique et à l'idée que la rupture du contrat de travail pourrait, pour ainsi dire, être négociée de gré à gré. Le texte que nous discutons aujourd'hui proclame que le CDI est la forme normale du contrat de travail. Nous avons montré que la formulation proposée est si incomplète qu'elle s'apparente à une pétition de principe, d'autant plus qu'on nous propose dans le même temps de nouvelles formes de contrat de travail tellement dérogatoires au CDI qu'on peut parler d'une généralisation du contrat atypique.

La rupture du contrat de travail par consentement mutuel est la partie du texte la plus choquante au regard de l'histoire longue du mouvement ouvrier et de ce que représente le contrat de travail. Elle présuppose en effet une égalité qui n'existe pas entre l'employeur et l'employé. Au coeur du droit du travail, on trouve l'idée qu'il n'y a pas d'égalité entre les deux en dépit des apparences, je veux dire l'égalité de deux êtres humains. Dans la relation de travail, l'un est le subordonné de l'autre qui prend la décision de lui donner, ou non, du travail. Cette situation inégalitaire explique pourquoi le contrat de travail est entouré de telles préoccupations : il s'agit du seul cas où, chez un peuple libre, un individu reconnaît sa subordination à l'égard d'un autre. Je vous rappellerai cette magnifique phrase de Jean Jaurès : « La République ne sera pas achevée si le Français, qui est roi dans la cité, demeure sujet dans l'entreprise ». A nos yeux, la rupture entre l'Ancien régime et l'idéal républicain n'est pas entré dans les faits partout dans notre pays.

Certains ont inventé une analogie que je trouve, pour ma part, irrecevable : la rupture du contrat de travail par consentement mutuel aurait à voir avec la vie de couple. Mais un couple, c'est une historie d'affection ! La relation de travail n'est que rarement une affaire d'affection ! Même si on apprécie beaucoup son patron ou sa patronne, l'affection n'est pas en cause dans le contrat de travail. D'autre part, au sein des couples, les ruptures par consentement mutuel sont rarement heureuses. Voir dans le consentement mutuel un gage de bonheur est une illusion, à plus forte raison s'agissant d'une situation contrainte et inégalitaire comme la relation de travail. Quelle que soit la bonne volonté des parties concernées, et en particulier de la partie la plus forte, le patron, il est impossible de résister aux pressions. Le travailleur est mis devant une fausse alternative : soit il part en acceptant les conditions qui lui sont faites, soit il est mis dehors sans autre recours que les prud'hommes qui rendront leurs décisions dans deux ou trois ans, voire plus tardivement encore puisque le Gouvernement a fermé un quart de ces tribunaux. La situation est, on le voit, totalement inégalitaire : dès lors, comment imaginer que le consentement mutuel puisse être acquis de bon gré ?

La période d'essai est allongée au point de correspondre à la durée moyenne d'un CDD, quatre mois. La période d'essai est une période pendant laquelle les travailleurs n'ont aucun droit puisqu'il peut y être mis fin sans justification ni indemnité. Avec le consentement mutuel, on est de surcroît hors cadre légal ; or, dans ce type de situation, c'est évidemment la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.

On nous demande à consentir à un espace de non droit. La palabre remplace le droit et son respect, le rapport de force est substitué aux protections et aux garanties que la loi offre à chaque citoyen libre.

Pour toutes ces raisons, l'article 5 va faire l'objet d'un examen attentif de notre part. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Supprimer cet article.

M. Jacques Muller.  - Ce type de rupture entre employeur et salarié existe déjà, et les Assedic dénoncent ces pratiques. L'employeur demande au salarié une garantie écrite par laquelle le salarié reconnaît avoir demandé la rupture et s'engage à ne pas poursuivre l'entreprise devant les prud'hommes. Le projet de loi vise à légaliser et à généraliser cette « rupture à l'amiable » fonctionnant hors de tout cadre juridique.

On retrouve la philosophie de Mme Parisot : « la vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » C'est nier les fondements mêmes du droit du travail, qui vise précisément à corriger le déséquilibre intrinsèque de la relation entre employeur et salarié. On se souvient de Lacordaire : dans un monde de forts et de faibles, la liberté opprime et la loi protège.

Votre projet de loi, taillé sur mesure pour le Medef, méconnait cette réalité. Le monde du travail n'est pas idyllique : arrêts maladie, consommation de psychotropes, dépression, suicides sont les symptômes du mal-être de nombreux salariés pour lesquels une rupture à l'amiable n'a guère de sens. Le projet de loi offre trop peu de garanties aux salariés victimes de pressions. Dès lors que le salarié aura accepté de signer une convention de rupture, pourra-t-il toujours poursuivre l'employeur pour harcèlement ou discrimination ? L'absence d'identification de la personne à l'initiative de la rupture conventionnelle ou la faculté, pour l'employeur, de se faire assister par une personne extérieure aggravent encore le déséquilibre entre employeur et employé. Cette atteinte au droit du licenciement introduit une régression historique dans notre droit du travail !

M. le président.  - Amendement identique n°74, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Annie David.  - Cet article 5 est une brèche supplémentaire dans le droit du licenciement. Vous dites répondre aux attentes des employeurs et des salariés. La rupture conventionnelle permet à l'employeur de contourner la législation en matière de licenciement, mais qu'apporte-t-elle au salarié ? Le droit nouveau à l'assurance chômage est-il réellement un avantage quand on connaît la politique de radiation de l'ANPE et la pénurie d'emplois ? Quant à la monétisation, c'est un dû pour le salarié, qui aurait touché une indemnité en cas de licenciement et bénéficié de droits supplémentaire en cas de contestation !

Il est vrai que certains salariés, usés par les exigences de productivité, découragés par la dégradation des conditions de travail ou le blocage de leur carrière, souhaitent quitter leur emploi, et que certains employeurs, faute de cause réelle et sérieuse de licenciement, proposent un faux licenciement, suivi d'une transaction -qui peut toujours être remise en cause par un juge, en l'absence de concessions réciproques. L'employeur demeure donc sous la menace d'une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En permettant un tel licenciement -car l'accord du salarié ne sera dans bien des cas qu'une fiction-, on met à bas quarante ans de lutte contre le licenciement arbitraire !

La fondation Copernic et le syndicat des avocats de France relèvent que la procédure ne sera soumise qu'au contrôle du directeur départemental du travail, dont les moyens sont de plus en plus réduits ; l'inspection du travail est l'une des premières victimes de votre politique de casse du service public...

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.  - Avec 700 postes en plus !

Mme Annie David.  - En imposant un délai grotesque de quinze jours, vous rendez l'homologation incontestable -joli tour de passe-passe !

Cette rupture conventionnelle, censée faire écho au divorce par consentement, ne satisfait que l'employeur. Vous voudriez faire croire que salariés et employeurs sont sur un pied d'égalité pour mieux mener, demain, d'autres projets toujours plus rétrogrades comme le contrat de travail unique ou l'individualisation de la relation contractuelle. C'est pourquoi le groupe communiste demande la suppression de cet article.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - La rupture conventionnelle caractérise des relations contractuelles apaisées, civilisées, modernes, pour élaborer un modèle social français et européen à mi-chemin entre un libéralisme pur et dur et une vision caricaturale de l'entreprise, fondée davantage sur les idéologies que sur la réalité... (Protestations à gauche) Défavorable aux amendements de suppression, qui sont totalement contraires à l'accord passé entre toutes les organisations.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

M. Guy Fischer.  - Et voilà ! Emballé !

Mme Catherine Procaccia.  - Cet article 5 est attendu par les salariés. Oui, c'est un divorce par consentement. J'ai travaillé pendant trente-cinq ans dans une entreprise de 20 000 salariés : chaque année, au moins un ou deux salariés souhaitaient quitter leur emploi, par exemple pour créer leur propre entreprise.

Mme Raymonde Le Texier.  - Ils n'ont pas besoin de cet article !

Mme Catherine Procaccia.  - Mais ils veulent des indemnités ! Pourquoi licencier une personne qui travaille bien ? Cet article est modelé sur les réalités de l'entreprise. L'accord a été passé par les quatre syndicats, preuve qu'il n'est pas au détriment des salariés !

M. Dominique Leclerc.  - Cet article encourage la rupture à l'amiable par un régime fiscal et social avantageux. On se rapproche du départ négocié en commun, créé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 mais supprimé par le PLFSS pour 2008. Les précautions juridiques ont été prises : le dispositif n'est pas pire que ce qui existe. Il faudra toutefois veiller à ce qu'il ne soit pas détourné pour faciliter les départs anticipés avant l'âge légal de départ à la retraite, alors que l'on cherche à favoriser l'emploi des seniors.

M. Guy Fischer.  - Ce projet de loi marque un recul de notre pacte social, détourné une fois de plus par le patronat ! M. Leclerc s'inquiète du taux d'emploi des seniors ; nous attendons les textes du Gouvernement sur ce sujet. Avec un taux de 38 %, c'est le fait du prince ! Les entreprises cherchent avant tout à réduire la masse salariale, pour le bénéfice des actionnaires. Les ressources de la sécurité sociale, la vie dans l'entreprise, la perpétuation des savoir-faire sont en cause.

Hier, vous nous avez dit à plusieurs reprises que le Gouvernement recevait les organisations syndicales pour entamer des négociations sur l'indemnisation chômage. De même, hier, M. le rapporteur et M. le ministre nous ont assurés que nous allions être saisis de textes sur l'assurance chômage, la formation professionnelle, l'emploi des seniors...

M. Nicolas About, président de la commission.  - Et sur la pénibilité !

M. Guy Fischer.  - Effectivement ! C'est d'ailleurs un texte que l'on attend depuis des années...

Nous pensions donc que le Gouvernement engageait des négociations sur les indemnités chômage. Or, dès hier, M. Wauquiez a annoncé le contenu des mesures que le Gouvernement entendait prendre : sanctions pour les chômeurs qui refusent deux offres d'emplois assurant 80 % de la rémunération et comportant un trajet de moins de trente kilomètres. En outre, le Président de la République veut aller très vite afin que ce dossier soit bouclé avant les vacances. Or nous ne voulons pas traiter de cette importante question dans de tels délais. De plus, le Gouvernement reste silencieux sur la nature du contrat que le chômeur sera contraint d'accepter. M. Wauquiez a précisé que « la porte du Gouvernement reste ouverte pour des concertations informelles ». Quelle curieuse conception du dialogue social ! D'un côté, vous dites à la représentation nationale qu'un grand débat sur l'assurance chômage va avoir lieu et, de l'autre, vous parlez de concertations informelles ! A croire qu'on veut réduire les syndicats à la clandestinité...

Quand il s'agit d'offrir au patronat une loi sur le licenciement, vous êtes en revanche prêts à prendre le temps qu'il faut. Pour parvenir à l'accord du 11 janvier, vous avez exercé un chantage. Aujourd'hui, vous en arrivez au mensonge ! De même, vous voulez escamoter le débat sur les retraites en le réduisant à des décrets et à des articles dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Notre excellent rapporteur oppose notre prétendue vision idéologique du monde des entreprises à son approche pragmatique, mais il aura du mal à faire passer le libéralisme pour un état de nature. Les mesures qu'il nous propose ont été mises en oeuvre par tous les gouvernements libéraux. Or, je ne crois pas à l'efficacité de ces thèses. Quand, en 2002, sous le gouvernement Jospin, la reprise a été telle que certains secteurs ont été confrontés à une pénurie de main-d'oeuvre, les branches qui ont réussi à retenir leurs salariés ont été celles qui leur offraient la plus grande stabilité. Le « marché social » a donc tranché : les êtres humains sont ainsi faits, ils ont horreur de l'insécurité. Mais vous, vous essayez de tordre le bras à cette réalité en nous faisant croire que l'on peut tranquillement discuter, entre employeur et salarié, d'une fin de contrat. Mais alors, à quoi bon légiférer sur le divorce ? La répudiation ne serait-elle pas amplement suffisante ? Vous savez bien qu'il n'en est rien et que nous votons des lois pour organiser les relations humaines.

Et vous prétendez qu'une rupture négociée du contrat de travail a été demandée par les salariés ? Il est vrai que sur 30 000, il peut s'en trouver deux ou trois qui veulent quitter leur entreprise. Mais ils ont toujours le loisir de le faire : cela s'appelle la démission. Vous objectez qu'ils ne peuvent pas obtenir d'indemnités alors que cela deviendra possible avec la rupture par consentement mutuel. Mais franchement, croyez-vous qu'un employeur dont un de ses salariés veut partir va lui verser de bon gré une indemnité ? Non, bien sûr. Et que pourra faire le salarié en question ? Rien ! Il est donc absolument faux de croire que cette disposition va changer quoi que ce soit. D'ailleurs, pas un syndicat ne s'est félicité de la mise en place de la rupture du contrat par consentement mutuel. C'est la présidente du Medef qui, dès 2006, réclamait cette mesure : la séparabilité était une idée neuve, elle a commencé par faire rire, puis elle a semé le trouble et, finalement, elle s'est imposée, a-t-elle récemment rappelé. N'allons pas faire croire qu'il s'agit là d'une revendication des travailleurs ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Ce débat me surprend. Nous sommes en train de discuter d'un accord qui est intervenu, après de longs mois de négociations, entre sept organisations professionnelles et syndicales. Alors que nous réclamions depuis de longues années le retour du dialogue social, le premier accord de ce type se trouve dénoncé par certains de nos collègues, à croire qu'ils ne sont pas partisans du dialogue social ! (Exclamations prolongées à gauche)

Mme Raymonde Le Texier.  - On a exercé un chantage : c'est ça le chaos !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - En outre, ils font semblant de croire que la France est seule, comme si il n'y avait pas de problème de compétitivité de nos entreprises dans notre pays. Je me suis récemment rendu en Chine et en Russie avec la commission des affaires étrangères et j'ai pu constater que nous y perdions des parts de marchés.

Je trouve donc un peu surréaliste d'avoir ce type de débat qui fait peu de cas du développement de nos entreprises, et donc de l'emploi. (Applaudissements à droite ; protestations à gauche)

Mme Christiane Demontès.  - Ces propos sont insupportables !

M. Jacques Muller.  - Si vous aviez été là hier, monsieur Fourcade...

M. Nicolas About, président de la commission.  - Il était là !

M. Jacques Muller.  - Il est de notre devoir de dénoncer des négociations quand elles se déroulent ainsi...

M. Nicolas About, président de la commission.  - Pourquoi les organisations syndicales ont-elles signé, alors ? Vous croyez que ce sont des enfants de coeur ?

M. Jacques Muller.  - Les contrats contraints doivent être considérés comme nuls !

M. Nicolas About, président de la commission.  - Les représentants avaient le choix : ils pouvaient refuser de signer ! Quel mépris pour eux ! Vous les prenez pour des guignols.

M. Jacques Muller.  - L'idéologie n'est pas que d'un côté, monsieur le président.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Nous avons reçu les syndicats et ils nous ont dit qu'ils approuvaient l'accord !

M. Jacques Muller.  - L'idéologie libérale transpire dans ce texte : assumez ce choix ! (Plusieurs voix à droite : « On l'assume ! »)

M. Nicolas About, président de la commission.  - Ce n'est pas avec ce genre de remarques que la représentativité des syndicats va s'améliorer dans notre pays !

Les amendements identiques n°s51 et 74 ne sont pas adoptés.

M. le président. - Amendement n°8, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Dans le I bis de cet article, après le mot :

Dans

insérer les mots :

le second alinéa de

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Il convient de corriger une erreur d'imputation.

L'amendement n°8, accepté parle Gouvernement, est adopté.

M. le Président.  - Amendement n°75, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Compléter le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-11 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :

La rupture conventionnelle dont l'employeur est à l'initiative doit être motivée.

M. Guy Fischer.  - Cet amendement vise à donner pleine application à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail en ce qui concerne le droit au licenciement. Le respect de cet accord international est une garantie pour les droits de tous les salariés.

La convention 158 précise que : « aux fins de la présente convention, le terme de licenciement signifie la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur. » Cela signifie que toute cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur doit obéir au droit du licenciement de base prévu par la convention. Vous conviendrez qu'une rupture conventionnelle aura bien pour faire effet de faire cesser la relation de travail. Si elle vient de l'initiative de l'employeur, on entre dans la définition posée par l'OIT. Nos engagements internationaux nous contraignent -et c'est tant mieux- à adapter notre législation pour faire en sorte qu'aucune rupture de relation contractuelle due à l'initiative de l'employeur ne puisse se faire sans motivation.

La motivation est certes un outil complémentaire de protection des salariés, mais elle permet aussi de redonner sa dignité au salarié à qui l'ont doit expliciter les raisons pour lesquelles on s'en sépare. C'est la moindre des choses.

Notre raisonnement est confirmé par l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 5 mars 2008 : « une rupture qui est réputée d'un commun accord ne prive pas le salarié de la possibilité d'en contester le motif économique ». Si l'on peut contester le motif économique lors d'une rupture à l'amiable c'est bien que même dans ce type de rupture la motivation est obligatoire.

Notre amendement éviterait à la France de nouvelles sanctions par l'OIT et, comme nous l'avons vu avec le CNE, par les chambres sociales de notre pays.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - A défaut d'avoir pu supprimer cet article, vous voulez en détourner la portée ! Vous oubliez que l'initiative viendra plus souvent des salariés que des employeurs...

Défavorable à cet amendement contraire à l'accord signé.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Défavorable.

Mme Raymonde Le Texier.  - L'amendement de nos collègues pose le problème au fond sur la rupture conventionnelle : qui en a pris l'initiative ?

En théorie, personne, ce qui est évidemment une fiction. Si je vends ma voiture à un tiers, il s'agit certes de la rencontre de deux volontés, comme le veut la théorie du droit des obligations, mais il faut bien que mon initiative rencontre une demande, à moins que la volonté d'achat d'un tiers ne rencontre mon assentiment. En d'autres termes, il faut bien que l'une des deux parties au contrat parle la première. Même si l'accord se fait immédiatement ou presque, il y a toujours une initiative. Il va de soi que, pour une affaire aussi importante qu'une rupture de contrat de travail, l'acceptation ne se fait pas entre deux portes. Le texte le reconnaît explicitement, puisque sont prévus des entretiens afin de discuter des conditions de la convention de rupture. Pour autant, si les choses se déroulent comme prévu et dans un climat de bonne foi, nous ne sommes pas dans le cas d'un licenciement, ni d'une démission.

Ce n'est pas une démission puisque l'employeur accepte les conditions financières de la rupture conventionnelle, et que le salarié bénéficie donc d'une indemnité et des allocations de chômage. Ce n'est pas un licenciement puisque le salarié décide -ou accepte- de quitter l'entreprise, sans exiger le suivi de la procédure de licenciement. Il renonce, sinon aux avantages financiers, au moins aux voies de recours juridiques afférentes au licenciement. L'une et l'autre parties s'en remettent à l'homologation par l'administration du travail, et à un éventuel recours aux prud'hommes, aucun citoyen ne pouvant être privé de recours juridique. Mais l'historique de la rupture, c'est-à-dire la détermination de qui en a pris l'initiative, n'est susceptible d'apparaître que dans les procès-verbaux d'entretiens. On peut raisonnablement présumer que tout employeur un peu avisé et bien conseillé aura soin que la mention de son éventuelle initiative ne soit jamais portée au PV. Mais le salarié n'aura pas intérêt non plus à ce que son initiative risque d'être requalifiée en démission si un problème apparaît. Chacun tient l'autre par la barbichette.

Juridiquement, si la rupture conventionnelle n'est pas un licenciement, elle n'entre pas dans le champ de la convention 158 de l'OIT. On glisse doucement vers le contrat de droit civil entre deux parties en situation d'égalité. C'est ici que nous en venons à la deuxième fiction : l'employeur et le salarié ne sont pas en situation d'égalité. Le fondement du droit du travail est la reconnaissance de cette réalité, et c'est précisément pour cela que les efforts constants du patronat visent à faire disparaître sa spécificité. Il est aussi excessif de considérer le monde du travail comme un roman de la comtesse de Ségur que comme un western, mais c'est un monde structurellement inégalitaire, où le facteur humain doit aussi être considéré.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Raymonde Le Texier.  - Le salarié n'a aucun moyen de pression sur l'employeur pour accéder à la rupture conventionnelle. Pour exercer sa volonté de départ, il ne dispose que de la démission, qui le prive d'indemnités et d'allocations de chômage. En revanche, l'employeur, si par extraordinaire il était de mauvaise foi, pourrait créer toutes sortes de difficultés au salarié pour lui rendre la vie impossible et l'acculer à accepter la rupture conventionnelle. Pour une somme relativement modique, il échappera à la fastidieuse procédure de licenciement, et, dans la quasi-totalité des cas, au recours juridique, puisque le salarié aura signé la rupture et que l'initiative de celle-ci restera dans l'ombre.

M. le président.  - Il est temps de conclure !

Mme Raymonde Le Texier.  - L'homologation par le silence d'une autorité administrative débordée et de plus en plus lointaine en raison de la RGPP, et le recours aux prud'hommes statuant en dernier recours, apparaissent au final comme des procédures assez largement formelles. La rupture conventionnelle est donc un Ovni sympathique, si l'employeur et le salarié sont eux-mêmes sympathiques. Mais notre rôle de législateur nous oblige à envisager toutes les éventualités, à commencer par les plus désagréables.

M. le président.  - Je dois vous interrompre. Vous avez déjà dépassé votre temps de parole de plus de deux minutes ! (Protestations à gauche)

Mme Catherine Procaccia.  - Vous n'avez qu'à lire plus vite, c'est tout.

Mme Annie David.  - Je veux bien admettre que, comme le dit le rapporteur, l'initiative viendra le plus souvent des salariés : les conditions actuelles de travail suffiraient à l'expliquer. Et pour quelles raisons un employeur irait-il signer une rupture conventionnelle ?

M. Nicolas About. président de la commission.  - Mieux vaut un abandon de poste...

Mme Annie David.  - Vous avez, je crois, déposé un amendement là-dessus ?

M. Nicolas About, président de la commission.  - Je l'ai retiré.

Mme Annie David.  - Faire croire que l'initiative pourrait venir du salarié, c'est oublier le lien de subordination. Quelle que soit la taille de l'entreprise, salarié et employeur ne sont pas sur un pied d'égalité. Prétendre que le salarié pourrait imposer à l'employeur la signature d'une convention, c'est croire au Père Noël !

Non, nous ne voulons pas dévoyer cet article, nous voulons seulement préciser les choses, pour que soit respectée la convention n° 158 de l'OIT, en vertu de laquelle la France a déjà été condamnée.

Ces arguments ne s'adressent qu'au rapporteur puisque le ministre ne daigne pas nous répondre...

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Je respecte beaucoup le président Fourcade, qui a longtemps présidé la commission des affaires sociales et qui est un des connaisseurs les plus fins du sujet. Or le président Fourcade s'est étonné tout à l'heure que nous discutions après qu'un accord avait été conclu entre les organisations représentatives. Faut-il en déduire que le Parlement n'aurait plus qu'à enregistrer les conclusions des accords sociaux ? S'il en allait ainsi, je vous demanderais ce que vous faites ici !

Nous sommes confrontés au résultat d'une négociation sur lequel les deux parties sont tombées d'accord. Mais il y a une tierce partie dans l'affaire, qui n'a pas pris part à la négociation, mais qui assumera les conséquences psychologiques et matérielles du chômage : c'est la société tout entière. Et c'est elle que nous représentons ici et c'est pourquoi nous sommes fondés à intervenir à tout moment dans cette discussion.

Monsieur le président Fourcade, selon vous, nous aurions l'outrecuidance de vouloir régler ici les problèmes de la compétitivité de notre pays, de la concurrence entre les pays et entre les firmes. Mais j'ai une autre vision : la compétitivité de nos entreprises est globale, elle ne dépend pas seulement de la rémunération des salariés, elle dépend aussi de leur formation et de leur qualification, de leur état de santé, de leur motivation et de tous les avantages comparatifs, de tous les atouts dont notre pays fait bénéficier les entreprises ! Et en quoi la lutte contre la précarité, en quoi l'absence de souci du lendemain, en quoi des relations sociales stables nuiraient-elles à la qualité de nos productions ?

Donc le débat que nous avons ici est légitime, nécessaire et indispensable.

M. le président.  - Monsieur Fourcade, voulez-vous répondre à M. Mélenchon ?

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Non, je connais le discours de M. Mélenchon depuis vingt ans et, malheureusement, je constate que nous exportons moins ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous en restez au XIXe siècle !

L'amendement n°75 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

I. - Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-11 du code du travail.

II. - Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

II bis. - Dans les articles L. 5421-1 et L. 5422-1 du code du travail, après les mots : « involontairement privés d'emploi », sont insérés les mots : « ou dont le contrat de travail a été rompu conventionnellement selon les modalités prévues aux articles L. 1237-11 et suivants ».

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Les députés ont précisé qu'en cas de rupture conventionnelle, le salarié a droit à des allocations chômage. Nous proposons de faire figurer cette précision dans la partie du code relative à l'assurance chômage.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Dans le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-11 du code du travail, remplacer les mots :

des conditions

par les mots :

les conditions

Mme Christiane Demontès.  - Nous proposons une modification sémantique, mais importante. Certains, tout en étant satisfaits de voir des licenciements transactionnels devenir des ruptures conventionnelles, s'inquiètent de ce qu'ils appellent « l'appel d'air » que ce mécanisme peut exercer sur les finances de l'assurance chômage. Et cela au moment même où le Gouvernement entend basculer une partie des cotisations vers le financement des retraites. Au moment aussi où le Medef souhaite en fait voir diminuer les cotisations d'assurance chômage, et où le Gouvernement annonce des mesures coercitives à l'encontre des chômeurs.

Nous ne croyons pas que la rupture conventionnelle va gravement mettre à mal les finances de l'assurance chômage, pour les raisons que nous avons déjà exposées. Toutefois, nous craignons que le patronat et le Gouvernement ne profitent de l'introduction de cette nouvelle méthode de rupture du contrat de travail pour réaliser quelques petites économies au détriment des salariés. Ceux-ci, en effet, ne seront pas victimes d'un licenciement, mais parties à une convention, fût-ce de rupture. La tentation pourrait donc exister, à l'occasion de la nouvelle convention d'assurance chômage qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2009, de ne leur accorder qu'une indemnité au rabais, ce que la rédaction de l'article laisse possible.

Nous voulons donc une réponse claire à cette question : les salariés qui signeront une rupture conventionnelle auront-ils droit aux allocations chômage en fonction des barèmes de droit commun d'ancienneté dans l'emploi, comme l'ensemble des salariés licenciés ? Une réponse imprécise ou dilatoire causerait les plus vives inquiétudes aux salariés quant aux termes de l'accord des partenaires sociaux.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - L'amendement 9 rectifié que, je l'espère, le Sénat va adopter, serait incompatible avec celui de Mme Demontès.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avis favorable au 9 rectifié, donc défavorable au 32.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Pour que le compte rendu ne perde pas une partie de l'échange que je viens d'avoir avec le ministre et M. Fourcade, je reviens sur le débat de la compétitivité. (Marques d'impatience sur le banc de la commission) Ils craignent une diminution de nos parts de marché. Et je leur demande : à l'inverse, en quoi, les mesures que vous proposez à l'encontre des salariés augmenteraient-elles notre compétitivité ? Certes, cela diminuerait les frais de main-d'oeuvre. Mais c'est trois fois rien ! Le résultat recherché, c'est de faire peser tout l'effort sur la main-d'oeuvre. C'est vraiment une vision primaire de la compétitivité que de ne l'envisager que comme une pression à exercer sur les salaires et sur la main-d'oeuvre. La compétitivité, dépend d'autre chose : la recherche, l'éducation, la formation ! Et comment conciliez-vous vos discours catastrophistes sur le déclin de la France avec le fait que les travailleurs français sont par tête parmi les plus productifs au sein des trois premiers exportateurs mondiaux ? Et puis, pour exporter, il nous faudrait une monnaie beaucoup moins forte ! Cela, ça ne dépend pas des travailleurs et la solution ne passe pas par la baisse de leurs rémunérations. Il n'y a pas dans cet hémicycle d'un côté les défenseurs des travailleurs et, de l'autre, les grands cerveaux de l'économie. Tout cela, c'est de la pure idéologie ! (Protestations à droite)

M. Nicolas About, président de la commission.  - Diversion !

L'amendement n°9 rectifié est adopté.

L'amendement n°32 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Beaumont.

Remplacer les trois premiers alinéas du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister par un représentant ou un avocat de son choix.

M. René Beaumont.  - Avec le respect dû à un ancien ministre de la République, je dis à M. Mélenchon qu'il n'a pas le monopole de la défense des travailleurs. J'ai le droit de les défendre, moi aussi, je les défends et mon amendement en est la preuve.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Je ne vous conteste pas ce droit.

M. René Beaumont.  - M. Mélenchon et ses amis ne se sont pas aperçus que la notion de travail a évolué et que, maintenant, les Français respectent le travail.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous plaisantez !

M. René Beaumont.  - Aujourd'hui, il est salué comme nécessaire pour créer des richesses, dans un climat non plus conflictuel mais partenarial. Si M. Mélenchon est en colère, c'est qu'il sent qu'il perd son fonds de commerce. (Protestations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Incroyable !

M. René Beaumont.  - Mon amendement visait à rééquilibrer les relations entre le salarié et l'employeur mais, après avoir entendu notre excellent rapporteur, je doute de l'utilité de le maintenir. Faut-il vraiment judiciariser cette rupture conventionnelle ? J'aimerais entendre l'avis du ministre avant, sans doute, de retirer mon amendement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il veut défendre les travailleurs en retirant son amendement ...

M. le président.  - Amendement identique n°19 rectifié, présenté par MM. Béteille, Buffet, Pillet, Vial, Portelli, Jacques Gautier, Lecerf, de Richemont, Gélard et Mme Desmarescaux.

M. Laurent Béteille.  - M. Beaumont a parlé de « judiciarisation ». Au contraire, l'avocat est souvent celui qui permet d'éviter le contentieux et consolider un accord.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe UC-UDF.

Après le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 3° Soit par un conseil extérieur à l'entreprise.

M. Nicolas About.  - Il est défendu.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements identiques n°s18 et 19 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n°16. Les partenaires sociaux ont écarté cette intervention extérieure au cours de l'entretien, préférant calquer la procédure sur celle de l'entretien préalable au licenciement. Il faut en effet éviter le risque d'une certaine « judiciarisation » des relations contractuelles de travail. J'entends bien M. Béteille : l'avocat est un conseil, et pas seulement un plaideur, mais les partenaires sociaux ont explicitement écarté une telle assistance au cours de l'entretien. En revanche, rien n'interdit à l'employeur et à l'employé de se faire assister d'un avocat avant et après l'entretien : le principal, c'est d'éviter une intervention extérieure au moment même où se noue la négociation.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - J'aimerais que chacun suive l'exemple de M. Beaumont, qui annonce un retrait. Le droit du travail est spécifique, l'entretien se déroule entre les parties au contrat de travail et entre elles seules, même si elles peuvent être assistées par des personnes de l'entreprise, et de l'entreprise seulement. La jurisprudence a constamment repoussé toute autre intervention. Dans le cadre de la rupture contractuelle, l'avocat peut intervenir avant ou après l'entretien, dans le délai même de rétractation, mais pas au cours de l'entretien lui-même, qui est le coeur de la négociation entre les parties contractuelles. Les partenaires sociaux ont entendu maintenir cette spécificité, puisqu'ils ont énuméré très strictement les personnes susceptibles d'assister à l'entretien. Il faut sanctuariser ces règles et maintenir l'intervention de l'avocat, qui est certes un conseil autant qu'un plaideur, en dehors de l'entretien.

L'amendement n°18 est retiré.

M. Laurent Béteille.  - Je ne suis guère convaincu par ce système où le conseil interviendrait avant puis attendrait derrière la porte pendant l'entretien pour intervenir juste après. Cependant, les partenaires sociaux ont souhaité qu'il en soit ainsi, alors je m'incline, mais à contrecoeur !

L'amendement n°19 rectifié est retiré.

L'amendement n°16 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail :

Lors du ou des entretiens, l'employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise à condition que le salarié ait lui, même fait valoir ce droit.

Mme Annie David.  - La subordination de l'employé et la précarité de ce que vous appelez le marché du travail penchent suffisamment en faveur de l'employeur pour que la loi n'impose pas, à tout le moins, un parallélisme pour l'assistance : si l'employeur se fait assister, l'employé doit pouvoir aussi l'être !

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail, après les mots :

de se faire assister

insérer les mots :

par une personne de son choix membre de l'entreprise ou d'une organisation représentative d'employeurs

Mme Raymonde Le Texier.  - Le salarié peut se faire assister par une personne de son choix ; il est important, pour l'équilibre, qu'il en soit de même pour l'employeur. Cette assistance doit être gratuite. C'est le sens de la proposition de loi que nous faisions sur le conseiller du salarié mais que la majorité avait repoussée.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-12 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« L'employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d'employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Nous souhaitons donner à l'employeur la possibilité de se faire assister par une personne appartenant à son organisation patronale ou par un autre employeur du même secteur professionnel. Cette faculté serait ouverte aux seules PME, car elles n'ont pas toujours en leur sein les salariés motivés ou compétents pour assister à l'entretien. Je demande la priorité.

La priorité est ordonnée.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - L'amendement de la commission, effectivement, est plus complet que les deux autres...

Mme Raymonde Le Texier.  - La majorité est tellement plus intelligente...

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°10. Retrait, sinon rejet de l'amendement n°76 et de l'amendement n°33.

Mme Annie David.  - Je souscris à l'amendement de la commission, dès lors qu'il ne s'applique qu'aux PME.

Les amendements n°s33 et 76 sont retirés.

L'amendement n°10 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-14 du code du travail, remplacer le mot :

calendaires

par le mot :

ouvrables

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Le délai de quinze jours calendaires pour l'homologation de la rupture conventionnelle est trop court pour que l'autorité administrative puisse contrôler effectivement la demande, au-delà de la stricte légalité. Implicitement, on fait comme si l'employeur et l'employé étaient sur un plan d'égalité, ce qui n'est pas le cas. Nous proposions un délai de deux mois, qui est celui retenu pour que le silence de l'administration vaille accord implicite. Après débat en commission, nous avons ramené notre proposition à quinze jours ouvrables, soit trois semaines. Songez que, dans la première quinzaine de mai, quinze jours calendaires représentent six ou sept jours ouvrables : l'administration ne peut effectuer le contrôle sérieux dans ce délai !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Avis favorable : il peut être effectivement difficile d'obtenir une homologation au mois de mai... Nous sommes enfin parvenus à un accord ! (Sourires)

M. Xavier Bertrand, ministre.  - J'aurais préféré ne pas rompre l'unanimité naissante, mais je dois souligner que le délai de quinze jours calendaires vaut aussi pour la rétractation. Le silence de l'administration vaut acceptation : chacun a intérêt à ce que le délai soit court. Votre disposition fragiliserait l'homologation. Défavorable.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Vous ne voulez pas toucher à votre sacro-saint accord... Au mois de mai, c'est le silence assuré, il n'y aura jamais de refus ! Peut-être est-ce le but ?

M. Nicolas About, président de la commission.  - Je ne partage pas l'avis du ministre -une fois n'est pas coutume... Il n'est pas anormal que le délai de rétractation soit plus bref, car les deux parties connaissent le contenu du document qu'elles ont signé. L'administration, elle, doit étudier chaque cas, sachant que les dossiers peuvent se multiplier.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - L'État est là !

M. Nicolas About, président de la commission.  - Nuit et jour, pendant les fêtes de fin d'année comme durant le mois de mai... Certes. Quoi qu'il en soit, nous aurons le temps de nous rétracter en CMP si le vote de notre amendement nous paraît une erreur. Donnez-nous quelques jours ouvrables !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est plutôt sur la rétractation que vous auriez dû demander un délai en jours ouvrables, afin que les parties aient plus de temps pour réfléchir. Pourquoi attendre vainement la CMP ?

L'amendement n°34 rectifié est adopté.

M. François Autain.  - Bravo !

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Dans la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-14 du code du travail, après les mots :

du conseil des prud'hommes,

insérer les mots :

qui statue en premier et dernier ressort,

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Le but est ainsi de réduire la durée des procédures et de sécuriser ainsi la rupture conventionnelle -qui est négociée et non pas conflictuelle.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Mon avis est partagé. Le point n'est pas visé par l'accord, car il n'y avait pas unanimité des signataires. Deux années de plus ou de moins dans une procédure, cela n'est certes pas négligeable. Le seul vrai juge de la liberté du consentement est le juge prud'homal, si bien que le double degré de juridiction n'a pas tout-à-fait sa place ici. En cas d'erreur de droit, la Cour de cassation est saisie, mais l'intervention de professionnels du droit a un coût, qui peut être dissuasif pour le salarié. L'aide juridictionnelle qui est accordée pour un salaire inférieur à 1 328 euros et l'éventuelle condamnation de l'employeur aux dépens tempèrent cet argument. Sagesse...

Mme Annie David.  - Je ne voterai pas cet amendement car je rejoins pour une fois le ministre : l'absence d'appel prive le salarié d'une possibilité de se défendre. Mais la procédure, il faut le reconnaître, est longue...

Mme Christiane Demontès.  - Je suis, moi aussi, d'accord avec M. le ministre. La disposition, tout d'abord, ne figure pas dans l'accord.

M. Nicolas About, président de la commission.  - C'est un bon argument...

Mme Christiane Demontès.  - L'amendement ne vise-t-il pas, en outre, à limiter le contentieux sur la rupture conventionnelle, autrement dit le risque de sanctions prononcées contre l'employeur ?

L'amendement n°11 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°53 rectifié, présenté par M. Souvet, Mme Procaccia, M. Esneu, Mme Henneron, MM. Hérisson et Bordier.

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1237-14 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :

Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date d'homologation de la convention.

M. Louis Souvet.  - La loi de programmation pour la cohésion sociale dont j'ai été le rapporteur limitait à douze mois le délai de recours contentieux afin de mieux border la procédure. Procédons de même ici.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Proposition cohérente ! Mais ce point ne figure pas dans l'accord. Sagesse.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Retrait ou rejet, car des réflexions sont en cours sur le régime des prescriptions en matière sociale ; une proposition de loi sur ce sujet est débattue actuellement à l'Assemblée nationale.

En outre, l'amendement n°4 sur le premier et dernier recours représente déjà un premier progrès. Je ne souhaite pas aller plus loin. Pourquoi réduire aujourd'hui le délai de cinq ans à douze mois ? Le Gouvernement s'y refuse pour des raisons de fond, mais aussi de méthode, puisque des discussions sont en cours.

L'amendement n°53 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1237-15 du code du travail.

Mme Annie David.  - En application de ce paragraphe, les salariés protégés pourraient utiliser la rupture conventionnelle. Or, cette disposition ne fait pas partie de l'accord national interprofessionnel. Nous avons eu suffisamment d'amendements repoussés sous ce prétexte pour que M. le ministre nous concède cet argument ... Cet ajout contredit le discours officiel sur la reprise stricte de l'accord, à l'image de la directive européenne sur la lutte contre la discrimination, que vous prétendiez transposer rigoureusement en droit interne, alors que vous avez accepté d'introduire une disposition autorisant un enseignement non mixte, qui n'y figurait pas.

Nous voulons exclure de cette faculté de rupture les salariés protégés, car elle pourrait jeter la suspicion sur ces derniers, alors que leur mandat exige transparence et confiance. Les élus du personnel sont protégés contre l'arbitraire de leur employeur ; on ne doit pas pouvoir les soupçonner de monnayer leur départ.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Je suis surpris d'entendre Mme David proposer de mettre fin à une protection des élus syndicaux. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

Mme Annie David.  - En effet, je soutiens qu'un mandat syndical est exercé au service de tous les salariés. Rien de plus normal que la protection du salarié contre le licenciement, mais il ne faut pas aller plus loin, sauf à jeter le doute sur les représentants syndicaux. Ils subissent déjà de nombreuses pressions et ils remplissent déjà difficilement leur mandat. N'en ajoutons pas !

Une négociation se déroule depuis quatre mois sur la représentation syndicale. Aucun partenaire syndical n'a réclamé cette disposition, qui arrive dans le projet de loi sans que l'on sache comment ni pourquoi. Monsieur le ministre, d'où vient cette précision, qui ne figure pas dans l'accord national interprofessionnel ? Il y a vraiment deux poids, deux mesures !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous sommes-nous éloignés de la lettre de l'accord ? Oui. Nous sommes-nous éloignés de son esprit ? Non ! La jurisprudence est constante : les protections en vigueur seront maintenues. Cette rédaction conforte les salariés protégés, qui pourront bénéficier de cette mesure.

Mme Annie David.  - Quelle jurisprudence ? La disposition n'existe pas encore !

Mme Catherine Procaccia.  - Je ne voterai pas l'amendement, mais je salue la démarche courageuse et responsable de Mme David, même si je regrette que l'accord national interprofessionnel ne mentionne pas ce point.

L'amendement n°77 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... Les dispositions du présent article sont applicables à compter de la signature par les partenaires sociaux du renouvellement suivant de la Convention d'assurance chômage.

Mme Christiane Demontès.  - En application de l'article L. 1237-11 du code du travail, les salariés dont la rupture du contrat de travail est conventionnelle percevront les allocations d'assurance chômage dans les conditions de droit commun.

Mais de graves incertitudes pèsent sur le financement de la protection sociale. Des pressions s'exercent sur les demandeurs d'emploi pour qu'ils acceptent un travail moins bien payé, sous-qualifié et précaire, et même éloigné de leur domicile. Le Medef veut transférer les cotisations d'assurance chômage vers la retraite et entend surtout réduire leur montant. Il est donc raisonnable de s'assurer que le nouvel organisme issu de la réforme du service public de l'emploi tienne les engagements de l'accord national interprofessionnel.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Cette disposition est redondante avec le projet de loi, puisque les salariés dont le contrat est rompu par voie conventionnelle percevront des allocations chômage. Il n'y a pas de raison pour que les négociations sur cette branche de la protection sociale aboutissent à un résultat différent, puisque les discussions réunissent les mêmes partenaires. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis. J'ajoute que cette disposition est redondante avec un amendement socialiste présenté à l'Assemblée nationale.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Dans un délai de trois ans à compter de la date de promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur le nombre de conventions de rupture conventionnelle signées, le nombre de demandes d'homologation réputées acquises par défaut de notification de l'autorité administrative, le nombre de recours au conseil de prud'hommes et leur conclusion.

Mme Christiane Demontès.  - Le Parlement doit disposer de statistiques sur les ruptures conventionnelles et leurs caractéristiques. Quel sera leur nombre par rapport à ce que l'on sait aujourd'hui des licenciements négociés ? L'homologation administrative sera-t-elle précédée d'un examen au fond, ou se réduira-t-elle à une simple formalité ? La rupture conventionnelle ne risque-t-elle pas d'être utilisée en substitution à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou aux plans de licenciements, du moins dans certains cas ? Des pressions seront-elles exercées à l'encontre de salariés pour les contraindre à signer une rupture conventionnelle ? Quelles questions juridiques seront soulevées au contentieux sur cette nouvelle procédure ? Y aura-t-il des requalifications en licenciements ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - La commission de suivi et d'évaluation de l'accord national interprofessionnel, mise en place par les partenaires sociaux, recueillera l'information sur ce sujet. Il est donc inutile d'ajouter un nouveau rapport.

L'amendement n°36, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié bis, présenté par MM. Béteille, Lecerf, Pillet, de Richemont, Buffet et Mme Desmarescaux.

Compléter cet article  par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Dans le dernier alinéa de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, après le mot : « travail », sont insérés les mots : « ou de la convention de rupture, de l'homologation ou du refus d'homologation de la convention ».

M. Laurent Béteille.  - Il s'agit du régime particulier des avocats salariés, selon lequel le bâtonnier et la juridiction ordinale sont compétents pour tout litige relatif au contrat de travail. Le conseil des prud'hommes n'intervient pas.

Par cohérence, les litiges portant sur les cas de rupture d'un commun accord doivent relever de la compétence du bâtonnier, et non de celle des prud'hommes.

M. le président.  - Amendement identique n°54 rectifié bis, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe UC-UDF.

M. Nicolas About.  - Je le considère défendu.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Ces amendements prévoient une exception à la compétence de principe du conseil des prud'hommes au profit des avocats salariés. La commission n'a pas voulu suivre l'esprit de la loi de 1971 mais a, au contraire, souhaité que cette profession rejoigne le droit commun. Défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Le Gouvernement est partagé. J'ai entendu les arguments du rapporteur et ceux de M. Béteille. Bien sûr, nous n'entendons pas empêcher les avocats de bénéficier des mêmes protections que les autres salariés. Mais ne risque-t-on pas que, dans d'autres professions, des responsables veuillent également intervenir ?

Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat. Cependant, si la commission avait émis un avis favorable, je l'aurais suivie.

M. Laurent Béteille.  - Ce point est important pour la profession. Il a fait l'objet de discussions lorsqu'a été introduite la possibilité des contrats salariés pour les avocats, véritable progrès qui a été négocié avec la chancellerie. On a alors considéré qu'il n'était pas opportun que les litiges liés aux avocats soient jugés devant les juridictions où ils plaident journellement. Par conséquent, la compétence du conseil de prud'hommes aurait posé problème. De surcroît, la décision du bâtonnier est, dans tous les cas, à charge d'appel, la Cour d'appel ayant plus de distance à l'égard de l'exercice quotidien de la profession d'avocat.

Cette mesure est cohérente et respecte l'indépendance de la profession d'avocat. Comment comprendre que, lors d'un licenciement pour faute, le bâtonnier soit compétent, alors que, pour des difficultés liées à l'homologation d'un rapport, ce soit le conseil de prud'hommes ? J'insiste pour que cet amendement nécessaire soit adopté.

L'amendement n°40 rectifié bis, identique à l'amendement n°54 rectifié bis, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°78, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le Gouvernement présentera au Parlement, dans les deux ans suivant la publication de la présente loi, un rapport sur l'évaluation des conséquences de ce dispositif sur le régime d'assurance chômage et sur les conséquences budgétaires de la défiscalisation des indemnités de rupture conventionnelle.

M. Guy Fischer.  - La proposition de réduire à un an l'ancienneté exigée pour bénéficier de l'assurance chômage mettait déjà en péril la situation financière du régime d'indemnisation chômage. C'est également le cas de cette rupture conventionnelle qui ouvre droit à indemnisation chômage dès son homologation. Elle ne sera pas sans conséquence sur le régime d'indemnisation chômage, surtout si votre Gouvernement n'accroît pas la participation des employeurs à son financement.

La présidente de la Cnav a fait part de son opposition. Aussi demandons-nous que soit remis au Parlement un rapport portant sur les conséquences de cet article sur le régime d'assurance chômage et sur l'effet d'aubaine qu'il pourrait provoquer.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Les partenaires sociaux ont eu le souci de mettre en place des commissions de suivi. L'une concerne les dispositifs mis en place par l'ensemble de l'accord. Le Parlement aura ainsi les moyens d'être informé : un rapport du Gouvernement n'est pas nécessaire. Défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Défavorable également.

Mme Annie David.  - C'est dommage !

L'amendement n°78 n'est pas adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

Article 6

Un contrat de travail à durée déterminée dont l'échéance est la réalisation d'un objet défini, d'une durée minimale de dix-huit mois et maximale de trente-six mois, peut être conclu pour le recrutement d'ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives. Le recours à ce contrat est subordonné à la conclusion d'un accord de branche étendu ou, à défaut, d'un accord d'entreprise.

L'accord de branche étendu ou l'accord d'entreprise définit :

1° Les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d'apporter une réponse adaptée ;

2° Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l'aide au reclassement, à la validation des acquis de l'expérience, à la priorité de réembauchage et à l'accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel ;

3° Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini ont priorité d'accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l'entreprise.

Ce contrat est régi par le titre IV du livre II de la première partie du code du travail, à l'exception des dispositions spécifiques fixées par le présent article.

Ce contrat prend fin avec la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu, après un délai de prévenance au moins égal à deux mois. Il peut être rompu à la date anniversaire de sa conclusion par l'une ou l'autre partie pour un motif réel et sérieux. Il ne peut pas être renouvelé. Lorsque, à l'issue du contrat, les relations contractuelles du travail ne se poursuivent pas par un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié a droit à une indemnité d'un montant égal à 10 % de sa rémunération totale brute.

Le contrat à durée déterminée à objet défini est établi par écrit et comporte les clauses obligatoires pour les contrats à durée déterminée, sous réserve d'adaptations à ses spécificités, notamment :

1° La mention « contrat à durée déterminée à objet défini » ;

2° L'intitulé et les références de l'accord collectif qui institue ce contrat ;

3° Une clause descriptive du projet et mentionnant sa durée prévisible ;

4° La définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;

5° L'événement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle ;

6° Le délai de prévenance de l'arrivée au terme du contrat et, le cas échéant, de la proposition de poursuite de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;

7° Une clause mentionnant la possibilité de rupture à la date anniversaire de la conclusion du contrat par l'une ou l'autre partie pour un motif réel et sérieux et le droit pour le salarié, lorsque cette rupture est à l'initiative de l'employeur, à une indemnité  égale à 10 % de la rémunération totale brute du salarié.

Ce contrat est institué à titre expérimental pendant une période de cinq ans à compter de la publication de la présente loi.

À l'issue de cette période, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport, établi après concertation avec les partenaires sociaux et avis de la Commission nationale de la négociation collective, sur les conditions d'application de ce contrat et sur son éventuelle pérennisation.

Mme Annie David.  - Cet article est le quatrième à être défavorable aux salariés. Quatre articles sur six ! Je devrais même dire quatre sur cinq, car l'article premier ne crée aucun droit et ne renforce pas la protection existante. Le Medef peut se féliciter de ce résultat !

L'article 6 crée un trente-sixième contrat précaire, trente-septième si l'on compte par avance le contrat de partage. Pour vous, la modernisation du marché du travail revient à lui donner toujours plus de souplesse en le libérant des carcans légaux que votre majorité ne cesse de dénoncer !

Il s'agit ici de créer un véritable contrat de projet ou de mission en direction des ingénieurs et des cadres. Les employeurs pourront recourir à du personnel en leur confiant une mission particulière et les licencier au bout de douze, dix-huit ou vingt-quatre mois, non parce que les salariés auraient mal accompli leur mission, mais parce qu'un seuil fatidique de un et deux ans a été atteint. L'employeur pourra encore se séparer de son salarié au bout de trente-six mois ou à l'issue de la mission, sans compter qu'il peut toujours le faire pendant la période d'essai... Je vois bien où est la flexibilité pour les employeurs, mais je cherche encore la sécurisation de l'emploi pour les cadres concernés !

L'argument de la limitation de ce projet de loi, tant dans le temps que dans le public visé, ne nous satisfait pas. Les employeurs trouveront dans cette disposition l'outil de précarisation correspondant à leurs attentes et à leurs pratiques managériales. Le patronat proposera au Gouvernement d'étendre ce dispositif à tous les salariés, comme l'un de nos collègues est sur le point de le faire.

S'il était adopté, ce contrat ferait peser sur les cadres et ingénieurs une pression inacceptable. Ils devront satisfaire à toutes les exigences avec pour seule certitude celle de devoir quitter l'entreprise une fois la mission accomplie. On se trouverait donc dans la situation immorale où le cadre qui aura contribué à développer l'entreprise se verrait licencier pour la qualité de ses bonnes performances ! Cela est injuste socialement, et contradictoire avec l'engagement présidentiel d'associer les salariés à la réussite de l'entreprise en favorisant l'intéressement. Certains salariés seraient gratifiés pour l'excellence de leur participation et, pour le même motif, on se séparerait d'autres !

Ces mesures sont d'ailleurs contreproductives : les salariés s'épanouissent lorsqu'ils ont la sécurité de l'emploi, et de cet épanouissement naît une productivité accrue. Aux États-Unis, on a pu constater une baisse de productivité à l'approche de la date de fin du contrat.

Contreproductif pour les entreprises, ce contrat est dangereux pour les salariés. Les ingénieurs et les cadres sont les salariés parmi les plus concernés par le stress au travail et les nouvelles formes de troubles de santé liées ou survenant sur le lieu de travail. Nous gardons tous en mémoire la vague de suicides survenue dans un technocentre d'une grande marque française d'automobile ! Pourtant, les négociations sur la pénibilité du travail sont au point mort.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Il est dit ailleurs dans le texte que le CDI est dorénavant la forme de contrat de travail de référence. Or, avec cet article 6, nous nous préparons à créer un nouveau contrat de travail qui n'est ni le CDI, ni d'ailleurs le CDD, puisqu'il est moins qu'un CDD. Il s'agit du contrat de mission ou de projet qui figurait dans les propositions du Medef. En 2004, Ernest Seillière avait salué la reprise du contrat de mission dans le rapport Virville commandé par M. Fillon.

On nous propose ici d'étendre aux cadres et ingénieurs, qui représentent 10 % de la population active, la possibilité de recours aux CDD, alors qu'ils en étaient jusqu'à présent relativement protégés. Ce CDD à objet défini est plus précaire que les CDD actuels : son terme est incertain, et l'employeur est seul maître de la fixation de ce terme ; son terme maximal est de trente-six mois, alors que les CDD actuels ne peuvent excéder vingt-quatre mois ; il pourra être rompu par l'employeur sans motif, alors qu'une faute grave est exigée pour rompre un CDD normal. Bref, avec ce contrat de travail, la flexibilité est maximale ! Il se rapproche d'ailleurs davantage de l'intermittence que du CDD.

Dans l'esprit du patronat, il s'agissait clairement d'étendre ce contrat au-delà des cadres et des ingénieurs ; d'ailleurs, l'Association nationale des directeurs de ressources humaines, souhaite l'étendre à l'ensemble des travailleurs. La logique est celle d'une individualisation des contrats par rapport à une tâche.

J'arrive au coeur de l'affaire. Jusqu'à présent, les contrats les plus précaires étaient attribués à ceux qui pouvaient être le plus facilement remplacés. Entre la stabilité et l'instabilité, la précarité et la sécurité, il y avait une échelle allant de l'emploi le plus qualifié vers l'emploi le moins qualifié. Ici, pour la première fois, on étend le contrat de mission aux plus qualifiés, à ceux qui sont en état de produire les prestations du plus haut niveau.

Ce contrat s'apparente à du travail à la tâche ! Les entreprises peuvent recourir à des prestataires de service. Veut-on pousser les cadres à choisir le statut de travailleur indépendant, d'entreprise individuelle, plutôt que de salarié ? Ce serait une erreur terrible.

Les grands industriels de ce pays -il y en a dans cet hémicycle- défendent parfois des mesures totalement idéologiques qu'ils veulent appliquer partout... sauf chez eux ! Les entreprises les plus performantes, qui ont les travailleurs les plus qualifiés, ne précarisent pas leurs cadres !

M. Guy Fischer.  - C'est vrai, monsieur Dassault ?

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Pour attirer et conserver les salariés de haut niveau, il faut leur offrir la stabilité de l'emploi. C'est ce qui explique les mouvements de main-d'oeuvre d'une entreprise à l'autre, parfois pour une rémunération moindre !

L'affaire semble entendue. Cet article correspond à l'évolution générale qui voit le travail transformé en simple marchandise...

Jusqu'à présent, les classes moyennes étaient le point d'ancrage de la stabilité sociale. (« Très bien ! » à droite) Aujourd'hui, elles sont menacées d'une évolution dont elles se croyaient à l'abri.

M. Guy Fischer.  - C'est vrai.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Après les avoir poussées à s'endetter, on va fragiliser leur situation. Les entreprises ne seront pas obligées de recourir à ces contrats, dites-vous ? Bien sûr que si ! Quelle que soit la qualité de la gestion, on ajuste toujours par le bas !

J'attends de me rendre dans le sud de l'Essonne avec M. Dassault, pour expliquer aux classes moyennes, chassées du nord par le prix du foncier, que leur situation sociale sera bientôt aussi insécurisée que leur situation financière ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

La séance, suspendue à 17 h 20, reprend à 17 h 25.

M. le président.  - Amendement n°79, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Guy Fischer.  - Le candidat Sarkozy avait promis de revaloriser le travail : il affirmait que les salariés se moquaient des RTT et voulaient simplement plus d'argent sur leur fiche de paye. Un an après, le compte n'y est pas. Il avait promis aux employeurs de « libérer l'initiative », corsetée par la législation. Après le projet de loi sur la mobilité dans la fonction publique, examiné juste avant le 1er mai, ce texte, examiné lui aussi juste avant le 8 mai, contribue à tenir ces promesses...

Notre droit social serait l'une des raisons de la crise que les salariés payent cher. Pourtant, les employeurs disposent d'un arsenal de trente-sept -et bientôt trente-huit- contrats atypiques, qui permettent de déroger à la règle du CDI ! Ce nouveau contrat est un recul. Jusqu'à présent, aucun type de CDD ne pouvait excéder dix-huit mois. Les employeurs préféreront multiplier les contrats de mission plutôt que recourir au CDI -ce qui ne sera pas sans conséquence sur l'assurance chômage, ni sur les salariés qui se verront interdits de projet de vie tels que l'accession à la propriété.

Décidément, vous ne refusez rien au Medef. L'accord signé avec les syndicats va plus loin encore que les propositions des rapports Boissonat et Virville ! Les pressions ont du être importantes... Nous redoutons les textes qui sont dans les cartons, comme le projet de loi de modernisation économique. Le Président de la République aura tenu ses promesses : tous ces mauvais coups constituent une régression sans précédent dans la protection des travailleurs.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Là encore, c'est l'un des piliers de l'accord que vous voulez abattre ! Le nouveau contrat est strictement encadré : sa durée ne peut être inférieure à dix-huit mois ni supérieure à trente-six mois ; il est instauré à titre expérimental pendant cinq ans ; il doit être prévu par un accord de branche ou d'entreprise ; il est limité aux cadres et ingénieurs... Avis défavorable.

L'amendement n°79, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Dassault.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

d'une durée minimale de dix-huit mois

par les mots :

d'une durée minimale de six mois

M. Serge Dassault.  - Je regrette que M. Mélenchon soit parti...

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est effectivement dommage.

M. Serge Dassault.  - Je m'étonne, comme M. Fourcade, que l'opposition passe son temps à essayer de casser toutes les mesures qui tentent d'introduire une certaine flexibilité. Si les socialistes veulent les supprimer, l'accord deviendra caduc et il n'y aura plus rien.

Au nom de la prétendue protection des salariés, vous voulez empêcher que les dispositions qui apportent un brin de liberté dans la gestion des entreprises ne soient adoptées. Mais vous partez du principe qu'un employeur passe son temps à vouloir licencier ses salariés. C'est totalement faux : quand il a quelqu'un de compétent, il veut le garder !

A quoi sert une entreprise ? A satisfaire ses clients. Sans clients, pas d'entreprises ; sans entreprises, pas de productions, pas de salariés. Si vous continuez à les entraver, elles vont s'installer ailleurs. La délocalisation est d'ailleurs la réponse à tous ces freins.

Vous croyez que ces nouveaux contrats de travail vont fragiliser les salariés, mais c'est le chômage qui les précarise ! Une entreprise doit produire et vendre pour survivre. Si à chaque fois que vous le pouvez, vous supprimez des libertés, vous n'obtiendrez rien, et les salariés que vous voulez de toutes vos forces protéger se retrouveront au chômage, et ils vous en rendront responsables.

C'est pourquoi il convient que le contrat de travail à objet défini, qui a pour but de rendre plus flexible le marché du travail, puisse être signé pour une durée de six mois, plutôt que de trente-six comme le prévoit cet article. En proposant des contrats de six mois, les chefs d'entreprise du bâtiment et de l'industrie seraient plus enclins à embaucher.

Dans la plupart des entreprises, le travail est aléatoire. Le carnet de commande n'est pas toujours plein. Si un employeur peut embaucher sans risque, il le fait, mais s'il a peur de ne pouvoir ensuite licencier, en cas de ralentissement économique, il préfèrera refuser la commande, ou la traiter à l'étranger où les conditions d'embauche ne sont pas si draconiennes. Il convient donc d'assouplir la mesure qui nous est proposée en limitant le délai à six mois.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Serge Dassault.  - Aux États-Unis, quand Boeing perd une commande, il licencie plusieurs milliers de personnes sans que cela pose le moindre problème ; quand il obtient une commande, il embauche immédiatement : cela s'appelle la flexibilité ! Et le chômage, aux États-Unis, n'est que de 4,5 %... Si nous voulons que le chômage continue à progresser dans notre pays, il n'y a qu'à poursuivre dans nos errements.

M. le président.  - Comme Mme Le Texier, vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Indépendamment du jugement que l'on peut porter sur cet amendement, le voter reviendrait à remettre en cause le compromis auquel sont parvenus les partenaires sociaux. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Ce contrat a fait l'objet de très longues discussions et il a conditionné l'accord global. Si les partenaires n'étaient pas parvenus à s'entendre sur la durée de ce contrat, l'accord n'aurait pas été signé. Je comprends bien votre logique, monsieur le sénateur, mais si nous adoptions cet amendement, nous provoquerions un réel blocage et ce contrat ne serait pas mis en oeuvre. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Serge Dassault.  - Je vous entends, mais je travaille dans l'intérêt des chômeurs. (M. Fischer applaudit) Si l'on veut plus de chômeurs, il n'y a qu'à agir comme nous le faisons. Ce n'est pas parce que l'on va passer de dix-huit à six mois que l'accord qui a été signé va devenir caduc !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Mais si !

M. Serge Dassault.  - En revanche, cela permettrait aux entreprises d'embaucher plus de personnes.

Mme Christiane Demontès.  - Notre collègue nous reproche de vouloir remettre en cause l'accord qui a été signé. Mais que fait-il avec cet amendement ? En outre, sa proposition prouve que nous n'avions pas tort de nous inquiéter : certains employeurs en veulent toujours plus.

M. Guy Fischer.  - Et voilà !

Mme Christiane Demontès.  - Et lorsqu'une entreprise connaîtra un surcroit d'activité, il lui sera toujours possible de recruter du personnel en CDD. Il n'y a aucun besoin de ce nouveau contrat !

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

M. Serge Dassault.  - Mes petits camarades n'ont pas montré beaucoup de courage...

M. Nicolas About, président de la commission.  - Bien au contraire, ils ont montré des convictions ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Dassault.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

d'ingénieurs et de cadres

par les mots :

de salariés

M. Serge Dassault.  - Le contrat à objet défini ne concerne que les cadres et les ingénieurs. Or, pour créer de nombreux emplois, il devrait intéresser toutes les catégories d'employés. Certaines activités saisonnières, comme le bâtiment ou les hôtels, cafés et restaurants, pourvoyeuses d'emplois peu qualifiés, manquent de main-d'oeuvre et ce contrat leur permettrait de faire face aux besoins. Maintenant, il est vrai que si l'on veut continuer à avoir du chômage, il est préférable de ne rien faire...

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Là encore, cet amendement est contraire à l'accord qui a été signé. En outre, il est prévu que ce contrat sera expérimenté sur une durée de cinq ans. A l'issue de cette période, nous pourrons éventuellement envisager d'étendre cette mesure. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Pour les mêmes raisons, même avis.

Mme Annie David.  - Pour lutter contre le chômage, on a besoin de plein emploi, non de précarité.

Pour des missions de courte durée, il y a déjà le travail intérimaire. Faut-il ajouter encore un contrat précaire aux 37 qui existent déjà ?

La réponse du rapporteur nous renforce dans notre crainte que l'expérimentation n'aboutisse à une extension à tous les salariés de ce contrat « à objet défini » : nous ne pouvons l'accepter.

M. Serge Dassault.  - Le CDD est intéressant mais il ne correspond pas à une activité précise, laquelle peut prendre plus ou moins de temps que ce qui est prévu dans ce contrat. Plus souple, le contrat à objet défini est aussi plus intéressant pour le travailleur.

Tant qu'on restera dans l'optique actuelle, protéger les salariés contre les méchants employeurs, ceux-ci iront embaucher ailleurs, dans des pays où il n'y a pas tous ces problèmes. (Sourires)

Maintenant, je veux bien faire plaisir à mon ministre préféré et retirer mon amendement.

L'amendement n°21 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°81, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Après la première phrase du premier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Il ne peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.

Mme Annie David.  - Mon explication vaudra aussi pour l'amendement n°80.

Le recours aux emplois précaires ne peut être la seule et unique solution pour répondre aux exigences de l'économie libérale. Les salariés ne peuvent indéfiniment servir de variable d'ajustement. Ce n'est d'ailleurs pas la meilleure manière de stimuler leur productivité. Mais, visiblement, nous n'avons pas la même conception du marché du travail.

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Ce contrat ne peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité.

Mme Raymonde Le Texier.  - Cet amendement intègre dans le projet de loi les termes de l'accord national interprofessionnel.

Cette indication doit conduire à une réflexion sur l'usage, souvent irréfléchi voire abusif, qui est fait des contrats précaires. Le redressement des comptes sociaux passe aussi par une responsabilisation des employeurs.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - De fait, l'accord comportait cette précision. Pourquoi le Gouvernement l'a-t-il supprimée de son projet de loi ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Défavorable !

M. le président.  - Sans doute, mais pourquoi ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Disposition superflue.

Mme Raymonde Le Texier.  - C'est un peu court...

M. Nicolas About, président de la commission.  - L'amendement est déclaratif, difficile à mettre en oeuvre et pourrait être source de contentieux... Sagesse.

L'amendement n°81 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°37.

M. le président.  - Amendement n°82, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

A la fin de la seconde phrase du premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

ou, à défaut, d'un accord d'entreprise

M. Guy Fischer.  - Nous voulons limiter les risques que cet article 6 pourrait faire naître en subordonnant la conclusion de ces contrats à la conclusion d'un accord de branche étendu et d'un accord d'entreprise. Cette dernière disposition pourrait avoir comme conséquence de réintroduire par la fenêtre -l'accord d'entreprise- un élément affectant le contrat de travail des salariés refusé lors d'un accord de branche. Dans la pyramide des normes, les accords d'entreprise sont inférieurs aux accords de branche.

Le risque est grand de voir les salariés des plus petites entreprises ne pas pouvoir se défendre face à un employeur qui voudrait imposer le recours à ce type de contrat. Cela risque de nuire au dialogue social et d'accroître la précarité.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Cet amendement supprime un élément important de souplesse et il est contraire à l'accord.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis défavorable.

L'amendement n°82 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°80, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Supprimer le troisième alinéa (1°) de cet article.

Mme Annie David.  - Je l'ai défendu.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Cet amendement supprime une garantie pour le salarié. Défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°80 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°83, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Compléter le sixième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

À ce titre, les salariés titulaires d'un tel contrat sont inclus dans le calcul du décompte des effectifs prévu à l'article L. 1111-2 du code du travail.

Mme Annie David.  - Quel intérêt aurait un employeur d'embaucher sous la forme d'un contrat à durée indéterminée dès lors qu'il peut recourir à sa guise à des contrats de formes plus souples pour lui, c'est-à-dire plus précaires pour le salarié ? Il faut donc intégrer à l'effectif de l'entreprise les salariés embauchés en CDD de mission, afin que l'employeur ne puisse se soustraire aux obligations liées aux seuils, comme par exemple à celui de 50 au-dessus duquel la constitution d'un comité d'entreprise est obligatoire.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - La précision est inutile : les règles de comptage des effectifs sont déjà mentionnées à l'article L.1111-2 du code du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

Mme Annie David.  - Comment ce nouveau contrat qui va être créé peut-il être déjà défini ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Parce que c'est un CDD. Je ne sais pas si vous êtes satisfaite mais votre amendement l'est.

L'amendement n°83 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Supprimer la deuxième phrase du septième alinéa de cet article.

Mme Annie David.  - Le Gouvernement prétend que ce projet de loi concilie flexibilité et sécurité. S'il ne fait nul doute que la mission est remplie pour ce qui est de la flexibilité, le texte peine à accroître la sécurité des salariés. L'article 6 en est la preuve. S'il était adopté en l'état, l'employeur disposerait d'une première possibilité de rompre le contrat au bout d'un an, d'une deuxième six mois plus tard, et d'une troisième après six mois encore et, naturellement, au bout de trente-six mois, mais aussi pendant la période d'essai. Une fois le délai d'un an passé, l'employeur pourrait donc légalement licencier son salarié tous les six mois. C'est une forme de CDD dans le CDD que nous ne pouvons accepter. C'est pourquoi nous voulons supprimer la référence faite dans la loi à la possibilité de rompre le contrat à sa date anniversaire.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Rédiger comme suit la deuxième phrase du septième alinéa de cet article :

Il peut être rompu par l'une ou l'autre partie, pour une cause réelle et sérieuse, au bout de dix-huit mois puis à la date anniversaire de sa conclusion.

M. Pierre Bernard-Reymond.  - L'article 6 est en effet ambigu lorsqu'il fait référence à « la date anniversaire ». Cela supposerait qu'on puisse rompre le contrat dès le douzième mois. Or, il est dit qu'il dure au moins dix-huit mois. Notre amendement permet la rupture à dix-huit mois, puis à vingt-quatre mois de la conclusion du contrat. Si cet amendement était adopté, il serait incompatible avec celui de Mme David, auquel la commission est défavorable.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Je demande la priorité pour l'amendement n°12.

Acceptée par le Gouvernement, la priorité est de droit.

L'amendement n°12 est adopté.

L'amendement n°84 devient sans objet.

L'article 6, modifié, est adopté.

Article 7

Après l'article L. 1226-4 du code du travail, il est inséré un article L. 1226-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1226-4-1. - En cas de licenciement prononcé dans le cas visé à l'article L. 1226-4, les indemnités dues au salarié au titre de la rupture sont prises en charge soit directement par l'employeur, soit au titre des garanties qu'il a souscrites à un fonds de mutualisation.

« La gestion de ce fonds est confiée à l'association prévue à l'article L. 3253-14. »

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 1226-4-1 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :

Dans ce cas, le fonds de mutualisation effectue une avance mensuelle des indemnités dues au salarié dans l'attente de la conclusion de la procédure.

Mme Raymonde Le Texier.  - L'article 7 prévoit la mise en place d'un fonds de mutualisation géré par l'Association pour la garantie des salaires (AGS) afin de permettre aux employeurs de supporter collectivement la charge financière des indemnités de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle. La création de ce fonds sera certainement très utile aux petites entreprises, et nous l'approuvons. Toutefois, à la demande de nos interlocuteurs représentants des salariés, nous appelons l'attention sur une difficulté rencontrée par les salariés licenciés pour inaptitude d'origine non professionnelle. Ceux-ci se retrouvent souvent sans rémunération pendant plusieurs mois : se juxtaposent en effet le temps du préavis non effectué, donc non payé, le mois pendant lequel l'employeur cherche des possibles reclassements et les délais entre les visites médicales. Les difficultés matérielles s'ajoutent alors aux problèmes de santé. On pourrait instituer un dispositif d'avance du fonds de mutualisation afin que le salarié ne se trouve pas démuni pendant cette période.

Cette proposition ne relève pas de la compétence du Parlement, mais le fait d'exposer publiquement le problème peut contribuer à faire avancer les choses.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - La motivation est respectable mais cet amendement serait difficile à mettre en oeuvre ; en particulier, il serait impossible d'ouvrir des droits à indemnité avant la rupture du contrat. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avis défavorable : le fonds est là pour les employeurs, pas pour les salariés.

Mme Annie David.  - Nous approuvons tout à fait cet amendement. Pourquoi aider les employeurs et non les salariés ? Toujours deux poids, deux mesures.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°85, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement s'engage à relever par décret le montant de la cotisation patronale du montant nécessaire au financement des dispositions prévues à l'article L. 1226-4-1 du code du travail.

Mme Annie David.  - Nous ne sommes pas opposés par principe à cet article 7 mais nous doutons de l'opportunité de confier à l'Association de garantie des salaires la gestion du fond de mutualisation dont, curieusement, on oublie de prévoir les conditions de financement. C'est du domaine réglementaire et le Parlement n'a pas d'injonction à faire au Gouvernement. Mais rien n'interdit que la loi précise, sinon le taux, du moins le principe de l'abondement. L'exemple même de l'AGS nous fait craindre une situation déficitaire pour ce fond. Cette association est gérée par le seul patronat, ce qui n'est pas de bon augure pour la démocratie sociale. En outre, ses comptes sont dans le rouge, et s'ils le sont, c'est parce que François Fillon, alors qu'il était ministre des affaires sociales, a décidé, par voie réglementaire, de diminuer de moitié le taux de cotisation, le faisant passer de 0,35 au 1er janvier 2003 à 0,15 aujourd'hui.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - L'injonction au Gouvernement est contraire à la Constitution. De plus, l'AGS est gérée par les organisations patronales et il n'appartient pas au Gouvernement de fixer le niveau des cotisations. Avis défavorable.

L'amendement n°85, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Article 8

I. - Le chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Portage salarial

« Art. L. 1251-60. - Le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle. »

II. - Dans le 1° de l'article L. 824181 du code du travail, après les mots : « au travail temporaire, », sont insérés les mots : « au portage salarial, ».

III. - Par exception aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 2261-19 du code du travail et pour une durée limitée à deux ans à compter de la publication de la présente loi, un accord national interprofessionnel étendu peut confier à une branche dont l'activité est considérée comme la plus proche du portage salarial la mission d'organiser, par accord de branche étendu, le portage salarial.

Mme Annie David.  - Avec cet article 8, vous entendez légaliser une activité jusqu'alors interdite, considérée comme un délit pénal assimilable au délit de marchandage ou au prêt illégal de main-d'oeuvre. Il s'agit d'une relation triangulaire qui unit une entreprise cliente, un salarié porté et une société de portage. Le salarié porté démarche des sociétés, propose ses services, particulièrement dans le domaine du marketing, élabore un projet et le mène à bien. La société cliente bénéficie de cette prestation. Le rôle de la société de portage est quasiment nul, elle se contente d'empocher une somme confortable de la société cliente. Cela nous paraît immoral car pour nous, tout travail mérite salaire. Vous disiez vouloir donner plus à ceux qui travaillent plus, vous donnez plus à ceux qui travaillent moins. Le patronat doit rêver de l'extension de ce type de contrat qui individualise à l'extrême la relation contractuelle : le salarié est responsable du maintien de son emploi, de son déroulement, de son existence même puisqu'il lui appartient de prospecter lui-même pour constituer sa clientèle. Enfin, avantage suprême, le salarié devient responsable lui-même de sa rémunération. C'est une nouvelle forme de précarité que de faire reposer sur le salarié le niveau de sa rémunération.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Il s'agit de légaliser le résultat de l'évolution de la précarité et des rapports de forces dans notre société. La rupture par consentement mutuel existait déjà ; maintenant légalisée, elle reste moralement condamnable et économiquement contre-performante. De même, cette idée de légaliser le portage, qui nous aurait tous choqués il y a quinze ans, pousse à l'extrême l'individualisation des rapports sociaux, laquelle n'est ni naturelle, ni inéluctable ; c'est simplement le résultat d'un état social. On en vient à trouver banal que chacun cherche son emploi en créant son entreprise individuelle. Comme c'est un peu difficile, voilà le contrat de portage... Bien sûr, nous connaissons tous deux ou trois cas où cela fonctionne. Mais le problème c'est qu'on généralise cette formule et qu'on l'imposera. Il y avait l'intérim, il y aura désormais le sous-intérim où le travailleur va lui-même trouver son travail.

Nous allons légaliser ce qui relève encore aujourd'hui du délit de marchandage, c'est déresponsabiliser toujours davantage l'employeur et pousser les salariés vers le statut de travailleur indépendant sans protection, la liberté en moins ! Il aurait fallu à tout le moins, davantage de précautions !

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Annie David.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

I. - Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

section 6

par les mots :

section 7

II. - En conséquence, rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le même I pour la section 6 du chapitre Ier du titre V du livre II de la première partie du code du travail :

« Section 7

III. - En conséquence, rédiger comme suit le début du texte proposé par le même I pour l'article L. 1251-60 du code du travail :

« Art. L. 1251-70. - Le portage...

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Cohérence.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 1251-60 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« Le contrat de portage est conclu pour une durée maximale de trois ans. »

Mme Annie David.  - Repli : nous proposons de limiter dans le temps, ce mauvais contrat !

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Après le II de cet article, insérer un II bis ainsi rédigé :

II bis. - L'article L. 1251-4 du code du travail est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° L'activité de portage salarial prévue à l'article L. 1251-70. »

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Nous autorisons les entreprises de travail temporaire à exercer l'activité de portage salarial, puisque c'est cette branche qui organisera cette activité.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe UC-UDF.

Rédiger comme suit le III de cet article :

III. - Un accord ou une convention collective de branche étendue viendront préciser, le cas échéant, les modalités d'application de l'organisation de la branche du portage salarial.

M. Nicolas About.  - Notre groupe entend confier l'organisation du portage salarial à un accord collectif de branches, conformément à l'accord du 15 novembre 2007, conclu entre les entreprises du portage salarial.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Dans le III de cet article, après les mots :

la mission d'organiser,

insérer les mots :

en concertation avec les organisations représentatives des entreprises du portage salarial et

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Nous voulons garantir que les trois fédérations des entreprises de portage seront bien associées à la négociation, ainsi que le syndicat du travail temporaire, Prisme, s'y est engagé. Le portage salarial existe depuis plus de vingt ans, Prisme a déjà signé un accord, il faut prendre en compte l'expérience déjà acquise.

M. le président.  - Amendement n°55 rectifié, présenté par M. Souvet, Mme Procaccia, M. Esneu, Mme Henneron, MM. Hérisson et Bordier.

Dans le III de cet article, après les mots :

la mission d'organiser,

insérer les mots :

après consultation des organisations représentant des entreprises de portage salarial et

Mme Catherine Procaccia.  - Un accord a été trouvé, il faut le prendre en compte !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Tout à fait !

Mme Catherine Procaccia.  - Cependant, nous préférons le terme de consultation à celui de concertation, c'est plus sécurisant !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est mieux rédigé !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Les partenaires sociaux ont reconnu l'utilité sociale et économique du contrat de portage, en particulier pour l'emploi des seniors, auquel le Gouvernement est très attentif. Plus de vingt mille salariés sont concernés, il faut sécuriser leur situation juridique : avis défavorable à l'amendement n°86. L'accord prévoit une durée de trois ans, la précision n'est pas reprise dans le texte de loi : que pense le Gouvernement de l'amendement n°87 ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Précision inutile !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Alors, sagesse. Nous comprenons le souci d'associer les fédérations professionnelles, mais le portage sera organisé par la branche de l'intérim et il faut éviter toute incohérence entre accords de branches : avis défavorable à l'amendement n°17.

M. Nicolas About.  - Je le retire !

L'amendement n°17 est retiré.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°55 rectifié, auquel je me rallie.

L'amendement n°15 est retiré.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°13. Sagesse sur l'amendement n°14. Avis favorable à l'amendement n°55 rectifié. Avis défavorable à l'amendement n°86. L'amendement n°87 apporte une précision inutile, puisque ce maximum de trois ans figure déjà dans l'accord du 11 janvier 2008 : avis défavorable.

La négociation qui va s'engager avec la branche de l'intérim, comportera toutes les facettes du contrat de portage.

L'amendement n°86 n'est pas adopté.

L'amendement n°13 est adopté.

Mme Annie David.  - Vous nous dites qu'il n'est pas nécessaire de faire figurer dans la loi, ce qui est déjà dans l'accord : pourquoi, alors, légiférer ? Je maintiens l'amendement n°87 !

M. Guy Fischer.  - Très bien !

L'amendement n°87 n'est pas adopté.

L'amendement n°14 est adopté.

L'amendement n°55 rectifié est adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

Article 9

I. - Les sections 1 du chapitre III du titre II et 1 du chapitre VI du titre III du livre II de la première partie, la sous-section 4 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre IV de la cinquième partie, le 4° de l'article L. 5423-24 ainsi que les articles L. 6322-26 et L. 6323-4 du code du travail sont abrogés.

II. - Les contrats « nouvelles embauches » en cours à la date de publication de la présente loi sont requalifiés en contrats à durée indéterminée de droit commun dont la période d'essai est fixée par voie conventionnelle ou, à défaut, à l'article L. 1221-19 du code du travail.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - J'intitulerai mon intervention : « La revanche ». D'abord, je vous fais grâce des très nombreuses déclarations, où la majorité, à l'unisson, main sur le coeur, nous expliquait combien le Contrat nouvelle embauche (CNE) était la meilleure des choses pour l'emploi, parfaitement conforme à nos engagements internationaux en matière du droit du travail.

L'article 9 abroge le CNE, et vous nous présentez aujourd'hui ce recul comme une contrepartie, dans la négociation collective, à toutes les horreurs que ce texte fait subir au droit du travail. Mais cette abrogation n'a rien à voir avec la négociation collective ! Elle est plutôt la conséquence directe de la centaine de condamnations aux prudhommes qu'ont subie les employeurs qui ont eu la sottise d'y recourir ! La cour d'appel en a déjà confirmé plusieurs, au motif, comme nous le disions, que la période d'essai du CNE, de deux ans, dépassait le délai raisonnable au sens des conventions internationales, ou encore que les salariés ne sont pas dans les conditions de se défendre !

Malgré toutes nos alarmes, vous vous êtes endurcis et vous vous êtes entêtés à maintenir le CNE : il y a déjà eu plus de 900 litiges, les employeurs ont payé en moyenne 7 200 euros de dommage et intérêts ! Vous trouverez une analyse détaillée dans la presse spécialisée, en particulier dans la Revue du droit du travail, de septembre 2007.

Avec le style péremptoire qu'on lui connaît, le Président de la République, ne déclarait-il pas, le 24 janvier : « Le CNE est un progrès, il ne faut pas y toucher ! ». (Mme Demontès rit)

Nous allons vous regarder avec intérêt « ne pas y toucher ». Ce sera pour nous un pur délice que de vous contempler en train de défaire ce que vous avez mis tant d'obstination à faire. Certains quittent déjà le navire, n'est-ce pas monsieur About ? Le moment va être particulièrement agréable et nous ne le bouderons pas.

Mme Annie David.  - Enfin un article que les sénateurs CRC peuvent voter ! Hélas, que de lots de consolation attribués au Medef et au patronat pour compenser la suppression du CNE... Durant les auditions, les responsables de la CGPME nous exhortaient à ne pas le supprimer. Ils s'exprimaient ainsi au mépris de l'accord national et de la convention n°158.

La création du CNE n'a pas eu les effets escomptés sur l'emploi -je vous renvoie aux belles explications données par M. Dassault. La Dares quant à elle note que seuls 8 % des employeurs qui ont eu recours au CNE n'auraient pas embauché dans un autre contrat. L'effet a surtout été d'aubaine. Et 60 % des salariés en CNE n'étaient plus dans l'entreprise au bout d'un an.

La suppression du CNE n'est pas le fruit des négociations mais des condamnations par l'OIT : à quelques semaines de la présidence française de l'Union européenne, il fallait bien réagir...

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Dassault.

Supprimer cet article.

M. Serge Dassault. - Sans précarité, pas d'embauche. Une entreprise où le personnel travaille bien est à l'abri des licenciements et de la précarité. Vous ne connaissez hélas rien aux entreprises (marques d'impatience sur les bancs socialistes), vous ne savez pas comment l'on gère (protestations à gauche), c'est pourquoi je vous fais part de mon expérience, vous en ferez ce que vous voulez.

Mme Christiane Demontès.  - C'est insupportable !

Mme Raymonde Le Texier.  - Grotesque.

M. Serge Dassault. - Le CNE n'a, à la fin, plus eu de succès en raison des objections juridiques dont il a fait l'objet. S'il n'y avait pas le BIT, ou si nous n'avions pas signé cette convention -certains de nos voisins s'en sont bien gardés-, nous aurions pu maintenir le CNE, qui a la faveur des entreprises. Je le répète, plus on a de mal à licencier, moins on embauche.

L'amendement n°23 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Dassault.

I. - Compléter le I de cet article par les mots :

pour les contrats conclus après l'entrée en vigueur de la présente loi

II. - En conséquence, après le mot :

date

rédiger comme suit la fin du II de cet article :

d'entrée en vigueur de la présente loi, s'ils sont résiliés à l'initiative de l'employeur, sont soumis aux dispositions de l'article 4 de la présente loi.

M. Serge Dassault.  - Puisque le BIT a émis des critiques, créons un nouveau CNE, qui réponde à ses exigences, je songe bien sûr à la motivation du licenciement. Une entreprise qui n'a plus de commandes ne peut payer son personnel : est-ce si difficile à comprendre ? (Marques de lassitude à gauche) Faut-il attendre qu'elle fasse faillite ? Tout le monde sera alors au chômage. Je retire aussi cet amendement mais j'espère que le ministre fera bon accueil à une proposition de loi en ce sens.

L'amendement n°24 est retiré.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Merci, monsieur Dassault, d'accepter de retirer vos amendements.

Il y a une incompréhension sur cet article. La requalification du CNE en CDI et l'abrogation des dispositions relatives au CNE ne prennent pas leur origine dans l'accord du 11 janvier, mais dans la décision, antérieure, de l'OIT de condamner la France. Un précédent dont nous nous serions bien passés.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Nous vous avions assez prévenus.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Des chefs d'entreprise ont en toute bonne foi embauché en CNE. La CGPME les y a encouragés. Or, à présent, ils risquent, s'ils décident de licencier, de le faire selon des règles obsolètes et contraires à une jurisprudence désormais bien établie. Autant abroger tout de suite.

La loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007 interdit pour l'avenir une telle création sans concertation préalable avec les partenaires sociaux : nous éviterons ainsi de reproduire certaines erreurs ! La loi Larcher a donc tiré les enseignements de l'épisode CNE. Il va de soi que l'on ne saurait licencier quelqu'un sans lui dire pourquoi. C'est une question de respect.

Mme Annie David.  - Cela va de soi.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous devons faire passer le message car certaines embauches -0,7 %- se font encore en CNE.

L'article 9 est adopté.

L'article 10 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 10, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé, au plus tard le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi, à prévoir par ordonnance, dans le code du travail maritime, les mesures d'adaptation et les dispositions de cohérence nécessaires à l'application de la présente loi aux personnes exerçant la profession de marin.

Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement, au plus tard, le dernier jour du deuxième mois suivant sa publication.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Cette disposition permettra d'adapter le projet de loi aux spécificités des relations de travail à bord d'un navire. Sans cet amendement, l'accord national interprofessionnel ne serait pas applicable aux marins.

Les partenaires sociaux maritimes ont bien sûr été informés de l'incidence du texte pour leur secteur.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Monsieur le ministre, vous connaissez notre passion pour les ordonnances... La ratification sera-t-elle précédée d'un véritable débat parlementaire ou se réduira-t-elle à une formalité ? Je pense que le dispositif devrait être prêt au plus tard dans un an.

Enfin, l'établissement national des invalides de la marine (Enim) a-t-il été consulté ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - L'Enim a été consulté.

Désormais, les partenaires sociaux vont négocier. Leurs conclusions seront reprises dans le texte déposé devant le Parlement. La nature du débat sera fixée en Conférence des Présidents.

L'amendement n°20 est adopté et devient article additionnel.

Interventions sur l'ensemble

Mme Annie David.  - Au terme de ce débat, je tiens à rappeler que la discussion de l'accord national interprofessionnel a suivi la distribution aux partenaires sociaux d'un texte d'orientation. Où est l'innovation sociale, quand les lignes directrices sont fixées dès le départ ? Il faut donc rester modeste quant aux conclusions, que l'on ne peut dissocier des discussions en cours sur la représentativité syndicale.

Hors l'abrogation du CNE, nous sommes en opposition frontale avec l'ensemble des dispositions : la rupture conventionnelle opère un incroyable retour en arrière ; le CDD pour objet défini revient au travail à la tâche du XVIIIe siècle ! Nous sommes totalement hostiles à cette nouvelle régression du droit du travail, après une codification qui n'a pas été opérée à droit constant, contrairement à ce que vous avez prétendu.

Je peine à comprendre les signataires de l'accord national interprofessionnel.

Mme Raymonde Le Texier.  - Ce projet de loi dit « de modernisation du marché du travail » devait transcrire l'accord du 11 janvier, signé par la plupart des partenaires sociaux, à l'exception notable de la CGT. Mais transcrire un document ne revient pas à pratiquer le « copier coller », car les représentants du peuple, garants de l'intérêt collectif, doivent se prononcer sur le fond du texte et sur sa genèse.

Commençons par la genèse.

Nous saluons le primat du dialogue social, qui aurait d'ailleurs évité au précédent gouvernement le fiasco du CNE et du CPE, dont ce texte constitue l'acte de décès.

Dans cette affaire, les partenaires sociaux ont tenté de sauver les meubles au cours d'un dialogue conduit sous la menace gouvernementale de faire voter une loi encore plus ultralibérale. Devant cette menace, les syndicats ont fait ce qu'ils ont pu.

Sur le fond, la transcription fait la part belle à la flexibilité. Ainsi, la période d'essai allongée devient un CNE miniature ; la séparation à l'amiable, louable dans son principe, aggrave en pratique l'inégalité entre employés et employeurs pour contourner le droit du licenciement ; le CDD de mission est un contrat précaire de plus. On ajoute la sécurité pour les entreprises en éloignant les juges et on garantit la précarité aux salariés. En contrepartie, vous n'offrez que peu de choses : quelques réductions d'ancienneté pour l'indemnité de rupture et la complémentaire santé...

La flexisécurité nécessite un équilibre différent. Or, en renvoyant à de futures négociations les progrès obtenus par les syndicats, le Gouvernement a au minimum transféré l'application de l'équilibre précaire obtenu le 11 janvier. La négociation sur la pénibilité n'est toujours pas achevée ; l'accord sur le dialogue social dans l'artisanat n'a pas été transcrit ; le Président de la République et le Gouvernement multiplient les déclarations fustigeant les demandeurs d'emploi et s'attaquant à la formation professionnelle.

Parce que nous examinons le premier résultat du dialogue social, le groupe socialiste s'abstiendra, mais nous serons tout aussi présents sur les textes ultérieurs relevant de la même méthode, car nous devons porter l'effort plus loin que ne le peuvent les partenaires sociaux. C'est notre rôle de parlementaires et notre fierté de militants de gauche que de défendre le plus grand nombre ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques Muller.  - Ce projet de loi est présenté comme un tournant historique des relations sociales, ouvrant la voie pour la flexisécurité à la française.

Ce concept n'est pas à rejeter par principe, car il est légitime d'apporter une certaine souplesse aux employeurs qui craignent d'embaucher dans un contexte instable, mais la flexisécurité doit aussi conforter les parcours professionnels par l'indemnisation, la formation et le retour à l'emploi. Au Danemark, 5 % du PIB sont consacrés à ces objectifs. Or, lorsque j'ai proposé, avec l'amendement n°43, de taxer l'abus de CDD, on m'a opposé que ce serait onéreux... Nous ne sommes donc pas en train d'imiter le modèle danois, qui coûte cher.

Ce texte comporte des ruptures, puisque le contrat de mission introduit une nouvelle forme de précarité, cependant que l'allongement des stages les transforme en CNE par défaut. On voit même l'irruption du droit civil dans les relations du travail, avec la séparation conventionnelle ! Il y a rupture, au détriment des salariés.

Quant à la méthode, il y a rupture en matière de dialogue social, qui s'est déroulé sous la contrainte et la menace, mais surtout parce qu'il a servi d'alibi : nombre de nos amendements ont été repoussés pour avoir comporté des dispositions non inscrites dans l'accord national interprofessionnel, mais mon amendement n°49, qui reprenait un point de cet accord, n'a pas été accepté ! C'est l'effet de cliquet : on peut défaire encore plus le droit du travail, mais pas le conforter.

Nous aboutissons ainsi à une flexisécurité à l'anglo-saxonne, plus libérale et avec plus de pauvres. Cela n'a rien de commun avec le modèle nordique, car vous êtes figés dans votre logique ultralibérale. Seule subsiste la flexibilité, sans la sécurité.

Les verts voteront contre cette destruction du droit du travail. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Catherine Procaccia.  - Notre groupe se réjouit du débat qui s'achève, car ce succès du dialogue social introduit la flexibilité nécessaire aux entreprises, tout en protégeant les salariés. Je constate avec bonheur que nous construisons ainsi un droit du travail pour le XXIe siècle, non pour le XIXe.

M. Jean-Luc Mélenchon. - Du XVIIIe !

Mme Catherine Procaccia.  - Je suis heureuse d'être la dernière à m'exprimer pour apporter en conclusion une note positive et dire tout le bien que le groupe UMP pense de ce texte, première application - réussie- de la loi sur la modernisation du dialogue social présentée il y a seize mois par M. Gérard Larcher.

Cette loi retranscrit les termes de l'accord du 11 janvier dernier. Même si cela n'a pas toujours été facile en raison de cet accord préalable, nous avons joué notre rôle de parlementaires et le groupe UMP s'est attaché à respecter les termes de cet accord. Je tiens à souligner la qualité du travail de notre rapporteur, qui a su faire preuve de retenue pour ne pas ruiner les efforts accomplis auparavant, bâtir une démocratie sociale plus responsable et respecter le rôle du Parlement, puisque la loi de modernisation du dialogue social dont j'ai été le rapporteur indiquait qu'il devait jouer son rôle en respectant les décisions des partenaires sociaux.

Ce projet de loi introduit plus de flexibilité afin de libérer les entreprises des contraintes qu'elles subissent actuellement, mais elle renforce aussi la sécurité des salariés afin que leurs droits ne s'en trouvent pas affectés.

Au nom du groupe UMP, je remercie le rapporteur qui, dans les limites fixées, est parvenu à apporter plusieurs modifications. Personnellement, je suis enchantée de voir naître la rupture conventionnelle qui nous préoccupait tant lorsque nous étions sur les bancs de l'Institut national du droit du travail. Je me réjouis également de la reconnaissance juridique du portage salarial. Même si, selon M. Mélenchon, il ne concernera que quelques cas, il est important, notamment pour le travail des seniors.

Notre rapporteur a ouvert les auditions à l'ensemble de notre commission. J'ai bien écouté les syndicats sans entendre ce que nos collègues de gauche disent avoir entendu. Hormis la CGT, tous ont demandé que cet accord ne soit pas modifié et ont dit qu'il leur convenait.

Monsieur le ministre, vous avez dit que les lois les plus durables et les mieux acceptées sont issues des accords. Aujourd'hui a été franchie une étape qui sera suivie, dans le respect du dialogue social, par d'autres réformes pour lesquelles le groupe UMP vous fait confiance. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Nicolas About, président de la commission.  - Je remercie le Président Poncelet et M. Gouteyron qui ont présidé ces séances, et vous-même, monsieur le président. J'exprime également mon admiration pour notre rapporteur, dont nous avions déjà pu apprécier le talent lorsqu'il était membre du Gouvernement. Enfin, je remercie le ministre pour la qualité de son écoute : il a su laisser une respiration au Parlement.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Au bon sens paysan !

M. Nicolas About, président de la commission.  - Enfin, je remercie nos collègues pour ces débats particulièrement intéressants.

A la demande du groupe CRC, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin n° 90 :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 226
Majorité absolue des suffrages exprimés 114
Pour l'adoption 196
Contre 30

Le Sénat a adopté.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Je tiens à remercier la Haute assemblée. Nous étions dans un exercice nouveau : en quelque sorte des travaux pratiques après la loi de modernisation du dialogue social. Je remercie les différents groupes qui ont essayé de se montrer fidèles aux accords passés. Je remercie le président About...

M. Nicolas About.  - Pour son côté urbain !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - ...et le rapporteur pour son travail. Chacun a pu animer le débat de son tempérament. M. Hubert Falco, qui fut sénateur, me disait hier que les débats du Sénat se déroulaient dans un climat de confiance et de sérénité : j'ai pu le vérifier. (Applaudissements à droite et au centre)

Prochaine séance, mardi 13 mai 2008 à 16 heures.

La séance est levée à 19 h 10.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du Mardi 13 mai 2008

Séance publique

A SEIZE HEURES

1. Question orale avec débat n° 18 de M. Nicolas Alfonsi à Mme la ministre de la culture et de la communication sur la sauvegarde et la transmission des langues régionales ou minoritaires.

M. Nicolas Alfonsi demande à Mme la ministre de la culture et de la communication à propos des mesures envisagées par le Gouvernement pour donner un cadre légal afin de créer des obligations à la charge de l'État en vue de la sauvegarde et de la transmission de langues régionales ou minoritaires pratiquées sur son territoire. Par sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution certaines clauses de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires signée à Budapest le 7 mai 1999. Le Conseil constitutionnel a toutefois relevé dans sa décision que l'application de l'article 2 de la Constitution ne devait pas conduire à méconnaître l'importance que revêt en matière d'enseignement, de recherche et communication audiovisuelle la pratique des langues régionales ou minoritaires. Il s'agit maintenant de savoir si le Gouvernement entend soumettre au Parlement des dispositions de nature législative en la matière ou s'il choisit au contraire de trancher par la voie réglementaire.

2. Discussion de la proposition de loi (n° 269, 2006-2007) pour l'amélioration et la simplification du droit de la chasse, présentée par M. Ladislas Poniatowski.

Rapport (n° 307, 2007-2008) de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission des affaires économiques.

LE SOIR

1. Examen des conclusions de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la proposition de loi renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion.

_____________________________

DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire ;

- M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'Australie relatif à la coopération en matière d'application de la législation relative à la pêche dans les zones maritimes adjacentes aux Terres australes et antarctiques françaises, à l'île Heard et aux îles McDonald (n° 206, 2007-2008) ;

- Mme Joëlle Garriaud-Maylam un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants (n° 220, 2007-2008) ;

- M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d'un dispositif d'accompagnement à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté et l'ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 relative au personnel militaire modifiant et complétant la partie législative du code de la défense et le code civil, et portant diverses dispositions relatives à la défense (n° 270, 2007-2008) ;

- M. André Boyer un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires (n° 277, 2007-2008) ;

- M. Jacques Blanc un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco, relatif à la mise à disposition de personnels de la police nationale française au profit de la Principauté de Monaco à l'occasion d'événements particuliers (n° 279, 2007-2008) ;

- M. René Garrec un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur le projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux archives du Conseil constitutionnel (n° 304, 2007-2008) et sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux archives (n° 305, 2007-2008) ;

- M. Auguste Cazalet un rapport supplémentaire fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la proposition de loi, présentée par M. Michel Mercier, renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion (n° 212, 2007-2008) ;

- M. Philippe Marini une proposition de loi pour le développement de l'épargne retraite ;

- MM. Jean-Pierre Bel, Bernard Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés une proposition de loi relative aux conditions de l'élection des sénateurs.