- Mardi 4 février 2025
- Mercredi
5 février 2025
- Audition de Mme Virginie Cayré, inspectrice générale des affaires sociales, ancienne directrice générale de l'agence régionale de santé du Grand Est (sera publié ultérieurement)
- Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l'agence régionale de santé du Grand Est (sera publié ultérieurement)
- Audition de Mme Valérie Michel-Moreaux, préfète des Vosges (sera publié ultérieurement)
- Jeudi 6 février 2025
Mardi 4 février 2025
- Présidence de M. Laurent Burgoa, président -
La réunion est ouverte à 17 h 00.
Les caractéristiques locales des exploitations des eaux minérales naturelles et des eaux de source en Bretagne - Audition de MM. Jean-Pierre Omnès, président de la commission locale de l'eau Arguenon-Baie de la Fresnaye, Michel Raffray, président du syndicat mixte Arguenon-Penthièvre (SMAP), Patrick Barraux, maire de Plancoët et Benoît Dufumier, directeur départemental des territoires et de la mer des Côtes-d'Armor (DDTM)
M. Laurent Burgoa, président. - Mes chers collègues, nous allons poursuivre les travaux de notre commission d'enquête avec une table ronde sur les caractéristiques locales des exploitations des eaux minérales naturelles et des eaux de source en Bretagne.
Notre table ronde réunit Monsieur Jean-Pierre Omnès, président de la commission locale de l'eau Arguenon-Baie de la Fresnaye, Monsieur Michel Raffray, président du syndicat mixte Arguenon-Penthièvre, Monsieur Patrick Barraux, maire de Plancoët et Monsieur Benoît Dufumier, directeur départemental des territoires et de la mer des Côtes-d'Armor (DDTM).
Messieurs, je suis tenu de vous rappeler qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite les uns et les autres à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant « je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Patrick Barraux, Jean-Pierre Omnès, Michel Raffray et Benoît Dufumier prêtent serment.
M. Laurent Burgoa, président. - Je vous remercie de nous faire part de vos éventuels liens d'intérêt.
Benoît Dufumier, directeur départemental des territoires et de la mer des Côtes-d'Armor (DDTM). - Aucun, Monsieur le Président.
M. Michel Raffray, président du syndicat mixte Arguenon-Penthièvre (SMAP). - Aucun non plus, Monsieur le Président.
M. Jean-Pierre Omnès, président de la commission locale de l'eau Arguenon-Baie de la Fresnaye. - Aucun, Monsieur le Président.
M. Patrick Barraux, maire de Plancoët. - Aucun.
M. Laurent Burgoa, président. - Je rappelle, notamment pour nos internautes, que cette audition est retransmise sur le site du Sénat. Notre institution a constitué, le 20 novembre dernier, une commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille. Au début de l'année 2024, plusieurs médias ont révélé les pratiques illégales de certaines entreprises du secteur des eaux embouteillées, en particulier le recours à des traitements interdits sur des eaux minérales naturelles et de source. Notre commission d'enquête du Sénat vise à faire la lumière sur ce dossier, sous réserve des éventuelles procédures judiciaires en cours.
Cette audition a pour objet de donner la parole à des élus et à des responsables administratifs concernés par l'exploitation des eaux minérales naturelles et des eaux de source dans les Côtes-d'Armor, en Bretagne. Il s'agit pour nous de comprendre l'écosystème des eaux et le rôle de chacun pour la protection des eaux.
Que représente l'industrie de l'eau minérale dans le département en termes d'installation, d'emplois, de production annuelle de bouteilles et de recettes fiscales pour vos collectivités ? Nos questions concernent Plancoët, qui fait partie du groupe Ogeu, avec, par exemple, Quézac, Sainte-Baume et Valécrin.
Comment est prise en charge la protection de la ressource souterraine dans une région très agricole dont la qualité des eaux de surface est souvent questionnée ? Quelle est votre appréciation des interactions entre l'État, les collectivités territoriales, le schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE), la commission locale de l'eau (CLE) et les industriels ? Voici quelques thèmes sur lesquels notre rapporteur va vous interroger.
Nous vous proposons de dérouler cette audition en trois temps. Vous présenterez successivement vos réflexions, pendant une dizaine de minutes chacun. Puis notre rapporteur vous posera des questions. Enfin, nos collègues également présents pourront vous interroger, sachant que la durée de cette audition est d'une heure et demie. Je vais d'abord laisser la parole à Monsieur le maire.
M. Patrick Barraux. - Merci Monsieur le Président. Je suis maire de Plancoët depuis 2014. En introduction, je vous rappellerai l'histoire de la source Plancoët. Elle a été découverte en 1906 par le docteur Chambrin, mon prédécesseur à la mairie de Plancoët. Elle a été reconnue « eau minérale naturelle » par le ministère de la santé, en 1928. Puis elle a été successivement rachetée par Perrier dans les années 1960, par Nestlé dans les années 1990 et en janvier 2014 par le groupe familial Ogeu, que vous venez de mentionner, et qui est propriétaire notamment de Quézac, la plus célèbre des sources du groupe, mais pas la plus rentable.
Entre 2011 et 2015, un Contrat Nature a été mis en place avec la mairie, Coeur-Émeraude qui était le syndicat de préfiguration du parc naturel régional, l'université de Rennes ainsi que la société des eaux minérales de Plancoët. A été alors découvert un îlot de biodiversité ordinaire, mais exceptionnel en termes de diversité d'espèces et de quantité, sur l'ensemble du périmètre de protection de la source. Ce lieu, qui abrite des espèces uniques en Bretagne, est qualifié dans le futur parc naturel régional de « lieu extraordinaire de biodiversité ordinaire ».
En 2015, une convention d'ouverture au public de la zone protégée a été étudiée afin de valoriser l'histoire de la source et de la zone de biodiversité préservée. Ce périmètre de protection s'étend sur 96 hectares. La société des eaux minérales a racheté l'ensemble des terrains à proximité ainsi que tous les impluviums. Cette source est donc entièrement préservée de toute pollution agricole.
En 2024, la source a intégré le parc naturel régional de la vallée de la Rance, dans lequel les 96 hectares du périmètre de protection constituent un exemple dans le domaine de la préservation du territoire et de la ressource. Le périmètre de captage est l'un des fleurons du parc naturel régional Côte d'Émeraude. Dois-je répondre aux questions ?
M. Laurent Burgoa, président. - Pas immédiatement, car M. le rapporteur vous posera des questions après votre présentation générale. Avez-vous des remarques à ajouter ?
M. Patrick Barraux. - Je peux également aborder la question des emplois.
M. Laurent Burgoa, président. - Nous sommes aussi intéressés par les ressources dont bénéficie la commune.
M. Patrick Barraux. - Les ressources intéressent toujours un maire.
M. Laurent Burgoa, président. - Le Sénat représente les collectivités territoriales, Monsieur le maire. Nous sommes ainsi les plus proches des maires.
M. Patrick Barraux. - En termes d'emplois, on dénombre 23 contrats à durée indéterminée, 7 équivalents temps plein, et 10 personnes assignées aux fonctions supports, commerciaux, comptabilité, administration des ventes, soit au total entre 40 et 45 personnes. À noter que le site a connu une période difficile dans les années 2000. Toutefois, les volumes se sont considérablement développés depuis 2010. Le site fonctionne à plein régime.
En termes de revenus, nous bénéficions de la surtaxe sur les eaux minérales, de l'ordre de 80 000 euros, montant qui a doublé, de mémoire, depuis 2014, compte tenu du succès de notre eau minérale. Que puis-je ajouter ? Je ne dispose pas ici des chiffres financiers du revenu du foncier bâti. Eu égard au nombre de bâtiments, ce doit être « une somme conséquente ». Je vous les transmettrai, à votre demande.
Quant à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, elle est perçue par les établissements publics de coopération intercommunale. C'est tout ce que je peux vous dire dans un premier temps.
M. Laurent Burgoa, président. - La parole est au président du syndicat mixte Arguenon-Penthièvre (SMAP).
M. Michel Raffray. - Le syndicat mixte Arguenon-Penthièvre a fêté ses 50 ans d'existence, il y a deux ans. Ce n'est pas de l'eau minérale, mais l'eau est de qualité puisque je ne suis que le troisième président en 50 ans. Vous voyez que cela conserve. Ce syndicat a été créé dans les années 1970. Il a été mis en place par le conseil général en 1972, en réponse à une demande d'eau de quantité suffisante et de qualité suffisante, afin de satisfaire les besoins dus à l'affluence touristique de plus en plus importante en Bretagne ainsi qu'au développement des productions hors sol agricoles.
Trois barrages ont été construits dans le département, qui je le rappelle est situé sur un bassin granitique, avec très peu de nappes profondes. Nous avons quelques nappes superficielles, mais très peu de nappes profondes. L'essentiel de l'eau destinée à la consommation humaine provient des eaux de surface. L'eau destinée au département est fournie par des barrages à hauteur de 55 %, par des prélèvements en cours d'eau pour 25 % et par des eaux souterraines à hauteur uniquement de 18 %.
Cet ordre de grandeur de 18 % n'inclut pas toutes les eaux de forage des exploitations agricoles comme celles des industriels qui disposent de leurs propres ressources. Environ 62 millions de mètres cubes d'eau publique sont produits et distribués par an. Le montant de la consommation totale est estimé à 81 millions de mètres cubes, en prenant en compte l'utilisation faite par les agriculteurs et par les industriels. Cela représente donc 70 % à 80 % de la production d'eau sur le département.
En outre, nos problématiques sont différentes des autres territoires dont les prélèvements portent en moyenne sur 80 % d'eau souterraine et 20 % d'eau de surface. La Bretagne a également cette particularité que toute l'eau qui y tombe retourne à la mer. Il n'existe pas de grands bassins passant d'une région à l'autre, mais de petits fleuves côtiers. Nous sommes donc entièrement responsables de l'eau que nous recevons, stockons et laissons aller à la mer.
Vous avez rappelé, Monsieur le Président, les problèmes que nous avons subis relatifs à la qualité de l'eau dans le département. Nous avons collectivement réalisé de nombreux aménagements et contribué à d'importantes évolutions. Les résultats sont là pour le prouver même si nous devons toujours poursuivre nos efforts afin de toujours améliorer la qualité. Nous pouvons dire que nous sommes sur la bonne voie. Peut-être sommes-nous même en avance sur certaines autres régions, étant donné les problèmes que nous avons connus, qui nous ont obligés à mettre en place des actions de reconquête de la qualité de l'eau.
Par ailleurs, eu égard à notre compétence sur l'ensemble d'un bassin versant hydrographique, de la source à la mer, nous avons été sollicités pour porter les actions de reconquête de la qualité de l'eau, notamment dans le cadre des opérations du bassin versant. Nous avons été également chargés de mettre en oeuvre le SAGE sur notre territoire, et donc, de manière plus spécifique et particulière, les actions de la CLE, qui d'ordinaire sont portées par les collectivités ou des créations de collectivités. En l'espèce, c'est bien le syndicat existant de production d'eau qui est chargé de la reconquête de la qualité. Nous avons sur ce sujet de nombreux exemples à partager.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je souhaiterais poser une question relative aux propos de Monsieur le maire de Plancoët. Vous avez mentionné que 18 % de l'eau prélevée provenait des eaux souterraines. Une partie de ces forages concerne-t-elle la même nappe ?
M. Michel Raffray. - Non. La nappe de Plancoët est totalement autonome et indépendante.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Seuls les industriels exploitent la nappe ?
M. Michel Raffray. - C'est exact. Après vous avoir présenté les dates importantes et les évolutions des missions du syndicat, sachez que le périmètre d'action du syndicat concerne 121 communes et alimente en eau le tiers du département des Côtes-d'Armor.
En 1997, les autorités préfectorales nous ont autorisés à prélever de l'eau à condition de mettre en place des actions de reconquête de la qualité de l'eau brute. Cela nous a conduits à mettre en oeuvre des opérations sur le bassin versant, le portage du SAGE et l'animation de la commission locale de l'eau. Nous avons également mis en place un Programme d'Actions de Prévention des Inondations (PAPI) sur le bassin versant de l'Arguenon, opération qui a été très utile récemment, dans la lutte contre les inondations, grâce à la gestion des cellules de crise sur 4 à 5 jours intensifs. La Bretagne vient, en effet, de subir des débordements de rivières. Le barrage qui sert d'écrêteur de crues a permis de « tamponner » la crue afin d'éviter que la ville de Plancoët, qui est malheureusement parfois inondée, ne le soit cette fois-ci. Nous sommes satisfaits du résultat. Nous effectuons donc de nombreuses opérations au-delà de notre mission première qui est de fournir de l'eau, je vous le rappelle, à peu près au tiers du département des Côtes-d'Armor.
M. Laurent Burgoa, président. - La parole est à M. Jean-Pierre Omnès, président de la commission locale de l'eau Arguenon-Baie de la Fresnaye.
M. Jean-Pierre Omnès. - Monsieur le Président, je suis président de la commission locale de l'eau depuis la fin de la période de la Covid. J'ai commencé à travailler sur ces dossiers à la fin de l'année 2020.
La commission locale de l'eau est composée de 38 membres, répartis en trois collèges : 21 membres dans celui des collectivités territoriales et des établissements publics, 10 membres dans le collège des représentants des usagers, des propriétaires riverains, des organisations professionnelles et des associations, et enfin, 7 membres dans le collège des représentants de l'État et de ses établissements publics.
Comme vient de vous le rappeler le président du SMAP, le syndicat mixte Arguenon-Penthièvre a été choisi pour porter la commission locale de l'eau, en raison de sa position centrale dans le bassin versant. Bien avant l'installation de la CLE, des actions avaient été mises en oeuvre dès 1993 afin de protéger la qualité de l'eau, principalement en amont. Ces actions se sont étendues de la source jusqu'à la mer, depuis 2008.
Le périmètre du territoire du SAGE a été défini en 2007 par arrêté préfectoral. Il se situe à l'est des Côtes-d'Armor, entre le SAGE de Saint-Brieuc et le SAGE Rance-Frémur-Baie de Beaussais. Il est composé de 42 communes, 3 EPCI, à savoir Lamballe-Terre-et-Mer, Dinan-Agglomération et Loudéac-Communauté. Ce territoire s'étend sur un peu plus de 700 km² avec deux bassins versants : celui de l'Arguenon, où se trouve la retenue, et celui de la Baie de la Fresnaye, qui est un petit bassin versant. Ce périmètre comprend également 800 kilomètres de cours d'eau, dont cinq principaux. Le territoire concerné est principalement rural à dominante agricole. Le bassin versant de la Fresnaye répond essentiellement aux besoins de la conchyliculture et du tourisme. Nous sommes confrontés aux problèmes liés à l'eutrophisation et aux contaminations microbiologiques. Ce captage, on vous l'a expliqué, est stratégique pour les Côtes-d'Armor et l'Ille-et-Vilaine en termes d'alimentation en eau potable.
Cette ressource ayant été impactée par les nitrates et les pesticides, nous menons des plans de lutte en étroite collaboration avec la CLE, pour améliorer la qualité de l'eau, principalement en termes de réduction des nitrates, dans le cadre de la mise en oeuvre du « contentieux nitrates ». L'installation de Commission locale de l'Eau a eu lieu en 2009.
Le SAGE Arguenon-Baie de la Fresnaye a été approuvé par arrêté préfectoral en 2014. Depuis cette date, est réalisé un suivi de la mise en oeuvre du SAGE et de ses différents programmes d'action - je vais répéter ce qui a été dit - un contrat territorial, un PAPI et une démarche communale ascendante de lutte contre l'érosion des sols. Cette démarche spécifique à notre territoire consiste à mettre en place des commissions communales de lutte contre l'érosion des sols, dont les membres sont désignés par les communes. Ce dispositif fonctionne très bien puisque ces personnes connaissent le terrain et savent identifier les secteurs très sensibles.
M. Laurent Burgoa, président. - Je vous prie de m'excuser de vous interrompre, mais ces personnes sont-elles des élus ou des citoyens ?
M. Jean-Pierre Omnès. - Ces personnes sont des élus ou des membres d'associations, tels que des chasseurs, des marcheurs, etc.
Les enjeux identifiés pour le SAGE Arguenon-Baie de la Fresnaye sont multiples : la pérennité de la production d'eau, en qualité et en quantité, la protection des personnes et des biens contre les inondations, l'amélioration de la qualité biologique, la lutte contre l'eutrophisation, la diminution des quantités de pesticides dans l'eau, la réduction des contaminations du littoral, en particulier les contaminations microbiologiques et enfin la gouvernance pour assurer la mise en oeuvre et le suivi du SAGE à l'échelle du bassin versant. Voilà, en quelques mots, la présentation du territoire des bassins versants Arguenon-Baie de la Fresnaye.
M. Laurent Burgoa, président. - Merci Monsieur le Président. Pour terminer ce cycle de présentation, je cède la parole à Monsieur Benoît Dufumier, directeur départemental des territoires et de la mer des Côtes-d'Armor (DDTM).
M. Benoît Dufumier. -À titre liminaire je rappellerai qu'une direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) est un service déconcentré de l'État, au spectre d'activités assez large dans le département : l'aménagement du territoire, le logement, le transport, la biodiversité, la mer, la pêche, la transition écologique, l'agriculture, l'énergie, la sécurité, et l'éducation routière. S'agissant de l'eau, ce domaine est placé sous l'autorité du préfet.
Nos missions ont essentiellement trait à la préservation de la ressource en eau dans son milieu. Cela signifie que toute opération concernant l'eau, que ce soit des prélèvements, des rejets, des modifications du milieu humide, en eau douce comme en eau salée pour un département maritime, doit faire l'objet d'une analyse au titre de la loi sur l'eau.
Par ailleurs, la DDTM est également en charge d'une mission de coordination de l'ensemble des services de l'État dans le département traitant de l'eau et de la nature, la MISEN, Mission Inter-Services de l'Eau et de la Nature.
Concernant la description du territoire, les deux présidents ont mentionné que l'ensemble de l'eau potable est majoritairement capté par des eaux dites de surface ou de nappes de très faible profondeur qui sont au-dessus du toit granitique de la Bretagne. En complément de ces propos, j'aimerais souligner que « la source de Plancoët est un vrai miracle ou une vraie exception » puisqu'elle capte son eau à 100 mètres en profondeur, ce qui est très profond pour le plafond des nappes bretonnes.
À partir de la chute de la goutte d'eau au sol, celle-ci met entre 20 ans et 45 ans pour atteindre la nappe qui est captée, selon les rapports d'hydrologie que nous avons pu consulter, notamment dans le cadre des autorisations de prélèvement de ces sources. Ce long cheminement lui permet de s'épurer, d'autant plus, comme l'expliquait Monsieur le maire, que le producteur de l'eau de source assure, depuis les années 1970, la maîtrise foncière complète de l'impluvium. En parallèle de cela et au titre la mission urbanisme de la DDTM, le document d'urbanisme de l'EPCI Dinan Agglomération qualifie toute cette zone d'aire naturelle, interdisant ainsi toutes les constructions pouvant dégrader la qualité de la ressource en eau.
M. Patrick Barraux. - En outre, cette eau n'est pas touchée par les nitrates, bien que nous soyons en Bretagne, région sensible à ce sujet. En effet, le périmètre de protection écarte toute pollution.
M. Jean-Pierre Omnès. - Si vous en avez fini, Monsieur le directeur, je laisse la parole, à Monsieur le rapporteur.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je vous remercie tous d'être présents aujourd'hui. Vous avez pu constater lors des différentes auditions que nous tentons de développer une vision assez large de ce qui se passe sur le territoire.
Monsieur le maire de Plancoët, votre eau a été qualifiée de « miraculeuse » par les services de l'État. Nous constatons que nous sommes en présence d'une eau particulière. Je vous vois réagir. Vous avez certainement une légende à nous raconter. Permettez-moi de poser ma question. Vous êtes maire depuis 2014.
M. Patrick Barraux. - Oui, absolument.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Étiez-vous dans l'équipe municipale précédemment ?
M. Patrick Barraux. - Non. Auparavant, j'étais maire dans le Jura.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je m'intéresse à ce qui s'est passé avant 2014. Vous avez indiqué qu'il y avait eu, en 2014, un changement de propriétaire.
M. Patrick Barraux. - Cette source qui n'intéressait plus Nestlé Waters, qui l'a jugée peu intéressante en termes de volume, a été vendue pour des raisons industrielles à la Société des eaux minérales d'Ogeu (Semo), entreprise de la famille Chassaigne, spécialisée dans les sources d'eau régionales. L'important investissement effectué par cette société dans les chaînes de production ainsi que dans le marketing et la force de vente sur le terrain ont assuré le développement de la source.
Le concept marketing repose sur le chauvinisme breton. Sa cible territoriale est le Grand Ouest, soit un rayon d'action qui est de l'ordre de 200 kilomètres, car nous ne disposons pas de la capacité de production suffisante pour aller au-delà. En termes de pompage, nous sommes à 6 mètres cubes par heure, ce qui correspond au volume d'une petite source.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Qu'en est-il sur une année ?
M. Patrick Barraux. - Trente millions de bouteilles en eau minérale.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous avez mentionné un accroissement de votre masse fiscale, qui je suppose, est liée à l'augmentation du nombre de bouteilles.
M. Patrick Barraux. - Absolument.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Avez-vous atteint la limite de l'arrêté préfectoral, ou vous reste-t-il encore une marge d'exploitation ? La régénération de la source est-elle convenable ? Qu'observez-vous sur le terrain ?
M. Patrick Barraux. - La source est particulièrement préservée parce que l'eau est pompée dans une roche granitique à 120 mètres de fond. Nous avons du mal à estimer les capacités réelles en termes de pompage.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Qu'en est-il de son état ? Qu'observent les différents services, tels que le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM), qui surveillent l'exploitation et la surexploitation des sources.
Benoît Dufumier. - Une analyse hydrogéologique du comportement de la nappe, que ce soit sur sa qualité ou sa capacité à se recharger, est régulièrement effectuée dans le cadre des autorisations de prélèvement. La conclusion du rapport de l'hydrologue, à l'issue des dernières analyses que nous avons pu consulter, démontre, qu'au-delà de la qualité de l'eau très bien expliquée par Monsieur le maire, la quantité pompée aujourd'hui n'atteint pas ou n'affecte pas le niveau de la nappe. En conclusion, sans impact sur ce niveau depuis plusieurs dizaines d'années, le prélèvement est jugé comme raisonnable et adapté, à défaut d'autres indicateurs, notamment une étude extrêmement complète, difficilement réalisable en raison de sa complexité et de la profondeur de la nappe.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Concernant l'impluvium, vous avez mentionné la réalisation d'investissements dans l'outil de production, nécessaires pour la qualité de l'eau. Nous avons appris au cours de cette audition qu'un certain nombre de problèmes pouvaient surgir du fait du vieillissement de ces outils. Souhaitez-vous partager votre expérience sur ce point, car nous recherchons de bonnes pratiques et des recommandations à exporter en dehors de la Bretagne.
M. Patrick Barraux. - Tout d'abord, la Société des eaux minérales est propriétaire des 100 hectares qui constituent l'essentiel de l'impluvium. Toute exploitation agricole y est interdite, hormis la tonte de l'herbe. Aucun accès aux véhicules n'est autorisé, sauf en cas de problème.
M. Laurent Burgoa, président. - Y compris l'agriculture biologique ?
M. Patrick Barraux. - Aucune production agricole.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - De quoi est constituée cette zone ? S'agit-il de massifs ? Il n'y a pas tant de forêts que cela en Bretagne.
M. Patrick Barraux. - Cette zone est essentiellement constituée d'herbe, de bois, de boisements, de ronces et de buissons.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - La protection de l'impluvium est donc très importante. La question suivante s'adresse aux services de l'État et porte sur la manière dont vous travaillez avec les autres services déconcentrés. Vous avez eu connaissance, j'imagine, des problèmes survenant sur d'autres territoires, notamment dans les Vosges et en Occitanie. Avez-vous alors déclenché des actions particulières sur les forages ?
Monsieur Michel Raffray a mentionné un volume de 62 millions de mètres cubes liés à l'exploitation et d'une consommation totale de 81 millions de mètres cubes. Monsieur Benoît Dufumier, existe-t-il sur notre territoire, des cas de forages non déclarés ou interdits ? Les événements survenus dans d'autres départements ont-ils conduit à une campagne de vérification des différents forages autorisés dans votre département ?
M. Benoît Dufumier. - Il n'y a qu'un seul forage d'eau de source ou d'eau minérale.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Et sur le reste des forages, hors eaux minérales ?
M. Benoît Dufumier.- C'est différent, effectivement. En ce qui concerne toute source d'eau minérale dans un département telle que la source de Plancoët, la compétence appartient à l'Agence Régionale de Santé (ARS). Celle-ci effectue des contrôles réguliers de qualité et traite les résultats d'analyse en termes de volume. Dans ce cadre, l'ARS est donc la première à accéder aux données. S'il y avait une anomalie, nous en serions bien évidemment informés par l'Agence.
Pour le reste du département, comme vous l'a expliqué le président Michel Raffray, l'essentiel de l'eau potable est capté via les rivières, les barrages qui stockent l'eau l'hiver pour la restituer l'été, et quelques forages en eaux superficielles qui sont très réactifs. La vitesse de percolation dans le substrat du forage de faible profondeur y est très rapide, de l'ordre de l'heure à quelques jours. Si bien que les mesures de qualité et de quantité de l'eau relèvent de l'ensemble de la gestion des eaux de surface du département. Un dispositif de droit commun s'applique, que ce soit en contrôle, qualité, quantité et de suivi, bien évidemment.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Monsieur Michel Raffray, vous avez déclaré être parti d'une situation dégradée puis l'avoir améliorée. Pouvez-vous nous présenter vos indicateurs de référence ? Quel est l'objet de votre pilotage ? Avez-vous constaté une amélioration sur l'ensemble des éléments ainsi pilotés ? Quelles mesures avez-vous mises en place pour obtenir cette amélioration ?
Nos auditions ont à ce jour essentiellement mis en lumière la question de l'épuisement de la ressource ainsi que celle de la détérioration de sa qualité. Il est donc crucial que nous puissions connaître vos bonnes pratiques.
M. Michel Raffray. - Les éléments sur lesquels nous avons concentré nos efforts aux fins d'amélioration et de reconquête de la qualité ont été mis en oeuvre par étapes. Nous avons d'abord réagi sur les problématiques d'intrants, essentiellement les nitrates, liés principalement, mais pas uniquement, aux productions hors sol sur le territoire. Nous avions de mémoire, à l'origine, une quinzaine de bassins versants concernés par le contentieux européen, donc au-delà de la norme des 50 mg par litre. Il n'en reste plus que 3 à ce jour, preuve s'il en est que nous avons mené des actions efficaces.
Puis nous avons traité les problématiques phytosanitaires, dont celles du très connu glyphosate. Cela a nécessité de mettre en oeuvre un certain nombre de dispositifs, notamment des usines de traitement des eaux de surface relativement importantes. L'usine que j'ai la chance d'avoir dans mon syndicat produit 12 millions de mètres cubes par an. Il s'agit bien de mètres cubes et non de litres.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - C'est donc le traitement qui a permis d'améliorer la situation plus que la ressource initiale, diriez-vous ?
M. Michel Raffray. - Dans mon propos liminaire, j'ai évoqué la mise en oeuvre d'actions de reconquête de la qualité de l'eau brute qui s'inscrivent obligatoirement dans le temps long. Malgré tout, nous avons déjà obtenu des améliorations significatives puisque nous avons constaté une diminution des nitrates dans nos eaux brutes qui n'atteignent même pas les 40 mg en moyenne.
Nous avons considérablement amélioré la situation, grâce à un travail de fond mené avec l'ensemble des acteurs locaux, tels que les collectivités, les particuliers et les agriculteurs. Ces acteurs ont dû modifier, en étroite collaboration avec nos services, leurs pratiques, sachant qu'ils étaient également consommateurs de l'eau qui nous parvenait. Nous avons donc réussi à créer un climat de confiance et à améliorer significativement tous les processus.
Compte tenu de la capacité des nouveaux outils pouvant détecter des éléments de plus en plus petits, nous avons inclus depuis 2017, les « métabolites » dans les produits phytosanitaires à risque. Ce sont des fragments de molécules. Si la durée de vie d'une molécule est de quelques semaines à quelques mois, la partie des composants de cette molécule qui s'est dégradée, donc le métabolite, que l'on retrouve en grand nombre dans l'eau, a, en revanche une durée de vie beaucoup plus longue. La durée de sa dégradation est beaucoup plus longue que celle de la molécule initiale. En outre, certains métabolites conservent leurs capacités de nuisance. Ces fragments de molécules doivent être traités. Nous y parvenons avec succès, notamment dans nos usines, avec le charbon actif et un ensemble de processus.
L'opération est plus ardue sur de petits volumes. Il est difficile d'avoir des outils de traitement qui soient capables de le faire avec un ratio acceptable « volume produit » et « coût à produire ». Nous sommes confrontés à cet écueil pour les quelques usines traitant des eaux souterraines.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'au-delà de notre organisation sur notre petit territoire, un syndicat départemental fédère l'ensemble des collectivités du territoire. Les collectivités adhérentes y mènent une double démarche. La première consiste à sécuriser l'alimentation en eau sur l'ensemble du département. Le syndicat a, en effet, été chargé de mettre en place un système d'interconnexion, en cas de défaillance d'un des outils de production, pour un dépannage par les autres dispositifs. La seconde mission vise à améliorer et accompagner les capacités de production. Si un forage, par exemple, subissait un problème local momentané, il lui serait alors donné la possibilité de diluer son eau pour que celle-ci soit conforme aux ratios de potabilité et de mise dans les réseaux.
Voilà donc un aperçu de l'ensemble des mesures et de l'évolution de la performance des systèmes de traitement. L'amélioration de la qualité de l'eau brute est également le fruit d'un travail préalable important avec tous les acteurs du territoire.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Monsieur Jean-Pierre Omnès, j'ai une question sur le fonctionnement de la commission locale de l'eau et son périmètre. Celui-ci est-il le même que celui du SMAP ou est-il différent ? Quel est votre retour d'expérience sur le fonctionnement de la commission locale de l'eau ? Nous avons auditionné des présidents qui se sont plaints de la difficulté de faire fonctionner cette commission ? Ils déploraient notamment le manque de soutien de l'État et des collectivités d'une certaine envergure et de certains départements. Que pouvez-vous nous dire sur votre fonctionnement ? Le trouvez-vous satisfaisant ? Avez-vous des recommandations à formuler en matière de gouvernance ?
M. Jean-Pierre Omnès. - Ainsi que je vous l'ai précisé, l'avantage du fonctionnement de la commission locale de l'eau Arguenon-Baie de la Fresnaye réside dans son portage par le syndicat mixte Arguenon-Penthièvre.
Comme vous l'a expliqué son président, outre les actions menées ou les mesures mises en place pour traiter l'eau afin d'atteindre un bon état pour la distribution, nos actions tendent en amont, à obtenir une eau brute de qualité afin d'en diminuer le traitement, une fois arrivée à l'usine. À cette fin, nous menons des opérations de sensibilisation auprès des agriculteurs, notamment les céréaliers, pour faire évoluer leurs pratiques. Ces concertations sont facilitées grâce au groupement paritaire agricole. Celui-ci nous permet de mettre en place, en accord avec les agriculteurs, de nouvelles pratiques afin de diminuer la pollution par les intrants.
Nous traitons également de l'érosion, car 7 tonnes de terre par jour arrivent à l'usine de traitement. Cela correspond au dixième, je crois, de ce qui arrive dans la retenue, ce qui correspond à peu près à une ferme de 5 hectares par an de terre arable qui peut disparaître. Nous devons réussir à diminuer cette érosion.
Nous ne rencontrons pas de difficultés dans nos missions, car les actions d'amélioration de la qualité de l'eau brute ont été mises en place avant que la commission locale de l'eau ne voie le jour. Nous poursuivons cet engagement. En termes de fonctionnement, nous avons la chance que la structure porteuse soit totalement au rendez-vous pour les actions que nous engageons.
M. Michel Raffray. - En complément de l'intervention de Jean-Pierre Omnès, j'ai cru comprendre qu'au cours des auditions que certaines commissions locales de l'eau peinaient à trouver des financements. Notre reste à charge est de l'ordre de 30 %, après co-financement par l'agence de l'eau, la région et le département. Notre avantage est que ce reste à charge est entièrement financé par le syndicat de production d'eau. Nous ne demandons rien aux collectivités territoriales. Ce n'est pas neutre. Cela facilite la mise en oeuvre des engagements pris, sachant que nous disposons des moyens pour satisfaire les besoins et entreprendre les actions nécessaires à la réalisation de nos missions.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Les recettes qui permettent cette prise en charge par le syndicat proviennent du prix de l'eau ?
M. Michel Raffray. - C'est exact. Il est possible de faire figurer dans nos factures d'eau le montant relatif permettant la reconquête de la qualité de l'eau. Une ligne est dédiée à cette action.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous avez mis les moyens en face de cette ambition qui est la reconquête de la qualité de l'eau.
Monsieur Patrick Barraux, une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. Le scandale Nestlé Waters est-il arrivé jusqu'à vous ? Avez-vous constaté un effet sur les ventes des bouteilles de la source Plancoët ? Un tel discrédit concernant un industriel, peut-il impacter les autres ? Autrement dit, dans les dernières années, voire les derniers mois, avez-vous l'impression que le minéralier que vous connaissez le mieux, celui de Plancoët, avec cette eau mystérieuse et légendaire, se porte bien ?
M. Patrick Barraux. - Toute publicité défavorable concernant une eau minérale n'est jamais bonne. Toutefois, nous n'avons rien à voir avec tout cela. Les consommateurs connaissent bien la qualité de notre eau minérale. Nous n'avons pas été impactés. Je n'ai observé aucune baisse de production ou de commercialisation.
M. Laurent Burgoa, président. - Si vous avez terminé, Monsieur le rapporteur, M. Hervé Gillé souhaite poser une question.
M. Hervé Gillé. - Bonsoir à tous. Quelques questions complémentaires qui s'adressent à vous quatre. Tout d'abord, on s'interroge souvent sur votre relation avec les agriculteurs. J'ai noté avec beaucoup d'attention dans vos réponses, l'intervention de ce groupement paritaire et l'instauration du dialogue que vous avez pu établir avec eux.
Une question corollaire est de savoir si les services environnementaux existent et si oui, comment ils sont financés. Dans un espace préservé, on peut avoir des exigences particulières concernant les agriculteurs, ce qui diminue leur rentabilité dans le cadre de leur modèle économique. Cela peut donner lieu à une légitime compensation par le biais des services environnementaux. Sont-ils mobilisés dans ce cas de figure ?
Les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) sont financées en partie par les agences de l'eau, ce qui pose un problème budgétaire, notamment pour l'agence de l'eau Loire-Bretagne, si mes souvenirs sont bons. Pouvez-vous donc m'éclairer sur les dispositifs particuliers mis en oeuvre ?
Vous avez mentionné que l'eau finance l'eau, en termes de programmes et de plans d'action. Pouvez-vous nous donner des précisions sur le prix de du mètre cube de l'eau assainie dans votre territoire ? Ce prix, selon qu'il est de 3,50 euros ou 6 euros, doit permettre, en effet, de dégager des marges financières pour intervenir.
Vous avez évoqué une durée d'une quarantaine d'années pour que la goutte d'eau tombée du ciel atteigne la nappe. Cela signifie que la pollution datant de 40 ans va bientôt contaminer la nappe. Or cette pollution présente ce qu'on appelle une rémanence. Le principe de la filtration par les sols permet-il que ceux-ci filtrent toutes les molécules ? En d'autres termes, il y a sans doute des pollutions à venir de la nappe. Quel est l'état de vos connaissances sur cette éventuelle pollution, sachant que, j'en terminerai là, que nous sommes confrontés au défi de devoir élargir le spectre des observations moléculaires ?
Cette question s'adresse peut-être plus à la DDTM, en lien avec l'ARS, qui dispose d'observations particulières au niveau des spectres. Doit-on s'attendre à des problèmes liés aux per- et polyfluoroalkylées (PFAS) dès maintenant ou à moyen terme, sachant que les produits ont des rémanences différentes. Ce problème question constitue une préoccupation particulière qui peut malheureusement concerner la fameuse nappe miraculeuse, demain ou après-demain.
Patrick Barraux. - Je vais répondre en ce qui concerne la source de Plancoët. L'eau met effectivement, entre 20 et 40 ans, pour s'infiltrer, descendre dans la roche, et se minéraliser. Puis elle est captée dans ce granit à 120 mètres de profondeur. Rappelons que le périmètre de protection ainsi que les premiers rachats des terrains autour et sur les impluviums ont été réalisés il y a plus de 40 ans. S'il y avait eu une pollution passée, elle serait déjà présente dans la nappe. Or, nous opérons sous contrôle de l'ARS.
M. Hervé Gillé. - Malheureusement, il y a aussi une contamination par l'air, par exemple les PFAS.
M. Michel Raffray. - Vous évoquiez le prix de l'eau. Il n'y a pas un prix de l'eau départemental. Il est déterminé par chacune des collectivités en fonction de son coût de revient. En Bretagne, l'eau est une des plus chères du territoire pour un certain nombre de raisons. La première est que nous n'avons pas la chance d'être au pied d'une montagne. L'eau n'arrive donc pas gravitairement à l'usine de traitement et n'est pas distribuée gravitairement dans les châteaux d'eau avoisinant la population. Une distribution gravitaire permet de réaliser des économies substantielles notamment en termes d'électricité, ce qui n'est pas notre cas puisque nous devons amener l'eau à l'usine. Puis nous fournissons l'énergie nécessaire pour la transporter de l'usine au haut du château d'eau. Nous alimentons donc ainsi en énergie notre usine et les 55 châteaux d'eau. L'eau est ensuite distribuée gravitairement chez les utilisateurs. Ce qui signifie que ces derniers ont de l'eau, même en cas de coupure d'énergie, compte tenu de notre système de production électrique autonome. Cela explique en partie le prix de l'eau important.
La deuxième raison du niveau du prix de l'eau est relative à son origine : l'eau de surface. Celle-ci est plus difficile à traiter parce qu'elle se contamine plus que les eaux souterraines qui bénéficient d'une filtration naturelle par les sols. Elle requiert un coût de traitement plus important.
Pour répondre enfin à votre question, le prix moyen de l'eau traitée est entre 5 euros et 5,50 euros. L'eau seule, sans traitement, pour les personnes qui disposent d'un dispositif d'assainissement non collectif (ANC) s'établit entre 2,50 euros et 2,70 euros.
Vous avez évoqué les aides et les accompagnements des agriculteurs. Nous travaillons avec les agriculteurs. Cela fait 30 ans que dans le cadre de notre commission paritaire, nous échangeons avec eux. Nous leur fournissons des informations sur les problématiques de l'eau et les contaminations par sous-bassin versant. Nous collaborons ensemble pour améliorer les pratiques sur chaque sous-bassin versant, en engageant des actions sectorielles. L'accompagnement des agriculteurs se fait dans le cadre d'une compréhension globale, même si certains peuvent faire la sourde oreille.
S'agissant des MAEC, elles sont mises en oeuvre. Nous ne les finançons pas. C'est un financement de l'extérieur. Nous sommes en train d'étudier la possibilité de mettre en place des paiements pour services environnementaux (PSE), sous forme de participation spécifique environnementale et d'accompagnement sur des pratiques associées à un dédommagement en raison de la diminution des rendements générés par les modifications de travail. Nous en sommes à la phase d'études de faisabilité. Notre bassin versant couvrant 40 000 hectares, un tel dispositif tend à générer des coûts significatifs. Nous ne pouvons entreprendre une telle démarche sans en évaluer toutes les conséquences financières.
Nous espérons, trouver des solutions aux problèmes financiers du monde agricole. Nous sommes conscients que si nous imposons des modifications et des limitations de certaines pratiques, nous devons tenter de les compenser pour que les activités des agriculteurs ne soient pas pénalisées économiquement. Nous menons ces travaux en partenariat avec l'agence de l'eau. Nous échangeons. Nous examinons les dispositifs d'autres territoires, tels que Saint-Malo, qui a mis en place des PSE. C'est un petit territoire accueillant beaucoup de maraîchage, activité à valeur ajoutée importante. Cette ville a réussi à accompagner, améliorer et avoir des résultats significatifs avec cette méthode d'accompagnement financière.
M. Benoît Dufumier. - Monsieur le Président, Monsieur le Sénateur, en complément de réponse, le droit commun des mesures agroenvironnementales et climatiques, les MAEC, représentent sur l'ensemble du département 13 millions d'euros que l'État verse annuellement sous forme d'aides aux agriculteurs qui transforment leur système d'exploitation en modalités plus vertueuses.
En outre, le plan d'action régional Nitrate dans sa version numéro 7 modifiée est actuellement en vigueur. Il est accompagné de réflexions importantes au niveau régional sur une simplification et une meilleure opérationnalité de ce document.
Enfin, en termes de suivi et d'amélioration de la qualité de l'eau au niveau départemental, il convient d'évoquer le sujet de l'assainissement et donc des stations d'épuration. Depuis 2021, l'État, en la personne du Préfet à l'époque, a mis en place un dispositif d'autorisation d'urbaniser de nouveaux terrains sous condition de la mise en oeuvre d'un assainissement conforme.
M. Laurent Burgoa, président. - Ce dispositif est en dehors du champ du Zéro Artificialisation nette (ZAN) ?
M. Benoît Dufumier. - C'est exact, il est en dehors du ZAN. Ce dispositif d'autorisation est efficace puisque, nous avons obtenu plus de 90 millions d'euros ces cinq dernières années, financés par l'Agence de l'eau, dédiés à l'amélioration de la conformité des systèmes d'assainissement dans le département, ce qui est considérable.
M. Laurent Burgoa, président. - Je laisse avec plaisir la parole à notre collègue, Marie-Lise Housseau.
Mme Marie-Lise Housseau. - Monsieur le maire, vous nous avez dit que le groupe familial Ogeu avait racheté la source Plancoët. Il s'appuie sur les marques régionales et met en exergue, dans sa communication, ses préoccupations en matière de développement économique et de protection de l'environnement.
Quelles en sont les traductions au quotidien ? Avez-vous des relations constantes avec ce groupe ? Êtes-vous associé ou au moins informé des évolutions du groupe ? Quelle est la nature de sa relation avec l'ARS, la structure qui le contrôle ?
M. Patrick Barraux. - Je connais effectivement la famille du groupe Ogeu. En revanche, je ne me préoccupe que de la source de Plancoët. J'entretiens de très bons rapports avec la direction qui n'appartient pas à la famille. La source est régulièrement contrôlée par l'ARS. Je sais à peu près tout ce qui s'y passe pour avoir fait visiter un nombre incalculable de fois la source aux personnes qui voulaient voir l'usine d'embouteillage. Je ne sais quoi vous dire de plus.
En termes de qualité, Plancoët est irréprochable, comme en témoignent tous les contrôles possibles et inimaginables. Cette eau minérale a apporté à la ville une notoriété exceptionnelle. Le Plancoët est la petite ville bretonne la plus connue dans le Grand Ouest grâce à son eau minérale.
M. Laurent Burgoa, président. - Pour compléter la question de ma collègue, quelle est la régularité de vos contacts avec la direction ? Vous fait-elle part des problèmes auxquelles elle est confrontée ? La rencontrez-vous alors ? De quelle nature sont vos entretiens ? Portent-ils sur la production, la qualité de la nappe, etc. ?
La question est pertinente. Elle permet d'évaluer les relations entre communes et exploitants qui peuvent varier d'un territoire à un autre, ainsi que témoignent les différents acteurs auditionnés dans le cadre de cette commission. Il est donc intéressant d'avoir votre point de vue en tant que maire très dynamique de Plancoët.
M. Patrick Barraux. - Je vois des représentants de la direction au minimum une fois par mois.
M. Laurent Burgoa, président. - Combien d'habitants sont recensés à Plancoët ?
M. Patrick Barraux. - Trois mille. C'est une petite ville. Tout le monde se connaît.
M. Laurent Burgoa, président. - Il n'y a pas de petites villes, uniquement des communes.
M. Patrick Barraux. - Je connais bien la direction actuelle. J'ai des relations régulières avec eux. En outre, un des cadres de l'entreprise à la production est membre du conseil municipal. Il me représente également au sein du parc naturel régional. Il a plutôt une vision politique écologiste, c'est pourquoi je l'ai intégré dans mon équipe. Cela se passe très bien.
M. Hervé Gillé. - Permettez-moi de poser une question complémentaire par rapport à votre plan d'action, dans le cadre du SAGE et de la Commission locale de l'eau. Certains programmes d'action y sont intégrés dans une démarche de planification. La gestion stratégique du pluvial qui représente pour vous un enjeu très important est-elle est intégrée dans les documents d'urbanisme tels que les plans locaux d'urbanisme (PLU) ou plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) ?
M. Benoît Dufumier. - Les PLU et PLUi relèvent de la compétence du maire ou du président d'EPCI, pour lesquels l'État apporte des données et rend bien évidemment un avis, préalablement à la consultation du public et au contrôle de l'égalité. Rien dans les textes aujourd'hui n'impose une gestion de l'eau pluviale de proximité à la parcelle.
Ceci étant dit, plusieurs documents d'urbanisme prennent très clairement cette orientation. L'agglomération de Saint-Brieuc et d'autres PLUi des Côtes-d'Armor en sont de très bons exemples. Par ailleurs, la DTTM a tout récemment organisé à l'attention des collectivités, des élus et de leurs services, un séminaire sur la gestion intégrée des eaux pluviales dans le tissu urbain, de manière à favoriser ce type de démarche. Au fur et à mesure des rythmes de révision, plusieurs documents d'urbanisme intègrent la gestion des eaux pluviales.
M. Jean-Pierre Omnès. - Je souscris pleinement aux propos de Monsieur Benoît Dufumier. Une prise de conscience importante concernant le bocage et l'infiltration des eaux s'ancre chez les collectivités territoriales. Je prendrai comme exemple ma commune dont je suis maire depuis 2014. Nous sommes en train de réaliser une mise en séparatif d'un lotissement à l'origine sans réseau d'eau pluviale, en diminuant les eaux dans les tuyaux tout en ayant des tranchées drainantes et des espaces d'infiltration. Nos actions tendent donc à favoriser l'infiltration. Par ailleurs, l'Agence de l'eau encourage de tels projets.
M. Laurent Burgoa, président. - Chers collègues, pas d'autres questions ? je tiens à tous vous remercier très sincèrement. Nous retiendrons, Monsieur le maire, que « votre eau n'est pas bénite, mais elle est au moins miraculeuse » et sera peut-être une source d'inspiration dans le cadre des propositions que le rapporteur et la commission formuleront, en tenant compte de vos expériences respectives.
Je donne rendez-vous à mes collègues demain, à 13 h 30. Nos auditions seront spécifiques puisque nous entendrons l'ancienne directrice générale de l'ARS Grand Est ainsi que des représentants des Vosges. Jeudi, nous serons plutôt gardois avec l'audition de l'ARS et du préfet du Gard.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 05.
Mercredi 5 février 2025
- Présidence de M. Laurent Burgoa, président -
La réunion est ouverte à 13 h 30.
Audition de Mme Virginie Cayré, inspectrice générale des affaires sociales, ancienne directrice générale de l'agence régionale de santé du Grand Est (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 15 h 00.
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l'agence régionale de santé du Grand Est (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Audition de Mme Valérie Michel-Moreaux, préfète des Vosges (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 30.
Jeudi 6 février 2025
- Présidence de M. Laurent Burgoa, président -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Audition de M. Didier Jaffre, directeur de l'agence régionale de santé Occitanie
M. Laurent Burgoa. président. - Mes chers collègues, nous poursuivons les travaux de notre commission d'enquête avec l'audition de M. Didier Jaffre, directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Occitanie depuis avril 2022, de M. Julien Kramarz, son directeur de cabinet et de M. Philippe Merrichelli, directeur des usagers de l'ARS Occitanie.
Je rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Didier Jaffre, M. Julien Kramarz et M. Philippe Merrichelli prêtent serment.
M. Laurent Burgoa, président. - Je dois par ailleurs vous demander si vous avez d'éventuels liens d'intérêts par rapport à l'objet de notre commission d'enquête.
M. Didier Jaffre, directeur de l'agence régionale de santé Occitanie. - Je n'ai aucun lien d'intérêts à déclarer.
M. Julien Kramarz, directeur de cabinet du directeur de l'agence régionale de santé Occitanie. - Je n'ai pas de lien d'intérêts à déclarer.
M. Philippe Merrichelli, directeur des droits des usagers, des affaires juridiques et de l'inspection régionale en santé de l'agence régionale de santé Occitanie. - Je n'ai pas de lien d'intérêts en rapport avec l'objet de vos travaux.
M. Laurent Burgoa, président. - Le 20 novembre dernier, le Sénat a constitué une commission d'enquête sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille.
Au début de l'année 2024, plusieurs médias ont révélé les pratiques illégales de certaines entreprises du secteur des eaux embouteillées, en particulier le recours à des traitements interdits sur des eaux minérales naturelles et de source.
Notre commission d'enquête vise à faire la lumière sur ce dossier, sous réserve des éventuelles procédures judiciaires en cours.
Cette audition porte sur les contrôles des exploitations d'eaux minérales naturelles à l'échelle locale. Les ARS sont en effet chargées du contrôle sanitaire des eaux conditionnées, qui inclut la vérification de la qualité des eaux, l'inspection des installations et le contrôle des mesures de surveillance mises en oeuvre par l'exploitant.
En tant que directeur général de l'ARS Occitanie, vous opérez dans une région où l'activité des embouteilleurs est importante pour l'économie locale, monsieur Jaffre. De nombreuses exploitations se trouvent en Occitanie : pour n'en citer que quelques-unes : Perrier, La Salvetat, Mont-Roucous ou encore Quézac.
Quel a été le rôle de l'ARS Occitanie dans la crise des eaux minérales de Nestlé Waters dans le Gard ?
Quelles ont été ses interactions avec les autres services de l'État, au niveau central, avec la direction générale de la santé et, au niveau local, avec le préfet du Gard ?
Quelle est la situation actuelle sur le site Perrier en termes de risques sanitaires ?
Plus globalement, comment l'ARS a-t-elle exercé son rôle de contrôle sanitaire des eaux embouteillées sur le site, mais aussi sur les autres sites de la région ?
Quelles leçons tirez-vous de cette crise qui entame la confiance des consommateurs dans un secteur auquel nous tenons tous ?
Tels sont quelques-uns des thèmes sur lesquels notre rapporteur va vous interroger.
M. Didier Jaffre. - En tant que directeur général de l'agence régionale de santé d'Occitanie, mon rôle consiste avant tout à garantir, sous l'autorité des préfets de département et dans le cadre des protocoles qui ont été établis en 2010, lors de la création des agences régionales de santé, l'application des réglementations relatives à la qualité des eaux conditionnées et de fournir des analyses rigoureuses permettant une prise de décision éclairée par les préfets. Pour ce qui est de l'eau, la qualité et la sécurité sanitaire sont le seul prisme qui guide mon action.
Permettez-moi de me présenter brièvement. Économiste de la santé de formation, j'ai consacré l'essentiel de ma carrière à l'organisation des soins et de l'autonomie au sein des agences régionales de l'hospitalisation, puis des agences régionales de santé, dans différentes régions. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, j'ai été nommé en avril 2022 à la tête de l'ARS Occitanie. Avant cette prise de fonction, je n'avais jamais eu à traiter, directement ou indirectement, de problématiques liées à l'eau.
Mon directeur de cabinet, qui sera présent demain lors de votre visite de l'usine Perrier dans le Gard, et le directeur des droits des usagers et des affaires juridiques, qui m'accompagnent aujourd'hui, pourront répondre plus précisément à certaines de vos questions. Votre délégation rencontrera demain l'ensemble de mes équipes et des ingénieurs sanitaires qui sont en charge de ce dossier, qui pourront vous apporter toutes les réponses techniques que n'étant moi-même pas expert, je ne pourrai pas vous apporter.
L'ARS Occitanie compte plus de 760 collaborateurs, répartis entre notre siège à Montpellier et nos treize directions départementales. Nos missions recouvrent un large spectre de questions de santé publique. La qualité des eaux en fait partie, mais elle ne constitue qu'une infime partie de nos attributions.
Nous exerçons cette mission avec rigueur pour le compte des préfets, dans le cadre des protocoles départementaux signés avec ces derniers. Ce sont donc les préfets qui, in fine, prennent les décisions en matière de gestion des risques et d'autorisations concernant l'eau, l'agence n'assurant qu'un rôle d'expert technique et de contrôle, par délégation des préfets.
Les services chargés des questions de santé environnementale de l'ARS Occitanie comptent environ 110 collaborateurs. Le contrôle sanitaire des eaux est assuré au niveau régional - ce qui est une particularité de notre agence - par une cellule mutualisée « eaux » qui comprend 9 équivalents temps plein (ETP), avec l'appui de collaborateurs, à raison d'environ 7 équivalents temps plein, au sein des différentes directions départementales. En tout, 16 équivalents en plein travaillent sur le sujet, non pas seulement des eaux conditionnées, mais de l'eau en général.
Entre 2022 et 2024, nous avons renforcé les effectifs de cette cellule mutualisée eau, qui sont passés de 7 à 9 ETP, soit près de 30 %, de manière à assurer une homogénéité d'application de la réglementation sur l'ensemble de la région. Vous rencontrerez demain le responsable de cette cellule et son adjoint, qui ont tous deux fait partie de la mission d'inspection sur le site Perrier.
En Occitanie, l'eau est une ressource précieuse. Notre région compte 3 bassins hydrographiques, 28 stations thermales et 43 sites de baignade naturelle. Nous effectuons plus de 43 000 prélèvements chaque année sur plus de 600 paramètres qui couvrent 5 254 puits de captage et 3 849 stations de traitement. Ces chiffres sont à mettre en regard des effectifs dont l'agence dispose pour assurer l'ensemble de ces contrôles.
Comme vous le savez, on distingue trois catégories d'eaux conditionnées : les eaux minérales naturelles, dont Perrier est un exemple emblématique, qui doivent être naturellement pures et ne subir que des traitements très limités, définis par la loi ; les eaux de source, qui sont soumises, elles aussi, à des critères réglementaires, mais légèrement différents de l'eau minérale naturelle ; et enfin les eaux rendues potables par traitement, qui subissent des procédés de purification. Ce sont les mêmes équipes qui effectuent les contrôles de ces trois catégories d'eau.
L'Occitanie compte 12 établissements de conditionnement, 10 sites de production, 9 exploitants, ainsi que 3 sites de production d'eau rendue potable et 8 buvettes publiques. En 2024, le taux de conformité des 620 prélèvements que nous avons réalisés sur les eaux conditionnées s'est établi à 98,8 %. Nous menons par ailleurs entre une et trois inspections de site par an. Entre 2022 et 2024, les six inspections que nous avons menées nous ont permis de contrôler 50 % des sites en trois ans, notre objectif étant que l'ensemble des sites aient été contrôlés d'ici à 2026.
Ces inspections associent systématiquement les services de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) ou, selon l'organisation retenue, de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets). En l'occurrence, dans le Gard, il s'agit de la DDPP.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le président, le code de la santé précise que la surveillance de la qualité des eaux incombe à l'exploitant. Le programme d'analyse de surveillance de l'eau minérale naturelle est défini par l'exploitant en fonction des dangers qu'il identifie et de son volume de production, plusieurs catégories étant définies par arrêté. Du fait de son volume de production, Perrier est dans la catégorie la plus haute.
L'ARS est pour sa part chargée du contrôle sanitaire, qui s'effectue de différentes manières. Dans le cadre d'un marché public de quatre ans renouvelé en 2024 - je pourrai en préciser les lots si vous le souhaitez -, nous confions au laboratoire Eurofins un programme de prélèvements qui emporte entre 51 et 123 visites par an - 51 en 2017 et 123 en 2024. Nous effectuons par ailleurs des visites sur site régulières, au moins une par an dans le cadre du récolement, mais également dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation. Nous réalisons enfin des inspections sur site.
J'en viens à Perrier. La marque est née en 1863 et a été rachetée par le groupe Nestlé Waters en 1991. La production repose actuellement sur 7 forages, dont 5 sont dédiés aux eaux minérales naturelles et 2 à l'eau de boisson. Une filière spécifique produit en vue de l'exportation d'eau embouteillée vers les États-Unis, où certains traitements interdits en Europe sont autorisés. Sur un même site, il est important d'avoir en tête que la production peut donc être encadrée par différentes réglementations.
Au cours des dernières années, des épisodes de dépassement des valeurs limites réglementaires sur les paramètres bactériologiques ont été constatés. La plupart sont liés à des épisodes cévenols, ces phénomènes orageux et pluvieux intenses qui touchent l'Occitanie, en particulier le département du Gard qui est le plus touché. Les sources Perrier se situent dans une plaine, au pied des Cévennes, si bien que chaque fort événement pluvieux a des effets sur la nappe Perrier. La localisation de la nappe est très importante pour comprendre le sujet. Du fait de ces anomalies, le site concerné fait l'objet d'une surveillance renforcée, imposant des analyses supplémentaires et des restrictions strictes sur l'exploitation de certains forages.
Depuis l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) du 2 novembre 2023, le site Vergèze fait également l'objet d'une surveillance renforcée. Le site Perrier est aujourd'hui le seul faisant l'objet d'un tel niveau de surveillance renforcé en Occitanie, les autres l'étant beaucoup moins.
En cas de doute, même minime, de sécurité sanitaire sur l'eau produite, nous recommandons systématiquement au préfet, dont je rappelle qu'il est décisionnaire, de demander à l'exploitant la destruction des lots concernés, de manière à ne mettre aucun consommateur en danger.
Lors d'une réunion organisée le 3 novembre 2022 entre l'ARS et le groupe Nestlé Waters, à la demande de la directrice de cabinet de la ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, le minéralier nous a informés que dans sa réponse à la mission de contrôle menée par l'inspection générale des affaires sociales (Igas), il avait signalé l'utilisation de traitements interdits et proposé un plan de transformation prévoyant le retrait progressif de ces traitements. Il est important de noter que c'est donc Nestlé Waters qui nous a présenté ces faits en toute transparence. L'ARS Occitanie n'avait pas été destinataire du rapport de l'Igas et n'avait nullement connaissance de l'utilisation de tels traitements sur les eaux de Perrier avant le 3 novembre 2022.
Le 29 novembre 2022, je me suis rendu avec mes équipes sur le site, où l'exploitant m'a montré les dispositifs de traitement utilisés et la façon dont ils étaient dissimulés derrière une armoire métallique, apparemment fixe. Je tiens à votre disposition les photos prises lors de cette visite. Vous constaterez par vous-même qu'il était impossible de savoir que des dispositifs des traitements étaient dissimulés derrière cette armoire. Le recours à ces traitements permettait certes d'améliorer la sécurité sanitaire de l'eau conditionnée, mais il était illégal.
Après cette visite, j'ai immédiatement alerté la préfète du Gard et demandé à connaître le positionnement national, à la fois sur les traitements au charbon actif et aux ultraviolets (UV) et sur la microfiltration à 0,2 micron utilisée dans le cadre de la production de Perrier. Conformément aux directives du bleu de Matignon du 23 février 2023 et dans l'attente de nouvelles instructions, nous avons ensuite concentré notre action sur l'accompagnement du plan de transformation prévoyant le retrait des traitements interdits.
Dans la mesure où les faits étaient déjà connus de l'administration centrale et de l'inspection générale des affaires sociales et dans la mesure où Nestlé Waters nous avait informés de lui-même de manière tout à fait transparente, notamment de son plan de transformation, et n'ayant reçu aucune instruction du niveau national, avec la préfète du Gard, nous n'avons pas jugé nécessaire de procéder à un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.
Le 30 mai 2024, un nouvel épisode de contamination ayant été porté à notre connaissance, nous avons mené, à la demande du préfet, une inspection conjointe avec les équipes de la direction départementale de la protection des populations du Gard. Après une période de procédure contradictoire avec le groupe Nestlé Waters, les conclusions de cette inspection ont été transmises au préfet le 16 décembre 2024. Les conclusions de ce rapport nous ont conduits, le préfet et moi-même, à interroger, dans un courrier de janvier 2025, le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins sur l'utilisation de la microfiltration à 0,2 micron. Je signale du reste qu'un site de production d'Occitanie, qui utilise la microfiltration à un seuil inférieur à 0,8 micron depuis 2005, y est autorisé par arrêté préfectoral depuis 2019.
Le dossier Perrier illustre à mes yeux la complexité de la régulation des eaux conditionnées. J'estime que la question est de savoir si les traitements utilisés pour éliminer les facteurs polluants extérieurs, qu'il s'agisse de traitements interdits par la réglementation européenne - mais pas par la règlementation américaine - ou de la microfiltration, remettent réellement en cause la pureté originelle de l'eau minérale Perrier.
L'ARS Occitanie a retracé la chronologie de l'ensemble des faits depuis janvier 2016 afin d'avoir un suivi le plus précis et le plus documenté possible. Nous vous transmettrons bien entendu cette chronologie.
Du directeur général jusqu'aux équipes, l'engagement de l'agence est sans équivoque de garantir que chaque bouteille d'eau mise sur le marché, de Perrier ou de toute autre marque produite en Occitanie, respecte les normes sanitaires les plus strictes. Comme je l'ai indiqué en introduction, mon seul objectif est la sécurité sanitaire de l'eau qui est vendue. Nous avons appliqué avec rigueur toutes les procédures réglementaires, et vous pourrez constater que nous avons assuré un suivi précis de l'évolution de la situation. En réponse à votre questionnaire, nous remettrons à votre commission l'ensemble des fiches techniques qui ont permis de préparer cette audition. Je crois que celles-ci attestent le travail sérieux et transparent mené dans un contexte de pression extrême par mes équipes, en lesquelles j'ai toute confiance.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je vous remercie de votre présence ce matin.
Pouvez-vous confirmer que l'ARS Occitanie n'a eu aucune information sur ces traitements illégaux avant le 3 novembre 2022 ?
M. Didier Jaffre. - Je le confirme.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous paraît-il normal que vous n'ayez eu connaissance des faits qu'un an et demi après l'administration centrale ?
M. Didier Jaffre. - Je ne sais pas si c'est normal ou non. Il reste que nous n'avons pas eu cette information avant le 3 novembre 2022.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Dans un mail du 7 avril 2023 à Isabelle Epaillard, directrice de cabinet d'Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, vous indiquez : « [...] si à la fin de leur plan de transformation [les sites de Nestlé dans le Gard] seront conformes à la réglementation et au bleu, il n'en est rien pour la phase intermédiaire. En effet [...], pendant cette période transitoire de réalisation des travaux du plan de transformation qui va durer entre 12 et 18 mois, Nestlé n'envisage en aucun cas de retirer les traitements par charbon actif et par UV. Ceci est d'ailleurs rappelé dans leur plan de transformation de septembre. Dès lors Nestlé n'est pas en conformité avec la réglementation européenne et ne peut pas vendre une eau dite minérale naturelle, à l'exception des États-Unis [...]. Nous avons clairement indiqué à Nestlé que cette situation ne pouvait pas perdurer pendant la période intermédiaire et qu'ils devaient prendre une décision pour être conformes à la réglementation européenne ».
Avez-vous autorisé le maintien du recours aux traitements interdits durant la période transitoire ?
M. Didier Jaffre. - Ces traitements étant interdits, ils n'ont pas fait l'objet d'un acte d'autorisation en bonne et due forme. En revanche, Perrier a continué d'utiliser ces traitements jusqu'à leur retrait définitif.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - En avez-vous informé le préfet ?
M. Didier Jaffre. - J'en ai informé la préfète.
M. Laurent Burgoa, président. - Il y a eu un changement de préfet le 21 août 2023.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je vous remercie, monsieur le président !
Vous savez alors que ces traitements interdits peuvent appeler le déclassement des eaux ou l'arrêt de la production. Pourquoi ne prenez-vous aucune décision ?
M. Didier Jaffre. - Dans le mail que vous avez cité, la préfète et moi-même demandons des instructions au cabinet de la ministre. Dans le bleu du 23 février 2023, il est indiqué que nous devons nous assurer de l'arrêt de ces traitements et veiller à la mise en oeuvre du plan de transformation. Il est également précisé que la microfiltration est autorisée.
Dès le mois de mars, avec la préfète, nous demandons donc l'arrêt des traitements. Nestlé nous dit d'abord que ce n'est pas possible compte tenu de l'organisation des installations, puis dans un deuxième temps, que l'arrêt prendra un peu de temps. Après plusieurs réunions techniques, les traitements sont finalement arrêtés en août 2023.
Quant à la microfiltration, le bleu indiquant qu'elle est autorisée, nous n'en avons pas demandé l'arrêt au groupe Nestlé.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous êtes en charge du respect de la réglementation. Selon la théorie des baïonnettes intelligentes, l'obéissance à un ordre illégal est susceptible d'être punie.
Mme Epaillard a-t-elle répondu officiellement à votre mail du 7 avril 2023 ?
M. Didier Jaffre. - Dans sa réponse, elle nous indique qu'il convient d'appliquer le bleu. En revanche, nous n'avons pas eu de réponse sur l'opportunité de déclasser les eaux ou d'en arrêter la production.
Il convient de distinguer trois périodes : la période durant laquelle nous n'avions pas connaissance des faits, c'est-à-dire avant le 3 novembre 2022 ; la période dite intermédiaire, c'est-à-dire entre le moment où nous avons appris les faits et l'arrêt des traitements interdits, et la période qui s'est ouverte après l'arrêt des traitements. Avec la préfète du Gard, notre interrogation portait sur la période intermédiaire. Nous avons donc demandé s'il fallait interdire la production, conformément à la loi, s'il fallait autoriser temporairement le recours à ces traitements ou s'il convenait de faire confiance à Nestlé Waters dans la conduite de son plan de transformation.
M. Alexandre Ouizille. - En l'absence d'instruction, vous avez appliqué l'arbitrage politique de la concertation interministérielle dématérialisée (CID) ?
M. Didier Jaffre. - Tout à fait.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Avez-vous constaté, et si oui, à quel moment, que la microfiltration à 0,2 emportait une modification du microbisme de l'eau ?
M. Didier Jaffre. - Les équipes de l'agence ne sont pas en mesure de répondre à cette question.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous pouvez en saisir le laboratoire.
M. Didier Jaffre. - Au vu des résultats produits par l'exploitant et par le laboratoire agréé, nous avons demandé les avis scientifiques du directeur général de la santé et de l'Anses pour trancher la question de la modification du microbisme. Les réponses indiquent que la microfiltration à 0,8 micron ne modifie pas le microbisme, tandis que la microfiltration à 0,2 le modifie, et qu'au-dessus de 0,45 micron, le microbisme n'est a priori pas modifié.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - En pratique, qu'indiquent les contrôles que vous avez conduits ? Sur les eaux de Perrier, les tests effectués avant et après la microfiltration ont-ils indiqué une modification du microbisme de l'eau ? Si oui, à quelle date avez-vous eu cette information ?
M. Didier Jaffre. - Les contrôles ne se font pas avant et après la microfiltration, mais à la sortie.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Dans le Grand Est, ils sont effectués avant et après la microfiltration.
M. Didier Jaffre. - Je ne veux pas m'engager sur un sujet trop technique, mais il est certain que l'on ne mettrait pas de filtres s'ils ne modifiaient nullement l'eau et ne permettaient pas de filtrer des bactéries. S'agit-il d'une modification de l'eau ? J'estime que cela relève d'un débat technique, mais en tant que consommateur, j'estime qu'une filtration qui permet d'éliminer les bactéries de l'eau ne peut pas altérer sa pureté.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Et pourtant si, par définition !
M. Didier Jaffre. - Les bactéries ne sont pas dans l'eau minérale naturelle de la nappe. Elles y sont apportées par les épisodes cévenols.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - À la suite des épisodes cévenols, les eaux de pluie arrivent par percolation dans la nappe.
M. Julien Kramarz. - La nappe est trop profonde pour que les eaux de pluie y pénètrent. Les bactéries contaminent l'eau lorsqu'elle remonte de la nappe. De ce que j'ai compris, l'eau met une dizaine d'années à atteindre la nappe. Un épisode cévenol ne peut donc pas emporter la contamination de la nappe en deux jours.
M. Didier Jaffre. - Je comprends votre question, car nous nous la sommes posée, mais les bactéries ne sont pas partie prenante de la pureté de l'eau, puisqu'elles n'ont rien à y faire.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - À partir de quelle date avez-vous acquis la conviction que la microfiltration à 0,2 micron modifiait la pureté de l'eau ?
M. Didier Jaffre. - J'estime que l'eau doit être sûre pour les consommateurs et j'estime que la microfiltration garantit la sécurité de l'eau.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous êtes garant d'une réglementation, qui encadre notamment l'appellation d'eau minérale naturelle. Si une eau embouteillée ne respecte pas cette réglementation, il s'agit d'une eau de boisson.
M. Didier Jaffre. - Tout dépend du point de départ que l'on retient. L'eau minérale naturelle n'est jamais contaminée en profondeur. Après les épisodes cévenols, la contamination des eaux est due à un apport extérieur. La microfiltration et les autres traitements permettent d'éliminer ces bactéries, mais il arrive que nous procédions à des destructions de lots, car ces traitements ne suffisent pas toujours. Il reste que ces traitements et ces microfiltrations permettent d'éliminer des virus et des bactéries qui sont nocifs pour la santé des citoyens. Est-ce cela que l'on appelle le microbisme ? Je ne suis pas un expert de l'eau, mais je m'interroge.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Si l'ARS ne peut pas répondre à cette question, nous avons un problème, mais avançons.
Des destructions de lots d'eau de Perrier ont été ordonnées par la préfète en 2022, puis par le préfet en 2024.
M. Didier Jaffre. - À la suite de deux événements cévenols.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Avez-vous eu confirmation que toutes les destructions ont bien eu lieu ?
M. Didier Jaffre. - Nous avons demandé tous les certificats de destruction à l'entreprise. Nous détenons donc la preuve formelle de l'exploitant que les lots ont été détruits.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Nous avons un courriel de vos services demandant que les certificats manquants leur soient transmis.
M. Didier Jaffre. - Nous les avons récupérés depuis.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pour vous assurer de la destruction des lots, effectuez-vous également des contrôles sur place ?
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - En tout état de cause, avez-vous des doutes quant à la destruction effective des lots visés ?
M. Didier Jaffre. - Nous disposons de l'ensemble des certificats, les personnes qui les ont signés attestant sur l'honneur que les lots ont bien été détruits.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Dans un courriel, vous affirmez « d'un point de vue sécurité sanitaire, pour ma part en tant que directeur général de l'ARS, je suis favorable au maintien des traitements de filtration et de désinfection, tout comme la microfiltration. Je suis donc favorable à l'octroi d'une dérogation pour l'année 2023, le temps que les travaux planifiés soient réalisés. Si tel n'était pas le cas nous serions dans l'obligation de stopper l'exploitation ».
Vous n'avez pas obtenu de dérogation formelle, mais vous n'avez pas stoppé la production pour autant.
M. Didier Jaffre. - En l'absence d'instructions, je n'ai pas stoppé la production.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pouvez-vous revenir sur les raisons qui vous ont conduit à ne pas procéder à un signalement au titre de l'article 40, contrairement à l'ARS Grand Est ? Avez-vous été informé de ce signalement par l'ARS Grand Est ?
M. Didier Jaffre. - Les directeurs généraux des ARS se rencontrent toutes les six semaines afin d'échanger sur un certain nombre de dossiers, mais je n'étais pas informé personnellement du signalement effectué par l'ARS Grand Est. Nous vous transmettrons notre fiche d'analyse sur la décision, que nous avons prise avec la préfète du Gard, de ne pas faire de signalement au titre de l'article 40. Nous étions en effet tous deux en compétence liée sur ce sujet.
Nous avons estimé que dans la mesure où Nestlé Waters, de lui-même, nous avait informés des traitements, ainsi que son plan de transformation, et que l'inspection générale des affaires sociales en était également informée, nous devions concentrer notre action sur le retrait de ces traitements, que nous n'avions pas découverts.
La réunion du 3 novembre 2022 avec Nestlé Waters devait porter sur les destructions de lots. Avant cette date, je n'étais pas du tout informé du recours à ces traitements. Lors de ma visite sur place, la direction de l'établissement m'a conduit jusqu'aux dispositifs de traitement interdits.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, nous avons considéré que nous n'avions pas à faire de signalement au titre de l'article 40.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Le fraudeur vous a montré la fraude qu'il était en train de commettre. Or le signalement au titre de l'article 40 n'est pas une faculté, mais une obligation est faite aux fonctionnaires. Que vous a dit le ministère lorsque vous l'avez interrogé sur l'opportunité d'effectuer ce signalement ?
M. Didier Jaffre. - Nous avons effectivement demandé quelle position il convenait de prendre. Nous n'avons eu aucune réponse.
Je répète toutefois que Nestlé Waters a transmis des éléments, non pas à des services techniques de l'administration, mais à des inspecteurs généraux des affaires sociales. Cela n'a rien d'anodin, puisque l'équipe d'inspection du ministère des affaires sociales connaissait l'existence de ces traitements.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Il reste que contrairement au Grand Est, rien ne s'est passé en Occitanie pendant des années. Or je constate que les services se passent le ballon. Nous avons du reste posé la même question à l'Igas. Pourquoi avez-vous méconnu cette obligation de portée générale liée à l'exercice de vos fonctions ?
M. Didier Jaffre. - J'entends vos propos. Je répète qu'avec la préfète du Gard et l'ensemble des collaborateurs, nous n'avons pas jugé utile de faire de signalement au titre de l'article 40. L'ensemble des autorités compétentes étaient au courant, et lorsque j'ai demandé s'il fallait faire ce signalement, personne ne m'a répondu. C'est tout de même curieux.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - La directrice de l'ARS du Grand Est a, pour sa part, jugé utile d'effectuer ce signalement.
Le compte rendu de l'inspection du 30 mai 2024 menée par vos services inclut de nombreuses réserves concernant, par exemple, la transmission systématique des résultats d'analyses non conformes d'autosurveillance. Quelle analyse faites-vous de ces défaillances ?
Par ailleurs, à quel moment un contrôle sanitaire renforcé a-t-il été instauré après l'arrêt des traitements aux UV et au charbon actif ?
M. Didier Jaffre. - Lors des inspections sur site, les inspecteurs ont constaté que les résultats de l'autosurveillance n'étaient pas toujours disponibles en temps et en heure. Nous avons donc demandé que ces informations nous soient systématiquement transmises en temps voulu. Lors de la procédure contradictoire que j'évoquais précédemment, le groupe Nestlé Waters a apporté un certain nombre de réponses.
La surveillance renforcée a été mise en place sur l'initiative de l'ARS Occitanie. En mai 2023, j'ai en effet saisi l'Anses sur les mesures complémentaires qu'il convenait de prendre : l'Anses me répondant qu'il faut mettre en place ce suivi renforcé, nous prenons les dispositions nécessaires.
Dans votre questionnaire écrit, vous m'interrogez sur le délai qui s'écoule entre la réponse de l'Anses, en octobre 2023 et la mise en place de ce plan de surveillance renforcé en 2024. Il nous a fallu revoir un certain nombre de paramètres du marché public qui nous lie au laboratoire avec lequel nous travaillons.
Par ailleurs, le groupe Nestlé Waters a de lui-même mis en place une autosurveillance virologique dès 2022. L'ARS a elle aussi demandé au laboratoire d'effectuer une surveillance virologique. Or les résultats de ces contrôles étant divergents, nous avons saisi le laboratoire pour avoir son avis, dont je suis en attente.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Lorsque de tels écarts sont constatés, vous fondez-vous, par précaution, sur les analyses du laboratoire mandaté par l'agence et ordonnez-vous les destructions de lots qui s'imposent ?
M. Didier Jaffre. - Nous demandons l'arrêt de la production et si l'eau est déjà embouteillée, nous demandons la destruction des lots concernés. Nous le faisons systématiquement, sans nous poser de question.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Non seulement les résultats du laboratoire ne sont pas les mêmes que ceux de l'industriel, mais ce dernier tarde à transmettre les éléments.
M. Didier Jaffre. - Oui, c'est pourquoi nous demandons à l'exploitant de nous transmettre les résultats en temps et en heure, et au laboratoire d'expertiser les divergences dans les résultats des analyses.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Quand le recours aux traitements illégaux a-t-il cessé ?
M. Didier Jaffre. - En août 2023.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Et entre août 2023 et octobre 2023, la surveillance renforcée n'avait pas encore été mise en place ?
M. Didier Jaffre. - Oui, mais le contrôle sanitaire n'a jamais cessé. Les premières analyses effectuées dans le cadre du protocole de surveillance renforcée datent de 2024, je vous préciserai le mois par écrit.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Si je comprends bien, il s'est écoulé un an entre l'arrêt des traitements et la mise en place du protocole préconisé par l'Anses.
M. Didier Jaffre. - Oui, d'abord parce que nous ne l'avions pas, ensuite parce qu'il a fallu adapter notre marché public avec le laboratoire. Ceci étant dit, Nestlé Waters effectuait alors une autosurveillance virologique.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Certes, mais celle-ci est défaillante.
M. Didier Jaffre. - Je n'emploierais pas ce terme. Les résultats sont divergents sur certains points avec les analyses que nous avons commanditées.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - La transmission des résultats de cette autosurveillance aux autorités sanitaires était elle aussi défaillante.
M. Didier Jaffre. - Les résultats n'ont en effet pas été pas transmis dans les temps. Pour autant, je ne dirais pas que l'autosurveillance est défaillante. Il y a une divergence entre les résultats, qu'il nous faut comprendre.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - S'il y a une divergence, c'est sans doute que quelqu'un a mal fait son travail.
M. Didier Jaffre. - Je ne dirais pas ça non plus.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous pensez que c'est qu'une question de méthodologie ?
M. Didier Jaffre. - Très franchement, nous le saurons quand le laboratoire national nous livrera son analyse. Sinon, je ne l'aurais pas saisi. Je l'ai fait parce qu'avec mes équipes, nous n'arrivons pas à l'expliquer. Nous nous en remettons donc aux experts scientifiques.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Les destructions de lots qui ont eu lieu en 2024 étaient-elles liées à des enjeux virologiques ?
M. Didier Jaffre. - Je ne sais plus si c'était bactériologique, virologique ou les deux. Je pourrai vous répondre sur ce point par écrit, car encore une fois, je ne suis pas un scientifique. En tout état de cause, les seuils réglementaires étaient dépassés.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Des sanctions ont-elles été prises du fait du manque de diligence de l'industriel dans la remise de ces analyses ?
M. Didier Jaffre. - Cela peut paraître curieux, mais le code de la santé publique ne prévoit aucune sanction.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Dès l'automne 2023, Nestlé Waters dépose une demande complète de modification de son autorisation d'exploitation sur le site de Perrier. L'instruction de cette demande est-elle terminée ?
M. Didier Jaffre. - Le préfet n'a pas encore pris sa décision.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Et de votre côté, c'est terminé ?
M. Didier Jaffre. - Non. Ce plan de transformation complète est la conséquence du retrait des traitements interdits. Nous avons déjà analysé ce plan de près, mais il nous manque l'avis d'un hydrogéologue, car c'est prévu par la procédure. Or il se trouve que les hydrogéologues étaient en grève au cours des derniers mois et que nous avons eu beaucoup de mal à en trouver un.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Un an et demi de grève ?
M. Didier Jaffre. - Il est de fait très difficile de trouver un hydrogéologue, en particulier en Occitanie. Nous en avons toutefois trouvé un, dont nous attendons l'avis, qui complétera le dossier. Nous pourrons alors le transmettre au préfet du Gard.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Dès février 2024, le compte rendu d'une réunion interne de l'ARS rappelle pourtant la position technique et réglementaire de l'ARS : « au regard des résultats d'analyses sur les 5 forages [...], l'eau ne peut répondre à la définition d'une eau minérale naturelle [...]. Le retrait des dispositifs de traitement, aux robinets de prélèvements, a mis en lumière la présence de contaminations microbiologiques régulières des forages ».
Ces constatations ne devraient-elles pas avoir de répercussions sur les captages qui sont aujourd'hui à l'arrêt ?
M. Didier Jaffre. - Je n'ai pas participé à la réunion technique que vous évoquez. J'estime toutefois que le compte rendu est révélateur du problème : à partir du moment où il n'y a plus de traitement, y compris même peut-être plus de microfiltration, l'eau est extrêmement vulnérable, puisqu'elle peut être contaminée au moindre épisode cévenol. C'est du reste ce que nous indiquons dans le rapport d'inspection à l'exploitant. Cela aura-t-il des répercussions sur les eaux de Perrier ? Les contrôles nous le diront, mais il est indéniable que la situation géographique du site Perrier le rend très vulnérable. Il se trouve en effet à proximité du bassin rhodanien, qui accueille des industries.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Le 8 novembre 2024, vous sollicitez le directeur général de la santé par courrier afin qu'il clarifie la position nationale sur le traitement des eaux minérales et de source par microfiltration. Le 28 novembre, il vous répond que « lorsque des dispositifs de microfiltration avec seuils de coupure inférieurs à 0,45 micron sont utilisés [...], le préfet met en demeure l'exploitant de régulariser ses installations ».
Le 16 décembre, vous transmettez au préfet une note très claire dans laquelle vous écrivez : « je me permets d'attirer votre attention, à nouveau, particulièrement sur l'écart n° 4 qui avait conduit la mission d'inspection à considérer que les traitements de microfiltration à 0,2 micron utilisés sur l'ensemble du réseau de distribution d'eau minérale naturelle Perrier étaient non conformes aux exigences réglementaires. Ces traitements ont pour effet de modifier la composition de l'eau minérale naturelle ». Comment accueillez-vous et comprenez-vous la réponse du préfet, par courrier du 18 décembre 2024, dans laquelle il vous demande de vérifier le fondement juridique d'une telle décision ?
M. Didier Jaffre. - Je lui transmets une note complémentaire qui est à votre disposition. Lors d'une réunion avec Jérôme Bonnet, celui-ci m'indique que ni la réglementation européenne ni la réglementation française ne disent précisément que les filtres ne sont interdits. La réglementation précise seulement que le filtrage ne doit pas modifier le microbisme.
Le directeur général de la santé m'a certes écrit, mais cette lettre n'a force ni de loi ni de réglementation.
J'indique par ailleurs au préfet que, sur un site à Luchon, la microfiltration est autorisée.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - À combien de microns ?
M. Didier Jaffre. -A priori à 0,2.
Mme Antoinette Guhl. - Non !
M. Didier Jaffre. - L'arrêté se contentant de préciser que la microfiltration est autorisée, tous les seuils sont, de fait, autorisés.
Le préfet m'indique donc que si nous demandons à l'exploitant de cesser de pratiquer la microfiltration en nous fondant uniquement sur l'avis du directeur général de la santé, nous nous exposons à un recours que nous perdrions.
Je n'ai donc pas changé d'avis entre mes notes et la lettre que nous cosignons au ministre.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Cette lettre dit pourtant l'inverse de ce que disent vos notes.
M. Didier Jaffre. - Pas du tout. Dans mes notes, j'indique que sur le fondement des avis de l'Anses et du directeur général de la santé, la microfiltration ne devrait pas être pratiquée. Le préfet m'indiquant que ces avis ne sont pas opposables, nous demandons conjointement au ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins de bien vouloir confirmer si oui ou non devons faire cesser les microfiltrations dans le cas, prévu par la loi, où l'exploitant ne serait pas en mesure de nous apporter la preuve que cette microfiltration ne modifie pas le microbisme de l'eau.
Le préfet vient d'ailleurs de demander au groupe Nestlé de lui apporter sous deux mois la preuve scientifique que la microfiltration ne modifie pas le microbiome.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous paraissez accorder bien plus d'importance à la sécurité juridique de votre décision qu'à l'application des conclusions de la CID de 2023, qui autorisait la microfiltration à un seuil bien inférieur au seuil visé dans l'avis de l'Anses en date de 2021. Or à ce moment-là, le préfet n'a pas écrit au ministre.
M. Didier Jaffre. - Vous interrogerez le préfet, mais ne dites pas que j'ai changé de position !
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous posez toutefois de nouveau la question au ministre.
M. Didier Jaffre. - Ce n'est peut-être pas le cas partout, mais je travaille main dans la main avec les préfets de département et nous gérons tous les dossiers ensemble. Le préfet ne remet pas en cause le contenu de ma note, mais il a un doute juridique. N'étant pas moi-même représentant de l'État en tant que directeur général d'ARS, j'accompagne le préfet, qui est le représentant de l'État dans le département.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - En page 5 de votre note, vous indiquez que dans un rapport d'audit sur une directive, la Commission européenne rappelle le caractère non réglementaire de l'utilisation de la microfiltration.
M. Didier Jaffre. - Comme le préfet vous le dira, il considère que le rapport de la Commission européenne n'a pas force de loi.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Non plus que le rapport de la Commission européenne et l'avis de la direction générale de la santé.
Ce courrier du 14 janvier que vous avez cosigné avec M. le préfet a-t-il reçu une réponse ?
M. Didier Jaffre. - À ce stade, nous n'avons pas eu de réponse.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Le préfet a toutefois décidé d'opter pour la solution que vous aviez proposée, en accordant à l'exploitant un délai de 2 mois pour produire des preuves.
M. Didier Jaffre. - Dans la lettre que nous avons cosignée, nous indiquions que sauf avis contraire, nous ferions ainsi.
Le directeur général de la santé, lui, nous a répondu dans un mail qu'il maintenait la position développée dans son courrier du 28 octobre. Je vous transmettrai ce document.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Au regard du critère de pureté originelle, considérez-vous toujours Perrier comme une eau minérale naturelle ?
M. Didier Jaffre. - Il se trouve qu'avant de rejoindre cette commission, nous avons pris un café dans un bar. Mon directeur de cabinet a commandé un Perrier en demandant expressément une eau minérale naturelle. Pour ma part, je commande un Perrier comme je commande un Coca-Cola, sans songer qu'il s'agit d'eau minérale. En revanche, lorsque j'ouvre une bouteille de Perrier fines bulles à table, j'ai conscience que je m'apprête à consommer une eau minérale naturelle.
Nous avons donc étudié l'étiquette de la bouteille de Perrier qui a été servie : en gros, il est indiqué « Source Perrier » - comme je l'indiquais au début de mon propos liminaire, la réglementation qui s'applique aux eaux de source n'est pas la même que la réglementation qui s'applique aux eaux minérales naturelles - et sur les deux côtés, « Eau minérale naturelle ».
Pour vous répondre, je considère que Perrier est toujours une eau minérale naturelle, car il est puisé dans une nappe d'eau minérale naturelle. Il se trouve simplement que cette eau est contaminée par des événements extérieurs que sont les épisodes cévenols, ce qui appelle soit des traitements soit l'arrêt de la production. Les traitements étant interdits, la production est arrêtée.
En tout état de cause, j'estime que l'élimination d'éléments nocifs pour la santé, que ce soit par des traitements ou par la microfiltration, ne remet pas en cause le fait qu'il s'agit d'une eau minérale naturelle.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Une eau qui est traitée est une eau de boisson. Une eau qui n'est pas traitée est une eau minérale naturelle.
M. Didier Jaffre. - Mais d'où vient l'eau, monsieur le rapporteur ?
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Des glaciers, des sources, etc.
M. Didier Jaffre. - Que l'eau soit naturelle ou non, son cycle est toujours le même.
Ma préoccupation n'est pas tant de savoir si une eau est minérale naturelle ou de boisson, mais de garantir aux consommateurs qu'ils peuvent la consommer en toute sécurité.
Par ailleurs, pourquoi les Américains considèrent-ils que le Perrier traité est une eau minérale naturelle ? Les caractéristiques d'une eau minérale naturelles sont-elles définies par la réglementation ou par des critères scientifiques ?
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Votre mission est d'appliquer, non pas seulement les règles sanitaires, mais toute la loi, y compris les règles qui protègent les consommateurs. L'eau en bouteille est 200 fois plus chère que l'eau du robinet. Il convient donc de garantir la naturalité et la minéralité des eaux qui se prévalent de ces qualités.
M. Didier Jaffre. - Je ne suis pas chargé de la consommation. Par ailleurs, rien n'oblige le consommateur à acheter de l'eau en bouteille, alors que l'eau de boisson du robinet, elle, est consommée tous les jours !
Mme Audrey Linkenheld. - En quoi considérez-vous avoir « compétences liées » avec le préfet en ce qui concerne les signalements au titre de l'article 40 ? Vous n'êtes pas sous la tutelle du préfet, n'est-ce pas ? Le droit est dit non pas par le préfet, mais par la loi, charge aux institutions judiciaires de vérifier la conformité au droit. La coopération que vous décrivez entre l'ARS et la préfecture, que pour ma part je trouve positive, ne vous exonère d'aucune responsabilité, puisque l'ARS demeure un établissement public à part entière.
M. Didier Jaffre. - Le préfet et le directeur général de l'ARS sont nommés en Conseil des ministres par le Président de la République sur proposition du Gouvernement. Le préfet représente l'intégralité du Gouvernement. Je dirige pour ma part un opérateur régional de l'État chargé de la santé.
Il n'en reste pas moins qu'à mes yeux, indépendamment des textes qui fixent les champs de compétences de chaque acteur, le seul représentant de l'État dans un département est le préfet. En région Occitanie, je travaille main dans la main avec les 13 préfets, qui sont destinataires de l'ensemble de nos travaux. Le préfet de région est pour sa part le président de mon conseil d'administration.
Nous exerçons du reste la compétence eau par délégation du préfet, dans le cadre d'un protocole national dont toutes les ARS ont signé en 2010 avec les préfets une déclinaison adaptée à chaque département.
Si le terme de compétences liées n'est peut-être pas juridiquement valable, il reste que nous sommes bien liés. Les agences régionales de santé effectuent le contrôle sanitaire de l'eau pour le compte du préfet de département qui, in fine, prend les décisions en matière de gestion des risques et d'autorisation. Le préfet de département prend notamment les arrêtés d'interdiction de la baignade et d'interdiction de vente d'une eau en bouteille, mon rôle étant de lui fournir l'ensemble des éléments pour qu'il puisse prendre sa décision.
Mme Audrey Linkenheld. - Vous avez utilisé le terme de compétences liées non pas en lien avec les autorisations, mais avec le signalement au titre de l'article 40.
M. Didier Jaffre. - J'ai donc évoqué le sujet des traitements interdits en toute transparence avec Mme la préfète de Gard. En l'absence d'instruction au niveau national et considérant que les inspecteurs généraux des affaires sociales disposaient de tous les éléments, ni elle ni moi n'avons jugé utile d'effectuer un signalement au titre de l'article 40. Je rappelle par ailleurs que nous avons eu connaissance du recours à des traitements illégaux non pas par l'Igas ou par le ministère, mais par le groupe Nestlé Waters lui-même.
Je reste convaincu que ce mode de fonctionnement est le bon. Les agents des ARS ne sont pas, selon moi, des agents totalement autonomes et indépendants. Encore une fois, le seul représentant de l'État dans le département est le préfet.
Je rappelle par ailleurs que le rôle de l'administration, avant même la justice, est d'appliquer la loi et la réglementation.
Mme Antoinette Guhl. - Quand j'entends que vous attendez toujours les résultats d'un rapport visant à expliquer les divergences entre les résultats des autocontrôles et de vos propres analyses, les bras m'en tombent ! Ce dossier date tout de même de 2021, et il pourrait être réglé depuis longtemps si vous aviez demandé à Perrier d'arrêter la production le temps d'arrêter les traitements interdits.
Par ailleurs, à ma connaissance, aucun arrêté préfectoral n'autorise la microfiltration à 0,2 micron.
Avez-vous échangé avec votre collègue de l'ARS Grand Est sur l'opportunité d'effectuer un signalement au titre de l'article 40 ? Vous a-t-elle prévenu qu'elle effectuait un tel signalement ?
Lors de votre inspection du mois de mai 2024, les inspecteurs n'ont pas été en mesure de confirmer que la traçabilité des eaux de Perrier était assurée. L'exploitant est-il autorisé à produire de l'eau de boisson et de l'eau minérale naturelle sur la même chaîne de production ? Comment vous assurez-vous que vous contrôlez la bonne eau ? À défaut de traçabilité, la fraude peut perdurer pendant des décennies. Or nous voulons qu'elle cesse.
Enfin, avez-vous reçu des instructions ou eu des échanges avec la présidence de la République ?
M. Didier Jaffre. - Je ne pense pas que l'on puisse dire que nous n'avons rien fait, madame la sénatrice.
Par ailleurs, l'arrêté préfectoral que j'évoquais a été pris par le préfet, non pas du Gard, mais de Haute-Garonne, pour le site de Luchon. Il autorise la microfiltration sans préciser de seuil, ce qui permet donc bien de procéder à des microfiltrations en deçà du seuil de 0,8 micron en toute légalité.
Comme vous pourrez le constater demain, madame la sénatrice, compte tenu de la complexité du processus de production, il n'est pas toujours évident de savoir quel tuyau produit quelle eau. Je ne suis certes pas un expert, mais c'est aussi l'avis de mes équipes, qui en ont fait état par écrit.
Je n'ai enfin jamais été en relation sur ce sujet avec le cabinet de l'Élysée. Je n'ai échangé qu'avec la directrice de cabinet de la ministre chargée de l'organisation territoriale et de l'accès aux soins.
Mme Antoinette Guhl. - Vous n'avez pas répondu à ma question relative à vos échanges avec Mme Virginie Cayré, directrice de l'ARS Grand Est.
M. Didier Jaffre. - Lors des échanges que j'ai eus avec Virginie Cayré, la préfète du Gard et la préfète des Vosges, nous n'avons jamais évoqué expressément, ou alors je ne m'en souviens pas, le signalement au titre de l'article 40 que l'ARS Grand Est allait effectuer. Cela aurait sans doute été de nature à éclairer la position que la préfète du Gard et moi-même avons prise.
Mme Audrey Linkenheld. - Quand cet échange a-t-il eu lieu ?
M. Didier Jaffre. - C'était à l'issue du séminaire des directeurs généraux d'ARS, donc vraisemblablement en novembre 2022, mais je n'ai plus la date exacte en tête.
M. Laurent Burgoa, président. - Je vous remercie, monsieur le directeur général.
M. Didier Jaffre. -Mon directeur de cabinet, le responsable de la cellule mutualisée eau et son adjoint pourront répondre demain de manière sans doute plus précise à un certain nombre de vos questions, car contrairement à moi, ils maîtrisent la technique !
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Audition de M. Jérôme Bonet, préfet du Gard
M. Laurent Burgoa, président. - Nous poursuivons notre série d'auditions avec Monsieur Jérôme Bonet, préfet du Gard depuis août 2023. Avant de vous donner la parole, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure. »
M. Jérôme Bonet prête serment.
M. Laurent Burgoa, président. - Avez-vous des liens d'intérêt avec l'objet de notre commission d'enquête ?
M. Jérôme Bonet, préfet du Gard. - Je n'en ai aucun.
M. Laurent Burgoa, président. - Au début de l'année 2024, plusieurs médias ont révélé les pratiques illégales de certaines entreprises du secteur des eaux embouteillées, en particulier le recours à des traitements interdits sur des eaux minérales naturelles et de source. Notre commission d'enquête vise à faire la lumière sur ce dossier, sous réserve des éventuelles procédures judiciaires en cours.
En tant que préfet du Gard, vous avez suivi, depuis août 2023, la mise en oeuvre du « plan de transformation » de Nestlé Waters consistant au retrait des traitements interdits.
Quel a été le rôle de la préfecture, sous votre autorité, mais aussi sous celle de votre prédécesseur, Marie-Françoise Lecaillon ?
Quelles ont été et sont aujourd'hui vos interactions avec les autres services de l'État concernés au niveau central, avec les cabinets ministériels de l'économie, de l'industrie ou de la santé, ou encore avec la direction générale de la santé ou la direction générale de la consommation de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) et, au niveau local, avec l'ARS ?
Quelle est la situation actuelle sur le site Perrier en termes de risque sanitaire et de prélèvements des eaux ?
Plus globalement, comment le préfet a-t-il exercé son rôle de contrôle des eaux embouteillées sur le site ?
Quelles leçons tirez-vous de cette crise qui entame la confiance des consommateurs pour un secteur auquel nous tenons tous ?
Monsieur Bonet, vous avez la parole pour un propos liminaire.
M. Jérôme Bonet. - Merci Monsieur le Président.
J'irai directement au sujet Perrier pour vous dire ce qu'est ma vision de ce sujet depuis ma prise de fonction le 21 août 2023. Mon premier contact sur le sujet Perrier a eu lieu lors d'un échange téléphonique avec ma prédécesseure le 28 juin 2023. Cet échange n'a pas porté que sur le sujet Perrier, mais sur un ensemble de problématiques du département. Sur le sujet Perrier, ma prédécesseure m'a informé qu'elle avait validé le plan de transformation et lancé les opérations associées.
À ma prise de fonction, j'ai reçu un dossier très fourni qui contenait une note de l'ARS mentionnant le sujet Perrier en 8 lignes. Cette note soulignait l'importance de l'entreprise pour le département. Il y est écrit que Perrier investit massivement dans un plan de transformation, que des anomalies ont été détectées dans les années 2021-2022 et que Perrier fait l'objet d'un suivi attentif de l'ARS. Une phrase mentionne le fait que Perrier a été autorisé à utiliser la microfiltration à 0,2. À ce moment-là, je ne sais pas vraiment de quoi il s'agit.
L'étape suivante est une sollicitation de la part de Nestlé Waters pour faire un point sur le plan de transformation et la délivrance des autorisations liées à la transformation de deux puits. Cette réunion se tient le 11 octobre 2023 en présence de responsables de Nestlé Waters, de Perrier et de représentants des services de l'État compétents en la matière. Ce dossier comprend à la fois le déclassement de deux captages et la modification de l'arrêté d'autorisation historique du mélange d'eau minérale naturelle. Cette réunion aboutit assez classiquement à un calendrier prévisionnel d'instruction du dossier. Elle se clôture sans difficulté.
L'instruction de la demande suit son cours. Le nouveau mix Maison Perrier a été déposé en juillet 2023. Un dossier de nouvelle autorisation sur le mix Perrier, sollicité par ma prédécesseure, est déposé le 13 octobre. C'est sur la base du dossier du 13 octobre qu'est instruite la demande de modification de l'arrêté préfectoral.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Qu'est-ce que le mix ?
M. Jérôme Bonet. - Le principe du mix consiste à obtenir le produit fini à partir de plusieurs sources. À ce moment-là, ces sources étaient au nombre de 7. Deux d'entre elles devenant des eaux de boisson, il faut valider le nouveau mix, avec des attendus qui portent sur le mélange et la notion de pureté originelle de l'eau minérale. La modification ne porte pas sur le circuit de traitement. Ces projets ont reçu un avis favorable du CODERST. Les arrêtés ont été signés le 22 décembre 2023.
Le point suivant est une note datée du 27 février 2024 signée par le Directeur général de l'ARS qui m'est adressée le 20 mars. Je n'ai pas reçu de note datée du 6 février 2024. Cette note du 27 février indique une dégradation plus fréquente de la qualité des eaux brutes depuis le retrait des traitements le 10 août 2023. L'ARS considère cette qualité incompatible avec, à terme, une éventuelle autorisation. Selon l'ARS, il y a un avant et un après retrait des traitements interdits. Par ailleurs, les prélèvements n'ont mis en évidence aucune contamination des produits finis. L'ARS m'informe qu'en l'état, la nouvelle autorisation pour le mélange Perrier ne recevra sans doute pas une suite favorable. Ce constat est assorti de préconisations et d'une proposition de courrier, que je valide 2 jours plus tard. L'ARS préconise, après validation de la Direction générale de la Santé, de poursuivre l'instruction de la demande.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Sommes-nous bien sur la demande de mélange ?
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - L'ARS vous explique-t-elle pourquoi elle ne validerait cette demande de modification ?
M. Jérôme Bonet. - En l'état, la qualité des eaux brutes ne le permettrait pas. Il convient de poursuivre l'instruction, de désigner un hydrogéologue en matière d'hygiène et de renforcer la surveillance des 5 forages. C'est la teneur du courrier que j'adresse le 22 mars à Perrier.
Le 9 juillet, je suis de nouveau saisi par l'ARS sur l'instruction de la nouvelle autorisation. L'ARS estime nécessaire de désigner le laboratoire d'hydrologie de Nancy (ANSES) en raison de différences d'appréciation des résultats entre Eurofins et les laboratoires de Perrier. La saisine du laboratoire de Nancy est faite par l'ARS via la DGS, tandis que les hydrogéologues sont saisis par une réquisition que je signe le 15 juillet.
Je comprends que le 15 mars, une contamination est intervenue sur un puits. Le puits est mis en décharge. Les lots produits sont isolés. Je reçois cette information sur la contamination le 22 mars de la part de l'ARS et de la présidente de Nestlé Waters. Il s'en suit des échanges techniques entre l'ARS et Perrier. Je ne suis pas informé du fond. Le 16 avril, l'ARS me soumet une proposition d'arrêté de fermeture du forage, ainsi qu'un courrier demandant la destruction des lots produits du 10 au 14 mars sur la ligne 34. Plusieurs prescriptions techniques, notamment la mise en place de recherches virologiques, apparaissent dans ce courrier. Le courrier et l'arrêté sont signés le 19 avril.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Sur quoi porte exactement cet arrêté ?
M. Jérôme Bonet. - Il ne concerne que la fermeture du forage.
Le 5 avril 2024, le directeur général de l'ARS me suggère de diligenter une inspection inopinée. Je lui réponds favorablement en soulignant la nécessité d'avoir une posture très ferme. C'est sur cette base que le directeur général de l'ARS me propose la rédaction d'une saisine pour une mission d'inspection. La lettre de mission est signée le 28 mai. L'inspection se déroule le 30 mai. Les objectifs principaux consistent à vérifier la mise en décharge de Romane 8, la destruction des lots de bouteilles, le respect des proportions issues du nouveau mélange, l'étude du process analytique interne, le démantèlement effectif des traitements et la traçabilité des process entre les deux types d'eau.
Une première note d'étape m'est transmise le 17 juin 2024 par l'ARS. Elle relève des points positifs, ainsi qu'un certain nombre de doutes. Le rapport d'inspection est bouclé le 13 août 2024. Je ne valide pas ce rapport. Il est signé des inspecteurs, qui sont souverains dans leurs analyses. Depuis, il n'a pas été modifié. Il s'agit du rapport avant contradictoire. Ce rapport m'est transmis le 6 septembre 2024 en vue de lancer le contradictoire. Il est accompagné d'une note du Directeur général de l'ARS qui m'en fait l'analyse. La mission conclut qu'aucun écart majeur de nature à engendrer un risque pour les consommateurs et justifiant des mesures urgentes n'a été constaté. Des écarts mineurs sont tout de même relevés, notamment sur la microfiltration et le non-respect des critères de pureté originelle. La note de synthèse confirme qu'en l'absence de texte, le retrait de la microfiltration ne peut être ordonné. Il est même écrit que ce retrait ferait peser un risque sanitaire.
J'ai transmis ce rapport à Perrier le 12 septembre 2024 dans le cadre du contradictoire. Les réponses de Perrier sont adressées à l'ARS le 16 octobre 2024.
Bien évidemment, la compétence du préfet se retrouve assez dépendante de la compétence technique de l'ARS. En revanche, c'est bien moi qui ordonne l'inspection. Il est donc normal que les suites et les résultats de l'inspection me soient adressés.
Le rapport m'est soumis le 18 décembre, accompagné d'une note de synthèse, du tableau des écarts et d'une proposition de notification des résultats à Perrier. Deux aspects m'interpellent dans ce rendu définitif. Le premier concerne une phrase des inspecteurs sur le devenir du site. J'interroge l'ARS pour savoir sur quelle base scientifique cette affirmation est fondée. Par ailleurs, il m'est demandé d'ordonner le retrait des microfiltrations à 0,2 sous un mois. En tant que préfet, je dois préserver l'ordre public et la santé des populations. Or je n'ai pas reçu d'alerte sanitaire. Pourtant, l'ARS me demande de prendre une décision qui est un acte faisant grief.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Il se trouve que ce n'est pas dans l'arrêté d'autorisation.
M. Jérôme Bonet. - Tout à fait. S'agissant d'un acte faisant grief, je cherche la base juridique. Quel texte interdit la microfiltration à 0,2 ? C'est le sens du courrier que j'envoie à l'ARS.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Si cela n'apparaît pas dans l'arrêté, au vu du principe de légalité, il y a un problème.
M. Jérôme Bonet. - Cette microfiltration à 0,2 m'est présentée par l'ARS comme étant autorisée.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Jamais l'ARS ne vous dit qu'une question se pose autour de la microfiltration à 0,2 ?
M. Jérôme Bonet. - La question commence à se poser à partir du rendu de la première version du rapport, en 2024. Les interrogations antérieures sont apparues dans la presse, pas dans les rapports que j'ai avec l'ARS. Par ailleurs, les courriers du Directeur général de la Santé qui sont adressés aux deux ARS annoncent une réglementation. Si une réglementation est annoncée, c'est qu'elle n'existe pas. La seule chose que je déduis des textes, à ce moment-là, c'est le fait qu'on ne doit pas porter atteinte au microbisme de l'eau, donc à sa pureté originelle.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Aviez-vous déjà reçu, via l'ARS, l'instruction de la DG Santé sur la microfiltration à 0,2 ?
M. Jérôme Bonet. - Il me semble, sous réserve de vérification, que je reçois cette instruction après mon interrogation de l'ARS. Cela fait partie des références qui me sont envoyées par l'ARS.
M. Laurent Burgoa, président. - Pourrez-vous nous le confirmer par écrit ?
M. Jérôme Bonet. - Bien sûr.
Dans les éléments qui m'ont été fournis, je n'ai trouvé aucune prescription. En revanche, il est toujours fait référence à la notion d'atteinte au microbisme.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Dans l'audit de la commission, le seuil de 0,2 micron est spécifiquement écarté.
M. Jérôme Bonet. - Dans la conclusion du rapport telle que je l'analyse, c'est assorti d'un conditionnel. Dans les conclusions générales du rapport d'audit, il est écrit qu'« en l'absence de règle harmonisée sur l'utilisation de la microfiltration, les autorités compétentes acceptent l'utilisation de la microfiltration à l'aide de filtres dont la taille des ports peut être aussi faible que 0,2 même si, avec des ports aussi fins, on ne peut exclure le risque d'une modification du microbisme de l'eau. »
Encore une fois, je fais une différence importante entre ce qui relève de recommandations et d'avis, et ce qui relève du droit. La seule référence juridique reste celle que la microfiltration ne doit pas porter atteinte au microbisme de l'eau.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - La phrase suivante dit que ce n'est pas conforme à la législation européenne.
M. Jérôme Bonet. - Mon sujet n'est pas de dire que la microfiltration est autorisée. Il n'y a pas, à mon sens, de texte de droit positif. D'ailleurs, la DGS annonce que ce droit positif arrive.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Les arrêtés préfectoraux précisent ce qui est autorisé. La microfiltration fait l'objet d'un dossier en instruction depuis 2023. Le sujet est posé. Vous devez vous prononcer en tenant compte de la législation, alors que des microfiltrations irrégulières sont déjà en place. Vous partez d'une situation d'irrégularité.
M. Jérôme Bonet. - Je pars d'une situation qui est irrégulière au regard des arrêtés préfectoraux. La connaissance que j'en ai est qu'elle a été autorisée, depuis, par un arbitrage issu d'une réunion interministérielle.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous vous référez au bleu.
M. Jérôme Bonet. - Tout le monde s'est référé à ce bleu.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - À ce moment-là, avez-vous d'autres échanges sur le 0,2 ou ne parlez-vous qu'avec votre directeur d'ARS ? Les cabinets vous passent-ils des instructions ?
M. Jérôme Bonet. - Non. J'ai eu un échange avec le directeur de cabinet du ministre de la santé le 15 janvier suite à un courrier que j'ai adressé.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous avez tout de même des éléments de la DGS qui sont redescendus concernant le 0,2, ainsi qu'une instruction de la Commission européenne. Vous ne les appliquez pas.
M. Jérôme Bonet. - Je ne les applique pas pour deux raisons. Mon analyse juridique ne me permet pas de m'adosser à un texte. De plus, j'ai une alerte de l'ARS qui me dit qu'il y a un risque sanitaire si c'est retiré.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Jamais l'ARS n'évoque avec vous la possibilité de l'arrêt de la production ?
M. Jérôme Bonet. - Jamais. Le 20 janvier, lors de la transmission du rapport et des conclusions, j'ai formulé une exigence inédite auprès de Perrier. Je leur ai demandé de faire la preuve sous deux mois de la conformité de leur process. Cette exigence n'avait jamais été portée auparavant.
M. Laurent Burgoa, président. - Monsieur le rapporteur, avez-vous d'autres questions ?
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Je voudrais d'abord remercier Monsieur Bonet pour sa clarté dans le déroulé des faits. J'aimerais également partager un point d'étonnement : le déclassement d'un forage se fait en 3 mois ; en revanche, le traitement de la question des microfiltrations prend plus de 2 ans. Pourquoi ?
M. Jérôme Bonet. - Il est plus facile de déclasser que de maintenir.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Le déclassement est une décision beaucoup plus lourde.
M. Jérôme Bonet. - Le déclassement ne relève pas d'une décision préfectorale. C'est une demande du pétitionnaire qui souhaite transformer des forages en un autre type d'eau, en l'occurrence de l'eau de boisson. Ce n'est pas un label que je donnerais à des forages pour les faire régresser. Même si un forage devenait totalement impropre à la production d'eau minérale, il ne serait pas automatiquement déclassé en eau de boisson. Ce serait plutôt le retrait de son autorisation, sauf si le pétitionnaire souhaite en faire autre chose.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Partagez-vous tout de même mon étonnement ? Dans cette affaire, beaucoup de choses s'éternisent. Nous avons l'impression d'une sorte de torpeur administrative. Quel est votre regard ?
M. Jérôme Bonet. - Bien évidemment que c'est long, trop long. La question ne vient pas d'une inertie ou d'une hésitation des agents de l'ARS. Les aller-retour entre administrations et pétitionnaires créent une situation où... Le débat sur les compétences des laboratoires est une manière de ralentir. C'est une démarche un peu dilatoire. Je loue le dévouement des services de l'État et des fonctionnaires, mais ils ont à gérer des quantités de données phénoménales face à des monstres industriels. Les process sont longs. Ils ont été perturbés par des épisodes qui ont inquiété l'ARS. Par exemple, trois hydrogéologues ont été requis. Ils n'ont pas encore rendu leur rapport.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Dès le 6 février 2024, un compte-rendu interne à l'ARS mentionne que seul le captage Romaine 7 répond à la définition d'une eau minérale naturelle. Votre courrier du 22 mars au directeur du site de Nestlé réitère le constat de non-conformité de l'eau brute des forages aux critères de pureté originelle. Il a alors été décidé de renforcer de la surveillance analytique. Pourquoi n'avez-vous pas ordonné le déclassement du forage, considérant que nous n'étions plus en présence d'eau minérale naturelle ? Pourquoi avez-vous laissé perpétuer la fraude au consommateur ?
M. Jérôme Bonet. - Cette note du 6 février ne m'a pas été transmise.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Votre courrier reprend ses conclusions.
M. Jérôme Bonet. - Tous les écrits de l'ARS attestaient que la santé sanitaire était garantie et qu'il n'y avait pas de fraude avérée.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Il est tout de même écrit que « la pureté originelle n'est plus présente ». Ce n'est plus de l'eau minérale naturelle. Nous sommes donc bien en présence d'une fraude.
M. Jérôme Bonet. - Il m'est proposé, ce que j'ai fait, de demander à Perrier des mesures complémentaires et de renforcement de la surveillance.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Avec le recul, trouvez-cela proportionné par rapport à la fraude au consommateur qui était en train de se jouer ?
M. Jérôme Bonet. - Je ne peux pas avoir un avis différent de celui établi par l'ARS et ses spécialistes concernant la qualité intrinsèque de l'eau.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - L'ARS vous dit que ce n'est plus de l'eau minérale naturelle au sens de la pureté originelle. Incriminez-vous les modalités d'action proposées par votre service instructeur ?
M. Jérôme Bonet. - Je n'incrimine rien. Ils ont fait un constat sérieux, préoccupant, au regard duquel ils me délivrent un certain nombre de préconisations que je suis.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Ce constat de non-conformité des eaux brutes au critère de pureté originelle pourrait-il être réitéré aujourd'hui pour Romaine 4, 4 bis et 6 ?
M. Jérôme Bonet. - Je ne sais pas.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Avez-vous demandé à l'industriel d'ôter les filtres à 0,2 micron d'ici au 20 mars ?
M. Jérôme Bonet. - Non. Je lui ai demandé de faire la démonstration que son process ne porte pas atteinte aux qualités de l'eau, conformément à l'exigence de l'arrêté.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Disposez-vous d'éléments qui vous permettent d'évaluer par vous-même si ces filtres modifient le microbisme de l'eau ?
M. Jérôme Bonet. - Je ne le sais pas.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous n'avez donc pas d'informations sur les comparaisons avant/après qui ont été effectuées en Occitanie.
M. Jérôme Bonet. - Non. C'est ce qu'induit la demande que je formule.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Le directeur de l'ARS vous a-t-il indiqué que le microbisme était modifié avec les filtres à 0,2 micron ?
M. Jérôme Bonet. - Non. L'ARS m'a seulement indiqué de manière constante que cette filtration à 0,2 micron a été autorisée.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Que ferez-vous si Perrier n'apporte pas la preuve qu'il est en situation ?
M. Jérôme Bonet. - Il faudra voir quelle est la réponse.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - J'imagine que vous y avez pensé. Nous parlons de quelque chose qui arrivera dans moins d'un mois et demi.
M. Jérôme Bonet. - J'ai soumis des prescriptions à Perrier qui sont celles prévues par les textes. Si Perrier n'y répond pas, cela remettra en cause les arrêtés d'autorisation d'exploitation.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - J'aimerais revenir sur la destruction d'avril 2024. Êtes-vous d'accord avec ce qu'a dit Monsieur Jaffre lors de son audition ?
M. Jérôme Bonet. - À ma connaissance, les certificats ont été adressés et les services vérifient actuellement leur conformité aux exigences. Ce doute semble levé, mais j'attends encore le retour en tant que prescripteur.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Vous ne les avez donc pas ?
M. Jérôme Bonet. - Pas à ce jour.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Pensez-vous travailler de manière satisfaisante avec les services de l'ARS ?
M. Jérôme Bonet. - Oui. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de réunir l'intégralité des services concernés pour faire le point. Nous communiquons constamment. Par exemple, j'ai organisé une réunion en octobre avec tous les services sur le statut juridique de la microfiltration. Les choses n'avancent peut-être pas aussi vite que souhaité, mais nous ne travaillons pas en silos. Je suis en contact direct avec les agents de l'ARS qui instruisent ces dossiers.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Nous observons des rythmes différents selon les dossiers. Pourquoi demander aujourd'hui à Perrier de prouver ses affirmations sur la microfiltration et le microbisme de l'eau, alors que cette question aurait pu être posée il y a 2 ans ? Cela donne l'impression que tout s'éternise.
M. Jérôme Bonet. - Je comprends l'interrogation. Je n'étais pas là il y a 2 ans. Dès que j'ai pris connaissance de ce problème, j'ai réagi. J'ai pris des mesures en fonction de ma compréhension du sujet.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Qu'est-ce qui vous a empêché de saisir le procureur de la République au titre de l'article 40 du code de procédure pénale ?
M. Jérôme Bonet. - Je me suis posé cette question.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - À votre arrivée ?
M. Jérôme Bonet. - Non. À mon arrivée, les traitements frauduleux et interdits avaient déjà été retirés. Depuis, je n'ai pas eu connaissance d'éléments justifiant un signalement au procureur au titre de l'article 40.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - C'est donc le caractère passé des évènements qui vous a poussé à ne pas faire d'article 40.
M. Jérôme Bonet. - Tout à fait.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Revenons à l'appel téléphonique que vous avez mentionné après l'envoi de votre courrier. Que s'est-il dit lors de cet échange téléphonique avec le directeur de cabinet ? La solution que vous proposez aujourd'hui concernant les trois mois découle-t-elle de cette conversation ?
M. Jérôme Bonet. - J'ai informé le directeur de cabinet de l'interrogation que nous avions, et que nous avions transmise. Il en a pris bonne note, sans qu'aucune position me soit donnée, ni dans un sens ni dans un autre.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Quel retour avez-vous eu depuis ?
M. Jérôme Bonet. - J'ai adressé mon courrier par mail le 14 janvier. Le jour même, le directeur général de la santé m'a mis en copie d'un message adressé au directeur général de l'ARS dans lequel il dit qu'il ne modifie pas sa position.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Nous sommes dans une situation où l'autorité centrale et la préfecture ne sont pas d'accord puisque le préfet refuse d'engager ce que la DGS lui conseille. Lorsque vous demandez à l'industriel de faire la preuve de l'absence de modification du microbisme de l'eau à 0,2 micron, vous êtes en contradiction avec la DGS. Le voyez-vous ?
M. Jérôme Bonet. - La DGS ne s'est pas adressée à moi.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Elle s'est adressée à votre service instructeur, qui vous a transmis l'information. La DGS considère qu'à 0,2 micron, le microbisme est modifié. Une analyse avant-après de votre ARS aurait pu aboutir à la même conclusion. Vous prenez une décision en contradiction avec les recommandations de votre service instructeur et de la DGS. Êtes-vous d'accord ?
M. Jérôme Bonet. - Je suis en désaccord avec une préconisation sur le plan juridique.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Comprenez que cela fait désordre. Vous voyez le problème que cela pose pour notre commission d'enquête ?
M. Jérôme Bonet. - Pour autant, ce que je demande à Perrier n'avait, jusqu'à présent, été demandé par personne. Je reconnais qu'il y a un débat juridique, et j'entends le sujet de l'arrêté préfectoral. Cependant, dans les préconisations de l'ARS, il n'est jamais mentionné que Perrier contrevient à l'arrêté préfectoral du Gard.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Mais vous le savez.
M. Jérôme Bonet. - Non. Au moment où le sujet émerge, je ne le sais pas.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - Aujourd'hui, vous le savez. Votre réaction pourrait être de demander une mise en conformité avec l'arrêté.
M. Jérôme Bonet. - Nous avons accordé ces microfiltrations pendant de longs mois, voire des années. Ma position actuelle est de demander à Perrier de démontrer que les dispositions de l'arrêté de 2007 sont respectées.
M. Alexandre Ouizille, rapporteur. - En l'état de vos connaissances, considérez-vous que l'eau puisée à Perrier correspond toujours aux critères d'une eau minérale naturelle ?
M. Jérôme Bonet. - Oui, jusqu'à ce que la démonstration soit faite de l'impact du seuil de coupure à 0,2 micron.
M. Laurent Burgoa, président. - Monsieur le préfet, avez-vous échangé avec votre homologue des Vosges sur ce sujet ? Avez-vous visité le site de Perrier ?
M. Jérôme Bonet. - Lorsque j'ai demandé à la Direction générale de l'ARS de m'apporter des éléments juridiques pouvant fonder la décision qu'ils me proposaient de prendre, il m'a été indiqué que ma collègue des Vosges avait adopté la posture préconisée. Je l'ai donc appelée pour discuter de ce sujet. J'ai alors découvert que sa position était en réalité celle que j'ai finalement imposée à Perrier, à savoir de faire la démonstration. Nous avons partagé nos points de vue. La préfète des Vosges partageait mon point de vue quant au fait qu'il nous manquait un élément de droit positif.
Concernant le site de Perrier, j'ai refusé de participer à une visite de communication programmée en septembre 2024. J'ai demandé à Perrier de m'organiser une visite standard de l'outil de production, comme je le fais pour tout site industriel du Gard. Cette visite m'a permis de constater l'ampleur de l'appareil industriel en place.
Mme Antoinette Guhl. - Monsieur le préfet, je vous remercie pour ces informations très claires. J'ai deux questions. La première concerne la traçabilité : avons-nous aujourd'hui une traçabilité totale sur les usines Perrier qui distingue la production d'eau minérale naturelle de la production d'eau de boisson ? Sur le même sujet, considérez-vous qu'il est pertinent d'autoriser Perrier à faire ces deux eaux très différentes sur la même ligne de production ?
Par ailleurs, vous dites que la microfiltration à 0,2 a été autorisée. Or il faut un arrêté préfectoral pour cela. Sans arrêté préfectoral, je ne considère pas que la microfiltration à 0,2 soit autorisée. Aujourd'hui, je constate qu'aucun préfet n'a suivi le bleu dont vous avez parlé. Pouvez-vous clarifier ce point ?
M. Jérôme Bonet. - La traçabilité fait partie des écarts qui ont été notifiés à Perrier, dont nous attendons qu'il documente ce point pour garantir l'étanchéité des lignes de production. Je n'ai pas de réponse définitive aujourd'hui.
La question de la cohabitation des différents flux est très technique et dépasse mes compétences en termes de pertinence. Il me semble que le plan de transformation de Perrier prévoit de n'avoir qu'une ligne de production par forage, mais ce point est à confirmer.
Concernant l'autorisation de la microfiltration, j'entends votre point de vue. En tant que préfet, je cherche la source de droit qui me permet d'agir. C'est un fait que la microfiltration n'a pas été autorisée par arrêté préfectoral.
M. Laurent Burgoa, président. - Je ne vois pas d'autre question. Monsieur le Préfet, je vous remercie pour vos réponses. Nous avons beaucoup apprécié cette audition.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 13 h 10.