Lutte contre les discriminations (Urgence - Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Nous en étions parvenus à la discussion des articles.
Discussion des articles
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°10, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il présente chaque année au Parlement un rapport relatif à l'évolution de la diversité parmi les personnels employés par les sociétés, et au développement de programmes présentant les thèmes de la diversité et de la multiplicité des cultures. »
Mme Bariza Khiari. - Les médias et la publicité n'étant pas considérés par la directive du 13 décembre 2004 comme des biens et services à disposition du public, le principe de non-discrimination ne s'applique pas à leur contenu. Pourtant, les images, notamment télévisuelles, ne sont-elles pas des biens d'une nature particulière ? Faciles d'accès, tant dans l'espace public que privé, elles jouent un rôle éminent dans la constitution de nos représentations sociales et notre appréhension de l'altérité. Il n'est donc pas indifférent de veiller à ce qu'elles ne véhiculent pas de stéréotypes négatifs.
Une étude menée en 2006 par le Bureau de vérification de la publicité, en partenariat avec France Télévision, avait conclu à une très faible représentation des « profils » extra-européens dans la presse et l'affichage public et, dans une moindre mesure, à la télévision. Surtout, l'étude mettait l'accent sur l'ethnicisation fortement stéréotypée des rôles dans la publicité, la publicité par Banania en offrant la caricature.
Même sans être objectivement désobligeantes, ces représentations peuvent, souligne l'étude, « contribuer à réduire l'imaginaire des possibles pour ces groupes de populations », imaginaire d'autant plus rétréci que la seule valorisation de la diversité ethnique dans la publicité se réduit à la mise en avant de personnalités du sport ou de la musique.
Dans les films et les séries télévisées, l'image des femmes est déformée : quand elles sont performantes dans leur vie professionnelle, c'est forcément au détriment de leur vie familiale. Dans le même esprit, le délinquant est arabe ou noir, l'ingénieur blanc, mâle et hétérosexuel.
Fin février, madame la ministre, vous avez mis en place une commission de réflexion sur l'image de la femme dans les médias, en relevant que les « politiques d'égalité entre les femmes et les hommes ne peuvent se concevoir sans une réflexion approfondie sur l'image de la femme ». Cette réflexion vaut aussi pour la représentation de la diversité et c'est pourquoi je me réjouis de la création, au sein du CSA, de l'Observatoire de la diversité audiovisuelle, présidé par Rachid Arhab, et qui a pour mission d'envisager la diversité sous différents angles : l'origine, l'âge, le sexe et le handicap.
Je suis donc persuadée que majorité et opposition seront favorables à cet amendement qui vise à ce que le CSA remette, tous les ans, un rapport sur la représentation de la diversité dans les médias.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Sans remettre en cause votre réflexion sur le fond, je ne suis pas sûre que cet amendement ait sa place dans ce projet de transposition. J'ajoute que sa mise en oeuvre serait difficile, car comment évaluer la diversité dans les personnels de l'audiovisuel, quand le Conseil constitutionnel interdit les statistiques ethniques, sauf à en arriver à un simple décompte, explicite ou non, des minorités dans les entreprises et les administrations concernées. Retrait ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. - Cet amendement ne me semble en effet pas à sa place dans un projet de transposition de directive européenne. J'ajoute qu'il n'entre pas dans les missions du CSA de contrôler la gestion des personnels des entreprises et administrations concernées, contrôle que rendrait au reste difficile l'interdiction faite par le Conseil constitutionnel d'établir des statistiques ethniques.
Pour ce qui est du bilan annuel sur le contenu des programmes, que vous appelez de vos voeux, je vous rappelle que la loi relative à l'égalité des chances prévoit que le CSA rend un rapport annuel, remis au Président de la République, au Gouvernement et au Parlement. Je vous rappelle également que le CSA a récemment créé l'Observatoire de la diversité, présidé par Rachid Arhab, chargé de suivre les politiques d'amélioration de la diversité tant au point de vue de l'âge que du sexe, de l'origine ou du handicap. Votre amendement me semble donc, sur ce point, satisfait. Défavorable.
Mme Bariza Khiari. - On peut rendre compte de la diversité d'un point de vue non pas seulement quantitatif, mais qualitatif. Il serait souhaitable que le rapport de l'Observatoire soit transmis au Parlement. À l'inverse de ce que vous m'objectez, j'estime qu'il y a parfaitement lieu d'aborder la question dans ce texte, et je maintiens mon amendement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Je m'en étonne d'autant plus que vous vous étiez, madame Khiari, opposée, lors de débats sur un autre texte, à un de mes amendements qui visait à évaluer la diversité, arguant qu'il était difficile de mener une telle évaluation sans tomber dans des travers dangereux. D'autant plus peut-être quand l'évaluation est « qualitative » ?...
L'amendement n°10 n'est pas adopté.
M. le Président. - Amendement n°12, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les services publics ainsi que dans les entreprises publiques et privées de cinquante salariés ou plus, le bilan social établi chaque année intègre un chapitre sur les actions menées en faveur de la lutte contre les discriminations sous toutes les formes.
Mme Bariza Khiari. - Compte tenu de la gravité des discriminations, il est bon de rappeler la teneur de l'article 10 de l'accord national interprofessionnel pour la diversité. On mesurera ainsi le hiatus entre le discours officiel et la pratique des entreprises. Au surplus, nombre d'entreprises de plus de cinquante salariés n'ont pas de comité d'entreprise, au mépris de la loi. Il est donc plus sûr d'accélérer la mise en oeuvre de l'accord.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Ce n'est peut-être pas le support le plus adapté. Avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le Gouvernement partage l'objectif de Mme Khiari et veut favoriser le dialogue social mais, précisément, il faut laisser jouer l'accord interprofessionnel du 19 octobre 2006, étendu le 22 février 2008 et qui prévoit un bilan d'ici deux ans. Le Gouvernement sera très attentif afin d'apporter éventuellement des améliorations. Avis défavorable à cet amendement prématuré.
L'amendement n°12 n'est pas adopté.
Article premier
Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne le serait dans une situation comparable.
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés à l'alinéa précédent, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
La discrimination inclut :
1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;
2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :
ou une race
Mme Jacqueline Alquier. - L'Essai sur l'inégalité des races humaines de Gobineau, de 1853, a été au fondement des pages les plus noires de notre histoire. Dans les années 1950, l'Unesco a recommandé de parler plutôt d'ethnie, considérant que le terme de race était confus. Aux débuts de la génétique, les scientifiques pensaient trouver les gènes des Noirs, des Jaunes ou des Blancs, mais on ne les a jamais découverts, et Tahar Ben Jelloun souligne que le mot race ne doit pas être utilisé pour les êtres humains, car il n'a pas de base scientifique et n'a servi qu'à exagérer des différences physiques sur lesquelles on n'a pas le droit de classer et de hiérarchiser l'humanité.
Certains argueront de l'article 2 de la Constitution ou de la qualification de circonstance aggravante du caractère « raciste » de certaines infractions. D'autres feront observer, à l'inverse, qu'en 1983 la loi sur les droits et obligations des fonctionnaires a retenu le terme d'ethnie, ce qui est cohérent avec la réalité et n'a empêché aucun magistrat de poursuivre les discriminations. Le législateur doit parfois être à l'avant-garde et faire preuve de détermination.
M. le président. - Amendement identique n°31, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Mme Annie David. - Je voudrais ajouter quelques arguments à ceux que vient de présenter Mme Alquier. Il y a moins d'un mois, nous célébrions la journée internationale de lutte contre le racisme mais, alors que l'année 2007 avait été dédiée à le combattre et malgré la volonté affichée par tous, il reste une dure réalité.
Notre amendement ne suffira pas à éradiquer toutes les formes de racisme mais il peut contribuer à faire évoluer les mots et les discours. En commission, beaucoup ont approuvé notre volonté de lutter contre les discriminations en supprimant le mot « race » de la loi.
Les avancées scientifiques doivent servir de point d'appui au législateur. La notion de race n'a aujourd'hui plus la moindre légitimité scientifique : il n'ya pas de races dans la famille humaine. Nous devons tourner définitivement une page : le mot était apparu dans notre législation en 1939 et avait été consacré juridiquement par les lois de juin et d'octobre 1940. Depuis cinquante ans, notre législation n'a eu de cesse de recourir à cette notion pour proscrire les discriminations ; pis, le mot est immédiatement suivi de ceux de religion, de nation et d'ethnie, comme si la race était une notion aussi objective. La suppression de ce mot ne permettra pas à un juge peu scrupuleux de ne pas sanctionner les propos et les actes racistes : les autres dispositions suffisent et il n'y a pas d'inquiétude à avoir à ce sujet.
Certes, nous allons au-delà de la transposition stricto sensu de la directive mais nous faisons avancer ainsi notre combat. La Commission européenne elle-même prend la précaution de n'autoriser la référence qu'à la race et non aux races, mais cette avancée ne suffit pas, car comment interdire les discriminations par rapport à une race unique ? C'est pourquoi nous sommes fidèles à la logique de la Commission en proscrivant un terme insoutenable. Cette petite révolution est de nature à empêcher le renouvellement de crimes que nous avons connus.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Nous avons été nous aussi choqués par l'emploi du mot race dans la directive mais Mme Létard a répondu par avance à votre argument en insistant sur le considérant 6 : l'emploi du mot n'empêche pas la condamnation de la chose, même si la rédaction peut apparaître paradoxale. Je m'en remettrai à la sagesse en demandant l'avis du Gouvernement.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Je comprends que l'emploi du mot puisse susciter des réserves, mais il s'agit bien d'interdire toute discrimination, comme l'ont fait le Préambule de la Constitution de 1946 et l'article premier de celle de 1958. Le Gouvernement a volontairement repris les termes de l'article L-122-45 du Code du travail, et la directive est conforme à l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement inopportun.
Mme Annie David. - Je propose en effet une petite révolution... La Constitution et le code du travail sont des textes anciens. La législation doit évoluer avec son temps ! Les données scientifiques sont claires : il y a une seule race, la race humaine. Le prochain Congrès pourrait être l'occasion de faire disparaître de la Constitution un terme qui doit être banni de notre langage. L'adoption de cet amendement aurait honoré notre assemblée ; je regrette l'avis défavorable du Gouvernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Une proposition de loi communiste tendant à supprimer le mot « race » de tous nos textes a été déposée à l'Assemblée nationale il y a plusieurs années, mais on nous dit toujours qu'il est urgent d'attendre... Pourtant, nous modifions et codifions les textes sans arrêt ! On peut toujours s'abriter derrière les textes existants, mais l'initiative que nous proposerons nous honorerait, et aurait un effet d'entraînement sur les législations d'autres pays.
Mme Bariza Khiari. - L'utilisation du terme « race », même pour condamner les discriminations, concourt à en légitimer l'existence alors que tous les travaux scientifiques montrent qu'il n'y a pas de race dans l'espèce humaine. Ôter ce mot ne fera pas disparaître le racisme mais peut lutter contre la force des préjugés. Soyons innovants et créatifs !
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, les amendements identiques n°s13 et 31, mis aux voix par assis et levé, ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°14, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
ses convictions
par les mots :
ses opinions politiques, ses activités syndicales ou mutualistes, ses convictions religieuses
Mme Jacqueline Alquier. - Amendement de précision. Le terme « convictions » est très large : nous proposons de décliner les formes qu'elles peuvent revêtir et qui peuvent donner lieu à discriminations. Le fondement juridique sera plus précis en cas de contentieux.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Il ne s'agit pas seulement d'une précision : vous ajoutez deux nouveaux critères de discrimination, les activités syndicales ou mutualistes, qui ne figurent pas dans la directive. On ne peut les intégrer dans le droit communautaire que par la négociation d'une nouvelle directive. Au demeurant, ces deux motifs de discrimination sont déjà visés dans le code du travail. Avis défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Cet amendement s'éloigne du texte de la directive. Le terme de « convictions » peut recouvrir d'autres éléments : restreindre ainsi la portée de la définition ferait courir un risque juridique. En outre, l'article L.122-45 du code du travail interdit déjà les discriminations fondées sur les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes ou les convictions religieuses. Avis défavorable.
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°36, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :
sexe
par le mot :
genre
Mme Annie David. - Cet amendement n'est pas purement formel. La discrimination en fonction du sexe ne renvoie pas systématiquement à la sexualité, mais peut traduire une approche sociétale. La discrimination à l'égard des femmes est ainsi souvent fondée sur une vision négative, pour ainsi dire moyenâgeuse : on leur reproche d'être incompétentes, d'abandonner le foyer conjugal et les tâches qui leur incombent traditionnellement, de voler le travail des hommes et d'être responsables de la hausse du chômage...
Le langage législatif doit correspondre à la volonté réelle du législateur.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Le terme « genre » est surtout utilisé dans les pays anglo-saxons et en Europe du Nord. Le droit communautaire comme le droit national lui préfèrent celui de « sexe » : avis défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°36 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°1, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
, ne l'a été ou ne le serait
par les mots :
ou ne l'a été
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cet amendement limite l'insécurité juridique qui résulte de la définition communautaire de la discrimination directe. La dimension fictive de la comparaison, avec un verbe au conditionnel, pourrait en effet conduire à des condamnations fondées sur de simples suppositions. Comment se défendre contre des accusations qui ne sont que des hypothèses ou des fictions ? Une telle définition ouvre une porte légale aux procès d'intention, que nous refusons. La commission a adopté à l'unanimité cet amendement qui supprime le conditionnel.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Défavorable. Le texte du Gouvernement reprend au mot près la définition de la directive, comme l'a explicitement demandé la Commission européenne dans ses avis motivés. C'est un impératif : si le projet de loi devait proposer une autre définition, la Commission saisirait la Cour de Justice et la France serait condamnée en manquement.
La méthode comparative existe déjà en droit français, qu'il s'agisse de la reconstitution des carrières ou de l'indemnisation de la perte de chance dans le cadre de la responsabilité hospitalière.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La Commission européenne serait-elle capable de discrimination ? En Espagne, la loi du 30 décembre 2003 a transposé la directive sans reprendre le conditionnel, sans que la Commission n'engage d'action en manquement contre cet État... J'en conclus que nous pouvons supprimer « serait » sans courir le risque d'une action en manquement -sans quoi nous serions victime de discrimination !
M. Nicolas About, président de la commission. - Et il faudrait condamner l'Europe !
Mme Bariza Khiari. - Nous voterons cet amendement de bon sens : une définition juridique est positive ou négative, mais pas conditionnelle.
L'amendement n°1 est adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Dini au nom de la commission.
Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
susceptible d'entraîner
par le mot :
entraînant
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La recherche de la discrimination indirecte confinerait au procès d'intention, puisqu'on pourrait être condamné non pour un acte discriminatoire mais pour un acte que le juge estimerait « susceptible d'entraîner » une discrimination. La commission, unanime, a préféré le participe présent, dans le respect du droit communautaire.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Je rappelle que la France est poursuivie dans trois procédures pour discrimination...
M. Nicolas About, président de la commission. - Nous avons cinq ans de retard, sans que le Parlement n'ait été saisi : ce n'est pas notre fait !
Mme Bariza Khiari. - Nous ne voterons pas cet amendement. La notion de discrimination indirecte est utile puisque, dans ce cas, le désavantage avance masqué.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La loi espagnole n'a pas repris l'expression, la Commission européenne ne l'a pas poursuivie pour autant !
L'amendement n°2 est adopté.
M. le président. - Amendement n°32, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
I. - Rédiger comme suit le début de l'avant-dernier alinéa (1°) de cet article :
1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa subi par une personne...
II. - Rédiger comme suit le dernier alinéa (2°) de cet article :
2° Tout agissement lié à un comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, subi par une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
III. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
3° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2.
Mme Annie David. - Mme Dini signale dans son rapport les lacunes de ce texte, estimant qu'elles sont de nature à compromettre l'efficacité même de la lutte contre les discriminations. Pour autant, si le Gouvernement transcrit les normes européennes, il ne le fait pas complètement en matière de harcèlement. La directive européenne distingue le harcèlement sexiste et le harcèlement sexuel. Dans le premier cas, le genre est le motif du harcèlement : par exemple les propos machistes, les propos inappropriés relatifs au genre, à l'aspect physique ou vestimentaire ; de tels agissements ne peuvent pas être condamnés sur le fondement du code du travail. La directive européenne sanctionne également, s'agissant du harcèlement sexuel, tous les comportements non désirés par celui ou celle qui les subit, alors que notre droit est plus restrictif, ce qui fait échouer bien des plaintes et laisse impunis des comportements pourtant répréhensibles.
Ce texte ne transpose donc que partiellement la définition européenne du harcèlement sexuel et sexiste ; nous la préférons dans son intégralité. Nous savons pouvoir compter sur le soutien du Gouvernement, puisque, comme l'a dit Mme la Ministre, une transposition incomplète ferait condamner la France !
M. Nicolas About, président de la commission. - Ce n'est pas vrai !
M. le président. - Amendement n°35, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Dans l'avant-dernier alinéa (1°) de cet article, avant les mots :
tout agissement
insérer les mots :
les actes de harcèlement définis comme
Mme Annie David. - Le Parlement n'a pas à s'interdire toute intervention sur le texte transcrit : l'article 6 de la directive du 29 juin 2000, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, dispose que les États membres peuvent adopter ou maintenir des règles plus favorables à la protection du principe de l'égalité de traitement. Le Gouvernement l'a compris, puisqu'il inclut le domaine pénal, alors que la directive n'y oblige guère...
Ici, le harcèlement est suggéré par son contexte ; nous préférons la formulation de la directive, qui évoque clairement l'acte de harcèlement.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La définition communautaire du harcèlement sexuel est confuse et elle pose un problème de sécurité juridique, sans pour autant renforcer l'efficacité de la lutte contre ce phénomène : avis défavorable à l'amendement n°32, ainsi qu'à l'amendement n°35.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Sagesse à l'amendement n°32. Avis défavorable à l'amendement n°35 : c'est à dessein que nous n'évoquons pas l'acte de harcèlement en matière civile, pour éviter toute confusion avec la définition pénale du harcèlement.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cette définition est confuse, on l'entend à la lecture même. (Mme le rapporteur lit l'amendement) La Commission européenne ne nous demande pas une transposition mot à mot, ne rendons pas notre droit confus !
L'amendement n°32 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°35.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas en elle-même une discrimination.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La distinction entre la différence de traitement et la discrimination est essentielle, elle a été rappelée constamment par la Cour de cassation depuis son arrêt EDF contre Chaize et autres du 7 octobre 1999. L'inégalité de traitement n'est pas nécessairement due au sexe, à la couleur de peau ou à l'orientation sexuelle de la personne. La distinction des deux notions encourage les salariés, pour faire cesser l'inégalité, à se réclamer du principe d'égalité qui est commun à tous et n'enferme pas les individus dans leurs différences.
M. le président. - Sous-amendement n°52 à l'amendement n° 3 de Mme Dini, au nom de la commission, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Compléter le second alinéa de cet amendement par les mots :
illicite au sens de l'article L. 122-45 du code du travail
Mme Annie David. - La jurisprudence à laquelle fait référence Mme Dini affirme bien que toute situation inégalitaire n'est pas le résultat d'une discrimination mais il convient de la citer en entier, sans quoi l'amendement de la commission ne ferait qu'ajouter à la confusion.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Ajouter « illicite » reviendrait à considérer que certaines discriminations sont licites. Je ne vois pas l'intérêt d'ajouter ce terme qui ne change rien au fond.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Il est vrai que les différences de traitement ne sont pas, par principe, illégales et ne constituent donc pas, par principe, des discriminations. Cependant, l'amendement va contre l'esprit des directives transposées. Il laisse penser que les différences de traitement entre salariés sont présumées légales, ce qui s'oppose à l'aménagement de la charge de la preuve prévue à l'article 4 du projet de loi. Il va également à l'encontre les dispositions du deuxième alinéa de l'article 2 qui précise les conditions dans lesquelles une différence de traitement entre salariés est autorisée. L'amendement, en ne reprenant pas ces conditions issues des directives, introduit de la confusion dans cet article relatif aux définitions. Avis défavorable, et au sous-amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Sans le sous-amendement, j'ai le même avis que madame la ministre sur l'amendement qui énonce une lapalissade. Ou alors on signifie qu'une différence de traitement entre salariés n'est pas une discrimination : ce serait mal à propos ici !
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Madame Borvo, la jurisprudence constante de la Cour de cassation établit qu'« une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas une discrimination au sens de l'article L. 122-45 du code du travail ». Quoi qu'il en soit, je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. Nicolas About, président de la commission. - Le sous-amendement n'est acceptable qu'à condition d'ôter le terme « illicite ». Sinon, il faudrait comprendre que la discrimination peut être licite au sens d'un autre article.
Mme Annie David. - Nous rectifions le sous-amendement en ce sens.
M. le président. - C'est le sous-amendement n°52 rectifié à l'amendement n°3 de Mme Dini
Compléter le second alinéa de cet amendement par les mots :
au sens de l'article L. 122-45 du code du travail
Le sous-amendement n°52 rectifié, accepté par la commission, est adopté.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
M. Nicolas About, président de la commission. - C'est dommage. Si, demain, une entreprise accorde une place de parking à un salarié qui travaille à vingt kilomètres sans l'accorder à un autre qui loge en face de l'usine, il y aura discrimination puisqu'il y aura une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise. Avec ce vote, nous venons de refuser que, dans certaines conditions, une différence de traitement ne soit pas considérée comme une discrimination.
M. Jean-Jacques Hyest. - Le caractère déclaratif de cet amendement, qui était intéressant, n'enlève rien à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui ne changera pas.
M. Nicolas About, président de la commission. - C'est la directive qui l'emporte !
L'article premier, modifié, est adopté.
Article 2
Sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité :
1° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race est interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services ;
2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle.
Ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés à l'alinéa précédent lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ;
3° Toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité.
Ce principe ne fait pas obstacle aux mesures prises en faveur des femmes pour ces mêmes motifs ;
4° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est interdite en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.
Ce principe ne fait pas obstacle :
- à ce que soient faites des différences selon le sexe lorsque la fourniture de biens et services exclusivement ou essentiellement destinés aux personnes de sexe masculin ou de sexe féminin est justifiée par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont nécessaires et appropriés ;
- au calcul des primes et à l'attribution des prestations d'assurance dans les conditions prévues par l'article L. 111-7 du code des assurances ;
- à l'organisation d'enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe.
Le contenu des médias et de la publicité n'est pas considéré comme un accès aux biens et services ni comme une fourniture de biens et services à la disposition du public au sens du 4° du présent article.
M. le président. - Amendement n°37, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
I. - Rédiger comme suit le 1° de cet article :
1° Toute discrimination directe ou indirecte opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, est interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture des biens et services, d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle ;
II. - Supprimer le 2° de cet article.
Mme Annie David. - Nous regrettons que la rédaction proposée s'éloigne considérablement de l'esprit de la directive. En lieu et place d'une interdiction générale de discrimination fondée sur une définition large et complète des actes et pratiques discriminatoires, vous avez préféré une rédaction en quatre sections, chacune d'elle répondant à un grief formulé par la commission. Pourquoi ce choix qui porte en lui des différences de droit d'accès au regard des différences des personnes ? Une personne appartenant à une ethnie bien définie aurait accès à la santé ou à l'éducation, et pas une personne handicapée ou à l'orientation sexuelle particulière ?
L'article 2 est la quintessence des défauts d'un projet de loi au caractère hautement administratif qui hiérarchise les discriminations ! Cette rédaction en quatre sections risque même d'accroître les difficultés des personnes victimes de discrimination. Elle traduit votre désir d'en finir rapidement avec ce projet de loi, avant que la France prenne la présidence de l'Union Européenne, comme Mme Létard l'a reconnu en commission.
On doit se féliciter de la bonne prise en compte des discriminations d'ordre ethniques ou nationales en matière d'accès à la protection sociale, à la santé, aux avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services, et fourniture de biens et services, mais on ne peut que regretter la moindre prise en compte des autres formes de discriminations : le handicap et l'orientation sexuelle, ainsi que les discriminations commises à raison de l'âge ou de la religion, qui ne sont pas mentionnées au premier alinéa du présent article. C'est méconnaitre la réalité. Nombre de couples homosexuels, par exemple, se voient refuser la location d'un appartement, ce dont des associations se sont émues. Je sais que l'Inter-LGBT a demandé à Mme Létard de mettre fin à une hiérarchisation qui fait reculer des années en arrière le combat pour les droits. Votre rédaction est maladroite : il aurait été plus simple de poser en un article l'ensemble des motifs discriminants visés dans les directives européennes ainsi que ceux contenus dans l'article L. 225-1 du code pénal.
M. le président. - Amendement n°16, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le 1° et le troisième alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :
ou une race
Mme Jacqueline Alquier. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°15, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le 1° de cet article, remplacer les mots :
ou une race
par les mots :
sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge, le handicap, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses,
Mme Jacqueline Alquier. - Cet alinéa n'opère qu'une transposition a minima de la directive, alors que le législateur français a constamment aligné le traitement de toutes les discriminations, sans hiérarchie entre elles.
M. le président. - Amendement n°38, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
I. - Dans le 1° de cet article, après le mot:
race
insérer les mots :
le handicap ou l'état de santé
II. - Dans le premier alinéa 2° de cet article, après le mot :
handicap,
insérer les mots :
l'état de santé,
Mme Annie David. - Certes, les discriminations liées à la santé ou au handicap ne figurent pas dans la directive, mais nous pouvons compléter le dispositif dans un sens plus favorable.
Sans reprendre le débat suscité cet après-midi par la journée de solidarité, j'estime urgent de rendre leur dignité aux personnes invalides. N'ajoutons pas la souffrance à la misère !
Mme Muguette Dini, rapporteur. - L'Europe n'en finit pas de légiférer sur les discriminations. Une nouvelle directive ne saurait tarder. Vos observations, intéressantes, pourront être transmises aux négociateurs, mais il vaut mieux attendre le prochain texte pour ajouter ce que vous proposez.
Avis défavorable aujourd'hui.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n°37, car aucune directive ne porte sur les discriminations hors de l'emploi.
Si la Commission européenne prend une initiative en ce sens pendant la présidence française, notre pays la soutiendra.
Jusqu'à la prochaine transposition, les discriminations de toute nature demeurent interdites par l'article premier de la Constitution.
De même, le Gouvernement repousse les amendements n°s15, 16 et 38.
Mme Annie David. - J'ai noté que le Gouvernement s'engageait à utiliser la présidence française pour combattre la discrimination conformément à ce que nous suggérons. Je prends donc date pour la fin de cette présidence.
L'amendement n°37 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s16, 15 et 38.
M. le président. - Amendement n°17, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le second alinéa du 2° de cet article, après le mot :
précédent
insérer les mots :
dans les conditions prévues par les articles L. 122-45-3, L. 122-45-4 et L. 123-1 du code du travail
Mme Jacqueline Alquier. - Conformément à l'article 8 de la directive, cet amendement vise à maintenir des dispositions plus favorables à l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Les articles L. 122-45-3, L. 122-45-4 et L. 123-1 du code concernent respectivement les différences de traitement légitimes fondées sur l'âge, la santé ou le handicap et le sexe.
Toute nouvelle ouverture à d'autres différences de traitement abaisserait la protection contre la discrimination.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cette rédaction restreindrait à l'excès les dérogations, dont je rappelle qu'elles doivent être fondées sur des exigences professionnelles ou d'autres motifs légitimes et qu'elles doivent rester proportionnées. Avis défavorable.
L'amendement n°17, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°18, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa du 3° de cet article, remplacer les mots :
ou de la maternité
par les mots :
, de la maternité ou de la paternité
Mme Jacqueline Alquier. - Toute discrimination fondée sur la grossesse ou la maternité est interdite. Cette distorsion de protection en faveur des femmes est parfaitement justifiée. Toutefois, un congé de paternité existe grâce à M. Jospin et à Mme Royal. Il est donc justifié d'insérer dans ce texte une protection spécifique.
Cet ajout ne peut soulever d'objections juridiques, puisque un État membre peut aller au-delà de la directive.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Comme ils font parfois l'objet de pressions sur le lieu de travail, il n'est pas ridicule de protéger les hommes qui veulent prendre un congé de paternité, bien que la directive ne comporte aucune disposition en ce sens. A l'unanimité, la commission est favorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le congé de paternité ne peut être placé sur un rang analogue à celui des congés de maternité, sauf à revenir sur l'asymétrie de la directive en faveur des mères. Méconnaître ce point exposerait notre pays à de nouvelles poursuites.
En outre, les discriminations envers les pères prenant le congé de paternité sont interdites par l'article 122-45 du code du travail. L'amendement est donc satisfait.
M. Nicolas About, président de la commission. - De nombreuses dispositions inscrites dans le texte figurent déjà dans le code ! Elles n'ajoutent rien.
L'amendement n°18 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Dini au nom de la commission.
Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Il restera interdit de regrouper des élèves en fonction de leur sexe.
M. le président. - Amendement identique n°19, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Mme Bariza Khiari. - Cette exception au principe de non-discrimination ne figure dans aucune directive. Nul texte européen ne nous oblige à autoriser l'organisation d'enseignements non mixtes. D'où provient cette exception sortie de nulle part ? Faut-il la mettre sur le compte de la précipitation, des nostalgiques de l'uniforme ou des détracteurs de mai 1968 ?
En 2004, notre délégation aux droits des femmes avait consacré ses travaux à la mixité, qui n'est pas définitivement acquise. Ses détracteurs avancent trois arguments. Les uns y voient un frein à la performance des uns et des autres, les autres soulignent la montée des violences, notamment sexuelles, dans les écoles, enfin les milieux intégristes la condamnent au nom de la religion. Certes, la mixité à l'école n'a jamais été pensée : elle s'est imposée en fonction de contingences économiques plus que d'un projet de société. Néanmoins, on ne peut plus distinguer laïcité, égalité et mixité. Les réponses aux deux premiers arguments se trouvent non dans la ségrégation, mais dans la formation des enseignants, dans les méthodes pédagogiques et les manuels scolaires, dans la volonté d'accompagner les filles vers les filières- notamment scientifiques- dont elles tendent à s'exclure.
L'apprentissage du vivre ensemble commence à l'école. Aucune considération ne saurait justifier une remise en cause.
M. le Président. - Amendement identique n°39, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.
Mme Annie David. - Je suis profondément choquée par l'insertion de la mesure prévue à l'alinéa 11, qui autorise la généralisation du principe de discrimination en fonction du sexe dans le milieu scolaire.
Cette disposition appelle deux réflexions, l'une juridique, et l'autre politique. Comme le rapport réalisé par la Délégation aux droits des femmes le souligne à juste titre, le code de l'éducation dispose en son article L.121-1 que les établissements qui accueillent des élèves contribuent « à favoriser la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes ». Cette disposition est contredite par ce onzième alinéa : alors que le rôle de l'éducation est de favoriser la mixité, une autre disposition législative autorise, sans la moindre limitation, la séparation des élèves en fonction de leurs sexes ? Vous ouvrez une boîte de Pandore, en comptant que ces deux dispositions vont se contenir, se limiter, comme si toutes deux avaient la même valeur.
Ce qui nous ramène au plan politique, je ne dirai pas polémique car j'espère qu'ici, nous partageons la même idée d'une société démocratique moderne, fondée sur l'égalité des droits et des devoirs. La mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes sont des combats permanents. La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes met en garde contre l'organisation d'enseignements distincts qui reproduiraient des stéréotypes sexués contre lesquels il convient au contraire de lutter. Pour réussir le vivre-ensemble, il faut intervenir dès l'école, pour casser certains stéréotypes tenaces.
C'est précisément ce que cet alinéa remet en cause : il sape un des fondements de notre école publique sans rien ajouter de positif à la loi française.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le Gouvernement est très attaché à la mixité. Une convention interministérielle signée par M. Darcos vise à la favoriser en incitant les jeunes filles à diversifier leurs choix et à s'orienter davantage vers les filières scientifiques et techniques. Le 4 avril, une circulaire a été adressée aux recteurs pour leur demander d'insister sur la lutte contre toutes les discriminations et contre les violences, notamment homophobes. Le ministère de l'éducation nationale a engagé une réflexion pour une charte de la paix scolaire.
Cela ne doit pas empêcher qu'un enseignement puisse être dispensé en séparant les garçons des filles. Cela se fait à l'école de la Légion d'honneur, dans l'enseignement privé. Il y va de la liberté de l'enseignement.
Les amendements sont donc satisfaits par l'action du Gouvernement et peuvent être retirés.
M. Nicolas About, président de la commission. - Nous gagnons beaucoup à entendre le Gouvernement. Nous sommes aussi assez d'accord avec la conclusion de Mme David : il ne faut pas toucher aux fondements de notre école publique. La loi française doit être sauvegardée, l'enseignement doit être le même pour tous.
Il semble toutefois qu'il faille ajouter des précisions pour éviter que les autres mesures semblent s'appliquer à l'enseignement avec la même rigueur. Preuve est ainsi apportée qu'on peut s'écarter de la lettre des directives pour les améliorer. Quand on peut faire mieux, il ne faut pas hésiter ! Il faut sauvegarder l'équilibre fragile de notre système d'enseignement.
Je souhaite donc que le Sénat repousse ces amendements.
L'amendement n°4 rectifié bis est retiré.
Mme Annie David. - Je suis très déçue par ce revirement. Nous avons voté ce matin ces amendements à l'unanimité, après une discussion très intéressante ; je ne comprends pas que vous donniez maintenant une telle consigne.
J'ai rappelé ce que dit le code de l'éducation.
M. Nicolas About, président de la commission. - Justement : l'école est hors-champ. La loi française doit être préservée.
Mme Annie David. - Mais c'est un retour en arrière ! Rien n'est admis de tel dans les écoles publiques et, dans les écoles privées où l'enseignement se fait en fonction du sexe des élèves...
M. Nicolas About, président de la commission. - C'est interdit !
Mme Annie David. - ... les parents doivent donner leur accord écrit. Pour ce qui concerne l'école publique, contentons-nous de ce que dit le code de l'éducation.
La disposition que vous voulez introduire ne figure pas dans la directive, on ne sait pas d'où elle vient. Ou plutôt, on ne le sait que trop !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Puisque l'éducation est hors du champ de la directive, pourquoi décider, avec cette disposition, de l'y mettre ? C'est très grave, car c'est donner un point d'appui à tous ceux qui veulent revenir sur la mixité scolaire et qui font pression pour que les cours d'éducation physique soient séparés, et les cours de biologie, et les hôpitaux.
Votre argumentation est spécieuse. Rien n'impose de mettre une telle disposition dans ce texte, surtout ne l'y mettez pas !
Mme Bariza Khiari. - Moi aussi, je m'étonne de ce revirement. D'où cela sort-il ? Les vraies raisons ne sont pas avancées. On voit bien le choix politique du Gouvernement qui veut aller dans le sens d'une prise en compte des particularismes religieux dans le service public. On cherche à confessionnaliser la société française, dans la ligne des discours de Latran et de Riyad. Laïcité, égalité et mixité ne peuvent être disjointes.
Si le Gouvernement persiste dans cette politique, il aura du fil à retordre !
M. Nicolas About, président de la commission. - Il est vrai qu'on est hors-champ. Le Gouvernement n'a pas fait un bon geste en introduisant cette disposition. (« Ah bon ! » à gauche) Mais, en la retirant, on travaillerait en creux à l'ébranlement de l'équilibre sur lequel est fondée notre école. Adopter ces amendements serait revenir sur l'existant.
Autant je n'approuve pas ce texte, autant je ne souhaite pas l'adoption d'amendements qui porteraient atteinte à l'équilibre fragile de notre école.
L'amendement n°19, identique à l'amendement n°39, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°9 rectifié bis, présenté par Mmes Hummel, Gisèle Gautier, Kammermann, Lamure, Payet, Debré, Bout, M. Gournac, Mmes Procaccia, Desmarescaux et Sittler.
Supprimer le dernier alinéa de cet article.
Mme Christiane Hummel. - Le sens et la portée de cette disposition ne nous paraissent pas clairs, et le président de la Halde nous a avoué au cours de son audition qu'il partageait notre perplexité. Cette disposition ne fait apparemment que démarquer l'article 3 de la directive 2004/113 qui, définissant son champ d'application, indique qu'elle ne s'applique « ni au contenu des médias et de la publicité, ni à l'éducation ».Fallait-il reprendre cette formule dans la loi française et, surtout, fallait-il la reprendre mot à mot ? Sa transposition ne nous est imposée par aucune mise en demeure de la Commission européenne. Utilisons cette marge de manoeuvre. Le Gouvernement n'a pas réservé le même traitement, dans son exercice de transposition, à l'éducation et au contenu des médias et de la publicité, qui sont pourtant englobés par la directive dans une même formule. Il ne s'est pas contenté de répéter littéralement dans le projet de loi que « l'éducation n'est pas considérée comme un bien ou service » mais s'est efforcé de trouver à cette exception une traduction mieux circonscrite, en précisant que l'interdiction de la discrimination en ce domaine ne faisait pas obstacle « à l'organisation d'enseignements par regroupements », formulation, plus précise, moins choquante, même si elle appelle des réserves. Pourquoi n'avoir pas fait bénéficier l'exception relative aux médias et à la publicité, d'un même effort d'adaptation à notre droit ? La formulation retenue est si vague qu'elle en est dangereuse. Vise-t-elle à dispenser purement et simplement les médias et la publicité de toute obligation en matière de lutte contre les discriminations sexuelles ? Pourrait-elle avoir pour effet d'autoriser des représentations discriminatoires de la femme dans les médias ou la publicité ? Nous souhaitons des éclaircissements. Nous ne pouvons qu'être hostiles à une disposition qui prend le contre-pied des conclusions de nos récents travaux sur l'image de la femme dans les médias, travaux dans le prolongement desquels s'inscrit la réflexion confiée par le Gouvernement à la commission présidée par Mme Michèle Reiser. Alors qu'aucune urgence ne s'attache à la transposition de cette disposition, il conviendrait d'attendre les conclusions de cette commission pour mieux cibler les dispositions dérogatoires adaptées à ces services d'un genre particulier, que sont la publicité et les médias. Car si la liberté d'expression peut justifier, jusqu'à un certain point, un traitement dérogatoire, cela ne doit pas nous conduire à oublier d'autres principes de valeur constitutionnelle, comme le respect de la dignité de la personne humaine ou de l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes.
M. le président. - Amendement identique n°20, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Mme Jacqueline Alquier. - Comme les trois précédents, ces amendements identiques semblent avoir fait l'unanimité. Il faut supprimer ce dernier alinéa, imprécis et dangereux, qui permettrait de donner impunément une image peu flatteuse des femmes. Une telle disposition n'a rien à faire dans notre droit et le fait que des groupes financiers et commerciaux font pression en sa faveur devrait accroître notre vigilance pour la défense de l'intérêt général.
M. le président. - Amendement identique n°40, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Mme Annie David. - L'adoption de l'alinéa précédent m'a mise dans une profonde colère. Des objectifs inavoués se cachent derrière ces revirements...
Mais cet alinéa ne vaut pas mieux, qui exonère les médias et la publicité de l'interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe ! L'industrie des médias pourrait alors continuer à discriminer à loisir les femmes trop grosses, trop vieilles, trop maigres, continuer à les humilier, à les mettre dans des situations dégradantes, offensantes, de porter atteinte à leur dignité... pour de l'argent. Autrement dit, les médias et la publicité seraient une zone de non droit en matière de lutte contre les discriminations !
Là encore, je suis en colère ! Madame la ministre, vous balayez d'un revers de main le rapport rendu l'an dernier par Mme Gauthier au nom de la délégation sur ce thème. L'une de ses sept recommandations est « d'accroître les moyens d'actions des associations de défense des droits des femmes en matière de lutte contre la publicité sexiste ». Ce rapport a mis en évidence des situations inacceptables contre lesquelles nous ne pourrons pas lutter si vous accepter ce texte en l'état !
Qui n'a jamais croisé de publicité où une femme, à moitié nue, est réduite au rôle soit d'esclave sexuelle, soit de femme soumise. Qui n'a jamais vu de publicité, dans le métro, aux arrêts de bus où une femme est réduite à un corps -magnifique de préférence- plutôt qu'à une tête. Et encore, elle n'a pas à se plaindre si elle n'est pas réduite à une seule partie de son anatomie : ses jambes, ses fesses, sa poitrine, bref, à une femme objet. Réduire les femmes à un rôle utilitaire, qu'il soit sexuel ou « ménager », satisfait le machisme ambiant de notre société. L'association « La Meute » a dénoncé l'argument esthétique utilisé pour justifier le recours à des femmes objets : « Si une publicité sexiste semble belle, elle n'en est que plus efficace, mais la beauté n'est pas son but (...). Il s'agit de vendre un objet, de faire connaître un nom ».
Le Bureau de vérification de la publicité a enregistré une baisse notable de publicité litigieuse, mais avec des campagnes toujours plus provocantes autour du « porno chic », je dirais plutôt du porno choc ! Alors qu'il faudrait renforcer les pouvoirs du BVP -une autre des recommandations du rapport de la délégation- en faisant en sorte notamment que son contrôle soit a priori et non a posteriori, en rendant ses avis obligatoires et incontournables et en les rendant publics, vous introduisez une disposition rétrograde, qui limite considérablement l'intérêt de cette transposition.
Or, les premiers à être marqués par la télévision et les affiches sont les plus jeunes. Là encore, le rapport préconisait de « prévoir dans les programmes scolaires une sensibilisation aux stéréotypes véhiculés par les médias sur les rôles respectifs des femmes et des hommes ». Les jeunes, parce qu'ils sont l'avenir de notre pays, doivent échapper à la répétition des stéréotypes sexués. De telles évolutions ont eu lieu au Canada et en Suède où, sous la pression des consommateurs, les publicitaires ont dû réviser leurs méthodes.
Avec cet alinéa, vous balayez tous les travaux réalisés sur ce sujet, faisant fi aussi du travail parlementaire accompli sur un secteur qui est un des plus discriminatoires ... en concurrence, peut-être, avec le domaine politique...
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cette dérogation est inquiétante car elle autoriserait la publicité sexiste. Avis favorable aux amendements de nos deux collègues.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Retrait ou rejet. Le principe de non discrimination entre hommes et femmes doit s'articuler avec le principe de liberté d'expression. La commission Reiser fera des propositions visant à améliorer l'image de la femme dans les médias. Il est des instruments plus souples et plus efficaces que la loi, la charte par exemple. Mais si cette commission se prononce pour la voie législative, le Gouvernement préparera un projet de loi.
Mme Christiane Hummel. - Nous maintenons notre amendement. La liberté d'expression ne doit pas heurter la dignité de la personne humaine.
Mme Gisèle Gautier. - Je le maintiens d'autant plus que le Gouvernement n'a reçu aucune mise en demeure de la Commission sur ce point. Alors, pourquoi une disposition si détestable ?
Mme Catherine Morin-Desailly. - Nous suivons l'avis du rapporteur. Cette exclusion, dans un tel texte, est choquante.
Les amendements identiques n°s9 rectifié bis, 20 et 40 sont adoptés.
M. le président. - Amendement n°30, présenté par M. Hérisson.
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la nature de l'habitat constitué à titre principal d'une résidence mobile terrestre est interdite en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.
Ce principe ne fait pas obstacle au calcul des primes et à l'attribution des prestations d'assurance dans les conditions prévues par l'article L. 111-7 du code des assurances.
M. Pierre Hérisson. - Ce n'est pas la première fois que je dépose cet amendement, dans un texte approprié... Entretemps, la Halde, dans sa délibération du 17 décembre 2007, a spécifié que les gens du voyage sont présentés par les textes nationaux comme une catégorie administrative définie par son mode de vie, lié à la nature de leur habitat, constitué à titre principal d'une résidence mobile terrestre, laquelle n'est pourtant toujours pas reconnue comme une habitation. Le constat qu'elle dresse confirme que les gens du voyage sont victimes de discriminations, dans tous les domaines de la vie quotidienne, qui résultent tant des textes en vigueur que des comportements individuels.
Il en ressort que les difficultés qu'ils rencontrent dans l'accès aux biens et aux services relèvent non d'une problématique tarifaire, mais d'un refus de garantie, qui ne procède pas uniquement, de la part des mutuelles et sociétés d'assurance, d'une aversion au risque que pourraient présenter des assurés ayant un mode de vie particulier ni d'une enquête de sinistralité connue permettant de quantifier le risque et de rattacher les personnes itinérantes à un tarif spécifique.
Il s'agit, par cet amendement, de permettre d'appliquer le droit commun et de donner du sens et de la crédibilité à une mission d'insertion des gens du voyage dans notre République, en mettant fin à une discrimination avérée à leur encontre et en leur permettant de remplir leurs obligations citoyennes.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Interdire aux sociétés d'assurance de refuser d'assurer les gens du voyage serait contraire au principe constitutionnel de liberté contractuelle. J'ajoute que ces sociétés pourraient toujours invoquer des circonstances particulières.
Nous savons, monsieur Hérisson, votre souci. Il est légitime, mais serait mieux relayé par d'autres voies, comme le renforcement des moyens des bureaux de tarification. Défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Même avis.
M. Pierre Hérisson. - Voilà la troisième fois que je présente cet amendement, dans un texte approprié, et que je reçois la même réponse. La Commission nationale consultative des gens du voyage s'est déclarée unanimement en faveur de cette proposition. Les gens du voyage sont au nombre de 400 000, et 30 % d'entre eux ne sont pas couverts pour leur habitation. Il est urgent de remédier à cette situation. Or, personne ne propose de solution. Les compagnies d'assurance auditionnées par la Commission consultative bottent en touche et semblent attendre qu'on leur impose une obligation. Un jour surviendra un véritable sinistre, dans un tunnel ou ailleurs, avec des gens sans assurance. La problématique est la même pour l'accès au crédit. Il ne faut pas s'étonner, après cela, du taux de délinquance dans cette population. Je ne veux pas jouer les abbé Pierre mais j'insiste : il y a urgence !
L'amendement n°30 n'est pas adopté.
Mme Bariza Khiari. - Cet article 2 porte une atteinte durable à la mixité à l'école, alors même que l'éducation n'entre pas dans le champ de la directive. Permettre d'organiser l'enseignement en fonction de préjugés liés au sexe, c'est balayer d'un revers de main le combat de plusieurs générations en faveur de la mixité. La future présidence de l'Union ne saurait servir de prétexte à de tels reculs, qui bafouent les valeurs de la République au nom d'une philosophie communautariste. Le groupe socialiste votera contre cet article, avec d'autant plus de conviction que, malgré les explications de M. About, le revirement de la commission nous semble éminemment troublant.
Mme Annie David. - Nous souscrivons entièrement à ces propos. Vous instituez une discrimination incroyable au sein de l'école. Permettre d'organiser les enseignements en fonction du sexe des élèves, c'est porter une atteinte directe à l'école républicaine, fondée sur l'égalité des droits et l'égal accès pour tous. Nous ne pouvons voter cet article. Je regrette, monsieur About, votre position. Au point que je ne puis dire si nous pourrons voter ce texte au terme de nos débats.
L'article 2, modifié, est adopté.
Article 3
Aucune personne ayant témoigné de bonne foi d'un agissement discriminatoire ou l'ayant relaté ne peut être traitée défavorablement de ce fait.
Aucune décision défavorable à une personne ne peut être fondée sur sa soumission ou son refus de se soumettre à une discrimination prohibée par l'article 2.
M. le président. - Amendement n°21, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :
de bonne foi
Mme Jacqueline Alquier. - Prévoir qu'une personne ayant témoigné « de bonne foi » ne pourra être inquiétée de ce fait peut conduire à réduire la portée de la protection du témoin. Mais en droit français, tout témoignage est présumé de bonne foi, jusqu'à preuve du contraire. Ici, on laisse entendre qu'il ne l'est peut-être pas. Sachant les libertés que sait prendre le monde patronal avec la charge de la preuve, l'initiative paraît bien imprudente. Par ce soupçon porté a priori, et qui peut devenir incrimination, on risque de dissuader les témoins, pourtant essentiels dans le combat contre les discriminations dans l'entreprise.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Supprimer l'expression « de bonne foi » reviendrait à protéger une personne qui a délibérément menti pour faire accuser une autre de discrimination. Défavorable.
L'amendement n°21, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
L'article 4 est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°8, présenté par MM. Hyest et Béteille.
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article L. 1134-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, il est inséré un article L. 1134-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 1134-5. - L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.
« Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel.
« Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée. »
II. - Après l'article 7 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 7 bis ainsi rédigé :
« Art. 7 bis. - L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.
« Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel.
« Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée. »
M. Laurent Béteille. - Cet amendement a déjà été largement défendu par le président Hyest, qui nous a rappelé que nous avions adopté, le 21 novembre dernier, une proposition de loi bien nécessaire puisqu'elle mettait de l'ordre dans le régime des prescriptions en matière civile. Certains d'entre nous ont cependant été alertés, un peu vigoureusement parfois, par un collectif, sur le problème que posait ce texte pour les recours en matière de discriminations. Bien qu'à notre sens, cette proposition de loi ne mette pas en cause la jurisprudence de la Cour de cassation, il nous a paru utile, dans un but de clarification et pour couper court à toute polémique, d'ajouter cette précision quant au point de départ du délai de prescription, soit cinq ans à compter de la révélation de la discrimination, c'est-à-dire, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, du moment où la victime prend conscience de l'acte. Nous précisons en outre que les dommages et intérêts doivent réparer l'intégralité du préjudice.
L'amendement n°22 rectifié n'est pas soutenu.
M. le président. - Sous-amendement n°53 à l'amendement n°8 de M. Hyest, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
I. Dans le troisième alinéa de cet amendement, remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trente
II. Procéder à la même substitution dans le septième alinéa de cet amendement.
Mme Annie David. - Je réaffirme solennellement notre opposition à toute mesure amoindrissant les droits et la protection des salariés. Ceux-ci craignent des représailles et hésitent à engager une procédure. La majorité sénatoriale a décidé en novembre dernier d'aggraver la situation car un délai de prescription de cinq ans rend de grands services aux employeurs : voilà une loi d'extinction des procédures à venir. L'amendement de MM. Hyest et Béteille ne répond pas pleinement aux interrogations des syndicats parce que ces affaires sont complexes et le rapport de domination de l'employeur sur le salarié brouille les pistes, d'où notre sous-amendement. Ne craignez-vous pas que la prescription de cinq ans ne se transforme en un simple délai à agir ?
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Il a été répondu par avance au sous-amendement n°53 que l'amendement n°8 lève tout malentendu. Le Sénat ayant été accusé de porter atteinte aux droits des victimes de discriminations, il était légitime qu'il y soit répondu ici. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Cet amendement lève un malentendu sur la proposition de loi...
M. Jean-Jacques Hyest. - Sur l'interprétation qui en a été faite !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Je comprends bien votre objectif mais ce texte n'est pas le support le plus approprié. Il serait inopportun de préempter l'examen de la proposition par l'Assemblée nationale. De surcroît, l'amendement est limité aux seules relations de travail alors que la réparation du dommage est un principe universel. La précision laisserait entendre qu'il y aurait deux régimes de prescription selon le champ considéré alors qu'inclue dans le Code civil, elle vaudrait erga omnes. Je demande le retrait de l'amendement et suis défavorable au sous-amendement.
M. Laurent Béteille. - Je m'insurge contre les propos de Mme David qui a l'air d'insinuer que la mission d'information aurait pu imaginer de toucher à l'indemnisation des discriminations : nous nous sommes gardés d'y porter atteinte en quoi que ce soit et il ne faut pas nous accuser de ce genre de turpitudes.
Je comprends bien la position du Gouvernement mais il me semble préférable que la précision figure dans ce texte. Le code civil gardera sa lisibilité en fixant le principe général d'une prescription de cinq ans, les précisions étant apportées pour des domaines particuliers par les textes qui en traitent. Notre amendement peut être amélioré mais il vaut mieux l'adopter maintenant et laisser le principe général perdurer dans le code civil. Avec beaucoup de regret, je maintiens l'amendement.
Mme Bariza Khiari. - L'amendement de MM. Hyest et Béteille apporte une précision intéressante et, après avoir entendu les explications de M. Yung, je leur donne acte de leur bonne foi. Néanmoins, le délai de prescription commence à courir quand le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître des faits. Le point de départ est donc affaire d'appréciation et l'employeur risque de le contester, ce qui devient dangereux avec une prescription quinquennale. Nous préférons donc la prescription trentenaire. J'approuve le sous-amendement, une solution de compromis consistant à retirer le paragraphe I en fonction de l'évolution du débat à l'Assemblée nationale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je m'étais abstenue sur la proposition de loi en raison des délais de prescription et de la non prise en compte de l'amiante, j'aurais dû voter contre. On a en tout cas toutes raisons de soutenir notre sous-amendement au louable amendement de M. Hyest. La jurisprudence organisait en effet une exception à la prescription quinquennale sur les salaires : gardons cette exception car il peut y avoir des contestations sur le moment où les faits sont connus, ce qui rendrait l'amendement inutile. Or les salariés, qui ont conquis la prescription trentenaire devant les prud'hommes puis devant la Cour de cassation, m'ont fait remarquer que très souvent, c'est en fin de carrière ou de mandat syndical qu'ils se sentent en capacité de faire valoir leurs droits, ce qui donne à réfléchir sur les rapports dans l'entreprise... Comment traiter de la discrimination ce soir sans corriger cette erreur ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Je suis désolé de le dire, il ne s'agissait pas d'une erreur. Nous avions conscience de ce que nous faisions. Cette réduction des délais de prescription était volontaire et conforme à la tendance générale du droit européen. J'observe qu'il y a d'autres indemnisations après condamnation pénale.
Nous avons tenu compte exactement de la jurisprudence de la Cour de Cassation. Les cinq ans courent désormais à partir de la fin de la discrimination. De même, le délai concerne l'assignation : il est possible d'alimenter le dossier plus tard.
Plus on avance dans le temps, plus il est difficile de prouver les faits. L'avant-projet de réforme du code civil préconise trois ans ; nous avons préféré cinq ans, ce qui correspond au délai de prescription en matière salariale.
Si l'Assemblée nationale avait bien voulu examiner la proposition de loi votée à la quasi-unanimité par le Sénat, avec l'avis favorable du Gouvernement, le 21 novembre 2007, nous n'aurions pas eu besoin de déposer cet amendement ! Compte tenu du mauvais sort fait à ses travaux, le Sénat doit rétablir lui-même sa volonté.
Le sous-amendement n°53 n'est pas adopté.
L'amendement n°8 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le dernier alinéa de l'article L. 123-1 du code du travail est supprimé.
II. - En conséquence, le second alinéa de l'article L. 1142-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est supprimé.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Selon la Halde, le principe d'une liste exhaustive des emplois pour lesquels les discriminations fondées sur le sexe sont autorisées est inopérant car impossible à mettre en pratique. Nous proposons donc, comme le recommande la Délégation, de supprimer cette liste, d'autant que l'Assemblée nationale a prévu que les discriminations fondées sur le sexe sont interdites, sauf si elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l'objectif est légitime et l'exigence proportionnée.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le dernier alinéa de l'article L 123-1 limite le champ de la dérogation à certaines professions limitativement énumérées dans un décret. Sa suppression risquerait d'être analysée comme une régression, car il appartiendrait aux employeurs de décider quel emploi peut faire l'objet d'un recrutement exclusif d'hommes ou de femmes. Si une lacune apparaissait, le décret pourrait être révisé à la demande des partenaires sociaux. Avis défavorable.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cet amendement raisonnable aurait pourtant facilité les choses. Nous verrons à l'usage...
L'amendement n°5 est retiré.
L'article 5 est adopté.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 11 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes physiques ressortissantes des États non membres de l'Union européenne sont inscrites à leur demande sur un tableau régional, sous les mêmes conditions de diplôme, certificat, titre d'architecte ou de qualification, de jouissance des droits civils et de moralité que les citoyens français, si elles sont titulaires du diplôme d'État français d'architecture et titulaires de l'habilitation d'architecte diplômé d'État à l'exercice de la maîtrise d'oeuvre en son nom propre délivré par l'État. »
Mme Bariza Khiari. - L'existence d'emplois « fermés » aux étrangers extracommunautaires, aux fondements historiquement datés, économiquement obsolètes et moralement condamnables donne une légitimité sociale à la discrimination illégale. Cet amendement autorise les étrangers extracommunautaires qui ont obtenu leur diplôme d'architecte en France à s'inscrire à l'Ordre des architectes. Aujourd'hui, ils doivent suivre une procédure dérogatoire complexe qui, sur une centaine de dossiers par an, n'a jamais conduit à un refus. Rien ne s'oppose donc à ce que la condition de nationalité du diplôme prévale sur la condition de citoyenneté. Cette inversion serait conforme aux valeurs méritocratiques et de justice sociale de la République. Voilà l'occasion de faire des économies...
Mme Muguette Dini, rapporteur. - La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Défavorable. Les discriminations en raison de la nationalité sont expressément exclues du champ d'application de la directive. La question des professions réglementées ne peut être abordée à travers un cas particulier mais doit faire l'objet d'un traitement global.
L'amendement n°23 n'est pas adopté.
Article 6
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa de l'article L. 122-45, après les mots : « directe ou indirecte, », sont insérés les mots : « telle que définie à l'article 1er de la loi n° du portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, » ;
2° Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne font pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. » ;
3° Le premier alinéa de l'article L. 122-45-3 est ainsi rédigé :
« Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. » ;
3° bis Après l'article L. 122-45-5, il est inséré un article L. 122-45-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-45-6. - Le texte des articles L. 122-45 à L. 122-45-5 et du présent article est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche.
« Il en est de même pour les textes pris pour l'application desdits articles.
« Il en est de même pour le texte des articles 1er à 5 de la loi n° du portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. » ;
3° ter Le premier alinéa de l'article L. 123-1 est ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions particulières du présent code et sauf si ces mesures répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée, nul ne peut : » ;
4° L'article L. 411-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 411-5. - Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l'un des motifs visés à l'article L. 122-45. »
M. le président. - Amendement n°54, présenté par Mme Dini au nom de la commission.
Dans le second alinéa du 3° de cet article, supprimer les mots :
, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi,
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Nous allégeons la rédaction.
M. le président. - Amendement n°24, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le second alinéa du 3° de cet article, remplacer les mots :
notamment par le souci de
par les mots :
visant à
Mme Jacqueline Alquier. - Cet alinéa énumère les « buts légitimes » qui justifient une différence de traitement fondée sur l'âge. Si ces objectifs vont bien dans le sens de l'intérêt des travailleurs, la mention « notamment » qui précède l'énumération permet d'en introduire d'autres. On peut ainsi imaginer des dispositions visant à obliger les travailleurs âgés à poursuivre leur activité professionnelle en contrat précaire, ou des mesures comme le Smic jeunes de M. Balladur ou le CPE !
La liste des buts légitimes doit donc être limitative afin que des objectifs nouveaux, contraires à l'intérêt des travailleurs, ne puissent y être introduits.
M. le président. - Amendement n°42, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Dans le second alinéa du 3° de cet article, après les mots :
notamment par
insérer les mots :
des objectifs de politique de l'emploi,
Mme Annie David. - Le Gouvernement supprime la référence aux objectifs des politiques de l'emploi, nous la rétablissons.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Retrait, sinon rejet de l'amendement n°24. Sagesse à l'amendement n°42.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le texte est plus précis que la directive : avis défavorable à l'amendement n°54. Même avis à l'amendement n°42, ainsi qu'à l'amendement n°24.
M. Nicolas About, président de la commission. - Je déposerai un jour un amendement interdisant l'emploi de l'adverbe « notamment » dans la loi. On établit une règle pour des motifs légitimes, puis on en cite quelques-uns au passage, juste après cet adverbe, en laissant le reste du travail aux juges, c'est parfaitement inepte.
L'amendement n°54 est adopté.
L'amendement n°24 devient sans objet, de même que l'amendement n°42.
M. le président. - Amendement n°41, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après le 3° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le premier alinéa de l'article L. 122-45-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les différences de traitement à raison de l'âge prises sur le fondement de la santé ou de la sécurité des travailleurs doivent être exercées sous le contrôle des services de la médecine du travail. »
Mme Annie David. - Cet article excuse par avance les discriminations des seniors à l'embauche : l'employeur pourra juger qu'il est dans l'intérêt même du candidat d'être écarté de l'emploi, en raison de l'âge. Le patronat ne nous a pas habitué à un tel souci pour la santé des travailleurs, lui qui n'a pas hésité à les faire travailler si longtemps au contact des pires polluants ou encore de l'amiante ! Qui jugera que la santé du candidat s'oppose à ce qu'il obtienne l'emploi ? L'employeur. Selon quels critères ? L'âge apparent ? Dans la loi de financement pour 2008, vous avez autorisé l'employeur à vérifier le bien-fondé de la maladie des salariés et à faire connaître son avis à la sécurité sociale, qui peut suspendre les indemnités journalières.
Le texte évoque un but « nécessaire et approprié », qui en décidera ? Quelle indépendance par rapport à l'entreprise ? Dans son avis de novembre 2007, la Halde a souhaité que la différence de traitement fondée sur l'âge soit placée sous la stricte réserve de proportionnalité et de nécessité. La sécurité des travailleurs est placée sous le contrôle de la médecine du travail : il est donc normal que ce soit celle-ci qui vérifie le caractère proportionnel et nécessaire de cette différence de traitement.
Le Gouvernement ne manque pas de beaux discours pour l'emploi des seniors, mais il supprime dans le même temps la contribution Delalande et il instaure une discrimination des intéressés à l'embauche. Nous proposons un contrôle par la médecine du travail.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Votre intention est légitime, mais ce contrôle risque d'accroître les contraintes à l'embauche des seniors : qu'en pense le Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Le rôle de la médecine du travail est exclusivement préventif, elle oeuvre pour éviter toute altération de la santé du fait du travail.
Mme Annie David. - Certes, mais on accepte alors que l'employeur juge souverainement des capacités des candidats, en fonction de leur âge ! Vos discours contre les discriminations passent bien à la télévision ou à la tribune, mais pour les actes, il n'y a plus personne !
L'amendement n°41 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° bis de cet article pour l'article L. 122-45-6 du code du travail :
« Art. L. 122-45-6. - Le texte des articles 225-1 à 225-4 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche. »
Mme Muguette Dini, rapporteur. - L'Assemblée nationale a prévu l'obligation d'afficher les cinq premiers articles de ce texte et les articles du code du travail s'y référant dans les lieux de travail, ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche. Il nous paraît plus constructif d'y afficher plutôt la section « discriminations » du code pénal.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Sagesse.
Mme Jacqueline Alquier. - Nous voterons contre cet amendement.
Le code du travail dispose que nul ne peut être écarté ou sanctionné pour un motif discriminatoire. Ces motifs, comme dans le code pénal, sont énumérés, mais omettent, par exemple, les caractéristiques génétiques. Il faudrait pourtant en faire mention, on s'en apercevra mieux quand un prochain contentieux révèlera une mesure discriminatoire fondée sur celles-ci.
Le code dispose également qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ni faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice normal du droit de grève. C'est évident, mais l'information des salariés, trop souvent victimes de pressions -quand leur action n'est pas entravée par des caisses noires patronales- doit être précise sur ce point : les organisations syndicales représentatives au niveau national ou dans l'entreprise peuvent exercer toutes actions en justice en faveur d'une personne qui s'estime discriminée.
Il ne suffit pas que les droits existent, ni qu'ils soient affichés, encore faut-il que ceux qui sont protégés par la loi puissent faire vivre ces droits, soient matériellement à même de les faire reconnaître. II faut aussi que le salarié qui a le courage d'engager une action en justice pour faire reconnaître et sanctionner une discrimination sache qu'il ne peut être licencié pour cela et que la réintégration est de droit.
Le code du travail est plus explicite que le code pénal, c'est pourquoi nous préférons qu'il soit affiché.
L'amendement n°6 est adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
Article 7
Le code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est ainsi modifié :
1° Dans l'article L. 1132-1 et à la fin du premier alinéa de l'article L. 1134-1, après les mots : « directe ou indirecte, », sont insérés les mots : « telle que définie à l'article 1er de la loi n° du portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, » ;
2° Les articles L. 1133-1, L. 1133-2 et L. 1133-3 deviennent respectivement les articles L. 1133-2, L. 1133-3 et L. 1133-4 ;
3° L'article L. 1133-1 est ainsi rétabli :
« Art. L. 1133-1. - L'article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. » ;
4° Le premier alinéa de l'article L. 1133-2, tel qu'il résulte du 2°, est ainsi rédigé :
« Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. » ;
4° bis Le premier alinéa de l'article L. 1142-2 est ainsi rédigé :
« Lorsque l'appartenance à l'un ou l'autre sexe répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée, les interdictions prévues à l'article L. 1142-1 ne sont pas applicables. » ;
4° ter L'article L. 1142-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-6. - Le texte des articles L. 1132-1 à L. 1144-3 est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche.
« Il en est de même pour les textes pris pour l'application desdits articles.
« Il en est de même pour le texte des articles 1er à 5 de la loi n° du portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. » ;
5° L'article L. 2141-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-1. - Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l'un des motifs visés à l'article L. 1132-1. » ;
6° Dans le dernier alinéa de l'article L. 5213-6, la référence : « L. 1133-2 » est remplacée par la référence : « L. 1133-3 ».
M. le président. - Amendement n°55, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Dans le second alinéa du 4° de cet article, supprimer les mots :
, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi,
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Il est défendu.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Sagesse.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le second alinéa du 4° de cet article, remplacer les mots :
notamment par le souci de
par les mots :
visant à
Mme Jacqueline Alquier. - Il est défendu.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Défavorable.
L'amendement n°55 est adopté.
L'amendement n°25 devient sans objet.
M. le président. - Amendement n°7, présenté par Mme Dini, au nom de la commission.
Rédiger comme suit le texte proposé par le 4° ter de cet article pour l'article L. 1142-6 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 :
« Art. L. 1142-6. - Le texte des articles 225-1 à 225-4 du code pénal est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche. »
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Amendement de coordination.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Sagesse.
L'amendement n°7 est adopté.
L'article 7, modifié, est adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°26, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, le mot : « distinction » est remplacé par le mot : « discrimination » ;
2° Au deuxième alinéa, après le mot : « indirecte » sont insérés les mots : « telle que définie à l'article premier de la loi n° du portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations » ;
3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations pour la lutte contre les discriminations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins, ou qui ont obtenu à leur demande une habilitation de la Haute autorité de lutte contre les discriminations pour cet objet, peuvent exercer en justice toutes actions dans les conditions prévues par le présent article, en faveur d'un candidat à un emploi dans la fonction publique ou d'un fonctionnaire, sous réserve qu'elles justifient d'un accord écrit de l'intéressé. Celui-ci peut toujours intervenir à l'instance engagée par l'association et y mettre un terme à tout moment. »
Mme Jacqueline Alquier. - Les deux premiers paragraphes de cet amendement sont d'ordre rédactionnel et de coordination. Le troisième paragraphe répond aux préconisations suivantes de l'article 9 de la directive 2000/78/CE. Les agents de la fonction publique victimes de discrimination ne peuvent recevoir l'assistance juridique d'une association en cas de conflit devant la justice administrative, ce qui contrevient à la directive ; l'amendement répare cette omission.
M. le président. - Amendement n°43, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les associations régulièrement constituées depuis cinq ans au moins pour la lutte contre les discriminations peuvent exercer en justice toutes actions qui naissent de la présente loi, dans les conditions prévues par celle-ci, en faveur d'un candidat à un emploi dans la fonction publique ou d'un fonctionnaire, sous réserve qu'elles justifient d'un accord écrit de l'intéressé. Celui-ci peut toujours intervenir à l'instance engagée par l'association et y mettre un terme à tout moment. »
Mme Annie David. - Les associations que nous avons rencontrées ont attiré notre attention sur l'absence de transposition, en droit interne, d'une mesure importante : la capacité à représenter devant les juridictions, leurs membres qui s'estiment victimes d'une discrimination.
Vous ne respectez pas l'article 9 de la directive 2000/78/CE ; notre amendement garantit aux fonctionnaires et aux agents publics non titulaires la même protection qu'aux salariés de droit privé, c'est-à-dire la représentation et l'assistance par les associations. Cette mesure de cohérence avec le droit existant dans le code du travail et dans la directive européenne n'est que de pure égalité et rien ne justifierait un refus de votre part.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Votre souci est légitime et correspond aux dispositions des directives communautaires. Cependant, l'amendement n°26 introduit également des modifications rédactionnelles qui changent le sens de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983. C'est pourquoi nous donnons à cet amendement un avis défavorable. Nous nous en remettons à la sagesse du Sénat pour l'amendement n°43.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Avis défavorable aux deux amendements.
L'amendement n°26 n'est pas adopté.
Mme Annie David. - Nous voulons tous, ici, transposer la directive. Or Mme Morano donne un avis défavorable à l'amendement n°43, sans aucune explication ! Elle aurait pu nous dire, comme à l'Assemblée nationale, que le Gouvernement s'engageait à prendre rapidement un décret. J'aurais alors retiré cet amendement. Il faut permettre aux fonctionnaires de se défendre !
L'amendement n°43 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°27, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article sept, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le harcèlement contraire aux principes énoncés au deuxième alinéa, ainsi que tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination contraires aux dits principes sont considérés comme des discriminations. »
II. - Après le troisième alinéa de l'article L. 122-45 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le harcèlement contraire aux principes énoncés au premier alinéa, ainsi que tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination contraires aux dits principes sont considérés comme des discriminations. »
III. - L'article 225-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le harcèlement contraire aux principes énoncés aux deux premiers alinéas, ainsi que tout comportement consistant à enjoindre à quiconque de pratiquer une discrimination contraires aux dits principes sont considérés comme des discriminations. »
Mme Jacqueline Alquier. - L'assimilation du harcèlement et de l'injonction à une discrimination ne peut être réglée que par une codification exhaustive. Or, si la loi du 13 juillet 1983 fait effectivement mention du harcèlement et de l'injonction, l'assimilation à une discrimination n'est pas explicitée. Cet amendement préserve un équilibre entre l'introduction dans le code pénal par le projet de loi de dispositions limitant le principe de non discrimination, et l'introduction dans ces trois autres textes de dispositions explicitant le harcèlement et l'injonction de discriminer.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Les dispositions du projet de loi sont déjà immédiatement applicables et de portée générale. Défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Cet amendement élargit l'incrimination de harcèlement telle que définie par le code pénal et le code du travail. Or les directives à transposer ne régissent que la matière civile. S'agissant de la loi du 13 juillet 1983, rappelons que les dispositions du projet de loi ont un caractère général et s'appliqueront donc à l'ensemble des matières visées et pour les motifs de discrimination énumérés, qu'il s'agisse de personnes publiques ou privées. Codifier les dispositions du projet de loi ne créera aucun droit supplémentaire au profit des fonctionnaires. En outre, une telle démarche laisserait penser que les matières pour lesquelles aucun renvoi explicite à la loi n'a été fait échappent aux nouvelles dispositions. Le Gouvernement souhaite au contraire l'application homogène de l'ensemble du dispositif anti-discrimination. Il a fait le choix d'une transposition au moyen d'une disposition transversale, plutôt que la modification de l'ensemble des textes potentiellement impactés.
S'agissant de la loi du 13 juillet 1983, la consultation des syndicats de fonctionnaires et d'agents publics apparaît nécessaire avant toute modification touchant des dispositions aussi sensibles que celles concernant les discriminations. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. - Amendement n°44 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l'article L. 122-45 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa de l'article premier de la loi n° du et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, et le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2 de la même loi, sont considérés comme des discriminations. »
Amendement n°45 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 225-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa de l'article premier de la loi n° du et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, et le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2 de la même loi, sont considérés comme des discriminations. »
Mme Annie David. - Ces amendements témoignent de notre attitude constructive, qui n'est pas toujours payée de retour !
Je regrette que le projet de loi se cantonne à une transposition sans saveur et sans ambition, surtout par rapport aux textes existants en la matière ! Cette critique, le Gouvernement devra l'assumer devant celles et ceux qui combattent les discriminations. Pour notre part, nous déposons des amendements qui tendent à rendre ce texte, si imparfait soit-il, utile aux syndicats, aux associations et aux personnes qui s'estiment victimes d'actes discriminatoires. Ces deux amendements visent à une unification du droit afin d'offrir aux victimes une seule référence juridique. Leur adoption simplifierait considérablement les démarches juridiques. Sinon, le juge pénal pourrait fonder sa décision au choix sur l'article L225-1 du code pénal, sur ce projet de loi, voire sur les directives elles-mêmes. Il en irait de même pour les tribunaux prud'homaux. Nous aboutirions à des situations grotesques ou, pour des faits identiques, coexisteraient trois sources législatives de référence. Cette critique se trouve d'ailleurs également dans le rapport de Mme Dini, dans celui de la Délégation aux droits des femmes et dans la délibération de la Halde sur l'avant-projet que vous lui avez soumis.
Une disposition qui fait l'unanimité contre elle mérite qu'on lui apporte correction ! C'est ce que proposent nos amendements.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Le projet de loi est directement applicable. Par ailleurs, il faudrait améliorer la rédaction avant de songer à codifier.
Avis défavorable aux amendements n°s27, 44 rectifié et 45 rectifié.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°27 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s44 rectifié et 45 rectifié.
Les amendements n°s34 rectifié et 33 rectifié deviennent sans objet.
M. le président. - Amendement n°28, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le huitième alinéa de l'article L. 132-27 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises visées au premier alinéa, l'employeur est tenu d'engager chaque année une négociation sur les objectifs en matière de lutte contre les discriminations telles que définies à l'article L. 122-45 du présent code. Cette négociation porte notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle. A défaut d'une initiative de l'employeur depuis plus de douze mois suivant la précédente négociation, la négociation s'engage obligatoirement à la demande d'une organisation syndicale représentative dans le délai fixé à l'article L. 132-28. La demande de négociation est transmise dans les huit jours par l'employeur aux autres organisations syndicales représentatives. Lorsqu'un accord collectif comportant de tels objectifs et mesures est signé dans l'entreprise, la périodicité de la négociation est portée à trois ans. »
II. - Après le sixième alinéa de l'article L. 132-12 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les organisations visées au premier alinéa se réunissent pour négocier tous les trois ans sur les objectifs en matière de lutte conter les discriminations telles que définies à l'article L. 122-45 du présent code. Cette négociation porte notamment sur les conditions d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et à la promotion professionnelle. »
Mme Jacqueline Alquier. - L'article 13 de la directive impose aux États membres de favoriser le dialogue des partenaires sociaux afin de promouvoir l'égalité de traitement. Il peut s'agir de conventions collectives, de codes de bonne conduite, de recherches de bonnes pratiques, voire de surveillance des pratiques sur le lieu de travail, ce qui peut d'ailleurs soulever des objections juridiques. La directive incite à conclure des accords de non-discrimination.
L'accord national interprofessionnel de 2006 va en ce sens, mais la Halde et l'Organisation internationale du travail (OIT) constatent que les résultats sont très insuffisants. Nous proposons donc de reprendre une recommandation de la Halde : en l'absence d'une négociation annuelle conduite à l'initiative de l'employeur, la demande formulée par une organisation représentative suffit pour engager la discussion.
La prise de conscience par le dialogue social limiterait les contentieux et le mal-être au travail.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Ce domaine relève de la négociation collective. Un accord national interprofessionnel serait bien plus approprié. Avis défavorable.
L'amendement n°28, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°48 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 132-27-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Au regard du bilan effectué en application des alinéas précédents, une contribution assise sur les salaires sera appliquée aux entreprises ne satisfaisant pas à l'obligation d'engagement des négociations prévues au présent article.
« Les modalités en seront fixées par décret. »
Mme Annie David. - Nous abordons l'égalité salariale entre hommes et femmes, une question qui me tient particulièrement à coeur puisqu'elle porte sur le respect de la personne. « A travail égal, salaire égal » : chacun connaît la chanson, surtout pour sa non réalisation.
Bien qu'elles stimulent particulièrement l'économie mondiale, les femmes en profitent le moins. Le rapport du Conseil économique et social confirme qu'en France, 33 % des femmes travaillent à temps partiel, contre 7,7 % des hommes. En Europe, l'écart salarial atteint 15 %, contre 12 % en France dans la catégorie des non-cadres. Bien que la fonction publique soit moins concernée, un écart persiste. S'ajoute une évolution des carrières très inférieures à celles de leurs collègues masculins.
L'obligation d'une réunion annuelle n'a guère de portée pratique : après avoir constaté les faits, les partenaires se séparent pour un an...
Nous proposons que des sanctions soient appliquées à ceux qui n'engagent pas de négociations. Ce cas est très fréquent, précisément faute de sanctions.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Des négociations se déroulent entre le Gouvernement et les partenaires sociaux quant à l'égalité professionnelle entre hommes et femmes. Il ne faut pas donner l'impression d'anticiper.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le 28 novembre, lors de la conférence sur l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, M. Xavier Bertrand a annoncé que des sanctions financières s'appliqueraient en absence de plan de résorption des écarts salariaux. Un projet de loi en son sens entrera en vigueur le 1er janvier 2010, un an avant l'échéance fixée à l'article L. 132-27 du code du travail.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
Mme Annie David. - Dans ces conditions, je retire l'amendement, mais je le déposerai à nouveau si le texte annoncé par M. Xavier Bertrand ne nous était pas soumis.
L'amendement n°48 est retiré.
M. le président. - Amendement n°29, présenté par Mme Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 432-4-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A défaut d'accord collectif de branche ou d'entreprise organisant un dialogue et des échanges sur la diversité, l'égalité des chances et de traitement, le chef d'entreprise présente au comité d'entreprise, une fois par an, à l'occasion de l'une des réunions consacrées à son information sur la situation de l'emploi, les éléments permettant de faire le point sur cette matière. »
Mme Jacqueline Alquier. - Nous proposons d'inscrire dans la loi une disposition de l'accord national interprofessionnel du 12 octobre 2006 relatif à la diversité des entreprises.
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Pourquoi pas... Qu'en pense le Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Il est défavorable.
L'accord national interprofessionnel du 12 octobre 2006 vient d'être étendu par arrêté du 22 février. Ainsi, les comités d'entreprise siègent une fois par an comme « comités élargis de la diversité ». Laissons les partenaires sociaux expérimenter le dialogue sur ce sujet. Une commission paritaire de suivi doit établir un bilan après deux ans. Le Gouvernement accordera une importance particulière à ce travail.
L'amendement n°29 n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
Article 9
I. - Après l'article L. 112-1 du code de la mutualité, il est inséré un article L. 112-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 112-1-1. - Aucune différence de traitement en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe.
« L'alinéa précédent ne fait pas obstacle à l'attribution aux femmes de prestations liées à la grossesse et à la maternité. »
II. - Après l'article L. 931-3-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 931-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 931-3-2. - Aucune différence en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe.
« L'alinéa précédent ne fait pas obstacle à l'attribution aux femmes de prestations liées à la grossesse et à la maternité. »
M. le président. - Amendement n°51, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe UC-UDF.
Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 112-1-1 du code de la mutualité :
« Art. L. 112-1-1. - I. - Aucune différence de traitement en matière de cotisations et de prestations ne peut être fondée sur le sexe.
« Les frais liés à la grossesse et à la maternité n'entraînent pas un traitement moins favorable des femmes en matière de cotisations et de prestations.
« Par dérogation au premier alinéa, le ministre chargé de la mutualité peut autoriser par arrêté des différences de cotisations et de prestations fondées sur la prise en compte du sexe et proportionnées aux risques lorsque des données actuarielles et statistiques pertinentes et précises établissent que le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation du risque d'assurance.
« Les mutuelles et les unions exerçant une activité d'assurance ne sont pas soumises aux dispositions de l'alinéa précédent pour les opérations individuelles et collectives à adhésion facultative relative au remboursement ou à l'indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.
« II. - Un arrêté du ministre chargé de la mutualité fixe les conditions dans lesquelles les données mentionnées au troisième alinéa du I sont collectées ou répertoriées par les organismes professionnels mentionnés à l'article L. 223-10-1 et les conditions dans lesquelles elles leur sont transmises. Ces données régulièrement mises à jour sont publiées dans des conditions fixées par cet arrêté et au plus tard à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté mentionné au troisième alinéa du I.
« Par dérogation, les données mentionnées au troisième alinéa du I peuvent, s'agissant des risques liés à la durée de la vie humaine, prendre la forme de tables homologuées et régulièrement mises à jour par arrêté du ministre chargé de la mutualité ou de tables établies ou non par sexe par la mutuelle ou l'union et certifiées par un actuaire indépendant de celle-ci, agréé à cet effet par l'une des associations d'actuaires reconnues par l'Autorité de contrôle instituée à l'article L. 510-1.
« III. - Le présent article s'applique aux contrats d'assurance autres que ceux conclus dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale.
« IV. - Le présent article est applicable aux adhésions individuelles et aux adhésions à des contrats d'assurance de groupe souscrites à compter de sa date d'entrée en vigueur. Par dérogation, il s'applique aux stocks de contrats de rentes viagères, y compris celles revêtant un caractère temporaire, en cours à sa date d'entrée en vigueur. »
M. Yves Détraigne. - Aujourd'hui, seules les assurances bénéficient de dérogations au principe de non discrimination tarifaire entre hommes et femmes, s'agissant de certaines catégories de contrats, notamment d'assurance-vie. À l'inverse, le code de la mutualité ne comporte pas ces dispositions.
Nous proposons donc d'étendre aux mutuelles la dérogation inscrite dans le code des assurances, tout en excluant la santé.
Je rappelle que la directive 2004 du 13 décembre 2004 autorise des « différences proportionnelles en matière de prime et de prestations pour les assurés, lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l'évolution des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises ».
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cette disposition éliminerait une distorsion de concurrence dont bénéficient les assurances au détriment des mutuelles. La commission est favorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute assemblée.
Mme Bariza Khiari. - A l'article 2, nous nous sommes interrogés sur la question de la non discrimination devant les contrats d'assurance. La disposition en question a été adoptée sans débat dans le cadre d'une loi de transposition, l'an dernier. La Halde l'a jugée discriminatoire. Il existe une interprétation selon laquelle le code des assurances s'applique à toutes les assurances, donc aux mutuelles aussi. Je m'étonne que la discrimination entre sexes ne fasse pas l'objet de davantage de débats au Parlement. La Halde précise que le principe général de l'égalité figure dans les principes de la mutualité ; elle refuse donc la discrimination en fonction du sexe.
L'amendement n°51 est adopté.
L'article 9 est adopté, ainsi que l'article 10.
Articles additionnels
M. le Président. - Amendement n°46, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé:
Après le deuxième alinéa de l'article 8 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait d'entraver l'action de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité :
« 1° Soit en s'opposant à l'exercice des missions confiées à ses membres ou aux agents habilités en application du premier alinéa de l'article 19,
« 2° Soit en refusant de communiquer à ses membres ou aux agents habilités en application des articles 5 et 6 les renseignements et documents utiles à leur mission, ou en dissimulant lesdits documents ou renseignements en les faisant disparaître. »
Mme Annie David. - Le Gouvernement dit vouloir faire de la lutte contre la discrimination l'une de ses priorités. Nous pourrions nous en féliciter. Mais je prends cette déclaration avec prudence puisque les débats que nous avons menés jusqu'à maintenant tendent à me faire croire l'inverse. Où est passé votre ardent désir d'en finir avec les discriminations ? Où est passé votre acharnement à vouloir offrir aux victimes des outils efficaces et pertinents ? Vous avez dit prévoir d'autres textes de lois pour venir compléter celui-ci. N'est-ce pas reconnaître à demi-mot son insuffisance ?
Cet amendement crée un délit d'entrave à l'action de la Halde, comme il en existe un pour la Cnil. Il s'agit de sanctionner d'une amende celles et ceux qui s'opposent à l'exercice des missions de la Halde, ou qui refusent de lui communiquer les éléments nécessaires à la bonne réalisation de ses missions.
Le collège de la Haute autorité a d'ailleurs souligné l'absolue nécessité pour la crédibilité de l'institution et l'efficacité de son action d'instituer une infraction d'entrave à l'activité de la Haute Autorité.
Je regrette à nouveau la censure exercée par la commission des finances sur certains de nos amendements : elle nous a ainsi empêchés de présenter l'amendement tendant à créer des délégations régionales.
M. le président. - Ce sont les rigueurs de l'article 40...
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Cet amendement est intéressant mais il n'a pas sa place dans un texte de transposition. Sagesse.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Défavorable.
L'amendement n°46 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°49, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est remis par le Gouvernement sur le Bureau du Sénat avant le 1er décembre 2008 portant sur le droit de vote des résidents extra communautaires aux élections locales.
Mme Annie David. - Cet amendement pose une question essentielle pour notre démocratie : le droit pour les résidents extracommunautaires de s'exprimer lors des scrutins locaux. L'instaurer permettrait de réparer une discrimination. Dès 1992, nous soulignions la grande injustice qui consistait à accorder le droit de vote et d'éligibilité à un ressortissant de l'Union européenne récemment établi sur notre sol, et à le refuser à un salarié africain résidant en France depuis trente ans. Cette discrimination est d'autant plus difficile à admettre que les résidents étrangers établis ont des devoirs, mais leurs droits s'arrêtent à la porte des bureaux de vote. Nicolas Sarkozy s'est déclaré favorable à leur droit de vote. Un sondage atteste que 63 % des Français le sont aussi. Ne reste-t-il plus qu'une seule catégorie de personnes à s'y opposer, les parlementaires UMP ?
Notre amendement n'est pas issu des directives à transposer, c'est vrai ; pour autant, vous pouvez faire mieux que la directive, vous le savez bien ! Là, pour le coup, ce serait vraiment mieux !
Mme Muguette Dini, rapporteur. - C'est vraiment complètement étranger à ce texte ! Défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°49 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°50, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Un enseignement obligatoire et régulier sur le racisme, le sexisme, l'homophobie et de manière générale, sur toutes les formes de discrimination, est dispensé dès l'école primaire par l'éducation nationale.
II. - En second cycle, cet enseignement devient un module obligatoire dans le cadre des cours d'éducation civique.
Mme Annie David. - Cet amendement est en radicale opposition avec l'alinéa 11 de l'article 2, qui prévoyait la possibilité d'organiser des enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe. Il traduit notre volonté de ne pas laisser à la Haute autorité, aux médias, ou aux publicitaires le monopole de l'information et de la sensibilisation au combat permanent pour la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes.
L'éducation nationale doit être un acteur primordial de la lutte contre les discriminations, car c'est dès le plus jeune âge que les enfants doivent être sensibilisés au respect entre les personnes. C'est pourquoi il conviendrait de dispenser un enseignement à l'école primaire d'abord, sur ces questions de xénophobie, d'antisémitisme, d'homophobie et, de manière générale, sur toutes les discriminations, puis au second cycle, d'en faire un module obligatoire dans le cadre des cours d'éducation civique.
Cette proposition est, je vous le concède, à contre-courant de la proposition de M. Sarkozy de faire parrainer un enfant déporté par un élève de primaire. En effet, pour moi, il ne s'agit pas de segmenter une part de l'histoire de France et du monde. Tout au contraire, il s'agit d'inscrire toutes les formes de racisme dans un contexte social et de faire répondre collectivement les élèves, à hauteur de leur niveau de connaissance, à cet enjeu de société. Les enseignants doivent aussi pouvoir répondre, grâce à cet enseignement, à toutes les interrogations sur ces sujets. Ils seront ainsi, par la suite, aptes à les appréhender, mais aussi à mesurer les conséquences de ces phénomènes de rejet, ce qui leur permettra de mieux les combattre.
La Délégation au droit des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes, dans son rapport sur les médias, préconisait également de prévoir au sein des programmes de l'éducation nationale, une sensibilisation sur ces thèmes ; je vais un peu plus loin, c'est vrai, comme il est vrai que cela ne fait pas partie des directives à transposer... Il n'empêche que j'attache beaucoup d'importance à cet amendement, que j'ai d'ailleurs déposé sous différentes formes et à l'occasion de différents textes. On m'a toujours répondu que c'était très bien mais que cela n'entrait pas dans le cadre du projet de loi en discussion. Je crains fort que vous ne me fassiez encore la même réponse ce soir.
M. Jean Bizet. - Abrégez donc !
Mme Annie David. - Quelle élégance ! Quel respect pour notre travail, venant d'un groupe qui se prétend respectueux de la valeur travail ! Bravo ! Je prône l'apprentissage du respect aux enfants ; visiblement, un tel enseignement vous a fait défaut !
Mme Muguette Dini, rapporteur. - Ma réponse ne vous surprendra pas : la question devra être débattue lors d'un autre projet de loi, portant par exemple sur le contenu des programmes scolaires. Défavorable.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. - Même position.
L'amendement n°50 n'est pas adopté.
L'article11 est adopté.
Interventions sur l'ensemble
Mme Bariza Khiari. - L'épisode sur la place de la mixité à l'école est très choquant.
Je m'interroge : d'où vient cette dérogation si elle n'est pas d'origine européenne ? Contrairement à ce qu'a prétendu le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, la dérogation concernant la séparation filles-garçons n'apparaît pas dans la directive 2004-113. Alors pourquoi le Gouvernement a-t-il ajouté cette possibilité ? Les arguments de la commission et de la ministre ne nous ont pas convaincus. Le silence de la Délégation aux droits des femmes nous perturbe. Cette disposition marque une régression ; elle résulte manifestement d'un choix politique du Gouvernement qui veut prendre en compte les particularismes religieux dans le service public, dans la droite ligne du projet de reconfessionnalisation de la société tracé par le Président de la République.
Les avancées de ce texte sont ambivalentes : d'un côté il généralise l'aménagement de la charge de la preuve, de l'autre il instaure des protections différenciées selon les discriminations.
Le groupe socialiste déplore la forme de ce projet de loi : les définitions ne sont pas codifiées, nos textes perdent en lisibilité et donc, en accessibilité ; et sur le fond, ce texte aboutit à dédoubler des définitions, et porte en germe des dérives communautaristes De plus, il porte atteinte au principe de l'égalité de traitement en érigeant des catégories de personnes détentrices de droits spécifiques.
Enfin, les conditions de travail sur ce texte -comme sur tant d'autres !- ne nous ont pas permis de mesurer toutes les conséquences de la généralisation de la notion de discrimination dans notre droit. Nous n'avons pas encore clairement distingué la discrimination de l'inégalité de traitement, ce que le rapport de Mme Dini a souligné avec pertinence.
Nous avons présenté des amendements qui auraient permis des progrès dans la lutte pour l'égalité. Ils n'ont pas recueilli votre assentiment.
Du fait de quelques avancées, notamment la généralisation de l'aménagement de la charge de la preuve, nous éviterons de voter contre ce texte ; nous nous abstiendrons et nous le regrettons.
Je remercie Mme Dini pour sa courtoisie tout au long des débats.
Mme Annie David. - Ce projet de loi ne sera pas, je le crains, à la hauteur des attentes et des enjeux. Nous aurions aimé voter une loi ambitieuse, claire et utile à ceux qui sont susceptibles de l'invoquer devant nos juridictions. A ce sujet, je suis d'accord avec Mme Gauthier lorsqu'elle évoque la nécessaire remise à plat de nos législations, afin d'offrir une plus grande stabilité juridique à nos concitoyens, avec une définition unique, dans nos différents codes : code du travail, code civil et code pénal. Notre groupe a déposé des amendements en ce sens, visant à codifier ces dispositions. Vous les avez malheureusement écartés, nous condamnant à en débattre ultérieurement. Vous ignorez ainsi une des leçons de cette morale que vous voulez remettre en vigueur dans notre enseignement et d'après laquelle il ne faut jamais remettre au lendemain ce qu'on peut faire le jour même.
Monsieur Hyest a dit, ne pas comprendre pourquoi la Commission avait condamnée la France. Si la France a été condamnée, c'est que les objectifs visés par la directive n'ont pas été atteints. ll manquait par exemple l'assimilation du harcèlement à de la discrimination, et l'assimilation de l'injonction de discriminer à une discrimination. Et je crains fort que la transposition actuelle ne soit toujours pas suffisante : vous avez refusé les amendements intégrant dans notre droit interne les deux définitions de harcèlement préférant en faire une définition unique. Dans la définition du harcèlement, le recours au verbe « subir » en lieu et place de « survenir » n'est pas satisfaisant. Si le verbe « subir » est adéquat pour la discrimination sexuelle, il ne permet pas de traduire le harcèlement sexiste, qui est plus le fait d'une ambiance que d'une personne. Le verbe « survenir » aurait été préférable. Le recours à deux définitions par les directives dont l'une utilise le verbe « subir » et l'autre le verbe « survenir » était donc plus adéquat que la fusion que vous avez opérée.
Je regrette aussi que vous ayez persisté à recourir au mot « race » qu'aucun argument politique ni scientifique ne justifie. Et quand bien même, notre droit doit dire des vérités que la science ne dit pas.
Enfin, je regrette encore que ce projet de loi poursuive dans la triste et dangereuse hiérarchisation qui n'aura pour effet que d'amoindrir le niveau de protection de nos concitoyens, en différenciant leurs droits. Et je ne parle même pas des discriminations que vous avez préféré balayer d'un geste de la main. Cette hiérarchisation créera davantage d'instabilité et d'iniquité dans les décisions, quand justement l'objectif des directives était d'offrir un outil utile. Notre devoir de parlementaire est de légiférer en pensant d'abord à ceux à qui la loi pourrait servir. Il ne s'agit donc pas de faire une loi pour éviter à la France d'être condamnée dans un recours contre elle devant la CJCE, mais pour que cette loi protège les faibles contre les forts et l'intérêt collectif contre les intérêts privés.
Et ce qui paraissait au début comme de la précipitation dans la rédaction, témoigne en fait d'une volonté politique réelle. La Halde à été saisie pour avis en novembre 2007, et vous avez ignoré certaines de ses recommandations, qui restent toujours lettre morte. Mon groupe a déposé des amendements visant à renforcer cette Haute autorité ; vous ne les avez pas retenus. Il ne s'agit donc pas de précipitation, mais d'une réelle volonté politique. Vous voulez vider les directives de certaines dispositions. Non que vous ne vouliez pas lutter contre les discriminations, mais votre conception des discriminations n'est visiblement pas la nôtre. Je pense au refus de prendre en compte l'état de santé et les handicaps, pour ne pas remettre en cause certaines pratiques, particulièrement dans l'accès aux services bancaires et assurantiels. Je pense encore avec colère à votre conception de l'école qui ne doit pas, selon vous, former à la mixité et apprendre à vivre ensemble. Je crois également que les employeurs se réjouiront de cette transposition a minima, qui ajoute des définitions à des définitions, sans cohésion et sans instruments coercitifs supplémentaires : je pense par exemple au renforcement des missions de la Halde, à la création d'un délit d'entrave. Je regrette d'ailleurs que l'un de nos amendements visant à instaurer une délégation de la Halde dans chaque région ait été rejeté sur le fondement de l'article 40. Il s'agissait pourtant là d'une proposition de bon sens, visant à satisfaire les promesses du gouvernement précédent qui s'était, par la voix de Mme Nelly Olin, engagé à créer 26 délégations régionales. Nous les attendons toujours.
Mon groupe m'a mandatée pour un vote d'abstention mais, personnellement, je serais presque tentée de voter contre ce texte.
M. Nicolas About, président de la commission. - Je remercie les présidents de séance, la ministre qui présentait son premier texte au Sénat, ainsi que Mme Dini dont c'était aussi le premier rapport : nous aurons plaisir à renouveler l'expérience. Merci aux collègues qui sont restés jusqu'au bout...
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 10 avril 2008 à 10 h 30.
La séance est levée à 1 h 25.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
ORDRE DU JOUR
du jeudi 10 avril 2008
Séance publique
A DIX HEURES TRENTE
Discussion de la proposition de loi (n° 197, 2007-2008), adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux conditions de commercialisation et d'utilisation de certains engins motorisés.
Rapport (n° 256, 2007-2008) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
A 15 HEURES
Questions d'actualité au Gouvernement.
Délai limite d'inscription des auteurs de questions
Jeudi 10 avril 2008, à 11 heures
Suite éventuelle de l'ordre du jour du matin.
_____________________________
DÉPÔTS
La Présidence a reçu de :
- M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi relatif aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense (n° 324, 2006-2007).
- M. François Zocchetto un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines (n° 171, 2007-2008).
- M. André Rouvière un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg sur la sécurité sociale (n° 143, 2007-2008).
- M. Adrien Gouteyron un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la gestion des carrières des hauts fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et européennes.
- MM. Dominique Leclerc, André Lardeux et Mme Catherine Procaccia une proposition de loi visant à sécuriser les opérations d'adossement de régimes de retraite spéciaux au régime général.
- M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux organismes génétiquement modifiés.
- M. le Premier ministre un projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.