Liberté des universités (Urgence - Suite)
Mme Valérie Pécresse, ministre. - (Applaudissements à droite) Comme M. Valade, président de la commission des affaires culturelles, l'a fort justement remarqué, j'ai peut-être insuffisamment souligné que ce texte se situe dans la continuité de la loi de 2006 par laquelle nous avons mis au point, pour la première fois depuis trente ans, une stratégie de pilotage pour la recherche et des instruments radicalement nouveaux -l'Agence nationale de la recherche, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, l'Agence nationale d'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche ou encore les réseaux thématiques de recherche avancée. Je n'ai pas évoqué la question de la recherche, comme me l'ont reproché certains sénateurs socialistes, parce que ce projet de loi n'a pas été élaboré ex nihilo, mais s'inscrit dans une continuité.
Le rapporteur, par sa connaissance exceptionnelle du paysage universitaire, nous sera un soutien précieux pour améliorer ce texte.
Le rapporteur pour avis a soulevé une question centrale : faut-il engager la réforme structurelle avant d'accorder des moyens plus importants aux universités ? Pour moi, la réforme est un préalable indispensable. Donner plus de moyens aux universités sans les réformer ne servirait à rien, comme la pluie absorbée par le sable est inféconde. Ceux d'entre vous qui sont agriculteurs, comme Mme Gousseau, le savent bien !
Monsieur Todeschini, veuillez croire que le Président de la République m'a entièrement soutenue durant la phase de concertation. S'agissant du financement, je vous rappelle qu'il a pris l'engagement d'augmenter le budget de la recherche de 4 milliards et celui de l'université de 5 milliards en cinq ans. Cela correspond bien, madame Morin-Desailly, à une augmentation de 50 %.
Contrairement à ce que M. Todeschini a affirmé, ce texte n'a pas été édulcoré à l'issue de la concertation, mais amélioré. Pour répondre aux demandes des universités, nous avons finalement opté pour un conseil d'administration composé de vingt à trente membres, ce qui est tout de même deux fois moins qu'auparavant. Les trois grandes universités d'Aix-Marseille veulent fusionner et unir leurs forces pour atteindre à la 26e place du fameux classement de Shanghai. Avec leurs 75 000 étudiants, elles ont besoin d'un conseil d'administration plus large que ce qui était prévu initialement. La présidente de la petite université pluridisciplinaire de Caen a également plaidé pour plus de souplesse et de liberté. Comment ne pas en tenir compte ?
Par ailleurs, comment ne pas se féliciter que l'autonomie ne soit plus optionnelle ? Pour le Président de la République, l'autonomie devait être un acte volontaire du conseil d'administration. Si nos partenaires, pendant la négociation, ont demandé que toutes les universités en bénéficient, c'est parce qu'ils ont reconnu que l'autonomie était le meilleur statut pour en faire des établissements du XXIe siècle, modernes, stratégiques et maîtres de leur politique d'enseignement et de recherche. Pour eux, il aurait été dommageable que certaines profitent de l'autonomie, et d'autres non. J'ai toujours défendu l'idée que ce nouveau statut est une chance pour les 85 universités de France...
M. Jacques Valade, président de la commission. - Très bien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - ... et que tout le monde désormais la réclame constitue une avancée exceptionnelle.
Enfin, vous avez suggéré que certaines dispositions du texte, notamment sur la gestion du personnel, étaient contraires à la Constitution. Le Conseil d'Etat n'est pas de cet avis, puisqu'il n'a émis aucune réserve : vous devriez être rassurés !
Madame Morin-Desailly, vous regrettez que ce texte ait été élaboré dans de brefs délais. Mais comme vous l'avez souligné, il y avait urgence. Je me réjouis que vous approuviez les mesures concernant la gouvernance, l'élargissement de l'autonomie à tous les établissements et l'extension des compétences des universités.
S'agissant des enseignants-chercheurs, 8 à 14 places leur sont réservées au sein du conseil d'administration. La pluridisciplinarité sera donc respectée. Au reste, chaque discipline n'a pas vocation à être représentée dans un conseil d'administration réduit. Nous voulons des administrateurs motivés pour définir un projet d'établissement, afin de libérer les initiatives.
Vous avez également parlé des procédures de recrutement des enseignants-chercheurs. Comme vous et comme la commission des affaires culturelles, j'estime qu'il faut mettre à part les agrégés de l'université qui ont passé un concours national.
Les directeurs d'IUT ont un droit de veto. Il serait paradoxal que les présidents d'université ne puissent jouir du même droit qui leur permettra de recruter des professeurs correspondant exactement au poste proposé.
Le dispositif d'orientation active n'est pas une sélection déguisée. Je vous ferai une proposition à ce sujet.
M. Legendre a rappelé que le classement de Shanghai était certes critiquable mais que puisqu'on ne pouvait changer les indicateurs dont nous n'étions pas maîtres, il valait mieux les retourner en notre faveur. Lorsqu'ils choisissent leur future université, les étudiants américains, australiens, chinois, indiens regardent ce classement. C'est la mondialisation. On ne peut s'en abstraire et nous devons donc gagner des places, ce qui n'est pas contraire à l'exigence d'excellence de l'université française.
Il est vrai, monsieur Legendre, que l'autonomie est un préalable à la réforme. Vous avez indiqué l'intérêt des antennes universitaires : ce texte ne prévoit ni suppression, ni fusion imposée. Il y aura recomposition du paysage universitaire grâce aux Pres, créés par la loi de 2006.
Concernant les immeubles, il y aura des expertises contradictoires et l'Etat les mettra en sécurité avant le transfert de propriété.
Alors que nous avons longtemps été le troisième pays à accueillir des étudiants étrangers, nous sommes passés à la cinquième place et l'Australie est sur le point de nous dépasser. La situation se dégrade d'autant plus que les étudiants qui viennent chez nous ne sont pas ceux des pays émergents qui, demain, tireront la croissance mondiale. Pour enrayer cette diminution de l'attractivité de nos universités, M. de Villepin a créé, en mars, Campus France qui travaille avec les ambassades afin de promouvoir nos universités à l'étranger.
M. Laffitte a rappelé son attachement à la coopération euro-méditerranéenne et il a dit sa satisfaction de constater que le Président de la République en avait fait une de ses priorités. Les gouvernements précédents n'y ont pas attaché suffisamment d'importance, mais cette période est révolue. Le Président de la République et le Premier ministre nous ont donné mission de rattacher la politique de recherche française à celle qui est menée au niveau européen et international. Sophia Antipolis représente toute votre vie et je puis vous assurer que je serai, si vous le souhaitez, monsieur le sénateur, à vos côtés.
Je ne veux pas faire une loi qui soit une cathédrale. On met beaucoup de temps à les bâtir et il suffit d'enlever quelques pierres pour qu'elles s'écroulent.
M. David Assouline. - Pas Notre-Dame de Paris !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Ainsi en a-t-il été de la Constitution européenne. Il a suffi, à l'occasion du référendum, que tous les « non » s'agrègent pour que l'édifice s'écroule. Je préfère poser de suite une première pierre plutôt que de préparer une grande loi de programme pou régler tous les problèmes et qui coagulerait toutes les oppositions au changement, si nombreuses dans notre pays.
Vous avez souhaité que ce texte s'inscrive dans la continuité de la loi de 2006, notamment avec les Pres. Un amendement de la commission des affaires culturelles vous donnera toute satisfaction, car il n'est pas question que l'autonomie se substitue aux Pres.
M. Jacques Valade, président de la commission. - Surtout pas !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Ces pôles sont des instruments extrêmement puissants de décloisonnement et de partenariat entre les secteurs privés et publics. Ils permettent, en outre, de faire le lien entre le national et l'international. Je veillerai en particulier à ce que des universités un peu isolées soient reliées à des Pres. Ainsi en est-il à Montpellier dont le Pres va regrouper Nîmes et Perpignan. Je veillerai à ce que des universités éloignées des grandes villes soient rattachées à des Pres.
M. Renar a parlé de l'échec à l'université et de l'insertion professionnelle, qui seront des chantiers prioritaires pour moi. Je suis heureuse de constater qu'il est favorable à l'autonomie.
Pourquoi ne pas avoir traité de tout l'enseignement supérieur ? Parce qu'il y a, dans notre pays, des choses qui marchent -les grandes écoles- et d'autres qui fonctionnent moins bien -les universités. Puisque le Président de la République souhaitait augmenter les crédits, ils devaient aller en priorité là où l'on constate des échecs.
En ce qui concerne le rôle du Parlement, sachez que le ministère sera très ouvert lors de la discussion des amendements. Contrairement à ce que vous dites, les universités les plus petites auront bien moins de mal à accéder à l'autonomie. Il sera beaucoup plus facile de gérer un budget global avec une centaine d'enseignants et quelques milliers d'étudiants que dans les très grandes universités, où les structures héritées de l'histoire se sont empilées.
Pour la carte universitaire, le regroupement s'opèrera avec les Pres qui donneront le label d'attractivité internationale.
Nous avons eu, monsieur Assouline, une soixantaine d'heures de concertation. Tous ceux que j'ai reçus m'ont dit avoir passé plus de temps au ministère qu'au cours des cinq dernières années.
M. David Assouline. - Ce n'est pas gentil pour M. Goulard...
Mme Valérie Pécresse, ministre. - De plus, ils sont arrivés avec des propositions très élaborées. En 2003, un projet de loi sur l'autonomie des universités avait été rédigé par Luc Ferry et il avait fait l'unanimité de la Conférence des présidents d'université. Les partenaires de la concertation avaient déjà des propositions à me faire. Alors, certes, ces heures de concertation ont été concentrées dans le temps, mais elles ont été intenses et riches. Et nous avons constaté une assez large convergence des points de vue.
M. David Assouline. - J'ai évoqué le débat parlementaire...
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Il se déroule dans des conditions extrêmement ouvertes.
J'en viens aux moyens. Vous avez dit qu'il fallait consacrer 3 % du PIB à la recherche. Effectivement, tel est l'engagement pris à Lisbonne, mais selon la clé de répartition suivante : 1 % pour la recherche publique et 2 % pour la recherche privée. Or, la France consacre 1,2 % de son PIB à la recherche publique et seulement 1 % à la recherche privée, dont l'insuffisance est le seul problème de notre pays. Il ne faut donc pas se tourner vers l'État pour obtenir plus de moyens.
L'évaluation universitaire figure dans la loi de 2006. Elle se met en place, même si le président de l'Agence d'évaluation de la recherche (AER) vient d'être appelé à d'autres fonctions.
Vous dites qu'il faut un service public national de l'orientation. Bien sûr : cela figure dans ma lettre de mission et dans celle de M. Darcos. J'y prendrai ma part, car les universitaires doivent aller rencontrer les lycéens dès la classe de seconde pour les aider à s'orienter.
Enfin, contrairement à ce que vous dites, ce texte n'est pas technique : il est stratégique.
Monsieur Portelli, j'ai beaucoup apprécié le début de votre intervention.
M. Jacques Valade, président de la commission. - Mais pas sa fin !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - J'ai noté que vous appréciez les compétences transférées, la modernité du texte et notre volonté de combattre la bureaucratie, qui gangrène le fonctionnement universitaire depuis des années. Le parallèle avec les grandes lois historiques de décentralisation de 1982 et 1983 a touché la jeune ministre que je suis, qui consacre tout son temps à lancer cette réforme.
J'ai aussi entendu vos réticences quant à la nomination des présidents d'université. Notre philosophie consiste non à passer d'un régime parlementaire à un régime présidentiel, mais un régime municipal : nous voulons que le président soit élu avec une équipe soudée par la dynamique d'un projet d'établissement. Ce que nous proposons permettra que des universitaires de grande valeur conçoivent et portent ensemble un projet pour leur université, même s'ils exercent dans des disciplines qui traditionnellement ne se rencontrent pas. Désormais, la possibilité de faire évoluer leur université dans le sens de l'excellence, avec de vrais leviers stratégiques de gouvernement pourra les motiver. La prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête dans le collège des enseignants-chercheurs assurera une majorité de gouvernement. Ainsi, les élus au conseil d'administration ne seront pas obligés de négocier en permanence chacune de leurs décisions.
Vous avez évoqué les grands secteurs scientifiques ainsi que le recrutement et l'affectation des professeurs. J'ai déjà donné mon accord pour que les agrégés du supérieur restent à l'écart du processus de recrutement. Pour favoriser la représentation des grands secteurs scientifiques au conseil d'administration, nous proposons que ses membres passent de vingt à trente, dont quatorze enseignants-chercheurs au lieu de huit. Il reste que le conseil d'administration doit prendre les décisions stratégiques, non représenter les diverses disciplines.
Enfin, vous voulez éviter le localisme. Cette tentation est toujours présente : hier, les représentants du Conseil national des universités m'ont dressé un tableau bien peu idyllique à cet égard du fonctionnement des commissions de spécialistes. Certains amendements apporteront des garanties pour éviter le localisme.
Monsieur Delfau, vous m'avez demandé mon avis sur quelques amendements. Certains sont satisfaits par ceux de la commission, d'autre par le texte que je présente. Ainsi, s'agissant de la nomination de personnalités qualifiées, nos positions se rejoignent.
Vous voudriez un collectif budgétaire. Or, l'esprit de la LOLF est d'attribuer l'argent public à des missions clairement identifiées. C'est pourquoi j'ai ouvert cinq chantiers. Le premier concerne l'immobilier et le deuxième les conditions de vie des étudiants. Le troisième chantier porte sur la revalorisation des débuts de carrière pour les chercheurs : 30 % des chercheurs du CNRS et de l'Inserm partiront à la retraite au cours des cinq prochaines années, nous devrons attirer de jeunes talents. Vient ensuite la réussite en licence, à laquelle nous travaillons avec le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche ainsi que la Conférence des présidents d'université. La concertation est en cours. Le dernier chantier concerne les carrières des universitaires.
Je conçois mon ministère comme celui du changement concret : j'ouvre un chantier pour le clore par une solution que j'ai les moyens de mettre en oeuvre. Je suis donc tentée de dire : un collectif budgétaire dès septembre, pour quoi faire ? (Protestations à gauche.) À quoi bon immédiatement ? Il faut définir des priorités stratégiques. Mais il y a déjà une excellente nouvelle pour la rentrée : j'ai obtenu du gouvernement que les bourses soient revalorisées de 2,5 %. Comme l'inflation est limitée à 1,7 %, ce rattrapage du pouvoir d'achat des étudiants après cinq années de vaches maigres est un premier signe concret de notre volonté.
Mme Hoarau a décrit un paysage très coloré et exigeant de la situation à la Réunion. Pour des raisons démographiques, l'université y est une exigence, plus que partout ailleurs. Je sais que la Réunion est à la croisée des chemins. L'île occupe dans l'Océan indien une position stratégique et elle peut devenir un pôle de développement. L'an dernier, mon ministère a contribué pour 7 millions aux recherches sur le chikungunya. La Réunion peut être un partenaire du Grenelle de l'environnement : nous pourrions y localiser des équipes de recherche sur la biodiversité, qui doit devenir un sujet français porté au G8 recherche.
M. Fourcade a évoqué trois sujets qui lui tiennent à coeur. Il n'est plus là... Tout à l'heure, il a accepté une de mes propositions malhonnêtes. (Sourires)
Le morcellement en quatre-vingt-cinq universités ? Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur apportent la réponse.
La spécificité des STS et des classes préparatoires ne soulève plus de difficultés depuis leur intégration dans le système LMD : les deux années consacrées à suivre ces formations sont validées comme semestres dans le cadre de la licence universitaire. Des passerelles sont donc établies
Enfin, j'ai proposé à M. Fourcade, qui l'a accepté, de prendre la tête d'une mission parlementaire sur l'orientation active.
M. David Assouline. - L'ouverture continue !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Nous devons évaluer soixante-sept expérimentations d'orientation active réalisée par certaines universités, comme celles de Tours ou de Créteil. Je suis tentée de solliciter M. Dauge pour participer aussi à cette mission parlementaire, afin qu'elle soit pluraliste. (M. Dauge donne son assentiment.)
Je sais que la sagesse des sénateurs leur permet de faire abstraction de leur appartenance pour proposer les meilleures réformes dans l'intérêt général. Tout cela se passerait bien entendu sous l'égide de la commission des affaires culturelles, bien que M. Fourcade n'en fasse pas partie.
M. Jacques Valade, président de la commission. - Nous en faisons notre affaire.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Mme Blandin a parlé de l'État garant. Pour moi, l'État est effectivement, un garant de la réforme, via les contrats qu'il signera avec les universités, à travers les moyens qui leur attribuera et grâce à son accompagnement. Vous dites que l'autonomie ne doit pas conduire à une concurrence débridée, qu'elle ne doit pas nuire à l'aménagement du territoire. Vous voulez qu'elle soit facteur de dynamisme, non d'inégalités. Je partage toutes vos préoccupations.
Hier, j'ai annoncé aux membres de l'inspection générale de l'éducation nationale et de la recherche, qu'ils devront réaliser un audit d'organisation dans chacune des quatre-vingt-cinq universités françaises, pour évaluer leurs capacités à élaborer un budget global, aussi bien qu'à gérer leur patrimoine immobilier. Nous les accompagnerons, en recherchant avec elles les outils les plus adaptés, qu'on peut même imaginer -rêvons !- mutualiser entre les établissements.
Quant au financement du Collège de France, je peux vous rassurer : si Liliane Bettancourt y finance une chaire, mon ministère prend en charge toutes les opérations de rénovation, avec l'aide de la région Ile-de-France : on est loin du grand capital !
M. Robert del Picchia. - Hélas ! (Sourires)
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Monsieur Othily, vous m'avez convaincue de ce que la réforme devait s'adapter aux caractéristiques de la Guyane et des Antilles : on ne peut s'en tenir à deux représentants au conseil d'administration pour trois collectivités locales, nous trouverons une solution. Vous souhaitez la création d'une université en Guyane, où l'on dénombre 1 518 étudiants, alors que la plus petite université française en compte 4 000. Le regroupement avec les Antilles s'explique par ces chiffres. Il faut peut-être spécialiser le pôle dans l'étude de la biodiversité ou dans les formations liées à la plateforme de Kourou.
Monsieur Sueur, je suis heureuse de vous entendre dire que l'autonomie est nécessaire aux universités, tout comme je partage votre souci d'un aménagement juste du territoire. Vous souhaitez un rapprochement des universités et des grandes écoles : il est en marche, grâce aux passerelles et au cursus LMD. Comme élue du plateau de Saclay, je sais combien une grande école comme HEC gagnerait à se rapprocher des universités de Paris-Sud Orsay et de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, plutôt que de se limiter à nouer des relations avec l'Essec et l'Escp. L'avenir est à la coopération et à la pluridisciplinarité : quand un scientifique et un gestionnaire se rencontrent, ils sont susceptibles de créer une entreprise -le problème en France, c'est qu'ils ne se rencontrent pas assez !
M. Robert del Picchia. - Très bien !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Monsieur Sueur, vous vous alarmez à tort des pouvoirs de nomination conférés aux présidents d'université par l'article 16. Vous proposez que plus de la moitié du comité de sélection relève de la discipline concernée, mais l'heure est à la pluridisciplinarité. Vos amendements bordent davantage le recrutement, nous les examinerons attentivement, mais nous ne voulons pas diminuer le poids des enseignants-chercheurs, mais attirer dans nos universités les meilleurs chercheurs étrangers ! Un dicton affirme qu'en France, les meilleurs étudiants ne rencontrent pas les meilleurs professeurs, parce que les premiers sont dans les grandes écoles, et les seconds dans les universités...
M. David Assouline. - De qui cette formule ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. - De Jean-Hervé Lorenzi dans L'Université maltraitée !
Monsieur Francis Giraud, vous soulignez avec raison les spécificités des UFR de médecine, en particulier la difficulté pour les enseignants à la fois de soigner, d'enseigner et de chercher. Il faut les intégrer dans une stratégie globale de recherche de l'Université, d'autant que la recherche médicale et biomédicale est pluridisciplinaire. Le directeur de l'INSERM m'a indiqué que les médecins ne représentaient plus désormais qu'un chercheur recruté sur vingt. Certes, il n'est pas nécessaire d'être médecin pour faire de la recherche médicale, et Pasteur lui-même n'était pas médecin. Mais il y a un seuil en deçà duquel on ne saurait aller, par rigueur scientifique : un amendement de votre commission précisera utilement ce point. J'avais demandé aux doyens des facultés de médecine de m'aider à le rédiger, je me félicite que vous l'ayez fait ! (On apprécie à droite) Je ne suis pas parvenue à rassurer les doyens de médecine sur la nomination des membres du personnel enseignant et hospitalier des CHU, pourtant garantie par l'article L.952-21 du code de l'éducation : la nomination relève du pouvoir conjoint du ministre de l'enseignement supérieur et du ministre de la santé, c'est dans la loi ! J'espère que votre précision saura les rassurer !
M. Daniel Raoul demande une loi d'orientation, j'ai déjà dit que je ne voulais pas d'une loi « cathédrale », que les petites universités tireraient avantage de l'autonomie et que l'avenir des pôles de recherche et d'enseignement allait être consacré.
Monsieur Lardeux, les modulations de service sont compatibles avec le statut des enseignants et chercheurs. Des aménagements sont possibles, comme de proposer d'enseigner moins en début de carrière, pour consacrer plus de temps à la recherche, puis d'enseigner davantage en fin de carrière, quitte à chercher moins. Des tâches administratives et pédagogiques comptent également, en particulier le tutorat des étudiants, qu'il faut valoriser.
Aujourd'hui, l'accompagnement pédagogique repose sur le bénévolat... La communauté universitaire donne beaucoup mais elle est peu récompensée.
La question des droits d'inscription ne figure pas dans le texte : selon certains, cela prouve qu'il n'y a pas de réforme. Mais c'est une illusion de croire que l'on trouverait dans une augmentation des droits une ressource substantielle. Même un accroissement considérable, jusqu'à 3 ou 4000 euros -contre 200 aujourd'hui- ne serait qu'une goutte d'eau. Et un tel choix laisserait penser que l'État se défausse sur les familles. En outre, la proportion de boursiers est de 40 %. Dès lors, qui paiera ? Les classes moyennes, surtout ; parmi elles, les familles nombreuses, qui considèrent qu'elles ne sont plus aidées lorsque les enfants sont grands. Comment leur imposer une aussi lourde charge ? Et comment leur demander de financer des formations dont les diplômes demeurent insuffisamment qualifiants ? Nous ne pouvons envisager un tel transfert de responsabilités d'État, ce ne serait pas conforme à notre modèle national, fondé sur la solidarité...
M. Gérard Delfau. - Très bien.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Il faudrait aussi augmenter considérablement le nombre des boursiers (M. Delfau renchérit) ce qui déséquilibrerait l'ensemble.
La sélection à l'entrée n'est pas une solution. Notre problème réside dans un nombre insuffisant d'étudiants au niveau de la licence : 37 % l'obtiennnent, quand il faudrait atteindre 50 %. La logique malthusienne est contraire à notre engagement d'élever le niveau de qualification. Certes, il faut une orientation active : les titulaires de baccalauréats technologiques doivent accéder plus facilement aux filières courtes qui ont été créées pour eux ; et les bons bacheliers des sections générales -même issus des milieux les moins initiés- doivent oser l'université. Ils choisissent souvent des IUT ou STS qui offrent des formations courtes, professionnalisantes, bref rassurantes. Il y a enfin le défaut de qualité des licences. Il est donc temps de lancer ce chantier.
M. Dauge a évoqué la coopération nationale et le rayonnement de la France : je suis d'accord avec lui. Nous viendrons à Tours tirer le bilan de l'orientation active.
M. Revol a eu des mots très justes sur le projet de loi : lui aussi affirme que la sélection à l'entrée n'a pas lieu d'être, que les partenariats public-privé sont absolument nécessaires -les décloisonnements, y compris avec de grands organismes de recherche- ne figurent pas dans ce texte mais ils sont importants. Je note que l'autonomie rencontre un tel succès que les grandes écoles la réclament aussi. Je comprends les amendements déposés en ce sens, mais les moyens budgétaires alloués dans le cadre de la réforme doivent aller d'abord aux universités.
M. Mélenchon (marques de contentement à gauche) a dit que la gouvernance n'était pas le sujet à traiter en premier : mais si on ne commence pas par la tête, comment remuscler les jambes ? (M. Assouline exprime sa perplexité)
Quant aux regroupements, rassurez-vous, il n'en est pas question. Les petites universités montrent du reste plus de facilités à s'approprier la réforme. Et il n'est pas si compliqué, pour une université implantée dans un bassin d'emploi comportant essentiellement un ou deux gros groupes -tel Michelin à Clermont-Ferrand- de tisser des liens...
M. Mélenchon a parlé d'un mercato des professeurs dont nous serions victimes. Comment nier la compétition internationale ? Faut-il éviter d'en parler, et aller dans le mur ? On peut aussi choisir de s'armer pour gagner cette guerre ! (Applaudissements à droite)
Je précise qu'il y a non pas 35 mais 25 % d'étrangers au CNRS ; en revanche, le désamour des étrangers pour nos universités est un fait, il se constate dans les chiffres.
L'insertion professionnelle, monsieur Dassault, constitue effectivement, désormais, la troisième mission des universités. Elle suppose un changement de mentalité profond. Cette demande émanait de la Confédération étudiante, ce qui montre qu'une partie des étudiants ont pris conscience que les études servaient à former des hommes libres, à aller plus loin dans les savoirs, mais aussi à construire son avenir professionnel. Monsieur Dassault, votre idée de GPS d'orientation professionnelle me séduit, et si un logiciel peut venir à bout de l'échec universitaire, j'y serai très favorable ! (Applaudissements sur les bancs de droite)
Motion tendant à opposer la question préalable
M. le président. - Motion n°1, présentée par M. Renar et les membres du groupe CRC.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux libertés des universités (n° 367, 2006 2007) (urgence déclarée).
Mme Annie David. - Cette motion n'a rien d'une procédure formelle destinée à faire durer le débat. Nous voulons réaffirmer l'urgence d'une grande réforme progressiste de notre enseignement supérieur, associant toutes les parties concernées. Or votre projet tourne le dos à cette exigence. Nous aurions pu aussi bien défendre une exception d'irrecevabilité, tant la mise en concurrence des universités et l'abandon de la cohérence nationale contredisent le Préambule de 1946.
M. Bruno Sido. - Pas d'accord !
Mme Annie David. - Nous nous sentions d'autant plus autorisés à le faire que le Président de la République a réveillé dans notre conscience collective la mémoire des jeunes résistants qui ont donné leur vie pour la France : le Préambule de 1946 est la retranscription du programme du Conseil national de la résistance.
M. Bruno Sido. - Vieilles lunes !
Mme Annie David. - La communauté universitaire dénonce la dégradation des conditions de vie et d'études : pouvoir d'achat, logement, insertion... Oui il faut une réforme, mais qui réaffirme le statut social de l'étudiant. Voyez le rapport parlementaire de celui qui est devenu le porte-parole du gouvernement et qui préconisait alors d'accroître le nombre de bourses. C'est une question de justice sociale et le juste, disait Aristote, c'est « ce qui est conforme à la loi et qui respecte l'égalité ».
Le mouvement contre le CPE l'an dernier a témoigné de l'angoisse des jeunes pour leur avenir ; il a montré l'indigence des moyens que la Nation consacre à ses universités. Lors de la dernière discussion budgétaire, M. Renar appelait à un effort sans précédent afin de renverser la tendance actuelle à la raréfaction des moyens, mais le ministre, M. Goulard, ne lui répondait pas.
Ce texte est lui aussi bien éloigné des réels besoins. Il eût fallu un collectif budgétaire. Un milliard de plus par an, c'est une bonne chose, mais comment les sommes seront-elles réparties ? Si l'effort, notable, mérite d'être salué, le retard accumulé était tel... En 2012, on dépensera 10 500 euros par étudiant contre 6 500 aujourd'hui. La différence est nette mais le délai trop long. Or il était possible de faire mieux et plus vite, puisque le gouvernement s'apprête à faire voter 11 milliards d'euros de défiscalisations. Il pouvait doubler le budget des universités !
Tout est affaire de choix politiques ; nous contestons les vôtres, qui ne sont à la hauteur ni des besoins de l'université, ni des enjeux. Ce n'est pas d'une insuffisance de gouvernance dont souffre l'université, même si nous sommes prêts à examiner des réformes de gestion ; il faut réaffirmer les attentes de la Nation, redéfinir les objectifs, les missions, l'organisation de notre système d'enseignement supérieur, la place des instituts, des universités, des classes préparatoires, conforter les liens avec la recherche afin de promouvoir une civilisation de la connaissance partagée. C'est à partir de ces choix que l'on pourra décider des moyens nécessaires à la réussite du plus grand nombre.
Nous sommes favorables à une transformation radicale de notre système, mais dans le cadre d'une réforme d'ensemble validée par une loi de programmation examinée autrement qu'en urgence. Pourquoi le Parlement ne débat-il pas d'abord des finalités, des moyens, du sens donné à la démocratisation ? L'université n'est pas isolée du reste du système éducatif ! Comment être rassuré sur la volonté du gouvernement dès lors qu'il s'apprête à supprimer 17 000 postes à la prochaine rentrée ? Alors qu'il faudrait anticiper, il fait tout à l'envers, assurance de dysfonctionnements futurs. Au nom d'une vision particulière de l'autonomie, vous présentez un projet qui signe le désengagement des pouvoirs publics et l'ouverture des universités au monde économique. Oui à l'autonomie des universités, mais dans le cadre d'une réforme d'ensemble qui ne sera possible qu'après une réelle concertation. C'est pourquoi nous ne proposons pas de réforme « prête à porter ».
Qui dit pouvoirs renforcés dit contrepouvoirs, pluralisme, démocratie, structures de concertation : l'ampleur des défis à relever exige la mobilisation de toutes les forces vives du monde universitaire, surtout dans un contexte où les productions immatérielles sont de plus en plus considérées comme de vulgaires marchandises, évaluées en terme de rentabilité et de parts de marché. Selon le rapport de MM. Jouyet et Levy, « il convient de traiter économiquement le capital humain » car « l'immatériel devient la source principale de création de valeur ». Ce dévoiement des valeurs va à l'encontre d'une société de la connaissance pour tous et remet en cause le principe même de service public. Dans cette approche technico-financière, il n'y a guère de place pour la production et la diffusion des connaissances et des savoirs.
Au lieu de légiférer vite, il faut prendre le temps de légiférer bien ; notre système universitaire ne peut que pâtir de la précipitation et des calculs politiciens, du manque de démocratie. Or nous ne sommes pas loin de l'absolutisme avec le droit de veto du président, son pouvoir de nomination, les libéralités financières dont il peut user à sa guise. Votre projet apparaît comme un règlement de comptes avec le formidable mouvement social, universitaire et étudiant de mai 68, dont le Président de la République entend faire disparaître toute trace.
Pourtant, c'est dans la précipitation que vous nous le présentez. Dès votre nomination, vous mettez en place des ateliers de concertation ; bon départ, si je puis dire... Mais aucun ne traite de la gouvernance... Le premier projet n'est rendu public que deux jours avant la réunion du CNESER ; et vous annoncez qu'il sera présenté huit jours plus tard en Conseil des ministres, sans qu'il soit prévu d'autres réunions de concertation. Puis le texte est repoussé d'une semaine pour permettre au Président de la République de mener ses propres consultations, au terme desquelles des modifications substantielles sont apportées sous la pression des organisations syndicales. Nouveau départ : un nouveau projet est mis sur la table et présenté comme définitif. Or celui dont débat le Conseil des ministres du 4 juillet est différent ; et ce n'est que le 5 juillet que nous sommes saisis du texte... sur lequel vous déclarez l'urgence. Le Sénat n'aura eu que sept jours pour l'examiner, un délai qui ne permet ni une véritable concertation, ni un échange de vue des parlementaires avec les différentes composantes de la communauté universitaire, ni même le recul nécessaire pour examiner un texte dont vous dites vous-même qu'il est l'un des plus importants de la législature. Vous souhaiteriez faire enregistrer sans autre forme de procès une décision du Président de la République que vous ne vous y prendriez pas autrement. Pourquoi tant de hâte ? Le gouvernement redoute-t-il à ce point le débat d'idées et la contradiction ?
La méthode est désastreuse, qui témoigne d'une évidente fébrilité. Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'à chaque nouvelle version, le projet de loi a changé d'intitulé : projet de loi « portant organisation de la nouvelle université », puis projet « relatif à la gouvernance et aux nouvelles compétences des universités », et enfin -titre sans doute plus consensuel et surtout plus porteur- projet relatif « aux libertés des universités ». Mais de quelle liberté est-il question ? De celle du marché de dicter sa loi aux universités ou de celle de la communauté universitaire de mieux prendre son destin en main ?
Nous sommes solidaires de l'ensemble du monde universitaire qui porte d'autres exigences. Le premier temps fort des « assises de l'enseignement supérieur et de la recherche » s'est déroulé le 2 juillet : pourquoi ne pas vous appuyer sur cet événement ? Pourtant, l'irrésistible besoin de moderniser notre université, cette « impérieuse nécessité », avez-vous dit, madame la ministre, aurait dû être une formidable occasion de donner un souffle nouveau aux fondements des conquêtes éducatives, culturelles, sociales, scientifiques de notre société et de veiller au partage du meilleur de ce peut produire l'imagination humaine.
En repoussant les réformes nécessaires, en acceptant, comme l'a dit M. Mélenchon, un vice de forme, vous prenez le risque de sacrifier une génération d'étudiants.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Les auteurs de la motion estiment que l'autonomie est, dans ce texte, organisée sans que le cadre national de notre enseignement supérieur soit rénové ; cette critique est paradoxale dès lors que la réforme suscite les protestations de ceux qui dénoncent un remodelage complet du système.
Il n'est pas fondé non plus de dire que le texte n'est pas accompagné de moyens financiers et humains : le Premier ministre a réitéré dans sa déclaration de politique générale la promesse du Président de la République de faire de l'enseignement supérieur une priorité absolue et d'engager chaque année pendant cinq ans un milliard d'euros supplémentaire. Un tel effort est considérable.
Quant à l'objectif de réussite de tous les élèves, s'il ne figure pas dans ce texte, il est un des cinq grands chantiers ouverts par madame la ministre à la demande des syndicats étudiants : « réussir la licence », c'est lutter contre l'échec en premier cycle, c'est faire de la licence un diplôme qualifiant, un tremplin vers la poursuite des études ou vers l'emploi.
La commission donne un avis défavorable à cette motion.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Avis défavorable.
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Motion tendant au renvoi en commission
M. le président. - Motion n°36, présentée par M. Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
En application de l'article 44 alinéa 5 du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la Commission des affaires culturelles le projet de loi relatif aux libertés des universités (urgence déclarée) (n° 367).
M. Yannick Bodin. - Qui contesterait la nécessité d'une réforme de l'université ? Réforme d'importance qui mérite une réflexion en profondeur, avec pour objectif de former au plus haut niveau le maximum de jeunes, de lutter contre l'échec, d'attribuer des moyens financiers suffisants, d'accompagner les jeunes issus de familles modestes, de repenser la place de la recherche, de définir le contenu des formations. Bref, une belle ambition. Or que nous propose-t-on ? De mettre la charrue avant les boeufs : vous redéfinissez l'outil sans fixer les objectifs. En fait de réforme de l'université, on nous présente un seul volet : celui de la gouvernance. Il n'est pas médiocre. Mais nous le voyions plus comme un aboutissement de la réforme. Certes, vous pouvez vous prévaloir de ce que le Président de la République a discuté avec les partenaires concernés. Mais qu'en est-il du Parlement qu'on nous dit vouloir revaloriser ? À l'heure où des commissions de révision institutionnelle sont annoncées, à l'heure où l'on prétend donner tout son sens au débat devant la représentation nationale, pourquoi nous présenter ce texte à la sauvette ? Et pourquoi avoir déclaré l'urgence ? Pendant toute la législature précédente, il y avait urgence parce que la législature se terminait ; maintenant, c'est parce qu'elle commence. Au coeur du travail parlementaire, il y a la navette ; en proclamant l'urgence, vous ne respectez pas la représentation nationale.
Notre commission a procédé à plusieurs auditions avant même que le projet ait été finalisé et présenté aux parlementaires ! Plusieurs textes ont circulé et il aura fallu attendre le 5 juillet pour que vous présentiez le vôtre, moins d'une semaine avant le débat en séance. La commission en est réduite à faire défiler les amendements, à les énumérer plutôt qu'à les étudier. On ne bâcle pas en moins d'une semaine des décisions législatives qui ont pour ambition de repenser l'avenir de toute la jeunesse française. Commencez par nous donner du temps ! C'est le sens de cette motion de renvoi.
Votre projet de loi a changé plusieurs fois de titre. Les principaux intéressés ont été brièvement consultés -sur quoi ? Sur de grands principes, qui peuvent rassembler le plus grand nombre. Mais les moyens, les mesures concrètes ? Telle est bien la faiblesse de votre texte, et je crains que les déceptions ne viennent rapidement, quand chacun constatera le manque cruel d'engagements précis.
Toutes les universités sont concernées par l'autonomie mais elles n'ont pas toutes les mêmes capacités humaines et financières. Le premier milliard destiné à ce secteur a été promis par le Président de la République pour 2008. Mais, c'est à la rentrée 2007 que les premières mesures doivent être financées si vous voulez tenir votre calendrier. Il faut donc un collectif budgétaire dès maintenant.
Le statut du personnel ? C'est une question primordiale. On peut admettre que des moyens nouveaux de recrutement soient offerts, mais attention au respect des statuts.
Le patrimoine immobilier est vétuste et insalubre. Comment l'État entend-il financer la remise à niveau ? Lors de la décentralisation des lycées, l'État s'est engagé, mais malgré des efforts budgétaires reconnus par tous, les programmes de rénovation ne sont pas achevés vingt ans après. Quelle garantie allez-vous accorder aux universités ?
J'en conviens, il est difficile de réformer les universités. Plus d'un gouvernement s'y est cassé les dents. Aussi, une large concertation est-elle nécessaire. Le compte n'y est pas. Sur la gouvernance, des interrogations demeurent.
Le mot sélection n'apparaît pas, mais on dit que l'entrée en mastère fera l'objet d'un texte particulier. Quelle assurance donnez-vous que le mot sélection ne réapparaitra pas ? Vous connaissez la vigilance des étudiants. Il y a là un chiffon rouge. Nous aimerions que vous redéfinissiez votre politique de l'orientation. Celle-ci ne saurait se faire perpétuellement par l'échec.
Sur les fondations, des partenariats seront engagés et développés, mais une condition doit être posée : que l'Éducation nationale et les universités restent pilotes. Il faut les garantir contre les diktats de lobbys. L'Université doit être à l'écoute du monde économique, mais elle ne saurait être soumise, ni pour son enseignement, ni pour ses programmes de recherche et ni pour ses financements.
Vous avez annoncé plusieurs chantiers ; j'en ajouterai un : les classes préparatoires aux grandes écoles. La commission a créé une mission d'information sur « la diversité sociale et l'égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles ». Rapporteur de cette mission, j'espère vous présenter le fruit de nos travaux en septembre.
Quel calendrier pour la grande réforme ? Quelle concertation allez-vous mettre en oeuvre ? Allez-vous, pour chaque texte législatif, nous refaire le coup de l'urgence ? Le Parlement sera très attentif à la manière dont vous saurez l'associer. Nous voulons pouvoir travailler sérieusement. Il faut un peu de temps. Cela en vaut la peine. (Applaudissements à gauche)
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. - Les auteurs de la motion considèrent que les délais réduits ne permettent pas un examen sérieux du projet de loi en séance publique. Certes, les délais qui nous ont été impartis par le gouvernement sont extrêmement serrés, mais nous attendons ce projet de loi depuis si longtemps que l'urgence commande de ne pas perdre une année de plus : ce texte doit impérativement être examiné cet été, pour que l'application démarre dès la rentrée universitaire. Notre commission s'y prépare d'ailleurs depuis plusieurs années, puisqu'elle avait travaillé dès 2003 un avant-projet de loi sur l'autonomie des universités. Ses travaux d'information doivent justement préparer le plus en amont possible la réflexion.
Toutes nos missions d'information à l'étranger depuis trois ans, aux États-Unis, en Allemagne ou au Japon, auxquelles ont participé certains signataires de cette motion, ont étudié la situation des universités. M. Jean-Léonce Dupont a présenté un rapport sur le patrimoine immobilier des universités. Enfin, à l'occasion des mouvements étudiants suscités il y a deux ans par l'introduction du LMD, nous avons organisé des tables rondes dont les actes ont été publiés. C'est ce socle qui nous rend parfaitement opérationnels.
Nous avons auditionné les principaux acteurs et le rapporteur a mené les auditons dont la liste figure en annexe de son rapport. Nous avons été frappés par la maîtrise de vos interlocuteurs. Présidents d'université, étudiants ou syndicalistes sont conscients de l'enjeu et ont apporté leur contribution avec réalisme. Il y a vingt ans, il n'en était pas de même...
M. David Assouline. - Parlez-vous de M. Monory ?
M. Jacques Valade, président de la commission. - ... mais les étudiants d'alors ont mûri et sont devenus parlementaires. (M. Assouline sourit)
Nous sommes prêts : avis défavorable à la motion.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Même avis.
M. le président. - Amendement n°37, présenté par M. Jean-Léonce Dupont au nom de la commission des affaires culturelles.
Rédiger comme suit l'intitulé du titre Ier :
Les missions du service public de l'enseignement supérieur
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - L'article correspondant ne traite pas que des universités.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Avis défavorable. Vous avez juridiquement raison mais le gouvernement tient particulièrement au terme « universités », qui est au coeur de la réforme.
L'amendement 37, adopté, devient l'intitulé du titre Ier.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°117, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les universités françaises bénéficieront, pour mettre en oeuvre leurs nouvelles compétences, d'un investissement important de l'État faisant l'objet d'une loi de programmation quinquennale, qui sera présentée au Parlement d'ici la fin de l'année 2007. Cette programmation portera sur la période 2007-2012.
M. David Assouline. - Nous avons insisté dans la discussion générale sur la nécessité d'une loi de programmation. Les faits sont têtus, la France sous-finance son enseignement supérieur et sa recherche alors que certains établissements d'enseignement sont mieux financés que les universités. Il faut donc mettre fin à la paupérisation de celles-ci en leur donnant les moyens de l'excellence, d'où ce préambule en forme d'amendement qui nous engagerait à rejoindre la moyenne des pays de l'OCDE.
Tout à l'heure, j'ai demandé à la ministre si on supprimerait un poste de fonctionnaire sur deux dans l'enseignement supérieur. Êtes-vous en discussion budgétaire ? Les enseignants, les étudiants, le personnel de l'enseignement supérieur doivent savoir : M. Darcos vient d'annoncer des milliers de suppressions d'emploi dans l'enseignement, qu'en sera-t-il dans le supérieur ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Nous connaissons les chiffres mais aussi l'engagement du Président de la République. Nous veillerons à sa traduction dans le projet de loi de finances pour 2008. Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Même avis. Quand je dis que je suis en négociation budgétaire, je suis en négociation budgétaire. J'ajoute que priorité a été donnée à ce ministère et qu'un milliard a été dégagé. Je crois qu'investir dans l'université, c'est investir pour l'avenir : l'objectif de Lisbonne doit être respecté.
M. Gérard Delfau. - Je n'ai pas été convaincu par votre réponse sur le collectif, qui est une méthode habituelle. Il permettrait, dans une situation particulièrement grave, de donner un signe de confiance à la communauté universitaire. Votre projet, quoique nécessaire, n'est pas évident. Il gagnerait en crédibilité avec un geste du gouvernement courant juillet.
Mme Nicole Bricq. - On ne peut répondre avec désinvolture sur cet amendement. J'ai interrogé M. Adnot, en commission des finances, sur les 5 milliards en cinq ans annoncés par le Président de la République : faut-il comprendre qu'il y aura un milliard l'an (un + un + un...) ou un milliard de plus chaque année (un + deux + trois...) ? Vous parlez d'arriver à 10 000 euros par étudiant mais si vous souhaitez en même temps augmenter leur nombre pour que 50 % d'une classe d'âge entre à l'université, vous serez bien loin du compte avec 5 milliards au total. Quelle confiance accorder à cette promesse si un collectif ne la traduit pas ?
M. Ivan Renar. - Nous voterons l'amendement 117 car les moyens restent dans un clair-obscur. Les arbitrages pour le budget sont déjà rendus puisque quand M. Darcos avait annoncé dix mille suppressions d'emplois, Bercy en annonce dix-sept mille...
M. Jacques Valade, président de la commission. - Cela n'a rien à voir.
M. Ivan Renar. - Les arbitrages sont rendus, les députés n'examineront le budget qu'en octobre après la rentrée des étudiants. Un collectif budgétaire donnerait un signe fort.
La rentrée universitaire sera difficile. Pour éviter un durcissement en septembre, il aurait fallu un collectif budgétaire, et non précipiter l'examen de ce projet de loi en juillet. Je ne cherche pas à jouer les Cassandre : j'ai consulté Présidents d'université, syndicalistes étudiants et chercheurs. Leur adhésion à la réforme est d'ailleurs conditionnée à l'obtention de moyens supplémentaires pour l'université. Si rien n'est fait, il faudra attendre 2008 pour qu'un milliard, dans le meilleur des cas, soit alloué à l'enseignement supérieur.
L'amendement n°117 n'est pas adopté.
Article 1er
L'article L. 123-3 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 123-3. - Les missions du service public de l'enseignement supérieur sont :
« 1° La formation initiale et continue ;
« 2° La recherche scientifique et technique ainsi que la valorisation de ses résultats ;
« 3° L'orientation et l'insertion professionnelle ;
« 4° La diffusion de la culture et l'information scientifique et technique ;
« 5° La coopération internationale. »
M. le président. - Amendement n°38, présenté par M. J.L. Dupont au nom de la commission des affaires culturelles.
Rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 123-3 du code de l'éducation :
« 2° La recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats ; »
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Il s'agit, au-delà des questions terminologiques, d'encourager les universités à déposer des brevets et des licences.
L'amendement n°38, accepté par le gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°118, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Rédiger ainsi le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 123 3 du code de l'éducation :
« 3° L'orientation et la préparation à l'insertion professionnelle des étudiants ;
M. Yannick Bodin. - Avec cet article premier, on nous propose d'ajouter l'orientation et l'insertion professionnelle aux quatre missions de service public de l'enseignement supérieur. On ne peut que souscrire à cet objectif lorsque 92 000 jeunes quittent chaque année le premier cycle, faute d'avoir été bien orientés et informés, et que les étudiants, une fois diplômés, peinent à trouver du travail. Néanmoins, afin d'éviter toute confusion, nous proposons de préciser que l'université a pour mission la préparation à l'insertion professionnelle, et non l'insertion professionnelle qui relève de la politique de l'emploi. L'Université ne saurait devenir une super ANPE !
M. le président. - Amendement n°178, présenté par M. Renar et les membres du groupe CRC.
Dans le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 123 3 du code de l'éducation, après les mots :
l'orientation et
insérer les mots :
la préparation à
Mme Annie David. - Soumettre l'université à une obligation d'insertion professionnelle serait illusoire. Le diplôme n'est pas un passeport direct pour l'emploi. S'il protège encore du chômage, il n'est pas suffisant pour décrocher un travail. D'autres facteurs entrent en compte : morosité du marché de l'emploi, facteurs économiques, ségrégation urbaine et raciale. La mission de l'université, c'est de partager les connaissances, de préparer les jeunes à la vie active, et non de devenir une « super ANPE » pour reprendre l'expression de M. Bodin.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Ces amendements alourdiraient le texte inutilement. La mission de l'université est bien de contribuer à l'insertion que désirent tant les étudiants et leurs familles. Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Même avis.
L'amendement n°118 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°178.
M. le président. - Amendement n°39, présenté par M. J.L. Dupont au nom de la commission des affaires culturelles.
Après le cinquième alinéa (4°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 123-3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :
"4°bis La participation à la construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Il s'agit de traduire dans le code de l'éducation les réformes engagées, notamment celle ayant trait au système LMD.
M. le président. - Amendement identique n°98, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe UC-UDF.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Même raisonnement que le rapporteur.
L'amendement n°39, identique à l'amendement n°98, accepté par le gouvernement, est adopté.
L'article premier, modifié, est adopté.
Article additionnel
M. le président. - Amendement n°173, présenté par M. Renar et les membres du groupe CRC.
Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le système de protection sociale et les oeuvres universitaires seront portés au niveau des besoins correspondant à l'exigence de lutte contre la ségrégation sociale. Le système des bourses d'Etat sera rapidement étendu et revalorisé, dans le cadre d'une allocation d'autonomie pour la jeunesse, de façon à accroître rapidement la présence et la réussite des étudiants issus des catégories de la population à revenus modestes.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Plutôt que de gouvernance, nous aurions aimé débattre de financement dans le cadre d'un collectif budgétaire. Chacun reconnaît que les conditions de vie des étudiants se sont particulièrement dégradées ces dernières années. Si l'on ne fait rien pour que cela s'améliore, notamment pour les jeunes issus de familles modestes, l'égalité des chances restera un voeu pieux.
Madame la Ministre, j'ai noté que avez promis de relever les bourses de 2,5 % en imputant à votre prédécesseur les années de « vaches maigres » que nous venons de traverser. Mais, la représentation nationale doit aujourd'hui envoyer un signal fort et s'engager contre la sélection sociale qui sévit dans l'enseignement supérieur.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Avis défavorable : cet amendement constitue une injonction au gouvernement. Dans le rapport, la commission a demandé une remise à plat du système des aides sociales étudiantes et nous faisons confiance à Mme la ministre pour la mener à bien.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Le chantier « vie étudiante » permettra de répondre à ces questions.
M. David Assouline. - Nous voterons cet amendement. Nous ne pouvons pas attendre 2008 quand il s'agit de la protection sociale, des bourses et de la vie des étudiants. Pourquoi y a-t-il urgence à voter un texte présenté il y a peine huit jours en Conseil des ministres, et non à s'assurer que la rentrée universitaire se déroulera dans des conditions décentes ?
Encore une fois, madame la Ministre, comment ne pas être inquiet quand vous ne pouvez pas nous dire au nom du gouvernement -je sais que vous aimeriez en être capable- si un fonctionnaire de l'enseignement supérieur sur deux sera remplacé après son départ à la retraite ?
L'amendement n°173 n'est pas adopté.
Articles additionnels
M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. Lardeux.
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé
L'article L. 731 14 du code de l'éducation est abrogé.
Amendement n°15, présenté par M. Lardeux.
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé
Le second alinéa de l'article L. 731 14 du code de l'éducation est supprimé.
M. André Lardeux. - L'enseignement privé supérieur n'est pas directement visé par ce projet de loi mais le changement de gouvernance des universités publiques risque d'avoir des conséquences sur les relations qu'elles entretiennent avec l'enseignement supérieur privé, à moins que cela ne soit résolu par de futures dispositions règlementaires.
Je tiens toutefois à attirer l'attention de Mme la ministre sur la situation d'Angers où cohabitent une université d'État et l'université catholique de l'ouest. La première a une trentaine d'années tandis que la seconde compte presque 130 ans. L'usage est d'appeler cette dernière « université » alors que les autres établissements catholiques sont appelés « instituts ». Le décret de 1876, qui a créé cette université, est en effet antérieur à la loi de 1880 qui a réservé le titre d'université aux seuls établissements d'État.
Le rectorat de l'Académie de Nantes a attendu l'interrègne entre le départ de l'ancien gouvernement et la nomination des nouveaux ministres pour rappeler à l'université catholique de l'ouest qu'elle ne pouvait se qualifier du titre d'université. La ville, l'agglomération et le département ont vivement réagi à cette lettre qui était d'une discourtoisie remarquable. A Angers, tout le monde fait la différence entre les deux établissements qui vivent d'ailleurs en bonne intelligence et qui participent, tous deux, au rayonnement de la ville. Pourquoi rallumer une guerre inutile ?
Je propose donc de supprimer des textes vexatoires qui risquent de provoquer des tensions parfaitement déplacées.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Je souhaite entendre le gouvernement.
M. David Assouline. - En français, pas en latin !
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Il serait inopportun de ne pas protéger cette appellation et de remettre en cause l'équilibre voulu par la loi de 1880 entre enseignement supérieur public et privé. En outre, nous touchons là au principe républicain de laïcité. Ce projet de loi n'a pas vocation à modifier cet équilibre.
Pourtant, il faut, sur des sujets qui touchent à des traditions séculaires, savoir faire preuve de diplomatie et de souplesse.
Avis défavorable aux deux amendements.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Nous suivons l'avis du gouvernement.
M. André Lardeux. - J'ai bien compris que Mme la ministre souhaitait que l'administration de l'éducation nationale fasse preuve de discernement et de diplomatie. Je compte sur elle pour le rappeler à l'auteur de cette lettre afin que d'éviter des combats inutiles et dommageables.
Les amendements n°s 14 et 15 sont retirés.
Article 2
Le premier alinéa de l'article L. 711-7 du code de l'éducation est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les établissements déterminent, par délibérations statutaires du conseil d'administration prises à la majorité absolue des membres en exercice, leurs statuts et leurs structures internes, conformément aux dispositions du présent code et des décrets pris pour son application. »
M. le président. - Amendement n°119, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Dans le second alinéa de cet article, remplacer le mot :
absolue
par les mots :
des deux tiers
M. David Assouline. - Alors que dans tous les établissements publics et même dans les entreprises --votre modèle de référence par excellence-, les modifications statutaires ou de structures sont toujours prises à la majorité qualifiée des deux tiers, vous refusez de maintenir une telle règle pour les universités. Leurs statuts pourraient ainsi être modifiés à la majorité simple. Une seule voix pourrait faire toute la différence. C'est impensable !
Il convient donc de maintenir en l'état le code de l'éducation afin que les nouveaux conseils, dont la composition sera plus ramassée, ne puissent pas modifier leurs statuts grâce à une majorité de circonstance. Je vous demande donc de voter cet amendement de bon sens.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Un tel amendement serait contraire à l'esprit du texte qui est d'accélérer le processus décisionnaire. Avis défavorable.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Même avis.
M. David Assouline. - C'est un peu court !
L'amendement n°119 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°180, présenté par M. Renar et les membres du groupe CRC.
Dans le second alinéa de cet article, après les mots :
structures internes,
insérer les mots :
et dans le respect d'une équitable représentation dans les conseils de chaque grand secteur de formation
M. Ivan Renar. - Il convient d'assurer une représentation équitable au sein du conseil d'administration, du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire afin de renforcer la légitimité de ces trois instances. En outre, une telle disposition mobiliserait les enseignants-chercheurs et assimilés autour d'un projet d'établissement élaboré en commun.
Cette juste représentation des grands secteurs de formation est d'autant plus nécessaire que les disciplines universitaires ont des taux d'encadrement très variables : certaines, qui accueillent un grand nombre d'étudiants, peuvent être très minoritaires dans le corps enseignant. Or, les décisions les concernant ne peuvent être prises en l'absence d'un de leur représentant.
La gestion de l'université doit demeurer collégiale : toute entorse à ce principe risque de susciter des crispations, voire des blocages. De l'équitable représentativité des conseils dépend la légitimité de leurs décisions.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - L'article 9 vous donne satisfaction pour le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire.
En ce qui concerne le conseil d'administration, un amendement de la commission à l'article 10 règlera la question. L'avis est donc défavorable.
L'amendement n°180, repoussé par le gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
L'article 3 est adopté.
Article 4
L'article L. 712-1 du code de l'éducation est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 712-1. - Le président de l'université par ses décisions et le conseil d'administration par ses délibérations, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire par leurs avis, assurent l'administration de l'université. »
M. le président. - Amendement n°120, présenté par M. Lagauche et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Supprimer cet article.
M. Daniel Raoul. - Ce projet de loi amoindrit le rôle du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire pour en faire de simples instances consultatives. Même si la concertation, menée par le Président de la République, leur a concédé le droit d'émettre des voeux, leur pouvoir est réduit à néant.
En raison des attributions de ces deux conseils, les enseignants-chercheurs et les étudiants y bénéficient d'une bonne représentation. La diminution du nombre de membres du conseil d'administration et la représentation très aléatoire des différents collèges réduira inéluctablement la représentation de certains collèges, dont les étudiants et les enseignants-chercheurs. II est donc primordial de maintenir le rôle des deux autres conseils.
II convient également de maintenir les pouvoirs des différents conseils du fait du renforcement des pouvoirs du président. Enfin, le Cneser, qui a repoussé ce texte, souhaite le maintien en l'état de l'article L.712-1.
M. le président. - Amendement identique n°163, présenté par M. Renar et les membres du groupe CRC.
M. Ivan Renar. - L'Université fonctionne autour des trois conseils que je viens de rappeler. Cette division permet de donner à chaque conseil le temps de traiter les dossiers dont il a la charge, en prenant en compte l'avis de la communauté universitaire.
En outre, il convient de maintenir le rôle de proposition du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie étudiante afin de pérenniser un mode de gestion collégial de l'université et de permettre aux représentants de la communauté d'adhérer aux orientations et décisions décidées.
Enfin, les deux conseils doivent disposer de prérogatives dans les domaines qui sont les leurs afin que le conseil d'administration puisse se concentrer sur les grandes questions.
L'amendement n°21 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°88 présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe UC-UDF.
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 712 1 du code de l'éducation, remplacer les mots :
le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaires par leurs avis
par les mots :
le conseil scientifique par ses propositions et ses avis, le conseil des études et de la vie universitaire par ses avis
Mme Catherine Morin-Desailly. - Il est indispensable de confier au conseil scientifique de véritables pouvoirs et de ne pas le limiter à de simples avis.
M. le président. - Amendement n°121, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 712 1 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil d'administration peut déléguer certaines de ses compétences au conseil scientifique et au conseil des études et de la vie universitaire. »
Mme Marie-Christine Blandin. - J'ai déposé cet amendement uniquement dans l'hypothèse inimaginable où serait repoussée les propositions formulées par mes collègues afin de revaloriser le conseil de la vie universitaire et le conseil scientifique...
Le projet de loi s'est fait le chantre d'un conseil d'administration efficace. On a même évoqué la gestion de parcmètres ! Nous proposons que le conseil d'administration puisse déléguer certaines compétences au conseil scientifique et au conseil de la vie universitaire, brutalement écartés par la réforme.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Le texte énonce les prérogatives respectives des trois conseils.
La commission est défavorable aux amendements n°s120 et 163. L'amendement n°88 propose une procession un processus excessivement long. Enfin, l'amendement n°121 est contraire à l'esprit du texte : le président peut déléguer ses signatures aux vice-présidents des trois conseils, ce qui est très différent d'une délégation de compétence.
Mme Valérie Pécresse, ministre. - Il faut rendre à César ce qui lui appartient : face à la première mouture du projet de loi, M. Valade a souhaité que le conseil scientifique et que le conseil des études et de la vie universitaire puissent formuler des voeux. Le conseil d'État nous a dit la même chose, bien qu'il s'agisse là d'un point de pure opportunité. Nous avons repris sa suggestion, mais elle aurait dû faire l'objet aujourd'hui d'un amendement parlementaire.
Avis défavorable aux amendements de suppression.
S'agissant de l'amendement n°121, rien n'interdit au conseil d'administration de déléguer certaines de ses compétences aux deux autres conseils.
L'amendement n°120, identique à l'amendement n°163, n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s 88 et 121.
L'article 4, modifié, est adopté.
M. Jacques Valade, président de la commission. - La commission demande la réserve de l'article 5 jusqu'après l'examen de l'article 6.
La réserve, acceptée par le gouvernement, est de droit.
M. Jacques Valade, président de la commission. - Je rappelle aux membres de la commission des affaires culturelles que nous nous réunirons ce matin à 9 heures pour achever l'examen des amendements.