Dialogue social et continuité du service public de transport (Urgence - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Discussion des articles (suite)
Article 6
Au-delà de huit jours de grève, une consultation peut être organisée par l'employeur, de sa propre initiative ou à la demande d'une organisation syndicale représentative. Elle est ouverte aux salariés qui sont concernés par les motifs mentionnés dans le préavis et porte sur la poursuite de la grève. Les conditions du vote sont définies, par l'entreprise, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d'organiser la consultation. L'entreprise en informe l'inspecteur du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n'affecte pas l'exercice du droit de grève.
M. Michel Teston. - L'article 6 autorise une consultation sur la poursuite ou non de la grève quand celle-ci dure déjà depuis 8 jours. Le droit de grève est un droit individuel ; son exercice serait en quelque sorte soumis à une décision collective. Certes, il en est déjà ainsi en pratique, et ce n'est pas choquant, surtout si cela permet de sortir du conflit. Mais est-ce à la loi de l'officialiser ? Les consultations en période de grève se font à main levée : certains en tirent la conclusion que les salariés ne se prononcent pas en toute liberté. Une consultation à bulletin secret ne garantit pas, cependant, que tout salarié sera vraiment maître de sa décision : le bulletin secret n'empêche pas les pressions mais peut compliquer le dialogue social. Les modalités de cette consultation sont très imprécises, chaque entreprise est laissée libre de définir les conditions du vote.
Mme le Rapporteur propose de désigner un médiateur dès le début de la grève. Mais si les salariés se sont mis en grève, c'est que les négociations n'ont pas abouti ; il est donc peu probable qu'ils acceptent immédiatement la désignation d'un médiateur. En revanche, la désignation de ce médiateur prend tout son sens lorsque le mouvement dure depuis 8 jours.
M. le président. - Amendement n°33, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Le recours au suffrage universel est considéré comme indiscutable en matière politique, même si la manière dont les choses sont présentées entraîne parfois des effets inattendus. Dans l'entreprise, s'il s'agit de demander au personnel de se prononcer à froid sur le contenu d'un accord, la démocratie directe s'exerce dans des conditions sereines. Le débat peut avoir lieu comme dans la démocratie politique et chacun se détermine finalement dans le secret de l'isoloir.
Mais le projet de loi propose en réalité strictement l'inverse ! La consultation sera organisée au plus fort de la crise. Or quand les salariés se mettent en grève, c'est que leur détermination est vive, c'est aussi que l'état des relations sociales dans l'entreprise était très dégradé...
Bien entendu, la consultation est une faculté, un pari. Mais dans un climat lourd, ce remède sera pire que le mal. Un résultat de la consultation très négatif pour l'employeur obèrera toute tentative de dialogue. Laissons une certaine latitude à l'employeur, évitons de le placer dans une situation intenable.
Et si un accord a été trouvé, une consultation est tout à fait superflue. La grève prend fin parce qu'une majorité se dessine très vite en assemblée générale en faveur de la reprise du travail. Les syndicats savent expliquer ce qu'ils ont pu obtenir et s'abstiennent de conduire les salariés dans des impasses.
Mais cet article parie sur les difficultés financières qui peuvent apparaître dans certaines familles, d'autant plus rapidement que les salaires dans les services de transport public ne sont pas élevés... Dans la plus pure tradition réactionnaire, vous cherchez à exploiter ces problèmes. La consultation a pour but essentiel de diviser et d'opposer les plus déterminés et les plus en difficulté. II s'agit de casser toute dynamique revendicative en pariant sur le découragement et la soumission. L'employeur pourra aussi jouer sur d'éventuelles divisions syndicales. Sinon, pourquoi préciser qu'une seule organisation peut demander une consultation ?
Au demeurant, quelle sera la portée juridique du vote ? La grève est un droit individuel. Il ne saurait être soumis à une décision collective. Votre rédaction précise, avec prudence, que « le résultat de la consultation n'affecte pas l'exercice du droit de grève ». C'est une évidence. La cour de cassation, dans ses arrêts de 1985 et 1987 a bien précisé que « malgré un vote en faveur de la reprise du travail, une fraction minoritaire peut poursuivre la grève ». La cour a également indiqué que, lorsque les revendications ont été considérées comme satisfaites par la majorité du personnel, la grève ne saurait être poursuivie par une minorité « sans revendications nouvelles ». Rien n'empêchera donc une minorité de poursuivre la grève au motif de revendications non satisfaites. Vous conduisez les entreprises dans une impasse juridique, le résultat du vote n'ayant pas de portée contraignante. La disposition proposée ici est donc inutile et démagogique. Sur le plan pratique, elle est un piège. Des réactions jusqu'auboutistes sont possibles. Les effets pervers sont nombreux.
Le respect et l'écoute des salariés sont un moyen beaucoup plus responsable et efficace de prévenir les conflits que ces mesures de contrainte qui interviennent trop tard, dans un climat dégradé. Pour les employeurs comme pour les syndicats et les salariés, elles ne feront que rendre les choses plus difficiles. L'intitulé du projet de loi apparaît comme une antiphrase : vous créez un obstacle au dialogue social et provoquerez de sévères interruptions du service public. Je demanderai un scrutin public.
M. le président. - Amendement identique n°72, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
M. Michel Billout. - Votre nouvelle disposition n'a d'autre objet que de faire pression, d'intimider et de diviser les salariés. Le résultat du vote, on l'a dit, ne sera pas contraignant et la consultation est facultative. A quoi sert donc une telle mesure sinon à stigmatiser un peu plus les grévistes ?
S'il appartient à la direction de l'entreprise d'organiser et définir les modalités de cette consultation, l'accent sera mis sur l'aspect symbolique et la direction cherchera à faire pression sur chaque agent. Je doute beaucoup que l'entreprise puisse disposer d'une telle compétence : est-ce à elle de définir une modalité de l'exercice du droit de grève ?
L'objet de cette consultation ne nous paraît pas non plus satisfaisant. En effet, elle porte sur l'opportunité ou non de continuer le mouvement de grève et non sur les revendications portées par les grévistes.
Outre qu'elle est inutile, cette mesure détériorera le climat social dans l'entreprise, qui se transformera en suspicion généralisée. Les syndicats eux-mêmes organisent régulièrement un vote sur la reconduction ou non du mouvement. Cette mesure est donc redondante. Les consultations organisées par les syndicats sont plus légitimes, car il appartient aux grévistes et aux organisations syndicales qui soutiennent la grève de décider sa reconduction ou non.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission.
Rédiger comme suit cet article :
I. - Dès le début de la grève, les parties au conflit peuvent décider de désigner un médiateur, choisi d'un commun accord, aux fins de favoriser le règlement amiable de leurs différends. Le médiateur dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l'article L. 524-2 du code du travail. Il veille à la loyauté et à la sincérité de la consultation éventuellement organisée en application du II du présent article.
II. - Au-delà de huit jours de grève, l'employeur, une organisation syndicale représentative ou le médiateur éventuellement désigné par les parties peut décider l'organisation par l'entreprise d'une consultation sur la poursuite de la grève, ouverte aux salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis. Les conditions du vote sont définies, par l'entreprise, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d'organiser la consultation. L'entreprise en informe l'inspecteur du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n'affecte pas l'exercice du droit de grève.
Mme Catherine Procaccia , rapporteur - Cet amendement est l'un des plus importants du texte. Il mentionne le médiateur qui ne figurait pas dans le projet du gouvernement. La médiation est déjà répandue dans le monde du travail. Nous proposons de l'introduire dans le dispositif, mais de façon plus souple que ce qui est prévu par le code. Ce sont les parties elles-mêmes qui vont désigner le médiateur. Les syndicats que nous avons entendus ont demandé un garant et ils ont trouvé cette idée du médiateur intéressante, d'autant qu'elle met à égalité les syndicats et les employeurs. Je sais que telle était bien l'intention du gouvernement, mais elle n'était pas formulée de façon aussi claire et précise. Nous avons modifié le dispositif de telle sorte que les employeurs et les syndicats représentatifs, ainsi que le médiateur, puissent demander cette consultation. Bien entendu, le vote doit avoir lieu à bulletin secret. Le médiateur est là pour apaiser, afin que très vite, l'on essaie de trouver un terrain d'entente.
M. le président. - Sous-amendement n°35 à l'amendement n°11 rectifié de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
I. Au début du I de l'amendement n° 11, remplacer les mots :
Dès le début de la grève
Par les mots :
Au delà de huit jours de grève
II. Dans le II du même amendement, remplacer les mots :
une organisation syndicale représentative ou le médiateur
par les mots :
les organisations syndicales représentatives et le médiateur
M. Michel Teston. - Ce sous-amendement propose de repousser au huitième jour de grève la désignation du médiateur. Il n'est pas logique de prévoir que les salariés qui ont eu la détermination de se mettre en grève, malgré les obstacles auxquels ils doivent faire face, puissent accepter, dès le premier jour de grève, de désigner un médiateur.
En revanche, si la situation est toujours bloquée, à l'issue de la première semaine, au point qu'il n'y ait plus de dialogue direct entre les employeurs et salariés, il est bon de permettre la consultation directe des salariés, dans la clarté et dans un climat apaisé. Il est souhaitable que l'ensemble des parties au conflit décident conjointement de l'organisation d'une telle consultation : l'employeur, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise -et non pas elles seules- ainsi que, le cas échéant, le médiateur. Ainsi, nous éviterons tout soupçon quant aux modalités de vote. Car la consultation ne doit pas ajouter un sujet de conflit de plus. Il importe que les salariés soient consultés sur un texte ou un projet d'accord, c'est-à-dire sur un contenu que les parties leur présentent. Une grève ne doit pas se terminer sur un sentiment de défaite, de rancoeur, d'amertume. Il faut savoir gérer un conflit dans un esprit où chacun obtienne quelque chose : c'est fondamental pour les salariés et pour l'entreprise. Hélas, les auteurs du projet de loi veulent ignorer ces aspects essentiels.
M. le président. - Sous-amendement n°86 à l'amendement n°11 rectifié de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par M. About et les membres du groupe UC-UDF.
Compléter le I de l'amendement n° 11 rect. par une phrase ainsi rédigée :
Il facilite la mise en oeuvre du plan de transport adapté en incitant les parties à maintenir le plus haut niveau de service compatible avec l'exercice du droit de grève.
M. Philippe Nogrix. - Après l'amendement n°6, l'amendement n°11 est un autre pilier du texte. Il confère au médiateur une prérogative supplémentaire, pour essayer d'encourager les salariés à la reprise du travail, tout en restant solidaires du mouvement. Dans une entreprise où se déroule un conflit, le médiateur joue un rôle de facilitateur, pour permettre aux parties de retrouver le chemin du dialogue pacifique, de telle sorte que le conflit cesse le plus rapidement possible.
M. le président. - Amendement n°34, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger comme suit cet article :
Au delà de huit jours de grève, l'inspection du travail peut décider d'enclencher une procédure de médiation aux fins de favoriser le règlement amiable du conflit. Le médiateur dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l'article L. 524-2 du code du travail.
Mme Gisèle Printz. - Notre amendement propose de revenir aux procédures prévues par le code du travail en matière de règlement des conflits collectifs. Le code du travail prévoit déjà une procédure de médiation. Pourquoi le projet de loi n'y fait-t-il pas référence ? En réalité, l'objectif du texte n'est pas tant de mettre fin au conflit que de contourner les partenaires sociaux, au risque que le conflit se termine en laissant des conséquences durablement négatives pour l'entreprise.
Nous proposons au contraire de faire en sorte que l'intervention de la médiation, conformément au code du travail, permette de remettre les parties en négociation. La médiation doit en effet permettre une approche et une écoute nouvelles. Mais notre amendement prend en compte le fait que la procédure de médiation telle qu'elle est prévue par le code du travail est trop lourde et complexe.
Permettre directement aux parties de désigner un médiateur risque de créer une nouvelle difficulté. Il faut trouver une solution efficace : nous proposons que le médiateur soit désigné par l'inspection du travail. Cela permet de préserver une approche neutre, locale, de la part de quelqu'un qui connaît déjà l'entreprise et les protagonistes du conflit. La désignation se fait sous la garantie que le médiateur soit choisi sur une liste prévue à cet effet.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Portelli et plusieurs de ses collègues.
Dans la première phrase de cet article, remplacer le mot :
peut
par le mot :
doit
M. Laurent Béteille. - La consultation est très utile : elle permet aux employeurs des services publics de transport et aux organisations de salariés de disposer d'une information capitale sur la poursuite du mouvement. Nous souhaitons la rendre obligatoire et non pas facultative.
M. le président. - Amendement n°36, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :
par l'employeur, de sa propre initiative ou à la demande d'une organisation syndicale représentative
par les mots :
conjointement par l'employeur et les organisations syndicales représentatives
M. Jean-Pierre Godefroy. - Il est défendu.
M. le président. - Amendement n°37, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans la deuxième phrase de cet article, remplacer les mots :
sont concernés par les motifs mentionnés dans le préavis
par les mots :
ont été consultés sur leur intention de participer à la grève
M. Jean-Pierre Godefroy. - Cet amendement fait suite aux questions que je vous ai posées en commission et auxquelles vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre. C'est un amendement technique qui doit permettre un échange. C'est un amendement d'équilibre et de précision. Il s'agit de faire en sorte que les salariés consultés sur la poursuite de la grève soient ceux à qui l'on aura précédemment demandé s'ils avaient l'intention de participer à la grève.
La rédaction actuelle, qui fait référence aux motifs du préavis, peut en effet permettre une consultation large, bien au-delà des grévistes. Les salariés qui n'auraient pas été concernés directement par le conflit -et n'auraient donc pas de raison de se mettre en grève- pourraient être interrogés sur la reprise du travail des salariés concernés par la grève. Cette imprécision pourrait être corrigée par une légère modification du texte.
Monsieur le ministre, je vous ai posé la question en commission et hier soir en séance et vous ne m'avez pas répondu... M'écoutez-vous ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Mais oui, je vous entends, j'essayais de convaincre le président de la commission !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Si vous le dites... Ce n'est pas la seule question que j'ai posée ! Il y en a en effet une autre : comment sait-on quels salariés participent ou non à la grève ? Sur la foi d'une déclaration verbale ou d'un document écrit ? On risque d'engager l'entreprise dans un processus difficile ! Existera-t-il un document, un procès-verbal, qui puisse engager la responsabilité personnelle des salariés ?
M. Philippe Nogrix. - On a déjà parlé hier soir !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Mais je répète que je n'ai pas eu de réponse ! C'est un problème important, qui nécessite qu'on y passe plus de cinq minutes et que le ministre m'écoute ! Procédera-t-on verbalement ou par écrit ? Il est d'autant plus important de le savoir qu'une sanction disciplinaire peut être encourue. Et pour l'entreprise, l'article 226-13 du code pénal s'applique. Chaque entreprise décidera-t-elle des sanctions disciplinaires applicables ? Dans ce cas, ce devrait être précisé dans la loi. Les sanctions peuvent aller du simple au quintuple ! Tout cela mérite d'être précisé, avant que le texte soit adopté !
M. Michel Teston. - S'il l'est !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Avec votre soutien ? (Sourires)
M. le président. - Amendement n°21 rectifié, présenté par M. Portelli et plusieurs de ses collègues.
Dans la dernière phrase de cet article, après le mot :
exercice
insérer le mot :
individuel
M. Laurent Béteille. - Il convient de rappeler que l'exercice du droit de grève est individuel.
M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. Portelli.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Si une majorité de travailleurs concernés a voté la reprise du travail, le fait d'empêcher celle-ci tombe sous le coup de l'article 431-1 alinéas 1 et 2 du code pénal.
M. Laurent Béteille. - Cet alinéa rappelle que l'entrave à la reprise du travail tombe sous le coup du code pénal.
Mme Catherine Procaccia , rapporteur - Sur les amendements de suppression, avis naturellement défavorable. L'article 6 est un élément fort du projet, approuvé par les Français et par les salariés. Cette consultation a une portée indicative et elle est facultative, je ne vois donc pas pourquoi elle suscite l'ire de nos collègues...
Défavorable au sous-amendement n°35 : on est déjà en période de conflit, pourquoi en rajouter ? La commission n'a pas étudié le sous-amendement n°86 : sagesse. Défavorable à l'amendement n°34 : pourquoi laisser s'enliser un conflit ? Le choix du médiateur peut-être plus rapide et local.
L'amendement n°20 rectifié de M. Béteille est incompatible avec celui de la commission...
M. Laurent Béteille. - J'en fais un sous-amendement. Ainsi, j'aurai au moins des arguments !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Vous instaurez une obligation qui fait perdre une souplesse à laquelle nous tenons. Défavorable, comme au 36, qui est contraire à la logique de notre amendement. Sur le 37, nous nous en remettons à l'avis du gouvernement.
La précision apportée par le 21 rectifié ne nous paraît pas indispensable. Sagesse. Défavorable, en revanche au 23 rectifié qui est dangereux : il signifie a contrario que la liberté du travail n'est protégée que si la majorité des salariés sont contre la grève.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Nous sommes opposés aux amendements de suppression car nous tenons à ce que l'état d'esprit des salariés soit connu dans la transparence et la sérénité.
La première partie de l'amendement de la commission nous convient mais pas la seconde, qui instaure une compétence liée ; sagesse, donc. Défavorable à l'amendement n°35 pour les mêmes raisons que la commission.
Le médiateur a une fonction sociale, pas organisationnelle ; il ne s'agit pas d'exonérer l'entreprise de ses responsabilités, c'est à elle de faire le boulot ! Retrait du sous-amendement n°86 ?
Défavorable à tous les autres... À propos des amendements n°36 et 37, je dirai qu'il s'agit de l'ensemble du personnel concerné par le préavis de grève. À M. Béteille, je répondrai que rappeler le caractère individuel de la grève peut poser des problèmes juridiques sachant que la grève est nécessairement collective. L'entrave à la liberté du travail est déjà sanctionnée par les tribunaux ; la jurisprudence est abondante et claire.
A la demande du groupe socialiste, les amendements identiques n°33 et 72 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 123 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Le sous-amendement n°35 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n°86 est retiré, ainsi que le sous-amendement n°20 rectifié bis.
L'amendement n°11 rectifié est adopté et devient l'article 6
Les autres amendements deviennent sans objet.
Article 7
Tout usager du service public de transport a le droit de disposer, en cas de perturbation du trafic, d'une information précise et fiable sur le service assuré, dans les conditions prévues par le plan d'information des usagers prévu à l'article 4. Lorsque la perturbation présente un caractère prévisible ou résulte d'une grève, cette information doit être assurée au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation ou de la grève.
Il appartient à l'entreprise de transport de garantir, par tout moyen d'information, l'effectivité de ce droit.
M. Alain Gournac. - Ce matin, la commission des affaires sociales était réunie dès 9 h 30 pour étudier un dossier très important, et puis voilà que nous devons quitter cette réunion pour venir nous exprimer en séance publique. Il faudrait que l'on songe à mieux organiser notre travail ! La Conférence des Présidents devrait veiller à ne pas nous imposer de telles situations. Je pense exprimer une position générale. (Approbation sur la plupart des bancs)
M. le Président. - Hier soir, la Conférence des Présidents a évoqué cette question ; ce n'est évidemment pas la première fois qu'une telle concomitance se produit. Mais votre suggestion est fort opportune.
M. Alain Gournac. - J'ai évoqué dans la discussion générale, en présence de M. le ministre des transports, plusieurs incidents survenus sur notre réseau ferré ; je n'ai pas à cette occasion mis en cause la SNCF, mais souligné la nécessité d'une information des usagers, qui sont des clients ayant payé leur voyage. En cas de problème, le chef de gare se cache, car il ne sait pas quoi dire. Certes, en cas de panne électrique, les micros ne fonctionnent pas, mais les contrôleurs pourraient passer dans les wagons. Je sais que M. Bussereau a demandé une enquête à la SNCF sur les faits que j'ai mentionnés ; je l'en remercie. Quand les choses vont bien, il faut savoir le dire. (Marques d'approbation à droite et au centre)
M. Xavier Bertrand, ministre. - A aucun moment le gouvernement n'a souhaité jeter la pierre à qui que ce soit. L'amélioration du service public est un objectif qui doit tous nous rassembler. C'est notre culture de l'information qui est défaillante. La réaction spontanée des voyageurs est de s'en prendre à la première personne qu'ils rencontrent ; mais peut-on en vouloir à un contrôleur qui n'a pas été convenablement formé ?
Il faut faire passer le message, tant à l'opinion qu'aux agents, que nous entendons améliorer le service public. Les entreprises de transport doivent faire des efforts significatifs. Avec ce texte, nous voulons faire émerger un véritable droit à l'information des usagers, dans le domaine qui nous occupe comme dans d'autres. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Michel Billout. - Pourquoi le champ d'application de l'article 7 est-il limité aux perturbations prévisibles ? Les usagers ne sont jamais si bien informés qu'en cas de grève ! Je n'ai pas entendu M. Bussereau demander des informations à Mme Idrac sur les pannes de matériels et les suppressions inopinées de trains qui sont pourtant nombreuses. Comment pourrait-il en être autrement alors que les agents sont toujours moins présents dans les gares et les voitures ? Et comment, faute d'informations officielles, « les salariés qui se lèvent tôt » peuvent-ils justifier auprès de leurs employeurs leurs retards répétés sans risquer la perte de leur emploi ? Un usager de la ligne Paris-Provins -la ligne d'Ile-de-France qui fonctionne le plus mal, ce n'est pas le député-maire de Provins qui me démentira, lui qui, en tant que ministre, n'a guère fait avancer le dossier- me faisait remarquer récemment qu'il faisait ses heures supplémentaires sur le quai de la gare ... sans « être payé plus », évidemment.
L'article 7 n'a qu'un but : retirer à la grève son caractère spontané ; il n'est pas de nature à calmer la colère des usagers. C'est une nouvelle occasion manquée : il eût fallu contraindre les entreprises de transport à informer de façon permanente et à investir. (Applaudissements à gauche)
Mme Bariza Khiari. - Sous couvert de laisser toute leur place à la concertation et à la médiation, vous voulez mettre en cause le droit de grève. D'importants progrès ont pourtant été réalisés avec le soutien des organisations syndicales pour anticiper les conflits, mieux prévoir le trafic et informer les usagers. La conflictualité a fortement baissé et les grands mouvements de grève sont moins souvent catégoriels que de protestation contre des décisions gouvernementales. L'instauration d'un service minimum prépare en réalité de mauvais coups contre les droits acquis, dont les régimes spéciaux de retraite. C'est oublier que la liberté ne se laisse jamais enfermer.
Mme Bernadette Dupont. - Je vous livre une information de première main : les clients d'un TGV Toulon-Paris ont été avertis du retard qu'ils subiraient dès le départ du train. Nos remarques ont porté.
M. le président. - L'idéal serait de pouvoir prévoir les incidents ... (Sourires)
M. Jean Desessard. - Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas déposé un texte général sur l'information des usagers ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Lisez le projet de loi !
M. Jean Desessard. - Les grèves représentent 3 % des dysfonctionnements ; et votre texte ne règle pas la question des grèves émotionnelles. Vous parler d'information, mais vous n'apportez pas de réponses !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Mais si !
M. Jean Desessard. - Votre objectif n'est pas l'amélioration du service public, mais la remise en cause du droit de grève.
M. Charles Revet, président de la commission. - M. Desessard a participé aux travaux de la commission spéciale ; a-t-il pour autant bien lu le texte, qui lui donne totale satisfaction ?
M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission.
Rédiger comme suit cet article :
En cas de perturbation du trafic, tout usager a le droit de disposer d'une information précise et fiable sur le service assuré. Le plan d'information des usagers visé à l'article 4 doit permettre le plein exercice de ce droit.
En cas de perturbation prévisible, l'information aux usagers doit être délivrée au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation.
L'entreprise informe immédiatement l'autorité organisatrice de toute perturbation ou risque de perturbation.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Nous entendons améliorer l'information des usagers en cas de perturbation du trafic, et non plus seulement en cas de grève. J'ai été responsable de la communication interne d'une entreprise, je sais l'efficacité des systèmes d'information, lorsqu'ils existent. Mais les autorités organisatrices ne peuvent en exiger la mise en place.
M. le président. - Sous-amendement n°50 rectifié à l'amendement n°12 de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par MM. Beaumont, Courtois, Houel, Pierre et Portelli et Mme Gousseau.
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 12 pour cet article, par une phrase ainsi rédigée :
Au cas des transports scolaires, cette information est délivrée au plus tard une heure avant l'horaire de passage.
M. René Beaumont. - L'excellent amendement du président Revet a fait prévaloir l'information en amont, mais j'avais prévenu hier soir que je reviendrais à la charge. En milieu rural, où les grèves sont rares...
M. Jean Desessard. - Ha !
M. René Beaumont. - ...une information des familles, en aval, est indispensable car, en cas de non-fonctionnement des transports scolaires, les enfants restent au bord de la route alors que leurs parents sont déjà partis au travail. Cet amendement d'appel est indispensable d'un point de vue sécuritaire même s'il subirait les foudres d'un article 40 protecteur des collectivités locales. Mais le Parlement peut-il se désintéresser du sort de ces enfants ?
M. Jean Desessard. - Non !
M. René Beaumont. - Un tiers des départements se sont déjà dotés d'un dispositif d'alerte particulièrement performant. Celui que j'avais moi-même expérimenté est relativement coûteux mais la vie d'un enfant n'a pas de prix.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Je partage vos préoccupations, mais on ne peut imposer aux collectivités locales et aux autorités organisatrices de transports une telle obligation. Je suis donc défavorable à cet amendement d'appel que vous expliquez si bien : vous devriez le défendre devant les élus locaux !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Avis favorable à l'amendement 12. Je suis un peu démuni pour répondre à M. Beaumont car si son sous-amendement, inspiré par un événement tragique, répond à un besoin de sécurisation, il aboutirait à diminuer le délai d'information que nous avions fixé à vingt-quatre heures. Comment alors saurais-je que ma fille n'a pas pu aller au collège ? Peut-être pourra-t-on le rectifier d'ici la commission mixte paritaire. En l'état, je suis contraint d'y donner un avis défavorable.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - M. Beaumont soulève un vrai problème. Lundi, les maires de petites communes avec lesquels je voyageais en TGV, ont reçu un message sur leur téléphone portable : le préfet les informait qu'une grave perturbation climatique menaçait, de manière qu'ils puissent prendre les dispositions nécessaires. L'entreprise de transport pourrait organiser l'information des maires qui feraient en sorte que les enfants ne soient pas livrés à eux-mêmes. Pouvons-nous réfléchir à une meilleure rédaction d'ici la commission mixte paritaire ?
M. Jean Desessard. - Et payer des portables aux enfants ?
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Ils en ont déjà. Je parle des maires car les parents sont déjà au travail.
M. Michel Houel. - En Seine-et-Marne, le préfet nous prévenait par télécopie. Je suis arrivé à le persuader d'avertir les maires par portable et cela marche depuis deux ans sans incident.
M. René Beaumont. - Je savais bien que la rédaction avait des défauts et, en particulier celui de créer une charge pour les collectivités, mais il faut trouver une solution assez vite et apporter cette sécurité essentielle.
Le sous-amendement 50 rectifié est retiré.
L'amendement 12, adopté, devient l'article 7.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°47 rectifié bis, présenté par M. Haenel et plusieurs de ses collègues.
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A l'issue de chaque période de grève ou de perturbation prévisible du trafic, l'entreprise de transport établit et communique à l'autorité organisatrice un bilan détaillé de l'exécution du plan de transport adapté, permettant d'apprécier sa conformité avec les moyens en personnel non grévistes ou disponibles.
M. François Gerbaud. - Nous voulons responsabiliser l'entreprise de transport et assurer la transparence de manière incontournable.
M. le président. - Amendement n°48 rectifié ter, présenté par M. Haenel et plusieurs de ses collègues.
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La convention d'exploitation conclue entre l'entreprise de transport et l'autorité organisatrice définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice est indemnisée en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté ou du plan d'information des usagers.
M. François Gerbaud. - Même souci.
M. le président. - Amendement n°49 rectifié ter, présenté par M. Haenel et plusieurs de ses collègues.
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La convention d'exploitation conclue entre l'entreprise de transport et l'autorité organisatrice définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice est exonérée du paiement du coût du service non effectué.
M. François Gerbaud. - Pourquoi la collectivité supporterait-elle un coût indu ? Mieux vaut réduire les conflits.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Les autorités organisatrices de transport exigeront un tel retour : je serais favorable au premier sous-amendement si vous le complétiez pour viser également le plan d'information.
M. François Gerbaud. - Accepté !
M. le président. - Ce sera le sous-amendement 47 rectifié ter.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Je demande le retrait des amendements n°s 48 rectifié ter et 49 rectifié ter car ce type de compensation est déjà prévu dans les plans actuels, par exemple en Ile-de-France.
De plus, ce projet de loi est centré sur les usagers : ce sont eux qui sont prioritaires et non les autorités organisatrices de transport.
M. François Gerbaud. - Je me rends aux arguments de notre rapporteur.
Les amendements n°s 48 rectifié ter et 49 rectifié ter sont retirés.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Je vous remercie, monsieur le sénateur : vous me facilitez la tâche. (Sourires)
Je suis favorable à l'amendement n°47 rectifié ter, sous réserve d'une autre rectification : plutôt qu'un bilan grève après grève, je préfèrerais un bilan annuel pour avoir une vraie lisibilité.
M. François Gerbaud. - Je souscris naturellement à cette rectification.
M. le président. - Il s'agit donc de l'amendement n°47 rectifié quater qui se lit ainsi :
L'entreprise de transport établit et communique à l'autorité organisatrice un bilan détaillé annuel de l'exécution du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers, permettant d'apprécier leur conformité avec les moyens en personnel non gréviste ou disponible.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Un bilan immédiat, qui pourrait être très court, aurait permis de tirer les enseignements de la perturbation et d'éviter qu'elle ne se reproduise à l'avenir. Un bilan annuel sera beaucoup plus lourd et nuira à la nécessaire réactivité. Peut-être faudra-t-il revenir sur ce point en commission mixte paritaire. Cela dit, avis favorable.
M. Alain Gournac. - Tout à fait d'accord avec vous, madame ! Un bilan annuel, c'est sympathique, mais une analyse immédiate permettrait d'empêcher que les dysfonctionnements se reproduisent mois après mois. Nous en reparlerons en commission mixte paritaire.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Qu'on me comprenne bien : nous sommes là dans le cadre d'une transmission officielle à l'autorité organisatrice. C'est pourquoi un bilan annuel me semble préférable. Mais cela n'empêche pas une évaluation permanente des perturbations, bien au contraire.
M. Alain Gournac. - Tout va bien, alors.
L'amendement n°47 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.
Article 8
Un décret en Conseil d'État définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice de transport peut imposer à l'entreprise de transport ou mettre à sa charge un remboursement total ou partiel des titres de transport aux usagers en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers prévus à l'article 4.
M. Michel Billout. - Cet article prévoit, en cas de grève, le remboursement du titre de transport si le plan de transport n'a pas été exécuté. Une interruption majeure de service due à une grève est-elle de nature à causer un préjudice plus important que des retards répétés extrêmement préjudiciables aux salariés et aux étudiants ? Sur ma ligne entre Paris et Provins, un tiers des trains sont arrivés en retard en novembre et décembre, et la situation ne s'est pas améliorée depuis. Pour autant, aucun remboursement n'a été accordé par la SNCF.
Bien que ces retards soient prévisibles du fait de la vétusté du matériel, ils ne donneront pas lieu à dédommagement : cet article remet en cause le droit de grève mais n'améliorera pas les conditions quotidiennes de transport des voyageurs, ce qui n'est pas, je vous le concède, le souci du gouvernement.
M. le président. - Amendement n°42, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Michel Teston. - Il convient de supprimer cet article qui s'immisce dans la politique commerciale des exploitants. Est-il normal qu'un décret fixe les termes d'une négociation et d'un accord contractuel ? L'autorité organisatrice et les entreprises doivent définir de concert les éventuels droits à remboursement dans le cadre d'une convention d'exploitation : la diversité des contrats et des politiques commerciales ne permet pas de fixer uniformément les modalités de remboursement des usagers. En outre, il peut parfois incomber à la collectivité de prendre ces frais en charge.
Et puis, quels seront les critères retenus ? S'il est relativement facile d'évaluer le remboursement d'un abonné qui n'a pu se rendre à son travail durant plusieurs journées, il est beaucoup plus délicat d'estimer le préjudice pour un voyageur occasionnel, ou pour une personne qui invoque un dommage dû à un rendez-vous ou un examen raté.
Est-il également normal d'indemniser les perturbations qui relèvent de cas de force majeure ? Ce serait faire peser sur les entreprises, et donc sur la collectivité nationale, les conséquences d'aléas sur lesquels elles n'ont aucune prise. D'ailleurs, la jurisprudence estime que les aléas ne peuvent donner lieu à indemnisation.
En fait, cet article nous met sur la voie d'une judiciarisation à l'américaine où tout est sujet à conflit et à indemnisation.
M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission.
Rédiger comme suit cet article :
En cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté ou du plan d'information des usagers prévus à l'article 4, l'autorité organisatrice de transport impose à l'entreprise de transport, sauf cas de force majeure, un remboursement total des titres de transport aux usagers en fonction de la durée d'inexécution de ces plans.
L'autorité organisatrice de transport détermine par convention avec l'entreprise de transport, les modalités pratiques de ce remboursement selon les catégories d'usagers.
Lorsque des pénalités pour non-réalisation du plan de transport adapté sont par ailleurs prévues, l'autorité organisatrice de transport peut décider de les affecter au financement du remboursement des usagers.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Cet article prévoit que l'indemnisation des usagers sera fixée par décret. Or, comme l'a rappelé le gouvernement à divers reprises, l'usager doit être au coeur de nos préoccupations. Nous le réécrivons afin de conditionner le remboursement à l'usager de ses titres de transport au défaut d'exécution d'un seul des plans mentionnés à l'article 4. Il convient aussi de rendre obligatoire le remboursement des usagers ; et le remboursement du titre de transport sera total, mais calculé en fonction de la durée d'inexécution des plans.
Bien sûr, l'entreprise sera exonérée du remboursement des usagers en cas de force majeure. Nous résolvons également les difficultés touchant aux modalités du remboursement et à l'identification des usagers éligibles.
Enfin, nous prévoyons une participation facultative des autorités organisatrices de transport au financement du remboursement des usagers, grâce aux éventuelles pénalités versées par l'entreprise en cas de non-réalisation du plan de transport.
M. le président. - Sous-amendement n°87 à l'amendement n°13 de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par M. Hérisson et plusieurs de ses collègues.
Au deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n°13 pour cet article, remplacer les mots :
sauf cas de force majeure
par les mots :
quand celle-ci est directement responsable du défaut d'exécution
M. Laurent Béteille. - Il est défendu.
M. le président. - Sous-amendement n°54 rectifié à l'amendement n°13 de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par M. Revet.
Après le troisième alinéa de cet amendement, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
L'usager qui n'a pas pu utiliser le moyen de transport pour lequel il a contracté un abonnement ou acheté un billet a droit à la prolongation de validité de cet abonnement d'une durée équivalente à la période d'utilisation dont il a été privé, ou à l'échange ou au remboursement du billet non utilisé.
Le remboursement est effectué par l'autorité ou l'entreprise qui lui a délivré l'abonnement ou le billet dont il est le possesseur.
M. Charles Revet. - Il s'agit de préciser les modalités de remboursement aux usagers de leurs titres de transport afin que seuls ceux qui ont effectivement payé soient indemnisés.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Nogrix.
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le même décret définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice de transport peut imposer à l'entreprise de transport un dédommagement des prestataires de service ayant subi un préjudice en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers prévus à l'article 4.
M. Philippe Nogrix. - Il ne faut pas oublier les prestataires de service, qui peuvent avoir engagé des frais.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°42 : l'indemnisation des usagers est au coeur du texte. Par ailleurs, bon nombre d'entreprises de transport n'ont aucun pouvoir tarifaire, à commencer par la RATP.
Avis favorable, à titre personnel, au sous-amendement n°87, ainsi qu'au sous-amendement n°54 rectifié, qui apporte une précision importante.
Je souhaiterais entendre l'avis du gouvernement sur l'amendement n°25 : lorsque j'étais chargée de l'enseignement scolaire, on commandait moins de repas les jours de perturbations et les surveillants des cantines sont presque tous payés mensuellement. Mais peut-être en va-t-il autrement dans d'autres régions.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Défavorable à l'amendement n°42 : je pensais que nous étions d'accord pour consacrer l'émergence d'un droit à l'information, avec ce qui en découle, c'est-à-dire un droit au remboursement.
Très favorable à l'amendement n°13, ainsi qu'aux deux sous-amendements. M. Nogrix, le texte du gouvernement va plus loin que votre amendement : nous proposons le remboursement plutôt que le dédommagement, et nous nous adressons directement au client plutôt qu'au prestataire de service. Retrait, sinon rejet.
L'amendement n°25 est retiré.
L'amendement n°42 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n°87 est adopté, ainsi que le sous-amendement n°54 rectifié et l'amendement n°13, sous-amendé, qui devient l'article 8.
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Je demande une brève suspension de séance pour permettre à la commission spéciale d'examiner un nouvel amendement du rapporteur.
La séance suspendue à midi cinq reprend à midi vingt.
M. Jean-Pierre Godefroy. - J'en appelle à notre Règlement ! Nous venons de vivre un épisode inacceptable. Mme le rapporteur vient de proposer en commission un amendement qui se substitue à un autre, pour l'aggraver. Or, les conditions dans lesquelles la commission a été amenée à se prononcer sont...
M. Jean Desessard. - ...spéciales !
M. Jean-Pierre Godefroy. - L'amendement n'aurait pas eu l'agrément de la commission si seuls les présents avaient voté. Mais, certains collègues de la majorité, pourtant censés ignorer cette réunion impromptue, avaient donné pouvoir. Nous souhaiterions voir vérifiée la légalité de cette procédure. (Applaudissements à gauche.)
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - La commission spéciale s'est réunie tout à fait normalement. Certains collègues, ne pouvant être présents ce matin, s'étaient enquis de savoir qui le serait, et avaient donné pouvoir. C'est là une pratique courante.
Vous me reprochez de n'avoir pas demandé qui était contre l'amendement, mais il a bien été enregistré que le groupe socialiste et le groupe CRC votaient contre et que M. Nogrix s'abstenait. Quant aux quatre pouvoirs que j'ai enregistrés, ils sont tout à fait réguliers.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ces quatre collègues avaient été informés, pas nous.
M. Jean Desessard. - Certains ont bénéficié d'un préavis ! Une sorte de délit d'initié, en somme. (Exclamations à droite.) Monsieur le Président, pouvez-vous nous rappeler quels sont les règles en matière de délégation de pouvoir ? Peut-on donner mandat le jour même ? La procédure ne doit-elle pas passer devant le Bureau ?
M. le président. - J'ai été saisi, à midi, d'une demande de réunion de la commission. Il n'y a pas lieu de s'en émouvoir : il arrive régulièrement que la commission saisie au fond ait à examiner un amendement en cours de séance.
Le président de séance, vous le comprendrez, n'a pas à vérifier la façon dont les pouvoirs sont déposés, enregistrés, et dont est vérifiée leur validité. Selon les informations dont je dispose, ils ont été déposés régulièrement. Le reste relève du fonctionnement de la commission. Il n'y a rien là d'exceptionnel.
M. Michel Teston. - Ce que nous contestons, c'est la manière qu'a retenue la commission spéciale pour informer ses membres. L'égalité de traitement n'a pas été respectée. Certains, qui ne pouvaient être présents ce matin, ont été informés qu'ils pouvaient donner pouvoir aux présents. Par un malheureux hasard, tous étaient membres de la majorité. Ceux de l'opposition n'en ont rien su.
Mme Annie David. - Nous contestons la méthode. Il n'y a pas à s'émouvoir, soit, d'une réunion en cours de travaux. Mais le procédé témoigne tout de même d'une grande fébrilité.
Nous travaillons dans la précipitation. (Murmures désapprobateurs à droite)
En outre, la communication au sein de la commission est partielle, voire partiale, car nous n'avons pas été informés du dépôt de cet amendement, contrairement à d'autres groupes. La presse annonçait une possible surprise à l'article 9 : la voilà donc. Je regrette que les médias soient informés avant les parlementaires. (Applaudissements à gauche)
M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Je m'étonne de cette réaction : Mme le rapporteur a souhaité soumettre son amendement rectifié à la commission, c'est tout à son honneur. Quant aux absents, chacun sait bien que l'on peut donner pouvoir à un collègue !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Mme le rapporteur savait qu'elle soumettrait cette nouvelle rédaction et demanderait une réunion de la commission spéciale ; la majorité sénatoriale en a été informée, pas nous. Nous respectons les règles du Parlement, faites de même ! (Applaudissements à gauche)
M. Charles Revet, président de la commission spéciale Ces propos ne sont pas acceptables
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je les assume !
Et j'en viens à l'article 9. Bien que relégué en fin de texte, il ne passe pas inaperçu tant il est inutile et provocateur ! Juridiquement, il est superfétatoire puisque le non paiement des jours de grève figure dans la loi de 1982 et dans le code du travail. Sur le plan de la morale, cet article est scandaleux, il tend à faire croire aux usagers que les grévistes sont payés normalement. Les directions de la RATP et de la SNCF ont été obligées de le démentir ! Elles ont rappelé que le contrat de travail est suspendu pendant la grève. Je ne nie pas que dans certains accords de fin de conflit, il peut arriver que les jours de grève soient partiellement pris en charge par l'entreprise : en décembre 1995, à la SNCF, un certain nombre de jours de grèves furent convertis en jours de congé, le reste faisant l'objet de retenues sur salaire étalées dans le temps.
Quoi qu'il en soit, cela relève de la négociation entre les partenaires sociaux. Comment un texte qui prétend l'encourager peut-il poser une telle interdiction ? Il y a là une posture provocatrice et démagogique, visant à dresser les usagers contre les salariés. Votre seul objectif est de stigmatiser, de discréditer le personnel des entreprises de transport. C'est un mépris du droit de grève et une insulte à tous ceux qui subissent des retenues sur leur salaire pour avoir débrayé ! Encore une fois, vous exploitez les rancoeurs de l'opinion et dressez les usagers contre les grévistes. Où est la modernisation du dialogue ? Nous revenons bien plutôt à des temps que l'on croyait révolus. Du reste, l'ensemble des organisations syndicales et le Medef lui-même demandent le retrait de cet article. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - La procédure de réunion de la commission a été régulière et les règles respectées. Il n'y a pas lieu de s'en émouvoir davantage.
Amendement n°38, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
Mme Gisèle Printz. - L'amendement n°14 rectifié dit clairement les intentions cachées du texte initial, lequel énonce une pure évidence. L'employeur est dispensé de payer le salaire, ainsi que ses compléments et accessoires aux salariés ayant cessé le travail. Il ne peut toutefois réduire ou supprimer les primes, l'intéressement et la participation restent dus, selon un arrêt de 2003 de la cour de cassation.
Cet article pervers visait à faire croire à nos concitoyens que le gouvernement allait mettre fin à une pratique scandaleuse, le paiement aux salariés des jours de grève. Allégation mensongère, diffamatoire.
L'article 9 n'a aucun intérêt juridique, mais il offre au rapporteur la possibilité d'interdire désormais l'échelonnement des retenues comme le paiement partiel des jours de grève. En 1995, les retenues avaient été échelonnées sur plusieurs mois. Cette limitation des termes de la négociation constitue une ingérence dans le dialogue entre les partenaires ; elle contredit la jurisprudence de la cour de cassation. Ceux qui, malgré les pressions, chantages, tentatives de divisions, auront persévéré subiront une sanction financière pleine et entière.
Ce texte mérite mal son intitulé, il obère le dialogue social et vise par toutes les manipulations possibles à empêcher l'exercice du droit de grève, sans que jamais soient formulées interdiction ni réquisition. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement identique n°73, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.
Supprimer cet article.
Mme Annie David. - Cet article est pernicieux, il se nourrit de l'idée répandue et entretenue selon laquelle les agents des services publics ne perdent pas un centime quand ils font grève. Le Président de la République clame que payer les grévistes, c'est ne pas respecter celui qui travaille. Méconnaissance incompréhensible, inacceptable de la part des plus hautes instances de l'Etat. Le non paiement des jours de grève figure dans le code du travail depuis la loi de 1982 défendue par M. Le Pors, ministre communiste, qui avait codifié l'exercice du droit de grève dans les services publics...ce qui montre que les communistes ne sont pas opposés à un encadrement du droit de grève pour assurer la continuité du service public. Quelle mauvaise foi ici ! Laisser sous entendre que les agents grévistes n'ont rien à perdre est une atteinte à l'honneur. Ils acceptent de lourdes pertes financières, non pour sauvegarder leur intérêt personnel mais souvent pour la défense du service public. Les revendications satisfaites lors de mouvements sociaux sont des progrès de société pour tous. Bref, nous demandons la suppression de cet article aux relents populistes détestables. Nous ne voterons pas l'amendement de la commission ! (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission.
Rédiger comme suit cet article :
L'article L. 521-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
"Les versements effectués par les entreprises aux salariés, visant à compenser directement ou indirectement la retenue du traitement ou du salaire prévue au premier alinéa, sont réputés sans cause."
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - J'ai tenu à communiquer à la commission l'amendement rectifié pour m'en expliquer, au lieu de me borner à le rectifier en séance...
M. Jean-Pierre Godefroy. - Non pas rectifié, mais falsifié !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - La rectification portait en outre sur la forme uniquement. Vous déplorez qu'on croie que les grévistes sont payés : nous précisons clairement qu'il n'en est rien.
Si je vous comprends bien, il faut forcément sortir d'une grève par un accord financier ! Je suis désolée, mais il y a des grèves qui portent sur les conditions de travail, sur bien d'autres sujets ! (Protestations sur les bancs des groupes CRC et socialiste)
M. le président. - Amendement n°26, présenté par M. Nogrix.
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Cependant, la retenue appliquée à la rémunération en question doit être étalée dans le temps selon des modalités déterminées par accord ou convention collective.
M. Philippe Nogrix. - Il ne faudrait pas que notre débat se termine ainsi...
Plusieurs voix sur les bancs socialistes. - A qui la faute ?
M. Philippe Nogrix. - Les gens ne comprennent pas que les conflits qui ont perturbé leur vie quotidienne se terminent par le paiement des jours de grève ! Demandez aux salariés, aux clients, ils seront tous d'accord pour vous dire qu'il ne faut pas le faire. Certes, dans une majorité de cas, le paiement des jours de grève fait partie de la sortie du conflit. Ce n'est pas acceptable, parce que ce n'est pas correct.
Mme le rapporteur a raison : il ne faut pas que l'article L. 521-6 du code du travail soit détourné, comme il l'est trop souvent.
Mon amendement tend à faire en sorte que lorsqu'il y a retenue, celle-ci ne soit pas brutale, mais étalée dans le temps. Mes recherches, mais peut-être n'ont-elles pas été suffisantes, ne m'ont pas permis de trouver de référence réglementaire. Peut-être aurait-il fallu plus de temps pour affiner la rédaction, sans doute le concours de notre commission des lois eût été utile pour nous éclairer. Mais, ayant dit que mon groupe se satisfaisait de l'urgence, je ne voudrais pas retarder l'application de la loi. Je vous demande seulement, monsieur le ministre, de bien préciser, dans votre communication, les raisons pour lesquelles nous avons modifié cet article. Il serait dommage, qu'à l'issue de notre discussion, cet article, qui n'est pas, de loin, le plus important (protestations ironiques sur les bancs socialistes et CRC), obscurcisse l'apport, en particulier, de l'article 6, qui est bien plus important, en faisant passer au second plan le travail que nous avons accompli jusqu'à présent.
Je pensais retirer mes amendements restant en discussion, mais je préfère les maintenir, pour insister sur les avancées que nous avons obtenues et rappeler aux salariés, aux cadres, aux responsables des entreprises, que nous avons travaillé sérieusement.
M. le président. - Amendement n°57, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La rémunération des cadres dirigeants d'une entreprise de transport est réduite en fonction du nombre de jours de grève dans cette entreprise. Les modalités d'application de cette disposition seront précisées par un décret en Conseil d'Etat.
M. Jean Desessard. - Cet amendement devrait plaire au ministre, qui nous a si souvent parlé de culture du résultat ! Le texte en est très clair ! Il prévoit le non-paiement des jours de grève pour les dirigeants de l'entreprise. (Mme le rapporteur s'exclame vivement)
M. Xavier Bertrand, ministre. - Est-ce en fonction de leur participation à la grève ou de leur non-participation ?
M. Jean Desessard. - J'y viens ! Les cadres dirigeants de l'entreprise doivent être rémunérés, pour partie, au résultat. Or, le déclenchement d'une grève est le signe d'un échec de la négociation, dont les dirigeants de l'entreprise sont co-responsables. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Le recours à la grève n'est pas un caprice de syndicaliste, comme vous l'avez dit ici, mais, souvent, le dernier recours pour les salariés en cas de carence du dialogue social...
M. Josselin de Rohan. - Nous savions que vous étiez un bon vivant, mais alors là !
M. Henri de Raincourt. - En effet !
M. Jean Desessard. - Attendez ! Je cite le président Nicolas Sarkozy : « une grève des services publics, c'est comme dans le privé, un conflit entre employeurs et salariés. Mais, ce ne sont ni les employeurs ni les salariés qui paient le plus, ce sont les usagers. » C'est injuste en effet ! Si les usagers paient en ayant des difficultés de transport, si les grévistes paient en perdant des journées de salaire, en revanche, en l'état actuel du dispositif, les employeurs, eux, ne perdent rien ! (On rit franchement sur les bancs UMP) Il est temps de rétablir la justice et l'égalité ! Je remercie le Président de la République de m'avoir inspiré cet amendement ! (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes et CRC ; protestations ironiques sur les bancs UMP)
Mme Catherine Procaccia, rapporteur - Avis défavorable aux amendements de suppression. Avis favorable à l'amendement de M. Nogrix, qui répond à une question qu'il a lui-même posée en commission. Je le remercie de préciser les choses clairement. Avis défavorable à l'amendement n°57. Une question : en cas de grève interprofessionnelle ou nationale, quel dirigeant sanctionne-t-on ?
M. Jean Desessard. - Juppé a payé en 95 ! Et Villepin aussi !
M. le président. - Comme l'amendement n°14 rectifié réécrit l'article, il conviendrait de revoir la rédaction de l'amendement n°26, afin de le transformer en sous-amendement et de l'articuler avec la rédaction de l'amendement de la commission.
M. Philippe Nogrix. - Ai-je bien compris ? (Sourires) Soit ! Je vais voir comment le rectifier...
Mme Nicole Bricq. - Vous êtes piégé par l'UMP !
M. le président. - Vous pourrez le faire pendant que le ministre s'exprime...
M. Jean Desessard. - Êtes-vous sûr de n'avoir pas besoin de procuration ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Aux auteurs des amendements de suppression, je dirai que s'ils veulent mettre fin aux rumeurs qui se propagent sur cette question du paiement des jours de grève, il leur faut voter cet article ! Les jours de grève ne sont pas travaillés, et les jours non travaillés ne sont pas rémunérés, un point c'est tout : cela mettra fin à tous les fantasmes, à toutes les supputations sur ce sujet.
La nouvelle rédaction proposée par l'amendement n°14 rectifié est très pertinente, en ce qu'elle ne se contente pas de la réaffirmation d'un principe, mais qu'elle l'applique en droit.
Quant à l'amendement n°57, le gouvernement n'y est pas favorable ! (Marques d'ironie sur les bancs socialistes) S'agit-il de permettre aux dirigeants de faire grève, ce qui est leur droit constitutionnel le plus strict, ou de ne pas faire grève ?
Le gouvernement est défavorable à l'amendement n°26, qui renvoie à la distinction entre « peut » et « doit ». Le « doit » affaiblit la force de la réaffirmation du principe qui est au coeur de l'amendement de la commission. Il faut que les choses soient claires. J'ajoute que l'on n'est pas là dans le domaine de la loi, même s'il s'agit d'une loi-cadre, mais dans celui de l'accord d'entreprise.
Pour en finir avec toutes les rumeurs qui circulent depuis trop longtemps sur ce sujet, il faut s'en tenir à la rédaction de la commission, qui est très claire.
A la demande du groupe socialiste, les amendements n°s38 et 74 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 123 |
Contre | 199 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Je vais mettre aux voix le sous-amendement n°26 rectifié, qui se lira ainsi :
Sous-amendement n°26 rectifié à l'amendement n°14 rectifié de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par M. Nogrix.
Compléter l'amendement n°14 rect. par un alinéa ainsi rédigé :
"La retenue appliquée à la rémunération peut être étalée dans le temps selon des modalités déterminées par accord ou convention collective."
M. Xavier Bertrand, ministre. - Je reste défavorable à un texte qui altère le principe.
Mme Nicole Bricq. - Le désaccord entre la commission et le gouvernement prouve bien qu'on va trop vite. Pour une fois, le ministre a raison : le sous-amendement n°26, maintenant rectifié, est en contradiction totale avec l'amendement n°14 rectifié. On modifie le droit d'une manière qui n'a rien de marginale ni de formelle ; c'est bien au fond que l'on touche. Même les chefs d'entreprise pourront désormais être poursuivis ! Je ne comprends pas qu'on maintienne cet oxymore juridique en nous faisant voter contre le sous-amendement n°26 rectifié.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Mettre un accord d'entreprise dans la loi poserait un problème juridique. Que ce soit possible en fait est une chose, que ce soit dans la loi en est une autre. Le sous-amendement affaiblit nettement la portée de l'article.
M. Philippe Nogrix. - Les députés liront nos travaux... Il y a un trouble certain, je préfère soumettre mon sous-amendement au vote.
M. Christian Cointat. - Je comprends tout à fait la position de M. Nogrix : il est clair que les jours de grève n'ont pas à être rémunérés mais rien n'empêche de prévoir un étalement dans le temps, cela incite au dialogue, à la concertation. Je voterai son sous-amendement.
Mme Nicole Bricq. - Tout à l'heure, en commission, M. Nogrix s'est abstenu sur l'amendement n°14 rectifié ; en acceptant son sous-amendement, on donne droit à l'amendement de la commission qui, encore une fois, ne modifie pas la loi à la marge mais de manière fondamentale. Ce qu'elle demande est très grave, c'est pourquoi le gouvernement l'approuve !
Le sous-amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.
M. Alain Gournac. Je me suis abstenu.
M. Jean Desessard, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Gisèle Printz. - Nous aussi !
Mme Nicole Bricq. - Quand on compare la version initiale de l'amendement n°14 et sa version rectifiée, il nous est répondu que l'esprit est maintenu. Nous n'en doutons pas : cela reste une vraie provocation à l'endroit des salariés.
Mais ce changement de rédaction, tout de même ! Je suis parlementaire depuis assez longtemps pour trouver normal que la commission, le gouvernement, sa majorité discutent et s'accordent. Mais là, c'est tout autre chose : entre minuit et midi, il s'est passé quelque chose. Il est clair que la rectification a été, comme on dit, puisée à bonne source. Je voudrais qu'on en débatte en séance, qu'on nous dise ce que signifie exactement ce « indirectement ». Faut-il comprendre que des accords conclus pourront faire l'objet de poursuites ? Que n'importe quel requérant pourra en demander la nullité ?
Je doute que Mme Procaccia ait eu une inspiration dans son sommeil, je crois plutôt que cela s'est fait sous l'égide du gouvernement! (Exclamations à droite) La majorité a du mal à tout avaler de ce que propose le président de la République. Il vous faut un texte d'affichage, vous affichez.
M. Alain Gournac. - Nous sommes pour les ouvriers !
Mme Nicole Bricq. - Vous déclarez la guerre aux salariés, libre à vous !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - En commission, j'ai dit que mon amendement n'avait en aucune façon été demandé par le gouvernement. Étiez-vous là ?
Mme Nicole Bricq. - Bien sûr !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - J'ai fait allusion à ce que nous avons découvert au cours des auditions, ces accords de fin de conflit, ces primes qui reviennent à un paiement différé des jours de grève.
M. Michel Billout. - Nous avons été confrontés à un incident prévisible.
Tous les sénateurs auraient donc dû être informés (Marques d'approbation à gauche). Nous ne voulions pas que seule la direction de l'entreprise puisse organiser la consultation ; on voit bien ce qu'il en est ici lorsque la concertation est le fait d'une seule des parties...
L'amendement rectifié de la commission porte gravement atteinte à la liberté conventionnelle. Comment justifier une telle ingérence, sinon, encore une fois, pour faire pression sur les salariés et les dissuader de faire grève ? En privant les parties d'un élément de négociation qui permet parfois une sortie de conflit, l'amendement dégrade un peu plus les relations sociales. La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé le 18 mai 2005...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Justement !
M. Michel Billout. - ...que l'employeur n'était pas tenu de payer les jours de grève, sauf lorsque celle-ci était la conséquence d'un manquement grave et délibéré à ses obligations. Même à cela vous voulez mettre fin ! Nous avons bien compris que certains amendements de la commission ont été déposés à la demande des directions d'entreprise...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Mais non !
M. Michel Billout. - Celui-ci complique inutilement le droit et porte atteinte au dialogue social. (Applaudissements à gauche)
M. Jean Desessard. - Les dirigeants des entreprises de transport admettent des compensations, parce qu'ils savent qu'après une grève longue, les salariés peuvent avoir du mal à joindre les deux bouts ; ces compensations sont finalement utiles à la bonne marche de l'entreprise, et le cas échéant, à celle du service public.
Vous présentez sans cesse la grève comme un fait négatif, mais la grève, c'est toujours un rapport de force avec un patronat parfois impitoyable. Il y a encore des pays où il impose 60 heures par semaine ou le travail des enfants, comme jadis en Europe. On peut résoudre les problèmes sociaux par le vote, on peut aussi n'y parvenir que par le mouvement social. Oui, des grèves peuvent être justes !
M. Alain Gournac. - On ne commence pas un mouvement par la grève !
M. Jean-Pierre Godefroy. - L'article 9 était déjà une provocation ; mais nous ne pensions pas que vous iriez jusque là ! Votre objectif est bien de vous attaquer au droit de grève ! Je m'étonne que le gouvernement soutienne une proposition qui interdit toute négociation après conflit sur la compensation ou l'étalement des pertes. Des sorties de grève, j'en ai connu beaucoup, du côté des travailleurs; dans les conflits durs, les entreprises ont parfois intérêt à les négocier lorsqu'un protocole a été signé. Avec l'adverbe « indirectement », on empêche tout ! On verra ce qu'en dira le Conseil constitutionnel !
C'est un retour au temps des maîtres de forge ! Une atteinte gravissime au droit de grève comme au dialogue social ! Tous les salariés et dirigeants d'entreprise doivent en être informés ! (Applaudissements à gauche)
M. Xavier Bertrand, ministre. - Le texte est dans la droite ligne de la loi de 1982... (Vives protestations à gauche)
M. Alain Gournac. - La gauche était au pouvoir !
M. Philippe Nogrix. - Nous étions tombés d'accord en commission sur un amendement 14 initial clair et simple ; après la rectification, l'opinion risque de n'y plus rien comprendre.
Mme Nicole Bricq. - Nous, nous ne comprenons que trop bien !
M. Philippe Nogrix. - Je n'ai vu dans le texte aucune atteinte au droit de grève.
M. Alain Gournac. - Aucune !
M. Philippe Nogrix. - La grève, c'est la conséquence d'un échec ; on la fait en toute responsabilité, en sachant, conformément au code, que sans travail, pas de salaire !
Je me suis abstenu en commission sur le 14 rectifié ; mais après réflexion, et en souhaitant que le gouvernement fasse preuve de pédagogie sur le sujet, je le voterai. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Luc Mélenchon. - Cette terrible aggravation du texte nous conforte dans notre opposition résolue. Qu'après une victoire électorale et, pour nous, une défaite cruelle, vous veniez sacrifier à l'idée que vous vous faites des relations sociales, un pur rapport de force où les puissants sont toujours plus puissants, passe encore. Ce qui rend cette discussion pénible et par certains aspects odieuse, c'est que vous cherchez à en cacher la signification. C'est votre droit de lutter contre la grève mais cessez de dire que vous ne touchez à aucun moment au droit de grève !
M. Alain Gournac. - A aucun moment !
M. Jean-Luc Mélenchon. - Avec la grève, on est bien dans une situation ultime, après l'échec d'une négociation. Or votre texte préjuge que la faute est celle de l'ouvrier ; on lui dit tout de suite : « Si tu fais grève, tu ne seras pas payé !» On l'avertit d'emblée que son bon droit ne sera pas reconnu, qu'il ne pourra corriger la situation qui lui est faite grâce à cet acte extrême qu'est la grève.
Voilà ce que vous êtes en train de faire : assumez-le sans pousser l'hypocrisie jusqu'à invoquer les lois de 1982.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Relisez-les.
M. Jean-Luc Mélenchon. - La gauche n'a jamais travaillé contre les droits des ouvriers, des droits conquis par la lutte et reconnus par la loi. Si vous voulez faire revivre l'esprit de 1982, proposez-nous des lois Auroux, proposez-nous des nationalisations, proposez-nous une loi de modernisation sociale et alors nous accepterons. En 1982, on a simplement dit que les jours de grève n'étaient pas payés sauf si la négociation ne prévoyait le contraire.
Votre loi contre le droit de grève est aussi une loi de maintien de l'ordre, de l'ordre de votre classe... (Protestations à droite)
M. Christian Cointat. - C'est inacceptable.
M. Jean-Luc Mélenchon. - ...de la classe dont vous êtes les représentants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est le comité des forges !
MM. Christian Cointat et Alain Gournac. - Archaïque !
M. Jean-Luc Mélenchon. - Huit millions d'ouvriers et sept millions d'employés, archaïsme ? Sept millions de personnes touchées par la misère, archaïsme ? Tant que cet archaïsme durera, nous serons à ces bancs pour défendre les droits et les libertés que vous menacez, malgré vos airs de chattemite. (Applaudissements à gauche)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Avec cette loi-cadre, le gouvernement entendait favoriser le dialogue social. Nous avons dénoncé les atteintes portées au droit de grève mais voici que vous liez le dialogue social et la négociation qui en fait partie par un projet dont nous avons appris hier qu'il avait vocation à s'appliquer à tous les services publics, là où les salariés luttent pour le dialogue social et où ils ont commencé à l'instaurer. Encore faut-il que tous les termes de la négociation restent possibles, ce qu'interdira la loi. Vous en revenez à votre conception traditionnelle, celle du XIXe, lorsqu'une grève s'arrêtait quand les familles des ouvriers n'en pouvaient plus, celle du Comité des forges.
Vous allez donner l'illusion du dialogue social tout en l'interdisant parce que vous empêchez de négocier la sortie de grève. Chapeau, le prestidigitateur ! Qui plus est, vous portez cette attaque frontale dans les entreprises publiques dont les conquêtes sociales ont valeur d'exemple.
Le patron qui liquide une entreprise en mettant des centaines d'ouvriers à la rue touchera des primes et celui qui voudrait défendre ses droits ne pourrait que faire grève jusqu'à ce qu'il n'ait plus rien à manger ? C'est scandaleux ! (Vifs applaudissements à gauche)
A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°14 rectifié est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 198 |
Contre | 123 |
Le Sénat a adopté.
L'amendement 14 rectifié devient l'article 9. L'amendement n°57 devient sans objet.
La séance est suspendue à 13h 40.
présidence de M. Philippe Richert,vice-président
La séance est reprise à 15 h 45.