- Mardi 18 février 2025
- Mercredi 19 février 2025
- Proposition de loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, contre toutes les fraudes aux aides publiques - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire - Désignation de rapporteurs
- Proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement - Désignation d'un rapporteur
Mardi 18 février 2025
- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -
La réunion est ouverte à 10 h 15.
Projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture - Désignation des candidats appelés à siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous nous réunissons brièvement ce matin pour désigner les membres de la commission mixte paritaire sur le projet de loi Souveraineté alimentaire et agricole.
Cette CMP se réunira dès ce soir ici même, à partir de 18 h 30. Si toutefois nous n'avions pas achevé nos travaux ce soir, la CMP se réunirait à nouveau demain mercredi 19 février à partir de 17 heures.
La commission soumet au Sénat la nomination de Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Laurent Duplomb, M. Pierre Cuypers, M. Franck Menonville, M. Jean-Claude Tissot, M. Christian Redon-Sarrazy et M. Bernard Buis comme membres titulaires, et de M. Jean-Claude Anglars, M. Christophe Bruyen, M. Yves Bleunven, M. Lucien Stanzione, M. Gérard Lahellec, M. Vincent Louault et M. Henri Cabanel comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
La réunion est close à 10 h 30.
Mercredi 19 février 2025
- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -
La réunion est ouverte à 09 h 35.
Proposition de loi expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous commençons nos travaux par l'examen de la proposition expérimentant l'encadrement des loyers et améliorant l'habitat dans les outre-mer. Dans ce cadre, notre commission a le plaisir d'accueillir Audrey Bélim, auteure du texte.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Je ne le répéterai jamais assez, les acteurs ultramarins attendent une adaptation des normes. C'est donc tout naturellement que je partage le constat dressé par notre collègue Audrey Bélim : trop de dispositifs n'ont pas été pensés pour nos territoires d'outre-mer.
Le présent texte s'attache à faire évoluer cette situation dans trois domaines en particulier : le logement abordable, les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les normes applicables aux produits de construction.
L'article 1er doit permettre aux collectivités ultramarines situées en zone tendue de mettre en oeuvre un dispositif d'encadrement des loyers. L'expérimentation actuelle, prévue par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite Élan, n'a pas été ouverte aux collectivités ultramarines. Ainsi, les 48 communes bénéficiaires sont toutes situées dans l'Hexagone. La liste des communes situées en zone tendue, seules éligibles au dispositif, n'a été actualisée qu'en août 2023, alors que le délai pour candidater était déjà échu.
Je sais que nous sommes nombreux à exprimer des réserves quant aux effets de l'encadrement des loyers sur le marché locatif. Cet outil doit demeurer facultatif et être placé dans la main des élus locaux. Il ne doit pas nous conduire à ménager notre soutien à l'investissement locatif et à la construction. Je rappelle qu'on déplore un déficit de plus de 110 000 logements dans les outre-mer à l'heure actuelle.
Cela étant, il semble légitime de donner aux collectivités ultramarines la possibilité de candidater à ce dispositif, comme ont pu le faire celles de l'Hexagone.
Certes, l'alimentation demeure le premier poste de la vie chère dans les outre-mer. À titre d'exemple, les écarts de prix des produits alimentaires entre l'Hexagone et la Guadeloupe peuvent atteindre 40 %. Mais les loyers ne sont pas en reste : ils représentent une part très significative du budget des ménages, plus encore que dans l'Hexagone, compte tenu du moindre niveau de revenu de nos compatriotes ultramarins.
Vraisemblablement, seules quelques collectivités seront concernées par l'expérimentation. Depuis l'actualisation du zonage de tension locative en août 2023, 38 communes ultramarines sont passées en zone tendue. Seules quelques-unes d'entre elles, dont neuf sont situées à La Réunion, disposent d'un observatoire local des loyers. Celui-ci est pourtant un préalable indispensable à la mise en place d'une mesure d'encadrement des loyers.
En accord avec Audrey Bélim, je proposerai un amendement portant réécriture de l'article 1er, conforme à son intention initiale mais incluant quelques aménagements.
Il semble important de ne pas interférer dans l'expérimentation actuelle d'encadrement des loyers, qui arrive à échéance à la fin de l'année 2026. La ministre du logement a d'ailleurs diligenté une mission pour évaluer cette expérimentation. De toute évidence, nous ne saurions prolonger cette dernière avant d'en avoir fait le bilan.
Voilà pourquoi il convient de créer une nouvelle expérimentation ad hoc distincte de l'expérimentation actuelle. Afin que le dispositif soit pleinement opérationnel, je proposerai de calquer la durée de l'expérimentation et les délais de candidature des collectivités sur ceux qui ont été fixés par la loi Élan. Cela permettra de déterminer les paramètres sur une base objective et donnera aux collectivités le temps suffisant pour constituer un dossier de candidature et préparer la mise en place du dispositif.
Il est indispensable d'inciter les collectivités à se doter d'observatoires locaux des loyers. À ce jour, l'expérimentation est en pratique circonscrite à La Réunion et à la communauté d'agglomération de Cap Excellence en Guadeloupe, qui sont les seules à disposer de tels observatoires.
L'article 2 de la proposition de loi vise à rendre moins restrictifs les critères utilisés pour délimiter les QPV dans les outre-mer. L'objectif d'accroître le nombre de QPV dans les territoires ultramarins est en grande partie satisfait par une réforme intervenue fin décembre. La nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville est désormais basée sur des critères mieux harmonisés et moins restrictifs. Notamment, la méthode du carroyage, qui avait été très défavorable à La Réunion, à la Martinique et à la Guadeloupe, n'a pas été retenue.
Cette nouvelle géographie inclut 247 QPV ultramarins, contre 218 précédemment. En accord avec Mme Bélim, je vous proposerai un amendement de suppression de l'article pour tenir compte de cette réforme, intervenue après le dépôt de la proposition de loi.
L'article 3 prévoit l'élaboration d'un marquage « régions ultrapériphériques » (RUP) dérogatoire au marquage CE dans le domaine de la construction, conformément à un règlement européen publié à la fin du mois de décembre 2024. C'est une avancée essentielle qui est soutenue de longue date par le Sénat, plus particulièrement par la délégation aux outre-mer.
Dans notre rapport intitulé La politique du logement dans les outre-mer, publié en 2021, Victorin Lurel, Guillaume Gontard et moi-même appelions déjà à promouvoir un marquage RUP. En effet, le marquage CE est un frein normatif empêchant l'approvisionnement régional en matériaux de construction. Il contribue donc à surenchérir les coûts de construction dans nos territoires, qui souffrent déjà d'un déficit de logements.
Si je partage sans réserve la volonté de Mme Bélim de saisir l'occasion pour aller de l'avant, j'estime que les modalités de mise en oeuvre du marquage RUP doivent faire l'objet d'un travail d'approfondissement, incompatible avec les délais contraints d'examen de cette proposition de loi.
Les auditions menées avec les professionnels du bâtiment et les associations de normalisation m'ont convaincue de la nécessité de prendre le temps de la réflexion avant d'arrêter un dispositif précis.
Nous avons déjà beaucoup avancé ces derniers mois, notamment grâce au Livre blanc des Assises de la construction durable en outre-mer, remis en septembre dernier. Ce document, qui est l'aboutissement de plus d'un an de concertation, est la preuve que ces sujets doivent être examinés sur le temps long.
Je rappelle que le règlement européen précité ne date que de décembre 2024, que son entrée en application partielle date de janvier 2025 et que les conclusions de la mission d'évaluation sur les modalités de mise en oeuvre de la dérogation au marquage CE n'ont pas encore été remises.
Nous devons adopter une attitude prudente et maintenir un haut degré de confiance des acteurs, car les enjeux assurantiels qui s'attachent à ce secteur sont trop importants. À titre d'exemple, je citerai mon cas personnel : après le passage de l'ouragan Irma, le coût de la police d'assurance de ma maison a été multiplié par quatre !
La complexité et la sensibilité du sujet nous invitent à la prudence. En outre, l'intervention du législateur n'est pas absolument nécessaire pour mettre en oeuvre le marquage RUP puisque le règlement européen précité est d'application directe.
Par ailleurs, n'oublions pas que la question de l'adaptation des normes aux spécificités ultramarines dépasse le seul secteur de la construction. D'ailleurs, la proposition de résolution européenne que nous avions déposée avec mes collègues Cambon, Demilly et Patient recommande d'adopter un paquet RUP à l'échelon européen pour lever les obstacles normatifs à l'insertion régionale des territoires ultramarins dans les secteurs de l'agroalimentaire, du traitement des déchets et de l'énergie.
Il nous faut adopter une démarche concertée, articulée et multisectorielle, afin de ne pas multiplier les instances coûteuses et peu opérationnelles.
Le compromis que nous avons trouvé avec Audrey Bélim consiste donc, à ce stade, à supprimer les articles 2 et 3, et à poursuivre les travaux sur ce sujet essentiel dans le cadre des prochaines échéances parlementaires consacrées aux territoires ultramarins. Je pense à la proposition de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des outre-mer, qui sera examinée au printemps prochain. En resserrant le texte autour de l'article 1er, nous faisons le choix de la raison et de la responsabilité.
Voilà, mes chers collègues, le fruit de mes auditions et de mes échanges constructifs avec Audrey Bélim, que je remercie pour sa disponibilité et son engagement en amont de l'examen de cette proposition de loi.
En tant que présidente de la délégation aux outre-mer, je me félicite que notre agenda parlementaire fasse honneur aux outre-mer et nous permette de débattre des problèmes qui les concernent.
Il me reste à vous présenter le périmètre retenu pour juger de la recevabilité des amendements. Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives à la mise en place d'un dispositif d'encadrement des loyers dans les territoires d'outre-mer ; à la délimitation des QPV dans ces mêmes territoires ; aux modalités de définition de normes applicables aux produits de construction dans ces mêmes territoires ainsi que d'homologation et d'agrément de ces produits.
Mme Audrey Bélim, auteure de la proposition de loi. - Je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer devant votre commission ; je tiens à saluer votre pragmatisme, votre écoute et votre intérêt pour les outre-mer. Dans nos territoires, le logement constitue une priorité pour nos concitoyens. Justement, le Sénat ne rechigne jamais à exercer le rôle qui lui est dévolu par la Constitution, celui d'être la chambre des territoires.
Nombreuses sont les collectivités d'outre-mer à nous avoir interpellés sur la nécessité d'autoriser l'encadrement des loyers. Lors du lancement de l'expérimentation initiale, nos territoires n'étaient pas classés en zones tendues et n'ont donc pas pu participer aux premières phases, contrairement à Paris ou à Montpellier. Les chiffres sont incontestables : avec 80 % des foyers éligibles au logement social, les Ultramarins se tournent massivement vers le parc locatif privé.
L'an dernier, les communes réunionnaises de Saint-Denis et de Saint-Paul ont adopté à l'unanimité une motion de leur conseil municipal pour un encadrement des loyers. En effet, le niveau des loyers est désormais le même qu'à Montpellier, ville qui participe à l'expérimentation : c'est une grande injustice !
La Réunion fait partie des départements qui ont les loyers les plus élevés de France, ces derniers ayant augmenté de 35 % depuis 2017. Aujourd'hui, nos concitoyens ultramarins dépensent jusqu'à 85 % de leurs revenus pour se loger.
Le problème de la vie chère est toujours plus vif, plus exacerbé, plus douloureux, plus insupportable en outre-mer ; les manifestations en Martinique le montrent bien. Cette proposition de loi permettra d'agir directement sur le coût des loyers, principale dépense des familles et symptôme de la vie chère en outre-mer. Pour autant, elle ne prétend pas résoudre l'entièreté du problème de cherté de la vie, qui est bien plus vaste et complexe.
L'association des communes et collectivités d'outre-mer (ACCD'OM) a distribué un questionnaire sur cette proposition de loi à l'ensemble des maires ultramarins. Le résultat est unanime : de Mayotte à la Guyane, en passant par la Guadeloupe, l'expérimentation dans les communes volontaires est ardemment souhaitée.
Cependant, pour des raisons juridiques, seules les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution seront autorisées à procéder à cette expérimentation, c'est-à-dire les cinq départements et régions d'outre-mer (Drom).
Cela suppose que les communes volontaires possèdent un observatoire des loyers. Si La Réunion et la communauté d'agglomération de Cap Excellence en Guadeloupe disposent d'un tel observatoire, ce n'est pas le cas de la Guyane et de la Martinique. Mme le rapporteur et moi-même avons fixé une durée d'expérimentation plus longue afin que ces territoires puissent se doter d'un observatoire.
Les articles 2 et 3 ne permettront pas de réaliser les avancées attendues par nos territoires. L'article 3 prévoit d'autoriser l'adaptation des normes de construction dans les outre-mer. Le vote du Parlement européen d'avril 2024 autorisant nos territoires à ne plus utiliser automatiquement le marquage CE pour les produits de construction nous oblige. Nous devons être à la hauteur de ce vote historique, continuer à avancer et permettre un débat sur ce sujet crucial dans notre hémicycle.
Pour conclure, je me félicite du dialogue constructif que j'ai entretenu avec Mme le rapporteur. Dans l'intérêt des outre-mer, il est important de prévoir une expérimentation qui soit opérationnelle et suffisamment longue pour que le législateur et les collectivités, ensemble, puissent en tirer de riches enseignements.
Nous faisons, me semble-t-il, le choix le plus pertinent et bénéfique pour nos territoires ultramarins. Nous savons, au Sénat, que la République s'honore toujours à faire confiance aux élus locaux. Ce texte en est une parfaite illustration.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je tiens, moi aussi, à saluer la fluidité des échanges entre le rapporteur et l'auteure de ce texte. Le Sénat et les outre-mer en sortiront gagnants.
Mme Viviane Artigalas. - Cette proposition de loi comporte des avancées très attendues par nos concitoyens ultramarins. Nous avons pu le constater lorsque nous nous sommes rendus sur place, l'évolution du prix des loyers et la cherté de la vie en outre-mer sont très préoccupantes.
Le prix des loyers est désormais comparable à celui qui est pratiqué dans les grandes agglomérations de l'Hexagone. Il est même parfois plus élevé que dans certaines des villes où l'expérimentation d'encadrement des loyers a été lancée. Dans le même temps, le coût de la vie pour les Ultramarins est plus élevé que dans l'Hexagone. C'est pourquoi l'expérimentation de l'encadrement des loyers en outre-mer est nécessaire.
Les manifestations en Martinique montrent bien que la vie chère est un phénomène qui frappe particulièrement les territoires ultramarins. Les loyers ne sont pas seuls responsables de cette situation, mais ils y contribuent largement, comme dans l'Hexagone.
L'adaptation des normes de construction est également très attendue en outre-mer. Nous ne sommes pas parvenus à trouver une rédaction commune, mais la séance sera l'occasion de rectifier les choses. Nous devons travailler à associer l'ensemble des parties prenantes.
Le présent texte n'a pas pour objectif de proposer des normes de construction adaptées aux outre-mer. Il vise simplement à fixer un cadre de travail pour permettre cette adaptation. Dans cette perspective, nous devrons faire preuve d'une grande exigence en matière de fiabilité et de sécurité.
Dans ces conditions, nous nous laisserons le temps de la réflexion, comme le souhaite Mme le rapporteur. Je tiens d'ailleurs sincèrement à la remercier pour le travail accompli et à saluer sa vision globale des problèmes qui se posent en outre-mer.
Mme Marianne Margaté. - Cette proposition de loi est utile, le problème du logement étant particulièrement aigu en outre-mer. Elle permettra d'encadrer les loyers qui atteignent des montants prohibitifs et contribuent nécessairement à l'appauvrissement de nos concitoyens ultramarins. J'appelle toutefois votre attention sur un point particulier : lorsque le loyer médian est élevé, le loyer plafond l'est tout autant.
Concernant l'adaptation des normes de construction, je reprendrai un argument que notre collègue Corbière Naminzo a déjà eu l'occasion de présenter devant notre commission : il faut favoriser les filières locales du bâtiment, car elles contribuent au développement économique des territoires ultramarins.
La production de logement social, qui n'est pas abordée par ce texte, est un enjeu tout aussi fondamental. Selon la Fondation pour le logement des défavorisés, le Gouvernement prévoit de construire uniquement 4 100 logements sociaux neufs, ce qui est bien inférieur aux engagements pris au travers du plan logement outre-mer.
L'accès à un logement digne est une question qui se pose dans tous nos territoires, en particulier dans les territoires ultramarins.
Mme Antoinette Guhl. - Notre groupe est favorable à cette proposition de loi, d'autant qu'il avait lui-même proposé une mesure similaire d'encadrement des loyers dans l'Hexagone et en outre-mer, il y a quelques années.
Je rejoins nos collègues communistes sur la question du loyer médian et la manière dont on peut encadrer le prix des loyers ; il faut que ce texte s'applique au plus grand nombre de logements possible. En outre-mer, le taux d'éligibilité au logement social est très important. Il apparaît donc indispensable de construire davantage de logements sociaux pour répondre à la demande.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - Je n'ai rien à ajouter aux propos qui viennent d'être tenus. Je remercie Mme Bélim pour la qualité de nos échanges et Mme Artigalas pour son implication au service des territoires ultramarins, en tant que membre de la délégation aux outre-mer.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - L'amendement COM-1 tend à réécrire l'article 1er. Il permettra de conforter l'intention de l'auteure du texte puisqu'il vise à créer une nouvelle expérimentation des loyers dans les seules collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.
Il n'est pas opportun de rouvrir le débat sur l'expérimentation actuelle, d'autant que le ministre est en train de l'évaluer. La nouvelle expérimentation proposée demeurerait facultative et les collectivités volontaires disposeraient d'un délai de deux ans pour soumettre leur candidature, comme ce qui avait été prévu initialement par la loi Élan.
Ce délai semble suffisant pour permettre aux collectivités ultramarines de préparer leur candidature, sachant que seules La Réunion et la communauté d'agglomération de Cap Excellence en Guadeloupe disposent d'un observatoire local des loyers.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à supprimer l'article 2, car l'objectif d'accroître le nombre de QPV dans les territoires ultramarins est atteint depuis l'actualisation de la géographie de la politique de la ville, fin décembre 2024.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 2 est supprimé.
Mme Micheline Jacques, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à supprimer l'article 3. Compte tenu des auditions que nous avons menées, il ne semble pas opportun d'adopter aussi précocement des mesures législatives sur un sujet qui fait encore l'objet de nombreuses réflexions de la part des services de l'État et des acteurs de l'écosystème.
Je partage sans réserve la volonté d'aller de l'avant sur cette question. Toutefois, les modalités de mise en oeuvre du marquage RUP doivent être encore approfondies, ce qui n'est pas compatible avec les délais d'examen de la présente proposition de loi.
Je le rappelle, il n'est pas indispensable de légiférer pour mettre en oeuvre la dérogation au marquage CE puisque le règlement européen de 2024 est d'application directe. Du reste, nous devons maintenir un haut niveau de confiance de l'ensemble des acteurs eu égard aux enjeux assurantiels dans le secteur de la construction. J'insiste sur ce point car, à Mayotte, les assurances trouvent tous les prétextes pour ne pas venir en aide aux sinistrés.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 3 est supprimé.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous rappelle que nous examinerons cette proposition de loi en séance publique le 5 mars après-midi.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous passons à l'examen de la proposition de loi visant à lutter contre la vie chère en renforçant le droit de la concurrence et de la régulation économique outre-mer. Nous avons le plaisir d'accueillir au sein de notre commission Victorin Lurel, qui est l'auteur de ce texte.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - Je suis plutôt habituée à traiter les questions qui concernent les Français de l'étranger, mais par association, je suis sensible à la situation des territoires ultramarins, compte tenu de leur éloignement géographique et du problème de cherté de la vie qui peut également s'y poser.
J'ai conduit plusieurs auditions auxquelles j'ai systématiquement invité notre collègue Victorin Lurel ; je le remercie d'avoir partagé ses connaissances sur le sujet.
Ces auditions m'ont permis d'échanger avec des représentants de la direction générale des outre-mer (DGOM), de l'Autorité de la concurrence, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), de la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom), du médiateur des relations commerciales agricoles et de la Banque de France, en particulier de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (Iedom).
La cherté de la vie dans les outre-mer est une réalité que tout le monde entend combattre. Elle résulte de plusieurs facteurs économiques : une production locale réduite, en raison des caractéristiques des territoires ; l'éloignement géographique, qui conduit à des coûts de transport élevés ; une taxe spécifique, l'octroi de mer, imposée à l'entrée des marchandises sur les territoires ultramarins ; des marchés de taille limitée qui rendent impossibles des économies d'échelle.
Il existe un autre facteur largement sous-estimé, alors qu'il est sans doute le plus grave, celui de la faible concurrence. Dans la plupart des secteurs, des entreprises en nombre très restreint contrôlent le marché. Ces monopoles ou oligopoles maintiennent des prix élevés et semblent dégager des marges importantes, qu'elles soient prélevées par les intermédiaires ou, surtout, directement réalisées par les distributeurs.
J'ajoute que les coûts élevés en matière d'importation, de logistique ou de fiscalité pour entrer sur le marché rendent difficile l'émergence de nouveaux concurrents et favorisent ainsi la concentration des acteurs locaux.
En outre-mer, le prix des produits est en moyenne plus élevé de 40 % par rapport à l'Hexagone. Les écarts se sont même accrus ces dix dernières années aux Antilles, à La Réunion et à Mayotte. On comprend dès lors les mobilisations récurrentes contre la vie chère dans ces territoires, à l'instar de celle qui a débuté en septembre 2024 en Martinique.
Je partage bien évidemment le constat de M. Lurel. L'objectif est de s'attaquer aux causes de la vie chère dans les outre-mer, et non pas seulement aux conséquences les plus visibles. Il convient d'établir un marché réellement concurrentiel en luttant contre les monopoles.
L'article 22 de la loi relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, portée par M. Lurel en 2012, lorsqu'il était ministre des outre-mer, donnait au préfet la possibilité de demander aux entreprises bénéficiant d'une aide publique de lui transmettre leurs comptes sociaux et leur comptabilité analytique.
L'article 1er de la présente proposition de loi vise à renforcer les obligations de transparence pesant sur les entreprises, en prévoyant une transmission systématique et annuelle des comptes sociaux et de la comptabilité analytique d'un plus grand nombre d'entreprises aux préfets et aux OPMR.
Il prévoit également une transmission trimestrielle systématique du taux de marge, des prix d'achat et de vente et des prix de cession interne pour les filiales détenues à plus de 25 % par leur société mère aux préfets, à l'Insee et aux OPMR.
Ce dispositif est trop lourd à gérer pour les services de l'État et nécessiterait obligatoirement une embauche de personnel qualifié. En outre, rien ne garantit que ces services l'utiliseront de façon à renforcer la transparence et la concurrence outre-mer, d'autant que les marges, les prix et les coûts ne sont pas une information normée, contrairement aux comptes sociaux, et dépendent d'options comptables différentes selon les groupes.
Dans ces conditions, ces données sont impossibles à exploiter, surtout qu'elles sont confidentielles et stratégiques. Seule l'entreprise peut décider de les communiquer aux banques, à l'administration fiscale et à d'autres organismes publics.
Enfin, il est évident que ce dispositif ne va pas dans le sens d'une simplification de la vie des entreprises. Il pourrait même être dissuasif pour des entreprises qui voudraient s'implanter en vue de créer une concurrence, notamment sur de plus petites surfaces.
La transparence comptable des entreprises est une exigence à la fois du droit communautaire et du droit national, mais le dispositif envisagé n'améliorera pas la situation, d'autant que l'article L. 232-21 du code de commerce oblige les sociétés commerciales à déposer chaque année leurs documents comptables et juridiques aux greffes du tribunal de commerce. Aujourd'hui, seuls 24 % des entreprises opérant en Martinique respectent cette obligation.
Au lieu de superposer les textes, il convient d'appliquer le droit existant et de renforcer les sanctions intuitu personae. À l'article 1er, M. Lurel et moi-même nous sommes mis d'accord pour mettre en place une nouvelle procédure donnant aux préfets le pouvoir de demander au président du tribunal de commerce, statuant en référé, d'adresser une injonction aux dirigeants défaillants en vue de les contraindre à déposer les comptes de leur société.
La sanction en cas de non-transmission des comptes pourrait prendre la forme d'une injonction, avec une astreinte pouvant aller jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires journalier. Cette sanction s'appliquerait au dirigeant et non pas à l'entreprise, car il s'agit en l'espèce d'une responsabilité personnelle.
L'article 2 prévoit de modifier six dispositions du code de commerce. Il limite l'opposabilité du secret des affaires lorsque l'État demande à une entreprise régulée ou subventionnée de lui transmettre ses comptes sociaux et sa comptabilité analytique ; il étend les situations dans lesquelles les prix peuvent être réglementés par les pouvoirs publics ; il abaisse les seuils de notification au-delà desquels les opérations de concentration d'entreprises doivent être notifiées à l'Autorité de la concurrence ; il élargit les possibilités de saisine de l'Autorité de la concurrence ; il complète les missions des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) ; enfin, il renforce les prérogatives des OPMR.
Par cohérence avec les dispositions proposées à l'article 1er, M. Lurel et moi-même avons proposé de supprimer la mesure de coordination relative au secret des affaires et l'extension des situations dans lesquelles le Gouvernement peut réglementer les prix à titre dérogatoire, les situations envisagées étant déjà largement couvertes par le droit existant.
Le seuil de notification au-delà duquel les opérations de concentration doivent être notifiées à l'Autorité de la concurrence serait abaissé de 5 millions à 3 millions d'euros pour le seul secteur du commerce de détail.
Par ailleurs, à l'article 2, nous proposons de renforcer les prérogatives des OPMR - ces derniers pourront ainsi directement saisir les agents de la DGCCRF - et d'étendre la possibilité de saisine de l'Autorité de la concurrence aux départements d'outre-mer, ainsi qu'aux CDAC pour les entreprises détenant une part de marché de 25 % d'une zone de chalandise, au lieu de 50 % actuellement.
L'article 3 vise, quant à lui, à rendre éligibles à l'aide au fret, en plus des matières premières à transformer, les produits de première nécessité. Il précise que les opérateurs qui en bénéficient doivent apporter aux autorités les éléments utiles permettant d'établir la répercussion effective de cette aide sur les prix de commercialisation des produits. Je propose de supprimer cet article, car l'article 10 de la proposition de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des outre-mer, déposée par notre collègue Micheline Jacques et signée par M. Lurel, prévoit déjà d'étendre l'aide au fret aux produits de première nécessité. Je vous suggère donc de renvoyer le débat de fond à l'examen de ce texte. L'extension proposée pourra ainsi être davantage expertisée afin d'évaluer sa faisabilité technique, son coût pour les finances publiques et, surtout, son efficacité dans la lutte contre la vie chère en outre-mer. Gardons à l'esprit qu'une telle extension est susceptible de renforcer la position dominante de certaines entreprises, mais, bien calibrée, pourrait favoriser l'émergence de nouveaux entrepreneurs sur le marché ultramarin.
Il me reste à vous présenter le périmètre retenu pour juger de la recevabilité des amendements en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents. Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives à la communication par les entreprises établies en outre-mer de leurs comptes sociaux, de leur comptabilité analytique, de leurs marges, de leurs prix d'achat et de vente et, pour les filiales, de leurs prix de cession interne ; aux sanctions liées à l'absence de communication de ces informations ; à la non-opposabilité du secret des affaires en cas de sanctions liées à l'absence de communication de ces informations ; aux situations dans lesquelles les prix peuvent être réglementés en outre-mer à titre dérogatoire par les pouvoirs publics ; à la fixation des seuils au-delà desquels les opérations de concentration situées dans les territoires ultramarins doivent être notifiées à l'Autorité de la concurrence ; aux possibilités de saisine de l'Autorité de la concurrence ; aux compétences des OPMR d'outre-mer ; aux produits éligibles à l'aide au fret.
M. Victorin Lurel, auteur de la proposition de loi. - Je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission ce matin. Voilà plus de vingt ans que je combats l'opacité sur les marchés ultramarins et que je milite pour y renforcer le droit de la concurrence et la régulation. Pour engager une révolution en ce domaine, il faudrait voter une vingtaine de propositions de loi comme celle-ci.
La proposition de loi soumise à votre examen aujourd'hui est de nature à faire avancer les choses. La rapporteur et moi-même avons trouvé un compromis raisonnable, mais il faudra aller beaucoup plus loin. À cet égard, le Gouvernement, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, a exprimé sa volonté d'élaborer un grand texte relatif à la lutte contre la vie chère outre-mer. Renforcer l'arsenal juridique existant, qui reste souvent inappliqué, faute de volonté politique, ne permettra pas d'améliorer fortement la situation. Il faudrait aussi que le Gouvernement prenne les choses en main.
L'écart de prix des produits alimentaires entre l'Hexagone et les outre-mer est considérable, mais on pourrait aussi parler du prix des télécommunications, de l'automobile, de l'achat de pièces détachées et des réparations dans les garages, des tarifs aériens, du monopole de Canal+. Cependant, lorsqu'on tente de lever l'opacité sur les pratiques commerciales, on nous oppose le secret des affaires.
On pointe souvent du doigt les grands groupes, notamment le groupe Bernard Hayot (GBH), qui est emblématique. Mais n'oublions pas toutes les autres entreprises. Si 73 groupes dominaient traditionnellement les marchés de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de Saint-Martin, toutes les entreprises, grandes et petites, contribuent à l'inflation des prix outre-mer.
De même, il n'y a pas lieu de faire de distinctions entre les commerçants les professions libérales. Ces dernières sont habituées à facturer des surcoûts ; je pense en particulier aux pharmaciens et aux notaires.
Les cumuls de marges pénalisent en aval le consommateur. Voilà pourquoi je me réjouis qu'un compromis ait pu être trouvé sur ma proposition de loi. Je défendrai trois amendements en séance afin de remédier aux revenus à perte, au contournement de la législation au détriment des petites entreprises et aux marges arrière, lesquelles peuvent atteindre jusqu'à 25 % du chiffre d'affaires.
Bref, il faut des mesures raisonnables et pas trop lourdes sur le plan bureaucratique qui renforcent la transparence des entreprises opérant outre-mer.
M. Lucien Stanzione. - Notre groupe a fait le choix fort de consacrer sa niche parlementaire à un enjeu majeur pour nos concitoyens d'outre-mer : la lutte contre la vie chère. Je salue le travail de notre collègue Victorin Lurel, qui poursuit avec constance son combat contre les inégalités économiques qui frappent les territoires ultramarins.
Les contraintes législatives ont certes conduit à élaborer un texte resserré en trois articles. Il n'empêche que ce dernier constitue une avancée significative et un point d'appui indispensable pour la suite.
Le texte envoie un signal clair : il est hors de question de laisser les ultramarins prisonniers d'un système économique inéquitable. Il s'agit avant tout de renforcer la pression sur les entreprises qui sont encore trop nombreuses à ne pas respecter leurs obligations légales de dépôt des comptes sociaux.
Il y a là un enjeu de transparence essentiel pour accéder aux comptes et les analyser. Dans ces conditions, il serait possible d'identifier les mécanismes de formation des prix et d'accumulation des marges. D'autres mesures, retenues à l'issue des échanges entre M. Lurel et la rapporteur, permettront aux acteurs d'alerter l'Autorité de la concurrence en amont sur les opérations de concentration.
Nous regrettons que certaines dispositions aient été supprimées. Toutefois, nous souhaitons avancer dans le même esprit constructif que celui qui a présidé à l'élaboration de ce texte, notamment en traitant en séance les problèmes de marges arrière et de reventes à perte.
Notre groupe espère vous convaincre que nous pouvons aller plus loin pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens ultramarins.
Mme Antoinette Guhl. - Notre groupe est tout à fait favorable à cette proposition de loi, qui constitue une avancée significative. Comme l'a dit notre collègue Lucien Stanzione, elle envoie un signal clair pour combattre les inégalités de prix entre l'outre-mer et l'Hexagone. Nous devrions garantir un égal accès aux produits vitaux, tels que les produits alimentaires et les véhicules.
Par rapport à l'Hexagone, les prix alimentaires sont supérieurs de 42 % en Guadeloupe, de 40 % en Martinique, de 39 % en Guyane, de 37 % à La Réunion et de 30 % à Mayotte. Le niveau de pauvreté dans ces territoires est tel qu'il est impossible de laisser prospérer des prix aussi élevés. Cela nous conduit à nous interroger non seulement sur le taux d'importation et la distance d'approvisionnement des produits, mais aussi sur les marges des distributeurs et la prolifération des oligopoles et monopoles.
M. Lurel a affirmé que toutes les entreprises contribuent à la cherté de la vie en outre-mer. Pour notre part, nous considérons que ce sont les grandes entreprises qui sont les principales responsables. Alors qu'elles importent massivement et réalisent des marges considérables, elles refusent de transmettre leurs comptes : c'est une attitude de voyous !
Cette proposition de loi apparaît donc salutaire face aux entreprises qui refusent de respecter les règles élémentaires du commerce.
Les amendements présentés par la rapporteur ne nous conviennent pas, car ils auront pour effet d'amoindrir la portée du texte. Les entreprises ne peuvent plus s'abriter derrière l'argument du secret des affaires et de la difficulté de contrôler les marges.
M. Fabien Gay. - Nous partageons l'ambition poursuivie par ce texte. Concernant les monopoles et les duopoles, il y deux solutions : soit on adopte cette proposition de loi, ce qui permettra de renforcer la transparence sur les prix au terme d'un rapport de force qui sera long, soit nous ordonnons l'étatisation des entreprises concernées. Il est parfois nécessaire d'exclure du marché certains secteurs, tels que l'énergie, la santé, l'éducation et l'alimentation.
Il faut faire la transparence non seulement sur les marges, mais aussi sur les aides publiques assez considérables qui sont versées aux entreprises. En attendant, ce sont les consommateurs ultramarins qui paient la facture plein pot, alors qu'ils perçoivent des salaires souvent plus bas que dans l'Hexagone et ont du mal à se loger étant donné le prix exorbitant des loyers. Une autre solution consisterait donc à augmenter très significativement les salaires de nos concitoyens ultramarins.
Une chose est sûre, les entreprises ne peuvent plus opposer le secret des affaires, qu'elles ont toujours brandi comme l'arme ultime. Notre collègue Antoinette Guhl a raison, les amendements de la rapporteur atténuent la portée du texte. Cela dit, l'article 3 va dans le bon sens. Mettons-nous d'accord pour réduire le prix de 150 produits de première nécessité : il n'est pas question de plafonner les prix, mais nous pourrions, par exemple, appliquer un taux de TVA réduit.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Lors de l'examen des différentes lois pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dites Égalim, nous avions beaucoup parlé du bouclier qualité-prix. Il semble que ce dispositif, pourtant laissé à la main des préfets et revu annuellement, ne fonctionne pas.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - Nous sommes tous d'accord, la cherté de la vie en outre-mer est un problème de fond. Vu les délais impartis pour élaborer et examiner cette proposition de loi, je n'ai pas pu prendre en compte tous les aspects du sujet. Les questions que j'ai posées dans le cadre des auditions seraient formulées d'une manière bien différente aujourd'hui, car j'ai pris connaissance d'éléments nouveaux au cours de nos travaux.
Vous le savez, je suis cheffe d'entreprise et j'essaie de comprendre la façon dont les marges en outre-mer sont calculées. En dehors des comptes sociaux, il est difficile de voir comment les entreprises fixent leurs prix et réalisent leurs marges.
Toutes les mesures existantes, notamment la transmission des comptes sociaux aux préfets, sont restées infructueuses. Je ne suis donc pas convaincue qu'il faille y ajouter des mesures supplémentaires.
Le véritable problème réside dans l'absence de respect de l'obligation de dépôt des comptes. En principe, les sociétés sont tenues d'informer les greffes des tribunaux de commerce de toute modification de leurs statuts, ce qui inclut les changements d'actionnaires et les comptes sociaux. En outre, les commissaires aux comptes tiennent à jour un certain nombre de documents. Il s'agit donc d'une source d'informations très importante, conservée par les tribunaux de commerce.
L'an dernier, quatre associations ont engagé un contentieux à l'encontre d'un grand groupe établi en outre-mer. Avant même que la décision juridictionnelle ne soit rendue, ce dernier a fourni les éléments de comptabilité concernant ses marges, ses prix et son chiffre d'affaires. Nous devrions donc d'abord veiller à ce que l'obligation de dépôt des comptes soit respectée, en infligeant une sanction financière conséquente non pas à l'entreprise, mais au dirigeant.
Du reste, l'extension de l'aide au fret apparaît comme une bonne mesure, mais nous devons être certains qu'elle ne profitera pas aux monopoles et oligopoles existants. Elle doit être cadrée afin de bien servir aux nouveaux entrepreneurs et aux petites entreprises. La lutte contre les marges arrière des distributeurs constitue aussi le nerf de la guerre contre la vie chère.
M. Victorin Lurel. - En vertu de l'article 73 de la Constitution, nous demandons de cantonner la lutte contre les marges arrière aux outre-mer, bien que cette question se pose de façon tout aussi complexe dans l'Hexagone.
Aujourd'hui, nous disposons d'un arsenal de moyens que l'État et les gouvernements successifs n'ont pas voulu appliquer. Par exemple, l'Autorité de la concurrence peut délivrer des injonctions structurelles en outre-mer pour contraindre les entreprises à céder des actifs. Notez que l'application de cette mesure sur le territoire métropolitain a été censurée, car elle contrevenait au droit de propriété.
Le bouclier qualité-prix fonctionne bel et bien ; des négociations ont lieu chaque année. Édouard Balladur avait supprimé l'ordonnance de 1945 relative aux prix. Depuis, c'est le marché qui régule lui-même les prix en outre-mer, hormis pour les carburants, les tarifs de taxis ou les baux ruraux.
La méthode hégémonique, qui consiste en une négociation modérée des prix, ne donne pas de résultats. M. Hayot a été condamné pour ne pas avoir respecté l'obligation légale de dépôt des comptes, ce qui est un autre sujet.
Cette proposition de loi ne suffira pas à renforcer la transparence et la concurrence. Certes, la saisine en référé du président du tribunal de commerce et l'astreinte financière infligée aux dirigeants d'entreprise constituent de vraies avancées. Cependant, qui va informer le préfet que telle ou telle entreprise n'a pas déposé ses comptes ?
Il faudrait que le ministère prenne une circulaire pour faire de cette saisine une priorité de l'action territoriale. Au-delà, nous attendons une loi globale imposant davantage d'obligations. C'est déjà le cas pour les facilités essentielles, telles que les ports et les aéroports, les bateaux et la communication par satellite.
Au demeurant, j'approuve la nécessité d'encadrer les aides au fret. Cela devrait être fait par décret en Conseil d'État. Un protocole a bien été signé en Martinique après les émeutes urbaines, mais l'État n'a encore rien fait, en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale.
Nous examinerons bientôt des textes actant une réduction du taux de TVA de 2,1 % à 0 %, compensée par l'augmentation de produits qui coûtent plus cher. Nous aurons également l'occasion de discuter de l'octroi de mer, même si, sur ce sujet, la Guadeloupe ne souhaite pas suivre la Martinique en dépit de l'existence d'un marché unique.
Encore une fois, nous disposons d'un bon arsenal de moyens, mais la volonté politique et le temps nécessaire pour réfléchir à ces évolutions font défaut. Nous avons besoin d'un choc régalien : l'État doit réguler sérieusement les prix et renforcer la transparence, sans pour autant gêner les entreprises dans leurs investissements.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - Le problème de fond est l'application de la loi, comme dans tous les domaines. En effet, il existe de nombreux dispositifs, mais ils ne sont pas mis en oeuvre.
M. Victorin Lurel. - C'est parce que l'État est absent !
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - En vertu de la loi Lurel de 2012, toute personne intéressée peut saisir le tribunal de commerce en référé pour contraindre une entreprise à transmettre ses comptes au préfet. Il reste toutefois un problème : les préfectures et les OPMR ne disposent pas du personnel compétent pour analyser les comptes.
M. Philippe Grosvalet. - J'avais conseillé au ministre des outre-mer de consulter le site internet Kiprix, inventé par un jeune Martiniquais, qui compare le prix de 30 000 produits, plutôt que de faire appel à des bureaux d'études.
On parle beaucoup du coût du transport. Il se trouve que le port de Montoir, situé dans mon département, est le dernier port duquel partent les produits frais en direction des Antilles. Or il a vocation à disparaître : les bateaux seront ainsi contraints de passer par Le Havre, ce qui renchérira encore le prix des produits expédiés en outre-mer.
Pour une plaquette de beurre, le prix du transport maritime s'élève à 0,08 centime d'euros et à 0,10 centime si l'on tient compte des frais qui précèdent et succèdent à l'acheminement, ce qui est peu. Vu les surcoûts pratiqués par les entreprises, il y a de la marge pour faire respecter la loi !
M. Fabien Gay. - Soyons clairs, nous allons voter un texte pour demander qu'on applique la loi : c'est bien le signe de notre impuissance collective. Les chefs d'entreprise disposent d'un mois pour déposer les comptes sociaux au tribunal de commerce et de deux mois par voie dématérialisée. Or, comme on le dit depuis tout à l'heure, beaucoup d'entre eux ne se conforment pas à la loi. Je crains que cette proposition de loi n'amoindrisse le combat contre la vie chère. Doit-on élaborer un texte à chaque fois qu'une loi n'est pas respectée ? En poursuivant ce genre de logique, nous n'envoyons pas un signal très positif...
Du reste, je comprends qu'on alourdisse la sanction financière en cas de non-respect de l'obligation légale de dépôt des comptes, mais pourquoi devrait-on uniquement l'appliquer au dirigeant ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - L'article 1er, tel que la rapporteur propose de le modifier, sera bien plus efficace que les dispositifs en place.
M. Franck Montaugé. - Cette proposition de loi touche au pouvoir de vivre de nos concitoyens au quotidien ; c'est un sujet auquel les sénateurs socialistes tiennent beaucoup. Malgré le principe d'égalité, qui est inscrit dans le triptyque de nos valeurs républicaines, on sent derrière la situation du pouvoir d'achat en outre-mer un relent de néocolonialisme. En effet, la persistance de la vie chère dans les territoires ultramarins sape le fondement même des principes de la République.
Notre collègue Fabien Gay a raison : nous sommes obligés, à la faveur de textes nouveaux, de légiférer pour faire respecter la loi. Cela pose une vraie question de fond eu égard aux valeurs républicaines que nous avons en partage.
Reste que je tiens à saluer le travail qui a été accompli par la rapporteur et l'auteur de cette proposition de loi. J'espère que les intentions affichées par le Gouvernement nous permettront, à terme, de respecter le droit constitutionnel, en particulier le principe d'application de la loi sur tout le territoire.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à supprimer le dispositif de transmission systématique des comptes au préfet. La lourdeur administrative est dissuasive non seulement pour les nouveaux entrepreneurs, mais aussi pour les services de l'État, qui ne pourront utiliser les données des entreprises financières pour renforcer la transparence et la concurrence en outre-mer.
M. Lurel et moi-même avons trouvé une rédaction de compromis pour créer une nouvelle procédure de référé et pour accentuer les sanctions appliquées aux dirigeants des entreprises défaillantes. L'astreinte peut ainsi atteindre jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires journalier.
J'en profite pour répondre à la question de M. Gay. Le dépôt des comptes sociaux auprès du tribunal de commerce dépend du dirigeant de l'entreprise. Si celui-ci ne respecte pas cette obligation, il est personnellement responsable et doit s'acquitter de la sanction qui lui est infligée en propre. De son côté, l'entreprise n'aura pas le droit de reprendre cette dette et de la déduire de ses comptes.
Mme Antoinette Guhl. - Le groupe Bernard Hayot réalise chaque année 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires. En vertu de cette proposition de loi, son dirigeant devrait s'acquitter au bout d'un an d'une astreinte de 250 millions d'euros pour manquement à l'obligation de dépôt des comptes. La confusion entre l'entreprise et le dirigeant va à l'encontre de toute réflexion économique habituelle. Il est impératif de séparer la personne morale de la personne physique.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - Juridiquement, la notion de groupe n'existe pas. L'indemnité a donc vocation à s'appliquer à une seule société identifiée, laquelle ne peut donc concentrer l'intégralité du chiffre d'affaires.
Et, encore une fois, c'est au dirigeant de s'acquitter de l'astreinte, car, en tant que salarié de l'entreprise, il engage sa responsabilité personnelle, de la même façon que lorsqu'un accident grave du travail se produit.
Mme Antoinette Guhl. - En droit, la confusion entre le dirigeant et l'entreprise ne peut exister. Nous sommes d'accord avec le fait d'infliger une astreinte au dirigeant, mais celle-ci ne saurait être basée sur le chiffre d'affaires de l'entreprise.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - La sanction contre le dirigeant est déjà prévue par le code de commerce. Cependant, son montant est trop faible pour être dissuasif : la preuve, c'est que seuls 24 % des entreprises opérant en Martinique respectent l'obligation de déposer leurs comptes. En faisant correspondre le montant de la sanction à un plafond de 5 % du chiffre d'affaires, on incite davantage les dirigeants à déposer les comptes sociaux.
M. Lucien Stanzione. - Je précise que notre groupe votera les amendements de la commission, compte tenu de l'accord auquel sont parvenus la rapporteur et M. Lurel, mais nous profiterons de la séance publique pour revenir sur un certain nombre de points.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 1er est ainsi rédigé.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - L'amendement COM-3 recentre l'article 2 sur certaines dispositions. Pour le secteur du commerce de détail, il a pour objet d'abaisser le seuil de notification à l'Autorité de la concurrence des opérations de concentration à 3 millions d'euros de chiffre d'affaires annuels.
Il vise également à renforcer les prérogatives des OPMR en leur permettant de saisir les agents de la DGCCRF. Enfin, il élargit la possibilité de saisir l'Autorité de la concurrence aux départements d'outre-mer et aux CDAC pour les cas d'entreprises détenant une part de marché de 25 % d'une zone de chalandise, au lieu de 50 % aujourd'hui.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian, rapporteur. - L'amendement COM-4 vise à supprimer l'article 3, car la proposition de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des outre-mer prévoit déjà d'étendre l'aide au fret aux produits de première nécessité.
Cette extension doit être expertisée afin que l'on puisse évaluer son coût et son efficacité en matière de lutte contre la vie chère, l'objectif étant de ne pas favoriser davantage les monopoles en place.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 3 est supprimé.
Article 4
L'article 4 est adopté sans modification.
Après l'article 4
L'amendement COM-1 rectifié a été déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport et du texte sur la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - La loi Climat et résilience adoptée en 2021 prévoyait un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en 2050 et de réduction de l'artificialisation de moitié en 2031 par rapport à la période 2011-2021. Ce n'est pas un hasard si, quatre ans plus tard, nous sommes encore en discussion à ce sujet.
De nombreux maires ont alerté les parlementaires sur la logique descendante et non concertée de cette politique de sobriété foncière, difficilement compatible avec les politiques de développement économique ou d'accueil de nouvelles populations. Pour répondre à ces difficultés, le Sénat a constitué en 2022 une mission conjointe de contrôle relative à l'application du ZAN, suivie d'une proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux, adoptée en juillet 2023.
Ladite loi comprenait quelques points importants, dont la sortie des projets d'envergure nationale ou européenne (Pene) du décompte local du ZAN, la création d'un droit à l'hectare pour chaque commune, la création d'une conférence régionale d'élus pour la mise en oeuvre du ZAN, la création d'un droit de préemption spécifique et l'allongement des délais de modification des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), des schémas de cohérence territoriale (Scot) et des plans locaux d'urbanisme (PLU).
Nous avions cru refermer le dossier ZAN après l'adoption de la loi de juillet 2023, mais force est de constater que, presque quatre ans après l'adoption de la loi Climat et résilience, l'inquiétude des élus locaux ne faiblit pas, bien au contraire.
Ce constat, que nous faisons tous les jours lorsque nous parlons à nos maires, a été objectivé dans le rapport d'information fait à l'automne dernier par Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc, au nom du groupe de suivi transpartisan des politiques de réduction de l'artificialisation des sols. Oui, pour nos élus et nos collectivités, atteindre les objectifs de réduction de l'artificialisation fixés par la loi Climat et résilience, c'est bien « la quadrature du cercle » ! Je précise d'ailleurs qu'à l'initiative du groupe, près de 1 400 élus ont été consultés dans le cadre de ses travaux.
Ayant moi-même participé au groupe de suivi, je voudrais saluer le travail approfondi qui a conduit à la publication de ce rapport. Je veux aussi remercier nos deux collègues d'avoir pris l'initiative de déposer cette proposition de loi, car si nous partageons tous l'objectif de sobriété foncière, les chemins pour y arriver sont nombreux. Le chemin de la loi Climat et résilience était celui du centralisme et de la contrainte, et nous avons souvent dénoncé l'application arithmétique et descendante d'objectifs nationaux fixés au doigt mouillé, sans véritable étude d'impact. Cette proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite « Trace », vise au contraire à créer les conditions d'une sobriété foncière soutenable pour nos territoires, en donnant un rôle accru aux élus.
Premièrement, l'article 1er de la proposition de loi pérennise, au-delà de 2031, la comptabilisation de l'artificialisation par le biais de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf). C'est un mode de comptabilisation que les élus connaissent bien, et qui leur permet de mieux anticiper leurs consommations futures.
Pour ma part, je ne serai pas fâché d'abandonner le mythe technocratique d'une comptabilisation au centimètre carré grâce à l'intelligence artificielle (IA), qui agrège de manière opaque des surfaces de natures différentes, sur la base d'une nomenclature incompréhensible.
Je ne parle même pas du casse-tête d'élaborer aujourd'hui des PLU qui permettraient d'atteindre en même temps des objectifs comptés en Enaf à l'horizon 2031, et d'autres objectifs ensuite avec un autre mode de comptabilisation.
Nous vous proposons de sécuriser encore un peu plus ce mode de comptabilisation plus simple et plus efficace, qui a en outre l'avantage de lever la contrainte sur les bâtiments agricoles.
Deuxièmement, la proposition de loi redonne de l'air aux collectivités en supprimant l'objectif de - 50 % d'artificialisation à l'horizon 2031, en repoussant les dates butoirs de modification des Sraddet et des documents d'urbanisme et en excluant du décompte de la consommation d'Enaf les Pene. Tel est l'objet des articles 2 à 4.
Enfin, la proposition de loi prévoit, avec son article 5, de mieux associer les collectivités locales à la détermination des objectifs régionaux de réduction de l'artificialisation, en remplaçant les conférences régionales de gouvernance de l'artificialisation - les « conférences du ZAN », qui ont elles-mêmes remplacé les « conférences des Scot » - par une consultation généralisée des communes, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des Scot au sein d'une nouvelle conférence, qui aurait un pouvoir décisionnaire sur la fixation de ces objectifs.
Nous allons bien sûr vous présenter les évolutions projetées sur chaque point du texte, ainsi que sur un point complémentaire, à savoir la garantie de développement communal d'un hectare, dispositif extrêmement précieux pour les petites communes, mais qui a parfois eu des effets contre-productifs.
Je tiens à remercier Amel Gacquerre pour le bon travail que nous avons pu faire ensemble, dans un esprit de complémentarité et de respect mutuel. Je remercie également Daniel Guéret, avec qui les relations ont été très fluides, et enfin les membres du groupe de suivi qui se sont régulièrement joints à nos auditions.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Je remercie à mon tour Jean-Marc Boyer et Daniel Guéret pour les échanges fructueux que nous avons eus tout au long de nos travaux. Je m'associe également aux remerciements exprimés par Jean-Marc Boyer aux auteurs de cette proposition de loi, Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc.
Ces dernières semaines, nous avons entendu de très nombreuses associations d'élus, rencontré quasiment tous les ministres compétents de près ou de loin sur le sujet et reçu de très nombreuses contributions écrites. Nous savons donc à quel point, en effet, il sera difficile, pour filer le jeu de mots et la métaphore, de « tracer » un chemin qui nous permettra d'arriver collectivement jusqu'à la destination fixée par la loi Climat et résilience.
Sur le fond, comme l'a dit Jean-Marc Boyer, le diagnostic est partagé par tous : il faut assouplir le ZAN, non pas pour freiner la trajectoire de sobriété foncière, impérative et partagée par tous face à la nécessité de préserver nos terres agricoles, au réchauffement climatique et à la multiplication des catastrophes que nous sommes malheureusement nombreux à avoir connu ces dernières années, mais parce que nos maires le demandent.
L'application uniforme sur tout le territoire de la loi Climat et résilience conduit à des situations de blocage problématiques : des maires qui se démènent pour attirer de jeunes ménages et qui ne disposent plus de foncier pour construire une école ; des projets d'implantation d'usines mis en cause par manque de foncier ; des communes menacées de pénalités parce qu'elles n'atteignent pas les taux de logements sociaux fixés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), mais qui ne peuvent pas en construire faute de place... Parallèlement à cela, il faudrait, afin de retrouver notre souveraineté, réindustrialiser, développer les énergies vertes, etc.
Nous avons donc abordé le sujet de manière pragmatique, en considérant que l'artificialisation est un réel problème, que nous avons artificialisé de manière tout à fait excessive pendant des dizaines d'années, et qu'il est temps que cela cesse ; mais en considérant aussi qu'il y a d'autres problèmes urgents à régler en France, à savoir la crise du logement, les fermetures d'usines, la transition écologique et enfin la cohésion sociale, qui passe notamment par des efforts accrus de revitalisation de la France rurale et des sous-préfectures.
C'est pourquoi nous vous proposons, à l'article 4, de confirmer la sortie des grands projets du décompte de l'artificialisation, et d'exempter jusqu'en 2036 les implantations industrielles et la création de logement social en rattrapage dans les communes carencées.
Encore une fois, nous soutenons tous ici l'objectif de sobriété foncière et nous ne voulons pas toucher à l'objectif de ZAN à l'horizon 2050. Pourtant, cet objectif est, si l'on y regarde bien, extraordinairement ambitieux ! Nous pouvons peut-être l'atteindre, car une période de vingt-cinq ans peut paraître longue, mais nous ne voulons pas du jalon à - 50 % dès 2031, cet objectif semblant inatteignable aux dires du plus grand nombre.
Cela ne veut pas dire qu'il faut lever toutes les contraintes et éteindre toutes les balises. Je le dis très clairement : je ne crois pas - nous ne croyons pas - que la somme des efforts spontanés des communes pour réduire l'artificialisation permettra d'atteindre l'objectif de zéro artificialisation en 2050. Les chiffres sont clairs et le confirment : depuis 2019, il y a une stabilisation de la consommation d'Enaf à hauteur d'environ 20 000 hectares par an, et ce y compris dans des communes en déprise.
Cependant, il faut que chaque territoire, et en premier lieu chaque région, puisse se fixer sa propre trajectoire avec ses propres jalons, du moment que celle-ci reste crédible pour atteindre l'objectif 2050. C'est ce que nous vous proposons à l'article 2.
Et, pour que les collectivités locales puissent aussi adapter leur trajectoire à leurs besoins et à leurs projets, nous inscrivons dans la loi la non-prescriptivité des dispositions du Sraddet relatives à l'artificialisation : ces dispositions s'appliqueront donc aux documents d'urbanisme non plus dans un rapport de compatibilité, mais dans un rapport de prise en compte.
Il nous faut aussi renforcer le dialogue au sein de la région, car les représentants des communes et des EPCI nous ont unanimement dit qu'ils n'ont pas été suffisamment écoutés. Les modalités de concertation mises en place jusqu'à présent pour associer les élus locaux à la répartition des enveloppes foncières n'ont pas bien fonctionné - en tout cas pas partout -, et ce malgré le renforcement des critères de territorialisation apportés par la loi « ZAN 2 » de juillet 2023.
Mais nos élus ont aussi besoin de simplicité et de stabilité. Aussi, plutôt qu'un grand forum des communes tel que prévu par le texte initial, il nous a semblé préférable de conserver les outils existants, mais en les renforçant afin de donner plus de poids aux représentants du bloc communal, car il faut que toutes les communes, y compris les plus petites, puissent faire entendre leur voix.
Dans le cadre de nos travaux, un autre sujet a été fréquemment abordé, à savoir le renforcement de l'incitation à la sobriété foncière en matière fiscale et financière, via des outils qui seraient à la main des maires. Ces mesures devront nécessairement venir compléter le texte qui nous occupe aujourd'hui.
Différenciation et simplification, voilà donc l'esprit du texte qui sera, je l'espère, issu des travaux de notre commission. Nous sommes au début d'un long chemin. À tort ou à raison, le ZAN est devenu, dans nos campagnes, dans nos bourgs, dans la France périphérique, le réceptacle de nombreux maux et le symbole d'une politique déconnectée de la réalité.
Le Gouvernement s'est montré très ouvert à notre démarche. Nous aurons aussi besoin de son soutien pour obtenir l'inscription de ce texte à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale avant la fin de la session parlementaire, et pour convaincre les uns et les autres que le chemin que nous proposons est à la fois soutenable et crédible.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - Il me revient de vous faire part du périmètre de cette proposition de loi. En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives aux objectifs nationaux de réduction de l'artificialisation des sols et aux modalités de leur déclinaison dans les documents régionaux de planification et les documents d'urbanisme, y compris en ce qui concerne leur calendrier d'application ; à la métrique utilisée pour mesurer l'artificialisation des sols et à la notion de consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers ; à la gouvernance de la politique de réduction de l'artificialisation des sols.
Sans que l'énumération ci-dessous soit exhaustive, ne sont pas susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives aux dispositions - d'ordre général ou spécifiques - relatives aux procédures d'urbanisme, lorsqu'elles sont dépourvues de lien avec l'une des dispositions citées ci-dessus ; aux dispositions de la loi Climat et résilience autres que celles figurant à ses articles 191 et 194, lorsqu'elles sont dépourvues de lien avec l'une des dispositions citées ci-dessus.
M. Daniel Guéret, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Les rapporteurs viennent de vous présenter les enjeux d'une trajectoire de sobriété foncière favorisant un aménagement du territoire durable, plus économe en foncier. Ils ont pour ce faire « tracé » le chemin afin d'y parvenir, inversant la méthode en partant des territoires et en associant plus étroitement les élus locaux, tant à la définition des cibles intermédiaires qu'à la territorialisation des objectifs.
Je partage leurs constats et recommandations. Notre commission, saisie pour avis, a d'ailleurs adopté hier les amendements qui sont soumis à votre approbation.
J'insisterai simplement sur les raisons scientifiques qui plaident en faveur de la sobriété foncière. J'ai tenu à organiser une table ronde avec les meilleurs spécialistes des sols afin d'explorer les enjeux environnementaux de la lutte contre l'artificialisation et d'écouter ce que les experts nous disent de l'artificialisation et de l'imperméabilisation.
Le constat est clair : nous avons d'excellentes et de nombreuses raisons de lutter contre l'artificialisation des sols. L'altération des fonctionnalités et le changement d'usage des sols affectent notre capacité à maintenir une production agricole de qualité ; limitent la régulation de la qualité et de la quantité du cycle de l'eau avec des risques accrus d'inondations ; réduisent leurs capacités de stockage du carbone et, par conséquent, d'atténuation du changement climatique. La consommation des sols et l'étalement urbain conduisent également les collectivités à devoir prolonger les réseaux, à augmenter les besoins de mobilité des habitants et à réduire la surface agricole utile (SAU) en ceinture maraîchère des villes, qui sont souvent les terres au plus fort potentiel agronomique.
Je tiens, en conclusion, à saluer la qualité de la collaboration avec votre commission. Je remercie sa présidente et les rapporteurs d'avoir accepté le principe d'auditions conjointes, d'avoir réfléchi ensemble aux évolutions souhaitables en soupesant les avantages et les défauts des options qui s'offraient à nous pour finalement déposer des amendements identiques. Le travail sénatorial ne peut que sortir grandi et renforcé de cette collaboration étroite et fructueuse. Merci donc à Amel Gacquerre et à Jean-Marc Boyer de m'avoir associé à toutes les étapes de la procédure parlementaire, en dépit du fait que notre commission n'était saisie que pour avis de ce texte.
M. Guislain Cambier, auteur de la proposition de loi. - Je tiens à saluer le travail conjoint des deux commissions sur ce sujet complexe et aux nombreuses ramifications.
Face à un sujet tel que le ZAN, nous sommes parfois limités par nos propres préjugés et avons tendance à perdre l'objectif qui est le nôtre, celui de la destinée commune. À ce titre, je salue les membres du groupe de travail qui ont oeuvré sans oeillères, ce qui nous a permis de faire émerger la vision la plus pragmatique possible.
Certes, tous les sujets ne sont pas réglés dans cette proposition de loi, les questions financières et fiscales, ainsi que la santé des sols n'ayant pas pu y être abordées. Notre idée consistait à mettre de l'huile dans les rouages afin de permettre la compréhension mutuelle et de recréer du dialogue là où il n'y en avait plus, sans imposer de magistère moral et sans déni, d'un côté comme de l'autre.
Nous avons donc élaboré conjointement un texte condensé en cinq articles, l'objectif final étant bien de recoudre une sainte tunique républicaine qui est bien déchirée dans nos territoires. Je vous remercie de l'approche consensuelle et pragmatique qui a prévalu.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Un travail sérieux a en effet été accompli depuis de nombreux mois, notamment au travers du groupe de suivi.
M. Franck Montaugé. - Le ZAN illustre, selon moi, jusqu'à la caricature la dégradation de la qualité du processus de travail législatif du Parlement dans son ensemble. La loi Climat et résilience avait été en son temps critiquée par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : c'était un texte « ni fait ni à faire ». Je peine à comprendre comment l'État, fort des moyens considérables dont il dispose, n'a pas mieux cadré le sujet en amont et mieux organisé la déclinaison du ZAN sur l'ensemble des territoires.
Aujourd'hui, le principal problème réside davantage en effet dans les modalités d'application que dans l'objectif lui-même, sur lequel nous nous accordons à peu près. Faute de soutien de la part de l'État, certains territoires se sont organisés et ont avancé de leur côté sur le sujet : tel est le cas dans mon département du Gers du Scot de Gascogne - qui couvre la quasi-totalité du département -, qui s'est doté d'une méthode rationnelle permettant de décliner le ZAN dans l'ensemble des communes du département. C'est pourquoi des acteurs comme Intercommunalités de France, la Fédération nationale des Scot, ou certaines agences d'urbanisme, sont très prudents sur d'éventuelles évolutions du ZAN.
Je n'ignore pas que nos collègues Guislain Cambier et Alain Duffourg ont tenu une conférence sur le sujet, ce qui est tout à fait leur droit. Pour autant, il ne me semble pas nécessaire de venir instiller le doute dans l'esprit d'élus qui ont commencé à agir pour se conformer à des objectifs légaux et nécessaires, de la manière la plus équitable possible.
De manière générale, ce sujet est ravageur en termes d'efficacité du travail législatif : partir dans une direction puis dans une autre est catastrophique. Tâchons de cheminer collectivement pour aller jusqu'au bout de la démarche, mais évitons à l'avenir de reproduire ces erreurs sur d'autres sujets.
M. Yannick Jadot. - La remarque de M. Montaugé est importante : certaines collectivités territoriales ont travaillé et avancé, malgré les lacunes incontestables du ZAN en termes d'accompagnement de l'État et de reconnaissance des dynamiques locales.
La solution consiste-t-elle à vider ledit ZAN de son contenu ? Nous ne le pensons pas. M. Duplomb a suggéré de l'abroger purement et simplement, ce qui a le mérite de la clarté par rapport au fait de ne conserver que formellement l'objectif à l'horizon 2050, ce qui n'est pas sérieux : dès lors que vous supprimez les objectifs intermédiaires, vous savez très bien que la tâche ne sera pas accomplie, assumez-le !
À l'image de ce que nous avons pu observer avec les récents textes sur l'agriculture, vous disposez de la majorité vous permettant de vous dispenser de la recherche de compromis.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Des compromis existent encore.
M. Yannick Jadot. - Assumez jusqu'au bout votre démarche : quand vous parlez de simplification en évoquant le report des échéances pour les documents d'urbanisme ou le maintien de la garantie du développement communal d'un hectare après 2031 - qui fait complètement fi des dynamiques locales ! De la même manière, lorsqu'il s'agit d'exclure les Pene ou de subordonner les Sraddet à des conférences régionales dont on ignore largement les modalités de fonctionnement, reconnaissez qu'il est bien question de vider le ZAN de son contenu.
Vous choisissez de supprimer l'ensemble de notre cadre de protection de l'environnement et de lutte contre l'artificialisation des sols, soit, mais ne prétendez pas qu'il est question de simplifier pour gagner en efficacité : vous portez le fait de vider totalement de sa substance la loi Climat et résilience et de revenir à la situation antérieure, dans laquelle l'exigence de sobriété foncière n'était prise en compte que comme un élément parmi d'autres.
J'y vois un risque de déni des enjeux majeurs de notre époque, même si vous réaffirmez l'importance de l'environnement et la sobriété foncière. De surcroît, vous utilisez les arguments de la désindustrialisation et du manque de logements sociaux, comme si ces phénomènes vieux de quarante ans étaient liés à une loi qui n'est pas encore mise en oeuvre : ce n'est guère sérieux.
Nous porterons donc une série d'amendements de suppression, et constatons à ce stade que le dialogue n'est pas complètement franc quant à l'objectif poursuivi au travers de cette proposition de loi.
M. Philippe Grosvalet. - Je reprends à mon compte l'expression de M. Montaugé sur les défauts de la loi ayant institué le ZAN, qui n'était effectivement « ni fait ni à faire ». Cela étant, j'ai toujours dit qu'il ne fallait pas jeter le bébé avec l'eau du bain et je pensais - naïf que je suis - que nous parviendrions à trouver un compromis, au Sénat et à l'Assemblée nationale, pour faire évoluer une loi mal faite, ce qui supposait de conserver un objectif intermédiaire, quitte à le lisser dans le temps et à le quantifier différemment, mais sans pénaliser les territoires qui ont déjà avancé, parfois avec difficulté.
Le principal désavantage de la loi tenait à l'absence de prise en compte de la diversité de nos territoires, tant à l'échelle nationale - de région à région - qu'à l'échelle infrarégionale et à l'intérieur même des départements. Le mien compte ainsi une métropole, des territoires ruraux et des littoraux qui exigent évidemment un regard différencié.
Bref, je rêvais d'un compromis, mais je crois que nous en sommes loin et que les conclusions de ces discussions vont mettre en difficulté une série d'élus locaux.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le rapporteur lorsqu'il affirme que nous partageons tous l'objectif de sobriété foncière. En effet, cette notion est relative et peut varier selon l'appréciation de chacun, en l'absence de quantification précise ; de la même manière, l'assouplissement et le pragmatisme évoqués par la rapporteure ne permettent guère de définir clairement une trajectoire. C'est pourquoi M. Cabanel et moi-même avons déposé des amendements qui ont comme seule ambition de trouver une voie médiane en termes de critères quantitatifs et d'étapes.
Je suis donc à ce stade déçu, malgré des éléments positifs tels que la référence aux Enaf. En revanche, je ne partage pas l'avis de Yannick Jadot quant aux Pene, car j'estime qu'il était nécessaire, pour tenir compte de la diversité de nos territoires, de porter un regard particulier sur les problématiques du logement et de l'industrie.
Concernant la gouvernance, il faut effectivement redonner de la place aux élus locaux : si les Sraddet sont utiles, nombre de maires n'y trouvent pas leur compte, et il convient de faire évoluer les choses.
Nous sommes au début du processus législatif. Afin de ne pas créer une incompréhension chez les maires, il me paraîtrait souhaitable, une fois encore, de trouver un compromis politique, à la fois au sein du Sénat et de l'Assemblée nationale : si cette proposition de loi venait à être considérée comme un passage en force, elle aura raté son objectif.
À titre personnel, je ne peux pas voter contre ou pour cette proposition de loi, ni m'abstenir. J'ai en effet été le seul président de département, en 2017, à porter le ZAN, dès avant la loi, en prévenant que le sujet serait extrêmement délicat à présenter aux maires. J'avais alors fait la démonstration - pour la Loire-Atlantique - que nous avions consommé en 150 ans autant de surfaces que dans toute l'histoire de l'humanité et qu'il était grand temps de viser le ZAN. Je m'étais cependant opposé à Ronan Dantec sur ce sujet, car il tenait absolument à fixer l'échéance à 2030 : je lui avais dit que ce n'était pas une bonne idée en l'absence d'étude d'impact.
Nous pourrions donc parvenir à un compromis, même si le chemin emprunté n'est pas le bon à ce stade de la discussion.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Je partage une partie des constats qui viennent d'être énoncés, dont ceux qui sont relatifs à l'imperfection de la loi Climat et résilience. J'ai relu, non sans amertume, les amendements que j'avais déposés au nom de mon groupe en 2021 et qui demandaient notamment le recul de l'échéance à 2035, ce qui m'avait valu un avis défavorable du rapporteur et du Gouvernement. J'avais également soulevé les difficultés qui allaient émerger dans la ruralité, ainsi que les enjeux de financement du dispositif, interrogations qui avaient reçu le même accueil.
Nous ne sommes pas d'accord sur ce texte. L'absence d'objectifs intermédiaires interpelle, malgré tous les mots utilisés et scandés : pour ma part, je ne sais pas convertir du texte en chiffres. À quelle date l'échéance sera-t-elle fixée ? Lors des discussions au sein du groupe de suivi, en amont du dépôt de la proposition de loi, la définition de cette date et des objectifs chiffrés a été renvoyée à la discussion en séance, et j'espère que le travail à venir ne sera pas dans la même veine que celui qui vient d'être effectué pour le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Ce dernier a été en effet marqué par un passage en force, ainsi que par des salves d'applaudissements à propos de l'assouplissement du ZAN, ce qui n'augure pas a priori d'un travail très fructueux.
Nous n'avons pas déposé d'amendements à ce stade et voterons pour ou contre les amendements présentés au cas pour cas. Quelques points font consensus, dont la mutualisation de la garantie communale, mais je regrette l'insuffisance de la différenciation territoriale et de la différenciation quant à la nature des projets. Par ailleurs, je ne suis pas opposé à la comptabilisation en Enaf, mais n'oublions pas que des outils sont en train d'émerger - ceux de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), par exemple - et qu'ils pourraient permettre à l'État et aux élus d'aller plus loin qu'avec des fichiers fonciers et notamment de se pencher sur la qualité des sols.
J'espère que ce texte pourra ressortir sous la forme d'un compromis, en retrouvant un esprit qui avait prévalu jusqu'en novembre 2024 dans les réflexions que nous avons pu mener. Si nous opérons un revirement complet, tout le travail déjà engagé au niveau régional et local serait gâché - même si nous devons répondre à d'autres inquiétudes par ailleurs.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Nous sommes tous d'accord pour constater que les points de crispation actuels ont été identifiés depuis longtemps, et que nous ne faisons que constater leur matérialisation sur le terrain.
Il relève de notre responsabilité d'élus de ne pas pratiquer la politique de l'autruche et de reconnaître que des améliorations sont nécessaires pour nous orienter vers une meilleure maîtrise de l'artificialisation des sols.
Lors de la réalisation des premières études, nous nous sommes rendu compte que la plupart des régions avaient déjà inscrit des objectifs de maîtrise de l'artificialisation des sols dans leurs Sraddet. Ces travaux mettaient également en exergue une diminution de l'artificialisation des sols ces dernières années, avec bien sûr des évolutions contrastées selon les territoires, ce qui montre bien que la réalité est complexe.
Il faut que nous nous penchions sur les points noirs du dispositif, dans un souci de meilleure application de la loi. Soyons cependant vigilants et prenons garde de ne pas rajouter encore de la complexité, tant nous excellons dans l'art de recréer des dispositifs parfois plus lourds en voulant simplifier : c'est bien là l'attente de nos collègues et élus des territoires.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - Sur un sujet tel que celui-ci, nous devons sortir de l'idéologie et prendre conscience que les élus de terrain sont vent debout contre un ZAN suscitant de nombreuses incompréhensions. Pour avoir tenu récemment une réunion en présence d'une centaine de maires, je peux vous assurer que les premières questions ont porté sur l'assainissement et l'eau, et sur le ZAN.
Si certains élus et territoires ont avancé, il n'y a aucune raison de revenir sur leur travail. Cinq régions ont modifié leur Sraddet, elles semblent satisfaites. Je dis bien « semblent », car si j'en crois un récent article de La Tribune intitulé « Immobilier : en Bretagne, la loi ZAN pèse sur les transactions de terrains à bâtir », la situation de cette région, pourtant souvent citée, n'est pas si positive : « Déjà impacté par la baisse des volumes de transactions et la contraction des prix, le marché breton doit également faire face aux effets de la loi ZAN. Les professionnels redoutent une incapacité à renouveler le parc immobilier. »
Je pense donc qu'il faut écouter ce qui se passe sur le terrain, et il me semble que les auteurs de cette proposition de loi n'ont nullement l'intention de demander aux régions de faire table rase du travail qu'elles ont pu déjà accomplir.
En outre, nous voulons simplifier pour tenir compte de ces nombreuses remontées de terrain, les associations d'élus étant elles-mêmes déboussolées par la complexité du ZAN, si bien que certaines ont même pu changer de position d'une audition à l'autre.
En résumé, il faut accorder de la liberté aux élus et adopter une démarche ascendante, en partant de leur volonté en matière d'aménagement du territoire : celle-ci devrait ensuite remonter vers l'intercommunalité, puis vers la région, soit l'exact opposé du fonctionnement actuel du ZAN, puisque la volonté régionale redescend ensuite vers les collectivités, ce qui est problématique. J'espère que vous partagez au moins ce constat, sans quoi il sera difficile de poursuivre les discussions.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Je partage l'agacement de Franck Montaugé quant aux malfaçons de la loi. Je tiens à rappeler l'enjeu de cette proposition de loi, que j'évoquais hier devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : nous avons là la seule et dernière opportunité de répondre aux difficultés incontestables des élus, car une proposition de loi « ZAN 4 » n'aurait aucun sens.
Par ailleurs, je tiens à rassurer tous nos collègues qui redoutent un détricotage, car aucune disposition de ce texte n'impose aux régions de revenir en arrière. Seule une disposition leur demande d'organiser une nouvelle délibération au sujet de l'artificialisation, dans le cadre de la conférence de la sobriété foncière. Si les dispositions relatives à l'artificialisation ne posent pas problème, il n'y aura pas lieu de modifier quoi que ce soit.
Nous sommes bien conscients du fait que le travail a été lancé dans les territoires, et aucun élu n'a remis en cause l'objectif de sobriété foncière. Ne nous faites donc pas un faux procès sur ce point.
Monsieur Jadot, les mots comptent : vous disiez qu'il n'est « pas sérieux » de « vider le ZAN de son contenu », mais si nous voulons faire preuve de sérieux et de responsabilité, il faut enlever nos oeillères et apporter des solutions concrètes aux problèmes de terrain.
Enfin, je remercie M. Grosvalet pour son intervention constructive et note qu'il a exprimé, malgré ses réserves, un accord sur une série de points, tout comme M. Redon-Sarrazy, ce qui laisse espérer un texte de compromis.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-50 et COM-60 visent à simplifier et à rendre plus lisible la notion de consommation d'Enaf, avec l'objectif de permettre aux élus locaux de mieux anticiper leur consommation - et donc de mieux la planifier - lors de l'élaboration de leurs documents d'urbanisme.
Les amendements prévoient donc d'inscrire dans la loi les critères permettant de déterminer ce qu'est un « espace urbanisé », ainsi que le fait que l'urbanisation sur des Enaf résiduels au sein de l'enveloppe urbaine ou dans les dents creuses ne doit pas être décomptée comme consommation d'Enaf.
Les amendements COM-50 et COM-60 sont adoptés.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - L'amendement COM-20 prévoit d'exclure du décompte de la consommation d'Enaf les bâtiments agricoles, y compris en cas de changement de destination ultérieur. Avis défavorable.
L'amendement COM-20 n'est pas adopté.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-52 et COM-61 prévoient que l'État mette à disposition des collectivités et de leurs groupements, en amont du processus d'évolution de leurs documents d'urbanisme, les données de consommation passée d'Enaf dont elles ont besoin afin de planifier ladite évolution, en fonction de la territorialisation des objectifs de réduction de la consommation d'Enaf.
Je précise que ces amendements ne modifient en rien la possibilité, pour les communes, d'utiliser leurs propres données de consommation pour l'élaboration du bilan triennal de réduction de l'artificialisation, auquel nous ne touchons pas.
Les amendements identiques COM-52 et COM-61 sont adoptés, de même que les amendements rédactionnels identiques COM-51 et COM-62.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 1er
L'amendement COM-44 n'est pas adopté.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - L'amendement COM-40 vise à supprimer l'article, qui dessine trois voies différentes pour parvenir au résultat en 2050. L'adoption de cet amendement reviendrait à ne rien changer. Avis défavorable.
L'amendement COM-40 n'est pas adopté.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - L'amendement COM-26, les amendements COM-33 rectifié et COM-34 visent à repousser à 2034 ou à 2035 la première échéance intermédiaire de réduction de l'artificialisation.
L'amendement COM-26 vise à étendre à la période 2025-2035, au lieu de 2021-2031, la période sur laquelle le rythme d'artificialisation doit être réduit de moitié.
L'amendement COM-33 rectifié tend à décaler cette première période à 2024-2034 et prévoit un deuxième jalon intermédiaire à 2044, fixant ainsi des objectifs de réduction de l'artificialisation moins ambitieux qu'une réduction de moitié. Il prévoit également que le taux de réduction de l'artificialisation soit différencié en fonction des secteurs et de leur part dans la consommation d'espace passée.
L'amendement COM-34, quant à lui, est un amendement de repli.
Monsieur Grosvalet, vous contribuez au débat en portant l'idée d'un décalage dans le temps de la première tranche décennale. C'est la position du Gouvernement, et il est possible que nous débouchions finalement sur cela, mais aujourd'hui, ce n'est pas la nôtre.
L'avis est défavorable sur ces trois amendements : nous défendons une différenciation territoire par territoire, avec l'idée que chaque région est la mieux placée pour dessiner sa propre carte, en concertation avec les collectivités infrarégionales. Ce sera l'objet de notre amendement COM-54 et de l'amendement identique COM-64.
L'amendement COM-26 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-33 rectifié et COM-34.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - L'amendement COM-24 rectifié vise à supprimer les objectifs de réduction de l'artificialisation dans les documents de planification régionaux au profit des Scot et des PLU.
Cette démarche poserait un problème pratique : qui assumerait la charge de la territorialisation ? Quelle serait l'instance de concertation à une aussi petite échelle ? La région est chef de file sur la compétence d'aménagement du territoire, dont relève nécessairement la politique de réduction de l'artificialisation. Avis défavorable.
L'amendement COM-24 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements rédactionnels identiques COM-53 et COM-63 sont adoptés.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Par les amendements identiques COM-54 et COM-64, nous entendons donc redonner la main aux régions, en nous assurant toutefois que la trajectoire soit crédible - c'est inscrit dans le texte !
Les amendements identiques COM-54 et COM-64 sont adoptés.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - L'amendement COM-41 vise à supprimer l'article 3, nous y sommes défavorables.
L'amendement COM-41 n'est pas adopté.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-65 et COM-55 visent à reporter d'un an les échéances de modification des documents de planification et d'urbanisme. Seules cinq régions couvertes par un Sraddet ont modifié leurs documents avant l'échéance fixée en novembre 2024, environ la moitié des régions restantes ont engagé la modification, qui pourrait aboutir dans les mois à venir.
Le report proposé doit permettre aux régions de prendre en compte les assouplissements permis par la présente proposition de loi.
Les amendements identiques COM-65 et COM-55 sont adoptés.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à inclure les bâtiments scolaires dans les Pene. Nous en demandons le retrait : les collèges et lycées, et a fortiori les écoles, ne peuvent être qualifiés de Pene - même si pour les deux premiers, leur rayonnement dépasse souvent l'échelon local. Ils devraient, dans certains cas, être pris sur la part de l'enveloppe régionale réservée aux projets d'envergure régionale, qui sont l'équivalent des Pene au niveau national.
Il serait judicieux d'affiner la réflexion sur les projets concernant les communes, ceux qui ont une importance départementale et ne peuvent être imputés sur une enveloppe intercommunale ou communale, comme ceux qui relèvent de l'enveloppe régionale. Vous pourriez, madame Noël, déposer une proposition retravaillée en vue de la séance.
L'amendement COM-1 est retiré.
Les amendements COM-15 rectifié quater et COM-16 rectifié ter sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - L'amendement COM-42 vise à supprimer l'article 4. Nous n'y sommes pas favorables, car il faut redonner de l'air aux collectivités. C'est l'une des lignes directrices que nous avons choisies.
En raison des grands projets, l'objectif de réduction de la consommation d'Enaf des régions sur la période 2021-2031 a été augmenté de 10 %, pour certaines régions, c'est considérable.
En outre, en supprimant cet article, nous supprimerions également l'obligation pour l'État de se fixer une trajectoire propre de sobriété foncière.
L'amendement COM-42 n'est pas adopté.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - L'amendement COM-35 tend à renforcer l'idée de demander à l'État de fixer sa propre trajectoire baissière pour l'artificialisation des projets, en différenciant la trajectoire selon les types de projets. Cette idée est intéressante, mais nous demandons le retrait de cet amendement, car les besoins peuvent évoluer et qu'il convient de conserver une certaine latitude : nous ne savons pas exactement de quel type d'infrastructure nous aurons besoin dans dix ou vingt ans.
Quant à nos amendements identiques COM-66 et COM-57, ils sont quasiment rédactionnels.
Les amendements identiques COM-66 et COM-57 sont adoptés.
L'amendement COM-35 n'est pas adopté.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Les amendements suivants visent à exclure certains projets du décompte de la consommation d'Enaf.
L'amendement COM-25 rectifié concerne ainsi les projets industriels ; les amendements COM-28 et COM-29, les installations photovoltaïques, et les amendements COM-4 et COM-10, les logements sociaux. Les sous-amendements COM-70, COM-71 et COM-72 concernent les infrastructures de production d'énergie renouvelable.
Nous partageons la nécessité de lever temporairement la contrainte de la disponibilité du foncier au profit des deux priorités nationales que sont la réindustrialisation et la lutte contre la crise du logement. C'est pourquoi nous proposons d'adopter nos amendements identiques COM-67 et COM-56 qui tendent à exclure du décompte de la consommation d'Enaf jusqu'en 2036 les implantations industrielles et les constructions de logements sociaux permettant aux communes carencées d'atteindre leurs objectifs.
Nos amendements satisfaisant l'intention de leurs auteurs, nous demandons le retrait des amendements COM-4 et COM-10 et nous émettons un avis défavorable sur l'amendement COM-25 rectifié.
En ce qui concerne les implantations d'énergies renouvelables, nous sommes favorables à les exclure temporairement du décompte, car la transition écologique est une autre priorité nationale à laquelle la lutte contre l'artificialisation ne devrait pas faire obstacle. Nous sommes ainsi favorables aux sous-amendements identiques COM-71 rectifié, COM-70 et COM-72 à nos amendements, lesquels visent à exempter du décompte les installations de production d'énergies renouvelables jusqu'en 2036, alors que nous proposions une telle exemption pour les seules installations d'agrivoltaïsme.
L'adoption de nos amendements COM-67 et COM-56 ainsi sous-amendés priverait dès lors d'objet les amendements COM-28 et COM-29.
Les amendements COM-4 et COM-10 sont retirés.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Nous commettons les mêmes erreurs que par le passé : notre approche est binaire, alors que la diversité des projets présentés appelle de la pondération et de la nuance, c'est-à-dire à un traitement différencié et territorialisé de certains projets, au sein d'une enveloppe, certes, fermée.
Bien sûr, il est plus compliqué de nuancer ainsi, mais nous répondrions mieux aux attentes des territoires.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - En effet, c'est beaucoup plus compliqué, et nous restons attachés à la simplification, dont la nécessité est partagée par le plus grand nombre.
L'amendement COM-25 rectifié n'est pas adopté.
Les sous-amendements COM-71 rectifié, COM-70 et COM-72 sont adoptés. Les amendements identiques COM-67 et COM-56, ainsi sous-amendés, sont adoptés. En conséquence, les amendements COM-28 et COM-29 deviennent sans objet.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - L'amendement COM-3 vise à exempter du décompte de l'artificialisation les aires d'accueil des gens du voyage. L'aménagement de ces aires fait peser sur les communes d'implantation d'importantes contraintes ; si celles-ci se traduisent en plus par une ponction sur l'enveloppe de consommation d'Enaf, c'est une double peine !
Pour autant, les secteurs d'implantation étant définis dans le cadre de schémas départementaux, de manière concertée avec les collectivités, ces aires devraient plutôt voir leur consommation d'espace mutualisée au niveau du Scot ou de la région, selon les cas.
C'est pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement.
Mme Sylviane Noël. - Je le retire, mais je le déposerai en séance, car nous devons en débattre.
L'amendement COM-3 est retiré.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Les amendements suivants portent sur l'exemption du décompte de la consommation d'Enaf pour les « coups partis » ; ceux qui ont fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique (DUP) ou d'une déclaration de projet pour l'amendement COM-5, les zones d'aménagement concerté (ZAC), les grandes opérations d'urbanisme (GOU) et les opérations d'intérêt national pour l'amendement COM-32, et même l'ensemble des constructions ou aménagements autorisés avant l'entrée en vigueur de la loi Climat et résilience pour l'amendement COM-9.
Nous entendons permettre aux collectivités de dessiner des trajectoires crédibles vers la neutralité foncière à l'horizon 2050, ce qui nécessite une adaptabilité des enveloppes aux projets. Nous sommes donc réticents aux exemptions généralisées dont nous ne maîtrisons pas les conséquences.
Nous invitons leurs auteurs à retirer ces amendements ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Mme Sylviane Noël. - Je retire l'amendement COM-9.
Concernant l'amendement COM-5, je l'avais déjà déposé sur recommandation de Jean-Baptiste Blanc lors de l'examen de la loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux : il avait alors été adopté par le Sénat, mais pas par la commission mixte paritaire.
J'accepte de le retirer à ce stade, mais je le redéposerai en vue de la séance.
Les amendements COM-9 et COM-5 sont retirés.
L'amendement COM-32 n'est pas adopté.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - L'amendement COM-49 rectifié tend à exempter du décompte de la consommation d'Enaf les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Il est satisfait par l'amendement adopté à l'article 4.
M. Gilbert Favreau. - Je le retire, vous avez raison, on ne peut pas dresser une série d'exceptions.
L'amendement COM-49 rectifié est retiré.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - L'amendement COM-2 rectifié est proche des trois amendements que nous venons d'examiner : retrait ou avis défavorable.
L'amendement COM-2 rectifié est retiré.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - L'amendement COM-43 vise à supprimer l'article ; l'avis est défavorable.
L'amendement COM-43 n'est pas adopté.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - Nos amendements identiques COM-58 et COM-68 visent à rédiger l'article 5 dans le sens d'un renforcement des conférences du ZAN. Ils tendent à revoir la composition de la conférence régionale de gouvernance politique de réduction de l'artificialisation des sols, renommée conférence régionale de sobriété foncière, pour assurer une meilleure représentation des collectivités locales, dont la part passera de 60 % à 75 %, tout en maintenant la possibilité pour les régions de composer différemment la conférence avec l'accord de la majorité des communes et des EPCI compétents en matière d'urbanisme.
Ils visent également à accorder à la conférence le pouvoir de s'opposer à la liste des projets d'intérêt régional, dont l'artificialisation peut être mutualisée à l'échelon régional, au lieu d'être imputée en totalité à la commune ou à l'EPCI d'implantation.
Il nous semble nécessaire de renforcer le pouvoir de ces conférences, insuffisamment représentatives, afin qu'elles puissent agir comme une véritable corde de rappel dans le cas où la région ne consulterait pas suffisamment et ne prendrait pas assez en compte les projets et les aspirations des collectivités locales.
Les amendements identiques COM-58 et COM-68 sont adoptés. En conséquence, les amendements COM-36 rectifié et COM-48 rectifié deviennent sans objet.
L'article 5 est ainsi rédigé.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - L'amendement COM-21 rectifié vise à doubler la surface de garantie de développement communale, actuellement fixée à un hectare. À ce jour, environ 11 500 communes en bénéficient, ce qui représente un total de plus de 6 800 hectares qui sortent de l'enveloppe nationale, et même plus de 9 200 hectares si l'on compte les communes relevant du règlement national d'urbanisme (RNU) qui peuvent en devenir bénéficiaires en élaborant un document d'urbanisme d'ici à 2026.
Si la surface garantie passait à deux hectares, elle atteindrait près d'un quart de l'enveloppe foncière nationale, au détriment d'autres territoires susceptibles d'en avoir bien davantage besoin. Avis défavorable.
Notre amendement COM-69 et l'amendement identique COM-59 facilitent la mutualisation de la garantie de développement communal au-delà de l'échelle de l'EPCI, au Scot ou à la région.
Les amendements identiques COM-69 et COM-59 sont adoptés et deviennent article additionnel.
L'amendement COM-21 rectifié n'est pas adopté.
Les amendements identiques COM-6 rectifié, COM-12, COM-18, COM-30, COM-38 rectifié et COM-45 rectifié bis, de même que les amendements identiques COM-7 rectifié, COM-17, COM-31, COM-37 rectifié et COM-46 rectifié bis sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Jean-Marc Boyer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-13 rectifié, COM-8 rectifié, COM-19 et COM-39 rectifié concernent le sursis à statuer. Son utilisation est déjà très encadrée. Il ne peut être mobilisé que si deux conditions sont réunies : la collectivité doit justifier que l'ampleur de la consommation d'Enaf projetée risque de compromettre le respect de ses objectifs en la matière sur la période 2021-2031 ; et le document d'urbanisme concerné doit être en cours d'élaboration, de révision ou de modification. Avis défavorable.
Les amendements identiques COM-13 rectifié, COM-8 rectifié, COM-19 et COM-39 rectifié ne sont pas adoptés.
L'amendement COM-23 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article additionnel après proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux
L'amendement COM-11 rectifié n'est pas adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Proposition de loi visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Sylviane Noël rapporteure sur la proposition de loi n° 14 (2024-2025) visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien, présentée par M. Michaël Weber et plusieurs de ses collègues.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, contre toutes les fraudes aux aides publiques - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Olivier Rietmann rapporteur sur la proposition de loi n° 274 (2024-2025) contre toutes les fraudes aux aides publiques.
Proposition de loi visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Sylviane Noël, rapporteure sur la proposition de loi n° 328 (2024-2025) visant à clarifier les obligations de rénovation énergétique des logements et à sécuriser leur application en copropriété, présentée par Mme Amel Gacquerre.
Proposition de loi visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire - Désignation de rapporteurs
La commission désigne M. Daniel Gremillet et Mme Anne-Catherine Loisier rapporteurs sur la proposition de loi n° 954 (A.N., XVIIe lég.) visant à renforcer la stabilité économique et la compétitivité du secteur agroalimentaire, sous réserve de sa transmission.
Proposition de loi visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Patrick Chauvet rapporteur sur la proposition de loi n° 324 (2024-2025) visant à convertir des centrales à charbon vers des combustibles moins émetteurs en dioxyde de carbone pour permettre une transition écologique plus juste socialement, présentée par M. Khalifé Khalifé et plusieurs de ses collègues.
M. Fabien Gay. - Nous venons d'assister aux rapports de deux sénateurs issus du groupe LR sur deux propositions de loi du groupe SER. Les groupes minoritaires d'opposition ne disposent que de quelques niches par an, sur des textes consensuels. Aussi pourrait-on prévoir des corapporteurs qui en sont issus, afin que chacun fasse pleinement l'expérience des différentes dimensions du travail parlementaire.
Ce dernier texte, qui concerne Saint-Avold, par exemple, contient deux articles, l'un d'entre nous aurait pu partager le rapport avec M. Chauvet sans que la face du monde soit pour autant changée. Un tel bétonnage des avants, comme on dit en rugby, devient un peu frustrant.
M. Franck Montaugé. - En effet, le fait majoritaire au Sénat, en séance comme en commission, est toujours aussi écrasant, et ce n'est pas agréable. Nous sommes réduits à la portion congrue. Si la responsabilité de quelques rapports nous était confiée, nous pourrions trouver les voies d'un consensus, cela devrait être un modus vivendi.
M. Henri Cabanel. - Je rejoins mes collègues. Nous avions déjà pointé ce problème à votre prédécesseure, madame la présidente, puis nous vous avons fait part de notre frustration. D'autres commissions agissent autrement.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Elles ne sont pas nombreuses !
M. Henri Cabanel. - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, la commission des affaires sociales, parfois même la commission des lois désignent des rapporteurs appartenant à des groupes d'opposition.
M. Fabien Gay. - Cet après-midi, notre groupe bénéficie d'une niche durant laquelle nous allons examiner des textes renvoyés par la commission des affaires sociales et ce sont des camarades du groupe qui rapportent. Vous voterez contre en séance, bien entendu, mais c'est le jeu.
M. Franck Montaugé. - Mme Primas avait tenté d'instaurer des corapporteurs.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Sur des textes aussi courts, cela ne me semble pas avoir de sens de nommer plusieurs rapporteurs, mais je prends acte de vos observations.
La réunion est close à 12 h 40.