Mardi 11 février 2025

- Présidence de Pierre Barros -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Échange de vues sur les travaux de la commission d'enquête

M. Pierre Barros, président. - Mes chers collègues, nous nous réunissons aujourd'hui pour un échange de vues dans la continuité de la réunion constitutive qui s'est tenue la semaine dernière. Lors de cette précédente réunion, nous avons entamé un tour de table afin de mieux définir le périmètre de cette commission d'enquête face à la diversité des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État. Nous soumettons donc aujourd'hui à votre attention une liste de propositions d'auditions, ouvertes à vos commentaires.

La commission d'enquête est réglementairement mandatée jusqu'au mois d'août ; toutefois, nous nous fixons pour objectif de remettre notre rapport dès le début juillet. Nos travaux pourront ainsi s'inscrire dans le cadre du calendrier budgétaire et apporter une contribution à l'élaboration du projet de loi de finances pour 2026.

La présente réunion constitue ainsi un moment d'échange sur l'organisation des travaux de la commission d'enquête, de manière à définir des auditions qui viendront enrichir notre analyse et nos recommandations.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Une note méthodologique est en cours de rédaction et sera prochainement transmise à l'ensemble des membres. Cette note vise à clarifier les définitions et statuts des entités concernées, à savoir les agences, les opérateurs et les organismes consultatifs.

Lors de notre dernière réunion, nous avons décidé d'exclure du champ de notre enquête les universités. Toutefois, la question des organismes de recherche et d'innovation demeure en suspens et devra être tranchée par la commission. Ces organismes regroupent des entités variées telles que le Centre national d'études spatiales (Cnes), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Campus France, Oséo. Il nous appartient de déterminer si cette catégorie spécifique doit être incluse dans nos travaux.

M. Hervé Maurey. - J'aimerais formuler deux observations liminaires. Tout d'abord, il est essentiel de rappeler que cette commission d'enquête, très médiatisée, suscite une forte attente. Nous devons ainsi être en mesure de formuler des propositions claires et concrètes, en identifiant les agences à supprimer, celles à fusionner et en évaluant les éventuels gains économiques associés.

Ensuite, nous devons nous attacher à différencier les structures concernées. Certaines, comme l'Autorité de régulation des transports (ART), jouent un rôle indispensable de régulation. À l'inverse, d'autres, telles que l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), pourraient être fusionnées avec une entité existante.

Concernant l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), sa création répondait précisément à l'objectif de regrouper plusieurs organismes. Pour autant, l'ANCT a été instituée sans que les fusions prévues aient été mises en oeuvre, en témoigne le maintien du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) fait également l'objet de nombreuses critiques, parfois injustifiées. Le véritable enjeu concernant cette structure tient finalement moins à son coût proprement dit qu'à la question plus large qu'elle pose en matière de démembrement de l'État.

La diversité des situations rend donc l'exercice particulièrement complexe. Pour ma part, je serais enclin à exclure les universités de cette réflexion.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Je vais poursuivre sur le périmètre.

Par exemple, s'agissant des autorités administratives indépendantes, certaines sont une déclinaison de la législation européenne relative au marché et à leur régulation. C'est le cas pour les transports, mais aussi pour l'énergie. Ces autorités doivent, dès lors, être exclues du périmètre de la commission d'enquête. Rien ne nous empêche toutefois de nous interroger sur celles découlant de notre propre législation, par exemple l'Acnusa.

D'autres entités sont exclues. La remarque d'Agnès Canayer, était à ce sujet très judicieuse et consistait à rappeler que, par définition, l'État n'a pas la main sur les organismes paritaires, qui ont pourtant la mainmise sur un grand champ de la politique nationale. Il pourrait ainsi être intéressant de rappeler cet état de fait.

M. Hervé Maurey. - Même s'ils gèrent de l'argent public...

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ce sont certes les organismes paritaires qui décident de l'attribution des sommes, mais nous ne pouvons aborder leur fonctionnement ou leur droit de tutelle.

Dans le même esprit, les éco-organismes, qui gèrent de grandes sommes d'argent collecté sur les citoyens, s'inscrivent dans un statut de droit privé. Même s'ils ont été institués par la loi, leur fonctionnement échappe complètement à la sphère publique. Ils sont gérés uniquement par les entreprises qui sont parties prenantes de la responsabilité élargie des producteurs (REP). Nous ne pourrons donc pas non plus l'intégrer au périmètre de la commission d'enquête.

Afin de nous éclairer sur le périmètre de notre commission, nous allons demander à chacun des ministères de nous adresser la liste des agences opérateurs, commissions, comités sur lesquels ils ont un contrôle, que ce soit par le biais du contrôle mené par leur contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM), de la présence d'un commissaire du Gouvernement dans leur conseil administration ou de soutiens financiers. La liste ainsi retournée nous permettra d'avoir un état des lieux objectif sur lesquels nous pourrons réfléchir.

J'en reviens à ma question initiale, qui était celle des établissements liés au domaine de la recherche. Nous pourrions peut-être différencier, afin de n'en conserver qu'une partie, les centres de recherche tels que le CNRS ou le Cnes d'une part, et les établissements tels que Campus France et Oséo d'autre part. Conserve-t-on toutes ces entités ?

Mme Pauline Martin- L'analyse des établissements de recherche nous prendrait un temps conséquent. Cela pourrait, au demeurant, faire l'objet d'une mission ou d'une étude à part. Des entités comme le CNRS ne sont, en effet, pas l'objet premier de notre commission.

Mme Ghislaine Senée. - Si les organismes effectuant des travaux de recherche s'inscrivent dans le long cours, ce qui rend leur évaluation complexe, ceux ayant un rôle de financement ou de promotion de la recherche répondent à une logique différente. La distinction doit être clairement établie.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Nous excluons donc le Cnes et le CNRS du périmètre de notre commission, mais conservons des structures comme l'ANR, Campus France et Oséo.

Mme Agnès Canayer - Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) est-il également exclu ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Il fait, en effet, partie de la même catégorie que le CNRS et le Cnes.

M. Pierre Barros, président. - Une analyse plus fine doit également avoir lieu concernant les autorités administratives ou publiques indépendantes. Bien que l'exclusion générale de certaines catégories de structures de notre périmètre d'enquête soit envisagée, cela ne nous empêche pas d'examiner de manière ciblée deux ou trois entités qui suscitent notre attention.

M. Hervé Maurey. - Toutes les autorités de régulation sont-elles prévues par le droit européen ? Je suis plutôt un défenseur de celles-ci, mais, dans certains cas, nous pouvons nous interroger.

Mme Ghislaine Senée. - Je tiens à signaler que l'Acnusa joue parfois son rôle ! Il serait délicat de remettre systématiquement en cause les organismes de régulation de défense des intérêts de nos concitoyens.

M. Hervé Maurey. - Nous pourrions néanmoins nous interroger sur l'opportunité de rattacher ses missions, par exemple, à l'Autorité de régulation des transports (ART) ou de les réintégrer au sein d'une direction générale, comme celle de l'aviation civile. Ce ne sont que des pistes de réflexion.

Mme Pauline Martin. - Nous devons, en effet, nous interroger sur la plus-value apportée par l'existence de ces structures détachées.

M. Cédric Vial. - Le site gouvernemental servicepublic.fr recense vingt-quatre autorités indépendantes. Parmi ces autorités, certaines revêtent un intérêt particulier, notamment l'Acnusa, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), l'Agence française de lutte contre le dopage, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) ou encore la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada). La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), la Haute Autorité de Santé (HAS) ou la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) figurent également parmi les instances les plus notables.

Ces vingt-quatre structures doivent être replacées dans un ensemble plus large d'environ 1 200 organismes. Dès lors, se pose la question du fondement de leur éventuelle exclusion de notre périmètre d'étude. Existe-t-il un principe établissant que leur indépendance justifie qu'elles ne fassent pas l'objet d'un examen approfondi ? Si tel n'est pas le cas, leur prise en compte apparaît légitime.

Il est certes possible d'exclure certaines de ces instances, au même titre que d'autres parmi les 1 200 organismes existants. Toutefois, cette décision devra être rigoureusement motivée afin de répondre aux interrogations qui pourraient être soulevées, notamment quant aux raisons pour lesquelles, par exemple, l'Arcom ne ferait pas l'objet d'une analyse spécifique.

M. Pierre Barros, président. - Je rejoins les propos d'Hervé Maurey : des attentes existent, et certains noms circulent déjà. Toutefois, il convient de rappeler - comme nous l'avons souligné la semaine dernière - que le fait d'examiner une structure ne signifie pas nécessairement adopter une approche critique ou chercher à la remettre en cause.

Notre analyse pourrait tout aussi bien aboutir à la reconnaissance de l'indispensabilité d'un opérateur ou d'une structure donnée. Dans ce cas, nous pourrions non seulement confirmer la pertinence de son action, mais également recommander un renforcement des moyens qui lui sont alloués afin de consolider son rôle sur le territoire.

Mme Agnès Canayer. - Serait-il envisageable de classer ces établissements en fonction de la nature de leurs missions ? Il pourrait ainsi être pertinent de distinguer plusieurs catégories : celles qui garantissent les droits et les libertés, celles chargées de la mise en oeuvre des politiques publiques, celles ayant une mission de contrôle, ainsi que celles assurant la valorisation de certaines politiques publiques. En somme, il s'agirait d'établir une classification fondée sur leurs objectifs, leurs rôles et leurs missions.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Pour les vingt-quatre autorités mentionnées, une telle démarche est envisageable. Toutefois, l'appliquer aux 1 200 structures poserait une difficulté matérielle.

M. Pierre Barros, président. - Nous pouvons considérer qu'un consensus existe sur le périmètre proposé initialement par le rapporteur, avec une discussion sur la question des organismes relevant du domaine de la recherche.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - En résumé, nous excluons les chercheurs et les professeurs d'université, tout en maintenant dans le périmètre les structures dédiées à la valorisation et à l'organisation de la recherche.

M. Pierre Barros, président. - Concernant les organismes paritaires, un consensus semble avoir été trouvé. En revanche, pour les éco-organismes et les éco-certifications, certaines interrogations subsistent parmi nos collègues. Il conviendra donc de déterminer si nous les examinons dans leur ensemble ou si un tri doit être opéré.

S'agissant des autorités administratives indépendantes, leur nombre limité à vingt-quatre devrait nous permettre d'en mener l'analyse, quitte à écarter éventuellement celles qui paraissent les moins pertinentes.

Nous avançons donc sur cette base, sous réserve que cela convienne à l'ensemble des membres.

M. Hervé Reynaud. - La raison d'être de cette commission d'enquête repose sur trois objectifs principaux : la recherche de simplification, le contrôle de la bonne utilisation des deniers publics et, le cas échéant, l'identification de pistes d'économies. L'examen par le Sénat de la proposition de loi tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée a déjà mis en évidence la nécessité de s'interroger sur ces questions. Toutefois, je crains qu'en restreignant excessivement notre périmètre, nous risquions de nous éloigner de ces objectifs.

Si je peux comprendre la volonté d'exclure les organismes paritaires, je ne vois pas en revanche pourquoi nous devrions nous dispenser d'examiner les éco-organismes ou les autorités administratives indépendantes.

Enfin, j'aimerais soulever une question supplémentaire. Nous avons été contactés par plusieurs présidents de Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER), qui perçoivent notre commission comme une menace potentielle. Bien qu'ils ne figurent pas dans la première liste qui nous a été soumise, il me semblerait opportun de recueillir vos avis sur leur place, ainsi que sur celle du Conseil économique, social et environnemental (CESE), dans notre réflexion.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - S'agissant du CESE, il est clair que le sujet n'est pas de traiter les organismes constitutionnels.

M. Christian Bilhac. - Depuis trois ans, je dépose systématiquement les mêmes amendements lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) visant à supprimer certaines agences.

À mon sens, il est essentiel d'inclure dans notre périmètre toutes les agences nationales qui formulent des recommandations ou délivrent des autorisations lorsque des agences européennes remplissent déjà ces mêmes fonctions. Prenons l'exemple du secteur pharmaceutique : pourquoi avons-nous besoin d'une agence française pour l'autorisation des médicaments alors qu'une agence européenne s'acquitte déjà de cette mission ? Faut-il considérer que nos homologues européens sont incompétents au point d'autoriser la mise sur le marché de médicaments dangereux ? Ce système de double autorisation relève d'un excès de précaution qui pourrait être rationalisé.

Au-delà de ces redondances entre échelons français et européen, nous observons également des doublons, des triplons, voire des quadruplons au niveau national. Un exemple frappant est celui des agences de l'eau. Sans remettre en cause leur utilité, il est légitime de s'interroger sur leur fonctionnement. Lorsqu'une commune souhaite rénover sa station d'épuration, elle doit solliciter une subvention auprès de la préfecture, une autre auprès de l'Agence de l'eau et une troisième auprès du département. Résultat : trois services différents instruisent le même dossier. Une simplification de ces procédures s'impose.

Enfin, je rappelle que, selon les chiffres à ma disposition, le budget des agences s'élève à quelque 80 milliards d'euros, soit davantage que celui de l'Éducation nationale, qui oscille entre 60 et 65 milliards d'euros. Ce montant est considérable, d'autant plus dans le contexte d'une dette publique considérable. Notre priorité devrait donc être de supprimer les agences redondantes afin d'optimiser la gestion des deniers publics.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Sur le plan budgétaire, la commission d'enquête devra veiller, au gré des auditions, à distinguer les coûts d'une politique publique de ceux engendrés par l'établissement dédié à sa mise en oeuvre. Par exemple, la suppression de l'Ademe n'entraînerait pas la disparition des politiques publiques qu'elle soutient, telles que le fonds chaleur ou le fonds d'économie circulaire. Pour autant, nous pouvons nous interroger sur les méthodes de travail de l'agence, en particulier sur ses initiatives en matière de communication. Comment peut-on avoir, à une même échelle, des directions régionales de multiples agences qui interviennent sur le même sujet alors que, autrefois, on avait seulement un ou deux interlocuteurs administratifs ?

Afin d'éclairer nos travaux, nous souhaitons organiser, dès la semaine prochaine, des auditions portant sur les thématiques générales de la réforme de l'État et du phénomène d'agencification. Ces auditions permettront d'entendre des chercheurs ainsi que des hauts fonctionnaires ayant contribué à ce processus ou, à tout le moins, ayant été directement témoins de cette transformation.

Dans le cadre de cette réflexion conceptuelle, nous proposons également d'examiner la situation des agences aux États-Unis en auditionnant des chercheurs ayant mené des travaux sur ce sujet.

Souhaitez-vous nous suggérer d'autres personnes à auditionner pour ce premier cycle de travaux ? Par ailleurs, nous pouvons également discuter de l'organisation de la seconde phase, notamment de la pertinence d'une approche par politique publique.

Sur un plan organisationnel, nous tenterons de mener ces auditions plénières le mardi après-midi à partir de 16 heures, ainsi que le jeudi matin après les travaux des délégations.

M. Guillaume Chevrollier. - Les élus locaux ont de grandes attentes concernant cette commission d'enquête. Avez-vous prévu un dispositif de consultation en ligne afin de recueillir des retours de terrain sur d'éventuels doublons administratifs ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Un consensus s'est dégagé lors de la réunion constitutive quant à la nécessité de mener une consultation. Toutefois, il est impératif de définir rapidement les questions qui seront posées afin d'éviter un questionnaire trop généraliste. Nous devons également nous interroger sur le public visé par cette consultation.

M. Pierre Barros, président. - Pauline Martin a soulevé la question de la consultation des élus locaux. Ce sujet mérite d'être abordé avec attention, en veillant à la formulation des questions afin d'éviter tout biais susceptible d'influencer les réponses sur des thématiques clivantes. Plusieurs membres de la commission pourraient travailler aux côtés du rapporteur pour proposer un tel questionnaire, qui pourra être validé lors d'une prochaine réunion plénière.

M. Christophe Chaillou. - Il serait également pertinent de recueillir le point de vue des porteurs emblématiques de ce système d'agences, telles que Jean-Louis Borloo. Par ailleurs, s'agissant de la comparaison internationale, bien que les États-Unis soient souvent cités en exemple, il serait opportun d'examiner également la situation des pays européens. Certains États, bien que dotés de nombreuses agences, parviennent à en assurer un fonctionnement efficace. Une étude comparative en Europe permettrait d'enrichir notre réflexion. Il conviendrait donc d'échanger avec des fédérations d'élus locaux européens afin d'obtenir une vision plus large.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Comme mentionné lors de la réunion constitutive, nous nous appuierons sur la division de la législation comparée du Sénat pour analyser les cas de la Suède, du Royaume-Uni et des Pays-Bas, ainsi que celui de l'Union européenne. Une fois cette étude finalisée, nous pourrions organiser des auditions avec les services compétents ou des experts de ces pays.

M. Christophe Chaillou. - L'exemple du Royaume-Uni est, à ce titre, particulièrement intéressant, notamment en raison du transfert massif de compétences des élus locaux vers d'autres entités. Il serait utile d'obtenir un témoignage de l'association britannique des collectivités locales sur cette situation.

M. Michaël Weber. - La question du périmètre d'étude est cruciale pour garantir une analyse pertinente. Vous posez la question de savoir quels sont les organismes qui pourraient être exclus en raison de leur spécificité. Nous avions distingué, au cours de la réunion constitutive, une première catégorie regroupant les agences et organes qui posent question, ainsi qu'une deuxième catégorie rassemblant des structures qui passent sous les radars. J'évoquerai également la spécificité des organismes de validation technique. L'efficacité de ces structures doit être évaluée au-delà de leur simple coût financier. À titre d'exemple, la validation technique des matériaux prend deux à trois ans en France, alors qu'en Allemagne, elle est réalisée en six mois. Un État pourtant fédéral comme l'Allemagne dispose ainsi d'un système moins émietté et plus efficace. Je m'interroge ainsi sur la possibilité d'intégrer aux travaux de la commission d'enquête ce type de sujet, qui, bien que technique, soulève des enjeux d'efficacité administrative.

Par ailleurs, le temps dont nous disposons pour recenser l'ensemble des agences à analyser est limité. Il nous faudra donc adopter une approche méthodique et efficace pour mener à bien ce travail.

M. Pierre Barros, président. - Ça n'est pas parce que c'est difficile que nous n'allons pas y arriver !

M. Cédric Vial. - Je me souviens notamment d'une audition menée avec la commission de la culture, au cours de laquelle un entraîneur français nous a expliqué que, sans l'Agence nationale du sport (ANS), il n'aurait pas pu réaliser la même préparation. Un argument financier intéressant a notamment été avancé : le cadre salarial de la fonction publique ne permet pas d'attirer certaines personnalités du monde sportif.

Concernant les CESER, en tant qu'organismes rattachés aux régions et relevant d'une loi organique, je considère qu'ils ne doivent pas être inclus dans notre champ d'étude. En revanche, d'autres structures suscitent des interrogations. Atout France, par exemple, est un groupement d'intérêt économique (GIE). Devons-nous considérer les GIE comme faisant partie de notre périmètre ? Il serait pertinent d'établir une définition claire permettant de déterminer les formes juridiques qui entrent ou non dans le cadre de notre mission.

M. Hervé Maurey. - L'ensemble des sujets évoqués présente un réel intérêt et mériterait une analyse approfondie. Toutefois, il est essentiel de reconnaître que nous ne pourrons pas tout examiner de manière exhaustive. Il me semble donc pertinent de concentrer notre étude sur les structures relevant directement de l'État, conformément à l'intitulé de notre commission.

Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille s'attacher strictement au statut juridique des organismes concernés. L'exclusion d'une entité au seul motif qu'il s'agit d'un groupement d'intérêt économique (GIE), par exemple, ne me paraît pas justifiée. Certains retours sur Business France laissent penser qu'un examen approfondi serait opportun.

En somme, deux principes doivent guider notre approche : d'une part, il est nécessaire de recentrer notre périmètre d'analyse, et d'autre part, il ne faut pas exclure des structures sur la seule base de leur forme juridique, mais bien en fonction de leur rôle au sein de l'action publique.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Vous abordez les différentes structures en fonction de leur domaine d'intervention : Atout France et Business France relèvent de la promotion de l'économie française, tandis que l'Ademe, les Agences de l'eau et l'Office français de la biodiversité (OFB) sont rattachés aux enjeux environnementaux.

Dans cette logique, ne pourrions-nous pas envisager, dans une seconde phase de nos travaux, d'organiser des après-midi d'auditions thématiques, en réunissant les acteurs que nous aurons préalablement identifiés ? Si cette approche vous semble pertinente, quelles seraient, selon vous, les thématiques essentielles à traiter ? Le secteur du sport a notamment été mentionné.

M. Christian Bilhac. - Je m'interroge sur le budget alloué à ces opérateurs. À ce jour, je peine à obtenir ces informations, qui semblent être mieux protégées qu'un secret d'État.

Prenons l'exemple des Agences de l'eau : il est possible de connaître le montant des aides distribuées, mais les autres éléments budgétaires demeurent inaccessibles. Aucune donnée précise n'est disponible sur les rémunérations. Cette opacité financière est préoccupante.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Un tel diagnostic est prévu dans le courrier qui sera adressé à l'ensemble des secrétariats généraux des ministères. Nous leur demanderons, pour chaque structure concernée, de nous fournir des informations détaillées sur les dépenses de personnel, les dépenses d'intervention et les coûts de fonctionnement. L'objectif est de distinguer ce qui relève de l'intervention publique, qui existerait indépendamment de la structure, de ce qui correspond aux coûts spécifiques engendrés par son existence.

Par ailleurs, nous avons tous en mémoire plusieurs fusions récentes, telles que celles du Cerema, de l'OFB ou encore de l'ANCT. À cet égard, nous pourrons nous appuyer sur les travaux de la Cour des comptes, qui a fréquemment analysé ces fusions sous l'angle des coûts et de leur efficacité budgétaire.

M. Pierre-Alain Roiron. - Il me semble que trois questions essentielles doivent être posées.

La première concerne la nécessité même de ces structures : répondent-elles à un besoin indispensable que l'État ne pourrait pas assurer directement de manière efficace ?

La deuxième question porte sur les surcoûts qu'elles engendrent. La Cour des comptes a mené des analyses à ce sujet.

Enfin, la troisième interrogation concerne la nécessité de savoir si les fusions permettent réellement de réaliser des économies.

Je suis d'accord pour ne pas intégrer les CESER dans le périmètre, ni ceux qui dérivent du droit européen.

M. Cédric Vial. - Je partage l'analyse qui vient d'être formulée et souhaiterais y ajouter une question complémentaire : une autre entité pourrait-elle accomplir plus efficacement les missions de la structure concernée ? Cette alternative pourrait prendre différentes formes : une réinternalisation au sein du ministère compétent, un transfert aux collectivités locales afin de renforcer le rôle des élus territoriaux, ou encore une fusion avec une autre agence.

Mme Pauline Martin. - La question de l'organisation thématique est essentielle. Prenons l'exemple de l'environnement, où les compétences sont souvent réparties entre plusieurs structures, générant ainsi des chevauchements. Il ne s'agit pas de multiplier les auditions de manière exhaustive, mais d'adopter une approche structurée, en procédant par thématiques, afin de garantir une analyse pertinente et ciblée.

Mme Agnès Canayer. - Si notre objectif principal est d'identifier des sources d'économies potentielles, ne serait-il pas opportun d'écarter du périmètre d'analyse les instances à vocation consultative ? Ces commissions génèrent des coûts relativement limités, et leur exclusion nous permettrait de recentrer notre travail sur les structures opérationnelles, dont l'impact budgétaire est plus significatif.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Certes, ces instances consultatives n'entraînent pas de coûts financiers élevés, mais elles contribuent à alourdir les processus décisionnels. Je pense, par exemple, au Conseil supérieur de l'énergie (CSE), dont j'ai pu observer le fonctionnement. Nous passions des après-midi entiers à auditionner différents interlocuteurs, qui tenaient souvent des discours similaires et rendaient un avis qui n'était contraignant pour personne. Tout cela a un coût d'entropie du système.

M. Pierre Barros, président. - En matière de volume, nous recensons 434 opérateurs, 417 commissions consultatives, ainsi qu'un ensemble d'agences, d'établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), d'établissements publics administratifs (EPA) et de groupements d'intérêt public (GIP). Les commissions consultatives font bien partie du périmètre de travail défini pour cette mission.

J'aimerais également soulever une autre question. Le corps préfectoral apporte un éclairage particulièrement intéressant sur le rôle des agences. Dans certains cas, la gestion de projets complexes a été confiée à des structures externes, sous prétexte qu'elles étaient mieux adaptées que l'administration traditionnelle pour mener à bien ces missions. Ce choix pouvait se justifier, mais il a eu pour conséquence une réduction du nombre de postes dans les préfectures, entraînant une perte de compétences au sein de l'État.

À terme, cette externalisation a conduit à la création de nouveaux postes publics, non plus pour mener directement les projets, mais pour assurer une interface entre les services de l'État et ces agences. Des agents consacrent une part significative de leur temps à des tâches de coordination entre différentes structures. En conséquence, même si ces entités ne représentent pas, en apparence, un coût budgétaire majeur, elles contribuent à une charge administrative accrue.

Il pourrait donc être pertinent d'auditionner des fonctionnaires, notamment à travers leurs associations professionnelles, afin de recueillir leur retour d'expérience sur ces évolutions.

M. Cédric Vial. - Je souhaite revenir sur la question de la définition du périmètre, qui me semble être un élément essentiel pour structurer notre travail. Les organismes consultatifs de l'État, tels qu'évoqués précédemment, sont bien inclus dans le champ de cette mission. Toutefois, il convient de préciser que ces commissions sont de niveau national.

Or, l'action de l'État peut également être déconcentrée. À ce titre, les instances locales, telles que les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPNAF) ou les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC), auxquelles nous sommes régulièrement confrontés en tant qu'élus locaux, entrent-elles dans le périmètre de notre enquête ?

M. Pierre Barros, président. - Elles ne font pas partie des instances recensées par le « jaune » budgétaire consacré à ces commissions.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Au regard de ces éléments, ne conviendrait-il pas, dans un premier temps, d'examiner différents projets portés par les collectivités territoriales, afin de faire un état des lieux des démarches administratives nécessaires et de la pluralité des organes qu'ils doivent saisir ? Dans le domaine médical, par exemple, les procédures impliquant l'agence régionale de santé (ARS) et la HAS entraînent d'importants délais pour l'ouverture d'une maison médicale. Il serait pertinent d'analyser ces redondances et d'évaluer la place de l'État central dans ces processus.

M. Pierre Barros, président. - Il est, en effet, essentiel d'examiner comment cette archipélisation de l'État a engendré des surcoûts ainsi qu'une complexification des processus. Cette situation impose désormais un travail préparatoire conséquent pour le montage de tout projet, mobilisant de nombreux interlocuteurs disposant de différents pouvoirs et de crédits pour abonder ce projet. Notre mission est donc de proposer des simplifications, sans pour autant oublier les raisons pour lesquelles ces structures ont été mises en place.

M. Hervé Reynaud. - J'aimerais également soulever la question de la finalité de cette commission d'enquête. Il serait réducteur de limiter notre travail à une simple évaluation des structures à conserver ou à supprimer. Certains élus suggèrent, par exemple, une démarche de départementalisation des agences de l'eau, qui permettrait aux élus locaux de retrouver une certaine maîtrise des décisions. La commission pourrait ainsi formuler des recommandations visant à améliorer l'efficacité administrative. En tant que rapporteur de la proposition de loi visant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité n'est pas avérée, je considère qu'il ne s'agit pas uniquement de dresser une liste d'agences à supprimer ou à maintenir. L'attente est bien plus large.

M. Pierre Barros, président. - Forts de notre expérience en tant qu'élus locaux et sénateurs, nous sommes à même de lister de nombreuses procédures administratives ubuesques. Toutefois, nous devons garder le sens de l'État et ne pas nous arrêter à ces exemples. Les auditions nous permettront d'identifier les leviers d'amélioration, afin de renforcer la présence de l'État sur les territoires. La finalité de notre travail réside donc dans la recherche d'une meilleure lisibilité de l'action publique, avec une dimension financière sous-jacente.

La réduction des structures administratives devra être calibrée. Nous devons nous concentrer, dans un premier temps, sur l'identification des doublons et des économies illusoires. Si la fusion d'entités peut sembler une solution, elle ne garantit pas nécessairement des gains budgétaires.

Mme Ghislaine Senée. - D'un point de vue historique, les agences ont émergé au fil de l'eau pour répondre à divers besoins : impulser de nouvelles politiques publiques, gérer des crises, assurer la coordination des politiques déconcentrées ou encore moderniser l'administration. Il est important d'analyser l'évolution historique de ces structures afin de mieux comprendre leur multiplication.

J'ajouterai que la perception de leur utilité varie en fonction des interlocuteurs. Si certains élus ont rencontré des difficultés avec l'ANCT, d'autres saluent le programme « Action coeur de ville ».

J'apprécie la proposition d'une approche opérationnelle qui examine la manière dont ces établissements répondent aux besoins concrets des collectivités. Il ne s'agit pas d'une chasse aux sorcières, mais d'une évaluation objective des politiques publiques. Nous devons, en ce sens, éviter de débuter nos travaux en ciblant immédiatement les établissements médiatisés et critiqués, tels que l'Ademe, l'ANCT ou les agences de l'eau, au risque d'introduire un biais dès le départ. Une approche territoriale ancrée dans les réalités locales renforcerait l'utilité de notre rapport, au-delà des considérations budgétaires.

M. Pierre Barros, président. - Il convient effectivement d'élargir la liste des auditions au fil des travaux afin d'éviter toute stigmatisation de certains établissements.

Solanges Nadille, qui ne peut être présente à cette réunion, propose à la commission d'enquête d'auditionner la Direction générale des Outre-mer (DGOM). Cela souligne la nécessité d'adopter une approche non exclusivement parisienne. Il est important de suggérer des intervenants issus de l'ensemble du territoire afin de prendre en compte la diversité des réalités locales.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Nous pourrions, à cet égard, organiser un ou deux déplacements en région. Si certains ont identifié des situations particulièrement révélatrices d'inefficacités du fait de l'intervention de multiples organes de l'État, il serait pertinent de les observer sur le terrain. Ces déplacements pourraient également concerner des territoires où la présence d'agences de l'État est particulièrement dense, qui peuvent être rencontrés dans la journée.

M. Christian Bilhac- Il est, en effet, essentiel de recueillir des témoignages concrets sur le terrain. Prenons deux exemples simples : autrefois, pour un problème d'urbanisme ou d'aménagement, il suffisait de consulter la subdivision de l'Équipement au chef-lieu du canton, et la situation était rapidement réglée. Aujourd'hui, il est nécessaire de réunir une quinzaine d'intervenants. De même, pour l'électricité, le chef de district départemental apportait une solution immédiate. Lors de mon dernier projet communal, j'ai dû mobiliser huit interlocuteurs : c'est de la folie ! Cela est source d'exaspération pour les élus locaux, car, outre son coût, cette complexité administrative paralyse la conception des projets.

M. Guillaume Chevrollier. - Il me semble également important de recueillir l'avis des entrepreneurs et des représentants des chefs d'entreprise, notamment le Mouvement des entreprises de France (Medef) et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Par ailleurs, je m'interroge sur l'absence de l'Agence française de développement (AFD) dans la liste des autorités à auditionner.

M. Pierre Barros, président. - Cette structure dépasse le périmètre défini par la commission d'enquête.

Nous retenons vos suggestions. Nous allons commencer les auditions la semaine prochaine avec des interlocuteurs permettant d'avoir une vue générale, puis construire un calendrier progressivement, en retenant tout particulièrement les créneaux du mardi après-midi et du jeudi matin.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Il serait effectivement opportun d'organiser, dans le cadre du premier cycle d'auditions, une table ronde avec les représentants des entreprises afin qu'ils puissent partager leur expérience sur leur relation avec ces structures et les contraintes normatives auxquelles elles font face. Une seconde table ronde avec les associations représentants les élus locaux apporterait également une vision générale, avant d'adopter, dans le cadre d'un deuxième cycle d'auditions, une approche plus sectorielle des établissements à étudier.

M. Christian Bilhac- Il serait également intéressant d'entendre les agences agricoles.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Concernant l'agriculture, il y a à la fois FranceAgriMer et l'Agence de services et de paiement (ASP). Certains coûts associés à ces agences sont préoccupants : par exemple, l'ASP prévoit des coûts de gestion très élevés pour la mise en place d'une nouvelle méthode de distribution du chèque énergie.

M. Pierre Barros, président. - L'Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV) mérite également d'être examinée. Cela souligne l'importance du travail préalable de ciblage des structures. L'élaboration de fiches analytiques détaillées pour chaque structure - incluant leur budget, le nombre d'équivalents temps plein (ETP) et l'utilisation faite des crédits - permettra d'identifier les organismes nécessitant effectivement une analyse approfondie.

La réunion est close à 17 h 55.