Travail, emploi et pouvoir d'achat (Urgence - Suite)
M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence en faveur travail de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Motion tendant à opposer la question préalable
M. le président. - Motion n°58, présentée par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 3 du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (n° 390, 2006-2007).
Mme Annie David. - Peu après l'adoption de ce texte à l'Assemblée nationale, un sixième salarié de PSA Mulhouse, victime du stress professionnel, a mis fin à ses jours. Le lendemain, une salariée du siège social d'Areva se suicidait à son tour. Il y a quelques mois le suicide d'un autre salarié a été reconnu comme accident du travail.
La multiplication de ces évènements mériterait un instant de recueillement, parce qu'elle illustre à quel point certains discours portant sur l'insuffisant engagement des salariés dans leur vie professionnelle, sont frappés d'une méconnaissance des réalités !
Les libéraux bien-pensants voudraient aller plus loin dans la précarisation du travail et les allègements fiscaux. Nous sommes confrontés à un texte idéologique, à un texte de classe, destiné à satisfaire une infime minorité de partisans du président de la République. Cela se situe dans le droit fil de ce qui a été fait depuis cinq ans : où est la rupture ?
Les allègements d'impôts profiteront surtout aux plus gros contribuables : les cercles les plus rétrogrades de la bourgeoisie française seront contents.
M. Josselin de Rohan. - Quelle modération...
Mme Annie David. - Ils pourront optimiser leurs patrimoines.
M. Jean Desessard. - Bonne analyse.
Mme Annie David. - En 2005, les droits de succession ont atteint 7,4 milliards d'euros et les donations 1,4 milliard mais on a perçu 530 millions sur les donations en Ile-de-France : la région capitale fournit le tiers de ces droits. Paris, les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine, le Rhône, le Var, les Alpes-Maritimes et la Gironde comptent parmi les plus gros départements pour leur collecte. Les gros patrimoines sont clairement localisables et leur localisation recoupe celle de l'ISF. Encore leur concentration à Paris se réalise-t-elle plutôt au Palais-Royal qu'à la Goutte d'Or.
L'allègement de l'impôt va surtout profiter à des ménages qui n'ont pas besoin qu'avec sollicitude on leur offre une remise de 30 000 euros sur les droits de succession. Certes, la formulation choisie suggère que vous visez les couches moyennes mais les dynasties profiteront de substantielles réductions d'impôts. Il y aura plus de droits pour les petites successions et moins pour les grosses.
M. Henri de Raincourt. - Ce n'est pas vrai.
Mme Annie David. - Où est l'égalité devant l'impôt ? Vous réformez une nouvelle fois l'ISF dont la disparition est programmée sans qu'on le dise car cela ferait mauvais effet.
M. Josselin de Rohan. - Non.
Mme Annie David. - L'ISF s'élève en moyenne à 8 000 euros. La mesure proposée équivaut à une liquidation pure et simple de l'ISF : pour atteindre 50 000 euros à ce titre, il faut un patrimoine de 5,7 millions d'euros. De nouveau, on feint de répondre aux angoisses des petits contribuables à l'ISF par une mesure qui profitera surtout aux plus riches. Dans l'hypothèse où les contribuables choisiraient de financer les PME, celles-ci ne recevraient que 3,2 milliards, bien loin de leurs besoins de financement. Pourquoi avancer masqué et ne pas proposer d'abroger l'ISF ?
M. Josselin de Rohan. - Déposez un amendement.
M. Henri de Raincourt. - Ne vous gênez pas.
Mme Annie David. - Avec un bouclier fiscal ramené à 50 %, ce sera le beurre et l'argent du beurre. L'examen des premiers dossiers est sans équivoque : le bouclier fiscal équivaut à une réduction de l'ISF car c'est cet impôt qui permet d'atteindre le seuil. L'impôt des multipropriétaires de Paris, Lyon ou Bordeaux baissera... mais pas les loyers. Avec un taux de 50 %, les plus riches seront en situation de se faire rembourser leur légitime contribution à la sécurité sociale. Quelle rupture de l'égalité devant l'impôt et du pacte républicain ! Le bouclier fiscal rétablit les privilèges abolis il y a plus de deux siècles.
Contrairement au revenu de solidarité active de M. Hirsch qui sera expérimenté, on ne dispose pas de la moindre évaluation et devant le faible nombre de contribuables qui ont sollicité son bénéfice, l'administration doit, effort surréaliste !, écrire à tous les assujettis pour les inviter à le faire.
Que pèsent, à côté, la déductibilité des intérêts d'emprunts immobiliers et la défiscalisation des heures supplémentaires, ces autres mesures phares ? Et je ne parle pas du revenu de solidarité active, raccroché au paquet fiscal pour des raisons d'affichage politique. Il fallait cacher l'indécente primauté accordée aux plus gros patrimoines et aux plus hauts revenus. A la stupéfaction générale, le gouvernement s'est en effet rendu compte qu'il n'y avait que 120 000 successions imposables l'an et 400 000 assujettis à l'ISF mais 20 millions de salariés, pour lesquels il faudrait peut-être faire quelque chose. On a donc mis en place d'une part un dispositif poussant à l'intensification du travail et aggravant sa pénibilité, d'autre part un mécanisme asservissant les ménages salariés aux établissements financiers. Vous ne distribuez pas du pouvoir d'achat aux salariés, vous renforcez leur exploitation.
De cette société qui allège l'impôt des plus riches et renforce les contraintes qui pèsent sur le plus grand nombre, nous ne voulons pas. (Applaudissements à gauche)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je pourrais reprendre chacun de vos arguments....
M. Charles Gautier. - Faites-le.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - ... mais la commission a correctement fait son travail, en examinant le texte article après article et en adoptant des amendements pour le parfaire. Elle souscrit à l'orientation du projet. Nous nous tenons loin des caricatures d'un autre temps que vous nous avez présentées et je ne veux pas tomber dans le piège d'une controverse idéologique. Je suis très impatient d'examiner concrètement les articles et, pour cela, il faut rejeter cette motion.
M. Charles Gautier. - Cela manque d'arguments.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis que la commission.
M. Bernard Vera. - Le choc fiscal que vous nous proposez serait destiné à rétablir la confiance pour relancer la croissance mais le doute est largement répandu sur la pertinence du dispositif.
Dans La Tribune, Patrick Artus écrit : « La défiscalisation des heures supplémentaires fait apparaître à la fois des effets d'aubaine et d'éviction. Des heures supplémentaires qui auraient été de toute manière effectuées vont être défiscalisées, ce qui est bien un effet d'aubaine. La substitution d'heures supplémentaires aux nouvelles embauches est bien un effet d'éviction. Dans le cas de la déductibilité des intérêts d'emprunt, il apparaît potentiellement un important effet d'aubaine pour tous les achats immobiliers qui auraient été réalisés sans cette mesure.
Quant à Thomas Piketty...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Que voilà un illustre économiste ! Le conseiller de Mme Royal ...
M. Bernard Vera. - ... il indique : « Le paquet fiscal coûte extrêmement cher, probablement 15 à 20 milliards, et ne se justifie pas du point de vue économique. On va dépenser 6 milliards, en pur effet d'aubaine sur les heures supplémentaires, tout en créant une énorme niche fiscale. Notre système fiscal, déjà injuste et opaque, n'en avait pas besoin. »
Jacques Le Cacheux précise que « ne pas taxer le patrimoine nuit à la mobilité sociale » et souligne le « caractère néfaste pour le dynamisme de l'économie de l'inertie des situations acquises et d'une économie de rentiers. »
Le gouvernement, au lieu de créer les conditions d'une croissance économique saine et durable, préfère répondre dans l'immédiat aux attentes d'une frange extrêmement limitée de la population, la plus fortunée. Ce paquet fiscal est à mille lieues d'une réforme qui ferait de la fiscalité un outil de la croissance.
Les allégements fiscaux ont un coût immédiat, celui de la réduction drastique de la dépense publique. Le rapport est sans équivoque là-dessus : les moins-values de recettes doivent être compensées par des réductions de dépenses à due concurrence !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est leur grande vertu !
M. Robert Bret. - Pour qui ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pour réduire la dépense publique.
M. Bernard Vera. - Imaginez que l'effet d'éviction joue à plein et que les entreprises décident d'utiliser le plafond existant en matière d'heures supplémentaires. Ce ne serait pas 6 milliards d'euros de moins-values fiscales et sociales que nous aurions mais 12, 15, voire 20. Où trouver l'argent? Allez expliquer que, pour réduire l'impôt sur la fortune de quelques milliers de privilégiés et restaurer la rentabilité financière des entreprises, il faudra réduire les crédits pour rénover les cités HLM...
M. Josselin de Rohan. - Ça commence !
M. Bernard Vera. - ... fermer les écoles,
M. Henri de Raincourt. - Ça continue !
M. Bernard Vera. - ...dissoudre les juridictions d'instance dans un certain nombre de sous-préfectures, réduire les crédits destinés au financement des transports ferroviaires...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pleurons ensemble !
M. Bernard Vera. - ... remettre en cause les aides directes à l'agriculture. Votez ce texte, mais ne venez pas ensuite vous plaindre amèrement de la réduction de la dépense publique au détriment de ceux qui n'auront pas fait jouer le bouclier fiscal ou la défiscalisation des heures supplémentaires parce que leur salaire est trop faible pour qu'ils soient concernés par ces dispositifs.
Demandez-vous seulement combien coûtera à la collectivité nationale de laisser 40 000 jeunes sans emploi.
M. Josselin de Rohan. - Ce n'est plus une explication de vote, c'est un discours !
M. Michel Charasse. - Une explication de vote à 15 milliards !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Treize !
M. Bernard Vera. - Hier, le président Arthuis « exprimait un doute sérieux » sur le « choc de confiance et de croissance » que le gouvernement attend de ce projet de loi ; dans un quotidien économique, il se dit « réservé » sur la déductibilité des intérêts d'emprunt, sur la défiscalisation massive des mutations, sur l'extension et le renforcement du bouclier fiscal.
Il vous reste donc à voter cette question préalable !
La motion n° 58 n'est pas adoptée.
Articles additionnels
M. le Président. - Amendement n°59, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Avant l'article premier, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches » est abrogée.
Mme Annie David. - Un tel débat ne peut se dispenser de porter également sur la question essentielle de la qualité des relations contractuelles de travail.
Créé par ordonnance au milieu de l'été 2005, le contrat nouvelle embauche participe d'une entreprise de destruction sans précédent du code du travail. Il contrevient directement à la Charte sociale européenne et à la Convention 158 de l'Organisation internationale du travail. La Cour de cassation s'est estimée compétente pour apprécier cette convention et le récent jugement de la cour d'appel de Paris va dans le même sens.
De plus, ce contrat fait de la France le pays européen où le marché du travail devient le plus déréglementé et le moins protecteur pour ses salariés. Il n'a pas fait la preuve de son effectivité économique, puisqu'il s'est substitué à des embauches qui auraient été effectuées. Il n'a eu pour effet que d'augmenter les recours devant les prud'hommes. Les entreprises sont de plus en plus méfiantes comme le prouve la très sensible réduction du nombre de contrats signés. Le CNE méconnaît certains droits élémentaires du travailleur, allant même jusqu'à les mépriser.
En permettant un retour au contrat journalier qui dominait jusqu'au début du XXe siècle, le CNE balaie deux siècles de progrès en matière du droit du travail, deux siècles qui avaient d'abord vu disparaître le contrat de louage de services, puis reculer le contrat journalier au profit de contrats plus longs jusqu'à ce que le CDI soit instauré comme norme en 1979. Cette désorganisation sans précédent des rapports salariaux, au profit exclusif des entrepreneurs n'est pas acceptable.
M. le Président. - Amendement identique n°162, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches est abrogée.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Nous n'avons pas voulu risquer de décevoir le Sénat en omettant de saisir l'occasion qui nous est offerte de demander l'abrogation du contrat nouvelle embauche. Nous avions indiqué les raisons, juridiques et sociales, qui nous faisaient rejeter ce nouveau type de contrat. L'avenir nous a donné raison. Le gouvernement de M. de Villepin, puis celui de M. Fillon vont de déboire en déconvenue sur cette affaire. Personne -pas même le Medef- ne demandait officiellement l'introduction de cet Ovni juridique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le patronat n'est pas toujours courageux...
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Le CNE n'a fait l'objet d'aucune concertation, il a suscité l'opposition des syndicats unanimes. Il a provoqué des recours devant les tribunaux, qui ont abouti aux décisions que chacun connaît. La ville de Longjumeau y a d'ailleurs gagné une nouvelle célébrité, après celle qu'elle devait à son postillon. Malgré les manoeuvres du précédent gouvernement pour donner compétence au juge administratif pour juger de CNE, le tribunal des conflits a donné compétence au juge judiciaire. La cour d'appel de Paris confirme que le CNE est contraire à la Convention 158 de l'OIT.
Voilà pour le droit. Disons aussi un mot des faits et de la brillante réussite de cette opération. En 2006, il y a eu dix-sept millions d'intentions d'embauche, dont 505 000 en CNE. Le CNE a représenté 7,3 % des embauches dans les petites entreprises l'an passé. Mais, sur ces 7,3 %, le CNE ne représente que 10 % des créations nettes de postes. De surcroît, 50 % des salariés embauchés en CNE ne sont plus dans l'entreprise un an après. Autrement dit, le CNE couvre 90 % des embauches de substitution de CDI ou même de CDD. Sur le plan de l'emploi, il n'a rien apporté. Il n'est qu'un contrat précaire, le plus précaire de toute la panoplie préexistante. II serait donc plus raisonnable de l'abroger purement et simplement. Si une réflexion doit avoir lieu sur le contrat de travail, elle doit passer par un vrai dialogue social, avec l'ensemble de syndicats.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce projet de loi est un texte fiscal.
M. Henri de Raincourt. - Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Par conséquent, tous les amendements qui visent à modifier le droit du travail seront rejetés par la commission. De surcroît, abroger brutalement le CNE comme vous le proposez reviendrait à laisser des dizaines de milliers de personnes sans travail.
M. Jean Desessard. - Sans contrat, pas sans travail !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Monsieur Desessard, être social, c'est d'abord donner du travail, et non créer de la précarité ! (Applaudissements à droite)
M. Charles Gautier. - Vous fabriquez des otages !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je partage l'avis du rapporteur général. J'ajoute que, pour modifier le droit du travail, il faut désormais, selon la loi du 30 janvier 2007, procéder à une négociation préalable. En outre, on ne peut affirmer que le CNE est contraire à la Convention 158 de l'OIT tant que la décision de la Cour d'appel de Paris n'aura pas été confirmée et que le BIT ne se sera pas prononcé. Enfin, les partenaires sociaux, depuis le 4 juillet dernier, se penchent sur la sécurisation des parcours professionnels et auront le loisir de discuter des vertus et des inconvénients de chaque contrat de travail. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°59, identique à l'amendement n°162, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°154, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller.
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus du salarié d'exécuter des heures supplémentaires à l'initiative de son employeur ne peut être considéré comme une faute ou un motif de licenciement. »
M. Jean Desessard. - Le régime des heures supplémentaires ne doit pas être contraignant pour le salarié. Avec cet amendement, nous proposons d'élargir une disposition du code du travail qui prévoit que le refus d'effectuer des heures supplémentaires, au-delà des limites fixées par le contrat, ne peut être considéré comme une faute grave ou un motif de licenciement. Je ne comprendrai pas que mon amendement soit rejeté : M. Sarkozy a focalisé sa campagne présidentielle sur la liberté de travailler, autrement dit le droit de travailler ou non !
M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. - Il ne faut pas confondre heures complémentaires et heures supplémentaires !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Défavorable : cet amendement vise à modifier le droit du travail.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis. De plus, l'organisation du travail et, partant, la fixation des heures supplémentaires relèvent des prérogatives du chef d'entreprise. (Exclamations à gauche) Si les heures supplémentaires prennent un caractère permanent, le salarié a déjà les moyens légaux de les refuser.
L'amendement n°54 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°165, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 212-6-1 du code du travail est abrogé.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Il faut supprimer cette bizarrerie juridique que sont les heures choisies. Pensez-vous que les salariés, surtout dans les PME, font la différence entre heures supplémentaires et heures choisies ? Au reste, pourquoi avoir créé ce dispositif quand le contingent annuel des heures supplémentaires avait été porté à 220 en 2004 et qu'un salarié effectue en moyenne 55 heures supplémentaires par an ? En définitive, n'a-t-il pas été conçu pour les secteurs du BTP, de la restauration et des transports qui peinent à recruter ? Ces heures choisies, limitées à 48 heures par semaine ou 44 heures en douze semaines sans être assorties d'un repos compensateur obligatoire, font courir de graves risques à la santé et à la sécurité des salariés et peuvent à terme creuser le déficit de la branche accident du travail-maladie professionnelle de l'assurance maladie alors que d'autres désespèrent de trouver un emploi. Ce système incohérent relève du bricolage idéologique précipité, et non d'une politique réfléchie de l'emploi.
L'amendement n°165, repoussé par la commission et le gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°163, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 220-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les salariés ayant conclu une convention de forfait annuel en jours au sens du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail bénéficient d'un repos quotidien d'une durée de treize heures consécutives. »
Mme Patricia Schillinger. - Ce texte va aggraver la situation des travailleurs soumis au forfait annuel en jours. Au reste, le comité européen des droits sociaux a confirmé que ce système du forfait est contraire à la Charte sociale européenne que la France a ratifiée. Pour des conditions de travail tolérables, nous proposons de porter le repos quotidien à treize heures consécutives au lieu de onze.
M. Philippe Marini, rapporteur général - A mon grand regret, avis défavorable pour les mêmes raisons.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis.
L'amendement n°163 n'est pas adopté.
M. Jean Desessard. - Quel beau débat ! (Rires)
M. le président. - Amendement n°164, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le début du deuxième alinéa de l'article L. 221 4 du code du travail est rédigé comme suit :
« Les salariés ayant conclu une convention de forfait annuel en jours au sens du III de l'article L. 212 15 3 du code du travail,... (le reste sans changement)
Mme Patricia Schillinger. - Même logique : les salariés au forfait en jours doivent bénéficier de 48 heures de repos consécutifs, au lieu de 36 heures aujourd'hui.
Depuis 2003, sous l'impulsion de votre politique de flexibilité et du développement des nouvelles technologies, les forfaits, réservés aux cadres autonomes, ont été étendus à de nombreux salariés et le travail nomade s'est généralisé. Les salariés n'en peuvent plus, ce dont témoigne la sinistre actualité des usines automobiles. Faire miroiter une augmentation de revenu n'empêchera pas que les travailleurs, y compris les cadres, « décrochent ». Mais vous persistez à insinuer que nos compatriotes sont des fainéants et à mener une politique de régression sociale qui consister à faire travailler les salariés au-delà de leur capacités pour gagner une aumône tout en offrant 15 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches ! (M. Jean Desessard et Mme Gisèle Printz applaudissent.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'opposition a tort d'oublier le mécontentement éprouvé par un grand nombre de personnes, en 2002, du fait de la perte de pouvoir d'achat consécutive aux 35 heures, ce qui a été pour beaucoup dans l'échec de Lionel Jospin à la présidentielle de 2002. Tout ce que vous dites va contre les principes que nous défendons, l'initiative et la responsabilité, tout ce que vous dites, en tentant de nous tirer les larmes des yeux avec des accents à la Zola -un Zola de bas étage- tout cela n'est pas de nature à favoriser un vrai débat. Notre intention n'est pas de réformer le code du travail, mais de créer un cadre économique et social propice à la croissance et à l'entreprise. Avis défavorable.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis. Cet amendement modifierait le code du travail et introduirait une discrimination entre les salariés au forfait et les autres.
M. Jean Desessard. - Pour une fois, je suis partiellement d'accord avec le rapporteur général : en 2002 le partage du travail a été mal accepté, mais uniquement parce qu'il n'était pas couplé avec un partage des richesses. C'est pourquoi toute amélioration du code par le partage du travail doit être liée à un partage des richesses par le biais d'une réforme fiscale.
L'amendement n°164 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°166 rectifié, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Chaque heure complémentaire donne lieu à une majoration de 25 % pour les huit premières heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire ou pour les trente quatre première heures de la durée mensuelle fixée au contrat. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % ».
II. 1° La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
2° La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme Bariza Khiari. - Je connais d'avance le sort de mon amendement mais aucun combat n'est gagné s'il n'est pas mené. D'autant que cet amendement se situe dans la logique du rapport de Mme Gautier, présidente de notre Délégation aux droits des femmes, relatif à l'égalité salariale.
Il n'existe aucune justification à ce que les heures complémentaires des salariés à temps partiel ne bénéficient pas de la même majoration que les heures supplémentaires des salariés à temps complet. Et cela d'autant plus que les salariés à temps partiel sont en majorité des femmes qui assument souvent des charges de famille et souhaitent allonger leur temps de travail pour gagner plus. (Applaudissements sur les bancs socialistes).
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis défavorable à cet amendement qui va contre les objectifs du projet de loi et modifie le code du travail.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis. Mais il serait faux de dire que ce régime des heures supplémentaires ne concerne pas les temps partiels. Au-delà des heures supplémentaires prises en compte par l'article L-212-4.4, le nouveau régime s'applique.
M. Gérard Delfau. - Merci, madame la ministre, de nous répondre, contrairement au rapporteur général qui ne veut pas entendre ce qui fait le fond du débat. Votre réponse illustre bien la complexité de cet article premier, qui est telle, que je suis bien incapable de savoir si votre argumentation est, ou non, pertinente. J'ai cependant le sentiment que la question est importante et qu'elle devra trouver une réponse, soit dans ce texte, soit dans le projet de loi auquel vous dites songer.
Mme Annie David. - Si je vous comprends bien, madame la ministre, les heures complémentaires effectuées au-delà de 10 % d'un contrat à temps partiel seront rémunérées à 125 % ?
Mme Christine Lagarde, ministre. - C'est cela : dans un contrat de 20 heures, dix pour cent, c'est-à-dire deux heures, seront rémunérées comme les autres mais, à partir de la 23 ème, les heures complémentaires seront majorées de 25 %.
L'amendement n°166 rectifié n'est pas adopté.
Article 1er
I. - Après l'article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :
« Art. 81 quater. - I. - Sont exonérés de l'impôt sur le revenu :
« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies au premier alinéa des articles L. 212-5 du code du travail et L. 713-6 du code rural, au quatrième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail, au dernier alinéa de l'article L. 713-15 du code rural et au I et au premier alinéa du II de l'article L. 212-9 du code du travail, des heures choisies mentionnées aux articles L. 212-6-1 du même code et L. 713-11-1 du code rural, des heures considérées comme des heures supplémentaires en application du cinquième alinéa de l'article L. 212-7-1 du code du travail et du cinquième alinéa de l'article L. 713-8 du code rural, et, pour les salariés relevant du II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application du troisième alinéa de l'article L. 212-4-7 du même code.
« L'exonération mentionnée au premier alinéa est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours mentionnées au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné au premier alinéa du même III, à des jours de repos dans les conditions prévues à ce même alinéa ; elle s'applique de même, dans les entreprises de vingt salariés au plus, aux salaires versés en application du II de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, permettant aux salariés de renoncer à une partie des journées ou demi-journées de repos accordées en application de l'article L. 212-9 du code du travail ou du III de l'article L. 212-15-3 du même code ou d'effectuer des heures au-delà de la durée prévue par la convention de forfait conclue en application des I ou II de l'article L. 212-15-3 du même code ;
« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-4-3 et au premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail ou définies à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 212-4-3 du même code applicable à la date de publication de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;
« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu'ils réalisent ;
« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles et par les articles L. 773-1 et suivants du code du travail au titre des heures supplémentaires qu'ils accomplissent au-delà d'une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures ou au titre des heures complémentaires, au sens de la convention collective qui leur est applicable, qu'ils accomplissent ;
« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu'ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;
« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu'ils effectuent.
« II. - L'exonération prévue au premier alinéa du I s'applique :
« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :
« a) Des taux prévus par la convention collective ou l'accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;
« b) À défaut d'une telle convention ou d'un tel accord :
« - pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus aux I de l'article L. 212-5 du code du travail et de l'article L. 713-6 du code rural ;
« - pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;
« - pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue au II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle et le nombre d'heures de travail prévu dans le forfait ;
« - pour les forfaits mentionnés au second alinéa du 1° du I du présent article, de 25 % de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait ;
« 2° Aux rémunérations mentionnées au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.
« III. - Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d'autres éléments de rémunération au sens de l'article 79, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.
« De même, elles ne sont pas applicables :
« - à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens du septième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail et ne sont pas intégrées de manière définitive à l'horaire contractuel de travail ;
« - à la rémunération d'heures qui n'auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 27 juin 2007, de la durée maximale hebdomadaire ou du plafond mentionnés au quatrième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail et au dernier alinéa de l'article L. 713-15 du code rural ou du plafond mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 212-9 du code du travail ;
« - à la rémunération d'heures supplémentaires mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail ou au dernier alinéa de l'article L. 713-15 du code rural et effectuées, le cas échéant, au-delà du plafond fixé par un accord d'entreprise ou d'établissement et en deçà de 1 607 heures dans des entreprises ou des établissements pour lesquels ces accords ont été conclus après le 27 juin 2007.
« IV. - Supprimé.................................................................. »
II. - Dans le troisième alinéa du 1 de l'article 170 et dans le c du 1° du IV de l'article 1417 du même code, avant la référence : « 81 A », est insérée la référence : « 81 quater, ».
III. - Après le e du 3° du B du I de l'article 200 sexies du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les revenus exonérés en application de l'article 81 quater sont retenus pour l'appréciation du montant des revenus définis au a. »
IV. - Après l'article L. 241-16 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux articles L. 241-17 et L. 241-18 ainsi rédigés :
« Art. L. 241-17. - I. - Toute heure supplémentaire ou complémentaire ou toute autre durée de travail effectuée, lorsque sa rémunération entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par cet article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.
« Le premier alinéa est applicable aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa.
« II. - La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peut dépasser ce montant.
« III. - Le cumul de la réduction prévue au I avec l'application d'une exonération totale ou partielle de cotisations salariales de sécurité sociale ou avec l'application de taux réduits, d'assiettes forfaitaires ou de montants forfaitaires de cotisations ne peut être autorisé, dans la limite mentionnée au premier alinéa du I, que dans des conditions fixées par décret compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les salariés concernés.
« IV. - Le bénéfice de la réduction prévue au I est subordonné à la mise à la disposition des agents du service des impôts compétent ou des agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 du présent code et à l'article L. 724-7 du code rural, par l'employeur, d'un document en vue du contrôle de l'application des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-5-3, L. 133-5-5, L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code et à l'article L. 812-1 du code du travail, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret.
« Art. L. 241-18. - I. - Toute heure supplémentaire ou toute autre durée de travail, à l'exception des heures complémentaires de travail définies aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-4-3 et au premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail, effectuée par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13 du présent code, lorsque sa rémunération entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.
« II. - Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l'article 81 quater du code général des impôts.
« II bis. - Les déductions mentionnées aux I et II sont imputées sur les sommes dues par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural, pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peuvent dépasser ce montant.
« III. - Les déductions mentionnées aux I et II sont cumulables avec des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l'employeur au titre de l'ensemble de la rémunération du salarié concerné.
« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II du présent article est subordonné au respect des conditions prévues au III de l'article 81 quater du code général des impôts.
« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I du présent article est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.
« IV. - Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des obligations déclaratives prévues par le IV de l'article L. 241-17. »
V. - L'article L. 241-13 du même code est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du premier alinéa du III est complétée par les mots : « les heures supplémentaires étant prises en compte en majorant leur nombre par le taux de la majoration qui est appliqué à leur rémunération, dans la limite des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au I de l'article L. 212-5 du code du travail et à l'article L. 713-6 du code rural » ;
2° Le V est ainsi modifié :
a) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° Avec les déductions forfaitaires prévues à l'article L. 241-18 ; »
b) Le 4° est abrogé ;
c) Dans le dernier alinéa, le mot et la référence : « et 2° » sont remplacés par le mot et la référence : « à 3° ».
V bis. - 1. L'article L. 131-4-1 du code de la sécurité sociale, tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, devient l'article L. 131-4-2 du même code.
2. Le dernier alinéa du IV de l'article L. 131-4-2 du même code, tel qu'il résulte du 1, et la dernière phrase du III bis de l'article L. 241-10 du même code sont complétés par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 ».
3. Dans le dernier alinéa de l'article L. 241-6-4 du même code, après les mots : « à l'exception », sont insérés les mots : « de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 et ».
4. Le dernier alinéa de l'article L. 241-14 du même code est complété par les mots : « et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 ».
5. Le IV bis de l'article L. 752-3-1 du même code est complété par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 ».
V ter. - Le sixième alinéa de l'article L. 981-6 du code du travail est complété par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».
V quater. - 1. Le deuxième alinéa du VI de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville et le VI de l'article 131 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) sont complétés par les mots : « , à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».
2. Le neuvième alinéa du VII de l'article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est complété par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».
VI. - Le livre VII du code rural est ainsi modifié :
1° Dans l'article L. 741-4, le mot et la référence : « et L. 241-13 » sont remplacés par les références : «, L. 241-13 et L. 241-18 » ;
1° bis Le troisième alinéa de l'article L. 741-5 est complété par les mots : « et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale » ;
2° Dans l'article L. 741-15, les mots : « de l'article L. 241-13 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 241-13, L. 241-17 et L. 241-18 » ;
3° Dans le dernier alinéa des articles L. 741-15-1 et L. 741-15-2, la référence : « L. 241-13 » est remplacée par la référence : « L. 241-18 ».
VI bis. - Le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel sont informés par l'employeur de l'utilisation du volume d'heures supplémentaires effectuées par les salariés de l'entreprise ou de l'établissement. Un bilan annuel portant sur l'utilisation du contingent annuel d'heures supplémentaires et de son évolution est transmis à cet effet.
VII. - Le I de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise est abrogé, ainsi que le III en tant qu'il s'applique au I.
VII bis. - Le décret mentionné au I de l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale peut prévoir une majoration, jusqu'au 31 décembre 2008, du montant de la déduction forfaitaire qu'il fixe pour les entreprises de plus de vingt salariés auxquelles est applicable le régime dérogatoire prévu au II de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.
VIII. - Les I à V et le VI sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail accomplies à compter du 1er octobre 2007. Le VII entre en vigueur à la même date.
IX. - Le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur l'évaluation de l'application du présent article avant le 31 décembre 2008. Ce rapport rendra notamment compte :
- de l'évolution du nombre d'heures supplémentaires, complémentaires et choisies constatée à l'échelle nationale et par branche d'activité ;
- de l'impact sur l'économie nationale et les finances publiques de cette évolution ;
- de l'évolution des salaires dans les entreprises selon l'importance de leur recours aux heures supplémentaires, complémentaires et choisies ;
- des conséquences du présent article pour l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics en tant qu'employeurs.
X. - Les IV, V, VI, VII et VIII s'appliquent de façon identique à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Mme Annie David. - Cet article consacre le slogan des présidentielles « Travailler plus pour gagner plus » ! Mais quoi de plus normal qu'en travaillant plus, gagner plus ? En réalité, cet article n'est qu'un leurre -qui plus est hypocrite puisque vous prétendez ne pas toucher aux 35 heures- destiné à faire croire aux salariés les plus modestes que vous leur offrez un cadeau inespéré, un véritable pont d'or. En premier lieu, vous présentez la défiscalisation des heures supplémentaires comme juste alors qu'elle est, au contraire, profondément injuste : cette loi n'est pas « destinée à tous ceux qui travaillent, quels que soient leurs revenus » puisqu'elle écarte d'emblée tous les contrats précaires et les salariés qui, percevant un faible salaire, ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu. Il est vrai qu'en commission, le rapporteur Alain Vasselle m'a assurée que ces salariés auraient aussi un gain, puisqu'ils n'auront pas à payer de cotisations sociales sur leurs heures supplémentaires ! Quel gain formidable ! Et les allégements seront d'autant plus faibles que les salaires seront bas, ce qui privilégiera les plus hauts salaires. Même la Cour des comptes ne vous suit pas : dans son rapport à la Commission des finances de l'Assemblée nationale, non publié mais révélé par la presse en août 2006, elle dénonce la surenchère des politiques d'allégements des charges patronales depuis 2005, très coûteuses et incontrôlées, et elle critique le manque d'évaluation de leur efficacité sur l'emploi.
De plus, le choix de « travailler plus pour gagner plus » n'appartient pas au salarié et, dans certains secteurs d'activités le quota d'heures supplémentaires prévu par la loi n'est même pas utilisé en totalité ! Le scénario KRONENBOURG ne devrait-il pas vous inciter à plus d'humilité ? S'agissant des salariés à temps partiel, je prends acte de l'information que vous venez de nous donner.
Vous affirmez ensuite favoriser l'emploi en faisant travailler plus ceux qui ont déjà un emploi. Autre tromperie et nombreux sont ceux qui vous l'ont dit : syndicats, membres du Conseil d'analyse économique, économistes. Ils jugent cet article contre-productif pour l'emploi, affirmant que vous encouragez les employeurs à avoir recours aux heures supplémentaires plutôt qu'à l'embauche. En commission, M. Vasselle nous a indiqué « que c'est en augmentant la durée moyenne de travail que l'on parviendra à une baisse durable du chômage et à un taux de croissance plus élevé », tout en prétendant qu'il ne s'agissait pas d'idéologie.
Si vous n'exprimez pas là la pensée des tenants du libéralisme le plus classique, cela y ressemble bigrement ! D'après l'INSEE, « le processus de RTT a conduit (...) à un rapide enrichissement de la croissance en emplois, de près de 350 000 postes sur la période 1998-2002, et (...) sans déséquilibre financier apparent pour les entreprises ». Même le Medef parle de 200 000 emplois créés par les 35 heures ! Autre tromperie, vous prétendez faire du salarié « le grand gagnant » mais vous savez que le gain de pouvoir d'achat de quelques-uns sera illusoire et de courte durée ! Les euros supplémentaires, gagnés en travaillant plus, seront aussitôt perdus, non seulement par le blocage du salaire de base, mais également par l'augmentation du coût de la vie, avec notamment de nouvelles franchises médicales : la mise en place d'un « bouclier sanitaire » n'est-elle pas évoquée ?
M. Thierry Repentin. - Eh oui !
Mme Annie David. - Vous nous l'avez dit, ces heures supplémentaires abonderont le revenu fiscal de référence. Avez-vous prévu une étude d'impact pour en vérifier les effets auprès des salariés, en termes d'augmentation du quotient familial ou encore d'exonération de taxe d'habitation ? Le pouvoir d'achat de nos concitoyens sera rogné par des augmentations fiscales inéluctables, car personne ne croit plus au retour de la croissance ! Or, avec une diminution des recettes de l'État, 6 milliards d'euros sur trois ans pour ce seul article en tablant sur un même volume de travail, et plus de 13 milliards d'euros par an sur l'ensemble du texte, ce n'est qu'en réduisant les dépenses ou en créant de nouvelles recettes que votre gouvernement parviendra à limiter les dégâts ! Malgré l'impopularité de votre projet de TVA sociale, nous ne sommes pas dupes du devenir que vous lui réservez, bien que vous soyez contrainte à avancer masquée... Et les réductions de personnel de la fonction publique ne sont pas étrangères à ce texte ! Inévitablement, celles et ceux qui auront cru en vos belles promesses paieront ces défiscalisations !
Mme Bariza Khiari. - La défiscalisation des heures supplémentaires que vous proposez traduit dans le droit du travail, ou plutôt, pardonnez-moi, dans le droit fiscal...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Eh oui !
Mme Bariza Khiari. - ... votre leitmotiv simple, voire simpliste : « travailler plus pour gagner plus » ! Ce slogan cache un leurre grossier et un danger réel.
Vous ne redonnerez pas de pouvoir d'achat aux salariés et vous le savez. Les heures supplémentaires existent déjà et ne sont que peu utilisées. Votre majorité a déjà relevé le contingent légal d'heures supplémentaires. Pourtant, la durée hebdomadaire du travail est restée stable, et il y a fort à parier que les heures supplémentaires ne seront pas plus utilisées demain ! Si vous aviez voulu réellement donner du pouvoir d'achat aux Français, la mesure la plus simple et la plus juste eût été de donner un réel coup de pouce au SMIC...
M. Josselin de Rohan. - Jospin ne l'a pas fait !
Mme Bariza Khiari. - Votre objectif réel n'est donc pas l'augmentation du pouvoir d'achat des travailleurs, c'est de mettre fin aux 35 heures ! Cela ne créera pas d'emplois. Les employeurs ne seront pas incités à embaucher et les conditions de travail des employés des ouvriers, déjà difficiles, s'en trouveront encore dégradées.
Votre dispositif est également contraire aux principes d'égalité, puisque vous introduisez une discrimination flagrante entre les salariés, selon qu'ils auront ou non la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires. Votre texte est donc inégalitaire, inefficace et coûteux. Les économistes parlent de 6 milliards d'euros à volume constant d'heures supplémentaires. Vous ne pourrez pas continuer à ignorer les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques. À terme, il ne fait aucun doute que vos cadeaux fiscaux d'aujourd'hui devront être compensés, soit par une hausse de la TVA, que vous avez déjà évoquée ; soit par de nouvelles restrictions de dépenses, au détriment des services publics.
Vous savez très bien qu'une politique de l'emploi digne de ce nom devrait être fondée sur des objectifs d'insertion dans le marché du travail des populations les plus fragiles : les jeunes, les seniors, les femmes. Cet article révèle la rhétorique simpliste de votre majorité. Nous ne pouvons y adhérer. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
M. Jean Desessard. - Vous tentez de justifier la défiscalisation des heures supplémentaires par l'amélioration de la compétitivité des entreprises, cela reste à vérifier ; par l'amélioration de la condition des salariés, et je m'inscris en faux contre cette assertion.
L'incitation aux heures supplémentaires aura pour effet de creuser le déficit budgétaire, ce qui se traduira, pour les salariés, par moins de service public, donc moins de pouvoir d'achat collectif, par le déficit des comptes sociaux, donc moins de prestations.
Votre incitation accroîtra aussi la pénibilité et la souffrance au travail et découragera l'embauche. Faire des heures supplémentaires dévalorise le travail, car cela signifie que les heures de travail normal ne suffisent pas à vivre. Faire des heures supplémentaires ne résoudra pas le problème du chômage, ce qui exigerait d'augmenter globalement le temps de travail effectué, alors que la durée réelle du travail est aujourd'hui de 38,8 heures, en moyenne, pour un emploi à plein temps.
C'est donc un « partage du travail » sauvage qui s'est mis en place : 3 millions de personnes font zéro heure par semaine -les chômeurs- 19 millions travaillent plein pot, et souvent trop, 4 millions sont à temps partiels.
Faire des heures supplémentaires peut être dangereux. L'état de santé au travail se dégrade du fait de l'intensification du travail, d'autant que les personnes qui ont le plus besoin d'une augmentation de salaire sont celles qui effectuent les métiers les plus difficiles.
Pour les écologistes, le travail n'est pas une fin en soi. (M. de Rohan s'exclame) le gouvernement ne veut pas voir que nous ne pouvons pas avoir une croissance exponentielle. Il faut tenir compte des limites de la planète. Vous avez d'un côté le discours du Grenelle et de l'autre le discours économique et social : il faut mettre les deux ensemble...
M. Josselin de Rohan. - Dites-le à vos camarades !
M. Jean Desessard. - Travailler plus pour gagner plus, c'est vivre moins ! Nos concitoyens ont besoin de vivre mieux ! Il y a des augmentations de salaire qui sont synonymes de stress, de dégradation des conditions de travail, des comptes publics, du trou de la Sécu, des services publics et des ressources naturelles...
M. Henri de Raincourt. - Ben voyons !
M. Jean Desessard. - Il doit être aussi question de la définition de la richesse. Notre rapporteur général nous a désigné le paradis européen : la Grèce et ses 2 053 heures de travail par an ! À quand la Chine ? À l'inverse, évitons ce repoussoir de l'Allemagne et de ses 1 437 heures ! La vraie richesse, le vrai confort, c'est quand même de travailler moins !
La première action à mettre en oeuvre, pour que le « travailler plus » aboutisse au « gagner plus », c'est de rémunérer les heures supplémentaires qui ne sont pas payées. Et ce n'est pas la loi qui peut intervenir, mais les inspecteurs du travail, sur le terrain. Or nous n'avons que 1 400 inspecteurs de travail pour 2,5 millions d'entreprises. Il faudrait doubler ou tripler ce nombre. Et les médecins comme les infirmiers des hôpitaux font tant d'heures supplémentaires non payées ! Là encore, il faudrait favoriser la formation, pour qu'il y ait davantage de praticiens de la santé.
En réalité, vous voulez vous affranchir de la loi des 35 heures, les remettre en cause à la carte, selon le bon vouloir du chef d'entreprise.
Mme Nicole Bricq. - Dans votre intervention liminaire, madame la ministre, vous avez beaucoup insisté sur la valeur travail. Je ne refuse pas ce débat, mais je ne pose pas le diagnostic au même endroit que vous. Votre majorité est obnubilée par la « contrainte » des 35 heures. (M. César s'exclame) c'est un mauvais diagnostic. Le problème, nous le savons, c'est celui de la place du facteur travail dans notre appareil productif. C'est le volume global de travail qui est en cause et non pas le nombre d'heures travaillées. Nous savons très bien que c'est au début et à la fin de la vie active qu'il y a le plus de difficultés.
Les jeunes qui vont travailler en Angleterre ne sont pas tous traders. Nous connaissons tant de jeunes filles et des jeunes gens, pas forcément tous diplômés, à qui notre appareil productif français ne fait pas confiance, en particulier à ceux dont la peau est un peu moins blanche que la mienne !
Vous étiez déjà ministre, madame, lorsque vous avez mis en place le contrat senior. Ce fut un échec parce que les entreprises n'y ont pas eu recours : elles ne font pas confiance aux plus de 45 ans, elles ne les forment plus, je sais de quoi je parle ! Elles forcent au départ, parce qu'elles estiment qu'ils coûtent trop cher !
Le coût de la mesure que vous proposez, son périmètre, son impact budgétaire, ne sont pas connus. Nous n'avons pas à ce jour connaissance, dans le détail, de ce que vous allez prendre en compte, je pense notamment aux fonctionnaires. Comment comptabiliser toutes les heures supplémentaires réclamées en paiement par certains corps de la fonction publique d'État ou de la fonction publique hospitalière ?
Il faut dire aussi que les évaluations ont beaucoup varié. L'UMP, pendant la campagne électorale, parlait de 3 milliards. Vous annoncez maintenant 6 milliards sur trois ans. Bercy, plus circonspect, prend en compte les heures supplémentaires, les heures complémentaires et les forfaits en jours. Si le total augmente de 20 %, on arrivera à 7,2 milliards. Et si votre mesure remporte un triomphe avec 30 % d'heures supplémentaires, le coût sera porté à 8 milliards.
M. Jean Desessard. - C'est cher !
Mme Nicole Bricq. - Ceci sans compter les effets d'aubaine ni les risques de fraude, entrepreneurs et salariés pouvant s'entendre sur des volumes d'heures supplémentaires fictifs. L'ACOSS s'inquiète d'un manque à gagner pour la trésorerie de la sécurité sociale qui pourrait atteindre deux mois en raison du délai de mise en place de la compensation.
Dans le même temps, le ministre des comptes publics annonce que l'État payera sa dette de 5,1 milliards à la sécurité sociale d'ici la fin de l'année, ce dont on ne saurait trop le féliciter. Mais ne s'agit-il pas de boucher un trou en en creusant un autre encore plus profond ?
M. Henri de Raincourt. - Le Sapeur Camember ?
Mme Nicole Bricq. - En fait, vous nous présentez une véritable usine à gaz. Avec les 35 heures, vous nous avez reproché d'avoir créé quelque chose d'unique en Europe. Vous faites de même ici !
La plus grande perversité du slogan « Travailler plus pour gagner plus » réside dans la dissimulation des conséquences réelles de cette mesure. Mme la ministre a d'ailleurs déclaré en commission, à l'Assemblée nationale : « On peut parler d'incitation pour les employeurs à recourir aux heures supplémentaires, en particulier pour les bas salaires, dans la mesure où c'est jusqu'à 1,5 SMIC que l'avantage consenti sera supérieur à l'augmentation du coût salarial résultant de la majoration des heures supplémentaires ». En clair, l'employeur aura tout intérêt à recourir aux heures supplémentaires pour les salariés mal payés, plutôt que d'augmenter leurs salaires. Pour les mieux payés, il aura intérêt à maintenir la pression, dans le flou d'un temps de travail extensible et le plus possible forfaitisé.
Ce projet de loi s'inscrit dans la longue liste des mesures conçues pour réduire les salaires.
L'employeur aura tout intérêt à ce que des heures supplémentaires réelles ou fictives, remplacent des augmentations de salaires. Et ce sont les salariés les plus faibles, les plus précaires qui en seront les premières victimes. « Travailler plus pour gagner plus », c'est en fait : « Si votre employeur vous fait travailler plus, c'est qu'il en a besoin ou qu'il y trouve un profit : vous gagnerez peut-être autant, mais pas longtemps ». (Applaudissements à gauche)
Mme Marie-France Beaufils. - Vous voulez valoriser le travail.
M. Henri de Raincourt. - Très bien !
Mme Marie-France Beaufils. - Pour vous, le bonheur n'est pas dans le pré mais à l'atelier, au bureau, sur le chantier. (On le confirme à droite) Comment expliquer alors la recrudescence du taux de suicides chez les salariés ? Certes, nous ne disposons pas de statistiques mais les exemples rapportés par la presse se multiplient. Individualisation des méthodes de travail, manque de dialogue dans l'entreprise, restructurations menées à la hussarde, précarisation des contrats, stress, concurrence entre les salariés, licenciements, harcèlements sous toutes ses formes expliquent ces suicides au travail.
Alors que les relations dans le travail sont fondées sur la concurrence, vous n'y voyez que relations harmonieuses et solidaires. Ainsi avez-vous déclaré : « J'entends dire, parfois, à propos du travail et de la concurrence qu'il engendre : c'est la guerre de tous contre tous. Voilà un véritable contresens. Car à la guerre, le plus fort soumet le plus faible tandis que, dans les rapports de travail, le plus fort communique de la force au plus faible ». Nous ne devons pas côtoyer les mêmes salariés ! Un habitant de ma commune me faisait récemment part de son expérience de travail à la chaîne. Je puis vous assurer qu'il ne souhaitait pas faire des heures supplémentaires : il n'attendait qu'une chose, que sa journée de travail s'arrête enfin. Savez-vous que le travail à la chaîne engendre de nombreuses maladies professionnelles, et qu'une fois licenciés, ces salariés ne peuvent retrouver un travail ? Les salariés d'une grande brasserie de l'Est se sont ainsi mis en grève lorsqu'on leur a demandé de faire des heures supplémentaires.
Vous dites que le temps moyen travaillé aux Etats-Unis et au Japon est d'environ 15 % supérieur à la France et qu'il nous est impossible de poursuivre ainsi, seuls contre tous. La réalité n'est pas aussi simple. Ainsi, trois cent trente Japonais sont morts ou sont tombés gravement malades à cause du surmenage en 2005. Le ministère de la santé japonais va lancer un programme de réflexion et une campagne d'information pour lutter contre le surmenage. Chez nous, le CNRS reconnaît que 300 à 400 salariés se suicident chaque année sur leur lieu de travail.
M. Novelli, qui connaît bien la centrale nucléaire de Chinon, ne me démentira pas : la demande incessante de productivité y a profondément dégradé les conditions de vie des salariés.
Comme vous, j'aimerais que les salariés s'épanouissent au travail. Malheureusement, la réalité est toute autre. Vous sonnez la charge contre les 35 heures mais vous oubliez de dire que ceux qui travaillent le plus sont souvent ceux qui sont le moins bien payés. Il aurait été plus simple d'augmenter le Smic de façon substantielle ainsi que l'ensemble des salaires qui ont pris beaucoup de retard ces dernières années.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce n'est pas Mme Royal qui a été élue !
Mme Annie David. - Une telle mesure eût été certainement plus efficace ! (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Sur proposition de la commission des finances, il a été décidé d'examiner séparément les amendements de suppression puis les amendements tendant à modifier l'article.
M. le président. - Amendement n°60, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
Mme Annie David. - Cet article n'aura aucune efficacité économique ou sociale. Vous dites, Madame la ministre, que votre projet est destiné à « encourager et à valoriser tout au long de leur vie les femmes et les hommes les plus courageux, les plus entreprenants ». Mais certains salariés ne peuvent pas travailler plus ! Ainsi en est-il des parents qui tentent de concilier leur vie professionnelle et familiale. Sont-ils pour autant moins courageux, moins entreprenants ?
Qu'en est il des salariés dont les conditions de travail sont exécrables et qui sont les premières victimes des accidents du travail ? Comment imaginer travailler plus, alors que l'aggravation des conditions de travail a été dénoncée dans un rapport de l'Organisation mondiale de la santé, selon lequel la France arrive au troisième rang mondial, derrière l'Ukraine et les Etats-Unis ?
Qu'en est-il aussi des salariés privés d'emploi ? Ce texte présuppose en effet que le travail est abondant, or nous en sommes loin. Les millions de chômeurs sont-ils « ni courageux, ni entreprenants », sont-ils privés d'emplois parce qu'ils le veulent bien ? Ce retour à l'idéologie du chômage volontaire a des relents nauséabonds insupportables, à l'heure où de nombreuses entreprises se livrent à des licenciements boursiers. Comment « travailler plus pour gagner plus », lorsqu'on est licencié au nom du profit ? L'Isère n'a malheureusement pas été épargnée par la multiplication des plans de licenciements alors que les salariés ne demandaient qu'à poursuivre leur travail.
Filiales du groupe Matussière et Forest, Lancey et Voiron sont actuellement en situation de dépôt de bilan. Un plan social prévoit soixante-et-onze suppressions de postes. Une convention Allocations spéciales du fonds national pour l'emploi (ASFNE) permettrait de sauver une quinzaine d'emplois. Or, cette demande a été rejetée par la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Je vous ai écrit et les salariés vous ont sollicitée afin que vous leur accordiez de manière dérogatoire cette convention ASFNE. Allez-vous les aider ?
Nos concitoyens ne veulent pas travailler plus, mais travailler pour vivre bien ! Les profits financiers, qui ont atteint des records en 2006, le permettraient. Or, cet article écarte toute une partie de nos concitoyens qui aspire à vivre dignement de son travail.
On sait enfin que le recours aux heures supplémentaires est de la seule responsabilité des employeurs. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement identique n°102, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
Mme Gisèle Printz. - Outre que la réglementation du travail doit avant tout protéger les salariés contre les horaires abusifs, ce ne sont pas eux qui choisissent de travailler en heures supplémentaires. Faute d'activité suffisante, la durée moyenne hebdomadaire de travail est restée stable ces dernières années à 38 heures ; et le nombre d'heures supplémentaires faites est très inférieur au plafond de 220 heures.
Nous voulons supprimer un article qui ne répond pas au choix autonome des salariés, jouera contre l'embauche des chômeurs et ne renforcera pas la lutte contre l'emploi précaire ou le temps partiel contraint. Il n'améliorera pas plus le pouvoir d'achat des salariés, alors que le Smic n'a bénéficié au 1er juillet d'aucun coup de pouce.
Malgré quelques précautions, le risque existe de voir les entreprises substituer des heures supplémentaires fictives à des éléments de rémunération tels que les primes. De plus, la défiscalisation crée des disparités entre salariés dès lors que tous ne seront pas imposés pour un niveau de revenus identique. Et je ne parle pas des ménages non imposables ... Il y a là une atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt tel que défini par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme, d'une manière que ne justifient ni la différence de situation des contribuables, ni l'intérêt général. L'article premier est enfin contraire à la notion de progressivité de l'impôt sur le revenu.
Il est ainsi préférable de supprimer un dispositif dont la constitutionnalité est douteuse et la justification économique incertaine.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La commission adhère aux orientations de l'article premier ; elle ne peut qu'être défavorable aux amendements de suppression.
Je pourrai citer des économistes réputés à l'appui de mon propos, comme d'autres en ont cités à l'appui du leur ; M. Piketty a été évoqué : une de ses thèses constantes est que l'exil des contribuables imposés à l'ISF est une bonne chose ... Je ne le suivrai pas !
Deux approches s'opposent donc : seule la démocratie, donc le vote, peut les départager.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je rejoins évidemment M. le rapporteur général.
L'objectif de l'article premier est d'encourager le travail afin que le slogan « travailler plus pour gagner plus » devienne réalité. Nous souhaitons relancer l'économie en augmentant les revenus des salariés tout en abaissant le coût, pour l'employeur, du recours aux heures supplémentaires. Notre dispositif, qui nécessite un financement public de 6,6 milliards, est fondé sur deux mécanismes simples. Le salarié bénéficiera d'une réduction de ses cotisations sociales sur toutes les heures supplémentaires effectuées au-delà des 35 heures légales et d'une défiscalisation des rémunérations correspondantes ; l'employeur bénéficiera, de son côté, d'une baisse des cotisations patronales, différenciée selon la taille de l'entreprise.
Aujourd'hui, les heures supplémentaires sont majorées de 10 % dans les entreprises de vingt salariés au plus -de 25 % à compter du 1er janvier 2009- et de 25 % dans les autres. Le texte prévoit que tout le monde passera à 25 % au 1er octobre 2007. Deux abattements forfaitaires de cotisation sont ainsi définis : 0,5 euro par heure supplémentaire dans les entreprises de plus de vingt salariés et 1,5 euro dans celles de moins de vingt salariés, qui devront passer à 25 % plus tôt que prévu. Pour ces dernières, le mécanisme sera pérennisé pour les inciter à grandir et à embaucher. D'ici le 1er janvier 2009, l'abattement compensera le coût supplémentaire jusqu'à 1,45 fois le Smic ; après cette date, l'avantage jouera à plein au-delà de ce seuil.
M. Jean Desessard. - Comme ils sont intelligents, à droite !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Deux éléments viennent compliquer un peu les choses. La prime pour l'emploi sera dégressive lorsque le salarié travaille plus et gagne plus ...
M. Jean Desessard. - Il gagne plus mais il y perd !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Il sera toujours gagnant. Et l'application du coefficient dit Fillon sera neutralisé.
En 2004, 37 % des salariés effectuaient des heures supplémentaires ; et la moyenne 2006 était de 58 heures annuelles. Ce n'est pas rien. Je rejoins toutefois Mme Bricq sur le retard français en termes de volume de travail tout au long de la vie. Le présent texte ne prétend pas régler ce problème. Les partenaires sociaux négocient sur le sujet ; s'ils n'aboutissent pas, nous trouverons une solution législative.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
À la demande du groupe C.R.C., les amendements identiques n° 60 et n°102 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l'adoption | 118 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Amendement n°69, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Rédiger comme suit cet article :
Après l'article L. 242 4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L... Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale. Le ratio ainsi obtenu est affecté de coefficients fixés chaque année par décret. Ces coefficients sont fixés de telle manière que les comptes prévisionnels des organismes de sécurité sociale et de l'Unedic sont en équilibre.
« Un autre décret détermine les modalités selon lesquelles le rapport salaire/valeur ajoutée est pris en compte. Le comité d'entreprise ou à défaut, les délégués du personnel, sont associés au contrôle de ce ratio. »
M. Robert Bret. - Nous proposons, avec cet amendement, une réelle réforme de l'assiette des cotisations patronales. La charge budgétaire des allégements de cotisations sociales, qui n'a cessé de croître depuis quinze ans, s'élève aujourd'hui à 23 milliards, en partie non compensés. Plusieurs études ont montré que l'extension du champ de ces exonérations a encouragé les politiques de bas salaires. Il est plus que temps de changer de braquet. La réforme que nous proposons est faite pour favoriser les entreprises à fort taux de main-d'oeuvre et mettre un frein à la spéculation des entreprises hautement capitalistiques. Cessons donc de considérer les salariés comme un coût. Les déficits sociaux vont atteindre en 2007 un niveau inégalé. Certains ici n'hésitent pas à demander un relèvement de la CRDS. Qui ferait encore une fois les frais de cette fiscalisation renforcée des comptes sociaux ? Les salariés !
Quant à l'UNEDIC, son excédent de trésorerie de cette année, loin d'effacer le déficit cumulé, n'est que le résultat d'un système d'indemnisation qui exclut de toute allocation 60 % des sans emploi !
Nous proposons, au rebours, une modulation des cotisations sociales favorable à l'emploi et aux salariés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous entendez alourdir les charges sociales d'une catégorie d'entreprises.
M. Robert Bret. - Les moduler.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce serait jouer contre la compétitivité des entreprises et pénaliser l'emploi. (On le conteste sur les bancs CRC.) Votre proposition va à l'opposé du raisonnement qu'avec le président Arthuis nous suivons depuis longtemps et qui nous conduit à souhaiter que le financement de la protection sociale soit rendu soutenable grâce au recours à une ressource fiscale qui reste sans effets pervers sur les délocalisations. Avis défavorable.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis, pour les mêmes raisons. La question a été évoquée dans un rapport conjoint du Conseil d'orientation des retraites et du Conseil d'analyse économique, dont la synthèse finale a été élaborée par le Conseil d'analyse stratégique. Ses conclusions ont été négatives.
Mme Marie-France Beaufils. - Nous ne proposons pas d'alourdir les charges des entreprises, dès lors qu'elles sont attentives à la question de l'emploi. Je ne souscris pas, madame la ministre, aux conclusions du rapport que vous évoquez. L'effort des entreprises en faveur des salariés doit être mieux pris en compte qu'en faveur des actionnaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Permettez-moi de répondre à Mme Beaufils, par souci du dialogue républicain. L'objectif de votre amendement est de mettre en équilibre les comptes des organismes de sécurité sociale et de l'UNEDIC. Mais comment augmenter la ressource sans alourdir les cotisations ?
Mme Marie-France Beaufils. - Nous ne les alourdissons que pour certains.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce serait leur faire perdre leurs positions de marché et courir le risque de délocalisations.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Plus l'entreprise verserait de salaire, moins elle paierait de charges ?
Mme Marie-France Beaufils. - Il est souhaitable qu'une plus grande part de la valeur ajoutée soit consacrée aux salaires.
M. Jean Arthuis, président de la commission. - Mais taxer la valeur ajoutée, c'est recréer une taxe professionnelle, dont on sait qu'elle a accéléré les délocalisations.
L'amendement n°69 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°61, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
...La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail est supprimée.
M. Bernard Vera. - Nous voulons clarifier le régime des astreintes qu'avait fixées la loi Aubry car en 2003 la majorité UMP a remis en cause une jurisprudence trop protectrice à ses yeux. La Cour de cassation avait en effet considéré qu'une astreinte ne pouvait être considérée comme un temps de repos. Décidément, tout est possible avec l'UMP, même d'être de repos quand on est mobilisable, fût-ce à distance. Faut-il rappeler la charte sociale du Conseil de l'Europe ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis défavorable à cet amendement qui réformerait le Code du travail.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis.
L'amendement n°61 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°62 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
I. - Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le deuxième alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque heure complémentaire donne lieu à une majoration de 25 % pour les heures effectuées au-delà du dixième de la durée hebdomadaire fixée au contrat ou du dixième de la durée mensuelle fixée au contrat. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %. »
II. - Les taux prévus aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence.
III. - Les taux prévus à l'article 200 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.
Mme Annie David. - La ministre nous a dit qu'il y aurait bien majoration au-delà de 10 % mais cela vaut-il aussi pour les exonérations fiscales ? Les salariés à temps partiel sont parmi les plus pauvres : ne ratez pas la cible.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis du gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. - Si je reprends l'exemple des vingt heures, selon l'article L 212-4-4, la majoration de 25 % s'applique à compter de la vingt-troisième heure mais l'exonération dès la vingt et unième.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mme David doit pouvoir retirer son amendement.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Quid de l'article L 213-4-3 qui interdit de rejoindre la durée légale ou conventionnelle ?
Mme Christine Lagarde, ministre. - Une modification de la loi n'est pas nécessaire car l'article auquel vous faites référence dispose simplement que lorsqu'on rejoint la durée légale de travail, le contrat est requalifié en contrat à temps plein.
L'amendement n°62 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°63, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
...Le troisième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque l'horaire moyen effectué par un salarié sur une période de douze semaines consécutives est porté au niveau de la durée légale du travail ou au-delà de la durée fixée conventionnellement à la demande du salarié, le contrat de travail à temps partiel est requalifié en contrat de travail à temps complet. »
Mme Annie David. - Vous avez déjà répondu sur la requalification du contrat mais, si je prends acte de votre assurance, je m'interroge sur la situation du salarié : perd-il la majoration et l'exonération lorsque son contrat est requalifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mme David et le rapporteur de la commission des affaires sociales sont plus compétents que moi : avis défavorable à cette modification du Code du travail.
Mme Christine Lagarde, ministre. - Je pense que cet amendement peut être retiré. Dès que la durée travaillée atteint 35 heures, le contrat est requalifié en contrat à temps plein et le salarié bénéficie des mêmes droits que les autres salariés à temps plein.
Mme Annie David. - Nous avons satisfaction. Je rappelle que nous sommes favorables au temps plein car le vrai partage du travail, c'est celui qui permet à chacun de gagner suffisamment sa vie.
L'amendement n°63 est retiré.
M. le président. - Amendement n°64, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
...Dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, les mots : « au-delà des limites fixées par le contrat » sont supprimés.
Mme Annie David. - Toujours le temps partiel. Le refus des heures supplémentaires ne doit pas constituer une faute ou un motif de licenciement. Il faut que le salarié ait la liberté de refuser. Pour cela, il faut le protéger contre toute forme de chantage parce qu'il est exposé à de fortes pressions et que les employeurs ont tendance à s'affranchir du délai de prévenance. Comment alors articuler activité professionnelle et vie privée ? Nous voulons lever toute ambiguïté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'ai le sentiment que cet amendement modifie le code du travail...Défavorable
Mme Christine Lagarde, ministre. Même avis.
L'amendement n°64 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°65, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
...L'article L. 212-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le refus d'effectuer les heures supplémentaires conjoncturelles proposées par l'employeur ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »
M. Robert Bret. - Il est défendu.
Repoussé par la commission et le gouvernement, l'amendement n°65 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°66, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 212-6-1 du code du travail est abrogé.
Mme Annie David. - L'article L. 212-6-1 du code du travail a introduit dans notre législation sociale les heures choisies, singulier concept laissant croire qu'existerait un « nouveau monde » de parfaite égalité entre l'employeur et ses salariés. Cette liberté n'est qu'une fiction juridique, tout simplement parce que l'égalité des parties contractantes est une pure fiction. La fiction persiste, puisque chacun sait pertinemment que le discours sur la valeur travail masque une réalité beaucoup moins plaisante, celle de l'accentuation, par l'allongement de la durée du travail, de l'exploitation. Créées par la loi de mars 2005 votée à l'initiative des députés Ollier, Novelli et Morange, ces heures « choisies » présentent un fabuleux avantage pour l'employeur : elles échappent au régime de droit commun des heures supplémentaires. Ces heures travaillées au-delà du contingent d'heures supplémentaires contournent deux autres obstacles : l'autorisation de l'inspecteur du travail et le repos compensateur obligatoire. Le Medef rêvait de cette individualisation des relations de travail. Il s'est réjoui de la loi de 2005 et se félicite « que l'on aille à la vitesse de l'entreprise » : des heures quasiment gratuites pour les patrons et ouvrant droit à d'avantageuses exonérations de cotisations. Demain, vous défendrez avec ardeur la liquidation du SMIC, la fin de la durée légale fixée par la loi, que sais-je encore... Où est donc la modernité, me direz-vous ? Permettez-moi de vous rappeler ce que disait en 2005 le professeur Olivier Favereau : « Regardés de près, ces deux slogans, "travailler plus pour gagner plus" et "rétablir la liberté de choix", sous couvert de modernité et de flexibilité, trahissent une vision de l'économie qui fleure bon le dix-neuvième siècle ». On ne saurait mieux dire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je regrette de ne pouvoir aller dans le même sens. J'ai le sentiment que cet amendement va à l'encontre de l'objectif du projet de loi puisqu'il empêche de travailler plus pour gagner plus. Vous êtes en contradiction avec les intentions du gouvernement, que la majorité approuve. Sur ce point du moins, nous serons d'accord !
Mme Christine Lagarde, ministre. - Défavorable à l'amendement : le temps choisi suppose à la fois une consultation des organisations syndicales et un accord personnel de l'intéressé.
L'amendement n°66 n'est pas adopté.
Prochaine séance, demain, jeudi 26 juillet à 9 h 45.
La séance est levée à minuit trente-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu analytique :
René-André Fabre
_______________________________