Articles de la première partie
Discussion générale
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique - Se projeter dans l'avenir en faisant face aux problèmes du présent : tel est le sens de ce projet de loi de finances pour 2008. Notre ambition est de mettre fin au déficit d'avenir dont souffre notre pays, en luttant contre les déficits présents et en investissant dans la croissance de demain -objectifs conciliables et complémentaires. Qui prétendra que c'est en asphyxiant la croissance qu'on réduira la dette ? Nous investissons dans la croissance pour en tirer profit dans les années à venir. Nous investissons dans la recherche et l'enseignement supérieur, dans la baisse des prélèvements et la revalorisation du travail.
Nous voulons réduire le déficit de l'Etat : il s'établissait à 42 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2007, il se situe à 41,7 milliards dans le projet de loi de finances initial pour 2008 -41,8 milliards à la sortie de l'Assemblée nationale, mais peut-être votre Assemblée aura-t-elle à coeur de revenir au chiffre initial, voire en-deçà ? (Sourires)
Le déficit de l'ensemble des administrations publiques sera ramené à 2,3 % du PIB, après 2,4 % cette année. Notre prévision de croissance est raisonnable, nos prévisions de recettes volontairement prudentes. Et nous faisons un effort sans précédent pour maîtriser la dépense. Nous disposons d'ailleurs, avec la LOLF, d'un outil efficace : la réserve de précaution sera renforcée. Pour muscler la croissance, nous nous attaquons aux déficits de travail et de compétitivité de notre pays.
Pour y parvenir, nous revaloriserons le travail et le pouvoir d'achat, nous renforcerons les leviers de la croissance et nous consoliderons le tissu des entreprises.
Ainsi, le budget pour 2008 finance la baisse massive des prélèvements inscrite dans la loi sur le travail l'emploi et le pouvoir d'achat, afin de soutenir les rémunérations, qui sont au coeur de l'actualité. Ces mesures sont d'autant plus justifiées aujourd'hui que la conjoncture internationale est moins porteuse. Globalement, les prélèvements obligatoires seront ramenés de 44,2 % du PIB à 43,7 %, ce qui renforcera l'attractivité et la compétitivité de notre pays. En outre, l'emploi des seniors est encouragé par plusieurs dispositions inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Après les leviers de croissance actuelle, j'en viens aux leviers de la croissance à venir. Nous sommes sans doute d'accord pour dire que la recherche et l'innovation sont les deux moteurs de l'économie de la connaissance. Ce projet de loi de finances traduit une démarche claire et volontariste, puisque nous amplifions le crédit d'impôt recherche dont les entreprises bénéficieront en 2009 en fonction des dépenses de recherche et développement constatées en 2008. J'ajoute que, dès l'année prochaine, les dotations destinées à l'enseignement supérieur et à la recherche seront accrues de 1,8 milliard d'euros pour accompagner la réforme des universités votée cet été. En ajoutant l'effort d'investissement, les dépenses qui fondent notre avenir augmenteront de 6 %, soit quatre fois plus que l'ensemble des dépenses de l'État, pour atteindre 39 milliards d'euros, soit un montant analogue au déficit budgétaire. On ne peut se satisfaire du déficit, mais je constate qu'il est de plus en plus lié à l'investissement et non au fonctionnement courant. C'est nouveau.
Enfin, nous consolidons le tissu des entreprises d'abord en poursuivant la baisse de la taxe professionnelle que vous avez votée il y a deux ans : elle coûtera 2 milliards supplémentaires en 2008. Nous simplifions également les pactes d'actionnaires afin de pérenniser les entreprises, notamment les PME lors de leur transmission. Nous modernisons également la fiscalité des dividendes pour davantage orienter l'épargne vers le financement des entreprises. Ainsi, nous étendons la retenue à la source aux revenus des actions, dont le taux d'imposition passera de 16 % à 18 %. Les investissements risqués -réalisés en actions- cesseront d'être fiscalement pénalisés par rapport aux produits de taux comme les obligations ou les Sicav à court terme.
M. François Marc. - Supprimez tous les impôts !
M. Éric Woerth, ministre. - Cette innovation procurera des recettes supplémentaires en 2008, sans rien coûter par la suite. Enfin, la disparition en 2009 de l'impôt sur les opérations de bourse est gagée en portant à 18 % la taxation des plus-values mobilières. Votre commission des finances propose de supprimer cet impôt dès 2008. Nous aurons l'occasion d'en discuter.
Ainsi, l'investissement dans la croissance est crédible car il accompagne la stabilisation en volume des dépenses publiques. Celles-ci diminueront de 54,3 % du PIB en 2006 à 52,6 % 2008. L'innovation tient à ce que, pour la première fois l'année prochaine, la stabilisation s'applique à un périmètre élargi incluant les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et les dotations aux collectivités territoriales. Votre commission des finances le réclamait depuis longtemps. Alors qu'elles atteignent 335 milliards d'euros en 2007, les dépenses de ce périmètre élargi n'augmenteront que de 5,5 milliards l'année prochaine. Certes, nous bénéficierons d'une évolution favorable du prélèvement européen, mais l'élargissement n'en constitue pas moins une réforme globale de gouvernance, non un avantage comparatif conjoncturel. En effet, la stabilisation élargie s'applique à des dépenses qui avaient augmenté en moyenne de 1,1 % en volume entre 1999 et 2006, puis de 0,2 % en 2007. Cette maîtrise renforcée s'inscrit dans la durée, puisque nous voulons diviser par deux le rythme de croissance des dépenses de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales pendant cinq ans, soit un accroissement annuel proche de 1 % en volume contre plus de 2 % au cours des dix dernières années.
Contrairement à ce qui a été dit, l'élargissement de la norme n'a pas facilité la préparation du budget. En effet, la hausse des taux d'intérêt renchérit de 1,6 milliards d'euros le coût de la dette. C'est le prix d'un long passé. Par ailleurs, l'accélération des départs à la retraite ajoutera 2 milliards au coût des pensions. Les dotations contractuelles aux collectivités territoriales -auxquelles votre assemblée est particulièrement sensible- restent très dynamiques, avec 600 millions d'euros supplémentaires. Avec les dégrèvements d'impôts locaux, les dotations de l'État aux collectivités territoriales augmenteront de 4 %. J'ai noté que l'indexation sur les prix des dotations concernées par le contrat de stabilité de croissance imposerait d'ajuster fortement les dotations placées hors DGF. Je suis disposé à perfectionner ici l'ajustement, comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale. Enfin, l'effort accru de sincérité et de clarté budgétaire me conduit à affecter 1,2 milliards d'euros aux dispositifs gérés par les organismes sociaux mais financés par l'État, comme les minima sociaux et l'aide au logement, systématiquement sous dotés jusqu'ici.
En ajoutant 1,6 milliard, 2 milliards et 1,2, nous avons consommé la quasi-totalité de l'enveloppe laissée disponible par la norme « 0 % en volume ». La marge résiduelle abondera le budget de l'aide médicale d'État inscrit en loi de finances initiales -qui passera de 233 à 413 millions d'euros- et les dotations aux fonds de solidarité, qui progresseront de 600 millions d'euros.
Par ailleurs, les amendements adoptés par l'Assemblée nationale n'ont pas dégradé le solde budgétaire. Je pense notamment aux exonérations en faveur des organismes d'intérêt général dans les zones de revitalisation rurale.
Il est vrai que la remise à niveau de certaines sous-dotations chroniques n'est pas achevée, comme votre commission des finances l'a observé. Je suis prêt à fournir les éclaircissements nécessaires. Votre commission a regardé de façon précise les opérations extérieures (Opex) et de maintien de la paix. L'effort de réalisme engagé depuis plusieurs années est poursuivi.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est vrai.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il faut persévérer.
M. Éric Woerth, ministre. - Je vais même amplifier cette évolution, avec des amendements qui ajouteront 100 millions d'euros à chacune de ces dotations. Bien sûr, les amendements sont gagés. (M. le président de la commission applaudit.)
Nous parvenons à concilier la relance de la croissance et la maîtrise raisonnée des dépenses parce que nous réduisons les effectifs de l'État, clarifions ses engagements et rationalisons l'ensemble des politiques publiques. Ainsi, la dépense publique sera plus réactive, mieux assumée et plus productive.
En matière d'effectifs, un effort sans précédent permettra de ne pas remplacer 22 900 départs à la retraite, soit un sur trois. En année pleine, l'économie atteindra 716 millions d'euros, sans report de charges sur les opérateurs de l'État, dont les effectifs sont stabilisés. Vous pouvez le constater dans le « jaune » qui leur est consacré. Je veillerai à ce que les niveaux d'emploi indiqués soient des plafonds et que toute création d'emplois soit motivée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien.
M. Éric Woerth, ministre. - Je tiens à la clarté et à la sincérité des chiffres, car je suis le ministre de tous les comptes.
Ainsi, la dette de l'État envers la sécurité sociale constatée aux 31 décembre 2006, soit 5,1 milliards d'euros, a été intégralement remboursée à la date du 5 octobre. Ce sujet envenimait à juste titre les relations entre l'État et la sécurité sociale. Dans le même esprit, la compensation intégrale des exonérations sociales sur les bas salaires et les heures supplémentaires figure dans le projet de loi de finances rectificative pour 2007 présenté hier en conseil des ministres. Par ailleurs, le Gouvernement souhaite ajuster le transfert de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et de la taxe sur le chiffre d'affaires au profit des régions et départements afin de prendre en compte le coût réel des techniciens, ouvriers et agents de service (Tos) de l'éducation nationale et du personnel provenant de directions départementales de l'équipement, en fonction du choix exprimé par les intéressés, qui pouvaient se prononcer jusqu'au 31 août.
Enfin, tous les ministères sont engagés dans la rationalisation de leur action, grâce à la révision générale des politiques publiques lancée en juin avec la participation active de M. Marini.
Les réformes conséquentes seront programmées sur 2009-2012. On restaurera ainsi les équilibres financiers en 2012 au plus tard tout en répondant aux attentes de nos concitoyens.
Cet effort passe aussi par la lutte contre la fraude fiscale et sociale, qui va changer d'échelle.
Chacun mesure l'ampleur de l'effort à accomplir pour redresser durablement les finances publiques. Cet effort, le Gouvernement ne peut l'accomplir seul. Nous avons besoin de l'engagement des parlementaires et c'est pourquoi nous avons associé votre rapporteur général à la révision des politiques publiques tout en rénovant les procédures : nous donnons plus de poids à la loi de règlement afin de parler des résultats.
Le Gouvernement a fait le choix de l'avenir en pariant sur la croissance. C'est un pari audacieux, calculé, maîtrisé : nous avons en main les cartes du redressement. C'est ce pari raisonnable que je vous invite à soutenir avec la conviction que nos débats permettront d'améliorer le projet et même le solde. (Applaudissements à droite et sur certains bancs au centre)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. - Une gestion rigoureuse doit accompagner une croissance vigoureuse. Notre pays a les moyens de gagner un point de croissance supplémentaire. Vous savez ce que nous avons fait cet été avec les heures supplémentaires et comment nous agissons pour la concurrence. Nous vous proposons aujourd'hui de doubler le crédit d'impôt pour les intérêts d'emprunt. Un ménage avec deux enfants ayant emprunté 200 000 euros à 4 % sur vingt ans économisera ainsi 3 400 euros la première année et 10 % sur la durée du crédit.
Nous avons entrepris de réformer le service public de l'emploi et je vous proposerai avant la fin de l'année le projet de fusion ANPE-Unedic. Nous développons les formations en alternance parce que si nous devons diminuer de 900 000 le nombre de chômeurs et qu'il y a 500 000 emplois non pourvus, la formation peut résoudre une bonne partie du problème. Nous faisons donc un peu moins dans le secteur non marchand mais bien plus pour l'apprentissage et la formation en alternance.
La réforme du crédit impôt-recherche est fondamentale, qui reflète notre priorité à l'amélioration de la compétitivité économique. Dans un pays développé comme le nôtre, le développement passe par l'innovation et le progrès technologique. L'État aide les entreprises françaises et incite les sociétés étrangères à investir en France ou à ne pas délocaliser leurs centres de recherche dans un autre pays. Dans une économie globalisée, ce sont les meilleures idées qui font la différence -je veux ici rendre hommage à l'action du sénateur Laffitte.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tout à fait.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Les procédés, les savoir-faire, les brevets, les logiciels forment le terreau de la croissance. L'objectif de Lisbonne était d'investir 3 % du PIB dans la recherche et développement. Où en sommes-nous ? Hélas !, à 2,13 % ! Le secteur public est en ligne avec les prévisions mais l'investissement privé est encore loin du compte.
Mme Nicole Bricq. - Il y a longtemps que nous le disons.
Mme Christine Lagarde, ministre. - La France va désormais se placer au premier rang pour la qualité de l'environnement légal et fiscal.
M. Henri de Raincourt. - Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Le crédit impôt-recherche a fait les preuves de son efficacité : chaque euro ainsi économisé par les entreprises est réinvesti dans la recherche. Nous avons donc toutes les raisons d'amplifier ce dispositif, en le simplifiant, d'abord, avec la suppression de la part en accroissement, en triplant ensuite le crédit d'impôt sur la part en volume de 10 à 30 % jusqu'à cent millions, en incitant enfin les entreprises récalcitrantes à entrer dans le dispositif grâce à un crédit de 50 % la première année et 40 % la deuxième -c'est l'objet d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale.
Si le sort des PME nous tient à coeur, c'et aussi parce qu'elles représentent les quatre cinquièmes des entreprises utilisatrices du crédit d'impôt-recherche, contrairement à ce qu'on lit souvent. Aussi les PME innovantes voient-elles le plafond porté de 100 000 à 150 000 euros, ce qui est loin d'être négligeable quand leur chiffre d'affaires moyen atteint 1 600 000 euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Le coût de la réforme s'établira à 1,7 milliard en régime de croissance. La France d'aujourd'hui ne regrettera pas cet investissement dans la France de demain.
Désormais, les inventeurs qui apportent un brevet à une entreprise seront exonérés de plus-value pendant huit ans. Les cessions de brevet seront soumises aux même taux que les concessions. Enfin, nous créons un statut pour la jeune entreprise universitaire.
M. Jean Bizet. - Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Il est impératif d'améliorer l'attractivité de notre territoire. (Vives approbations sur le banc des commissions)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La TVA sociale ? (Sourires)
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je me réjouis donc que le Sénat et l'Assemblée nationale aient déposé un amendement supprimant l'impôt de bourse.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Dès le 1er janvier 2008 !
M. François Marc. - La bourse ou la vie, il faut choisir.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Avec la directive instruments financiers, il ne faudrait pas que des opérateurs aillent à Francfort ou Londres pour réaliser des économies alors que c'est un de nos secteurs d'excellence.
Nos écoles apportent une des meilleures formations du monde en ingénierie financière mais nos étudiants partent ensuite pour Londres ou New-York ! Nous voulons inverser le courant. Plus d'un million de personnes très qualifiées travaillent à partir de Paris dans ce secteur d'avenir qui représente 5 % de la richesse nationale.
J'aimerais à présent revenir sur nos prévisions de croissance. Le Gouvernement a estimé prudent de construire le projet de loi de finances sur une croissance comprise entre 2 et 2,5 %, avec un point médian à 2, 25 %, Cette prévision est tout à fait compatible avec celles des différents économistes, qui varient entre 1,5 % et 2,6 %. Ce chiffre de 2,6 % est celui de l'OFCE, dont l'optimisme est fondé sur l'effet de relance de la loi du 21 août 2007. (Exclamations incrédules à gauche)
Pour 2007, je n'ai pas de raison de modifier notre objectif de croissance, proche de 2 %. Fin août, beaucoup annonçaient 1,6 % de croissance pour 2007. Aujourd'hui, les mêmes nous disent 1,9 %. À ce rythme, ils seront à 2 % dans un mois.
M. Marc Massion. - Le Père Noël !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Les derniers indicateurs confirment ce que je répète depuis deux mois : la croissance a doublé au troisième trimestre pour atteindre 0,7 %. Tous les moteurs de la croissance sont allumés : au troisième trimestre, la consommation des ménages a progressé de 0,8 %, l'investissement des entreprises de 1 % et le commerce extérieur contribue positivement à la croissance. Le marché de l'emploi est très bien orienté : 38 200 créations d'emplois ont été enregistrées au troisième trimestre et le taux de chômage est tombé à 8,1 %. Nous avons désormais la base de la croissance ; et c'est sur cette base qu'il nous faut continuer à construire.
Bien entendu, la croissance dépend aussi de la situation internationale. Je vois quatre facteurs sensibles, dont il faut tenir compte avec discernement, sans optimisme ni catastrophisme excessifs.
Premier facteur, le pétrole, dont les prix ont beaucoup augmenté, encore que de façon très erratique. Le Gouvernement n'est pas resté inactif : nous avons obtenu des pétroliers que les prix ne soient répercutés à la hausse qu'avec retard et à la baisse sans retard ; nous avons doublé la prime à la cuve pour les personnes non imposées.
Deuxième facteur, le récent regain d'inflation -que Raymond Barre tenait à distinguer de la hausse des prix- en partie dû aux produits pétroliers et aux matières premières. Je constate toutefois que la France maîtrise bien mieux son inflation que ses principaux voisins. Cela doit nous encourager à mettre en oeuvre des réformes pro-concurrentielles : le meilleur remède à l'inflation, c'est bien la concurrence !
Troisième facteur, les marchés financiers. Je ne pense pas que les tensions récentes liées au marché immobilier américain hypothèquent sérieusement la croissance française en 2008. Le niveau de solvabilité de nos banques demeure élevé, grâce à l'excellent travail de nos organismes de contrôle. Cette base financière solide rend d'autant plus légitimes nos revendications pour une meilleure régulation internationale.
Quatrième facteur, la hausse de l'euro. Elle permet de limiter l'inflation importée mais elle grève la compétitivité de nos entreprises. Je ne cesse de répéter que les taux de change doivent refléter les fondamentaux économiques, et que la zone euro ne peut porter à elle seule tout le poids des déséquilibres mondiaux, ceux du dollar, du yen et du yuan. L'essentiel est d'anticiper, pour que notre économie ne se trouve jamais prise au dépourvu. Telle est notre conception d'un État responsable.
La responsabilité, c'est peut-être le maître-mot de ce budget. Responsabilité pour le passé, puisqu'une gestion rigoureuse des finances publiques nous permet de nous attaquer sérieusement au problème de la dette, ramenée dès l'année prochaine de 64,2 % à 64 % du PIB. Responsabilité pour le présent, puisqu'en 2008, le taux des prélèvements obligatoires devrait reculer de 0,3 point pour s'établir à 43,7 % du PIB. Responsabilité pour l'avenir, puisque nous encourageons fortement l'innovation à travers la réforme du crédit impôt-recherche. L'innovation est dans l'intérêt de la compétitivité du pays, dans l'intérêt des entreprises de France et de tous les Français. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce premier budget de la législature est un singulier défi. Il est nécessairement établi en termes de continuité ; il ne pouvait en être autrement.
Mme Nicole Bricq. - Et la rupture ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Attendez ! (Rires)
Il est établi dans un contexte délicat, avec de nombreuses contraintes car le monde, autour de nous, est gros de périls qu'il nous faut ensemble conjurer.
Continuité dans les méthodes et dans le bon sens : le Gouvernement reprend un objectif de gouvernance fondé d'abord sur une maîtrise des dépenses. L'année 2008 est sur un palier de déficit par rapport à 2007. Nous vivons une situation de transition. Il nous faudra faire en sorte de sortir de ce débat budgétaire avec un déficit qui ne soit pas aggravé d'un centime. Mieux vaudrait que nous retrouvions le chiffre du projet de loi de finances initial. Pour nous situer sur le sentier de l'équilibre en 2012, il faudra faire beaucoup plus que ce palier !
Mme Nicole Bricq. - On n'en prend pas le chemin !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le contexte comporte de nombreux défis. Les troubles des marchés financier et immobilier américains ont été à l'origine d'anticipations ingrates, voire négatives, pour l'économie européenne.
Les dispositions que nous avons prises cet été, dans le cadre de la loi Tepa procèdent d'un esprit de rupture. Elles imposent une contrainte supplémentaire sur les recettes de l'État, que l'on peut évaluer à 7,5 milliards en 2008. Le contexte financier, avec la tension sur les taux d'intérêt, conduit à observer une croissance régulière de nos charges financières -pour plus d'1,6 milliard- alors même que notre déficit est sur un palier.
La gouvernance budgétaire incite à mettre en avant la notion de performance. Comment juger ce qui nous est proposé ? Il est cohérent de raisonner à partir des recettes brutes de l'État et d'en déduire ce qui va à l'Union européenne, aux collectivités territoriales -et ce qui doit aller à la sécurité sociale.
La présentation est bien plus claire quand les recettes y apparaissent déduction faite des prélèvements européens, locaux et sociaux : nous vous savons gré d'aller dans ce sens, monsieur le ministre, même si, pour cette année, cette présentation peut arranger l'Etat en lui faisant afficher des crédits qui augmentent de 1,9 %, de 0,3 point au-dessus de l'inflation.
Dans cette Haute assemblée si sensible aux budgets locaux, nous déplorons un certain pincement des ressources consacrées aux collectivités locales. L'enveloppe normée évolue de zéro volume, quoique la DGF, heureusement, respecte l'engagement d'un maintien en volume augmenté de la moitié du taux de croissance économique. Le Gouvernement nous a montré des signes de bonne volonté, nous attendons une solution. La seule application arithmétique des normes poserait des problèmes douloureux aux communes bénéficiaires de la compensation d'exonérations de taxe professionnelle et de taxe sur le foncier non bâti. Notre rôle, au Sénat, sera d'atténuer les conséquences de ces ajustements et nous inviterons le Gouvernement à faire contribuer davantage l'Etat aux dépenses des collectivités locales.
La commission des finances, cependant, ne saurait sous-estimer vos efforts, madame le ministre, ni les contraintes qui pèsent sur le Gouvernement. L'augmentation des pensions absorbe tous les efforts d'économie de l'agrégat main-d'oeuvre, au point qu'il augmente, de même que celui de la dette.
Nous devons être vigilants. Le budget peut être plus sincère encore. Des « rebasages » ont amélioré les choses, il faut aller plus loin, en particulier pour les opérations extérieures (Opex)
M. Yves Fréville. - Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce budget demeure prudent. Il utilise un coefficient d'élasticité des recettes plus faible que celui de l'an passé, la marge en est d'autant supérieure, c'est une bonne chose. La réserve de précaution s'élève à 7 milliards et vous avez veillé à y mettre des crédits effectivement mobilisables, cela n'a pas toujours été le cas par le passé.
Cependant, les dépenses de l'Etat ne disposent que de 5,5 milliards de marge : le respect de nos objectifs dépend en fait de la croissance économique et des recettes fiscales qui en résulteront ! Nous aurons probablement recours, comme d'habitude, à des imputations en cours d'exercice, mais le moment de vérité sera le solde de l'impôt sur les sociétés.
C'est de l'impôt sur les sociétés que tout dépend finalement, et n'oublions pas, mes chers collègues, que nous recouvrons cet impôt sur des ressources issues pour grande partie, d'activités réalisées par nos grandes entreprises hors du territoire national, dans les zones de croissance élevée (On en convient à droite). C'est bien pourquoi nous devons être un pays accueillant, attractif pour les grands groupes, pour les centres de décisions qui raisonnent à l'échelle mondiale. Ce sont leurs décisions qui, finalement, équilibreront nos comptes !
Ne sous-estimons pas notre vulnérabilité, en particulier aux taux d'intérêt. L'agence France Trésor fait de son mieux pour mobiliser les 110 milliards nécessaires au refinancement de nos emprunts, mais elle travaille sur le marché à court terme, sans rien maîtriser des taux d'intérêt. C'est bien pourquoi tout repose, finalement, sur la « soutenabilité » même de nos finances publiques. Un pays est crédible parce qu'il se tient sur le sentier de l'équilibre, parce qu'il est attractif, et c'est parce qu'il est crédible qu'il se finance à bon compte : voilà la leçon que nous devons méditer, chaque jour davantage !
Quels progrès pouvons-nous faire pour la gouvernance de nos finances publiques ? Votre commission vous proposera de mieux appréhender le plafond de variation de la dette : il ne faut pas confondre le financement et la trésorerie. Ensuite, nous devons faire mieux contre les niches fiscales !
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Elles sont un peu « les mauvaises herbes fiscales »...
M. François Marc. - Il en pousse de partout !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - ... on les supprime, il en renaît davantage ! De trop nombreuses niches fiscales ne sont pas, ou mal évaluées. Leur évaluation peut être difficile, mais nous devons ouvrir ce chantier.
Ne perdons pas de vue qu'un euro de dépense fiscale, c'est un euro de crédit budgétaire. La règle devrait être de définir un plafond pour les dépenses fiscales, conformément à la norme budgétaire, et de disposer des mêmes capacités d'action que pour les autres dépenses publiques : le ministre du budget en rêve, nous aussi, et nous ferons des propositions dans ce sens !
Nous proposerons en particulier, dès la partie dépenses, de distinguer les niches en deux catégories : les dépenses fiscales « horizontales », non discriminantes, par exemple le quotient familial, le crédit d'impôt-recherche, le régime de l'intégration fiscale, autant d'éléments de la politique économique, familiale ou sociale qui traduisent une volonté publique, dans la durée ; les dépenses fiscales « verticales », catégorielles voire corporatives, ou encore les « zonages », dont il faudrait à tout le moins évaluer régulièrement l'efficacité. Les premières sont des « niches à durée indéterminées », ou NDI, les autres des « niches à durée déterminée », ou NDD (Sourires).
Troisième piste de progrès, que le ministre a évoquée, la prise en compte dans les plafonds d'emplois de ceux des opérateurs de l'État dans le budget. Comme en Suède, la réforme de l'État conduira bientôt à confier à des agences de l'État la mise en oeuvre des politiques publiques décidées par les ministères. Ce mouvement est par exemple déjà amorcé avec la création de l'Agence nationale des titres sécurisés par le ministère de l'Intérieur. D'un côté, l'État stratège, qui définira les orientations et donnera les impulsions ; de l'autre, l'État gérant : ce modèle sera bientôt développé pour tous les secteurs de l'action publique. D'où l'absolue nécessité que les effectifs des agences soient sous plafond et votés en loi de finances.
Enfin, la comptabilité patrimoniale constitue un acquis essentiel de la LOLF. Elle pourrait être encore améliorée. Prenons le crédit d'impôt-recherche : celui-ci représente pour les entreprises une créance qui peut être mobilisée et transformée en liquidités. Où en trouve-t-on trace dans la comptabilité de l'État, comme une dette inscrite au bilan ? Des efforts restent donc à fournir pour améliorer la sincérité du budget (M. le président de la commission des finances confirme.)
Quelles doivent être les orientations de ce budget ? Selon moi, la rigueur, sans illusions, et le renforcement de notre compétitivité, car tout dépend de la compétitivité. A cet égard je me réjouis que M. Woerth et Mme Lagarde valorisent enfin l'industrie financière. Pour que ce secteur connaisse un succès comparable, même de loin, à celui du Royaume-Uni, nous devrons supprimer l'impôt de bourse et, en nous appuyant sur les excellents travaux de M. Lambert, différencier le régime fiscal des produits de l'épargne selon leur efficacité économique et leur niveau de risque. En outre, parce que l'assurance pour un contribuable de ne pas subir un prélèvement spoliateur, élément-clé de cette nouvelle législature, restaurera la confiance en l'économie, la commission proposera l'auto-liquidation du bouclier fiscal. Nous y reviendrons.
Mme Nicole Bricq. - Oh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous préconisons également l'introduction d'un régime de résident fiscal temporaire sur agrément -selon un régime, j'y insiste, encadré. Il s'agit de créer une assiette fiscale là où il n'en existe pas aujourd'hui.
J'en viens à la rigueur. Comme l'a joliment dit Mme Lagarde, rigueur doit rimer avec vigueur. Pour nous engager dans le sentier de l'équilibre, nous devons consentir des efforts considérables et faire preuve d'une grande imagination. Monsieur le ministre du budget, je salue à ce propos la richesse des analyses du comité de suivi de la revue générale des politiques publiques. N'assimilons pas rigueur et punition, mais conjuguons rigueur et innovation. Ainsi, avec un peu d'imagination, l'autonomie des universités pourrait devenir source d'une compétitivité réelle de nos établissements supérieurs et de notre appareil de recherche ! Bref, n'opposons pas la définition des moyens nécessaires à la poursuite des tâches et la mise sous tension financière de l'appareil d'État, combinons la mobilisation des énergies et l'imagination, la compétitivité et le progrès, le regard sans complexe sur l'avenir !
En conclusion, la commission sera attentive, exigeante, voire un peu raide sur certains points, dont les finances des collectivités territoriales. Nous apporterons au Gouvernement un appui d'autant plus solide et sincère que nous serons entendus dans nos analyses et nos convictions. Le Sénat est une maison où l'on a des convictions, convictions forgées auprès des gouvernements successifs. S'appuyant sur ce patrimoine, si je puis employer ce mot, le commentaire de la commission sur cette loi de finances sera donc loin d'être improvisé. Espérons que le gouvernement Fillon souscrira à notre vision, celle d'un budget de rigueur, de vigueur et d'imagination ! (Applaudissements sur les bancs UMP, UC-UDF et RDSE. M. le président de la commission des finances : « Vive l'imagination au pouvoir ! »)
M. le président. - Monsieur le rapporteur général, nul doute que le Gouvernement tiendra compte de vos propos sur les collectivités territoriales... (Sourires)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nouvelle présidence, nouvelle législature ! Voici le premier budget du gouvernement Fillon. L'exercice est délicat, compte tenu de l'exigence, désormais, de sincérité qui s'impose, et je salue à ce propos l'écoute de M. le ministre Woerth, qui a déposé un amendement en ce sens.
Pour le Gouvernement, le budget est une épreuve de vérité. L'attente de rupture est à son plus haut niveau. Hélas, compte tenu de l'absence de marges de manoeuvre, le budget porte la marque des gestions antérieures. Prenons conscience que les facilités, les commodités et les astuces de présentation de naguère sont épuisées. Les vraies réformes sont souvent coûteuses et leurs bienfaits se manifestent progressivement au fil des budgets. Puisse le temps de l'affichage immédiat être révolu ! Renonçons aux enchantements éphémères et aux gesticulations pour ouvrir les yeux sur la réalité.
Permettez-moi de rompre avec quelques conventions de langage.
Mme Nicole Bricq. - Certainement !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Alors que l'on s'inquiète vivement du pouvoir d'achat, des risques d'inflation, du déséquilibre commercial, de la dette publique, de la délocalisation des emplois, de la hausse des matières premières et énergétiques, et de la dépréciation du dollar, nous avons le devoir de mieux appréhender la mondialisation et de rompre avec nos discours anesthésiants, faussement rassurants.
Je voudrais attirer un instant votre attention sur le volume désormais massif et le rôle des « surliquidités mondiales ». Elles représenteraient, selon certains, jusqu'à 4 000, voire 5 000 milliards de dollars. C'est dire le pouvoir financier et économique des pays qui nous approvisionnent en gaz, en pétrole ou en biens de consommation ! Au reste, on entend de plus en plus parler de « fonds souverains ». Ce matin même, en commission, M. Lambert a résumé ainsi la triste situation française : « il existe des fonds souverains et, nous, nous avons une dette souveraine ! » (Sourires) Dans le langage « politiquement correct » qui a cours aujourd'hui, il serait « flatteur pour notre pays » de voir affluer cet argent qui s'investit -de façon assez opaque- dans les immeubles de haut standing, les titres des sociétés cotées en Bourse, les bons du Trésor ou encore les PME dynamiques de nos provinces.
Ces investissements, effectués directement ou par le biais de fonds souverains, dont la force de frappe financière n'a d'égale que la non-transparence, nous renforcent-ils ou nous affaiblissent-ils ? Ils stimulent l'inflation des actifs -biens immobiliers ou actions de sociétés cotées- sans renforcer notre potentiel de production.
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Pire, ils entraînent souvent une délocalisation des activités et de l'emploi de nos PME.
Si la mondialisation a contribué à la baisse du prix des biens de consommation, la tendance est en train de s'inverser. Notre indépendance est en jeu, veillons à ne pas subir les effets de stratégies dont la définition et la conduite nous échappent.
La loi de finances initiale pour 2008 est indéniablement, mesurée à cette aune, un budget de transition, qui ne peut traduire les effets positifs de réformes dont beaucoup sont encore à mettre en oeuvre. Ainsi, l'absence de ce fameux point de croissance que nous avons tant de mal à débusquer met cruellement en évidence le déficit de compétitivité dont souffre notre pays, notamment par rapport à l'Allemagne, et qui se concrétise, hélas, chaque mois, dans nos performances commerciales.
De même, le défaut de réformes structurelles, même si l'on sait qu'il n'est pas de formule miracle et que les bonnes réformes ont toujours d'abord un coût, ne nous a pas encore permis de rendre la sphère publique plus performante ou moins onéreuse.
Ce budget de transition révèle aussi les contraintes qui sont les nôtres. Deux postes préemptent déjà les deux tiers du budget : la dette de l'État -919 milliards à fin décembre 2007- avec ses 40,8 milliards de charge nette annuelle, soit les deux tiers du produit de l'impôt sur le revenu, une dette d'autant plus inquiétante que la perspective de hausse durable des taux d'intérêt ne pourra qu'en alourdir le fardeau ; et il faut y ajouter les charges de personnel et de pensions, qui s'élèveront en 2008 à 120 milliards, soit 330 millions par jour.
Il est heureux que grâce à la Lolf, ce budget tende vers la sincérité, même s'il s'expose à des critiques résiduelles : des poches de sous-budgétisation de certains crédits demeurent, à hauteur de 1,3 milliard à 1,5 milliard. Nous avons conscience, en particulier depuis l'annonce que vient de nous faire M. Woerth, des progrès accomplis ces trois dernières semaines. Ils méritent d'être encouragés ! Reste que la tentation de contourner la case déficit est encore trop forte lorsqu'il s'agit, pour l'État, de reprendre les dettes accumulées par des organismes extérieurs, notamment au sein de la sphère sociale -5,1 milliards pour la sécurité sociale, venant après les 2,5 milliards du FFIPSA dans le projet de loi rectificatif de 2005. Je m'en étonne d'autant que ces dettes ne traduisent que l'accumulation de déficits passés, qui n'auront donc jamais été transcrits comme tels. Avouez que voilà une bien curieuse alchimie budgétaire ! Enfin, l'élargissement de la norme de progression des dépenses de l'État dite « zéro volume » n'est-il pas, ainsi que le rapporteur général l'a démontré, un simple habillage puisqu'une partie de la dérive des dépenses de l'État est prise en charge par les collectivités territoriales ou le prélèvement européen. Souhaitons que nos discussions des semaines à venir éclaircissent ces zones encore grises.
Je comprends bien la volonté du Gouvernement de ne pas modifier les critères d'évolution de la dotation globale de fonctionnement. Son rythme soutenu -2,08 %- pour une enveloppe correspondant à plus de 80 % du montant de la dotation globale, dont la progression plafonne à 1,6 % -commande de recourir à des variables d'ajustement et le choix de la dotation de compensation de la taxe professionnelle et de la compensation de l'exonération de la taxe foncière non bâtie donne lieu à des ajustements brutaux et contestables, de l'ordre de moins 25 %. Nous avons le devoir d'atténuer l'impact de ces mesures.
Pour compléter, à l'avenir, l'effort de sincérité, ne serait-il pas possible, puisque les dépenses fiscales présentent d'un point de vue économique et budgétaire le même effet qu'une dépense classique, de les intégrer à cette norme élargie de progression de la dépense ? Nous disposerions ainsi d'un instrument de mesure plus précis de la place de l'État dans l'économie.
Ce budget de transition, enfin, qui survient après la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat de juillet dernier, n'aurait-il pu faire l'économie, eu égard au contexte budgétaire serré qui est le nôtre, de certaines dépenses fiscales telles que le doublement de la réduction d'impôt sur le revenu sur les intérêts d'emprunt pour acquisition d'une résidence principale, qui doit coûter 220 millions en 2008, puis 800 millions en année pleine ? À titre personnel, je ne pourrai voter une telle disposition. (M. Charles Josselin approuve.)
Ce budget 2008, qui traduit bien la gravité de notre situation économique et financière, doit nous aider à faire comprendre l'ampleur, l'urgence et la nécessité des réformes à conduire. Si l'on ajoute au déficit prévisionnel de fonctionnement, évalué à 21,220 milliards, les 8,8 milliards de la sécurité sociale et les 2,7 milliards du FFIPSA, ce sont près de 33 milliards de dépenses courantes qui seront financées par recours à l'emprunt.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission. - On est loin de l'exigence qui devrait être la nôtre de ne pas financer par l'emprunt de dépenses récurrentes !
Cette indication alarmante est à intégrer aux enseignements de la première publication de la situation patrimoniale de l'État au 31 décembre 2006 : 538 milliards d'actif, 1 131 milliards au passif, dont 893 milliards de dettes financières, soit une situation nette négative de 593 milliards. Si l'on ajoute à cela le fait que les charges de l'État employeur, au titre des pensions de retraite, ne sont pas provisionnées, et représentent un engagement hors bilan de 941 milliards, soit 53 % du PIB, on mesure l'extrême tension de la situation financière de l'État.
C'est dire si nous attendons avec impatience les décisions résultant de la révision générale des politiques publiques, qui, placée sous la responsabilité directe du Président de la République, a pleinement vocation à s'inscrire dans la démarche réformatrice exceptionnelle qui fut déjà celle, en 1959, du Comité Rueff-Armand. C'est à ce prix que nous doterons la France d'une administration performante.
Si la réforme de l'État ne peut plus attendre, nous savons aussi que le redressement est impossible sans le retour de la croissance. Or, nos prélèvements obligatoires, notamment pour le financement des branches santé et famille, altèrent nos chances de la dynamiser en créant des emplois. Notre débat d'il y a quelques jours sur le sujet, riche et éclairant, a été à la hauteur des enjeux, notamment, et je m'en félicite, grâce à la contribution de la commission des affaires sociales.
Le bon pouvoir d'achat est la contrepartie du travail, de la production, non la résultante de dotations publiques : on ne peut impunément augmenter par des artifices la masse salariale. Augmenter la prime pour l'emploi, comme certains le souhaitent ? Si le pouvoir d'achat s'en trouve amélioré, le bénéfice en est vite absorbé par des importations supplémentaires : ma conviction est que la prime pour l'emploi crée plus d'emplois hors de France que sur notre territoire (M. de Rohan approuve).
C'est en brisant le tabou des 35 heures (« Ah ! » sur les bancs de l'U.M.P.), en acceptant de travailler plus selon des modalités moins complexes que celles qui résultent de la loi Tepa que l'on relancera la croissance.
Il semble que les conventions collectives et les innombrables textes règlementaires fassent perdre de son efficacité à cette loi.
Nous devrons aller jusqu'au bout de nos convictions si nous voulons sortir de cette situation. C'est parce que le monde a changé que les réformes ne peuvent plus attendre. La globalisation a périmé des pans entiers de nos législations, de nos réglementations, de nos pratiques. Nous devons désormais chasser les faux-semblants et éviter les gesticulations. La discussion budgétaire est un rendez-vous avec la réalité : cessons de penser qu'en politique la réalité est toujours dans l'opposition. (Mme Bricq s'exclame) C'est ce que nous allons tenter de démontrer pendant la discussion de ce projet de loi de finances, en faisant preuve d'exigence, de confiance, de vigueur et de rigueur, afin de vous aider, madame et monsieur le ministre. (Applaudissements au centre et à droite)
Nos collègues du groupe CRC ayant déposé une motion tendant à opposer une question préalable à ce texte, j'invite les membres de la commission des finances à se réunir à 14 h 45.
La séance est suspendue à midi cinquante.
présidence de M. Christian Poncelet
La séance reprend à 15 h 5.