- Mercredi 19 février 2025
- Missions d'information consacrées à l'évaluation de la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales, au maillage territorial des établissements scolaires, à la situation des universités et à l'intelligence artificielle et à la création - Désignation de rapporteurs
- Proposition de loi encadrant l'activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi visant à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur - Examen des amendements au texte de la commission
- Audition de Mme Coralie Chevallier, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de présidente du Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur
- Vote et dépouillement sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Coralie Chevallier aux fonctions de présidente du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur
Mercredi 19 février 2025
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Missions d'information consacrées à l'évaluation de la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales, au maillage territorial des établissements scolaires, à la situation des universités et à l'intelligence artificielle et à la création - Désignation de rapporteurs
M. Laurent Lafon, président. - Je vous propose de désigner ce matin les rapporteurs appelés à piloter les missions d'information dont la liste a été arrêtée par le bureau de notre commission pour l'année en cours.
À ce titre, je vous propose de confier nos travaux sur :
- l'évaluation de la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales, dite « Molac », à Max Brisson et Karine Daniel ;
- le maillage territorial des établissements scolaires à Jacques Grosperrin, Annick Billon et Colombe Brossel ;
- la situation des universités à Laurence Garnier, Pierre-Antoine Levi et David Ros ;
- l'intelligence artificielle et la création à Agnès Evren, Pierre Ouzoulias et Laure Darcos.
Mme Monique de Marco. - En réunion de bureau, nous choisissons les thèmes qui vont être soumis à la commission, sur lesquels je n'ai pas de remarques à formuler. En revanche, sur le choix des rapporteurs, je vous rappelle que le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ne s'est vu confier que deux rapports en quatre ans - depuis que j'ai été élue sénatrice. Nous sommes un très petit groupe, mais nous existons !
Je regrette également que l'on ne m'ait pas proposé d'être rapporteure, avec Max Brisson, de l'évaluation de la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales. Or, je vous le rappelle également, c'était le texte que notre groupe avait repris dans le cadre de sa niche parlementaire et dont j'avais été désignée rapporteure. J'ai un peu l'impression d'être dessaisie de ce sujet que j'ai porté au Sénat. Cela étant dit, je participerai bien sûr aux auditions qui seront organisées.
Par ailleurs, au mois de janvier 2024, j'avais demandé, sans succès, la création d'une commission d'enquête sur les modalités de contrôle de l'enseignement privé - il ne s'agissait pas de remettre en question le bien-fondé de ce dernier. Monsieur le président, pourriez-vous appuyer ma demande - qui a été cosignée par plusieurs membres de la commission et est toujours d'actualité - ou m'indiquer les raisons de votre refus ?
M. Laurent Lafon, président. - Nous prenons acte de vos remarques concernant les rapports. S'agissant du second point, vous n'en avez pas reparlé lors de la dernière réunion du bureau.
Mme Monique de Marco. - C'est une réponse facile...
M. Laurent Lafon, président. - De plus, vous le savez, chaque groupe peut initier des commissions d'enquête. Je vous invite à utiliser ces possibilités. La difficulté réside dans le nombre très important de propositions émanant des différents groupes et dans les arbitrages qui en résultent.
M. Bernard Fialaire. - Nous ne sommes pas le plus grand groupe, mais pas le plus petit non plus. Sachant qu'il peut y avoir deux ou trois rapporteurs, nous aimerions être associés aux rapports de la commission, à l'instar de notre implication sur l'intelligence artificielle - en lien avec la délégation à la prospective.
M. Laurent Lafon, président. - J'entends vos remarques en tant que plus petits groupes - en nombre. Mais la règle de la proportionnelle s'applique au Sénat et je veille à son respect dans la répartition des rapports. Le meilleur moyen pour impliquer le plus grand nombre est de nommer trois rapporteurs, étant précisé que ce n'est pas toujours possible en raison des contingences liées à l'organisation. En outre, l'importance de la mission doit le justifier. Nous ne pouvons pas satisfaire tout le monde, mais il est possible de se faire entendre sans être rapporteur, notamment par le biais des missions d'information.
Mme Monique de Marco. - Je vous remercie d'avoir respecté la parité lors de ces choix - ce n'est pas toujours le cas. Toutefois, comme le font d'autres commissions, nous devrions pouvoir déroger au principe de la proportionnelle stricto sensu. Je le redis, il n'est pas normal que l'on nous confie si peu de rapports.
M. Laurent Lafon, président. - Notre commission fait en sorte d'en attribuer à chaque groupe à tour de rôle, dans le respect de la proportionnelle. Cela explique que les plus petits soient moins bien dotés.
Mme Monique de Marco. - Deux rapports en quatre ans : cela pose un véritable problème, notamment pour les textes budgétaires.
M. Laurent Lafon, président. - Dont acte.
La commission désigne :
- M. Max Brisson et Mme Karine Daniel rapporteurs sur la mission d'information consacrée à l'évaluation de la loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales ;
- M. Jacques Grosperrin et Mmes Annick Billon et Colombe Brossel rapporteurs sur la mission d'information relative au maillage territorial des établissements scolaires ;
- Mme Laurence Garnier et MM. Pierre-Antoine Levi et David Ros rapporteurs sur la mission d'information relative à la situation des universités ;
- Mme Agnès Evren, M. Pierre Ouzoulias et Mme Laure Darcos rapporteurs sur la mission d'information relative à l'intelligence artificielle et à la création.
Proposition de loi encadrant l'activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance - Désignation d'un rapporteur
M. Laurent Lafon, président. - Je vous propose également de désigner un rapporteur sur la proposition de loi encadrant l'activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance, dont nous débattrons en séance le 20 mars prochain dans le cadre de la niche réservée au groupe Les Indépendants - République et Territoires.
Je vous propose de confier la conduite de nos travaux sur ce texte à notre collègue Pierre-Jean Verzelen.
La commission désigne M. Pierre-Jean Verzelen rapporteur sur la proposition de loi n° 194 (2024-2025) encadrant l'activité des plateformes de revente agissant en qualité de tiers de confiance, présentée par M. Cédric Chevalier et plusieurs de ses collègues.
Proposition de loi visant à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Laurent Lafon, président, auteur de la proposition de loi. - Nous examinons à présent le rapport de notre collègue Annick Billon sur la proposition de loi visant à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent, dont nous débattrons en séance le 6 mars prochain dans le cadre de l'espace réservé au groupe Union Centriste (UC).
Ce texte fait suite au travail mené conjointement avec la commission des lois sur l'état des pressions, menaces et agressions dont l'ensemble du personnel éducatif est victime. Face à ce malaise croissant dont nous sommes tous conscients, la mission avait formulé dans son rapport 38 recommandations. Notre ambition était d'intégrer celles qui avaient une dimension législative dans une proposition de loi et d'apporter ainsi une réponse au travers de dispositifs protecteurs.
Mme Annick Billon, rapporteure. - En janvier dernier, la mission conjointe de contrôle disposant des prérogatives attribuées aux commissions d'enquête sur les menaces dont sont victimes les enseignants, présidée par Laurent Lafon et François-Noël Buffet, rendait ses conclusions. Celles-ci sont préoccupantes : la violence à l'école n'est certes pas un phénomène nouveau, mais elle s'est généralisée. Deux tiers des établissements du secondaire ont signalé au moins un incident grave. Fait nouveau, cette violence se diffuse au primaire.
Elle se manifeste également contre les personnels. Les chiffres absolus mis en avant par la mission conjointe de contrôle permettent de mettre en exergue une réalité masquée par le raisonnement en pourcentage : dans le second degré, elle estime ainsi à 58 500 le nombre d'enseignants menacés ; 17 200 ont été bousculés intentionnellement ou victimes de coups et blessures ; enfin, 900 ont été menacés avec une arme - et il s'agit de chiffres portant sur une seule année scolaire.
Nous assistons à une véritable banalisation de la violence envers les enseignants.
Certes, comme tout agent de la fonction publique, les enseignants et personnels administratifs de l'éducation nationale peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle. Longtemps méconnue, elle fait l'objet d'un nombre croissant de demandes, qui reste très faible au regard des chiffres que je viens de rappeler. Dans un périmètre un peu plus large que celui de la seule éducation nationale, englobant les personnels de l'enseignement supérieur, de la recherche et des sports, le ministère dénombre 5 200 demandes en 2023.
L'analyse de ces demandes montre que, dans plus de deux tiers des cas, les auteurs des faits reprochés sont des élèves, des étudiants ou leurs représentants légaux. Pour 9 demandes sur 10, il s'agit d'atteintes volontaires à l'intégrité de l'agent, à savoir des atteintes physiques, morales ou des actes de harcèlement. Les autres cas concernent par exemple les atteintes aux biens, la protection des ayants droit ou encore la protection du fait de poursuites pénales contre l'agent.
Pour répondre à cette situation, la mission conjointe de contrôle a formulé 38 recommandations. Parmi celles-ci, 32 ne relèvent pas du domaine de la loi, mais elles sont importantes et ne doivent pas être oubliées. Je pense par exemple à celles qui sont relatives à la formation du personnel éducatif pour lui permettre de mieux faire face aux contestations d'enseignement et à la gestion des conflits, ou encore aux mesures visant à assurer la sécurité des établissements scolaires. Les 6 recommandations restantes, de portée législative, trouvent leur débouché dans la présente proposition de loi de notre président Laurent Lafon.
L'article 1er vise à recentrer le contenu de l'enseignement moral et civique (EMC). À de nombreuses reprises, nous avons constaté et dénoncé son contenu pléthorique, qui oblige l'enseignant à faire des choix en fonction de ses appétences ou de ce qui va intéresser ses élèves. Il en résulte un enseignement à la carte, à rebours de l'objectif de l'EMC devant permettre à tous les élèves de disposer d'une culture citoyenne commune.
L'article 2 tend à clarifier le périmètre d'application de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Je tiens à le dire clairement : cet article concerne non pas les accompagnants des sorties scolaires, mais les élèves des établissements publics.
Aujourd'hui, la loi interdit à ces élèves le port de signes ou tenues religieux en cours, y compris lorsque ce cours se situe à l'extérieur du bâtiment - que ce soit dans le gymnase municipal pour l'EPS ou lors d'une sortie scolaire. Il en est de même lorsque l'activité commence pendant le temps scolaire et se poursuit au-delà de celui-ci, par exemple lors d'un voyage scolaire.
Pour reprendre l'expression du ministère de l'éducation nationale, il n'y aurait pas « d'effet cendrillon » selon lequel, à l'heure habituelle de fin des cours, la loi de 2004 cesserait subitement de s'appliquer si les élèves sont en sortie scolaire. Il existe toutefois une zone d'incertitude sur l'application de cette loi : elle concerne les activités liées à l'enseignement, mais qui ont intégralement lieu en dehors du temps scolaire. Les exemples suivants ont été cités à la mission conjointe de contrôle : une pièce de théâtre le soir en lien avec l'oeuvre étudiée en cours, une remise de prix hors du temps scolaire pour un concours organisé en classe, ou encore la visite d'un salon d'orientation un mercredi ou samedi après-midi avec un bus affrété par l'établissement scolaire.
L'article 2 vise à préciser que la loi de 2004 s'applique dès lors que les activités sont organisées par l'établissement scolaire, peu importe le lieu, le jour ou l'heure.
L'article 3 part d'un constat : les équipes pédagogiques et les établissements scolaires ont du mal à trouver une réponse face à des élèves perturbateurs. Les outils existants sont mal calibrés et difficilement mobilisables. Or tout élève et tout enseignant a le droit d'apprendre et de travailler dans un climat scolaire apaisé.
L'article 3 tend à rappeler que le respect de la vie collective et du bon fonctionnement de l'établissement fait partie des obligations de l'élève. Il permet la mise en place d'un parcours d'aide et de responsabilisation de l'élève et de ses parents. Peut-être faudrait-il aller plus loin. J'envisage ainsi de déposer un amendement en séance pour préciser un parcours progressif allant de l'accompagnement à la sanction. Nous aurons certainement l'occasion d'en débattre.
L'article 3 inscrit ce parcours à deux endroits dans le code de l'éducation.
D'une part, à l'article L. 111-3-1 du code de l'éducation introduit par la loi pour une école de la confiance. Celui-ci pose le principe d'un lien de confiance entre l'ensemble de la communauté éducative qui implique notamment le respect des personnels de l'éducation nationale par les élèves et leurs familles.
D'autre part, à l'article L. 511-1 du code de l'éducation qui définit les obligations de l'élève.
Il me semble important de nous attarder quelques minutes sur cet article de la proposition de loi. Le code de l'éducation définit trois obligations pour l'élève : l'accomplissement des tâches inhérentes à ses études, l'assiduité, et enfin le respect de la vie collective et du bon fonctionnement de l'établissement scolaire.
En cas de non-respect de l'obligation d'assiduité scolaire, le code de l'éducation prévoit dans sa partie réglementaire un processus graduel d'accompagnement en plusieurs étapes pouvant aller jusqu'à la sanction : d'abord avec les équipes pédagogiques ou la commission éducative pour le second degré, puis avec les services académiques, et enfin avec le président du conseil départemental. À chacune de ces étapes, des mesures sont prises et font l'objet d'un contrat avec les parents. Si, malgré l'ensemble de ces mesures - qui incluent des actions éducatives et sociales -, l'enfant continue à être absent, le directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen), sur délégation du recteur, peut saisir le procureur de la République. Les parents s'exposent alors à une contravention de classe 4, soit 750 euros.
Par parallélisme, il me semble cohérent qu'un processus graduel analogue puisse être mis en place pour le non-respect des règles de vie collective et pour les atteintes au bon fonctionnement de l'établissement scolaire.
L'article 4 vise à rendre automatique en cas d'outrages, menaces ou violences, l'octroi de la protection fonctionnelle pour les personnels relevant du code de l'éducation - enseignants, personnels administratifs, accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et assistants d'éducation notamment. Je vous proposerai tout à l'heure un amendement visant à préciser ce dispositif.
Par ailleurs, l'article 5 impose à l'administration, avec l'accord de l'agent victime ou de ses ayants droit s'il est décédé, de déposer plainte en son nom. La semaine dernière, Élisabeth Borne a déclaré être favorable à cette mesure. De même, les syndicats que j'ai rencontrés plaident pour un renforcement de la protection des personnels de l'éducation nationale.
Enfin, l'article 6 tend à renforcer l'information des autorités académiques et des chefs d'établissement en cas de mise en examen ou de condamnation à une infraction à caractère terroriste d'un de leurs élèves ou d'un jeune ayant vocation à être scolarisé.
Cet article répond à une demande des chefs d'établissement. En effet, ceux-ci sont responsables de la sécurité au sein de leur collège ou lycée. Je précise que le partage de ces informations sensibles est strictement encadré : seuls les personnels de direction, les conseillers principaux ainsi que, pour les internats, les professionnels sociaux et de santé tenus par le secret professionnel, peuvent en être informés. En sont exclus les enseignants, ainsi que les parents d'élèves.
Pour faciliter le rôle des chefs d'établissement en matière de sécurité, je vous proposerai un amendement visant à sécuriser le régime juridique de l'inspection et de la fouille des sacs et casiers des élèves.
Cet article s'inscrit dans le contexte d'agressions violentes avec des armes blanches dans les établissements scolaires ou à leurs abords. L'inspection visuelle des sacs est déjà possible dans le cadre du plan Vigipirate. Il s'agit de sécuriser la base juridique pour les autres menaces à la sécurité de l'établissement scolaire. Par ailleurs, conformément à la jurisprudence constitutionnelle, la fouille des effets personnels de l'élève nécessitera son accord ou celui de ses représentants légaux. Enfin, il n'est évidemment pas question de palpation.
En conclusion, le présent texte constitue une étape pour renforcer la protection des personnels de l'éducation nationale et restaurer un climat scolaire apaisé au sein des établissements scolaires.
Concernant le périmètre pour l'application des irrecevabilités prévues par l'article 45 de la Constitution, je vous propose qu'il inclue les dispositions relatives à la défense et la promotion de la laïcité, au renforcement de l'autorité scolaire, à la sécurité des établissements scolaires et de leurs abords, à la protection des personnels travaillant pour l'institution scolaire.
En revanche, n'entreraient pas dans ce périmètre les dispositions relatives à la protection de l'ensemble des agents publics ou des élus.
Mme Marie-Pierre Monier. - Nous examinons ce matin le rapport qui vient concrétiser, sur le plan législatif, la mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes, initiée par notre commission en lien avec la commission des lois à la suite de l'attentat terroriste ayant conduit à la mort de Samuel Paty. L'assassinat de Dominique Bernard, survenu quelques mois après son lancement, nous a douloureusement rappelé à quel point elle était pertinente.
Les attentes étaient et demeurent immenses au regard des faits dramatiques dont il est question. Je sais que nous partageons, au sein de cette commission, un même impératif : celui de tout mettre en oeuvre pour garantir la sécurité des personnels qui font vivre chaque jour notre école de la République.
À cet égard, nous ne pouvons que saluer l'article 4, à notre sens le plus important de ce texte, qui tend à faciliter la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle, ainsi que la proposition de la rapporteure visant à ce que l'administration accorde, de plein droit et sans délai, cette protection lorsqu'un personnel de l'éducation nationale est victime de violences, menaces ou outrages. C'est une amélioration concrète, indispensable au regard des carences actuelles du dispositif pointées par la mission d'information.
L'article 5, qui permet à l'administration de déposer plainte en lieu et place d'un personnel de l'éducation nationale, conformément à une annonce du ministre de la fonction publique en septembre 2023 - jusqu'ici jamais concrétisée -, va également dans le bon sens.
L'article 1er est moins concrètement lié au sujet qui nous préoccupe, mais nous en rejoignons l'esprit, qui vise à recentrer le contenu de l'enseignement moral et civique sur la formation aux valeurs et aux principes de la République et le fonctionnement des institutions - même si nous regrettons que cet élagage conduise à la disparition de certaines notions qui nous paraissent essentielles.
L'article 2 permet de lever toute ambiguïté concernant le périmètre d'application de la loi de 2004 concernant l'interdiction du port de signes et tenues religieux ostentatoires. Les auditions menées dans le cadre de l'élaboration de ce rapport ont toutefois souligné que, dans les faits, cette interdiction s'appliquait déjà à l'ensemble des activités organisées par l'institution scolaire.
Pour conclure, j'évoquerai les deux articles qui suscitent davantage de réserves de la part du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER).
L'article 3 vise à renforcer la responsabilisation des parents en cas de non-respect répété des règles de fonctionnement et de la vie collective de l'établissement. Or le recours à la voie réglementaire nous ôte toute prise sur ce qu'impliquera concrètement cette responsabilisation - j'entends les réflexions de la rapporteure à ce sujet. Je l'avais indiqué lors de l'examen du rapport issu de la mission d'information, la prévention et l'accompagnement des familles en vue de renouer le dialogue entre parents et institution scolaire auront toujours notre préférence sur une réponse répressive et autoritaire.
En ce qui concerne l'article 6, qui prévoit l'information de l'autorité académique et du chef d'établissement en cas de mise en examen ou condamnation pour un crime ou une infraction à caractère terroriste d'un élève, nous nous interrogeons sur le poids de la nouvelle responsabilité qui pourrait peser sur le chef d'établissement.
Mon groupe sera donc très attentif aux évolutions que pourrait connaître ce texte en séance et nous réservons notre vote.
M. Max Brisson. - Cette proposition de loi honore le Sénat. Elle témoigne de la capacité de notre assemblée à réfléchir à froid après un drame absolu, l'assassinat atroce de Samuel Paty. L'idée de cette proposition de loi est née lors de la rencontre entre Gérard Larcher et Mickaëlle Paty, soeur de Samuel Paty. Elle s'inspire des conclusions de la mission conjointe de contrôle sur les menaces dont sont victimes les enseignants, présidée par Laurent Lafon et François-Noël Buffet. Nous avons tous vécu des moments de grande émotion lors des auditions. Celles-ci nous ont aussi permis de prendre la mesure du climat de violence au quotidien dans lequel travaillent beaucoup de professeurs.
Je tiens à remercier Laurent Lafon d'avoir déposé cette proposition de loi, ainsi que notre rapporteure pour le travail remarquable qu'elle a effectué : ils ont su analyser à froid le drame, en le replaçant dans un contexte plus général, en évitant toute surréaction liée à l'émotion. Ils nous proposent une réponse mature, qu'il convient de soutenir.
Il est crucial de rassurer et de protéger les professeurs, si l'on veut rétablir l'attractivité de ce métier. Il est indispensable en effet de répondre à leur mal-être. Celui-ci est lié, notamment, aux violences qu'ils peuvent subir dans leur travail. Ils exercent dans une ambiance d'insécurité, et doivent être sur le qui-vive en permanence, ce qui est épuisant. Cela contribue à la dégradation de l'image des professeurs, tandis que ceux-ci perdent confiance dans l'éducation nationale et dans la société.
La France est le pays de l'Union européenne où les actes de violence à l'école sont les plus nombreux. Parmi les pays de l'OCDE, seuls des pays très violents comme l'Argentine, le Brésil ou le Mexique, sont plus mal classés que nous.
Le recensement des actes de violence progresse, car le « pas de vagues ! » recule. Il ne recule toutefois pas assez pour que la violence du quotidien soit totalement identifiée.
Cette proposition de loi n'apporte qu'un début de réponse, car l'essentiel, en la matière, relève du pouvoir réglementaire. Ce texte n'aura donc de sens que si le Gouvernement prend des mesures en adéquation avec ce texte. Le rapport Lafon-Buffet comporte de nombreuses pistes concrètes, d'ordre réglementaire, qui mériteraient d'être mises en oeuvre sans tarder en matière de prévention, de sanction et de réparation, ces trois axes qui doivent constituer le trépied d'une politique visant à protéger les professeurs.
La protection des professeurs par l'État doit être spécifique, car leur exposition à la violence est particulière. Nous ne pouvons pas accepter que leur sécurité soit assurée par l'entremise de mesures prévues pour l'ensemble des fonctionnaires. Le ministère doit leur apporter une protection particulière. Les ministres de l'intérieur ont toujours le réflexe de protéger leurs agents. Le ministère de l'éducation nationale doit avoir les mêmes réflexes.
Le texte recentre les missions de l'éducation morale et civique. Je m'en réjouis car cet enseignement a été dilué et s'est éparpillé, au risque d'oublier l'essentiel. Cet enseignement est d'abord fait pour apprendre et comprendre les principes et les valeurs de notre République, et le fonctionnement des institutions.
Le texte clarifie le périmètre d'application de la loi de 2004 concernant l'interdiction du port de signes et tenues religieux ostentatoires. Nous avons toujours dit que l'école hors les murs était le prolongement de l'école.
Ce texte vise à renforcer la responsabilisation des parents. Nous regrettons que la jurisprudence ne permette pas d'envisager d'étendre ce qui existe dans l'école privée sous contrat, c'est-à-dire le contrat d'engagement, qui responsabilise davantage les parents. Il y a là une inégalité entre l'école privée sous contrat et l'école publique. Il faut que cette dernière soit dotée des mêmes moyens d'action à cet égard.
L'automaticité de l'octroi de la protection fonctionnelle pour les personnels relevant du code de l'éducation va dans le bon sens, mais j'envisage de déposer des amendements en séance afin d'accorder aux chefs d'établissement un statut particulier, qui pourrait s'apparenter à celui d'agent dépositaire de l'autorité publique, de manière à ce qu'il soit possible d'accroître les peines prononcées si un fait est commis à leur encontre, comme cela est le cas pour les policiers ou pour les magistrats.
Ce texte donne des droits nouveaux aux chefs d'établissement et je m'en réjouis, mais le pouvoir réglementaire doit prendre les mesures nécessaires pour le compléter. Il est urgent de rétablir les prérogatives d'autorité dont disposaient les chefs d'établissement, les conseils de classe et les conseils de discipline il y a encore quelques années. C'est ainsi que nous pourrions protéger l'école et ses professeurs.
Notre groupe salue les avancées de ce texte, mais nous attendrons beaucoup des réponses de la ministre en séance.
Mme Sonia de La Provôté. - Cette proposition de loi s'inscrit dans le prolongement de longs travaux, assez douloureux, puisque nous avons vécu des moments très intenses lors des auditions. Comme l'a souligné Max Brisson, le Sénat s'honore à traiter de cette manière ce sujet fondamental.
La proposition de loi aborde de nombreux sujets. Je pense ainsi à l'octroi de la protection fonctionnelle, une demande qui est revenue souvent lors des auditions. La rédaction proposée sur ce point est claire et ne donne lieu à aucune ambiguïté.
Je m'interroge sur notre capacité à observer les faits. Nous sommes confrontés à une banalisation de la violence. Les professeurs éprouvent un sentiment de désarroi et d'anxiété. Mais nous ne voyons que la partie émergée de l'iceberg. Même si les signalements de ces faits sont plus fréquents, il reste de nombreux « trous dans la raquette » et nous sommes dans l'incapacité de dresser un diagnostic précis et juste de l'ampleur du phénomène.
Il faudrait identifier les facteurs de risques, qu'ils soient territoriaux, de nature sociale, corrélés à la typologie des établissements scolaires, liés à l'environnement de l'auteur des troubles, etc. Il conviendrait d'analyser ces éléments avec l'objectivité d'un médecin qui évalue des symptômes, afin de pouvoir mettre en oeuvre des actions de prévention ou de formation adaptées. La qualité du diagnostic reste insuffisante. Pour l'améliorer, il importe d'y consacrer les moyens nécessaires.
Je constate aussi que les programmes de l'enseignement moral et civique sont muets sur l'école de la République en tant qu'institution, sur son histoire, sur la nécessité de la protéger. Les jeunes enfants doivent savoir que l'existence de l'école est une chance pour eux, et non un obstacle à leur épanouissement dans notre pays. Les programmes de l'EMC devraient comporter un volet sur l'école comme sur toutes les autres institutions fondatrices de la République.
Enfin, le texte prévoit un triptyque « sanction, protection, réparation ». Mais on est encore loin de pouvoir aborder avec sérénité ces problèmes. Si un nouvel événement dramatique intervenait demain, nous serions sans doute conduits à créer une nouvelle mission d'information sur le sujet...
Mme Monique de Marco. - Ce texte s'inscrit dans le prolongement de la mission présidée par Laurent Lafon et François-Noël Buffet, qui a été créée en 2023 et qui a rendu ses conclusions il y a déjà un an.
Nous vivons dans un climat de violence généralisée et notre école n'est pas épargnée. Nous payons les conséquences du délaissement de nos services publics.
Alors que l'école devrait être un sanctuaire, un lieu d'émancipation et de lutte contre les inégalités, elle manque de tout, d'enseignants, de médecins, de psychologues scolaires, d'éducateurs, etc. Les services de protection de l'enfance sont aussi en déshérence.
Au cours des quarante dernières années, huit enseignants ont été tués dans le cadre de leur fonction, dont trois récemment. Les professeurs sont confrontés au quotidien à de nombreuses agressions physiques, verbales et psychologiques de la part des élèves ou des parents d'élèves.
Cette progression de la violence en milieu scolaire en général, et envers les enseignants en particulier, touche tous les territoires, urbains ou ruraux, favorisés ou populaires. En Aquitaine on a recensé, depuis le début de l'année scolaire, 180 menaces verbales de la part de parents contre le personnel éducatif et 11 faits déclarés de violences physiques commises par des élèves envers la communauté éducative : ces chiffres sont élevés et sont en forte progression. La rectrice, pour faciliter les relations avec les parents, invite les parents, s'ils le souhaitent, à signer une charte des relations entre l'école et les familles.
Ce texte traduit une prise de conscience de la nécessité de renforcer le soutien aux enseignants, qui souffrent d'un manque d'écoute et ont l'impression d'être abandonnés. Nous soutenons les dispositions visant à octroyer automatiquement la protection fonctionnelle et à soutenir les enseignants dans les démarches judiciaires.
Cependant, à mon sens, ce texte fait l'impasse sur certains problèmes structurels de l'école, qui nourrissent les tensions et participent à la dégradation du climat scolaire. Je pense notamment au manque de personnel encadrant pour accompagner les élèves et prévenir les tensions, ce qui est souvent le rôle des conseillers principaux d'éducation (CPE), des psychologues scolaires ou des assistants d'éducation.
Le groupe écologiste sera donc vigilant et attentif aux évolutions de ce texte en séance.
Mme Laure Darcos. - Je tiens à mon tour à saluer le travail de notre rapporteure et à me réjouir du dépôt de ce texte, que nous sommes nombreux à avoir cosigné. J'ai aussi un souvenir très ému des auditions de certains professeurs, avant même la création de notre mission conjointe de contrôle, qui voulaient rester anonymes, tellement ils avaient peur d'être réprimandés s'ils parlaient à coeur ouvert, à l'époque du hashtag #PasdeVague.
Comme Max Brisson, je pense que nous pourrions aller beaucoup plus loin dans la réflexion sur le règlement intérieur, afin d'impliquer, comme dans le privé, les parents, les élèves, les professeurs et le chef d'établissement. Nous pourrions y faire figurer la mention qu'un enseignement du fait religieux sera dispensé. Il devrait être signé par toutes les parties prenantes. Ce serait une manière de sceller un vrai contrat de confiance entre les partenaires.
Vous n'avez pas du tout évoqué le problème des groupes WhatsApp. J'ai un exemple en tête : des élèves n'ont pas été exclus de leur établissement alors qu'ils avaient insulté leurs professeurs et certains de leurs camarades, menaçant même de les égorger, sur un groupe WhatsApp de l'ensemble de la classe. Comme cela se passait hors du temps scolaire, ils n'ont pas été pénalisés. Il conviendrait de trouver une manière de lutter contre le cyberharcèlement sur les réseaux sociaux. Le sujet est difficile.
Il serait pertinent de donner plus d'autorité aux chefs d'établissement. Toutefois, c'est un sujet très compliqué. Dans de nombreux cas, les professeurs ne sont pas soutenus par le chef d'établissement ou par la direction académique. Certains enseignants ne savent plus à qui s'adresser. Il faut donc réfléchir à la situation de ces professeurs qui ne sont pas soutenus, et qui sont même parfois harcelés par leur hiérarchie au motif qu'il ne faut pas faire de vagues dans l'établissement.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Ce texte est important, il est attendu. Il traduit notre volonté collective de protéger l'école de la République et les personnels.
L'article 2 clarifie les règles sur le port des signes et tenues manifestant une appartenance religieuse. Au lendemain des débats que nous avons eus ici au Sénat sur la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, il est judicieux d'adopter un tel article qui précise de façon pratique les choses et qui évite de longues discussions.
L'article 3 concerne la responsabilité des parents. Je partage ce qui a été dit sur le rôle de l'école en matière de prévention et d'éducation. La préoccupation qui nous guide de vouloir protéger l'école et les valeurs qu'elle véhicule est importante. Il faut restaurer l'autorité des enseignants, mais il convient également d'accompagner les parents pour les aider à trouver des solutions aux problèmes que nous rencontrons. Il est important de renforcer la responsabilisation des parents, mais on ne peut pas se contenter d'exclure de l'école les élèves qui posent des soucis.
Nos travaux d'aujourd'hui appellent d'autres textes pour apporter de vraies solutions, car autrement, qu'allons-nous faire de tous ces enfants qu'on retire de nos écoles, mais qui existent malgré tout dans notre société ? Nous sommes donc favorables à des mesures progressives, allant de l'accompagnement à la sanction, de façon à impliquer tous les acteurs intervenant autour de la famille, et pas seulement au sein de l'école.
L'article 4 est fondamental. Il constitue une réponse pertinente à nos préoccupations de vouloir protéger et soutenir l'école de la République. Je m'interroge pourtant sur la décision de retrait éventuel de la protection fonctionnelle. Comment concrètement ce retrait peut-il être notifié ? Mes propos s'inscrivent dans la continuité de ceux de Laure Darcos sur le recours à la voie hiérarchique. Nous devons nous interroger sur tous les contextes concrets qui entourent des situations de violence. Comment accorder automatiquement une protection fonctionnelle, si celle-ci est susceptible d'être retirée quatre mois plus tard, après un véritable examen de la demande ? Cela ne semble pas faisable. Il faudrait clarifier ce point. Le professeur risque d'être discrédité.
L'article 5 comporte une bonne mesure, mais nous ne sommes pas naïfs. Il s'agit en fait d'un véritable changement de paradigme. L'injonction du « pas de vagues » a formaté des générations de professionnels dans l'éducation nationale. Il faut prévoir une formation et une information régulières des professionnels, afin que chacun des membres de la communauté éducative ait une bonne connaissance de la loi. Puisque celle-ci change régulièrement, il est nécessaire d'entretenir un dialogue constant entre l'institution de l'éducation nationale et tous ses agents sur ce point.
En conclusion, ce texte doit répondre aux problématiques auxquelles sont confrontées les équipes pédagogiques. L'enjeu est de résoudre le problème de la violence à l'école, dans un contexte social de perte de sens, de perte de perspectives et de pauvreté croissante. L'école doit être en mesure d'apporter des solutions, d'ouvrir des perspectives et de permettre à toute notre jeunesse, même à celle qui pose problème, de rêver et d'espérer en un avenir meilleur. Nous analyserons les modifications qui seront apportées à ce texte. Dans l'immédiat, nous réservons notre vote.
M. Jacques Grosperrin. - J'ai été très ému lors de l'audition de la soeur de Samuel Paty.
Notre rapporteure dit que la situation est préoccupante. En 2015, j'avais rédigé un rapport intitulé Faire revenir la République à l'École. Nous avions déjà formulé une série de préconisations, mais on se rend compte que les choses ne bougent pas vraiment. Les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard ont choqué la France entière, et nous ne pouvons pas rester passifs.
La laïcité, cela ne s'enseigne pas, cela se partage ! Cela signifie que nous devons soutenir l'article 1er, qui vise à recentrer le contenu de l'enseignement sur la laïcité. Je déplore que les projets qui participent à la construction du « vivre ensemble » dans les établissements scolaires souffrent de la suspension de la part collective du pass Culture.
Le débat que nous avons eu hier dans l'hémicycle sur la laïcité dans le sport m'interroge. Il a montré que nous n'étions pas unis autour de certains principes de la République ou certains principes de la laïcité. Voilà un message négatif que nous envoyons à l'ensemble des Français.
Il est fondamental que nous soyons unis sur cette proposition de loi, afin que les gens puissent se dire que les parlementaires sont d'accord entre eux. Ceux qui ont assisté au débat d'hier peuvent au contraire se dire qu'il existe différents types de laïcité, différentes approches. Nous ne cherchons pas à stigmatiser les uns ou les autres. Nous voulons simplement protéger nos enseignants et faire revenir la République à l'école. Il serait sans doute intéressant de faire en sorte que la laïcité soit non seulement enseignée, mais aussi partagée dès le plus jeune âge, dès 3 ans. C'est ainsi que l'on infusera concrètement le principe de laïcité dans les familles. Les parents pourront comprendre que les choses ne sont pas tout à fait ce qu'ils imaginent.
En ce qui concerne l'article 3 relatif à la responsabilité des parents, nous devons être intransigeants. Il faut les faire venir à l'école dès le premier acte répréhensible.
Lorsqu'il y a des difficultés, les enfants sont parfois déplacés. Il convient de réfléchir à la création de structures adaptées pour les accueillir et les accompagner.
Les articles 4 et 5 sont importants.
En conclusion, nous ne devons pas avoir la main qui tremble, car l'école est le premier lieu d'apprentissage et d'éducation des enfants. Beaucoup se joue à cet âge. Il faut donc être sévère ; c'est à travers la sévérité que l'on aide les enfants à grandir.
M. Pierre Ouzoulias. - Je suis encore extrêmement ému par ce que j'ai entendu lors de cette mission conjointe de contrôle.
En tant qu'archéologue, je me souviens du jour où j'ai appris la mort de mon collègue archéologue à Palmyre, tué par l'État islamique. J'ai été très ému. Je ne pensais pas que l'on pouvait être assassiné simplement parce que l'on est archéologue. J'ai réagi de la même façon à la mort de Samuel Paty, car j'ai enseigné l'histoire. Là aussi, j'ai pris conscience que l'on pouvait être assassiné simplement - si j'ose dire - parce que l'on est professeur d'histoire. Dans les deux cas, la même idéologie est à l'oeuvre : une idéologie islamiste qui combat la connaissance, la rationalité, la raison et finalement la culture.
J'ai eu de nombreuses discussions avec les enseignants. Aujourd'hui, ils sont tous unanimes. On assiste à une montée du sentiment religieux, dans toutes les religions. Il devient parfois difficile d'enseigner la littérature, la biologie, l'histoire. Les jeunes professeurs, qui ne savent pas encore comment maîtriser leur classe, préfèrent éviter des sujets qui risquent de susciter des débats parmi les enfants et surtout parmi les parents. Ils sont confrontés à une génération de parents, dans tous les quartiers, pas seulement les communes populaires, qui considèrent qu'ils connaissent mieux la pédagogie que les enseignants et donc corrigent les enseignements. Les professeurs éprouvent une immense perte de sens.
Je reviens à Ferdinand Buisson : le rôle de l'école de la République, c'est de former des républicains. Nous devons soutenir les enseignants, afin qu'ils aient le sentiment qu'ils forment des républicains.
En ce qui concerne la protection fonctionnelle, j'avais déposé une proposition de loi qui était plus large puisqu'elle visait à améliorer la protection fonctionnelle accordée à tous les agents publics. Mais il serait déjà bien de faire en sorte de faciliter l'octroi de cette protection aux enseignants.
En tant que père d'une interne en médecine, je peux témoigner que les violences à l'égard des personnels soignants dans les hôpitaux sont terrifiantes. Malheureusement, l'hôpital doit prendre en charge tous les cas psychiatriques dont les autres organismes ne veulent plus s'occuper.
Enfin, je souhaite dire avec beaucoup de bienveillance à certains de mes collègues que j'ai bien entendu leur discours sur la nécessité de libérer les jeunes filles de la contrainte du voile. Ils ont raison, mais il faut aller plus loin et étendre le champ de la loi de 2004 à l'école privée. Je déposerai des amendements en ce sens. Si nous devons défendre les petites filles contre l'emprise du voile, nous devons le faire dans le privé comme dans le public.
M. Bernard Fialaire. - L'émotion suscitée par les assassinats et les agressions de professeurs est très forte, mais je constate que nous en revenons toujours aux mêmes thèmes.
Le caractère pléthorique de l'enseignement moral et civique a été évoqué. Il y a deux ans, j'ai été rapporteur de la proposition de loi d'Henri Cabanel tendant à renforcer la culture citoyenne. Nous faisions le même constat et nos préconisations étaient déjà les mêmes que celles que vous formulez, mais rien n'a changé !
Les problèmes dont nous discuterons tout à l'heure en examinant la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur proviennent aussi du fait que la culture républicaine n'a pas été transmise durant la scolarité par les enseignements d'éducation morale et civique. J'y insiste : les programmes sont pléthoriques et les enseignants n'ont pas le temps de les traiter.
En ce qui concerne l'absentéisme, j'avais rédigé un rapport Prévenir la délinquance des mineurs - Éviter la récidive, avec Laurence Harribey, Muriel Jourda, et Céline Boulay-Espéronnier. Nous faisions là encore les mêmes constats que vous aujourd'hui sur l'ampleur du décrochage scolaire.
Peut-être pourrions-nous rassembler tous nos rapports et toutes nos propositions pour leur donner plus de force. Il serait temps qu'elles soient suivies d'effets ! Combien de temps encore allons-nous faire les mêmes constats et proposer les mêmes solutions ?
Mme Catherine Belrhiti. - Il faut mettre l'accent dans l'enseignement moral et civique sur les devoirs. On parle beaucoup de valeurs, mais on parle peu des devoirs. J'ai enseigné l'histoire pendant quarante ans. On consacre dix heures dans l'année à l'éducation civique. Ce n'est pas suffisant. Il est important d'enseigner ce qu'est être Français.
L'article 3 prévoit la possibilité, en cas de non-assiduité scolaire, d'infliger une amende aux parents. Cela me semble irréalisable. Mieux vaudrait toucher aux allocations, car c'est le seul moyen de pouvoir récupérer de l'argent ou de forcer les parents à envoyer leurs enfants à l'école.
Mme Annick Billon, rapporteure. - Cette proposition de loi ne constitue en aucun cas une réponse à tous les maux de l'école. Elle s'inscrit dans le prolongement de la mission menée par Laurent Lafon et François-Noël Buffet, à la suite des assassinats sordides de Samuel Paty et Dominique Bernard.
Marie-Pierre Monier a émis des réserves sur l'article 3 et sur l'article 6, mais sur les autres articles, nos points de vue convergent.
En ce qui concerne la responsabilisation des parents, je suis favorable à un parcours progressif d'accompagnement allant de la prévention à la sanction. Il ne s'agit pas de commencer par la sanction.
L'article 6 renforce l'information des chefs d'établissement en cas de mise en examen ou de condamnation pour une infraction à caractère terroriste d'un de leurs élèves. Je rappelle que ce partage d'informations a déjà lieu pour les crimes et délits, notamment ceux à caractère sexuel. Il me semble tout à fait opportun qu'il s'applique aussi en cas de terrorisme.
Je souscris aux propos de Max Brisson. Cette proposition de loi ne constitue en effet qu'une partie de la réponse. Le rapport de Laurent Lafon et François-Noël Buffet comportait trente-huit propositions, seules six d'entre elles sont reprises dans la proposition de loi, puisque toutes les autres n'ont pas un caractère législatif. Mais cette proposition de loi est une première réponse. À charge désormais au ministère de s'emparer des autres recommandations d'ordre réglementaire, qui sont aussi très importantes pour répondre aux maux de l'école.
Max Brisson a également mis l'accent sur la responsabilisation des parents. Il a évoqué la possibilité d'étendre le contrat d'engagement qui existe dans les écoles privées sous contrat à l'école publique. Cela pourrait être une piste de réflexion pour d'éventuels amendements. Toutefois, cela me semble difficile à mettre en oeuvre. Que fera-t-on si les parents refusent de signer ? Mais je suis ouvert à vos propositions.
Vous proposez également de rendre les chefs d'établissement dépositaires de l'autorité publique. Actuellement leurs prérogatives découlent du fait qu'ils exercent une mission de service public. Peut-être pourrions-nous renforcer leur rôle. Mais s'ils deviennent dépositaires de l'autorité publique, cela signifie qu'ils auront le pouvoir de sanction. Je ne sais pas s'ils le souhaitent.
Sonia de La Provôté a mis en évidence, avec raison, le manque de données chiffrées dont nous disposons, qui nous empêche d'apporter des réponses adéquates. Quel que soit le problème, nous avons toujours besoin de données précises et étayées pour pouvoir le résoudre. Elle a évoqué par ailleurs le triptyque « sanction, protection, réparation ». Nous préférons commencer par la prévention, puis par l'accompagnement, avant de prononcer, en dernier lieu, des sanctions.
Monique de Marco a souligné que l'école n'est pas épargnée par les violences. L'école, en effet, n'est plus un sanctuaire. Les solutions aux problèmes structurels de l'école qu'elle a évoqués ne relèvent pas nécessairement du domaine législatif, même si certains sujets peuvent être traités par cette voie. Par exemple, si l'on déplore le faible nombre de médecins scolaires, il nous appartient de faire voter, lors de l'examen du budget, des crédits pour augmenter les moyens de la médecine scolaire.
Les propos de Laure Darcos sur le règlement intérieur font écho à ceux de Max Brisson sur la signature d'un contrat entre les parents, les élèves, les enseignants et l'éducation nationale. Mais là encore que faire si les parents refusent de signer ? Dans la mesure où l'éducation est obligatoire et où l'enfant a droit à l'éducation, on ne pourra pas l'exclure de l'école.
En ce qui concerne les faits qui auraient lieu en dehors de l'école sur des groupes WhatsApp, la jurisprudence administrative autorise l'établissement à prendre des sanctions même si les faits ont lieu à l'extérieur de l'établissement dès lors qu'ils sont liés à la qualité d'élève ou à l'école.
En ce qui concerne la responsabilisation des parents en cas de non-respect de l'obligation d'assiduité scolaire, un processus graduel d'accompagnement en plusieurs étapes pouvant aller jusqu'à la sanction existe. Nous proposons d'appliquer le même mécanisme pour le non-respect des règles de vie collective et pour les atteintes au bon fonctionnement de l'établissement scolaire.
Par ailleurs, vous vous interrogiez sur la pertinence d'octroyer automatiquement la protection fonctionnelle si celle-ci est susceptible d'être retirée quelques mois plus tard. Mais le bénéfice de la protection fonctionnelle peut déjà être octroyé puis retiré. Le mécanisme que nous proposons existe en fait déjà.
Jacques Grosperrin évoquait le fait que la laïcité ne s'enseigne pas, elle se partage. Certes, mais encore faut-il que la volonté de la partager existe aussi !
Il est donc nécessaire de préciser le cadre juridique en vigueur, afin de pouvoir dispenser le même enseignement à tous les élèves, quel que soit l'établissement scolaire.
Pierre Ouzoulias a fait remarquer, à juste titre, que la protection fonctionnelle devrait pouvoir être octroyée à de nombreux fonctionnaires au-delà des enseignants et des personnes qui travaillent dans l'éducation nationale. Nous partageons ce constat, mais ce n'est pas l'objet de cette proposition de loi, qui vise à rendre au métier d'enseignant tout son lustre, afin qu'il redevienne attractif. Je vous indique néanmoins que le Gouvernement a la volonté de s'emparer de ce sujet.
Comme le souligne Bernard Fialaire, nous réalisons un travail considérable au Sénat, qui se traduit notamment par des missions d'information et le dépôt de propositions de loi. Tant mieux si celles-ci convergent. Cela leur donne plus de poids.
Enfin Catherine Belrhiti propose d'aller plus loin en ce qui concerne les sanctions. Telles ne sont pas les propositions formulées dans ce texte, mais il est tout à fait possible de déposer des amendements en ce sens.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Max Brisson. - L'article 1er vise à recentrer le contenu de l'enseignement moral et civique. C'est très bien. Cela traduit l'existence d'une volonté politique. Mais cet article est d'ordre réglementaire. Si la ministre veut rénover les programmes de l'enseignement moral et civique, il lui suffit de saisir le Conseil supérieur des programmes.
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
Article 3
L'article 3 est adopté sans modification.
Mme Annick Billon, rapporteure. - L'amendement COM-1 vise à faciliter la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle : l'administration n'a pas à attendre une demande de la part de l'agent concerné pour l'attribuer.
La mise en oeuvre de la protection fonctionnelle est subordonnée à certaines conditions. Ces dernières années, le ministère de l'éducation nationale a donné des directives claires à ses services pour que la protection fonctionnelle soit attribuée, même en l'absence de demande de l'agent.
La rédaction actuelle de l'article 4 mentionne une demande de l'agent, ce qui pourrait donner l'impression qu'il existe une obligation pour l'administration de disposer d'une demande formelle de la part de l'agent pour octroyer cette protection fonctionnelle. Cette pratique serait à rebours de la politique actuelle menée par le ministère pour mieux protéger les personnels de l'éducation nationale.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'article 5 est adopté sans modification.
Article 6
L'article 6 est adopté sans modification.
Articles additionnels après l'article 6
Mme Annick Billon, rapporteure. - L'amendement COM-3 vise à sécuriser le régime d'inspection et de fouille des affaires personnelles de l'élève.
Les chefs d'établissement doivent veiller à la sécurité des élèves et, de manière générale, à celle de l'ensemble des personnes présentes dans l'établissement. Dans le cadre du plan Vigipirate, il peut être procédé à une inspection aléatoire visuelle des sacs. Cet article vise à donner un outil opérationnel supplémentaire aux chefs d'établissement, ainsi qu'à leurs adjoints et aux conseillers principaux d'éducation, dans un contexte de violence accrue. Il permet aussi, avec l'accord de l'élève ou de ses représentants légaux, de procéder à la fouille des affaires personnelles.
Mme Marie-Pierre Monier. - Cette dernière précision est importante : l'accord de l'élève et des parents est important. Les élèves peuvent être impressionnés par le chef d'établissement. Pour les élèves mineurs, il convient de prévoir l'accord des parents.
Mme Annick Billon, rapporteure. - Un élève mineur qui sort de l'établissement pour aller au supermarché avec son sac à dos devra ouvrir ce dernier à l'entrée du magasin. Je ne vois donc pas pourquoi le chef d'établissement ne pourrait pas fouiller le sac d'un élève.
L'amendement COM-3 est adopté et devient article additionnel.
Mme Annick Billon, rapporteure. - L'amendement COM-4 vise à permettre l'application de cette proposition de loi à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie dans les domaines relevant de la compétence de l'État. Tous les territoires ultramarins n'ont pas pris les mêmes compétences ; il s'agit donc d'une coordination ultramarine.
L'amendement COM-4 est adopté et devient article additionnel.
Article 7
L'article 7 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur - Examen des amendements au texte de la commission
M. Laurent Lafon, président. - Nous allons examiner désormais les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement CULT.1 prévoit l'affectation d'une fraction de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) au fonctionnement des missions « égalité et diversité » et des dispositifs de signalement.
La question des moyens permettant d'assurer un fonctionnement efficace de ces dispositifs est en effet cruciale. Ces moyens ne sont pas exclusivement financiers : ils peuvent également prendre la forme de décharges horaires permettant aux référents d'assurer pleinement leurs missions, ou encore d'un engagement clairement affiché des équipes dirigeantes, sous la forme de vice-présidences dédiées.
Au plan financier, dans la mesure où ces dispositifs s'adressent largement aux étudiants, il paraît justifié d'y affecter une fraction du montant de la CVEC, dont le taux sera déterminé par voie réglementaire.
M. Stéphane Piednoir. - Cette rédaction couvre-t-elle le champ des établissements supérieurs privés ? Ces derniers perçoivent la CVEC et la restituent. Quelle fraction de la CVEC leur sera consacrée ? Ils contribuent aussi à la lutte contre l'antisémitisme.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - La disposition proposée s'inscrit dans l'article qui fixe le cadre général de la CVEC ; cet article mentionne les établissements consulaires et les établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (Eespig). Toutefois, les dispositions de l'article 2 ne concernent que les établissements publics.
M. David Ros. - Dans la lutte contre l'antisémitisme, la sensibilisation et la formation sont essentielles. Il convient de trouver les moyens de les financer. Certains de nos amendements en ce sens ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 pour des raisons budgétaires. Il existe toutefois d'autres moyens et il faut respecter l'autonomie des établissements. La voie retenue dans l'amendement n'est pas exclusive d'autres dispositifs. Nous nous abstiendrons sur cet amendement.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Nous précisons bien que ce fléchage de la CVEC n'est pas exclusif d'autres solutions.
M. Max Brisson. - Nous nous abstenons, car nous avons quelques réticences.
L'amendement CULT.1 est adopté.
L'amendement rédactionnel CULT.2 est adopté.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement CULT.3 vise à permettre l'application du texte en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
L'amendement CULT.3 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Chapitre Ier : Formation à la lutte contre l'antisémitisme dans les établissements d'enseignement
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement n° 6 vise à ajouter le racisme à l'intitulé du chapitre Ier de la proposition de loi, qui porte dans sa rédaction actuelle sur la formation à la lutte contre l'antisémitisme dans les établissements d'enseignement.
Cette proposition appelle deux observations de notre part.
Tout d'abord, s'il s'agit d'être exhaustif dans cet intitulé, il faudrait y ajouter également les discriminations, les violences et la haine. Ne retenir que le racisme pourrait sembler arbitraire.
Ensuite et surtout, cette proposition nous apparaît contraire à la recherche d'équilibre qui a guidé nos travaux sur la proposition de loi. Nos travaux nous ont conduits à faire évoluer le dispositif initial du texte pour l'étendre au cadre général de la lutte contre toutes les formes de racisme, de violences, de discriminations et de haine, en nous efforçant d'y faire une place identifiée à l'antisémitisme. En revanche, l'urgence politique qui a déclenché le dépôt de ce texte est bien celle de la résurgence de l'antisémitisme à l'université, à la suite des événements du 7 octobre 2023, et c'est sur ce phénomène que nous souhaitons appeler à une prise de conscience et à un sursaut aujourd'hui.
Nous souhaitons conserver cet équilibre entre une rénovation de fond de la lutte organisée sur tout le champ des haines, des violences et des discriminations, et un message portant spécifiquement sur l'antisémitisme dans les intitulés de la proposition de loi. Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.
Article additionnel après l'article 1er
L'amendement n° 10 rectifié bis est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - L'amendement n° 3 rectifié prévoit une information claire et accessible de l'ensemble de la communauté universitaire sur les différents dispositifs mis en place par l'article 2, c'est-à-dire la mission « égalité et diversité », le référent antisémitisme et racisme, et le dispositif de signalement anonyme.
La diffusion d'une information claire et accessible est en effet indispensable. Nous avons pu constater au cours de nos auditions que les établissements les plus engagés procèdent à des campagnes d'affichage ou font figurer des bandeaux sur la page d'accueil de leur site Internet. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire plusieurs fois, le portage au niveau des vice-présidences est également un moyen crucial d'assurer la visibilité de ces sujets.
Il ne nous avait pas semblé à première vue nécessaire d'inscrire une obligation sur ce point dans la loi. Il nous semble en effet que ce seront ici les bonnes pratiques des établissements, ainsi que l'accompagnement des établissements par la conférence des présidents d'université et le ministère, qui seront déterminants. Néanmoins, nous partageons l'objectif de cet amendement, et c'est pourquoi nous émettons un avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement n° 11 du Gouvernement procède à une réécriture globale des motifs de saisine de la section disciplinaire de l'article 3, en proposant une liste non exhaustive des faits constitutifs d'une faute disciplinaire.
Cette rédaction reprend la mention explicite des faits d'antisémitisme, de racisme, de discriminations ou d'incitation à la haine ou à la violence que nous avons adoptée en commission.
Elle supprime la notion d'atteinte à la réputation de l'établissement, ce qui correspond à l'objet des amendements n° 9 de Mathilde Ollivier et n° 4 de David Ros.
Elle introduit par ailleurs plusieurs précisions qui pourraient donner des outils supplémentaires aux présidents d'établissement face aux faits de violence et de haine, en visant le respect du règlement intérieur de l'établissement, les atteintes portées au bon déroulement des activités qui y sont organisées, ainsi que les faits survenus à l'extérieur de l'établissement mais qui présentent un lien avec la vie universitaire. Cette dernière précision permet notamment de couvrir les débordements et les agressions survenant au cours de soirées étudiantes, qui ont été longuement abordés au cours de nos auditions.
Enfin, l'alinéa relatif à l'information des victimes est réécrit pour assurer la cohérence de sa rédaction avec ces modifications.
Nous émettons un avis favorable sur l'amendement n° 11.
M. Stéphane Piednoir. - Il est intéressant de dresser la liste des faits constitutifs d'une faute disciplinaire, mais on risque toujours d'oublier certains faits. Une rédaction incomplète risque d'ouvrir des brèches dans le dispositif.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - La liste n'est pas exhaustive, grâce à l'emploi de l'adverbe « notamment ».
M. Stéphane Piednoir. - Vous connaissez la valeur des adverbes en droit...
M. David Ros. - Cet amendement va dans le bon sens. Il permet de ne pas faire référence à la réputation des établissements, qui nous paraît trop vague. En revanche, il me semble que le Gouvernement en profite pour élargir le périmètre des faits susceptibles d'une sanction en visant des faits qui n'ont pas de lien avec l'objet de ce texte. Nous devons le relire attentivement. En l'état, nous nous abstiendrons.
M. Pierre Ouzoulias. - Ce n'est pas souvent que le Gouvernement dépose des amendements avant la réunion de commission. Il aurait pu le déposer seulement demain avant la séance. J'y vois une marque de considération de la part du ministre.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 11.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - L'amendement n° 1 rectifié vise à créer, à côté des sections disciplinaires de chaque établissement, une section commune aux établissements d'une région académique, qui serait présidée par un magistrat professionnel. Il reviendrait au président d'établissement de choisir la voie disciplinaire la plus adaptée en fonction de la nature et de la sensibilité de chaque affaire.
Cet amendement nous paraît très intéressant, car il apporte une réponse aux limites de la procédure disciplinaire que nous avons identifiées au cours de nos travaux. Je pourrais citer notamment l'inflation du nombre de dossiers et le changement de nature des faits examinés, qui ne se cantonnent plus à la fraude académique ; les difficultés de recrutement qui en découlent, faute de volontaires ; le faible succès rencontré par la procédure de dépaysement ; ou encore la fragilité des procédures, compte tenu de l'absence de compétence contentieuse des membres des sections.
L'amendement reprend plusieurs des pistes que nous avons identifiées dans notre rapport pour assurer la rénovation de la procédure disciplinaire, c'est-à-dire l'externalisation et la professionnalisation de la procédure disciplinaire, sous la forme d'une faculté donnée aux présidents d'université.
Nous souscrivons donc pleinement à la solution proposée, qui préserve la compétence des établissements tout en ouvrant la possibilité d'un traitement plus indépendant et plus solide des affaires les plus sensibles - dont font bien évidemment partie les faits d'antisémitisme.
Nous émettons un avis favorable.
M. David Ros. - Je partage pleinement les éléments évoqués par le rapporteur sur le fond. Cette proposition répond en outre à une demande des présidents. Nous sommes donc favorables à cet amendement.
Mme Mathilde Ollivier. - Pour ma part, mon avis est partagé.
Lors des auditions, certains présidents d'écoles et d'universités ont exprimé leurs préoccupations concernant la judiciarisation croissante des procédures d'investigation au sein des universités, laquelle risque de porter préjudice aux procédures judiciaires ultérieures. Un point particulièrement sensible concerne la présence d'avocats dans les commissions disciplinaires : les procédures universitaires, parfois moins solidement établies, pourraient fragiliser les enquêtes judiciaires qui suivraient.
Si l'appui d'une juridiction administrative peut s'avérer intéressant, cette évolution vers une judiciarisation accrue des procédures disciplinaires soulève des questions importantes. Je m'abstiendrai donc sur ce point.
M. Pierre Ouzoulias. - On observe ici une construction qui fait écho à l'organisation de la juridiction administrative, avec ses différents niveaux : tribunal administratif, cour administrative d'appel et Conseil d'État.
Concernant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser), la section disciplinaire est déjà dirigée par un magistrat. Cette évolution avait initialement rencontré une forte opposition des présidents d'université, qui craignaient une atteinte à leur liberté académique. Leur changement d'opinion depuis lors est notable, et il serait pertinent d'établir un bilan de l'apport des magistrats professionnels dans les sections de contentieux du Cneser.
Je considère cette évolution comme positive et je voterai cet amendement.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n ° 1 rectifié.
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Je demande le retrait des amendements n° 4 et 9 ; à défaut, l'avis serait défavorable : nous avons adopté l'amendement du Gouvernement qui, à mon sens, devrait satisfaire leurs auteurs.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4, de même qu'à l'amendement n° 9.
Intitulé de la proposition de loi
M. Bernard Fialaire, rapporteur. - Nous avons déjà rejeté les propositions avancées dans les amendements nos 5 et 2 s'agissant de l'intitulé du chapitre 1er. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5, de même qu'à l'amendement n° 2.
Le sort des amendements des rapporteurs examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La commission a donné les avis suivants sur les autres amendements de séance :
La réunion est close à 11 h 10.
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Audition de Mme Coralie Chevallier, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de présidente du Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur
M. Laurent Lafon, président. - En application de l'article 13 de la Constitution, nous sommes réunis cet après-midi pour auditionner Mme Coralie Chevallier, candidate proposée par le Président de la République pour exercer les fonctions de présidente du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres).
Cette nomination ne peut intervenir qu'après audition devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition est publique. Elle sera suivie d'un vote, qui se déroulera à bulletin secret. Je rappelle que les délégations de vote ne sont pas autorisées et que le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale. La commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale ayant entendu Mme Chevallier ce matin, le dépouillement des deux scrutins aura lieu simultanément, à l'issue de notre réunion.
En vertu du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs exprimés dans les deux commissions représentait, au total, au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Je vous rappelle que le Hcéres, créé en 2013, est une autorité publique indépendante chargée d'évaluer l'ensemble des structures de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que les formations et diplômes de l'enseignement supérieur. Par ses analyses, ses évaluations, et ses recommandations, le Haut Conseil accompagne et soutient la démarche d'amélioration de la qualité de l'enseignement supérieur et de la recherche en France.
La présidence du Hcéres est vacante depuis la fin du mois de septembre 2023, à la suite du départ de Thierry Coulhon pour l'Institut polytechnique de Paris. La procédure de nomination de son remplaçant a connu, en un an et demi, plusieurs rebondissements. Un premier appel à candidatures a été publié en janvier 2024, auquel deux personnalités ont répondu, mais la commission chargée d'examiner les candidatures n'a pas été réunie. Un nouvel appel à candidatures a été publié en octobre dernier, auquel ont répondu sept personnalités. Trois d'entre elles ont été auditionnées en novembre par la commission d'examen des candidatures.
Le choix du président de la République s'est finalement porté sur vous, madame Chevallier. Je vais maintenant vous demander de vous présenter et de nous exposer les projets qui seraient les vôtres en tant que présidente du Hcéres. Je donnerai ensuite la parole aux membres de la commission, en commençant par notre rapporteur Stéphane Piednoir.
Mme Coralie Chevallier, candidate proposée par le Président de la République pour exercer les fonctions de présidente du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur. - Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de m'accorder ce moment pour présenter mon parcours et mon projet pour le Hcéres.
Directrice de recherche à l'École normale supérieure (ENS) de l'université Paris Sciences et Lettres (PSL), je travaille sur la cognition sociale, c'est-à-dire l'ensemble des mécanismes psychologiques qui nous permettent d'interagir en société, de nous comprendre et de coopérer.
Après une thèse entre Lyon et Londres et plusieurs post-doctorats à l'étranger, j'ai obtenu un poste Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) à l'ENS-PSL, où j'ai créé et dirigé une équipe de recherche. En parallèle, j'ai assumé des responsabilités collectives, d'abord en tant que directrice des études de mon département, puis en tant que vice-présidente formation de l'université PSL et, actuellement, comme membre du directoire de l'Institut Curie.
Je suis devant vous aujourd'hui parce que j'ai la conviction profonde que l'évaluation est un outil au service de l'enseignement supérieur et de la recherche, et de ses communautés. Correctement réalisée, l'évaluation apporte un regard extérieur utile à toutes les parties prenantes, elle enrichit le débat et permet d'arrimer les décisions sur une base objective. Elle fournit des informations fiables, permettant aux entités évaluées de répondre aux questions stratégiques qu'elles se posent, d'améliorer les conditions de formation des étudiants et le quotidien des chercheurs par le repérage des dysfonctionnements organisationnels.
Autrement dit, le Hcéres dispose d'un fort potentiel d'impact positif. Mais, pour que ce potentiel se matérialise, je crois aussi que son fonctionnement doit être réformé.
Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation paradoxale.
Nous disposons d'une autorité administrative indépendante chargée par la loi de l'évaluation, qui fournit un travail sérieux. Elle organise le déploiement chaque année de plus de 3 000 experts qui oeuvrent à une évaluation par les pairs, seule véritablement légitime en la matière. Chaque année, le Hcéres évalue près de 500 laboratoires de recherche, plus de 1 200 formations, une quinzaine d'universités, plus de 50 établissements d'enseignement supérieur ou organismes de recherche. Par la quantité de données collectées, et l'approche à 360 degrés qui est adoptée, les rapports tentent de dresser un portrait aussi exhaustif que possible des organismes de recherche, des universités, des formations, des unités de recherche.
Le Hcéres est donc une institution solide, qui s'appuie sur un ensemble de procédures transparentes, rigoureuses, impartiales, établies collégialement et conformes aux standards internationaux.
Si je parle de paradoxe, c'est qu'en dépit de ces forces, les évaluations du Hcéres peinent à susciter l'adhésion et, par conséquent, à avoir un effet transformant sur le système. Ce constat n'est pas uniquement le mien ; il est très largement partagé. Il s'agit maintenant de s'interroger sur les causes de cette situation...
Une hypothèse un peu paresseuse est de considérer que les enseignants-chercheurs et les chercheurs sont hostiles, réfractaires à toute forme d'évaluation.
Cette hypothèse ne résiste pas aux faits : les communautés académiques, dont je fais partie, sont habituées à différentes formes d'évaluation ; elles en sont même parfois parties prenantes. Publier un article scientifique impose de se soumettre à l'évaluation par les pairs. Les financements de projets de recherche sont le plus souvent alloués après une phase d'évaluation. Les doctorants et post-doctorants sont sélectionnés après avoir été évalués. Et le principe même de noter les étudiantes et les étudiants est à peu près universellement accepté comme leur fournissant une aide pour se positionner et, donc, progresser. Les chercheurs et enseignants-chercheurs sont donc évalués régulièrement, ils sont eux-mêmes évaluateurs et ils voient une valeur ajoutée à une multitude d'activités d'évaluation.
De fait, les critiques à l'encontre du Hcéres portent, non pas sur la qualité des évaluations ou sur l'utilité de l'évaluation en général, mais sur l'impact des évaluations, leur complexité et leur pertinence. Je crois qu'il faut prendre au sérieux ces critiques, reconnaître la lourdeur du processus actuel et réinterroger véritablement le sens de l'évaluation.
Je souhaite, pour cela, développer trois axes de travail.
Le premier axe de travail visera à renforcer l'impact des évaluations.
Bien entendu, le Hcéres n'est pas responsable de l'usage qui est fait de ses rapports. Principe fondamental, on distingue, et c'est très bien ainsi, celui qui évalue et celui qui décide. Mais le Hcéres dispose d'outils pour rendre ses rapports plus utiles, notamment en personnalisant les évaluations. Il faut faire confiance aux acteurs et donner la possibilité aux établissements de ne pas être évalués de façon strictement identique, avec les mêmes grilles et les mêmes critères. C'est non seulement inefficace, mais aussi contraire à l'idée même d'une plus grande autonomie stratégique des établissements. On doit beaucoup plus faire confiance a priori et cesser de considérer que l'exhaustivité est ce qui fait la qualité de l'évaluation.
Renforcer l'impact demande également de porter une attention à chacune des étapes du processus - pas seulement à la production du rapport final. En amont de l'auto-évaluation, il faut systématiser les conférences de concertation pour que la saisine soit aussi pertinente que possible. Pendant l'auto-évaluation, il faut encourager la sincérité et la hauteur de vue stratégique. La phase d'évaluation, quant à elle, doit s'appuyer sur la plus grande rigueur pour aboutir à des évaluations cohérentes, précises et sincères, directement utilisables dans le cadre de la contractualisation. Cette précision et cette sincérité, on doit les percevoir dans la forme même des recommandations qui, je pense, doivent être plus actionnables qu'elles ne le sont aujourd'hui. Enfin, la phase suivant l'évaluation doit permettre de donner de la visibilité au rapport, jusqu'à atteindre le grand public, pour augmenter la transparence du système.
Le deuxième axe de travail sera de poursuivre la simplification engagée.
L'enjeu est, d'une part, de respecter et protéger au maximum le temps des communautés scientifiques - lesquelles ont beaucoup mieux à faire - , d'autre part, de veiller à ce que les ressources publiques ne soient pas gaspillées dans la collecte de données dont personne ne fera jamais rien.
Il ne faut demander que les informations utiles, et il faut le faire de la façon la plus efficace possible. L'administration collecte énormément de données ; c'est à elle d'internaliser la complexité, en rendant, par exemple, les plateformes interopérables. Dans un monde idéal, les données quantitatives ne devraient plus être entrées manuellement dans des fichiers Excel par des chercheurs ou des enseignants-chercheurs. Nous disposons aujourd'hui d'outils puissants, qui doivent permettre un transfert automatique de données collectées par ailleurs, notamment via Parcoursup, MonMaster, InserSup pour les formations, ou encore via l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour le financement de la recherche. Il y a là une opportunité, non seulement de simplification, mais aussi de fiabilisation des données. J'aimerais donc accorder beaucoup d'importance à ce vecteur de simplification.
Au-delà du fameux « dites-le-nous une fois », j'aimerais par ailleurs que le Hcéres se dote d'une règle simple : les données collectées doivent, en retour, faire l'objet d'une restitution contextualisée, utile pour l'entité évaluée. Il s'agit ici d'une forme de contrat qui permettra de bloquer l'inflation d'indicateurs demandés, en faisant peser l'effort, non pas uniquement sur celui qui produit les données, mais aussi sur celui qui les reçoit.
Le troisième axe de travail aura pour but d'adapter l'action du Hcéres aux enjeux stratégiques de son temps.
Je pense, en particulier, à l'évaluation de l'enseignement privé ; à la nécessité de restructurer l'offre de formation pour répondre efficacement aux besoins changeants de notre société, dont les transitions écologiques et numériques ; à la question de l'intégrité scientifique et à la nécessité de soutenir la science ouverte.
Le Hcéres pourra bénéficier, pour ce troisième axe, du fait qu'il héberge deux institutions.
La première institution est l'Observatoire des sciences et techniques (OST), qui produit chaque année des données agrégées rigoureuses permettant de connaître le positionnement international de la France pour sa production scientifique. À cet égard, permettez-moi une parenthèse : le rapport annuel de l'OST, paru hier, dresse le constat alarmant d'un passage de la France, entre 2010 et 2022, du sixième au treizième rang mondial, alors que l'Italie est restée à la septième place.
La seconde institution est l'Office français de l'intégrité scientifique (Ofis), chargé de la mise en oeuvre des missions confiées au Hcéres par la loi de programmation de la recherche (LPR) dans le domaine de l'intégrité scientifique. L'enjeu principal est de renforcer la fiabilité des productions scientifiques, d'être, d'une certaine manière, à la hauteur de la confiance que les citoyens placent dans la science et dans les scientifiques. J'aimerais que le travail de l'Ofis puisse prendre une place plus grande dans le débat public et que cette question soit traitée plus à fond dans l'évaluation et ce, afin de ne pas confondre quantité et qualité de publication. Les publications dans des revues prédatrices, dont le nombre a considérablement augmenté au cours des dernières années, sont un facteur de risque et il convient d'évaluer la façon dont les établissements s'en prémunissent. Par ailleurs, les développements spectaculaires de l'intelligence artificielle (IA) soulèveront de nouvelles questions d'intégrité scientifique et de souveraineté, auxquelles les acteurs devront être sensibilisés et formés.
En résumé, mon objectif est d'augmenter la pertinence des évaluations. Les communautés le disent aujourd'hui, le processus est inutilement complexe et lourd. On demande trop d'informations à tout le monde, exactement de la même façon et, souvent, plusieurs fois.
L'évaluation doit être simple et directement utile pour l'ensemble des parties prenantes : établissements, directeurs de laboratoire, responsables de formation, tutelles, collectivités territoriales et citoyens. L'évaluation doit aussi permettre de se confronter à ce qui pose problème et aux dysfonctionnements. Elle doit dire les choses de façon sincère et apporter des recommandations actionnables.
Vous l'aurez remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai concentré mon propos sur les défis à relever. Mais j'aimerais conclure en partageant mon optimisme et ce que je pense être les conditions du succès pour ce projet.
Premièrement, il faut reconnaître et conserver ce que le Hcéres fait bien. Il s'agit d'être lucide sans se flageller.
Deuxièmement, il faut identifier ce qui peut être amélioré, ne pas reculer devant les obstacles, prendre le temps de la conduite du changement et ne pas imposer un modèle unique à tous les établissements.
Troisièmement, il faut se donner les moyens d'être exemplaire en rendant le Hcéres comptable de ses résultats et meilleur ennemi de la bureaucratisation de l'évaluation.
Pourquoi ai-je envie de relever ce défi ? D'une part, parce que ma candidature s'inscrit dans la continuité d'une carrière dont l'objectif constant a été l'amélioration des politiques publiques. D'autre part, parce que je pense que mon profil complet, qui allie une connaissance de l'enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que de ses complexités, une carrière scientifique et une expérience de pilotage et de direction, me permettra d'être efficace et crédible si je suis choisie pour présider le Haut Conseil.
Je suis convaincue que l'évaluation est un service public, utile et contributeur de l'amélioration de tout un écosystème qui, lui-même, concourt à la formation de la jeunesse et au développement de la science.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Vous dites qu'il faut parler de ce qui fonctionne, sans refuser d'évoquer ce qui fonctionne moins bien... Je débuterai donc par un point, ne relevant pas directement de votre propre candidature ni de son évaluation : celui de la procédure suivie pour cette nomination.
L'examen de la LPR nous avait donné l'occasion de la clarifier : la nomination par le Président de la République surviendrait après appel public à candidatures et examen de ces candidatures par une commission ad hoc, qui devait être créée. La mise en oeuvre, c'est le moins que l'on puisse dire, relève d'une forme de dysfonctionnement assez sévère de l'État, qui interroge, voire contrarie.
Je rappelle les faits déjà évoqués. Après un premier appel à candidature, lancé en janvier 2024 et clos un mois plus tard, la procédure a été suspendue sine die, sans information de la représentation nationale. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a finalement ouvert un nouvel appel à candidature à l'automne 2024, engendrant une vacance de la présidence du Hcéres de près d'un an et demi, vacance incompréhensible au regard du rôle du Haut Conseil dans plusieurs grands chantiers de la politique publique de l'enseignement supérieur.
Cette parenthèse faite, j'en reviens au fond. Vous évoquez la nécessité de s'interroger sur le processus d'évaluation, son utilité et son impact stratégique. Pour rencontrer régulièrement des présidents d'université et responsables d'établissements d'enseignement supérieur, nous partageons votre constat d'une inflation d'indicateurs.
Je souhaite aborder plusieurs sujets avec vous.
L'évaluation des contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp) passés entre l'État et les établissements d'enseignement supérieur est un premier point important. Comment voyez-vous l'articulation entre le suivi des Comp et l'évaluation quinquennale menée par le Hcéres ?
Sujet lié au précédent, on annonce régulièrement un acte II de l'autonomie des universités. Or une autonomie renforcée des universités appelle, en corollaire, des dispositifs d'évaluation plus efficaces, plus pertinents, plus fins. Quelles devraient être, selon vous, les modalités d'une évaluation qui s'inscrirait dans une orientation vers cet acte II ?
S'agissant de la régulation des formations supérieures proposées par les établissements privés, comment envisagez-vous votre rôle futur dans l'évaluation de cette offre de formation de plus en plus hétéroclite, dont les politiques marketing sont pour le moins offensives ?
Vous avez parlé du chantier de la simplification, sujet que j'évoque moi-même souvent en commission. Comment réduire les procédures administratives dans les unités de recherche et accorder plus de temps de recherche aux chercheurs ? Quelles mesures structurelles le Hcéres pourrait-il proposer en ce sens, sachant que la simplification passe aussi, selon moi, par la clarification de l'organisation des tutelles ?
Enfin, la gouvernance de la recherche a évolué avec la mise en place des agences de programmes. Quel sera le rôle du Hcéres dans leur évaluation ? Sous quelle forme envisagez-vous cette évaluation ?
Mme Coralie Chevallier. - Dans mon propos liminaire, j'ai insisté sur la simplification, car il s'agit selon moi du coeur des réformes à mener. Cette question est très liée à la personnalisation : en personnalisant l'évaluation, on simplifie, car on hiérarchise les critères. Lorsque le Hcéres a évalué le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), il n'était pas question de soulever toutes les pierres ; il s'agissait bien d'identifier, à l'issue d'un dialogue avec l'organisme, les éléments stratégiques méritant d'être étudiés. Cette méthodologie peut être appliquée aux universités.
D'un point de vue opérationnel, la question des données constitue un véritable enjeu : il me semble anormal de demander aux chercheurs de remplir des tableaux Excel, d'autres solutions doivent s'imposer. Cela étant, la simplification est un exercice compliqué : si simplifier était simple, les équipes du Hcéres l'auraient déjà fait ! Il faut donc aborder ce problème avec beaucoup d'humilité. Mes réponses ne seront sans doute pas meilleures que celles des autres, mais j'y porterai toute mon attention.
Cette complexité tient à deux raisons. Il y a d'abord des problèmes d'infrastructure : rendre des plateformes interopérables n'est pas si simple. Se posent ensuite des problèmes d'acceptabilité : simplifier suppose de retirer des critères d'évaluation et, donc, accepter de ne pas tout regarder. Or certains jugeront nécessaire de tout passer en revue pour que l'évaluation soit considérée comme holistique, efficace et précise. Tout le monde n'est pas d'accord sur ce qui est important !
C'est pourquoi il faut coupler personnalisation et simplification, en ne retirant des critères qu'à l'issue d'un dialogue stratégique avec l'entité évaluée, permettant de déterminer ensemble ce qu'il convient de regarder. Les référentiels ne peuvent être identiques pour tous : lorsque l'on personnalise, on simplifie, mais de façon intelligente.
S'agissant de la régulation du secteur privé, je suis parfaitement d'accord : il s'agit d'un véritable sujet, dont le Hcéres doit absolument se saisir. Cette offre de formation dans l'enseignement supérieur concerne maintenant un quart des étudiants, une proportion en forte hausse. L'enjeu est donc réel, et le Hcéres, qui évalue déjà les établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig), est très bien positionné pour le traiter. Reste à savoir comment étendre son évaluation à ce secteur en pleine croissance.
Cette réflexion peut aussi être liée à un point que ni vous ni moi n'avons évoqué dans nos propos liminaires : le modèle économique du Haut Conseil. Il me semble que la question de la facturation des évaluations réalisées par le Hcéres se posera, dans le cadre de l'évaluation du privé lucratif ; j'y vois un moyen d'augmenter ses ressources propres et, partant, de fluidifier les procédures pour tous.
Sur la question des Comp, je partage le constat d'une nécessaire amélioration de leur intégration avec l'évaluation. Un principe reste très important : l'évaluation doit être parfaitement distincte de la décision. Chacun son rôle, celui du Hcéres est de produire des évaluations donnant une photographie aussi exacte et précise que possible de la situation ; le décideur, lui, décide.
Dire cela, ce n'est pas affirmer que la décision ne doit pas s'appuyer sur l'évaluation : si j'évoque l'utilité et l'impact de l'évaluation, c'est bien parce que je suis convaincue que la décision gagne à s'arrimer à des évaluations aussi rigoureuses que possible. Le Hcéres n'est certes pas responsable de l'utilisation faite de ses évaluations, mais je suis persuadée qu'en coordination avec le décideur, on peut faire en sorte que l'évaluation arrive au bon moment pour éclairer utilement la décision.
Ce qui soulève une question fondamentale : les calendriers. Pour des raisons en partie pratiques et logistiques, le Hcéres fonctionne par vagues d'évaluations successives. L'université de Picardie est évaluée à son tour, comme l'université Paris-Saclay, etc. Actuellement, les Comp ne sont pas alignés sur les évaluations, pas plus que les élections des présidents d'université. Résultat, on évalue le bilan de présidents souvent partis ; le dialogue de contrat s'appuie sur une évaluation à venir ou périmée... Bref, la situation est pour le moins sous-optimale, pour le dire gentiment.
Là encore, il faut faire preuve d'humilité : si les choses sont ainsi organisées, ce n'est pas par hasard ; elles le sont pour de bonnes raisons, notamment logistiques, que l'on ne saurait ignorer. Il convient de remettre ces procédures à plat et de réfléchir au travail à mener sur les calendriers pour rendre l'évaluation plus utile à la décision, sans pour autant désorganiser la machine. La réponse n'est pas simple, mais la question mérite au moins d'être posée, et ce de manière concertée.
La question de l'inflation des indicateurs me semble très liée à la simplification. Produire une donnée demande beaucoup d'efforts, mais en être destinataire, beaucoup moins. Or il est toujours plus intéressant d'avoir plus de données, et l'on considère que, pour évaluer, il faut demander plus d'informations. Il y a là un conflit d'intérêts, auquel l'heuristique que j'ai proposée - demander une donnée devrait impliquer un effort de la part de l'institution qui la reçoit - permettrait de remédier, en limitant l'inflation des données.
Restituer ces données de manière contextualisée peut prendre différentes formes. Les établissements pourront apprécier de disposer d'informations non seulement sur leur production scientifique, mais aussi sur leur positionnement par rapport à la production scientifique nationale, en physique, en sciences de la vie, en sociologie, etc. C'est un moyen de donner du sens à des indices qui, à défaut, ne sont que des chiffres. Le Hcéres peut mener ce travail, notamment parce qu'il abrite l'OST.
La gouvernance de la recherche et des agences de programmes est vrai défi, auquel il faudra répondre le plus intelligemment possible, là encore en personnalisant l'évaluation : il y a autant de situations que d'agences, et la catégorie n'est pas aussi bien définie qu'elle en a l'air. Dans le domaine de la santé, par exemple, le champ de recherche des chercheurs de l'Inserm est très aligné avec celui de l'agence de programmes que l'organisme pilote, mais il n'en est rien pour le CNRS : si celui-ci abrite l'agence de programmes en charge de la durabilité, la recherche produite au CNRS va bien au-delà des questions que cette dernière traite. Par ailleurs, cette agence de programmes portée par le CNRS est la seule à travailler en coordination avec un autre organisme national, l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Il convient donc de faire preuve d'intelligence et de subtilité, car chaque agence recouvre des défis spécifiques.
Le rôle de l'évaluation, dans ce contexte, est de déterminer, en considérant cette complexité, si les organismes réagissent de manière adéquate pour déployer leur agence de programmes, mais sans imposer un référentiel unique.
Sur l'autonomie des universités, son renforcement nous conduit à consolider le triptyque autonomie-évaluation-contrôle. Une meilleure évaluation d'universités de plus en plus autonomes reposera sur la personnalisation, je n'y reviens pas.
Concernant la procédure, en tant que candidate, il ne me revient pas de la défendre, mais je peux vous expliquer comment les choses se sont déroulées pour moi. J'ai fait acte de candidature lorsque la procédure a été rouverte. Nous étions sept candidats, les deux qui s'étaient présentés lors du premier appel n'ayant pas renouvelé leur candidature. La commission a choisi d'en auditionner trois, dont moi-même. Je me suis présentée à cette audition, puis j'ai été informée que j'avais été retenue pour vous présenter mon projet. Cela ne répond pas à vos questions, car s'agissant du formalisme, je ne suis pas la mieux placée pour répondre.
M. David Ros. - Merci pour les réponses apportées aux nombreuses questions posées par notre collègue Stéphane Piednoir avec toute sa rigueur de mathématicien. En ma qualité de modeste physicien, je me contenterai de quelques questions d'ordre plus pratique.
Je tiens d'abord à vous féliciter de votre candidature. Je ne sais si votre démarche courageuse procède d'une évaluation personnelle, mais comme vous l'avez souligné, l'évaluation fait partie intégrante de la culture du métier de chercheur. Loin de fuir cette pratique, les chercheurs et enseignants-chercheurs rejettent plutôt sa répétition et sa lourdeur.
Une anecdote me revient à l'esprit : un ancien collègue devait remettre dans un délai limité un dossier de soixante pages justifiant sa candidature à une promotion au grade de professeur hors classe. Cinq minutes avant l'heure de clôture, il s'est présenté dans le bureau où il fallait déposer les dossiers, son livre sur la physique des plasmas à la main, estimant que cette publication constituait une pièce suffisamment significative pour lui permettre de bénéficier de la promotion sollicitée. Si cette année-là sa démarche n'a pas été couronnée de succès, sa promotion a été actée l'année suivante. Cet exemple illustre la nécessité de personnaliser les évaluations en tenant compte du contexte dans lequel celles-ci sont réalisées.
On peut en effet s'interroger, au-delà de l'évaluation elle-même, sur son cycle, puisque vous évaluez, mais que vous ne décidez pas. On peut donc se demander pourquoi ne pas intégrer la décision prise au regard de votre évaluation. Celle-ci a-t-elle été comprise ? Les décisions prises en vue de l'évaluation suivante ont-elles une incidence, ou non ? Il y a là, me semble-t-il, un travail préalable à mener, qui ne relève pas des chercheurs.
J'ai conscience qu'en vous demandant de simplifier, on vous demande, dans le même temps, de complexifier pendant une phase transitoire. La question renvoie également au profil des évaluateurs, à leur qualité et à la manière dont leur évaluation est prise en compte à chaque étape, y compris dans le cadre des partenariats noués avec l'ensemble des acteurs concernés par les différentes phases de l'évaluation.
Dernière question, peut-être plus terre à terre : si vous étiez élue, quelles décisions prendriez-vous dans vos cent premiers jours à la présidence du Hcéres ?
Mme Sonia de La Provôté. - Ma première question a trait à la lourdeur et la complexité des processus, qui se traduisent par un impact très amoindri sur l'évolution positive des structures, des laboratoires et des sites évalués. Le besoin de simplification se fait cruellement sentir s'agissant des évaluations du Hcéres, avec la nécessité de mettre en place des procédures internes visant à définir des critères débouchant sur des conclusions à peu près lisibles. Nous sommes face à une machine énorme, hyper-critérisée, qui produit beaucoup de tableaux, mais qu'il est impossible de traduire en mots et en efficacité. Tel est, me semble-t-il, le premier défi que doit relever le Hcéres.
Le deuxième point concerne la personnalisation, laquelle emporte une plus grande difficulté à agir de manière systématique, car la contrepartie de cette approche est un assouplissement des normes et des règles. Or on reproche à l'institution une déconnexion avec la réalité du terrain, s'agissant des évaluations réalisées pour les licences et les masters : certains reproches sont formulés, mais, faute de moyens ou en raison de choix budgétaires opérés par l'université, il est parfois impossible d'y répondre de manière positive, sans que cela relève pour autant de la formation évaluée, la décision en cause étant prise ailleurs. La notion de contexte territorial est également essentielle, notamment en matière d'insertion professionnelle, car elle échappe à la sagacité ou à la compétence des professionnels évalués dans ce cadre. La personnalisation devrait donc largement prendre en compte le contexte dans la manière dont les conclusions sont traduites. Du reste, alors que l'on observe une levée de boucliers s'agissant des licences et masters, il est difficilement concevable d'enregistrer des évolutions très favorables pour les laboratoires et très défavorables pour les formations dont sont issus les chercheurs qui y travaillent. Il faut recontextualiser l'ensemble.
Mon troisième sujet a trait à la hiérarchisation et aux calendriers. C'est un chantier titanesque, mais il faut introduire de la cohérence entre les évaluations des organismes, des sites, des équipes, des laboratoires, des structures et des formations, car tout cela s'articule avec une stratégie nationale de recherche et d'innovation dans laquelle les évaluations du Hcéres peinent à s'intégrer. Comment imaginez-vous que le Hcéres puisse s'inscrire dans cette grande politique nationale en articulant son action avec des stratégies d'accompagnement financier de l'innovation telles que France 2030 ?
M. Pierre Ouzoulias. - Après le mathématicien, le physicien et le médecin, voici l'archéologue. Je me situerai donc à un niveau très terre à terre, quitte à devoir creuser !
Je vais m'appuyer sur des exemples, notamment celui du CNRS, que je connais un peu et où de nombreuses évaluations sont déjà réalisées en interne, notamment par le comité scientifique. On comprend mal pourquoi elles ne sont pas directement reprises par le Hcéres, d'autant que les chercheurs et enseignants-chercheurs ont le sentiment de faire plusieurs fois le même travail. J'ai bien compris votre objectif de simplification, j'ai moi-même dit en commission de la culture, en reprenant les propos du président Pompidou, qu'il fallait arrêter d'embêter les chercheurs, qui sont submergés. Ceux-ci ont en effet le sentiment d'être accablés et, de plus en plus, ils gèrent les évaluations par l'intelligence artificielle. Comme, de l'autre côté, la tentation de juger les évaluations par l'IA est forte, on risque de finir par mettre deux ordinateurs dans une même pièce, et par s'arrêter là. Je ne pense pas que ce soit dans l'intérêt de quiconque.
Je prendrai un autre exemple, plus qu'actuel : l'évaluation des formations de la vague E. Un certain nombre d'universités, notamment en région parisienne, ont vu le Hcéres émettre un avis négatif sur la totalité de leurs licences. Autrement dit, il faudrait fermer les formations concernées. Certes, on peut toujours dire que le ministère ne le fera pas, mais à quoi bon rendre une évaluation totalement négative alors que l'on sait que, de toute façon, il faudra matériellement accueillir les étudiants ? Il y a là quelque chose d'irrationnel qui consiste à faire une évaluation un peu théorique, reprenant peu ou prou les critères du classement de Shanghai, sans tenir aucun compte de la mise en oeuvre des politiques de recherche.
Ainsi, l'université de Nanterre se voit reprocher de ne pas assez internationaliser ses étudiants. Pour autant, quand on connaît le public de Nanterre, on sait que partir à l'étranger est extrêmement compliqué. De même, on observe un sous-encadrement chronique dans cette université. L'évaluation devrait absolument prendre en compte ces éléments.
Ce que vous avez dit du conflit d'intérêts à ce sujet me semble très fort. Un rééquilibrage pourrait être obtenu en demandant au Hcéres de justifier ses critères et d'expliquer comment il va les mettre en oeuvre dans un environnement de recherche qu'il ne connaît peut-être pas. Cela permettrait de relativiser les choses.
Enfin, lors de la discussion de la LPR, nous avons beaucoup travaillé sur l'intégrité scientifique, sur la science ouverte et sur la place de la langue française dans les sciences. Nous sommes horrifiés, ici, de voir la place du français se réduire comme peau de chagrin dans la production scientifique. Quand une langue n'est plus utilisée dans tous les secteurs de la connaissance, elle est en voie de disparition. L'évaluation joue à cet égard un rôle fondamental, puisque le choix du support et de la langue figure parmi les critères déterminants que vous imposez pour tous les processus ultérieurs.
Mme Mathilde Ollivier. - Vous avez commencé par évoquer votre parcours dans les sciences cognitives et la manière dont ces travaux vous ont notamment amenée à travailler sur notre compréhension et notre coopération mutuelle dans un monde de plus en plus clivé, où les faits scientifiques sont de plus en plus remis en cause.
Ma première question portera sur le changement climatique et l'évaluation de la recherche en la matière. Quel rôle le Hcéres peut-il jouer dans l'évaluation de l'impact de la recherche, pour lutter à la fois contre les causes et les conséquences du changement climatique, dans un contexte marqué par des attaques virulentes contre la science en général et contre la science climatique en particulier ? Je songe notamment à l'exemple américain, source de très fortes inquiétudes ces dernières semaines.
Ma seconde question a trait à l'évaluation de la recherche et de l'excellence scientifique, qui fait débat aux échelles française, européenne et internationale. Sur quels critères évaluons-nous aujourd'hui l'excellence des chercheurs et, par extension, des universités ? Par la publication dans des revues à fort impact, ou grâce à d'autres critères, qu'il s'agisse de l'enseignement, de la transmission de la science à la société, de la lutte contre le développement des « faits alternatifs » et de la défiance à l'égard de la science, ou encore des impacts socio-économiques et écologiques de la recherche ? Comment mieux prendre en compte ces différents paramètres dans l'évaluation globale de la recherche ?
Mme Laure Darcos. - Permettez-moi tout d'abord de vous dire, madame, que, sans que cela soit un critère, votre nomination comme première femme à la tête du Hcéres me remplirait de fierté. Votre parcours laisse entrevoir un possible changement de paradigme au sein de cette instance, dont la lourdeur bureaucratique nous a toujours paru envahissante.
Pour revenir sur les propos de mon collègue Pierre Ouzoulias, lors de l'examen de la LPR, nous avions même été tentés de sortir l'Ofis du giron du Hcéres, tant nous avons l'impression que cet office n'est pas traité à sa juste mesure et que ses évaluations sont invisibles. C'est regrettable, car, après les événements survenus pendant la crise du covid-19, nous sommes plus que jamais attachés à l'intégrité scientifique.
Nous avons en effet cosigné un rapport sur la science ouverte, et il a d'ailleurs beaucoup été question d'open science et d'open source lors du sommet sur l'intelligence artificielle. Nous souhaitons néanmoins continuer de croire aux publications et aux éditeurs professionnels, en préservant la possibilité de ne pas tous plonger dans le fameux modèle diamant, qui pose beaucoup de problèmes.
Nous n'avons jamais obtenu de retour du ministère sur les évaluations qui auraient pu être faites d'autres modèles vertueux existants, qu'il faudrait à mon sens continuer de prendre en compte, entre la chronologie de six à douze mois et la progressivité vers l'open science. Nombre de grands établissements publics se convertissent malheureusement à ce modèle unique qui, de surcroît, coûte selon moi beaucoup plus cher à l'État que le système antérieur.
Mme Karine Daniel. - Ma question porte sur le rapport de l'OST, paru hier dans une relative indifférence, ce que l'on ne peut que regretter. Comme les précédents, ce rapport fait malheureusement le constat d'une dégradation de la place de notre pays dans le concert de la recherche mondiale.
Comment donner davantage de visibilité à ces chiffres, notamment pour qu'ils soient pris en compte par l'exécutif en vue d'améliorer les conditions de production de la recherche ? Cela correspond aussi à notre mission, au sein de cette commission qui défend et analyse les budgets alloués à la recherche. Ce n'est certes pas le seul levier, mais il nous appartient légitimement de nous interroger sur ce point.
Mme Coralie Chevallier. - Madame la sénatrice de La Provôté, vous avez évoqué une lourdeur et une complexité qui amoindrissent l'impact de l'évaluation. J'ai esquissé certaines pistes de simplification, mais vous avez raison de souligner l'ampleur de ces chantiers. Les pistes que j'ai en tête aujourd'hui, n'importe qui pourrait les identifier ; je suis persuadée que si j'ai l'honneur de présider cette institution, d'autres idées jailliront du contact avec les équipes. J'ai déjà avancé des pistes concrètes sur la manière dont j'envisageais cette simplification, mais une fois que l'on y travaillera ensemble au sein de l'institution, je suis persuadée que de nouvelles idées émergeront.
Par ailleurs, si j'ai beaucoup parlé de ce qui relève du seul Hcéres, la simplification passe également par un accord entre les parties prenantes. Par exemple, en coopérant avec les collectivités territoriales, on pourrait éliminer des redondances : le Grand Lyon finance la recherche, comme la région ; ces collectivités veulent savoir si elles ont raison de le faire, d'où un autre type d'évaluation qui en découle. En réfléchissant de manière concertée aux indicateurs dont la région lyonnaise a besoin, peut-être pourrions-nous simplifier le processus. Cela ne relève donc pas du seul Hcéres.
Autre exemple : l'Inserm évalue ses unités de recherche ; le Hcéres aussi. On peut s'interroger sur la pertinence de cette double évaluation. On trouvera ainsi de nouveaux outils de simplification en mettant les différents évaluateurs autour de la table pour réfléchir à la manière dont l'évaluation produite par le Hcéres pourrait être utile plus largement.
Vous avez raison, la personnalisation est un exercice d'équilibriste. La mise en place d'un référentiel unique est tentante, parce que cela donne une impression d'égalité, qui n'est pas illusoire, d'ailleurs : si l'on évalue tout le monde selon les mêmes critères, on peut mieux comparer. Pour autant, l'égalité n'est pas l'équité. En tant qu'évaluateurs, ce qui nous intéresse est surtout d'utiliser des critères permettant de disposer d'une vision équitable de la situation.
Comment, dès lors, préserver une forme de comparabilité des référentiels et des situations ? On peut imaginer un accord collectif sur le fait que certains critères s'appliquent à tous. Par exemple, nous devrions tous convenir que les formations ont vocation à apporter des compétences aux étudiants ; de même, nous pouvons tous nous accorder sur le fait que les formations dans l'enseignement supérieur doivent conduire à l'insertion professionnelle. C'est d'ailleurs le cas : 90 % des étudiants passés par l'enseignement supérieur sont en emploi trente mois après la fin de leurs études.
Ensuite, nous devons nous interroger sur ce qui doit varier. Dans certaines universités, l'internationalisation est fondamentale, c'était le cas de la mienne, l'université PSL. Pour autant, je partage votre constat, monsieur le sénateur Ouzoulias : ce critère n'est pas nécessairement pertinent partout. On peut donc imaginer des référentiels dans lesquels une partie des critères seraient communs et les autres établis en lien avec l'université évaluée, en fonction de ses problématiques propres. Cela vaut aussi pour les organismes de recherche.
Il en va de même s'agissant du budget : le Hcéres n'est pas responsable de la situation budgétaire des universités, mais il lui incombe d'en tenir compte ou non dans ses évaluations. Là encore, la personnalisation importe. Une université confrontée à des coupes budgétaires doit modifier sa stratégie en conséquence ; on ne peut donc pas exiger d'elle la même chose que d'une université au budget constant, par exemple parce qu'elle a développé une forte capacité à aller chercher des ressources propres.
Sur la question des calendriers, je n'en dirai pas plus : le chantier est énorme.
Cela me permet de rebondir sur la question du sénateur Ros concernant ce qu'il conviendrait de faire dans les cent premiers jours. Il faudra lancer un groupe de travail sur cette question des calendriers, cela ne veut certes pas dire trouver une solution, mais il s'agit de progresser. Ce groupe doit être constitué de différentes parties prenantes, car ce sujet ne concerne pas exclusivement le Hcéres. Celui-ci en fera partie, ne serait-ce que pour des questions d'intendance, comme le ministère et les universités.
En outre, nous devons mettre à plat les référentiels et nous demander, pour chaque item et chaque critère, s'il est absolument indispensable et s'il doit être exigé de tout le monde.
J'entends en outre confronter le projet aux sachants du Hcéres. J'ai lu énormément de rapports d'établissements pour préparer cette candidature ; j'ai ma propre expérience de vice-présidente de formation, ma propre expérience d'évaluée en tant que chercheuse. J'ai consulté toute la documentation publique du Hcéres, y compris les procès-verbaux de son collège. J'aimerais maintenant confronter mon projet aux sachants, car il existe une différence entre un avis, aussi informé soit-il, que l'on construit de l'extérieur, et celui que l'on peut élaborer au contact des équipes qui travaillent dans l'institution.
Enfin, je compte lancer une sorte de mission flash pour détecter les redondances. Quelles sont-elles ? Qui en est responsable ? Comment les supprimer une par une ? Cela prendra du temps, et peut-être en trouverons-nous que nous ne pourrons pas supprimer. J'insiste aussi sur le fait que le Hcéres n'évalue pas les chercheurs et enseignants-chercheurs à titre individuel, il ne faut surtout pas qu'il le fasse. De ce fait, le chercheur individuel est évalué par son organisme de recherche, son université, le Conseil national des universités (CNU), etc., à une certaine fréquence ; ensuite, l'évaluation de son unité de recherche produit de la redondance, car il doit dire de nouveau combien d'articles il a publiés, combien de financements il a obtenus, etc. C'est pourquoi nous devons établir une typologie : telles redondances peuvent être facilement supprimées ; telles autres exigeront des discussions avec le ministère, le CNRS, l'Inserm ; d'autres enfin ne pourront pas être effacées.
La qualité des évaluateurs a également été abordée. Nous devons être très clairs sur les exigences en la matière, car il y va de l'acceptabilité du dispositif. À ce titre, je voudrais évoquer la place des comités scientifiques consultatifs, les scientific advisory boards (SAB), dont certains laboratoires sont dotés. De cette manière, ceux-ci démontrent leur désir d'être évalués par un regard extérieur et souhaitent que cette évaluation, souvent de très grande qualité, menée par des experts très reconnus à l'international, soit mieux intégrée au processus d'évaluation du Hcéres. Je suis très favorable à cette idée. Certes, le diable est dans les détails, et il faut étudier comment articuler les deux, mais en y renonçant, le Hcéres se priverait d'une expertise internationale et les SAB, qui sont souvent des comités internationaux, d'une conscience du contexte local dans lequel ils formulent leurs recommandations. Ainsi, je vois un bénéfice mutuel dans une meilleure articulation des SAB et des évaluations du Hcéres.
Monsieur le sénateur Ouzoulias, vous avez évoqué la vague E et les avis négatifs produits à cette occasion. Je ne suis pas là pour défendre un bilan, mais je peux vous donner quelques informations sur ce qui s'est passé pendant cette vague et insister sur un point important qui ne semble pas avoir été compris : ces avis sont provisoires. Or la manière dont cette vague a été évaluée est la conséquence d'une volonté de simplification - ce qui illustre bien que la simplification est un exercice complexe.
Auparavant, j'en ai été témoin dans mon université en vague D, le processus était le suivant : on évaluait le bilan des formations, puis le Hcéres fournissait un rapport, évidemment provisoire, puisque portant sur le bilan. Ensuite, la formation créait son projet pour le prochain quinquennat, et le Hcéres formulait alors un avis définitif, pour l'accréditation décidée par le ministère.
Dans une logique de simplification, le Hcéres a décidé, en accord avec les universités, que pour toutes les formations présentant un bilan favorable, sans questions ni points d'alerte, on pourrait faire l'économie de la phase projet. Je soutiens cette mesure de simplification, car elle vise à faire davantage confiance a priori : on évalue le bilan et, si tout se passe bien, on fait confiance pour l'avenir.
Les avis provisoires défavorables le sont sur le bilan, mais pas sur le projet. Une partie d'entre eux ont donc vocation à devenir favorables, le projet intégrant une modification dans l'organisation de la formation. C'est l'occasion de s'interroger sur les raisons pour lesquelles le message n'est pas passé et sur ce qu'il convient de modifier en ce sens. Pour autant, ce n'est pas seulement une affaire de pédagogie, et nous devons étudier ce qui doit être revu pour mieux prendre en compte la situation des territoires, le fait que l'insertion professionnelle est plus difficile dans certains d'entre eux, que certaines universités accueillent des publics plus défavorisés et que l'accompagnement vers la réussite y constitue un défi plus grand. Dans cette évaluation, il faut enfin tenir compte de la stratégie et l'évaluer dans la perspective de répondre à leurs défis propres. Et pour cela, il faut personnaliser l'évaluation.
Sur l'intégrité scientifique et la langue française, la question de la langue de publication pose la question plus large de l'évaluation différenciée des disciplines. Faut-il tout évaluer de la même façon ? De toute évidence, non. Il serait ainsi étonnant, pour ne pas dire décalé, d'évaluer la production en anglais de juristes travaillant sur le droit français. En droit, les publications en français ont tout leur sens. Les variations disciplinaires doivent être prises en compte.
Il en va de même s'agissant du format des publications. Ainsi, dans le monde entier, en histoire, on publie des livres, alors qu'en physique, la place du livre n'est pas du tout la même. Il faut dès lors tenir compte des spécificités disciplinaires, et même des spécificités des sous-champs disciplinaires, quand on utilise la bibliométrie.
Vous avez posé la question des critères qui permettent de qualifier l'excellence : que doit-on compter en la matière ? C'est une question compliquée, que j'illustrerai par un exemple tiré des mathématiques, une discipline qui recouvre des réalités différentes selon que l'on parle de mathématiques fondamentales ou appliquées. Un mathématicien développe un outil statistique qui sera utilisé par de nombreux champs disciplinaires - physiciens, psychologues, etc. L'article ayant conduit au développement de cet outil sera donc très cité et, à s'en tenir à ce calcul froid, aura un fort impact. En revanche, la découverte réalisée en mathématiques fondamentales, qui est à l'origine de ce nouvel outil, ne sera citée qu'une seule fois, par la personne ayant développé ledit outil.
Cet exemple montre bien la nécessaire subtilité de l'évaluation : l'analyse ne saurait être purement quantitative, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle coûte cher. Si l'on pouvait se contenter d'une analyse quantitative, il suffirait d'analyser les taux de citation pour avoir une bonne idée de l'impact scientifique des laboratoires de recherche et des chercheurs.
Ce dernier exemple me permet aussi d'insister sur la nécessité d'éviter les distinctions simplistes entre sciences humaines et sociales (SHS) et sciences dures. Au sein même des SHS, il faut tenir compte des spécificités disciplinaires : le livre n'a pas la même place en histoire et en économie ; le français revêt une importance différente en littérature et en psychologie ; la bibliométrie pèse différemment en sciences de la vie et en mathématiques fondamentales... Bref, il faut faire preuve de beaucoup de nuances et de finesse, sans oublier le sens de l'évaluation. Pourquoi évalue-t-on ? J'aimerais que ce leitmotiv guide chacune de nos décisions.
S'agissant de l'intégrité scientifique, vous avez mentionné l'importance de l'Ofis. Nous avons besoin qu'il soit plus présent dans le débat public. À mes yeux, il a tout intérêt à rester abrité par le Hcéres : jusqu'à présent, son action a surtout consisté à se structurer et nous avons encore des progrès à faire en ce qui concerne la mobilisation de ses productions pour éclairer l'évaluation. L'Ofis a donc intérêt, selon moi, à rester hébergé par le Hcéres, à condition que son indépendance soit garantie. C'est le cas dans les faits, sa directrice me l'a confirmé. J'aimerais travailler à ce que cela reste vrai à l'avenir et à ce que cette indépendance soit pérennisée autrement que parce que tout se passe très bien. Des pistes existent, par exemple en renforçant le lien avec l'Académie des sciences ; je n'ai pas d'avis préconçu sur la question, il conviendra d'en discuter avec l'office.
Madame la sénatrice Darcos, vous avez évoqué la science ouverte, enjeu fondamental s'il en est. Nous pensions en effet que cela pourrait réduire les coûts, mais ce n'est pas du tout évident, notamment en raison du modèle de pay-to-publish que vous avez évoqué, avec les revues diamant. Parfois, cela produit même l'effet inverse : une augmentation des coûts.
Le mouvement de la science ouverte est positif, nous avons raison de l'accompagner. Si le Hcéres ne peut pas tout, il a toutefois la possibilité de vérifier la bonne intégration de la science ouverte dans le fonctionnement des unités de recherche, le travail accompli par son département recherche va dans ce sens : dans une logique de simplification couplée à un objectif affirmé de soutien à la science ouverte, il a ainsi automatisé la collecte des publications produites par les laboratoires dès lors que celles-ci sont déposées sur la plateforme HAL (Hyper Articles en Ligne). Il s'agit là d'un exemple d'initiative vertueuse associant simplification et soutien à la science ouverte. Je suis convaincue que cette convergence sur un même outil ne peut que renforcer cette dernière. Pour le reste, nous devons continuer à réfléchir à des méthodes allant au-delà du pay-to-publish.
Concernant la question de la place de la science dans la société, je suis moi aussi heurtée par l'indifférence avec laquelle est accueillie la chute spectaculaire de la France dans la part des productions scientifiques mondiales. Cela devrait nous alarmer. La science est à mon sens un bien commun ; un pays ne saurait être économiquement fort et souverain avec une science faible. Nos sociétés ont donc intérêt à investir dans la science ; que nous ne le fassions pas davantage constitue un signe d'alerte.
Le président de l'Institut Curie dit souvent qu'il faut remettre la science en culture. Nous devons collectivement nous dire qu'elle est un bien commun, et pas seulement l'affaire de chercheurs travaillant dans des laboratoires. Leur métier, c'est de produire des biens communs qui irriguent ensuite toute la société et bénéficient à tous.
Dans cette perspective, le Hcéres peut valoriser, dans ses évaluations, le contact des scientifiques avec la société. Cette dimension est déjà intégrée dans le référentiel, mais l'on ne peut pas demander toujours plus aux scientifiques. Si nous pensons collectivement, en tant que société, que la science est importante et que toute la société doit en prendre la mesure, alors le travail accompli par les scientifiques eux-mêmes pour vulgariser leurs travaux, rencontrer le grand public, répondre à des sollicitations non académiques doit être valorisé. Le Hcéres fait sa part en l'intégrant dans ses référentiels.
Pour terminer, le changement climatique fait aussi partie des référentiels à part entière depuis la vague D. C'est une façon pour le Hcéres de montrer que ces questions sont importantes.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
Vote et dépouillement sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Coralie Chevallier aux fonctions de présidente du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur
M. Laurent Lafon, président. - L'audition de Mme Coralie Chevallier étant achevée, nous allons maintenant procéder au vote.
Le vote se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.
Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
La commission procède au vote, puis au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Coralie Chevallier aux fonctions de présidente du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, simultanément à celui de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale.
M. Laurent Lafon, président. - Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale :
- Nombres de votants : 20
- bulletins blancs ou nuls : 0
- Suffrages exprimés : 20
- Pour : 20
- Contre : 0
La commission donne un avis favorable à la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Coralie Chevallier aux fonctions de présidente du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, simultanément à celui de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale.
La réunion est close à 18 h 00.